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Full text of "Revue historique"

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REVUE 


HISTORIQUE 


REVUE 


HISTORIQUE 


Paraissant  tous  les  deux  mois. 


Ne  q¥id  faUi  audêat,  ne  qmd  veri  nom  audeal  kiUoria, 

CiCÙlOR,  de  OraL  II,  i5. 


HUITIÈME   ANNÉE. 


TOME  VINGT-DEUXIÈME 


Mal-Août  1883. 


PARIS 

LIBRAIRIE  GERMER  BAILLIÈRE  et  C 

108,   BOULEVARD  S AINl^  GERMAIN 

AU      COIN      DE      LA      aUE      HAUTEFBUILLB 

1883 


LA 


FORTUNE  DE  LA  NOBLESSE 


SOUS  LOUIS  XIII 


(SuiU  et  fin.) 


IL 
DÉPENSES  ET  CHARGES. 

L  —  Service  du  Roi.  —  Causes  de  ruine  ;  obligations  qu' im- 
pose le  service  militaire.  —  Dignités  onéreuses  ;  aucun 
moyen  de  s'enrichir,  —  Le  commerce  et  V opinion,  —  Les 
gentilshommes  nécessiteux. 

Cependant,  tandis  que  les  revenus  diminuent,  les  dépenses 
augmentent.  Dépenses  de  luxe  ou  de  nécessité,  facultatives  ou 
obligatoires,  vont  toujours  croissant;  de  là  un  état  de  gêne 
visible.  «  Les  nobles,  disait  l'évêque  de  Luçon  en  1614,  aussi 
pauvres  d'argent  que  riches  en  honneur  et  en  courage,  ne  peuvent 
avoir  ni  charges  en  la  maison  du  roi,  ni  ofiBices  en  la  justice, 
puisqu'on  ne  parvient  plus  à  tels  honneurs  que  par  des  moyens 
dont  ils  sont  dépourvus  ^  »  Les  dons,  les  subventions  n'allaient 
pas  à  la  masse  de  la  noblesse  ;  un  petit  nombre  seulement  en  pro- 
fitait. Pendant  qu'un  Nicolas  de  l'Hôpital  gagne  à  la  cour 
120,000  liv.  de  rente,  qu'un  comte  de  Nogent,  venu  à  Paris 
avec  800  liv.  de  revenu,  s'en  retourne  à  la  mort  de  Louis  XIII 
avec  180,000,  qu'il  avait  acquises  par  son  adresse',  un  grand 

1.  Richelieu,  Mém.f  I,  84. 

2.  L'Hôpital  avait  eu  4,000  liv.  de  rente  de  légitime  de  ses  parents.  Nogent 
était  capitaine  des  coches  de  la  porte  et  frère  de  Gaillaome  de  Bautni. 

ReV.   HiSTOB.   XXII.   i«'  PA8C.  i 


2  G.    D^ATENEL. 

nombre  d^anciennes  familles,  «  ruinées  par  les  dépenses  aussi 
bien  que  par  les  dévastations  qu'entraînent  à  leur  suite  quarante 
années  de  guerre  civile,  voient  leurs  biens  passer  entre  les  mains 
de  créanciers  * .  »  Un  édit  avait  déclaré  incompatibles  les  grands 
offices  de  cour  et  d'armée  (maréchal  de  France,  colonel  de  gens 
depied,  gouverneur  de  province,  etc.),  «  afin,  disait  le  roi,  que  nous 
ayons  moyen  de  récompenser  notre  noblesse,  et  que  plusieurs  se 
puissent  ressentir  de  nos  libéralités  et  bienfaits  '.  »  Cet  édit  ne  fut 
pas  observé  ;  Teût-il  été,  on  ne  pouvait  songer  à  donner  des 
postes  lucratifs  à  un  corps  de  plusieurs  centaines  de  mille 
hommes. 

€  Le  tiers,  écrivait-on  au  xvi*  siècle,  est  le  plus  populeux 
des  trois  états  :  sersiit  le  plus  riche  si  Ton  prenait  moins  sur  lui. 
La  noblesse  est  le  moindre  en  nombre,  le  moins  riche  de  tous 
les  trois  ;  mais  sur  lui,  le  prince  ne  prend  rien  que  le  service  de 
répée^.  »  Ce  genre  de  service  était  fort  onéreux.  Durant  la  guerre 
de  Trente  ans,  les.  gentilshommes,  «  pour  se  trouver  en  bon  équi- 
page dans  les  armées,  avaient  tellement  prodigué  leurs  biens, 
que  la  plupart  en  étaient  très  incommodés,  jusques  à  souffrir  des 

condamnations  en  leurs  personnes  etdes  saisies  en  leurs  biens » 

On  dut,  pour  les  mettre  à  même  de  continuer  leur  service  et  les 
sauver  d'une  entière  ruine,  «  défendre  de  les  constituer  prison- 
niers pour  dettes,  et  de  faire  vendre  leurs  biens  par  décrets  ^  » 
Les  pensions  avaient  beau  être  augmentées,  «  la  noblesse,  qui 
achetait  au  prix  de  son  sang  l'argent  qu'on  lui  donnait,  en 
dépensait  deux  fois  autant  de  son  patrimoine,  et  laissait  bien 
souvent  ses  enfants  nécessiteux  ^.  »  On  commence  à  parler  sous 
Richelieu  des  «  pauvres  gentilshommes,  »  à  s'occuper  de  les 
secourir,  de  «  les  employer  avec  bons  appointements,  »  de  faire 
instruire  gratuitement  leurs  flls^.  Les  comptes  de  l'Epargne  men- 

1.  Picot,  Etats  généraux ^  IV,  154.  a  Elles  réclamaient  le  droit  de  retirer 
en  1614  les  biens  vendus  depuis  1575,  moyennant  restitution  de  la  somme  ver- 
sée. 0  Guizot  {Ilist,  de  la  Civilisation,  356)  signale  le  même  fait  en  Angleterre. 
«  La  ch.  des  Lords  était  au  commencement  du  xvu"  siècle  beaucoup  moins 
riche  que  la  ch.  des  Communes,  i 

2.  Edit  de  mai  1579. 

3.  Hurault,  Discours  (en  1591),  p.  29. 

4.  Déclaration  du  Roy,  29  avril  1639. 

5.  Discours  du  P.  P.  de  la  Ch.  des  comptes  en  décembre  1626. 

6.  Déclaration  du  16  février  1626. 


LA   FORTUITE   DE  LA  NOBLESSE  SOUS  ^OITIS  XIII.  3 

tionnent  sans  cesse  des  «  gentilshommes  nécessiteux  »  à  qui  le 
roi  feit  don  de  quelque  monnaie  «  par  charité  et  aumâne.  >  A 
côté  d'un  4c  pauvre  roulier  »  qui  reçoit  12  liv.  «  en  considération 
de  sa  pauvreté  »,  et  «  d'une  pauvre  femme  à  terme  de  maladie  » 
qui  en  reçoit  45,  figurent  de  «  pauvres  gentilshommes  »  qui  ont 
obtenu  10, 12  ou  16  liv.  pour  <  les  aider  à  vivre  »  ou  «  subvenir 
à  leur  nécessité  ^ .  » 

Pour  ceux  qui  exerçaient  les  grands  commandements,  qui 
possédaient  les  dignités  enviées,  à  côté  des  bénéfices,  il  y  avait 
les  obligations  ruineuses  de  l'emploi.  Un  colonel,  un  capitaine 
était  moralement  tenu  de  payer  de  sa  poche  la  solde  de  ses 
hommes,  si  l'État  ne  le  faisait  pas.  Un  gouverneur  s'engageait 
tacitement  à  réparer  avec  son  propre  argent,  s'il  le  fallait,  — 
et  il  le  fallait  souvent,  —  les  remparts  de  la  citadelle  que  S.  M. 
lui  avait  confiée.  Le  remboursement  de  ces  avances  s'efiectuait 
ensuite  difficilement  ;  on  devait  mettre  en  jeu  de  hautes  influences 
pour  l'obtenir.  La  plupart  ne  l'obtenaient  jamais  :  le  maréchal 
de  Brezé  se  plaint  des  lourdes  dépenses  que  lui  occasionne  le  gou- 
vernement de  Calais  (1636).  D  lui  faut  avancer  la  solde  de  la 
garnison  ;  «  il  a  vendu  à  cet  efiet  sa  vaisselle  d'argent  ;  il  doit 
envoyer  tousles  samedis 2,000 fr.  à  Calais;  il  s'y  ruine*.  »  «  Les 
gouverneurs  de  la  Capelle  et  du  Catelet,  dit  avec  indignation 
Fontenay-Mareuil,  se  persuadaient  tellement  que  le  roi  était 
obligé  de  pourvoir  à  tous  leurs  besoins,  qu'ils  n'avaient  pas 
voulu  mettre  un  denier  du  leur  à  l'entretien  de  leurs  murailles  '.  » 
D'autres  dépenses  somptuaires  étaient  inséparables  des  titres  de 
cour.  Les  capitaines  des  chasses  traitaient  le  roi  quand  il  venait 
dans  ses  châteaux  ;  Bassompierre  dépense  ainsi  10,000  écus  en 
dix-sept  jours  qu'il  reçoit  Henri  IV  à  Monceaux  ^ 

1.  Compte  de  l'Épargne,  KK,  201,  fol.  3505  (en  1614).  Arch.  nationales. 
«  2.  Lettres  etpap,  d'État,  Y,  575.  Urbain  de  Maillé,  marquis  de  Brezé,  1597- 
1650.  De  la  maison  de  Maillé;  mais  la  maison  de  Brezé  étant  entrée  dans  la 
sienne,  il  en  devait  porter  le  nom.  Epousa  (1617)  Nicole  du  Plessis-Richelieu, 
sœur  du  cardinal,  qui  mourut  en  1635,  folle  et  enfermée;  1620,  capitaine  des 
gardes  de  la  reine;  ambassadeur,  1627;  1632,  capitaine  des  gardes  du  roi; 
1632,  maréchal  de  France,  plus  tard  vice-roi  de  Catalogne.  Le  cardinal  dégagea 
tout  son  bien  ;  Brezé  eut  pour  maîtresse  la  femme  d'un  de  ses  valets  de  chambre, 
avec  qui  il  vécut  scandaleusement.  Gouverneur  d'Anjou  et  de  Saumor;  il  y 
était  peu  aimé  de  la  noblesse. 

3.  Font.-Mareuil,  Mém,,  251. 

4.  Mém,,  129. 


G.    d'aYBNEL. 


On  ne  s'enrichissait  pas  toujours  à  la  guerre.  Condé  demandait 
10^000  écus  «  pour  se  mettre  en  équipage  »  aân  de  combattre  le 
duc  de  Rohan  ;  mais  tout  le  monde  ne  pouvait  se  faire  indemni- 
ser ainsi  d'avance  de  ses  frais  d'entrée  en  campagne  ^  Le  comte 
d'Harcourt  n'avait  d'autre  bien  que  son  épée  *.  Le  duc  de  Weimar 
ne  laisse  en  mourant  que  les  40  ou  50,000  liv.  de  rente  qu'il 
avait  reçues  de  sa  maison  ^.  On  songe  à  donner  au  maréchal  de 
Guébriant  la  ferme  des  cartes  à  jouer  pour  l'aider  à  vivre,  «  parce 
qu'il  n'a  d'autre  vaillant  que  l'honneur  *.  »  En  revanche  on  se 
ruinait  souvent  dans  les  armées.  Le  duc  de  Villars  y  mangea 
800,000  écus  d'argent  comptant,  et  60,000  liv.  en  fonds  de 
terre '^.  La  vie  de  hasard  que  l'on  mène  à  la  guerre  n'est  pas 
trop  faite  pour  inspirer  le  goût  de  l'économie  ;  Pontis  passe  avec 
son  régiment  près  de  la  terre  dont  il  porte  le  nom,  y  demeure 
4  ou  5  jours  avec  quinze  ou  vingt  officiers  des  gardes,  et  les 
régale  si  bien  qu'il  y  dévore  le  revenu  de  deux  années®. 

Après  cela  on  empruntait  pour  vivre.  Lisez  les  gazettes  sati- 
riques :  «  Il  s'observe  une  coutume  fort  louable qui  est  qu'un 

homme,  qui  n'a  fonds,  meubles,  rentes,  cens,  héritages  ni  caution, 
trouve  qui  lui  prête  de  l'argent,  à  la  charge  de  le  rendre,  quand 
il  sera  riche ^.  »  Les  dettes  n'étaient  pas  cependant  à  la  portée 
de  tous  ;  expédient  passager  d'ailleurs,  et  non  ressource  perma- 
nente. Â  ne  consulter  que  les  documents  officiels,  la  noblesse 
paraît  demander  le  droit  de  faire  le  «  grand  trafic  *  sans  déro- 
ger ;  celui  d'avoir  «  part  et  entrée  en  commerce  »  sans  déchoir 
de  son  privilège  ;  mais  à  sonder  profondément  l'opinion,  on 
s'aperçoit  que  ces  vœux  étaient  simplement  émis  pour  la  forme, 
personne  dans  l'aristocratie  n'ayant  sérieusement  l'intention  de 
profiter  de  l'autorisation,  au  cas  où  elle  eût  été  donnée.  Plus 
d'une  occasion  s'offrit  aux  gentilshommes  de  s'intéresser  à  des 
entreprises  commerciales,  de  se  faire  armateurs,  colons,  indus- 

1.  Richelieu,  Mëm.,  I,  492. 

2.  Lettres  et  pap.  d'Etat,  VI,  15. 

3.  Richelieu,  Mém.,  III,  85. 

4.  Jean-Baptiste  Budes,  comte  de  Guébriant,  d'une  ancienne  famille  bre- 
tonne, né  1602,  maréchal  1642,  f  1643.  Avait  épousé  M"*  du  Bec-Crespin  (d'une 
bonne  maison,  issue  des  Grimaldi). 

5.  Tallemant,  I,  201. 

6.  Pontis,  Mém.,  553. 

7.  Bibliothèque  nationale,  Le  Courrier  véritable  arrivé  en  poste,  en  1632. 


LA  FORTU!<ÎE  DE  LA  NOBLESSE   SOUS  LOUIS   XIII.  5 

triels  ;  ils  ne  s'en  souciaient  aucunement.  Ce  qu'il  faut  accuser 
ici,  ce  n'est  pas  le  gouvernement,  ce  sont  les  mœurs.  Tout  moyen 
de  dépenser  l'argent  était  noble,  c'est-à-dire  glorieux  ;  presque 
toutes  les  manières  de  le  gagner  étaient  roturières,  c'est-à-dire 
peu  estimables. 

Le  seigneur  besoigneux  attend  tout  de  la  faveur  ou  des  chances 
de  la  vie  de  cour.  En  attendant,  il  vit  de  peu,  tout  en  s'efforçant 
de  faire  bonne  figure.  Chabot,  le  futur  mari  de  M"®  de  Rohan, 
vivait  gratis  à  la  table  de  Goulas,  secrétaire  de  Monsieur,  et 
empruntait  pour  aller  au  bal  des  habits  et  du  linge  au  maître  des 
requêtes  Tallemant  *.  Racan,  capitaine  des  gendarmes  du  maré- 
chal d'Effiat,  logeait  dans  un  cabaret  borgne,  où  le  soir  «  on  lui 
trempait  un  potage  pour  rien  *.  »  Comment  se  plaindre  ou  se 
désespérer,  alors  que  les  fluctuations  de  la  politique  faisaient 
mourir  la  reine  mère  du  roi  dans  la  misère,  et  que  la  France 
vendait  sans  vergogne  les  meubles  et  les  pierreries  de  cette  prin- 
cesse pour  payer  les  dettes  qu'elle  avait  contractées  ^? 

II.  —  Train  de  maison.  —  Personnel  :  organisation  intér- 
rieure,  officiers ,  domestiques  et  serviteurs.  —  Pages; 
hommes  de  lettres  domestiques.  —  Trains  d^apparat, 
plusieurs  maisons  montées  à  la  fois.  —  Hospitalité  et 
clientèle.  —  Besoin  de  paraître.  —  Equipages  :  car- 
rosses, leur  nouveauté,  leur  luxe.  —  Train  de  voyage. 
—  Chevaux,  leur  nombre.  —  Chaises  à  porteur.  — 
Table  :  collation  bourgeoise  ;  repas  de  gentilshommes.  — 
Leur  profusion  ;  qualité  des  mets.  —  Vaisselle  d' argent , 
étiquette  et  service  à  table.  —  Habitations  :  les  nouveaux 
hâtels  de  Paris.  —  Lu^e  des  appartements,  mobilier, 
tentures,  objets  d'art. 

A  la  noblesse  riche,  les  convenances  sociales  et  la  vie  mon- 
daine imposent  des  charges  écrasantes.  Pour  un  homme  d'un 
rang  un  peu  élevé,  certain  superflu  est  plus  indispensable  que  le 

1.  Montpensier,  Mém.;  Tallemant,  VIII,  138. 

2.  Ihid.,  III,  123. 

3.  Richelieu  avait  quarante  premiers  officiers  de  sa  maison  (cf.  son  testa- 
ment). Son  intendant  était  le  marquis  de  Sourdis,  son  premier  écuyer  le 
s'  d'flebaudy,  son  argentier  La  Borde,  dont  parle  Tallemant,  VI,  228. 


6  G.    D^AVEÎfKL. 

nécessaire.  Le  luxe,  apporte  d'Italie  et  d'Espagne  au  siècle  pré- 
cédent, n'est  pas  encore  répandu  dans  la  masse  de  la  nation, 
mais  il  est  poussé  à  son  conû)le  par  la  haute  classe.  Luxe  gran- 
diose plus  que  confortable  :  les  fils  des  rudes  guerriers  ligueurs 
ou  huguenots,  qui  vivent  à  cette  époque  de  transition,  préfèrent 
le  déploiement  extérieur  au  rafQnement  intime.  Econome  et 
calculateur,  le  gentilhomme  conserve  encore,  sans  compromettre 
ses  finances,  «  un  train  fort  propre  et  en  bon  état  »  —  mais  s'il 
est  «  magnifique  et  libéral  »  selon  le  goût  du  temps,  s'il  veut 
avoir  des  tableaux,  des  bijoux,  des  chevaux,  des  chiens,  des 
oiseaux,  des  mignonnes,  jouer,  faire  grande  chère  et  être 
superbement  meublé ,  il  est  vite  réduit  aux  expédients  et  à  la 
détresse. 

Le  train  de  vie  habituel  est  déjà  fort  lourd.  Chaque  hôtel  est 
organisé  comme  une  petite  cour.  La  maison  d'un  grand  seigneur 
est  une  vaste  administration.  Depuis  l'intendant  qui  plane  sur  le 
tout  jusqu'au  dernier  des  laquais ,  chaque  branche  du  service 
comprend  une  série  de  domestiques  qui,  sous  les  ordres  des  chefs 
d'emploi  —  le  maître  d'hôtel,  l'argentier,  le  premier  aumônier, 
le  premier  secrétaire,  le  premier  écuyer,  le  premier  valet  de 
chambre,  cuisinier,  sommelier,  cocher  et  muletier  —  ont  pour 
mission  de  veiller  aux  besoins  moraux  et  matériels  du  maître. 
L'intendant  faisait  la  recette  générale  des  revenus,  et  gardait  à 
titre  de  gages  jusqu'à  5  0/0  des  sommes  qu'il  encaissait  * ,  sans 
compter  ce  qu'il  s'attribuait  induement.  Les  autres  ofSciers,  dont 
les  appointements  étaient  assez  faibles,  se  payaient  en  nature. 
«  Mon  sommelier,  disait  le  grand  prieur  de  la  Porte,  dit  que  le 
vin  lui  appartient,  dès  qu'il  est  à  la  barre  (du  tonneau),  et  n'a 
point  d'autre  raison  à  alléguer,  sinon  qu'on  en  use  ainsi  chez 
M.  le  Cardinal  ;  le  piqueur  prétend  que  le  lard  est  à  lui  dès  qu'il 
en  a  levé  deux  tranches  ;  le  cuisinier  n'est  pas  plus  homme  de 

1.  Lettres  et  pap.  d'État,  V,  483  (pour  le  s'  de  Pont-Courlay).  Dépenses 
sûres  du  duc  d'Epernon  (d'après  les  mss.  Godefroy,  CXXX,  2).  Dépenses  ordi- 
naires de  la  maison  de  Mgr,  à  raison  de  5,000  Ut.  par  mois,  60,000  ;  pour  la 
pension  de  Mgr  le  duc  de  la  Vallette,  32,000  ;  habits  et  menus  plaisirs,  6,000  ; 
habiUements  de  son  train,  2,400;  gages  de  ses  officiers,  2,000;  aumônes  et 
menues  dépenses,  2,000;  six  gardes,  1,200;  diminution  qu'il  peut  y  avoir  sur 
les  rentes,  15,000;  appointements  de  M.  Cartier,  6,000  ;  de  M.  le  comte  de  Maillé, 
1,500;  de  M-  d'Escoyeux,  1,200;  de  M.  MéUvier,  1,500;  de  Moy,  1,800. 
ToUl  :  132,600  Ht. 


LA   FORTUIfE  DE  LA  NOBLBSSE  SOUS  LOUIS  XIII.  7 

bien  qu'eux,  ni  l'écuyer,  ni  les  cochers,  sans  parler  du  maître 
d'hôtel  qui  est  le  voleur  major  ;  mais  ce  qui  me  chicane  le  plus, 
c'est  que  mes  valets  de  chambre  médisent  :  Monsieur,  vous  portez 
trop  longtemps  cet  habit;  il  nous  appartient ^  »  Le  général  des 
galères  Pont-Courbay,  dont  le  revenu  est  de  60,000  liv.,  feit  en 
deux  ans  400,000  liv.  de  dettes,  en  négligeant  de  régler  sa  mai- 
son, et  en  entretenant  «  une  multiplicité  de  valets  et  de  personnes 
inutiles.  »  Il  n'avait  pas  moins  de  cinq  gentilshommes,  six  secré- 
taires et  six  valets  de  chambre.  Réduit  à  ce  qu'on  jugeait  le  strict 
nécessaire,  il  lui  restait  encore  un  train  de  quarante-quatre  per- 
sonnes, dont  seize  au  service  de  sa  femme '. 

Les  laquais,  placés  au  dernier  rang  dans  la  hiérarchie  domes- 
tique, personnalités  sans  conséquence,  dont  le  maître  ignorait 
souvent  les  noms^,  formaient  dans  la  maison  d'un  seigneur  une 
troupe  imposante,  —  vingt-cinq  ou  trente  à  l'ordinaire,  —  l'effec- 
tif d'une  compagnie  de  gens  de  pied.  Trois  d'entre  eux  se  tenaient 
toujours  debout  derrière  les  carrosses.  La  nuit  on  se  faisait  porter 
le  flambeau  dans  les  rues  par  un  laquais  ^  ;  —  le  moindre  gentil- 
homme en  usait  ainsi.  —  On  allait  à  l'église  suivi  d'un  page, 
qui  portait  un  carreau  de  velours,  et  d'une  escouade  de  laquais  ; 
en  promenade,  une  dame  avait  des  laquais  qui  portaient  le  car- 
reau, le  parasol,  l'écharpe,  la  coiffe,  le  mouchoir'^ 

Les  princes,  les  ducs  et  beaucoup  de  gens  de  qualité  avaient, 
outre  leur  maison  civile,  une  maison  militaire,  gardes,  estafiers, 
qui  les  accompagnaient  à  pied  et  à  cheval  ;  gentilshommes  qui 
leur  faisaient  escorte^.  Quelques-uns  entretenaient  des  domes- 
tiques d'un  genre  spécial.  Le  prince  de  Joinville  avait  trois 
trompettes  à  son  service  ^  ;  Richelieu,  un  joueur  de  viole  attitré  : 


1.  Tallemant,  X,  169. 

2.  Lettres  et  pap.  (PÉtat,  \,  483,  502. 

3.  On  les  appelait  simplement  laquais,  ou  d'un  nom  de  province,  Cham- 
pagne, Bourguignon,  ou  d'un  surnom,  Verdurej  La  Violette.  Il  y  avait  entre 
les  laquais  (valets  de  pied  d'aujourd'hui)  et  les  valets  de  chambre,  gens  d'im- 
portance dans  la  maison,  une  démarcation  profonde. 

4.  Pontis,  Mém.f  551.  Il  n'y  avait  pas  de  réverbères,  et  Paris  n'était  pas  plus 
avancé  à  cet  égard  que  du  temps  de  Philippe-Auguste. 

5.  Cf.  Furetière,  Roman  bourgeois,  et  TaUemant,  VIII,  70. 

6.  Tallemant,  IX,  9;  Font.-Mareuil,  264.  L'ambassadeur  d'Espagne  à  Rome 
avait  quarante  estafiers. 

7.  Plus  tard  duc  de  Chevreuse.  Arch.  nal.,  KK.  201.  Compte  de  l'argenterie. 


8  G.    d'aYENEL. 

le  fameux  Maugars.  Aux  demoiselles  de  grande  maison  il  faut, 
à  rimitation  des  filles  de  France,  un  équipage  particulier. 
M"''  de  Rohan  possède  un  écuyer.  Dans  les  collèges,  le  jeune  gen- 
tilhomme a  son  gouverneur,  son  précepteur  et  ses  laquais.  Les 
premiers,  dans  la  maison  d'un  grand,  ont,  aux  frais  du  maître, 
un  train  personnel.  Le  Père  Joseph,  chez  le  Cardinal,  jouit  d'un 
carrosse,  d'une  litière  et  de  mulets  pour  le  voyage. 

M.  le  Prince  tenait  des  équipages  complets  en  plusieurs  mai- 
sons ;  c'était  un  luxe  délicat  et  assez  répandu.  Bassompierre, 
emprisonné  depuis  cinq  ans  à  la  Bastille,  gardait  encore  tout  son 
train  à  Paris,  et  meublait  richement  une  maison  qu'il  bâtissait  à 
Chaillot*.  La  duchesse  d'Angoulême  garda  pendant  vingt-huit 
ans  sa  maison  toute  montée  à  Tours,  bien  qu'elle  eût  «  fait  un 
nouveau  train  »  à  Paris  où  elle  habitait  *. 

Un  seigneur  un  peu  qualifié  avait  aussi  des  pages  en  assez 
grand  nombre,  auxquels  il  faisait  apprendre  tous  les  exercices, 
et  qui  pour  la  plupart  étaient  de  race  noble.  Richelieu  n'admettait 
à  remplir  dans  sa  maison  ces  fonctions  honorifiques  que  des  fils 
de  comtes  ou  de  marquis.  Le  jeune  homme  «  nourri  page  » 
dans  une  maison  illustre,  —  selon  le  sens  latin  du  mot,  —  en 
portait  la  livrée.  La  livrée  n'avait  encore  rien  de  bas,  c'était  un 
honneur  de  la  revêtir  ;  on  l'endossait  comme  au  moyen  âge  on 
arborait  les  couleurs  de  son  chef.  Avec  le  temps,  les  simples  gen- 
tilshommes, n'ayant  plus  ni  soldats,  ni  pages,  ne  firent  plus 
porter  leurs  couleurs  que  par  des  laquais,  et  leur  livrée  devint 
honteuse,  tandis  que  la  livrée  du  roi,  appelée  plus  tard  Vuni'- 
forme^  demeurait  seule  glorieuse  et  recherchée.  Les  pages  ne 
rendaient  qu'un  service  de  parade,  précédant  le  seigneur  en 
diverses  circonstances,  et  portant  en  cérémonie  la  queue  de 
Madame;  mais  nul  dans  un  certain  rang  ne  pouvait  se  dispenser 
d'en  avoir  ^. 

On  était  également  tenu  par  la  mode  d'avoir  sur  l'état  de  sa 
maison  un  homme  de  lettres  en  vogue ,  «  gentilhomme  di  belle 
littere,  »  usage  italien  adopté  en  France.  Les  gens  d'esprit  à 
vos  gages  composaient  des  vers  pour  vous,  «  vous  entretenaient 

1.  Bassompierre,  Mém.,  337. 

2.  Tallemant,  I,  176. 

3.  M"*  Arnaud  avait  des  pages.  CaToye,  capitaine  des  gardes  de  Richelien, 
aTait  deux  petits  pages. 


LA   FORTUNE   DE  LA   NOBLESSB   SOUS   LOUIS  XIII.  9 

d*UQ  million  de  choses,  et  vous  disaient  quel  jugement  il  fallait 
faire  des  ouvrages  du  moment.  »  Le  duc  de  Longueville  donnait 
à  Chapelain  une  pension  de  2,000  liv.  ;  Mairet,  un  des  médiocres 
poètes  du  temps,  recevait  1,500  liv.  par  an  du  duc  de  Montmo- 
rency*; Corneille  avait  une  chambre  à  l'hôtel  de  Guise*;  le 
marquis  d'Uxelles  payait  à  Gombauld  un  laquais  et  un  cheval, 
afin  de  se  faire  faire  par  lui  ses  lettres  d'amour  «  dans  les  desseins 
de  mariage  ou  de  galanterie  qu'il  pouvait  avoir^.  »  Les  emplois 
domestiques  de  secrétaire,  de  maître-d'hôtel,  d'écuyer  étaient  par- 
fois donnés  à  des  littérateurs  pour  les  faire  vivre.  La  marquise  de 
Sablé  avait  La  Mesnardière  à  titre  d'homme  de  lettres,  autant 
qu'à  titre  de  médecin  ;  la  princesse  de  Conti  avait  à  ses  gages 
Porchères  l'Augier,  l'auteur  du  Camp  de  la  place  Royale.  On 
le  chargeait  de  faire  les  ballets  ;  il  s'intitulait  «  Intendant  des 
Plaisirs  Nocturnes.  »  Montereul,  de  l'Académie,  était  au  prince 
de  Conti,  son  neveu.  M.  d'Epernon  avait  à  lui  Balzac  ;  le  cardi- 
nal de  la  Vallette,  son  fils,  pensionnait  Mondory,  le  célèbre 
acteur*.  Beaucoup  d'écrivains  avaient  leur  couvert  mis  chaque 
jour  à  quelque  table  aristocratique.  Furetière  nous  montre  un 
poète  léguant  à  sa  mort  un  grand  agenda  ou  Almanach  de 
dîners^  dans  lequel  sont  contenus  «  les  noms  et  demeures  de 
toutes  ses  connaissances  avec  les  observations  qu'il  a  faites  pour 
découvrir  le  faible  des  grands  seigneurs,  le  flatter  et  gagner 
leurs  bonnes  grâces,  ensemble  celles  de  leurs  suisses  et  ofSciers 

de  cuisine »  Il  était  distribué  par  jour  :  le  Lundi  chez  tel 

intendant,  le  Mardi  chez  tel  prélat,  le  Mercredi  chez  tel  prési- 
dent^   Cette  hospitalité  ne  suppose  pas  nécessairement  le 

besoin  chez  celui  qui  en  profite  —  Voiture,  qui  avait  18,000  liv. 
de  rente,  dînait  tous  les  jours  à  l'hôtel  de  Rambouillet,  —  elle 
marque  surtout  chez  celui  qui  l'exerce  le  goût,  si  développé 
alors,  d'une  clientèle  que  par  tous  les  moyens  on  cherche  à 
accroître  et  à  maintenir. 
Notre  société  démocratique  a  perdu  la  notion  de  ces  rapports 


1.  T^Uemant,  HT,  156;  lU,  147. 

2.  Ibid.,  X,  235. 

3.  /wd.,  nr,  130. 

4.  Noos  ne  parlons  pas  de  ceux  qui  reeeTaieot  pension  de  Richelieu  ;  le  pre- 
mier ministre  agissait  par  goût  et  non  par  mode. 

5.  Baman  bourgeoù,  II,  91. 


0  G.    d'aVENEL. 

de  dépendance  honorable  entre  patron  et  client  dans  l'ancienne 
Rome,  suzerain  et  vassal  au  moyen  âge,  seigneur  et  domestique 
au  xYif  siècle.  Ces  amis  inférieurs,  qui  ne  sont  pas  des  pigue^ 
assietteSy  mais  qui  acceptent  sans  humilité  ce  qu'un  autre  se 
fait  gloire  de  donner,  n'ont  pas  d'analogues  aujourd'hui.  Le  soin 
extrême  de  l'égalité,  qui  rend  blessante  toute  idée  àe protection^ 
rehausse  la  dignité  individuelle,  mais  relâche  le  lien  social.  Ce 
terme  :  être  à  quelqu'un  y  qui  révolterait  les  contemporains, 
paraissait  tout  naturel  sous  Louis  XIU.  Celui  qui  était  à  un 
grand  seigneur  avait  place  à  sa  table,  et  se  servait  de  ses  car- 
rosses ;  s'il  ne  logeait  pas  à  son  hôtel,  il  y  envoyait  chaque  soir 
«  quérir  sa  chandelle,  »  se  faisait  soigner  gratis  par  son  chi^ 
rurgien,  et  en  recevait  mille  petits  ofSces.  Les  familiers  du  comte 
de  Soissons,  du  duc  de  Nemours  prenaient  sans  cérémonie  un  des 
carrosses  des  hôtels  de  Soissons  ou  de  Nemours.  Dans  chaque 
demeure  seigneuriale,  plusieurs  voitures  ne  faisaient  d'autre  ser- 
vice que  celui  àe&  domestiques.  La  cuisine  d'un  personnage  ser- 
vait à  nourrir  non  seulement  ses  gens,  mais  encore  leurs 
familles,  et  quelquefois  leurs  amis,  qui  tous  vivaient  à  ses  frais, 
dans  son  hôtel,  et  agissaient  comme  chez  eux.  Ceux  à  qui  des 
dettes  ou  des  actions  peu  régulières  faisaient  redouter  la  prison 
trouvaient  asile  et  protection  dans  les  communs  de  ces  vastes 
maisons,  hôtelleries  sympathiques  et  gratuites  ^ . 

«  Le  maréchal  de  Vitry  défendait  aux  gens  de  la  ville  voisine 
de  son  château  de  loger  personne,  parce  qu'il  voulait  recevoir 
chez  lui  tous  ceux  qui  le  venaient  visiter,  par  un  esprit  bien  dif- 
férent de  celui  de  beaucoup  de  seigneurs  d'aujourd'hui  (ceci 
était  écrit  sous  Louis  XIV),  qui  ont  fait  venir  la  mode  d'envoyer 
à  l'hôtellerie  tous  les  équipages  de  leurs  amis  ^.  >  On  y  mettait 
de  l'amour-propre  :  l'ambassadeur  de  France,  revenant  d'Angle 

terre  avec  400  personnes,  tient  à  défrayer  tous  ceux  qui  passent 

« 

1.  Voyez  Pontis,  Mém.,  653;  Tallemant,  VU,  55;  VIII,  230. 

2.  Abbé  Arnaud,  Mém.,  510.  L'auteur  des  Mémoires  de  M.  le  comte  de 
Rochefort  (Sandraz  de  Courtilz)  écrivait  de  son  côté  Ters  la  fin  du  xvii*  siècle  : 
c  Comme  (ce  gentilhomme)  n'avait  pas  envie  de  se  ruiner,  il  suivait  une  cer- 
taine maxime  fort  en  usage  aujourd'hui,  qui  est  d'aimer  beaucoup  à  régaler 
les  maîtres,  mais  à  n'être  point  chargé  ni  des  valets  ni  des  chevaux.  Ainsi  il 
avait  fait  bâtir  une  grande  hôtellerie  à  deux  cents  pas  de  chez  lui,  afin  que, 
sous  prétexte  de  n'en  point  trouver,  on  ne  vint  rompre  cette  loi...;  les  petits 
hobereaux  grondaient  un  peu,  mais  on  ne  s'en  souciait  pas > 


LA   FORTUITE  DE  LA  NOBLESSE  SOUS  LOUIS  XIII.  44 

la  mer  avec  lui.  Il  dépense  ainsi  14,000  écus  à  Douvres  en  qua- 
torze jours  en  attendant  un  vent  favorable  ^  Le  faste  prenait 
parfois  en  ce  genre  la  forme  d*une  libéralité  brutale  qui  choque 
nos  susceptibilités  modernes,  mais  qui  semblait  alors  digne  d'ad- 
miration. Souscarrière  servit  ainsi  deux  mille  louis  d'or  dans  un 
plat  au  roi  d'Angleterre,  en  un  repas  qu'il  fit  chez  lui  à  Paris*. 
Le  duc  de  Lerme,  traitant  Monsieur  en  Flandre,  faisait  apporter 
à  la  fin  des  repas  «  deux  sacs  de  1,000  pistoles,  au  bout  de  la 
table,  pour  ceux  qui  voulaient  jouer* » 

Entre  maîtres  et  serviteurs,  bien  que  la  distance  sociale  fut 
grande^  l'union  était  néanmoins  profonde  ;  les  contrats  étaient 
plus  sérieux  qu'ils  ne  le  furent  par  la  suite.  Certaines  coutumes 
prescrivaient  à  «  tous  gens  n'ayant  pas  de  biens  suffisants ,  ou 
n'étant  pas  d'un  état  capable  pour  s'entretenir,  de  se  donner 
aussitât  au  service  des  honnêtes  gens^;  »  mais  le  service  des 
honnêtes  gens  n'avait  rien  de  vil.  Le  chef  s'intéressait  à  ses 
domestiques,  leur  honneur  était  lié  au  sien,  il  en  était  en  quelque 
sorte  responsable.  Ceux-ci,  de  leur  côté,  prenaient  à  cœur  la 
dignité  de  sa  maison.  Les  luttes  de  préséance  entre  carrosses,  si 
fréquentes  dans  les  rues  de  Paris,  se  terminaient  souvent  par  des 
batailles  où  les  laquais  mettaient  volontiers  l'épée  à  la  main. 
M.  de  Tilladet  fut  ainsi  tué  par  les  gens  du  duc  d'Epernon^.  Les 
valets  se  piquaient  de  galanterie  pour  le  compte  de  leur  patron  : 
un  laquais  de  Bassompierre  voyant  une  dame  traverser  la  cour 
du  Louvre,  sans  que  personne  lui  portât  la  robe,  alla  la  prendre 
en  disant  :  «  Encore  ne  sera-t-il  pas  dit  qu'un  laquais  de  M.  le 
maréchal  de  Bassompierre  laisse  une  dame  comme  cela  ^  !  > 

Les  trains  somptueux  que  le  grand  seigneur  entretenait  à  l'or- 
dinaire, dans  son  château  et  à  Paris,  n'étaient  rien  auprès  du 
faste  presque  royal  qu'il  lui  fallait  déployer  quand  une  circons- 
tance particulière  de  sa  vie  ou  une  fonction  considérable  le  mettait 
en  évidence.  Ce  n'est  plus  une  dizaine  de  gentilshommes  qui  le 
suivaient  alors  à  la  promenade,  ni  une  garde  de  quelques  soldats 

1.  Bassompierre,  Mém,^  257. 

2.  T&Ilemant,  VII,  103. 

3.  Duc  d'Orléans,  Mém.,  602. 

4.  Coatume  de  Fume,  titre  34. 

5.  G.  PaUn,  lettre  III,  46  (éd.  ReTeUlé). 

6.  Tailemant,  IV,  199.  Cf.  Bassompierre,  363. 


12  G.    D*AVE!fEL. 

qui  fait  le  service  de  son  hôtel  * ,  mais  des  centaines  d'officiers  et 
des  bataillons  de  serviteurs  qui  constituent  son  escorte '.  Le 
duc  de  Créqui,  ambassadeur  de  France  à  Rome,  avait,  «  à  lui 
appartenant,  six  suisses,  des  trompettes,  une  garde  de  carabins, 
un  nain,  seize  pages,  vingt-quatre  mulets  ayant  chacun  leur 

muletier ,  »  sans  compter  sa  maison  véritable.  Il  prenait 

habituellement  ses  repas  sous  un  dais,  avec  trente  gentils- 
hommes, <  outre  les  survenants'.  »  Aux  obsèques  du  maréchal 
de  Saint-Géran,  paraissaient  «  soixante  sergents  de  ses  terres, 
ayant  devant  et  derrière  Técusson  de  ses  armes,  conduits  par  son 

prévôt ,  que  suivaient  à  cheval  detcœ  cents  officiers  de  ses 

mêmes  fiefis,  vêtus  de  deuil,  suivis  d'autant  de  pauvres,  parés  de 
même,  chacun  une  torche  en  main.  Quatre  cents  prêtres  mar- 
chaient ensuite etc.  ^.  »  Ce  go'ût  de  la  représentation  était 

partagé  par  les  étrangers.  L'ambassadeur  d'Angleterre  à  Paris 
se  montre  avec  toute  sa  suite  dans  un  somptueux  équipage,  qui 
lui  coûte  plus  de  1,000  livres  sterling*^.  Le  duc  d'Ossuna  vient 
trouver  l'envoyé  français  «  porté  en  chaise,  couvert  de  pierre 
ries,  plus  de  vingt  carrosses  le  suivant,  remplis  de  seigneurs 
espagnols,  ses  parents  et  amis,  et  entouré  de  cinquante  capitaines 
tenientes  ou  alferes  reformados  ®.  »  En  Pologne,  écrit  notre 
ministre  d'Avaux,  «  qui  n'a  que  25  chevaux  est  mal  en  ordre  ; 
les  Polonais  sont  dans  un  luxe  et  une  pompe  incroyables.  Beau- 
coup de  seigneurs  sont  suivis  de  500  et  600  valets  '.  » 

Le  besoin  de  paraître  possédait  ceux  même  qui  n'en  avaient 
pas  les  moyens.  Richelieu,  pauvre  évêque  de  Luçon,  ayant  à 
peine  de  quoi  vivre,  prend  un  gentilhomme  pour  maître  d'hôtel. 

1.  Le  duc  de  Sully,  retiré  à  Villebon,  ayait,  dit  Tallemant  (I,  150),  c  sept 
00  huit  reltres  de  gentilshommes,  gui  au  son  de  la  cloche  se  mettaient  en 
haie  pour  lui  faire  honneur >  Il  avait  aussi  une  espèce  de  garde  suisse. 

2.  Cf.  Bassompierre,  Mém,y  79. 

3.  Gazette  du  22  juillet  1633. 

4.  Gazette  du  22  janyier  1633. 

5.  Mém.  de  lord  Herbert  Cherlmry,  141. 

6.  Bassompierre,  Mém.,  150. 

7.  Lettres  et  pap.  d'État,  VIII,  201.  Richelieu,  Mém.,  II,  69.  Wallenstein, 
duc  de  Friedland,  général  de  l'empereur,  avait  12  comtes  ou  barons  de  l'empire 
pour  gentilshommes  de  sa  chambre,  un  grand  écuycr,  un  grand  maître  et  un 
grand  maréchal,  1,200  gardes  de  livrée,  60  ballebardiors,  200  lances,  200  pisto- 
liers,  200  carabins,  200  mousquetaires  à  cheval,  200  croates,  36  carrosses  et 
120  chariots.  Sa  cour  était  de  6,000  chevaux.  Richelieu,  Mém.,  II,  543. 


LA   FORTUNE  DE  LA  NOBLESSE  SOUS  LOUIS   XIII.  43 

«  Cela  £ait  bien,  dit-il;  il  dirige  la  maison  et  reçoit  la  compa- 
gnie*. »  Deux  malheureux  hobereaux,  qui  vivent  à  l'auberge, 
acceptent  d'un  commun  accord  de  passer  tour  à  tour  chacun 
pour  «  le  gentilhomme  »  de  l'autre  '.  Miossens,  tout  misérable  qu'il 
était  dans  sa  jeunesse,  s'offrit  un  suisse  en  disant  :  «  Cela  a  bon 
air  ;  quoiqu'il  ne  garde  rien,  il  semble  qu'il  garde  quelque  chose, 
on  le  croira^.  »  Segrais  raconte  que  Chambonnières,  «  voulant 
faire  le  grand  seigneur,  »  avait  un  carrosse  traîné  par  deux 
méchants  chevaux,  avec  un  page  en  efSgie,  rempli  de  foin, 
attaché  sur  le  derrière^. 

Le  luxe  des  équipages  correspondait  en  effet  à  celui  des  gens. 
n  n'y  avait  point  eu  de  carrosses  à  Paris  avant  la  fin  de  la 
Ligue.  Les  princes  et  Henri  IV  lui-même,  dans  leà  années  qui 
suivirent  son  arrivée  au  trône,  allaient  à  cheval  parla  ville,  et, 
«  si  le  temps  semblait  tourné  à  la  pluie,  mettaient  en  croupe  un 
gros  manteau.  »  Le  comte  de  Guron,  les  marquis  de  Cœuvres  et 
de  Rambouillet  se  dispensèrent  les  premiers  de  cette  règle,  mais 
ils  ne  se  servaient  guère  de  carrosses  que  la  nuit,  «  encore  se 
cachaient-ils  et  fuyaient-ils  la  rencontre  du  roi,  sachant  que  cela 
lui  était  désagréable  ^.  »  Les  personnages  plus  modestes  se  con- 
tentaient de  chausser,  «  pour  se  sauver  des  boues,  »  des  galoches 
aussi  justes  que  possible,  avec  lesquelles  ils  cheminaient  pénible- 
ment dans  les  rues  étroites  et  malpropres  de  la  capitale^.  L'usage 
des  carrosses  s'établit  rapidement  sous  Louis  XIII;  voitures 
monumentales  où  huit  personnes  s'entassaient,  mais  bien  gros- 
sières encore,  avec  des  mantelets  de  cuir,  en  guise  de  glaces,  et 
des  stores  d'étoffe  que  l'on  bouclait  pour  se  garantir  du  firoid  '', 
Le  luxe  y  trouve  cependant  un  aliment  nouveau.  «  J*ai  acheté 


1.  LeUres  et  pap,  d'État,  I,  25. 

2.  TaUemanl,  IX,  103. 

3.  /Wd.,  V,  8. 

4.  SegraiSy  Mëm.,  88.  «  Un  jour  que  les  carrosses  se  suivaient  au  cours,  les 
chevaux  du  carrosse  suivant,  sentant  le  foin,  se  mirent  à  déchirer  les  jambes  de 
ce  page,  »  à  la  grande  confusion  du  propriétaire. 

5.  Font.-Mareuil,  Mém.;  Bassompierre,  47,  et  Tallemant,  1, 145. 

6.  Cf.  Furetière,  Boman  bourgeois;  Tallemant,  III,  78. 

7.  Tallemant,  III,  7;  Font.-Mareuil,  Mém.,  223.  C'est  ce  que  le  surintendant 
Bâillon  appelait  faire  printemps.  La  civilité  consistait  à  laisser  le  fond  à  son 
hôte;  quand  on  ne  voulait  pas  être  vaincu  en  politesse,  on  s'asseyait  à  une 
portière,  et  le  fond  demeurait  vide. 


44  G.  d'aterbl. 

un  carrosse  de  velours  cramoisi  en  broderie,  fort  beau,  »  écrit  le 
maréchal  de  La  Force  à  sa  femme*.  Des  housses  à  passements 
d'or,  des  armes  en  grand  nombre  avec  des  livrées  éclatantes 
relevaient  ces  véhicules  primitife  *.  Une  déclaration  royale  tenta 
vainement  de  mettre  des  bornes  à  ces  dépenses.  On  eut  des  car- 
rosses et  des  litières  brodés  d*or,  d'argent  et  de  soie,  chamarrés 
de  passements  de  Milan,  veloutés  et  satinés  ;  le  bois  en  était 
doré,  les  bottes,  mantelets^  custodes  et  gouttières  étaient 
doublés  de  soie^.  M.  de  Chevreuse  faisait  faire  quinze  de  ces 
voitures  à  la  fois,  pour  voir  celle  qui  serait  la  plus  douce  *. 

On  en  possédait  toujours  un  nombre  respectable,  toutes  attelées 
de  six  chevaux.  La  reine  Marie,  quittant  Paris  en  1617,  en 
enunenait  près  de  vingt  pour  elle  et  pour  sa  suite  ^.  Le  roi  en 
envoie  trente  recevoir  à  Bourg-la-Reine  l'ambassadeur  d'Angle 
terre*  ;  les  particuliers  modestes,  toutes  proportions  gardées,  ne 
restaient  pas  beaucoup  en  arrière.  Us  voyageaient  communément 
en  trois  ou  quatre  carrosses,  suivis  de  dix  à  douze  chevaux  de 
selle,  de  leur  chariot,  de  leur  fourgon,  de  leurs  mulets*^.  Dans 
ces  conditions,  la  litière  historique  de  Richelieu,  portée  par  vingt- 
quatre  hommes  qui  se  relayaient,  ne  paraît  plus  aussi  invrai- 
semblable. Le  duc  de  Bellegarde,  venant  de  Bourgogne  à  Paris, 
marchait  à  40  chevaux  de  poste.  Quelque  soin  que  nos  compa- 
triotes missent  à  <  rechercher  leurs  commodités  en  voyage,  »  ce 
train  était  peu  de  chose  encore  auprès  du  faste  de  ce  gouverneur 
de  Milan  qui  envoyait  «  de  deux  milles  en  deux  milles  des  char- 
rettes, pour  porter  de  l'eau  et  arroser  les  chemins  par  où  il  pas- 
serait, de  peur  de  la  poussière  ^.  » 

1.  Mém.  de  La  Force,  III,  273. 

2.  Tallcmant,  VI,  53. 

3.  Déclaration  du  16  avril  1634.  Les  bottes  étaient  le  cuir  des  portières  où 
l'on  mettait  les  jambes;  Tusage  s'en  conserva  jusqu'au  xyin*  siècle  pour  les 
voitures  publiques.  Les  mantelets  s'abattaient  sur  les  portières  et  aux  côtés 
du  carrosse,  pour  défendre  de  la  pluie  et  du  vent.  Les  custodes  étaient  des 
appuis  garnis  de  crin,  au  fond  du  carrosse,  destinés  à  adoucir  les  cahots.  Les 
gouttières  étaient  des  parements  de  cuir  attachés  à  Fimpériale,  qui  empêchaient 
l'eau  de  tomber  dans  le  carrosse  et  sur  les  ornements. 

4.  Tallemant,  II,  47. 

5.  Pontchartrain,  Mém.,  474. 

6.  Gazette  du  26  février  1633. 

7.  Pontchartrain,  Mém,,  474  ;  Tallemant,  II,  228. 

8.  Font.-Hareuil,  Mém.,  68. 


LA  FORTUNE  DE  LA   NOBLESSE  SOUS  LOUIS  XIII.  45 

A  côté  des  chevaux  de  service  pour  la  selle  et  l'attelage, 
figurent  les  coursiers  de  Naples,  «  les  chevaux  à  courbettes,  » 
acquis  à  prix  d  or,  le  cavallo  di  respetto  qu'on  tenait  à  l'écurie, 
€  pour  s'en  servir  en  une  nécessité  *.  »  Les  harnais  étaient  à  l'ave- 
nant ;  Fontenay-Mareuil  parle  d'un  cheval  de  1 ,000  écus,  dont 
la  housse  de  broderie  d'or  tramant  jusqu'à  terre  avait  pareille 
valeur*. 

A  la  ville  on  usait  de  litières,  de  chaises  à  porteurs,  «  ces 
retranchements  merveilleux  contre  les  insultes  de  la  boue  et  du 
mauvais  temps,  »  selon  le  langage  des  précieuses.  Elles  étaient 
d'invention  nouvelle,  ainsi  que  ces  vinaigrettes^  petites  chaises 
à  roues,  qu'un  honame  suflSsait  à  Caire  mouvoir^.  Bien  qu'il  y 
eût  des  chaises  et  des  carrosses  publics  numérotés,  le  prix  exigé 
pour  leur  location  les  rendait  inaccessibles  à  la  bourgeoisie 
moyenne,  qui  se  contentait  dans  ses  déplacements  du  bidet  ordi- 
naire, équipé  sans  étriers,  avec  les  bornes  de  pierre  pour  montoir. 
Le  luxe  des  moyens  de  transport,  prodigieusement  accru  en  trente 
ans,  demeurait  donc  tout  aristocratique. 

U  en  était  de  même  des  somptuosités  de  la  table.  Pendant  que 
le  commun  du  peuple  ne  connaissait  rien  de  mieux,  pour  faire 
carrousse^^  que  la  collation  avec  une  tourte,  un  poupelin  et 
une  tasse  de  confitures  faites  à  la  maison,  ou  le  pique-nique  des 
dimanches  et  jours  de  fête,  tandis  que  la  grefSère  cachait  la  clef 
de  l'armoire  au  pain,  et  que  le  barbier-étuviste  faisait  un  salmi- 
gondis sur  les  cendres,  auprès  du  feu^,  l'ordinaire  d'un  grand 
seigneur  était  <  de  trois  broches  chargées  de  viandes,  plu- 
sieurs pots  de  viandes  bouillies,  un  four  garni  de  pâtisseries,  et 
une  table  à  dresser  couverte  de  toutes  sortes  de  volailles,  et  de 
nombreux  plats  de  gâteaux,  sans  compter  une  quinzaine  de  pièces 
montées  de  friandises*.  »  Dans  les  festins  organisés,  les  plats 

t.  LeUres  et  pap,  d'État,  V,  302  ;  Pontis,  Mém.,  S55. 
%  Mém.,  52  (en  1612). 

3.  Tallemant,  III,  10  ;  V,  217.  Les  porteurs  avaient  des  places  attitrées  et  for- 
maient un  personnel  populaire  spécial.  Les  chaises  se  louaient  un  écu  la  course. 
Furetière,  I,  10. 

4.  Faire  bonne  chère. 

5.  Furetière,  I,  21,  85.  Les  jeunes  filles  dans  la  bourgeoisie  se  leyaient  au 
dessert,  emportant  elles-mêmes  leurs  assiettes.  Si  l'une  d'elles  c  eût  mangé 
des  asperges  on  des  artichauts,  on  l'aurait  montrée  au  doigt,  i  Ibid,,  181. 

6.  Mém.  de  lard  Herbert  Ckerbury,  169. 


46  G.    D'AVBNEL. 

atteignaient  la  centaine,  et  la  dépense  dépassait  souvent  10,000  fr. 
de  notre  monnaie  ^  Tous  les  plats  se  relevaient  huit  fois  dans  les 
banquets  offerts  en  1616  à  M.  le  Prince*.  «  M.  de  Beaufort,  dit 
M^^  de  Montpensier,  nous  donna  à  Chenonceaux  un  souper  de 
huit  services,  de  douze  bassins  chacun  K  )^  Chaque  service  parais- 
sait renfermé  en  une  grande  manne  couverte,  «  où  un  homme 
aurait  pu  demeurer  étendu  tout  de  son  long  ;  »  tous  étaient  réglés 
avec  science  —  il  existait  des  tactiques  de  plats*  —  et  Ton  con- 
sultait journellement  le  Cuisinier  français^  ouvrage  dû  à  la 
plume  de  Vécuyer  de  cuisine  du  marquis  d'Uxelles.  Les  coteaux 
étaient  le  sobriquet  de  ceux  qui  se  piquaient  de  rafSner  en  bonne 
chère  ;  l'abbé  de  Bernay ,  conseiller  au  Parlement,  présidait  lui- 
même  à  ses  fourneaux  avec  un  tablier  de  satin  ;  Bullion  «  avait 
pour  le  vin  des  raffinements  tout  extraordinaires  ;  les  gens  d'af- 
faires se  tuaient  à  lui  en  chercher^.  »  Bien  que  les  goûts  aient 
beaucoup  changé  depuis  Louis  XIII,  que  divers  aliments  comme 
le  thé  et  le  chocolat,  considérés  alors  comme  «  des  drogues,  » 
aient  été  adoptés  ensuite  par  l'usage^  tandis  que  les  friponne^ 
ries  y  le  cotignac  d'Orléans,  la  nompareille ,  les  talemouses 
et  autres  délices  de  Tépoque  aient  semblé  plus  tard  un  assez 
mince  régal,  les  gourmets  de  ce  temps  ne  le  cédaient  en  rien  à 
ceux  du  nôtre  ^.  Les  veaux  de  lait,  nourris  en  Normandie,  avec 
dix-huit  œufs  par  jour,  devaient  constituer  un  mets  assez  coû- 
teux; et  Ton  voit  un   conseiller  au  grand  Conseil  dépenser 

1.  Ibid.,  141. 

2.  Font.-Mareuil,  105. 

3.  Montpensier,  Mém.,  9. 

4.  Tallemant,  III,  190. 

5.  Ibid.,  III,  171,  7;  VI,  180.  Il  avait  des  cerneaox  tout  le  long  de  l'année, 
et  de  la  poudre  de  champignons  toujours  dans  ses  poches. 

6.  Voyez  Montpensier,  Mém.,  4  ;  Lettres  et  pap.  d'État,  IV,  572  ;  Tallemant, 
IV,  208,  IX,  39.  Comte  d'Hauterive;  observations  sur  la  dépense  d'une  grande 
administration  sous  l'ancien  régime,  141.  On  voit  figurer  dans  les  menus  de 
Louis  XIV  des  arbondilles,  bouillants,  brezolles,  bergeronnettes,  crespines 
farcies,  simpoiades,  poupetons,  pampiettes  et  salpicon,  plats  dont  le  nom 
même  nous  est  inconnu.  Richelieu  reproche  à  son  frère  de  se  servir  du  nou' 
veau  remède  de  scocolato  (chocolat).  G.-Patin  fulmine  souvent  dans  ses  lettres 
contre  le  thé  (I,  383  ;  II,  292).  Il  l'appelle  «  l'impertinente  nouveauté  du  siècle.  > 
Un  docteur  fait  une  thèse  sur  le  thé,  et  des  confrères  se  font  gloire  de  la  brû- 
ler. Mazarin  prenait  du  thé  contre  la  goutte.  Un  docteur  hollandais  recomman- 
dait d'en  prendre  jusqu'à  100  et  200  tasses  par  jour  c  pour  nettoyer  le  marais 
de  l'estomac.  • 


Là  FORTUNE  DE  LA  NOBLESSE  SOUS  LOUIS  XIII.  47 

10,000  écus  en  chapons  de  Bruges,  d'après  les  comptes  de  son 
rôtisseur.  On  tenait  plus  encore  d'ailleurs  à  la  quantité  qu'à  la 
délicatesse.  Les  seigneurs  estimaient  peu  les  viandes  apprêtées 
<  plus  pour  la  parade  que  pour  manger.  »  On  servait  ordinaire- 
ment à  la  reine  Anne  pour  son  déjeuner  un  bouillon,  des  côte- 
lettes, des  saucisses  et  du  pain  bouilli  ;  «  elle  mangeait  de  tout  et 
n'en  dînait  pas  moins  ^  » 

La  haute  société  dînait  entre  midi  et  une  heure'  ;  elle  soupait 
entre  huit  et  neuf;  ces  deux  repas  étaient  fort  abondants,  si 
abondants  qu'une  ordonnance  essayait  de  les  réduire,  en  défen- 
dant d'avoir  plus  de  trois  services  (on  n'en  avait  pas  moins  de  cinq 
en  général),  un  rang  de  pl^ts  par  service,  et  six  pièces  au  plat, 
ce  qui  revenait  à  autoriser  en  totalité  dix-huit  plats  par  repas, 
chiflSre  fort  raisonnable  aujourd'hui '.  Entre  le  dîner  et  le  souper, 
avaient  lieu  ces  collations,  dont  les  contemporains  parlent  sans 
cesse,  qui  jouaient  un  si  grand  rôle  dans  les  rapports  mondains, 
prétexte  à  galanterie ,  à  divertissement  ou  à  magnificence.  On 
£aisait  apporter  les  citrons  doux  et  les  confitures  dans  une  quin- 
zaine de  bassins  de  vermeil.  Tous  les  gens  de  quelque  importance 
se  servaient  journellemenj;  de  vaisselle  d'argent.  <  Il  n'y  a  aujour- 
d'hui si  petit  de  nos  sujets,  dit  un  édit  royal,  qui  ne  fasse  parade 
de  richesse  par  la  montre  des  pièces  d'orfèvrerie  de  poids  exces- 
sif jusqu'aux  plus  vils  ustensiles  de  sa  maison^ >  Richelieu 

nous  apprend  que  sa  vaisselle  plate  valait  plus  de  1 ,100,000  fr .  *. 
Le  duc  de  Savoie  donnait  à  sa  belle-fille.  Madame  Royale,  une  col- 
lation où  toute  l'argenterie  était  en  forme  de  guitare,  parce  qu'elle 
jouait  de  cet  instrument^.  Les  politesses  de  ce  genre  remplaçaient. 


1.  Motteyille,  Mém.,67. 

2.  Les  moines  dînaient  à  onze  heures  et  soapaient  à  six  heures  dn  soir. 
Lettres  et  pap.  (VEtat,  IV,  77.  En  1614,  les  députés  aux  États  dînaient  yers 
trois  ou  quatre  heures  du  soir.  Rapine,  États  générattx^  272.  La  reine  Anne 
soupait  à  onze  heures  du  soir.  Motteyille,  Mëm.,  68.  Nous  soupons  fort  tard, 
écrit  le  maréchal  de  la  Force,  aussi  l'on  dîne  à  une  heure  après  midi.  Mém,, 
Uh  270.  Sous  Louis  XIV,  l'heure  du  dîner  retarda. 

3.  Ordonnance  de  janvier  1629. 

4.  c  Ce  qui  cause,  continuait-on,  la  pénurie  et  rareté  des  monnaies.  »  Edit 
du  20  décembre  1636.  On  eut  des  meubles  d'argent  massif  dans  toutes  les 
familles,  jusqu'à  la  guerre  de  1689,  à  l'occasion  de  laquelle  tout  le  monde, 
pour  imiter  le  roi,  envoya  son  argenterie  à  la  Monnaie. 

5.  Lettres  et  pap,  d'État,  VI,  174;  VIII,  165. 

6.  Tallemant,  X,  78.   Un  particulier  recevant  le  duc  de  Bellegarde  servit 

RbV.    HiSTOR.   XXII.  !•'  FASG.  2 


iS  6.  d'aveivel. 

mais  plus  chèrement,  les  galanteries  à  la  vieille  mode,  ces  pâtés  où 
étaient  enfermés  des  oiseaux  ou  des  lapins  vivants,  «  portant  au 
col  des  rubans  »  aux  couleurs  de  la  dame  du  festin  * .  Ou  avait 
un  art  tout  particulier  de  plier  le  linge  de  table,  de  le  déguiser  en 
toutes  sortes  de  fruits  ou  d'animaux '.  »  La  nappe  «  mignonnement 
damassée,  avec  force  bouillons  parmi  plusieurs  petits  plis,  »  res- 
semblait parfois  à  une  rivière  ondoyante,  «  qu'un  petit  vent  jEai- 
sait  doucement  soulever.  » 

A  côté  de  ces  élégances  toutes  récentes  et  un  peu  enfantines, 
l'homme  du  moyen  âge  se  retrouvait  à  la  façon  de  boire  les  san- 
tés debout  ou  à  genoux,  mais  toujours  le  chapeau  bas  et  l'épée 
nue  à  la  main  ;  souvent,  au  bruit  des  timbales  et  des  trompettes 
qui  sonnaient  toutes  ensemble  dans  la  salle,  et  auxquelles  d'autres 
trompettes  répondaient  du  dehors^  ;  il  se  retrouvait  encore  dans 
ce  mélange  de  raffinement  et  de  rusticité,  par  lequel  des  gens  qui 
se  lavaient  soigneusement  avant  et  après  les  repas,  qui  fix)ttaient 
leur  cuillère  avec  cérémonie  plutôt  que  de  toucher  les  premiers 
au  potage,  ne  faisaient  pas  difficulté  de  se  curer  les  dents  à  table 
avec  leur  couteau,  ainsi  que  le  chancelier  Seguier  en  usait  chez 
le  Cardinal*. 

  ces  tables  inmienses,  que  la  pompe  du  seigneur  voulait  nom- 
breuses et  remplies,  on  se  plaçait,  comme  au  temps  jadis,  en  enfi- 
lade, le  plus  considérable  tenant  le  haut  bout,  n^ayant  personne 
à  sa  droite,  le  second  en  dignité  assis  à  sa  gauche,  et  ainsi  des 
autres  jusqu'au  bas  bout,  après  lequel  on  remontait  de  l'autre 
côté  dans  le  même  ordre.  L'amphitryon  y  prenait  place  plus  ou 
moins  haut,  selon  son  rang  ;  mais  s'il  était  prince  ou  de  grande 
qualité,  il  avait  un  dais  au-dessus  de  sa  tête,  son  cadenas  devant 
lui,  et  derrière  sa  chaise  son  maître  d'hôtel,  qui  le  servait  l'épée 
au  côté  et  le  manteau  sur  les  épaules^. 

Jusqu'à  Louis  XIII  la  vie  du  grand  seigneur,  à  plus  forte  rai- 
son celle  du  gentilhomme,  est  toute  locale,  il  ne  sort  de  sa  pro- 
toute la  pâtisserie  ea  figure  de  mors  de  bride,  par  allusion  à  sa  qualité  de 
grand  écuycr. 

1.  Ibid.y  V,  195. 

2.  Ibid.,  X,  112. 

3.  Lenet,  Mém.,  264  ;  Pontis,  Mém.,  637. 

4.  Cf.  Tallemant,  VIII,  249;  Ponlis,  484. 

5.  Font.-Hareuil,  223;  duc  d'Orléans,  If^m.,  590.  Le  cadenas  était  an  coffret 
d'or  où  l'on  mettait  le  couteau,  la  cuillère  et  la  fourchette. 


Là  fortdive  de  la  noblesse  sous  louis  xni.  ^19 

vince  qu'accidentellement;  son  foyer,  son  home  est  à  son  châ- 
teau. C'est  là  que  résident,  en  son  absence,  sa  femme  et  ses 
enfants  ;  tous  ses  intérêts  y  sont  concentrés.  Ce  château,  maison 
forte,  est  l'œuvre  de  ses  pères,  bâtie  pour  des  siècles,  sans  con- 
fort possible,  mais  sans  réparation  nécessaire*.  Ses  affaires  l'ap- 
pelant parfois  au  chef-lieu  de  sa  province,  il  y  avait  un  pied-à- 
terre,  et,  s'il  était  riche,  un  hôtel;  mais  il  n'avait  pas  d'hôtel  à 
Paris.  A  quoi  bon?  puisque  le  roi  lui-même  au  xvi*  siècle  y  habi- 
tait si  peu,  toujours  nomade,  d'une  résidence  à  l'autre,  et  plutôt 
attaché  au  bord  de  la  Loire.  Les  seuls  hôtels  que  l'on  vit  dans  la 
capitale  avaient  été  construits  sous  les  Capétiens  directs  ou  les 
premiers  Valois  par  les  grands  vassaux  de  ce  temps  :  tels  l'hô- 
tel d'Orléans  au  faubourg  Saint-Victor,  l'hôtel  de  Nesle,  les 
hôtels  des  Ursins,  de  Bourgogne,  d'Artois  et  de  Flandres.  Véri- 
tables forteresses,  avec  trois  étages  de  caves  et  des  murs  de  six 
pieds  d'épaisseur,  entourées  d'un  parc;  eUes  empruntaient  leur 
style  à  l'hôtel  Saint-Paul  et  au  palais  des  Tournelles,  ces  demeures 
souveraines  dont  les  jardins  couvraient  un  quartier  du  Paris 
actuel.  François  I*'  trouva  «  qu'elles  déformaient  la  ville  par 
leur  antique  structure  »  et  les  abattit  pour  faire  passer  des  rues 
sur  leur  emplacement. 

Le  mouvement  qui  entraînait  la  haute  noblesse  vers  la  capi- 
tale ne  se  dessina  que  dans  le  commencement  du  xvn^  siècle  ; 
Richelieu,  qui  avait  le  goût  de  la  truelle,  qui  alignait  à  lui 
seul  une  ville  toute  neuve  à  l'entour  du  château  qui  porte  son 
nomi  tout  en  construisant  à  Paris  le  Palais-Cardinal  et  d'autres 
palais  ailleurs,  contribua  pour  sa  part  à  développer  ce  goût  chez 
ses  contemporains'.  Tout  le  monde  ne  pouvait  pas  le  satisfaire 
au  même  degré,  mais  tout  le  monde  voulut  avoir  son  hôtel  dans 
la  première  ville  du  royaume.  Cet  hôtel  ât  partie  de  la  grande 
existence,  il  en  devint  le  cadre  obligé.  Suivant  cette  tendance, 
des  quartiers  nouveaux  s'élevèrent  et  se  peuplèrent  d'hôtes  sei- 


1.  Cf.  Font.-lCareuil,  66;  Mëm.  de  la  Force,  III,  137.  Les  dames  de  la  Force 
(la  maréchale  et  la  marquise)  saÎTent  leur  mari  à  la  guerre,  mais  le  cas  est 
fort  rare  alors. 

2.  Dans  la  Tille  de  Richelieu  «  les  maisons  sont  toutes  d'une  même  struc- 
ture et  toutes  de  pierres  de  taiUe;  c'est  une  ville  de  cartes.  »  Malgré  tous  les 
pririlèges  que  le  cardinal  y  mit,  c  on  ne  s'y  habitua  point.  »  Cf.  Tallemant,  II, 
178;  Montpensier,  Mén.,  7,  et  Monteil,  Matériaux  mantucrUs,  I,  51. 


20  G.  d'avbnel. 

gneuriaux.  La  reine  Marguerite  se  logea  au  coin  de  la  rue  de 
Seine,  et  ses  jardins  allaient  jusqu'à  la  rue  des  Saints-Pères.  Le 
duc  deNevers  bâtissait,  sur  remplacement  delà  Monnaie  actuelle, 
un  hôtel  que  le  roi  trouvait  «  un  peu  trop  magnifique  pour  être  à 
l'opposite  du  Louvre  * .  »  Dans  la  rue  de  Seine  s'installait  M.  de 
Liancourt;  de  chaque  côté  de  la  rue  des  Grands- Augustins 
étaient  les  hôtels  de  Nemours  et  de  Thémines  dont  les  jardins 
s'étendaient  jusqu'à  l'enclos  du  couvent  ;  dans  la  même  rue,  l'hô- 
tel de Brissac*.  Leduc d'Épernon  habitait  rue  Vieille-du-Temple, 
le  duc  d'Angoulême  rue  Pavée.  —  Quelques-uns  avaient  déjà 
dans  les  faubourgs  élégants,  tels  que  Charonne  ou  Chaillot^  ce 
qu'on  appela  plus  tard  de  petites  maisons  j  que  Ton  nommait 
alors  des  maisons  de  bouteille. 

En  même  temps  le  luxe  gagnait  l'intérieur,  la  distribution  des 
appartements  devenait  plus  étudiée  ;  «  plusieurs,  sans  être  de 
grande  qualité,  commençaient  déjà  à  mettre  une  salle  et  une  anti- 
chambre devant  leur  chambre^.  >  Sous  Henri  IV,  «  on  ne  savait 
que  faire  une  salle  à  un  côté,  une  chambre  à  l'autre  et  un  esca- 
lier au  milieu.  >  Ces  escaliers  étaient  bâtis  en  pierre  de  taille  et 
en  spirale,  avec  une  corde  fixée  au  mur  ;  fort  rarement  ils  étaient 
à  jour  comme  les  escaliers  modernes.  «  On  apprit  de  M™®  de  Ram- 
bouillet à  mettre  les  escaliers  à  côté,  pour  avoir  une  grande  suite 
de  chambres,  à  exhausser  les  planchers,  et  à  faire  des  portes  et 
des  fenêtres  hautes  et  larges  et  vis-à-vis  les  unes  des  autres  ;  et 
cela  est  si  vrai  que  la  reine  mère,  quand  elle  fit  bâtir  le  Luxem- 
bourg, ordonna  aux  architectes  d'aller  voir  l'hôtel  de  Rambouil- 
let, et  ce  soin  ne  leur  fut  pas  inutile*.  «  La  chambre  de  la  mar- 
quise de  Rambouillet  était  de  velours  bleu  rehaussé  d'or  et 
d'argent,  elle  était  peinte  en  bleu  ^  ;  la  première  elle  s'avisa  de 
faire  peindre  une  chambre  d'autre  couleur  que  de  rouge  ou  de 
tanné®.  » 

1.  Tallemant,  I,  91. 

2.  Maison  achetée  en  1626  à  demoiselle  Marie  de  Moay.  Elle  était  vendue  par 
autorité  de  justice.  Plumitif,  P  2759,  36. 

3.  Font.-Mareuil,  21  (en  1610). 

4.  Tallemant,  III,  212.  Sau?al  {Antiquités  de  Paris,  II,  201)  admire  aussi 
comme  une  nouyeauté  les  fenêtres  sans  appui  c  qui  régnent  de  haut  en  bas, 
depuis  son  plafond  jusqu'à  son  parterre,  et  laissent  jouir  sans  obstacle  de  Tair, 
de  la  Tue  et  du  plaisir  du  jardin.  > 

5.  Sauvai,  II,  201. 

6.  Tallemant,  III,  213. 


LA  FORTUNE   DE  LA   NOBLESSE   SOUS  LOUIS  XIII.  24 

La  salle,  la  chambre,  rantichambre  et  les  cabinets,  c  est-à- 
dire  les  petites  salles,  composaient  seuls  les  appartements  de 
l'époque.  Par  le  mot  salon  ,  on  n'entendait  pas  comme  aujour- 
d'hui un  local  spécial,  destiné  à  la  réception,  mais  la  réunion 
elle-même  des  visiteurs,  qui  se  tenait  indiflFéremment  dans  n'im- 
porte quelle  pièce  de  l'hôtel,  selon  l'heure,  la  saison  ou  le  hasard. 
Ce  que  nous  nommons  salle  à  manger  n'existait  pas  davantage  ; 

—  on  ne  trouverait  pas  dans  tout  le  château  de  Versailles  une 
seule  pièce  exclusivement  affectée  aux  repas.  On  dînait  dans  sa 
salle  y  dans  son  antichambre  ou  dans  sa  chambre.  Chaque  jour 
on  dressait  la  table,  ou  bien  on  l'apportait  toute  servie^  dans 
une  pièce  choisie  sans  règle  fixe  selon  le  nombre  des  convives. 
La  chambre  à  coucher  elle-même  n'était  pas  installée  à  demeure. 
Son  mobilier  n'avait  rien  de  stable.  On  tendait  et  on  détendait 
«  un  lit  et  une  tapisserie  >  dans  les  habitations  particulières, 
comme  dans  les  palais  royaux,  en  raison  des  nécessités  du 
mement.  La  chambre  du  roi,  son  lit  et  le  reste  voyageaient  avec 
lui,  et  c'est  parce  que  Louis  XIII  n'avait  pas  de  chambre  tendue 
au  Louvre,  qu'il  alla  coucher  chez  la  reine  en  1637.  La  France 
doit  à  ce  cas  fortuit  la  naissance  de  Louis  XIY  ^ 

Ce  qu'on  soignait  surtout,  c'étaient  les  peintures  murales  faites 
«  d'un  beau  dessin  et  richement  »  par  plusieurs  artistes  dont  les 
uns  étaient  chargés  de  la  grisaille  et  les  autres  des  ornements 
d'or.  Tantôt  on  couvrait  les  murs  de  moquette  du  haut  en  bas  ; 
tantôt  on  les  ornait  de  tentures  en  cuir  doré,  sur  lesquelles  étaient 
représentées  en  relief  <  diverses  sortes  de  grotesques,  relevées  d'or, 
d'argent  ou  de  vermillon.  »  Le  roi  possédait  grand  nombre  de 
tapisseries,  qui  mal  conservées  pourrissaient  dans  les  galetas  du 
Louvre.  Ces  tapisseries  étaient  cependant  fort  chères,  et  il  n'était 
pas  rare  d'en  trouver  qui  dépassaient  10,000  liv.*. 

Près  de  la  cheminée,  des  râteliers  chargés  d'armes  de  prix  ; 
aux  poutres  du  plafond,  des  cages  pleines  d'oiseaux^  ;  les  raretés 

—  bibelots  d'aujourd'hui  —  se  plaçaient  sur  un  relais  ménagé 
dans  le  lambris*.  Peu  de  sièges  cependant;  on  ne  connaissait  guère 
que  les  anciennes  chaires  des  aïeux,  les  tabourets,  et  les  carreaux 


1.  Montglat^  Mém.,  61. 

2.  Uttres  et  pap.  d'État,  VII,  154. 

3.  Furetière,  Roman  bourgeois,  I,  86. 

4.  Lettres  et  pap.  d'État,  IV,  304. 


22  G.  d'avenel. 

dô  broderie  importés  d'Espagne.  Les  chaises,  perspective, 
inquiétude^  à  tourneriez  les  sophas  à  la  capucine,  ne  furent 
inventés  que  plus  tard*.  En  revanche,  des  meubles  d'un  prix 
exorbitant,  destinés  à  prouver  la  richesse  ou  le  goût  des  proprié- 
taires. La  duchesse  de  La  Guyon  en  fit  faire  un  de  10,000  écus, 
qui  ne  servit  qu'un  jour*.  La  duchesse  de  Chevreuse  envoya  à  la 
reine  un  cabinet  d'argent,  «  dont  les  liettes  (tiroirs)  étaient  gar- 
nies de  vases  d'or  remplis  de  parfums  et  d'eaux  de  senteur, 
estimé  12,000  écus^.  »  Les  appartements  étaient  éclairés  avec 
des  bougies  de  cire.  —  Brûler  de  l'huile  eût  passé  pour  économie 
sordide  de  la  part  d'un  grand  seigneur.  —  La  cire  étant  d'un  prix 
élevé,  sa  lumière  était  fort  coûteuse,  et  ce  n'était  pas  un  mince 
chapitre  dans  un  budget.  La  bourgeoisie  n'aspirait  pas  plus  haut 
que  la  chandelle  des  siœ,  ou  même  des  douze  ;  les  pauvres  se  con- 
tentaient de  ces  appareils  à  huile  dont  le  système  rudimentaire 
n'avait  pas  été  perfectionné  depuis  les  Romains*. 

IIL  — VÊTEMENTS  ET Buoux. —  Costumcs  dcs  gentilshommes; 
leur  prix  élevé  ;  leur  nombre.  —  L* élégance  et  la  mode. 

—  Le  linge  et  les  dentelles.  —  Les  gants  et  les  rubans. 

—  Tenue  des  gens  de  robe.  —  Toilette  des  femmes.  — 
Cosmétiques  et  parfuma.  —  Bijoux,  armures  et  leur 
valeur.  —  Habillements  populaires. 

Louis  XIII  n'aimait  les  somptuosités  ni  en  habits  ni  en  linge  ; 
il  refusait  souvent  de  porter  ce  que  Cinq-Mars  commandait  pour 
lui  ;  son  grand-maître  delà  garde-robe  était  <  trop  magnifique,  » 
il  «  lui  en  faisait  souvent  réprimande^.  »  La  reine,  de  son  côté, 
n'était  nullement  passionnée  pour  la  toilette  ;  beaucoup  de  dames 
dans  Paris  faisaient  plus  de  dépense  qu'elle  ®.  Le  luxe  de  l'époque 
ne  peut  donc  être  imputé  au  souverain  :  il  augmenta  pourtant 
sous  son  règne.  Les  lois  somptuaires  de  cette  période  —  les  der- 
nières, croyons-nous,  qui  aient  été  publiées  en  France  —  servent 
à  initier  la  postérité  à  des  prodigalités  que,  bien  entendu,  elles 


1.  Voyez  Monteil,  Hi$L  des  Français,  vni,  457  (notes). 

2.  Tallemant,  VIII,  56. 

3.  Gazette  du  23  ayrU  1632.  Cf.  Tallemant,  II,  96. 

4.  Cf.  Tallemant,  passim.  Monteil,  Bist,  des  Français,  VIII,  442. 

5.  Montglat,  Mém.,  80. 

6.  Motteville,  Mém.,  II. 


LA   FORTUiVE   DE   LA   NOBLESSE   SOUS   LOUIS  XIII.  23 

n*ODt  pas  réussi  à  réprimer  jadis.  «  Le  luxe  des  habits,  disent- 
elles,  est  monté  jusques  à  un  tel  excès  que  même  les  riches  en 
ressentent  de  l'incommodité,  et  les  autres  sont  quelquefois  con- 
traints de  recourir  à  de  mauvais  moyens  pour  soutenir  une  si 
grande  dépense  ;  l'imitation  étant  un  mal  si  contagieux,  que  la 
coutume  autorise  en  peu  de  temps  les  superfluités  que  chacun 
blâme  à  leur  naissance^  >  On  défendait  de  porter  des  baudriers, 
ceintures,  aiguillettes,  jarretières,  écharpes  et  rubans  de  drap  ou 
toile  d'or  et  d'argent,  porfileuseSy  broderies  de  perles  ou  pierre- 
ries, boutons  d'orfèvrerie.  On  interdit  aux  maîtres  d'habiller 
de  livrées  de  soie  leurs  cochers,  leurs  laquais  et  leurs  pages,  tolé- 
rant seulement  «  deux  galons  sur  les  coutures  et  extrémités  de 
leurs  habits*.  »  On  proscrivait  absolument  «  les  passements  de 
Milan,  les  piqûres,  houpes^  tortils^canetilles,  chaînettes^  »et 
autres  ornements  dont  les  habillements  sont  couverts.  Cinq  ans 
plus  tard,  dans  un  acte  officiel,  le  roi  parlait  «  de  la  passion 
effrénée  de  ses  sujets  à  consommer  leurs  biens  au  luxe,  »  et  cons- 
tatait que  «  les  diverses  déclarations  sur  les  étoffes  et  façons  des 
habits  n'avaient  eu  jusque-là  aucun  effet^.  » 

Un  manteau  était  toujours  orné  de  trois  ou  quatre  livres  de 
passements  d'or,  dont  la  valeur  n'était  pas  moindre  de  400  liv. 
environ  ^  Les  habillements  de  cérémonie  un  peu  élégants  coû- 
taient aisément  dans  les  trois,  quatre  et  cinq  mille  livres,  sans 
compter  les  dentelles,  le  chapeau,  l'épée  et  les  divers  accessoires. 
Un  costume  était  ainsi  un  petit  capital,  si  l'on  songe  que  les  trois 
mille  livres  de  ce  temps  font  dix-huit  mille  francs  du  nôtre. 
Aussi  donnait-on,  et  recevait-on  comme  cadeau,  un  «  habit  com- 
plet »  ;  c'était  une  générosité  qui  n'avait  rien  de  bas  en  elle-même, 
rien  de  blessant  pour  celui  qui  en  était  l'objet^.  Un  seigneur  à  la 


1.  Déclaration  du  16  ayril  1634. 

1.  Ibid.  On  permettait  aux  hommes  «  d'enrichir  leurs  vêtements  de  deux 
bandes  de  broderie  >,  qui  ne  devaient  être  appliquées  qu'à  l'entour  du  collet 
et  au  bas  des  manteaux  sur  le  long  et  le  canon  de  leurs  chausses,  sur  les 
coutures  des  manches,  au  milieu  du  dos,  le  long  des  boutons  et  boutonnières^ 
et  aux  extrémités  des  basques  des  pourpoints.  —  Aux  femmes,  il  était  permis 
d'appliquer  ces  broderies  au  bas  et  au  devant  des  jupes  et  robes,  autour  des 
basques  et  corps  de  robe,  et  sur  le  milieu  des  manches. 

3.  Déclaration  du  24  novembre  1639. 

4.  KK  199.  Comptes  de  l'argenterie  (1616).  Arch.  nat.  Les  boutons  d'or 
Talaient  5  liv.  la  douzaine  ;  la  ganse  d'or  valait  20  sous  l'aune. 

5.  Cf.  KK  199,  Argenterie,  Arch.  nat.  Le  roi  donne  un  vêtement  de  1,200  liv. 


24  G.  d'avbivel. 

mode  n'avait  pas  de  vêtement  qui  coûtât  moins  de  1,500  à 
2,000  liv.  Archambault,  le  tailleur  en  vogue,  n'eût  rien  pu  lui 
fournir  à  moins*.  Un  costume  du  roi,  en  1625,  figure  dans  les 
comptes  de  sa  maison  pour  3,585  liv.  ;  il  consiste,  d'après  la  fac- 
ture, en  un  «  habillement  de  satin  cramoisi  en  broderie  d'or  et  d'ar- 
gent, le  manteau  plein  de  broderies  fort  relevées,  le  tout  rempli 
de  paillettes  ;  le  pourpoint  brodé  aussi  de  fleurs  comme  la  dou- 
blure du  manteau,  les  chausses  de  même,  le  tout  très  riche  et 
relevé  de  l'ordre  du  Saint-Esprit,  les  coutures  en  broderies  d'or 
et  d'argent^.  »  Le  déploiement  du  luxe  en  semblable  matière 
atteint  parfois  des  chifiEres  aujourd'hui  fabuleux.  Bassompierre  se 
fait  faire,  pour  le  baptême  du  duc  d'Orléans,  un  vêtement  de  toile 
d'or  violette  et  de  palmes  entrelacées.  Il  le  couvre  de  cinquante 
livres  de  perles  à  l'once,  qu'un  marchand  d'Anvers  venait  d'ap- 
porter à  Paris;  cet  habit  revint  à  14,000  écus,  plus  une  épée  de 
diamant,  achetée  5,000  écus,  soit  en  totalité  57,000  liv.,  ou  près 
de  330,000  firancs  de  notre  monnaie^. 


à  un  seigneur.  —  D'usage  immémorial^  les  prévôts  des  marchands,  échevins  et 
premiers  officiers  de  la  ville  de  Paris  recevaient,  à  l'occasion  du  mariage  des 
rois,  «  des  robes  de  soie  pour  aller  à  leur  rencontre,  i  Pour  le  mariage  de 
Louis  XUI,  elles  coûtèrent  3,600  liv. 

1.  Ibid.,  KK  200,  fol.  36. 

2.  Ibid.,  fol.  35. 

3.  Bassompierre,  Mém.,  50.  Le  compte  de  l'Argenterie  (KK  199,  fol.  29)  nous 
fournit  le  détail  des  éléments  qui  servaient  à  composer  le  costume.  A  ces 
chiffres,  il  faut  igouter  la  façon. 

Manteau  de  velours  cramoisi,  jupes  et  grègues  (culottes)  pareilles  (8  aunes  3/4  ; 

l'aune  équivaut  à  1  m.  20  cent.) 210  liv. 

Doublure  des  vêtements  susdits  en  plume  (6  aunes)    .    .    .    216 
Garniture  intérieure  du  manteau  et  de  la  jupe  en  treillis 

d'Allemagne  (2  aunes) 3 

Pourpoint  de  drap  d'or  et  d'argent  (1  aune  3/4) 157         10  sols 

Taffetas  damassé  pour  doubler  le  pourpoint  deux  fois  (on 

le  redoublait  parfois  jusqu'à  trois  fois)  et  faire  des  parements 

et  des  pochettes  aux  grègues  (3  aunes  1/2) 15         15 

Canevas  fin,  pour  garnir  le  pourpoint,  pour  la  solidité  et  la 

raideur  (1/2  aune) 15 

Hevescke  (ratine)  d'Angleterre  pour  doubler  le  pourpoint  et 

les  grègues  (3  aunes) 12 

Coutil  blanc  [K>ur  faire  le  corps  des  grègues  (1  aune  1/2)  .       2  5 

Passements  d'or  pour  le  manteau  et  les  grègues(7  marcs  7  onces)    34 1 
Huit  douxaines  de  boutons  d'or  à  rx>udre  au  costume ...      40 

Une  douxaine  d'aiguillettes  de  soie 2 

Trois  boutons  plats  pour  le  devant  des  grègues 15 


LA  FORTUNE  DE  LA  NOBLESSE  SOUS  LOUIS  IIH.         25 

A  tous  ces  costumes,  se  joignaient  les  accessoires  indispen- 
sables, gants,  chapeau,  bas  de  soie,  chemisettes,  collets  de  den- 
telle. Au  temps  de  la  Fronde,  les  hommes  prenaient  le  noir  vers 
trente  ou  trente-cinq  ans;  il  n'y  avait  donc  que  les  jeunes  gens 
«  à  s'habiller  de  couleur.  »  Mais^  sous  Louis  XIII,  cette  mode 
n'avait  pas  encore  pris  naissance.  Jeunes  et  vieux  avaient  des 
vêtements  d'or  et  d'argent,  de  satin,  taffetas,  velours,  damas  de 
toutes  nuances.  Quelques-uns  faisaient  venir  d'Italie  le  tabis, 
cylindre  et  ondulé,  aux  couleurs  changeantes*.  <  Changer  tous 
les  jours  d'habit  et  de  plumes,  c'est  la  marque  la  plus  ordinaire 
à  quoi  on  connaît  dans  Paris  les  gens  de  qualité'.  »  La  mode  et 
le  goût  variaient  sans  cesse;  «  il  faut  que  le  bourgeois  ait  des  avis 
et  des  espions  à  la  cour,  qui  l'avertissent  à  tout  moment  des  chan- 
gements qui  s'y  font,  autrement  il  est  en  danger  de  passer  pour 
provincial^.  »  <  Je  n'ai  que  deux  habits  à  porter,  écrivait  à  sa 
mère  le  jeune  Turenne,  mon  noir,  et  le  mien  rouge  en  broderie 
que  je  porte  fort,  et  qui  passe  ;  »  mais  bien  peu  sont  aussi  éco- 
nomes que  le  futur  maréchal  :  <  Tout  le  monde,  dit-il,  jusqu'au 
moindre,  dépense  prodigieusement  ;  ils  s'imaginent  que  cela  est 
honteux  de  porter  deux  fois,  dans  les  grandes  assemblées,  des 
habits  qui  leur  coûtent  deux  ou  trois  mille  fr.  ^.  »  Le  roi,  malgré 
ses  goûts  simples,  n'échappe  pas  à  cette  règle.  «  Le  14  mai,  jour 
anniversaire  de  la  mort  de  son  père,  il  s'habille  de  couleur  feuille 
morte,  et  l'on  met  chaque  année  sur  l'état  de  sa  dépense  un  vête- 
ment de  cette  couleur,  »  qu'il  ne  portera  que  quelques  heures*. 

Cordon  de  chapeau 18 

Ceinturon  en  broderie  d'or 10         16 

Collet  de  Cabroy  d'Espagne  parfumé  d'ambre  gris  ....  135 

Bas  de  soie  (une  paire) 21 

Ordre  du  SainUEsprit  (le  ruban) 1         10 

—                 —          (la  croix  sur  le  manteau) 16 

Chemise  (2  aunes  de  toile  de  Hollande) 13 

La  fraise  (sans  la  dentelle) 15 

Chapeau  et  cannetille 39 

Totol 1,270  liY.    6  sols 

1.  Tallemant,  III,  188.  *■""""""" 

2.  Furetière,  I,  37. 

3.  Ibid.f  I,  52.  Le  journal  de  modes  tient  lieu  aujourd'hui  de  ces  avis  et  de 
ces  espions.  L'idée  de  faire  un  semblable  journal  paraissait  plaisante  à  Bran- 
tôme et  au  siècle  suivant  à  Furetière.  Les  temps  ont  changé. 

4.  Lettres.  Collection  Michaud,  322  (en  1631). 

5.  Pontcbartrain,  Mém.j  kTI, 


26  G.    D'AVEIfEL. 

Il  arriva  plus  d'une  fois  à  l'ambassadeur  de  Portugal  de  fermer 
les  rideaux  de  son  carrosse  au  Cours-la-Reine,  «  et  de  changer 
d'habit  durant  cette  petite  éclipse^  pour  paraître  après  comme  un 
soleil  au  sortir  d'un  nuages  » 

C'étaient  là  les  costumes  d'apparat  pour  le  bal  et  la  promenade^ 
il  en  fallait  d'autres  pour  toutes  les  circonstances  delà  vie  :  jupes 
de  chasse,  petites  et  grandes,  en  satin  ou  en  drap  de  seau  —  un 
drap  qui  coûtait  20  liv.  l'aune,  —  manteaux  de  toutes  couleurs 
pour  Paris  et  pour  la  campagne,  robes  «  pour  faire  toilette,  »  col- 
lets de  peau  de  buffle  doublés  de  satin,  que  l'on  portait  sous  la 
cuirasse,  costumes  de  guerre,  armes  de  tout  genre,  bottes  de 
toutes  formes,  —  Cinq-Mars  en  avait  trois  cents  paires*.  —  La 
garde-robe  d'un  seigneur  représentait  ainsi  une  somme  impo- 
sante. «  Un  homme  propre,  dit  le  maître  des  requêtes  Tallemant, 
ne  peut  se  passer  à  moins  de  six  robes  de  chambre,  une  d'hiver  et 
une  d'été,  autant  à  la  campagne,  une  noire  pour  recevoir  les  par- 
ties, et  une  belle  pour  les  jours  qu'on  se  trouve  maP.  » 

Les  garnitures  de  rubans  à  l'habit,  au  chapeau,  à  l'épée  —  la 
petite  oie  —  complétaient  l'habillement  ;  à  la  fin  du  règne,  elles 
augmentent  tellement  «  qu'il  semble,  dit  Furetière,  qu'elles  sont 
montées  en  graine,  et  viennent  jusqu'aux  pochettes*.  »  Il 
en  était  de  même  des  dentelles ,  mode  récente ,  pour  laquelle 
la  haute  société  se  passionnait.  Non  seulement  les  collets  et 
manchettes  en  étaient  ornés,  mais  même  les  draps  de  lit  et 
les  linceuls^.  Grâce  à  elles,  les  austères  fraises  du  règne  pré- 
cédent s'élargissaient  en  retombant  sur  les  épaules,  pour  deve- 
nir ces  cols  merveilleux  que  l'on  vendait  jusqu'à  2,000  liv.,  et 
dont  les  élégants  changeaient  trois  ou  quatre  fois  par  jour^. 

1.  TaUemant,  VII,  9. 

2.  Les  esprits  forts  du  Marais  portèrent  en  1637  des  bottes  à  fort  longs  pieds, 
et,  pour  s'en  moquer,  quelques  capitaines  aux  gardes  dansèrent  un  ballet  des 
Longs  pieds.  —  L'usage  de  la  botte,  qui  disparut  sous  Louis  XIV,  était  parti- 
culier à  la  France.  «  J'ai  vu  bien  des  gens  à  Paris,  disait  un  Espagnol,  mais 
je  crois  qu'il  n'y  a  plus  personne  à  cette  heure,  car  ils  étaient  tous  bottés,  et 
je  pense  qu'ils  étaient  prêts  à  partir.  >  Talleinant,  II,  69. 

3.  Cf.  Talleinant,  I,  259,  III,  223,  Pontchartrain,  458,  et  Comptes  de  l'Argen- 
terie, loco  citato. 

4.  Ibid.,  I,  53.  c  Venir  en  Tisite  amoureuse  avec  une  jambe  tout  unie,  un 
chapeau  désarmé  de  plumes,  et  un  habit  qui  souffre  une  indigence  de  rubans  ; 
bon  Dieu,  quels  amants  sont^e  là?  •  Molière,  Les  Précieuses,  scène  V. 

5.  Déclaration  du  24  novembre  1639. 

6.  Cf.  Tallemant,  VIII,  33.  On  mettait  dessous  des  peintures  découpées. 


LA  FORTUNE  DE  LA  NOBLESSE  SOUS  LOUIS  Xin.         27 

«  Nos  sujets  sont  fondus  de  liuve,  dit  le  roi,  et  le  prix  des  den- 
telles va  croissant,  bien  que  nous  ayons  assez  témoigné  quelle 
était  notre  volonté,  et  que  par  notre  exemple  nous  ayons  fait  voir 
que  nous  tenions  à  faire  observer  nos  ordonnances  à  cet  égard* .  » 
«  D  y  a  des  gens,  dit  le  lieutenant-civil,  venus  à  tel  débordement 
que,  s'irritant  contre  leur  bourse^  ils  appliquent  les  dentelles 
à  leurs  chemises  et  bas  à  bottes  avec  un  tel  excès  que  leurs 
dépenses  dépassent  de  beaucoup  leur  revenu*.  »  Le  point  coupé 
qui,  d'après  les  Edits,  ne  devait  pas  valoir  plus  de  9  liv.  Taune, 
se  vendait  jusqu'à  5  et  600  liv.*.  Il  est  ici  question  du  Ponti- 
gnac,  dentelle  ordinaire,  la  moins  chère  de  toutes  ;  le  point  de 
Sedan,  d'Aurillac,  de  Raguse,  et  surtout  le  point  de  Gênes  le 
laissaient  de  beaucoup  en  arrière.  Un  habit  avait  facilement  pour 
800  liv.  de  garnitures,  et  Ton  voit  un  conseiller  au  Grand  Con- 
seil payer  les  siennes  sept  fois  autant^. 

Les  gants  n'étaient  pas  moins  luxueux  ;  certaines  dames  ne  les 
gardaient  jamais  plus  de  trois  heures^  ;  les  hommes  portaient  des 
gants  de  senteur  d'Espagne,  des  gants  en  broderie  d'or  et  d'ar^ 
gent  pour  les  fêtes,  des  gants  de  cuir  ouvrés,  garnis  de  soie^  pour 
les  exercices  ;  on  en  faisait  venir  de  Rome  pour  l'élégance,  d'An- 
gleterre pour  la  solidité®. 

La  tenue  de  deuil,  longues  robes  à  queues  traînantes,  bonnets 
carrés,  avec  chaperons  pendants  sur  l'épaule,  que  les  hommes 
d'épée  portaient  encore  aux  cérémonies  funèbres,  fom^ient  un 
étrange  contraste  avec  les  costumes  ordinaires''.  C'était  un  sou- 
venir des  vêtements  du  moyen  âge,  abandonnés  par  les  gen- 
tilshommes, que  seuls  les  gens  de  justice  et  de  finance,  —  gens 
de  robCy  —  avaient  conservé. 

Les  magistrats  de  robe  courte  portaient  la  «  toque  ^  »  les 
magistrats  de  robe  longue  le  «  bonnet  quarré;  »  quelques-uns 

1.  Déclaration  de  janvier  1635.  Au  zvi*  siècle,  Bodin  nous  apprend  qu'un 
financier  enroyait  blanchir  ses  chemises  de  Paris  en  Flandres,  à  un  tcston 
(15  sous)  pièce,  «  et  jamais  ne  donnait  moins  d'un  teston  pour  les  épingles.  > 

2.  Ordonnance  du  5  décembre  1641. 

3.  Ordonnance  du  lieutenant  civil  du  26  avril  1637. 

4.  Furetière,  I,  49.  Taliemant,  II,  94,  X,  175. 

5.  Taliemant,  V,  100.  On  les  portait  souvent  pendus  à  son  côté,  ainsi  que  le 
mouchoir  ;  les  pochettes  eussent  été  trop  étroites  pour  les  contenir. 

6.  LeUres  et  papiers  d'État,  III,  283,  448,  VIII,  254.  c  Ils  sont  beaucoup 
mieux  cousus  à  l'anglaise,  »  dit  Richelieu. 

7.  Plumitif,  P  2757,  fol.  73.  Taliemant,  X,  169.  En  Espagne  on  portait  même 
le  deuil  avec  la  Umga  caparusua  et  le  capirole.  Bassompierre,  155. 


28  G.  d'aveiiel. 

avaient  le  jupon,  petit  justaucorps  à  longues  basques;  presque 
tous  la  simarre,  sorte  d'étroite  soutane  qui  ne  les  quittait  pas.  A 
tous  il  était  interdit  de  porter  les  habits  courts;  l'on  voyait  le 
garde  des  sceaux  Chàteauneuf  caracoler  en  simarre  de  soie  vio- 
lette à  la  portière  du  carrosse  de  M"**  de  Chevreuse.  Autant 
l'homme  d'épée  était  magnifique,  autant  l'homme  de  robe  était 
simple  :  il  y  a  entre  eux  un  abîme.  Face  à  face  dans  le  même 
tableau,  ils  ne  paraissent  pas  appartenir  à  la  même  époque  ni  au 
même  pays.  Ces  hommes  de  loi  qui  portent  «  le  linge  uni  et  la 
moire  lice,  »  dont  l'élégance  consiste  dans  la  forme  d'un  rabat, 
dans  la  pose  d'une  barrette \  et  dont  l'extérieur  paraît  être  de 
cinq  siècles  en  retard  sur  celui  de  leurs  concitoyens,  légueront 
néanmoins  aux  temps  modernes  la  robe  qu'ils  ont  reçue  des 
anciens  ;  elle  sera  encore  en  usage  quand  les  pourpoints  à  crevés 
seront  entrés  depuis  longtemps  dans  le  domaine  de  l'histoire*. 

Les  femmes  de  la  cour  —  on  le  devine  —  ne  restaient  pas  en 
arrière  sur  le  chapitre  delà  toilette.  Les  trois  robes  qu'elles  por- 
taient l'une  sur  l'autre  :  la  modeste,  la  friponne,  la  secrète'*, 
oflFraient  un  vaste  champ  à  l'activité  de  leurs  tailleurs^.  Devants 
de  couleurs,  robes  de  satin  en  broderie,  pardessus  des  jupes  de 
tabis  passementées  d'or  et  d'argent;  jupes  de  toile  d'or  avec 
grandes  dentelles  ;  manches  pendantes  et  renouées  sur  les  bras 
avec  des  pierres  précieuses  :  tout  ce  qu'une  imagination  natu- 
rellement capricieuse  et  désœuvrée  peut  inventer  pour  se  distraire 
est  le  passe-temps  des  dames  qui  se  piquent  de  braverie^.  Au 

1.  Faretière,  I,  155,  II,  52.  La  corne  la  plus  élevée  devait  être  par  derrière, 
jamais  sur  le  devant  ni  de  côté,  c  Le  rabat  élait  la  première  marque  à  laquelle 
on  reconnaissait  qu'un  homme  était  bien  mis,  et  l'on  n'y  pouvait  employer  trop 
de  temps  et  de  soin.  Il  fallait  qu'il  vint  de  chez  la  bonne  faiseuse  qui  prenait 
un  écu  de  façon;  qu'il  fût  bien  empesé  et  échancré  avec  goût.  >  Ibid.f  I,  51. 

2.  Les  médecins  portaient  dans  les  occasions  solennelles  la  chape  d'écarlate, 
usage  tombé  depuis  en  désuétude.  Cf.  Guy-Patin,  Lettre  II,  539.  Sur  le  cos- 
tume du  tiers  état,  cf.  Rapine,  États  généraux,  41.  Molière,  Tartufe,  acte  Y, 
scène  IV.  Bégnier,  Satire  IX. 

3.  Sans  compter  un  a  caleçon  >  de  firise  qu'elles  mettaient  a  sous  leur  cotte  > 
durant  l'hiver.  Pontchartrain,  470. 

4.  Bassompierre  {Mém.y  126)  parle  de  Zocoli,  tailleur  de  la  Beine;  c'est  un 
personnage,  qu'elle  envoie  visiter  de  sa  part  par  la  duchesse  de  Gruise.  —  La 
présidente  .Tambonneau  est  habillée  par  un  tailleur,  M*  Thomas,  «  qui  la  tyran- 
nise, mais  qu'elle  garde  parce  qu'il  l'habille  mieux  qu'un  autre;  et  puis  il  lui 
faisait  crédit,  et  elle  devait  beaucoup.  »  Tallemant,  IX,  156. 

5.  Cf.  MottevUle,  16,  24.  Pontchartrain,  480. 


U   FORTUNE  DE  LA  NOBLESSE  SOUS  LOUIS  XIII.  29 

bal,  décolletées  en  carré  ou  en  pointe  sur  le  devant  de  la  poitrine, 
«  la  gorge  fort  ouverte,  »  selon  l'expression  du  temps*  ;  dans  la 
rue,  le  visage  couvert  d'un  masque,  — signe  distinctif  de  noblesse; 
—  montées  sur  des  patins,  si  elles  marchent,  le  chapeau  garni 
de  plumes  pour  se  garantir  du  soleil,  si  elles  sont  à  cheval,  ou 
tenant  à  la  main,  en  carrosse,  un  de  ces  parasols  aux  couleurs  écla- 
tantes, ornés  de  dentelles  d'or  sur  les  coutures,  que  l'on  faisait 
venir  à  grands  frais  d'Italie*;  telles  nous  apparaissent  les  femmes 
de  la  cour  en  1620  et  1643.  Leurs  chapeaux,  selon  le  flux  et  reflux 
de  la  mode,  «  devenaient  hauts  comme  des  pots  à  beurre,  ou  plats 
comme  des  calles^  ;  »  mais  c'était  à  la  coiffure,  cette  œuvre  com- 
pliquée où  La  Prime  excellait,  que  l'on  pouvait  reconnaître  une 
femme  de  qualité. 

Les  moustaches,  boucles  pendantes  le  long  des  joues  jusque 
sur  le  sein,  étaient  réservées  aux  demoiselles  ;  les  bourgeoises 
n'eussent  osé  en  porter^.  Quelques  femmes  préféraient  les  cheveux 
à  serpenteaiUD  qui  descendaient  jusqu'à  la  ceinture  ;  d'autres 
affectionnaient  les  cavaliers,  frisés  sur  les  tempes;  les  combinai- 
sons nouvelles  remplaçaient  les  coiffures  rondes,  frisées  et  pou- 
drées, que  l'on  portait  au  commencement  du  règne,  et  qu'Anne 
d'Autriche  n'abandonna  que  fort  tard^.  Au  sommet  de  la  tête 
était  le  galant,  une  touffe  de  soie  rose  ;  Tapprétador,  chaîne  de 
diamants  ou  de  perles,  était  entrelacé  dans  les  cheveux*.  Partout 
des  nœuds  et  des  rubans  emblématiques  ;  sur  le  cœur  le  mignon, 
à  la  pointe  du  corset  le  favori,  au  bas  de  l'éventail  le  badin. 

La  société  de  ce  temps  n'ignorait  ni  ne  dédaignait  l'art,  presque 
aussi  ancien  que  le  monde,  d'embellir  la  nature;  le  rouge,  le  noir 
et  le  blanc  jouaient  dans  la  toilette  un  rôle  de  premier  ordre.  On 
«  se  plâtrait  avec  un  pinceau  »  le  visage,  la  gorge  et  les  bras. 
La  duchesse  de  Montbazon  se  fardait  ouvertement  ;  madame  de 


1.  Ed  1636^  les  dames  font  «  des  mouchoirs  de  toile  de  soie  à  mettre  sur 
leur  gorge,  t  Lettres  et  pap.  d'État,  \,  428. 

2.  Montpensier,  Mém.,  U.  Lettres  et  papiers  d'État,  IV,  643.  L'Italie  était 
renommée  alors  pour  les  charmantes  fantaisies  dont  Paris  a  aujourd'hui  le 
monopole. 

3.  Furetière,  I,  53. 

4.  Talleraant,  IX,  106.  On  en  portait  aussi  de  postiches,  attachées  avec  un 
ruban  noir;  les  coins  de  cheveux  n'étaient  pas  encore  inventés. 

5.  MotteTiUe,  25. 

6.  Les  veuves  portaient  le  bandeau  traditionnel,  les  femmes  égées  ou  reti- 
rées du  monde  relevaient  leurs  cheveux  en  languettes.  1>dlemant,  III^  12. 


30  6.  d'avenel. 

Rambouillet  se  mettait  du  rouge  aux  lèyres  ;  d'autres  en  mettaient 
aux  joues,  si  abondamment  que  ce  rouge  appliqué  mangeait  le 
rouge  naturel,  tandis  que  quelques-unes  pour  paraître  plus 
blanches  se  tenaient  au  lit  avec  des  draps  écrus,  ou  mangeaient 
des  citrons  pour  se  rendre  pâles  ^  «  On  se  faisait  les  sourcils,  » 
non  seulement  avec  des  crayons,  mais  au  moyen  de  véritables 
teintures  ;  la  teinture  d'ailleurs  était  déjà  employée  pour  la  barbe 
et  pour  les  cheveux;  M.  de  la  Rochefoucauld,  M.  d'Aumont 
s'en  servaient;  M.  d'Humières  y  eut  recours  pour  son  fils,  dont 
il  fit  teindre  en  noir  les  cheveux  roux*.  Les  fausses  dents ,  les 
boules  de  cire  pour  enfler  les  joues,  aidaient  à  réparer  l'outrage 
des  ans^.  Jeunes  et  vieilles,  les  dames  n'auraient  pu  se  passer  de 
quelques  mouches;  être  «  fort  mouchée  »  était  du  meilleur  ton  ; 

Le  plus  parfait  ajustement 

Bans  elles  n'aurait  point  de  grâce. 

Les  jeunes  gens,  de  leur  côté,  se  couvraient  la  tête  d'une  poudre 
qui  inondait  leurs  collets.  L'huile  de  jasmin,  la  pommade  de 
M°*®  des  Ëssarts  adoucissaient  leur  peau,  les  sachets  de  violette 
et  de  roses  musquées  parfumaient  leur  linge  et  leurs  habits^, 
tandis  que  <  l'eau  d'Ange  »  à  l'iris  de  Florence,  le  genièvre  brûlé 
et  le  vinaigre  impérial  embaumaient  les  appartements^. 
La  mode  des  bijoux  n'était  pas  moins  générale  que  le  goût  des 

1.  Tallemant,  I,  128,  VI,  134,  IX,  21,  156.  Marioa  de  Lprrae  m  tenait  des 
maUnées  enlières  les  pieds  dans  Teau  c  parce  que  le  nez  lui  rougissait  quel- 
quefois, i  ihid,y  V,  100.  c  Pour  être  chaussées  roignonnement,  quelques  filles 
de  la  reine  se  serrèrent  une  fois  les  pieds  avec  les  bandelettes  de  leurs  che- 
Teux,  et,  de  douleur,  s'évanouirent  dans  le  cabinet  de  la  reine,  >  ibid.^  VII, 
203.  «  M.  d'Aumont  se  tenait  les  pieds  dans  l'eau,  pour  se  pouvoir  botter  plus 
étroit.  » 

2.  IhiA.y  X,  78,  121,  V,  10.  a  Beaucoup  de  gens  apportaient  des  artifices  à 
leur  barbe  pour  la  faire  devenir  noire.  >  Segrais,  Mém.^  239.  On  cessa  de  porter 
la  barbe  sous  Louis  XIV  :  c  Le  seul  changement  que  remarqua  Bassorapierre, 
en  sortant  de  prison  au  bout  de  douze  ans,  c'est  que  les  hommes  n'avaient 
plus  de  barbe,  et  les  chevaux  plus  de  queue.  >  Abbé  Arnaud,  510. 

3.  Tallemant,  VIII,  9.  Régnier  dit  d'une  femme  (Sat.  IX)  : 

Et  tout  ce  qui  de  jour  la  fait  voir  si  doucette, 
La  nuit,  comme  en  dépôt,  est  dessus  la  toilette. 

4.  Les  sachets  coûtaient  15  liv.  la  pièce. 

5.  Lettre  de  M"*  de  Rambouillet  à  M-«  de  Sablé.  Tallemant,  V,  162.  Riche- 
lieu remercie  un  correspondant  de  l'envoi  c  d'eaux  et  poudres  de  senteur  si 
excellentes,  qu'il  ne  saurait  assez  les  estimer.  »  Lettres  et  pap.  d'État,  II,  384. 
L'usage  était  donc  général. 


LA  FORTUNE  DE  LA  NOBLESSE  SOUS  LOUIS  IIH.         Si 

cosmétiques  et  des  parfums  ;  elle  était  d'autant  plus  dispendieuse 
que  les  diamants,  les  perles,  comparativement  aitœ  autres 
marchandiseSy  avaient  un  prix  plus  élevé  au  xvir  siède  que 
de  nos  jours.  On  portait  des  pierreries  non  seulement  au  cou,  aux 
doigts,  aux  oreilles,  mais  sur  tout  le  vêtement.  La  reine  Marie,  au 
baptême  du  dauphin,  avait  une  robe  étoffée  de  32,000  perles  et 
de  3,000  diamants  ' .  Or  le  «  diamant  d'Alençon  »  et  les  «  pier- 
reries du  Temple  »  —  ces  bijoux  feux  de  l'époque  —  n'étaient 
pas  en  état,  par  leur  fabrication  grossière,  de  procurer  beaucoup 
d'illusion.  On  ne  pouvait  guère  avoir  recours  à  eux*.  Richelieu 
donne  à  la  princesse  d'Orange,  de  la  part  du  roi,  des  pendants 
d'oreilles  en  diamants  de  50,000  écus.  M"*®  de  Guise  donne  à  sa 
fille  €  son  grand  diamant  »  estimé  240,000  liv.  L'orfèvre  de  la 
couronne  reçoit  30,000  liv.  pour  une  bague,  et  134,000  <  pour 
fourniture  de  diamants  et  monture  d'une  chaîne^.  »  Les  perles 
atteignaient  des  chiffres  analogues.  La  maréchale  d'Ancre  avait 
un  tour  de  col  de  40  perles  à  2,000  liv.  la  pièce,  et  une  chaîne 
de  cinq  tours,  d'une  valeur  de  280,000  liv.  ;  le  président  Le  Jay 
donna  à  la  femme  d'un  maître  des  requêtes  un  collier  dont  chaque 
perle  coûtait  1,000  liv.  ;  la  reine  de  Danemark  avait  pour  bague 
une  perle  creusée  et  percée  en  forme  d'anneau^  Nous  ne  parlons 
pas  des  pierres  de  couleur,  tables  de  bracelet ^  médailles  d'agate 
antiques,  opales  grandes  comme  des  assiettes,  d'une  valeur  de 
40,000  liv.^,  ni  de  ces  menus  bijoux,  joncs  d'émail,  petits  chape- 
lets, montres  de  Blois  émaillées,  petits  cadeaux  sans  conséquence 
qui  servaient  à  acquitter  une  discrétion^. 

Les  hommes  aussi  affectionnaient  les  bijoux  de  prix,  chaînes 
de  diamants  de  60,000  écus,  épées  dont  la  garde  valait  90,000  liv . , 
conune  celle  du  duc  d'Ëpernon  —  on  en  vendait  courajnment  de 

1.  Mercure  français,  1606,  p.  111.  Cf.  MotterlUe,  24. 

2.  Lettres  et  pap.  d'État,  V,  55.  Tallemant,  VI,  73. 

3.  Lettres  et  pap,  d'État,  VII,  276.  Duc  d'Orléans,  570.  Compte  de  l'Argen- 
terie, KK  199,  fol.  26.  —  160  boutons  d'or  émaillés  pour  U  reine  Anne, 
58,000  Ut. 

4.  Pontchartrain,  469.  Tallemant,  X,  190.  Arnaud,  527. 

5.  Pontchartrain,  465.  Tallemant,  VII,  %. 

6.  Lettres  et  pap.  dÉtat,  III,  906.  Montpensier,  Mém,,  5,  10.  Le  roi  achète 
un  pistolet  «  au  bout  duquel  il  y  avait  une  montre  d'horloge,  i  450  Ht.  (KK 
199,  fol.  14).  La  reine  d'Angleterre  avait  pour  bague,  au  lieu  de  pierre,  dans 
un  cristal  d'une  grosseur  ordinaire,  une  montre  avec  toutes  ses  roues,  sonnant 
les  heures  sur  son  doigt,  que  le  marteau  frappait  doucement  par  de  légères 
piqûres.  (Arnaud,  527.) 


32  G.    D'AVENEt. 

12,000  \  —  relève-moustaches  en  diamants,  comme  celui  que 
Cinq-Mars  sur  Téchafaud  donnait  à  son  bourreau* 

Les  jouets  eux-mêmes,  récréation  ordinaire  des  enfants  prin- 
ciers, atteignaient  des  chiffres  qui  semblent  inouïs  à  notre  époque, 
où  pourtant  les  prodigues  ne  manquent  pas  :  2,000  écus  (plus 
de  36,000  francs  d'aujourd'hui),  payés  par  le  cardinal  de  La 
Vallette  pour  une  poupée  offerte  à  M"®  de  Bourbon,  —  «  avec 
la  chambre,  le  lit,  tout  le  meuble,  le  déshabillé,  la  toilette  et 
bien  des  habits  à  changer^.  » 

Pendant  que  la  classe  opulente  s'épuise  ainsi  en  dépenses  mul- 
tiples, le  bourgeois  qui  ne  connaît  ni  roses  au  soulier,  ni  ruban 
au  genou,  porte  ses  cheveux  rasés  au-dessus  de  l'oreille,  s'habille 
à  la  friperie,  et  sa  femme  entrevoit  à  peine  dans  ses  rêves  la  robe 
de  velours,  tandis  que  la  plus  haute  ambition  de  sa  fille  consiste 
en  un  collier  d'ambre,  des  gants  neufs  et  des  souliers  noircis^. 

IV.  —  Les  divertissements  et  le  jeu.  —  Le  noble  en  temps 
de  paix;  chasse  et  danse,  —  Vénerie  et  faticonnerie 
royale,  —  La  paume  et  autres  exercices.  —  Les  jeux 
innocents.  —  Les  carrousels,  —  Les  bals  :  on  ne  danse 
bien  qu'en  France,  —  Ballets^  leur  nombre  et  leur  prix, 
—  Musique  et  théâtre.  —  Le  jeu  :  prime,  dés,  quinola, 
trictrac.  —  Grandes  pertes;  maisons  de  jeu  ou  brelans. 

Grand  train,  table  abondante,  vastes  demeures,  riches  vête- 
ments, tels  sont  les  éléments  d'une  vie  seigneuriale.  Que  peut 
être  cette  vie  elle-même?  Que  fait  le  propriétaire  de  tous  ces 
biens?  Il  s'occupe  peu  de  ses  affaires  privées,  encore  moins  des 
affaires  publiques ,  il  n'est  ni  artiste,  ni  lettré  ;  l'agriculture  ne 
l'intéresse  pas,  il  la  dédaigne  ;  le  commerce  est  au-dessous  de  \m, 
il  le  méprise.  En  temps  de  guerre,  il  est  merveilleux,  rien  ne  le 

1.  Richelieu,  III,  36.  Mercure,  1606,  p.  111.  Leitret  et  pap.  d'État,  VII,  813. 
Bassompierre,  31.  —  Boite  en  diamant»,  donnée  à  l'ambassadeur  de  Suède, 
30,000  liY.,  et  autant  pour  la  façon.  (Gazette,  8  août  1631.) 

2.  Fontrailles,  Mém,,  265. 

3.  Tallemant,  I,  182.  M"*  de  Brézé,  femme  du  grand  Condé,  tenait  de  Riche- 
lieu c  une  peUte  chambre  avec  six  poupées  :  une  femme  en  couches,  une  nour- 
rice gitasi  au  naturel,  un  enfant,  une  garde,  une  sage-femme  et  la  grand' 
maman.  Elle  y  jouait  arec  M"**  de  Rambouillet  et  de  Bouteville.  »  Ibid., 
II,  216. 

4.  Cf.,  sur  les  mœurs  de  la  bourgeoisie  de  Tépoque,  Furetière,  Roman  frour- 
geois,  I,  10,  46,  108,  181. 


LA   FORTUNE  DE  LA  NOBLESSE  S0D8  LOUIS  XIII.  33 

rebute  ni  ne  le  fatigue  ;  c'est  son  métier,  et  jamais  homme  n*a 
mieux  que  lui  connu  son  métier.  Il  Ta  étudié  dans  sa  jeunesse, 
exercé  dans  son  âge  mûr  ;  dans  sa  vieillesse,  il  y  prépare  ses 
enfants.  Il  en  a  Tamour,  et  grâce  à  l'influence  des  milieux,  de 
l'hérédité,  il  en  possède  la  qualité  maîtresse,  la  bravoure.  Les 
institutions  et  les  mœurs  ont  fait  de  lui  un  soldat,  il  l'est  avec 
perfection,  avec  passion,  mais  il  n'est  que  cela.  Organisée  pour 
la  guerre,  la  noblesse  en  temps  de  paix  est  une  épée  au  fourreau, 
soit  un  meuble  inutile;  une  troupe  en  garnison,  c'est-à-dire 
quelque  chose  qui  a  servi  et  qui  servira,  mais  qui  présentement 
ne  sert  pas. 

N'ayant  pas  d'occupations,  elle  se  crée  des  passe-temps  qui 
répondent  à  son  tempérament.  Habitué  à  un  exercice  continu,  le 
noble,  ne  pouvant  se  battre,  chasse  et  danse  ;  double  gymnastique 
du  dehors  et  du  dedans,  qui  lui  permet  de  satisfaire  en  plein  air 
comme  à  huis  clos  ses  instincts  de  mouvement  perpétuel.  Exis- 
tence plus  brillante  à  la  cour,  plus  rustique  à  la  campagne,  par- 
tout d'une  singulière  monotonie.  A  Paris  on  danse,  on  se  promène, 
on  se  visite  davantage.  Dans  les  châteaux,  on  s'applique  exclu- 
sivement à  la  chasse,  parce  qu'on  n'a  guère  d'autre  ressource 
pour  tuer  le  temps.  Le  gentilhomme  campagnard  est  chasseur  de 
profession,  de  père  en  fils,  et  d'un  bout  à  l'autre  de  l'année,  comme 
ses  paysans  sont  laboureurs  ou  pasteurs.  Certains  procédés  de 
vénerie  sont  plus  relevés  que  d'autres,  certains  gibiers  sont  plus 
distingués,  mais  toute  chasse  est  noble,  et  tout  chasseur,  par  con- 
séquent, doit  appartenir  à  la  classe  aristocratique. 

Chasses  à  courre,  à  tir,  à  la  huée,  ainsi  que  nos  pères  nom- 
maient les  battues,  étaient  savamment  réglées  et  avaient  leurs 
amateurs.  Charles  IX,  dans  sa  Chasse  royale,  ne  s'occupe  que  du 
cerf  et  délaisse  complètement  les  oiseaux.  Louis  XIII,  au  con- 
traire, les  aimait  de  prédilection,  ce  qui  ne  l'empêcha  pas  de 
récompenser  par  un  brevet  de  duc  le  savoir  de  Saint-Simon  de 
€  bien  porter  en  un  cor,  sans  baver  dedans*.  »  Poil  ou  plume 
d'aiUeurs,  les  animaux  ne  manquaient  pas.  On  n'en  était  pas 
encore  arrivé  à  «  protéger  les  bêtes  comme  si  elles  étaient  des 
hommes,  et  à  poursuivre  les  hommes  comme  s'Us  étaient  des 
bêtes.  »  Les  grands  seigneurs  étaient  néanmoins  très  sévères  sur 
le  chapitre  cynégétique.  Brezé,  gouverneur  de  l'Anjou,  passait 

I.  TallemaDl,  III,  65. 

Rev.  Histor.  XXII.  !•'  pasc.  3 


34  G.    D'AVEIfgL. 

en  fait  de  chasse  pour  le  plus  graud  tjnran  du  monde^  «  jusque-là 
que  les  personnes  de  qualité  n'osaient  avoir  un  chien  ni  une  arque- 
buze  pour  tirer  seulement  dans  leur  parc.  »  Autour  de  Paris,  les 
forêts  royales  de  Monceaux,  Compiègne,  Versailles,  Saint-Ger- 
main, Vincennes,  Fontainebleau,  Livry,  Sénart,  Longjumeau, 
Château-Thierry,  pour  ne  parler  que  des  plus  importantes,  étaient 
défendues  avec  un  soin  jaloux  par  les  gardes  qui,  ne  recevant 
aucun  gage,  «  faute  de  fonds,  »  n'avaient  d*autre  indemnité  que 
leurs  privilèges  ^  Le  roi  encourage  ses  procureurs  à  veiller  «  avec 
plus  de  soin  et  d'affection  à  la  conservation  de  ses  chasses  et 
plaisirSy  conune  étant  son  plus  agréable  divertissement  dans  le 
séjour  qu'il  fait  et  pourrait  faire  en  sa  bonne  ville  de  Paris.  » 

Parmi  les  grands  offices  de  la  couronne,  il  n'en  est  pas  moins  de 
trois  exclusivement  affectés  à  la  chasse  :  le  grand  veneur ,  le 
grand  fauconnier,  le  grand  louvetier.  La  vénerie  ne  comprend 
que  trois  cents  et  quelques  chiens,  mais  admirablement  répartis 
entre  le  cerf,  le  chevreuil,  le  lièvre  et  certaines  espèces  de  lièvres  ; 
plus  les  lévriers,  les  dogues,  les  chiens  courants  de  toute  race, 
les  levrettes  et  les  épagneuœ*.  La  fauconnerie  était  un  ministère. 
Vol  pour  milan,  vol  pour  corneille,  pour  héron,  pour  les  champs 
et  pour  rivière,  chacun  avec  un  chef,  et  des  «  gentilshonunes  ser- 
vant au  voP.  » 

Louis  XIII  aimait  à  chasser  avec  des  oiseaux  de  proie  toute 
sorte  de  gibier,  même  la  perdrix.  «  Voler  le  perdreau,  voler  le 
merle,  ou  répéter  le  ballet,  »  —  il  y  avait  toujours  un  ballet 
en  répétition,  — étaient  les  deux  objets  entre  lesquels  il  partageait 
les  longues  journées  qui  ennuyaient  tant  ses  favorisa  La  livrée 

1.  Henri  Poissier,  s'  de  la  Sablonnière,  gouverneur  des  oiseaux  et  de  la 
chambre  et  cabinet  du  roi,  avait  droit  à  six  douzaines  de  serins  à  bas  prix 
(6  liv.  la  douzaine).  Sentence  de  la  Maîtrise  des  eaux  et  forêts,  9  sept.  1637. 

2.  En  1640,  le  grand  veneur  nourrit  70  chiens,  plus  une  meute  de  24  chiens 
d'Ecosse,  chassant  c  pour  le  lièvre,  »  plus  54,  y  compris  4  limiers,  formant  la 
meute  du  chevreuil,  24  chiens  c  chassant  aux  toilles,  >  4  grands  lévriers  et 
dogues,  50  chiens  blancs,  c  chassant  pour  le  cerf,  >  70  chiens  courants, 
18  épagneux,  4  levrettes  servant  dans  la  chasse  au  faucon,  6  lévriers  à  lièvres 
de  Champagne. 

3.  Le  grand  faucx)nnier  était  le  duc  de  Chevreuse;  nous  voyons  Charles  de 
Bourlon,  chef  du  vol  pour  les  champs,  Gilles  de  Ligny,  s'  d'Iurmont,  chef  du 
vol  pour  héron,  Denis  Zamet,  s'  de  Vaux,  gentilhomme  servant  au  vol  pour 
corneille.  11  y  avait,  en  1640, 103  oiseaux  :  20  au  vol  pour  milan,  12  pour  héron, 
46  pour  corneille,  8  pour  les  champs,  6  pour  rivière,  3  pour  pie,  8  pour 
émérillon. 

4.  «  Le  roi  va  voler  le  perdreau,  qui  est  la  chasse  de  la  saison  »  0^  ^^  juillet; 


LA  FORTUNE  DE  LA   NOBLESSE  SOUS  LOUIS  XIII.  35 

que  les  chiens  portaient  sous  forme  de  collier,  les  faucons  et  leurs 
congénères  la  portaient  à  la  patte,  sous  la  forme  d'une  vervelle, 
anneau  de  cuivre  ou  d'argent,  aux  armes  du  maître*.  Le  roi  qui 
chassait  constamment,  mais  économiquement,  ne  dépensait  pas 
ainsi  de  bien  grosses  sommes  ;  les  seigneurs  y  mettaient  souvent 
plus  de  magnificence  ;  la  chasse  n'était  pas  seulement  pour  eux 
un  sport,  c'était  aussi  une  fête.  M.  de  La  Rochefoucauld  donne- 
i-il  une  chasse  aux  dames,  à  tous  les  relais  il  y  a  collation  et 
musique. 

Faute  de  chasse,  on  court  la  bague,  on  tire  le  papegai*,  on 
joue  à  la  paume,  à  la  longue  paume,  au  volant,  on  fait  partie  de 
tirer  des  hirondelles  au  Pré-aux-Clercs,  ou  d'aller  jouer  au  Mail 
au  Palais-Royal  avec  les  dames  ^.  On  se  délassait  de  ses  exercices 
par  quelqu'un  de  ces  jeux  que  les  modernes  ont  baptisés  d'inno- 
cenis,  et  que  les  hommes  de  ce  temps  pratiquaient  le  plus  sérieu- 
sement du  monde.  Le  gage  touché ^  Votre  place  me  plaît  fai- 
saient les  délices  de  plus  d'un  grand  roi^. 

Les  courses  de  chariots  autour  de  deux  pyramides,  —  souve- 
nir des  anciens  Grecs,  —  qui  faisaient  fureur  à  Florence^,  pas 
plus  que  les  courses  de  chevaux  établies  en  Angleterre  sous 
Jacques  P',  n'avaient  pu  réussir  en  France.  «  Pourquoi  un  honune 
brave  s'amuserait-il  avec  un  animal,  dont  le  plus  grand  mérite 
serait  de  l'aider  à  fuir  plus  rapidement*  ?  »  Les  carrousels  où  les 
plus  qualifiés  de  la  cour  paradaient  devant  la  foule  du  peuple, 
suivis  de  troupes  allégoriques,  superbement  équipées  aux  frais 
des  tenants  y  répondaient  mieux  au  goût  de  représentation  si  vif 


ils  étaient  donc  bien  précoces).  Gazette  du  16  juillet  1633.  Le  roi  ne  parle 
guère  que  de  sa  chasse.  Voyez  Louis  XIII  et  Richelieu ,  par  M.  Marins  Topin. 

1.  TaUeraanl,  VIII,  202. 

2.  A  Parc  ou  à  l'arquebuse;  c'était  un  oiseau  de  carton  juché  sur  une  perche. 

3.  Tallemant,  X,  132, 133, 142.  Les  paysans  jouaient  à  la  pierrette.  Louis  XIII 
y  était  fort  adroit.  Le  jeu  de  boules  était  le  régal  de  la  bourgeoisie;  la  paume 
était  de  luxe  ;  les  gens  malaisés  jouaient  à  ctosser^  chassant  une  balle  a^ec  un 
bAton  recourbé. 

4.  Lettres  et  pap.  d'État,  VIII,  84.  Témoin  Gustare-Adolphe  qui  y  jouait  avec 
sa  cour. 

5.  Bassompierre,  17.  Talleraant,  X,  155.  On  y  pratiquait  aussi  le  paUio, 
course  de  chevaux* 

6.  Mémoires  de  lord  Herbert  Cherbury,  46.  <  Je  n'approuve  pas,  dit-il,  l'usage 
de  monter  dans  les  courses  de  chevaux,  parce  que  c'est  un  jeu  où  on  triche 
trop  souvent,  t 


36  G.    D^AYBNEL. 

dans  la  haute  classe,  mais  coûtaient  trop  cher  pour  être  répétés 
souvent*. 

Le  divertissement  le  plus  apprécié,  le  plus  répandu,  toujours 
renouvelé  et  toujours  en  honneur,  c'était  la  danse.  «  Sans  la 
danse,  un  homme  ne  saurait  rien  faire,  »  dit  le  maître  à  danser 
du  Bourgeois-Gentilhomme,  et  il  disait  vrai  ;  «  il  n  y  a  rien  qui 
soit  si  nécessaire.  »  Feux  de  joie,  feux  d'artifice,  lanternes  en 
papier  colorié ,  lanternes  magiques ,  festins  publics  étaient  les 
démonstrations  d'allégresse  accoutumées  du  populaire^;  le  bal 
seul  était  l'accompagnement  obligé  d'une  fête  de  bonne  compa- 
gnie. On  ne  l'entendait  bien  qu'en  France.  En  Italie,  les  femmes, 
séparées  des  hommes,  étaient  assises  sur  une  estrade  au  bout  de 
la  salle  ;  en  Espagne,  on  y  gardait  trop  de  raideur  ;  en  Angleterre, 
on  y  mettait  trop  d'étiquette  ;  mais  en  France,  tout  le  monde  en 
rond,  se  tenant  par  la  main,  dansait  les  branles  avec  l'entrain 
d'une  noce  de  village.  Les  distances  s'effaçaient,  la  morgue  dis- 
paraissait. Les  femmes  engageaient  les  hommes  en  leur  présen- 
tant des  bouquets  ;  le  roi  même  prenait  part  à  C assemblée  comme 
un  simple  particulier,  la  première  venue  le  choisissait,  pendant 
qu'un  gentilhomme  portait  son  hommage  à  une  princesse.  Chabot 
fit  son  chemin  par  la  courante  qu'il  dansait  à  ravir^.  Un  pas 
bien  exécuté  valait  à  son  auteur  presqu'autant  de  réputation 
qu'une  ville  prise  ;  c'étaient  des  coups  d'éclat  de  diverses  sortes. 
Depuis  là  pavane  y  déjà  vieillie,  jusqu'à  la  boccane,  d'invention 
récente,  une  multitude  de  pas,  savamment  étudiés,  compliqués 
avec  grâce,  exigeaient  une  attention  toujours  en  éveil,  une  tactique 
soutenue  dans  les  jambes,  les  bras,  la  tête,  tout  le  corps.  La  sara- 
bande, la  figurée,  la  panadelle,  la  bourrée  n'étaient  pas  des  con- 
ceptions vulgaires  ;  un  courtisan  qui  savait  en  faire  ressortir 
toute  la  délicatesse  était  de  suite  un  homme  classée 

1.  Tel  est  en  1606  le  carrousel  de  l'Eau,  de  la  Terre,  du  Feu  et  de  l'Air.  En 
1612,  le  carrousel  de  la  place  Royale,  qui  revint  à  50,000  écus  aux  cinq  tenants  : 
Guise,  Chevreuse,  Nevers,  Bassompierre,  La  Chataigneraye.  Suivis  de  500  per- 
sonnes, dont  206  à  cheTal,  tous  habillés  et  caparaçonnés  de  velours  incarnat  et 
de  toile  d'argent,  ils  firent  c  un  grand  tour  dans  Paris,  >  de  la  place  Royale  au 
Pont-Neuf,  pour  se  montrer  «  au  peuple  inuumérable.  »  Bassompierre,  46,  79. 

2.  KK200,  f*  22,  Arch.  nat.  Richelieu,  Mém.,  I,  328.  Régnier,  Satire  II. 
Montpensier,  Mëm.,  7.  Lettres  de  cachet,  5  septembre  1638. 

3.  Abbé  Arnaud,  814.  Bassompierre,  20.  Tailemant,  V,  25,  X,  129,  VIII,  24. 

4.  Il  y  avait  des  danses  bourgeoises  comme  les  Cinq-Pas,  les  TroiS'Visages, 
et  des  danses  grotesques  comme  la  Diableitse,  Grand- Guenippe.  Furetière, 
Boman  bourgeois,  I,  110.  Tailemant,  VI,  206. 


LA   FORTUNE  DE  LA   NOBLESSE  SOUS   LOUIS  XIII.  37 

Mais  c'est  surtout  dans  les  ballets  que  rimagination  se  donne 
libre  carrière.  Il  en  est  pour  toutes  les  circonstances  de  la  vie, 
pour  toutes  les  époques  de  Tannée.  Ballets  demi-deuil  et  de  carême, 
ballets  politiques  avec  allusions  transparentes  ou  cachées^  ;  bal- 
lets graves  ou  sérieux,  historiques  ou  romanesques.  En  une  seule 
année,  on  en  dansa  cinq  nouveaux  à  la  cour,  celui  des  Turcs,  des 
Amoureux,  des  Lavandières,  des  Nymphes,  des  Docteurs  Gra- 
tiens*.  Mademoiselle  va  visiter  un  de  ses  domaines  ;  l'intendant 
danse  un  ballet  en  son  honneur  le  jour  de  son  arrivée,  et  la  prin- 
cesse constate  avec  soin  dans  ses  Mémoires  que  voilà  un  «  homme 
de  bonne  compagnie  »  et  qui  sait  vivre  ^. 

Les  grands  ballets  de  cour  où  figuraient  près  de  cent  cinquante 
personnes,  et  dont  la  dépense  était  supportée  par  le  roi  seul,  reve- 
naient quelquefois  à  100,000  liv.  Le  monarque  y  paraissait  sous 
les  déguisements  les  plus  variés  ;  dans  la  même  soirée,  il  repré- 
sente tour  à  tour  un  joueur  de  guitare  et  un  simple  soldat.  Les 
colosses  en  baudruche,  les  types  familiers  de  l'époque  :  Guillemine 
la  quinteuze,  Jacqueline  l'entendue,  Alizon  la  hargneuze,  les 
Bertrands*,  les  Bilboquets  et  divers  grotesques  plus  ou  moins 
plaisants  faisaient  les  frais  ordinaires  de  ces  exhibitions,  où  le 
bon  sel  paraît  manquer  totalement.  On  ne  s'en  lassait  pas  cepen- 
dant. Deux  baladins  (maîtres  de  danse),  Jacques  Gordier,  dit 
Boccan,  chez  le  roi,  Antoine  Ballon  chez  la  reine,  réglaient  les 
pas,  présidaient  à  la  mise  en  scène^;  et  l'élite  de  la  nation  se 
consumait  de  travail  pendant  des  semaines ,  sous  fa  direction 
de  ces  artistes  autorisés,  afin  de  parvenir  à  exécuter,  dans  les 
formes  et  selon  certain  ordre,  les  jetés  et  les  entrechats,  brodés 
sur  un  canevas  qui  aujourd'hui  servirait  à  peine  pour  une  cha- 
rade d'après-dîner®. 

1.  En  1621,  Luynes,  jouant  dans  un  baUet  le  rôle  de  dompteur  des  monstres, 
c  lors  de  la  brouille  du  roi  avec  sa  mère,  faisait  mettre  la  reine  Marie,  repré- 
sentée par  un  géant  traîné  par  deux  nains,  à  genoux  devant  lui  pour  l'affaire 
d'Angoulème,  et  ensuite  le  ventre  en  terre  pour  celle  du  Pont-de-Cé.  >  Riche- 
Ueu,  I.  252. 

2.  Cf.  Bassompierre,  22,  51,  123.  En  1608,  ballets  des  Inconstants,  de  Maître 
Goille,  des  Dangereux,  des  Dieux  marins. 

3.  Montpensier,  4. 

4.  La  mode  des  Bertrands  venait  du  proverbe  italien  :  Qui  aime  Bertrand 
aime  son  chien. 

5.  Le  premier  touchait  340  liv.  chez  le  roi  et  400  liv.  chez  la  reine  ;  le 
second  ne  touchait  que  180  liv.  chez  la  reine.  Etat  de  la  Maison  du  roi,  en  1640. 

6.  Le  maître  à  danser  ridiculisé  par  Molière  n'est  nullement  outré.  Dans  les 


38  G.  d'aveutel. 

Gela  semblait  sufflsaat,  l'imagiDation  n'allait  pas  au  delà.  Il 
est  vrai  que  la  musique  et  l'art  dramatique  n'existaient  pas  plus 
l'un  que  l'autre.  Vingt-quatre  violons  suffisaient  aux  besoins 
mélodiques  de  la  capitale  ;  on  les  nommait  les  24  violons.  Ils 
servent  indistinctement  dans  les  besoins  d'amour,  de  danse,  de 
cérémonies  multiples  ;  à  la  cour  ainsi  qu'à  la  ville,  au  bal,  à  la 
sérénade,  à  l'église,  leur  emploi  est  universel*.  Trois  d'entre  eux 
étaient  ordinaires  de  la  chambre  du  roi,  mais  les  vingt  et  un 
autres  y  jouaient  aussi  sans  avoir  le  titre'.  Onze  hautbois,  douze 
trompettes  et  quatre  tambours  complétaient  l'orchestre  royal, 
avec  les  enfanJts  de  la  musique  de  la  chambre^.  S'il  était 
nécessaire  de  le  renforcer  en  instruments,  on  n'avait  d'autre  res- 
source que  de  requérir  les  violons  de  la  campagne  ou  les  fifres 
et  tambours  des  Cent-Suisses  et  de  l'Ecurie. 

Le  théâtre  venait  à  peine  de  naitre.  La  comédie  de  salon, 
«  représentée  par  des  personnes  particulières  qui  ne  faisaient 
point  profession  de  comédiens,  »  était  une  exception  ;  plaisir  peu 
répandu  et  encore  moins  goûté.  Un  amateur  comme  le  marquis 
de  Sourdéac  se  donnait  le  luxe  de  dépenser  10,000  écus  pour 
faire  jouer  dans  son  château  la  Toison  d'Or  de  Corneille*;  le 
fait  demeurait  isolé.  L'art  dramatique,  considéré  comme  une 
récréation  mondaine,  avait  peu  de  moyens  de  firapper  les  oreilles 
et  de  charmer  l'esprit  d'une  société  médiocrement  cultivée.  L'ins- 
tallation des  salles  de  spectacle  (Marais  ou  Hôtel  de  Bourgogne) 
n'était  guère  supérieure  à  celle  d'un  théâtre  de  foire  ;  les  gens  de 

OQTrages  chorégraphiques  du  temps,  il  est  question  d'Aristote  à  propos  d'un 
simple  rond  de  jambe.  Les  auteurs  appellent  à  leur  aide  toute  l'antiquité  clas- 
sique. 

1.  C'était  un  divertissement  bien  vu  de  la  part  d'un  auteur,  de  donner  les 
violons  à  la  comédie,  c'est-à-dire  de  faire  jouer  une  douzaine  de  violons  pen- 
dant les  entr'actes  de  ses  pièces.  La  Serre  n'y  manquait  jamais.  Tallemant, 
Ylllf  134.  Dans  le  langage  des  précieuses,  les  violons  pour  faire  danser  se 
nommaient  les  âmes  des  pieds, 

2.  Cf.  Plumitif,  p.  2860,  fol.  48.  Arch.  nat.,  KK  201.  Les  trois  titulaires 
étaient,  en  1614,  Antoine  Desnoz,  François  Lechassier,  Claude  Crestot,  dit  La 
Haye.  Ils  reçoivent  chacun  12  liv.  10  s.  d'étrennes.  Les  hautbois,  au  nombre 
de  quatre,  recevaient  90  liv.  de  traitement  par  an.  La  reine,  qui  assistait  tou- 
jours aux  quarante  heures,  ne  manquait  pas  d'y  envoyer  sa  musique.  Arch. 
nat.,  KK  1355,  fol.  6. 

3.  Les  enfants,  à  qui  l'on  apprenait  à  chanter,  étaient  élevés  aux  frais  du  roi. 
A  l'Age  de  c  la  mutation  de  la  voix,  »  ils  sortaient  de  la  musique  et  recevaient 
75  liv.  par  an,  c  pour  avoir  moyen  de  s'entretenir.  >  IbUL 

4.  Hisl.  de  l'Opéra,  23,  Paris,  1753.  Bassompierre,  130. 


LA   FORTUNE   DE   LA   NOBLESSE  SOUS  LOUIS   XIII.  39 

qualité  ne  s*y  aventuraieût  qu*eii  de  rares  occasions,  sur  invi- 
tation spéciale,  et  comme  en  une  partie  un  peu  risquée  ^ 

Tout  autre  était  l'attrait  du  jeu  pour  ces  personnages  sans 
cesse  à  court  d'argent,  et  qui,  à  défaut  du  gain,  retrouvaient 
autour  d'une  table  de  prime  ou  de  trictrac,  à  une  partie  de  dés 
ou  de  quinola^  les  émotions  fortes  de  la  bataille  et  les  hasards 
agréables  à  leur  humeur*.  Le  duc  d'Orléans  jouait  à  prime 
«  quelque  dix  heures  par  jour  ^  ;  »  Bassompierre  y  gagna 
100,000  fr.  en  1606,  et  600,000  liv.  en  1608.  Et  comme  l'ar- 
gent eût  été  trop  long  à  compter,  trop  incommode  à  manier,  on 
inventa  des  jetons  de  50  à  500  pistoles  chaque,  «  de  sorte  qu'on 
pouvait  tenir  dans  sa  main  plus  de  50,000  pistoles  (400,000  liv.) 
de  ces  marques-là*.  »  Si  quelque  gentilhomme  manquait  de 
fonds,  il  se  trouvait  toujours  un  financier  français  ou  étranger, 
que  ses  écus  avaient  introduit  dans  la  compagnie,  pour  «  faire 
bon  tout  ce  que  l'on  jouait ,  »  fournissant  des  marques  sous 
bonne  caution,  usurier  discret  et  complaisant,  gagnant  à  coup 
sûr  et  remercié  de  chacun. 

Au  jeu,  le  maréchal  de  Créqui  perd  200,000  écus,  le  maréchal 
d'Estrées  100,000  liv.  en  un  jour,  Chevry  50,000  contre  le  duc 
de  Guise.  Le  maréchal  de  Gramont  s'y  ruine,  tandis  qu'un 
simple  élu  de  Chinon  y  gagne  1,200,000  liv.  et  se  bâtit  sur  ses 
bénéfices  un  hôtel  rue  Sain t- Antoine  ^.  Il  est  vrai  que  beaucoup, 
assimilant  trop  exactement  le  jeu  à  la  guerre,  se  croient  en  droit 
de  corriger  la  chance  par  d'ingénieuses  tricheries,  comme  un  bon 
général  décide  la  victoire  par  un  habile  stratagème.  Dés  pipés, 
cartes  biseautées  deviennent  vulgaires  à  force  d'être  employés. 
«  La  malice  de  ceux  qui  font  profession  de  jouer  »  cause  des 
scandales  publics  que  les  lois  mêmes  se  croient  obligées  de  signa- 
ler, et  atteint  du  premier  coup  la  perfection  de  ce  genre  ®. 


1.  Cf.  Talleraant,  VIII,  33  et  saiy. 

2.  On  joaait  aussi  au  sexie-partie^  et  Tabbé  Arnaud  nous  apprend  (Mém,^ 
S04)  que  c  M.  de  Saint-Aignan,  toujours  plein  d'inTenlions  nouvelles,  comme 
chacun  sait,  inventa  un  nouveau  jeu  de  cartes,  >  dont  il  ne  nous  dit  pas  le  nom. 

3.  LeUrtis  et  pap.  d'État,  IV,  633. 

4.  «  On  les  nommait  quinterotes,  à  cause  qu'elles  allaient  bien  vite,  du  nom 
de  Quinterot  qui  avait  ramené  d'Angleterre  des  chevaux  très  vite.  >  Bassom- 
pierre, 51,  52,  123,  Lettres  et  pap.  d'État,  III,  471. 

5.  TaUemant,  X,  8,  IV,  198,  201. 

6.  La  déclaration  du  12  octobre  1635  parle  des  cartes  «  plus  longues,  plus 
larges  ou  plus  épaisses  les  unes  que  les  autres;  aucunes  lissées,  marquées, 


40        G.  d'aYENEL.  —   LA  FORTUNE  DE  LA  NOBLESSE  SOUS  LOUIS  XIII. 

L'ordonnance  de  1629  parle  de  «  l'effrénée  passion  du  jeu,  qui 
porte  quelquefois  à  jouer  les  immeubles.  »  Elle  déclare  nulles 
toutes  dettes  de  jeu,  et  proscrit  coname  infâmes  tous  ceux  qui 
auront  été  surpris  trois  fois  aux  brelans  ^  Les  maisons  de  jeux 
clandestines  étaient  nouvelles  en  France.  «  La  paix,  dit  le  Mer- 
cure, a  engendré  les  nouvelles  académies  publiques,  où,  à  l'imita- 
tion des  grands,  chacun  n*y  parle  que  de  jouer  des  pistoles  qui 

ne  s'y  voient  que  par  monceaux; des  personnes  y  perdent 

tout  leur  vaillant Je  ne  parle  point  des  seigneurs  qui  s'y  sont 

ruinés,  mais  des  enfants  d'avocats^  des  jeunes  financiers  auxquels, 
à  les  ouïr  parler,  mille  pistoles  sont  moins  que  n'était  un  sol  du 
temps  du  roi  François  P".  »  Le  gouvernement  se  plaint  «  du 
grand  nombre  d'académies  ou  brelans  qui  se  font  en  plusieurs 
maisons  des  meilleures  villes  du  royaume,  où  Ton  joue  à  toutes 
sortes  de  jeux  de  hasard,  et  où  se  commettent  ensuite  infinies 
mauvaises  actions....,  outre  la  ruine  et  désolation  de  beaucoup 
de  familles^.  » 

Malgré  la  recherche  prescrite  aux  commissaires  et  l'amende 
de  10,000  liv.  imposée  aux  contrevenants,  les  établissements  de 
ce  genre  ne  firent  que  se  multiplier  jusqu'à  la  fin  du  règne  ^ 

Vicomte  G.  d'Avenbl. 


poncées,  et  faites  de  divers  et  différents  papiers;  des  dés  chargés,  inégaux, 
mal  et  faussement  marques.  »  Cf.  aussi  Tallemant,  X,  6. 

1.  Ordonnance,  janvier  1629,  art.  137,  138,  140.  Elle  permet  aux  ascendants 
de  reprendre  c  toutes  les  sommes  perdues  au  jeu  par  leurs  enfants  sur  ceux 
qui  les  auront  gagnées,  v 

2.  An  1609,  p.  324.  On  vit  louer  une  maison  1,400  liv.  pour  15  jours  pour  y 
tenir  une  académie.  Dans  les  académies  «  certains  grands  cabinets  ou  garde- 
robes  se  louent  des  pistoles  par  heure.  > 

3.  Déclaration,  janvier  1635. 

4.  Cf.  Tallemant,  X,  6,  Furetière,  I,  29.  UUre$  et  pap.  d'État,  VI,  636. 


LES 


IDÉES  POLITIQUES  DE   MIRABEAU 


{SuiU.) 


EXPOSÉ  DES  IDÉES  POUTIQUES  DE  MIRABEAU. 

APERÇU  GÉNÉRAL. 

Nombreuses  étaient  les  sources  auxquelles  Mirabeau  avait 
puisé  ses  idées  politiques.  Dans  son  âme  ardente  et  généreuse  le 
sentiment  de  la  liberté  s'était  bientôt  éveillé  ;  puis  l'expérience 
lui  avait  fiait  comprendre  la  nécessité  de  l'ordre  et  de  la  modéra- 
tion. A  sa  propre  expérience  s'ajoutaient  ses  études  dont  nous 
avons  parlé.  Il  avait  appris  à  connaître  les  mœurs  et  les  gouver- 
nements étrangers  ^  D  avait  lu  et  relu  les  publicistes  et  les  phi- 
losophes du  xvin"  siècle.  Il  cite  leur  liste  dans  ses  ouvrages.  Mais 
les  plus  remarquables  auteurs  à  l'étude  desquels  il  se  soit  appli- 
qué sont  Rousseau  et  Montesquieu. 

De  ces  deux  chefe  de  file  de  la  Révolution,  lequel  devait-il 
suivre  ?  S'attachait-il  au  magistrat  modéré  qui  cherchait  un  com- 
promis entre  l'ancien  ordre  de  choses  et  l'esprit  moderne  et  dont 
l'idéal  politique  devait  à  peine  atteindre  aux  réformes  de  1789? 
Préférait-il  au  contraire  le  philosophe  genevois  qui  réclamait  une 
réforme  radicale  de  l'ordre  politique  et  social  et  dont  les  vœux 
ne  devaient  être  exaucés  qu'en  1793? 

Mirabeau  lisait  beaucoup  Montesquieu  ;  il  le  respectait,  il  le 
citait,  mais  pour  le  réfuter*.  Avant  le  moment  de  la  Révolution, 


1.  Reynald  prétend  qu'il  avait  spécialement  étadié  les  institutions  anglaises. 
{Mirabeau  et  la  ConMiituanUy  p.  Ifô.) 

2.  leitres  de  cachet,  t.  I,  p.  6,  43,  199,  200,  204  et  205. 


42  F.    DECRUK. 

il  le  trouvait  encore  trop  modéré.  «  Montesquieu,  disait-il,  a  su 
défendre  la  liberté,  mais  il  s'est  montré  dans  l'Esprit  des  Lois 
circonspect  jusqu'à  la  timidité.  Partout  il  compose  avec  les  prêtres 
et  les  rois*.  —  S'il  a  recouvré  nos  titres,  il  est  trop  vrai  qu'il  ne 
nous  en  a  rendu  que  la  plus  petite  partie*.  »  Mirabeau  ne  par- 
tage pas  son  admiration  exclusive  pour  la  constitution  anglaise. 
Il  exige  de  plus  grandes  réformes.  «  Le  système  de  Montesquieu, 
dit-il,  est  toujours  plus  fondé  sur  Içs  faits  que  sur  les  principes, 
sur  ce  qui  est  que  sur  ce  qui  devrait  être^.  —  Il  ne  fait  qu'em- 
ployer tout  son  esprit  pour  justifier  ce  qui  est  et  farder  nos  insti- 
tutions d'un  génie  trompeur*.  »  Ainsi  Mirabeau  ne  semble  pas 
appartenir  à  l'école  de  Montesquieu,  surtout  avant  1789.  Mais 
l'expérience  lui  apprendra  à  tenir  compte  des  faits  et,  sans  s'en 
douter,  il  en  arrivera  à  exécuter  ce  qu'il  blâmait  d'abord  chez  ce 
philosophe. 

Appartient-il  alors  à  l'école  de  Jean-Jacques  Rousseau  ?  Mira- 
beau est  loin  d'être  un  idéologue,  un  fanatique  entêté  dans  ses 
principes.  Dans  ses  premiers  ouvrages  même,  il  reconnaît  que 
le  plan  du  citoyen  de  Genève  n'est  pas  réalisable.  Rousseau  va 
trop  loin,  à  son  gré,  et  ses  principes  politiques  ne  sont  pas  tou- 
jours exacts^.  Il  remarque  toutefois  qu'il  a  découvert  les  fonde- 
ments réels  de  la  société  et  relève  chez  lui  plus  d'un  conseil 
utile®. 

Tout  en  reconnaissant  qu'elles  n'avaient  pas  une  grande  valeur 
pratique,  il  admire  autant  les  idées  de  Rousseau  que  son  style. 
«  Oh,  s'écrie-t-il ,  quelle  révolution  opéreraient  dans  l'esprit 
humain  et  dans  les  systèmes  politiques  des  sociétés  deux  hommes 
de  cette  trempe  et  dans  les  mêmes  principes  qui  se  succéderaient'  !  » 
Aspirait-il  à  continuer  Rousseau?  Il  ne  le  fit  pas.  Quoiqu'il 
semble  le  placer,  dans  son  estime,  au-dessus  de  Montesquieu, 
c'est  plutôt  à  l'école  de  ce  dernier  qu'il  se  rattache. 

Ces  deux  maîtres  de  l'opinion  avaient  chacun  son  idéal.  L'un 
le  trouvait  plutôt  dans  la  république  antique;  l'autre,  Montes- 

1.  Lettres  de  cachet,  t.  I,  p.  190. 

2.  Jbid.,  64. 

3.  Courrier  de  Provence,  v.  VIII,  p.  14  (8  mai  1790). 

4.  Lettres  à  mes  commettants,  n*  XX,  p.  11. 

5.  Lettres  de  cachet,  t.  I,  p.  360.  —  Correspondance  Mirabeau-La  Marck, 
V.  II,  p.  466. 

6.  Corr.  Mirabeau-La  Marck,  v.  II,  p.  466. 

7.  Lettres  de  cachet,  t.  I,  p.  360. 


LES 


IDÉES  POLITIQUES  DE   MIRABEAU 


{Suite.) 


EXPOSÉ  DES  IDÉES  POLITIQUES  DE  MIRABEAU. 

APERÇU  GÉNÉRAL. 

Nombreuses  étaient  les  sources  auxquelles  Mirabeau  avait 
puisé  ses  idées  politiques.  Dans  son  âme  ardente  et  généreuse  le 
sentiment  de  la  liberté  s'était  bientôt  éveillé  ;  puis  Texpérience 
lui  avait  fait  comprendre  la  nécessité  de  Tordre  et  de  la  modéra- 
tion. A  sa  propre  expérience  s'ajoutaient  ses  études  dont  nous 
avons  parlé.  Il  avait  appris  à  connaître  les  mœurs  et  les  gouver- 
nements étrangers  ^  D  avait  lu  et  relu  les  publicistes  et  les  phi- 
losophes du  xviif  siècle.  Il  cite  leur  liste  dans  ses  ouvrages.  Mais 
les  plus  remarquables  auteurs  à  l'étude  desquels  il  se  soit  appli- 
qué sont  Rousseau  et  Montesquieu. 

De  ces  deux  chefe  de  file  de  la  Révolution,  lequel  devait-il 
suivre  ?  S'attachait-il  au  magistrat  modéré  qui  cherchait  un  com- 
promis entre  l'ancien  ordre  de  choses  et  l'esprit  moderne  et  dont 
l'idéal  politique  devait  à  peine  atteindre  aux  réformes  de  1789? 
Préferait-il  au  contraire  le  philosophe  genevois  qui  réclamait  une 
réforme  radicale  de  l'ordre  politique  et  social  et  dont  les  vœux 
ne  devaient  être  exaucés  qu'en  1793? 

Mirabeau  lisait  beaucoup  Montesquieu  ;  il  le  respectait,  il  le 
citait,  mais  pour  le  réfuter*.  Avant  le  moment  de  la  Révolution, 


1.  Reynald  prétend  qu'il  ayait  spécialement  étudié  les  institutions  anglaises. 
{Mirabeau  et  la  Conxtituante,  p.  162.) 

2.  Lettres  de  cachet,  t.  I,  p.  6,  43,  199,  200,  204  et  205. 


44  F.    DECHUE. 

rompre,  c'est  tout  l'art  des  législateurs  comme  la  seule  ressource 
des  administrateurs  ^  » 

Mirabeau  veut  mettre  le  pouvoir  à  l'abri  des  passions  popu- 
laires ;  il  va  plus  loin  :  il  n'admet  pas  l'appel  au  peuple  *.  *  Il 
serait  impraticable  et  dangereux,  dit-il,  d'appeler  le  peuple  à 
voter  immédiatement  sur  les  lois  qui  pourraient  être  contraires  à 
sa  volonté;  cet  appel  au  peuple  ferait  dégénérer  le  premier 
royaume  du  monde  en  une  conf<^ération  de  petites  démocraties'. 
—  Il  n'y  a  rien  de  plus  aristocratique  dans  le  fait,  de  plus  anti- 
populaire que  ce  démocratisme  outré  qui  repose  sur  des  idées 
fantastiques  de  liberté  et  qui  ne  pourrait  s'établir  qu'en  s'envi- 
ronnant  d'écueils  et  d'abîn^es*.  »  Mirabeau  n'admet  que  le  régime 
représentatifs  et  n'accorde  aucune  confiance  à  la  démocratie 
tumultuaire  des  anciens®.  D'ailleurs  il  ne  se  paie  pas  de  mots  ; 
le  régime  n'est  que  la  forme  du  gouvernement  ;  peu  importe  qu'il 
soit  monarchique  ou  républicain  pourvu  qu'il  soit  bon.  «  Que  les 
lois  soient  proclamées  par  le  monarque,  les  nobles  ou  l'assemblée, 
si  elles  sont  tyranniques,  où  est  la  liberté'?  »  La  réciproque  est 
aussi  juste.  Si  le  gouvernement  fait  de  bonnes  lois  et  les  applique 
bien,  peu  importe  la  forme  qu'il  revêt.  *  Il  n'appartient  qu'à  un 
ordre  d'idées  vagues  et  confuses,  dit-il,  de  vouloir  chercher  les 
différents  caractères  des  gouvernements.  Tous  les  bons  gouver- 
nements ont  des  principes  communs  ;  ils  ne  diffèrent  que  par  la 
distribution  des  pouvoirs;  il  n'y  a  de  mauvais  gouvernement  que 
le  despotisme  et  l'anarchie  qui  sont  l'absence  de  tout  gouverne- 
ment*. » 

Pour  rejeter  la  république,  Mirabeau  se  rallie-t-il  à  la  consti- 
tution anglaise?  Ses  amis,  La  Marck,  Ségur  et  Dumont,  le  pré- 
tendent®. Il  y  a  du  vrai  dans  leur  aflSrmation.  Mirabeau  admire 

1.  Note  à  la  cour  n*  47,  dans  Corr.  Mirabeau -La  Marck,  y.  II,  p.  414-504. 
Cf.  Reynald,  p.  342. 

2.  Le  plébiscite  français,  le  référendum  suisse. 

3.  Courrier  de  Provence,  v.  VI,  p.  83. 

4.  Ibid,,  V.  VI,  p.  358. 

5.  Ibid. 

6.  Lettres  de  cachet,  t.  I,  p.  205. 

7.  Lettres  de  cachet,  t.  I,  p.  193  et  194. 

8.  Moniteur,  p.  512. 

9.  La  Marck,  t.  I,  p.  140.  —  Ségur,  Décades  historiques,  v.  VII,  p.  257.  — 
c  II  voulait  donner  à  la  France  une  constitution  aussi  semblable  à  celle  de 
l'Angleterre  que  les  circonstances  de  deux  États  pouvaient  le  permettre,  i 
(Dumont,  p.  289.) 


LES  ID^ES   POLITIQUES  DE  MIEABEAU.  45 

rAngleterre,  maisil  trouveque  Tonpeut  faire  mieux cpi'elle.  «  C'est 
une  nation,  reconnaît-il,  qui  nous  a  devancés  de  deux  siècles 
dans  la  carrière  de  la  liberté  et  que  nous  aurons  la  gloire  d'avoir 
surpassée  en  un  an*.  »  Il  lui  envie  son  gouvernement,  quoiqu'il 
le  trouve  fondé  sur  de  mauvaises  bases.  «  Si  nous  avions  conservé 
nos  états  généraux,  ainsi  que  les  Anglais,  nous  aurions  peut- 
être  gardé  la  plus  vicieuse  représentation.  Mais  au  moins  la 
nation  serait  mise  en  possession  de  ses  droits,  le  tiers  état  ne 
serait  plus  le  dernier  ordre  ;  il  serait  le  pouvoir  législatif  sous  le 
nom  de  communes  de  France'.  » 

Dans  sa  lettre  au  roi  de  Prusse,  il  engage  ce  prince  à  imiter 
l'Angleterre  «  faite  pour  étonner  l'univers,  faite  surtout  pour 
étonner  l'esprit  humain,  en  lui  dévoilant  les  ressources  infinies 
d'une  confiance  au  moyen  de  laquelle  on  fait  tout  concourir  3.  » 
Les  Anglais  sont  pour  lui  le  peuple  le  plus  sympathique  de  l'Eu- 
rope. Même  pendant  la  guerre  d'Amérique  il  ne  leur  en  veut  pas. 
«  Ce  ne  sont  pas  les  libres  Anglais,  écrit-il  alors,  mais  les 
ministres,  qui  veulent  établir  le  despotisme  qui  condamne  les 
Américains*.  »  Il  admire  le  plus  grand  nombre  de  leurs  institu- 
tions, surtout  leur  loi  de  tiabeas  corpus,  le  jury,  l'égalité  de 
la  justice  pour  tous,  la  liberté  de  la  presse  *.  Mais  cette  admiration 
ne  l'aveugle  pas  sur  d'autres  défauts  de  la  Constitution  britan- 
nique, n  ne  la  considère  pas,  avec  Montesquieu,  comme  le  chef- 
d'œuvre  de  la  politique  humaine®. 

Le  comte  de  La  Marck  prétend  que  Mirabeau  enviait  à  l'Angle- 
terre son  système  mixte  de  monarchie,  d'aristocratie  et  de 
démocratie'.  Cela  n'est  pas  juste.  Mirabeau  ne  voulait  pas  d'une 
balance  des  trois  pouvoirs.  Il  partageait  sur  ce  point  les  doctrines 
des  physiocrates  au  milieu  desquels  il  était  né.  Cette  secte  éco- 
nomiste qui  comptait,  parmi  ses  adhérents  les  plus  distingués,  le 
ministre  Turgot  et  le  marquis  de  Mirabeau,  père  de  l'orateur,  a 
exercé  sur  ses  opinions  une  certaine  influence.  A  part  les  boutades 
qu'il  lance  contre  les  physiocrates  dans  les  jours  de  mauvaise 

1.  Courrier  de  Provencey  v.  VI,  p.  113. 

2.  Lettres  à  ManvUlon,  p.  432  (1788). 

3.  Histoire  de  la  cour  de  Berlin,  p.  442  (dans  la  collection  Merilhou,  Œuvres 
deMirabeaUy  Paris,  1825,  in-8). 

4.  Avis  aux  Hessois  (1777),  dans  les  Œuvres  de  Mirabeau  (1821),  y.  V,  p.  7. 

5.  Uttres  de  cachet,  t.  I,  p.  207  et  351  ;  t.  Il,  p.  148  et  183. 

6.  Ibid.,  t.  I,  p.  207. 

7.  La  Marck,  t.  I,  p.  140. 


46  F.    DECRUE. 

humeurs  il  fait  l'éloge  de  TurgotS  il  célèbre  les  louanges  de  son 
père,  dit  VAmi  des  hommes.  Il  conclut  comme  eux  dan»  les 
questions  agricoles  et  commerciales.  Les  idées  de  propriété,  d'im- 
pôt foncier,  de  cens  électoral  fondé  sur  la  propriété  terrienne, 
appartiennent  aux  physiocrates.  L'Assemblée  nationale  les 
adopta,  de  même  que  Mirabeau.  Si  ce  grand  homme  repousse  le 
despotisme  absolu  qu'ils  recommandaient  comme  le  meilleur  sys- 
tème de  gouvernement,  il  admet  du  moins,  à  leur  exemple,  une 
monarchie  sans  patriciat,  où  tous  les  citoyens  doivent  être  égaux 
devant  un  roi  au  pouvoir  limité. 

L 

LB  ROI. 

Nécessité  de  la  Monarchie.  —  Conditions  d'existence  et 
origine  de  la  Monarchie.  —  La  Royauté  légitime  consti- 
tutionnelle. —  Droits  et  devoirs  généraux  du  roi. 

«  n  dit  hautement  qu'il  ne  souffrira  pas  qu'on  démonarchisela 
France  3,  »  écrit,  au  moment  des  élections  des  états  généraux,  le 
marquis  de  Mirabeau  en  parlant  de  son  fils.  Cette  déclaration, 
Mirabeau  la  fait  lorsqu'il  est  brouillé  avec  le  Pouvoir.  En  eflfet, 
il  est  monarchiste,  monarchiste  d'instinct  et  de  raison.  «  La 
France  est  géographiquement  monarchique,  dit-il;  malheur  à 
ceux  qui  peuvent  croire  que  cette  immense  contrée  peut  être  sans 
roi  M  »  Jusque  dans  cette  profession  de  foi,  nous  retrouvons  le 
lecteur,  sinon  le  disciple  de  Jean-Jacques  Rousseau.  «  En  géné- 
ral, dit  le  propre  auteur  du  Contrat  social^  le  gouvernement 
démocratique  convient  aux  petits  États,  l'aristocratique  aux 
médiocres,  et  le  monarchique  aux  grands*.  »  Dans  ses  premiers 
écrits,  inspirés  par  Rousseau,  Mirabeau  avait  toujours  reconnu 
la  nécessité  d'un  pouvoir  central  afin  de  garantir  «  la  liberté  poli- 
tique et  civile,  la  tranquillité  publique  et  particulière,  la  sûreté 
des  propriétés^.  »  Or,  selon  lui,  cette  autorité  tutélaire  ne  peut 

1.  Lettres  de  cachet,  t.  I,  p.  162. 

2.  En  1781. 

3.  Janvier  1789.  Lornénie,  Mirabeau  et  son  père,  p.  19. 

4.  Correspondance  Mirabeau-La  Marck,  v.  II,  p.  381-383* 

5.  Contrat  social,  p.  155  (édition  de  Paris,  1797,  in-18). 

6.  Lettres  de  cachet,  t.  I,  p.  76, 219  et  347. 


LBS  ID^ES  POLITIQUES   DE   MIAABEIU.  47 

être  exercée,  dans  un  grand  pays,  que  par  un  seul  «  disposant 
des  forces  de  Tempire  et  agissant  continuellement  sur  le  peuple*.  » 

Eût-il  manqué  de  sentiments  royalistes,  Mirabeau  aurait  cher- 
ché quand  même  à  composer  avec  rhéritage  du  passé.  Il  est  oppor- 
tuniste, pour  ainsi  dire.  Il  sait  qu'au  moment  où  la  Révolution 
éclate,  les  Français  tiennent  presque  tous  à  leur  roi*.  «  Dans 
son  travail  de  réformes,  observe  Mirabeau,  l'Assemblée  emploie 
d'anciennes  pièces  quand  elles  sont  bonnes  :  ainsi  le  roi  de  France, 
ses  droits  étaient  sacrés,  sa  personne  est  chère,  la  Constitution 
le  couronne  une  seconde  fois^.  »  Est-il  besoin  de  rappeler  ici 
toutes  ses  déclarations  royalistes?  Certains  accès  d'irritation 
contre  le  Pouvoir  ne  sauraient  en  atténuer  l'importance.  Partout 
on  le  voit  protester  de  son  dévouement  à  la  royauté,  non  seule- 
ment dans  sa  correspondance  avec  la  cour,  ce  qui  est  naturel, 
mais  avant  même  qu'il  soit  en  relations  avec  elle,  dans  ses  pre- 
miers écrits,  et  enfin  en  plein  jour,  à  la  tribune  publique.  Quand 
la  monarchie  est  menacée,  il  la  croit  plus  que  jamais  nécessaire. 
«  La  Constitution,  écrit-il  au  ministre,  doit  la  défendre  contre 
l'aristocratie,  la  démocratie,  l'anarchie  qu'elle  subira  pour  avoir 
été  trop  absolue*.  » 

C'est  en  défenseur  de  la  monarchie  qu'il  se  pose  dès  le  principe^. 
n  rend  solidaires  de  ses  sentiments  ceux  mêmes  qui  préparent  la 
Révolution.  A  la  veille  de  la  prise  de  la  Bastille,  lorsque  les  pas- 
sions sont  en  pleine  fermentation,  il  conduit  une  députation  de 
l'Assemblée  au  roi  et  lui  dit  :  «  Toujours  prêts  à  vous  obéir,  Sire, 
parce  que  vous  commandez  au  nom  des  lois,  notre  fidélité  est 
sans  bornes  comme  sans  atteinte^.  >  Mais  la  Révolution  marche 
trop  vite;  elle  court  à  la  République,  Mirabeau  veut  remonter  le 
courant ''.  «  Le  rétablissement  de  l'autorité  légitime  du  roi  est 
le  premier  besoin  de  la  France,  écrit-il  alors,  et  l'unique  moyen 
de  la  sauver*.  »  Il  défendra,  tout  à  la  fois  contre  les  aristocrates 
et  les  factieux,  ce  pouvoir  du  roi,  «  partie  essentielle  de  la  Consti- 

1.  Discours  du  1"  septembre  1789.  Courrier  de  Provence^  n*  35,  p.  6. 

2.  Dumont,  p.  210. 

3.  Courrier  de  Provence,  n*  62,  v.  IV,  p.  5  —  4  noyeinbre  1789. 

4.  Lettre  à  M.  de  Montmorin,  28  décembre  1788,  dans  la  Corr.  Mirabeao- 
UMarck,  t.  I,  p.  340-341. 

5.  iWd.,  y.  I,  p.  178. 

6.  Adresse  au  roi  du  9  juillet  1789.  Archivés  parlementaires,  p.  211. 

7.  Corr.  Mirabeau-La  Marck,  v.  II,  p.  317-327. 

8.  IM.,  T.  Il,  p.  11. 


48  F.    DECRUE. 

tution^  »  Il  veut  mettre  le  peuple  en  garde  des  préventions  que 
les  révolutionnaires  cherchent  à  lui  donner  contre  la  royauté. 
«  Ne  redoutez  pas  l'autorité  tutélaire  du  monarque,  s*écrie-t-il 
à  mainte  reprise  ;  elle  n'est  plus  à  craindre  et  cette  méfiance  est 
fâcheuse^.  »  Jusqu'à  son  dernier  soupir,  sauver  la  royauté  devient 
son  but  unique.  Quelque  temps  avant  sa  mort,  il  est  amené  à 
faire  à  la  tribune  cette  célèbi'e  profession  de  foi,  que  l'Assemblée 
l'empêcha  de  continuer  jusqu'au  bout  et  que  le  Courrier  de  Pro- 
vence n'osa  pas  reproduire  :  «  Notre  serment  de  fidélité  au  roi  est 
constitutionnel  ;  je  dis  qu'il  est  profondément  injurieux  de  mettre 
en  doute  notre  respect  pour  ce  serment  {la  gaviche  applaudit). 
Après  cette  déclaration  non  équivoque  et  pour  laquelle  je  lutterai 
avec  tout  le  monde  en  énergie,  bien  décidé  que  je  suis  à  combattre 
toute  espèce  de  factieux  qui  voudraient  porter  atteinte  aux  prin- 
cipes de  la  monarchie,  dans  quelque  système  que  ce  soit,  dans 
quelque  partie  du  royaume  qu'ils  puissent  se  montrer  {la  gauche 
applaudit)  ;  après  cette  déclaration  qui  renferme  tous  les  temps, 
tous  les  systèmes,  toutes  les  personnes,  toutes  les  sectes...  {inter- 
ruption)^,  » 

Aucun  écrivain  n'a  contesté,  pour  nous  servir  d'un  terme 
anglais,  le  loyalisme  de  Mirabeau.  D  serait  superflu  d'apporter 
d'autres  preuves  à  l'appui.  Remarquons  encore  une  fois  qu'elles 
se  tirent,  non  seulement  de  sa  correspondance  privée  avec  ses 
amis  et  avec  la  cour,  mais  de  ses  publications  diverses,  de  ses 
discours  à  la  tribune,  de  ses  actes  enfin.  Son  confident  Dumont 
dit  de  Mirabeau  en  termes  exprès  :  «  Il  a  été  essentiellement 
monarchiste^  »  Les  royalistes,  comme  le  duc  de  Lévis,  le  mar- 
quis de  Bouille,  le  marquis  de  Ferrières,  le  reconnaissent  pour 
être  des  leurs^.  «  A  travers  toutes  les  déclamations  de  Mirabeau, 
dit  enfin  le  comte  de  La  Marck,  l'observateur  peut  bien  voir 
qu'au  fond  de  sa  pensée,  il  était  plus  monarchiste  que  les  ministres 
mêmes  du  roi^.  » 

Mirabeau  est  monarchiste  à  sa  manière.  Il  impose  à  la  royauté 

1.  Courr.  de  Provence,  v.  XIII,  p.  461. 

2.  lbid.y  n»  48,  p.  10;  n-  49,  p.  2;  n*  50,  p.  2;  n-  51,  p.  13;  n*  52,  p.  6 
(10  octobre  1789)  ;  n»  63,  p.  35  (21  octobre  et  6  nov.  1789). 

3.  Discours  du  25  féyrier  1791.  M<yniievar,  p.  235. 

4.  Dumont,  Souvenirs,  p.  288. 

5.  Lévis,  SoMveniri  et  portraits,  p.  208,  209  et  21t.  —  Bouille,  Mémoires, 
p.  180,  etc.  —  Ferrières,  Mémoires,  ▼.  I,  p.  92. 

6.  Corr,  Ifirabeau-La  Marck,  y.  I,  p.  103. 


LES  ID^BS  POLITIQUES  DE  MiaiBEÀU.  49 

des  conditions  d'existence.  Il  faut  d'abord  qu'elle  soit  utile.  Le 
monarque  doit  veiller  sur  l'ordre  public,  sur  le  bonheur  de  cha- 
cun*. «  Son  pouvoir  est  la  plus  ferme  barrière  de  la  liberté 
publique*.  —  Les  rapports  entre  le  monarque  et  son  peuple  sont 
fondés  sur  l'utilité,  sur  la  justice^.  —  Le  peuple  n*a-t-il  pas 
placé  le  trône  entre  le  ciel  et  lui  pour  réaliser,  autant  que  le 
peuvent  les  hommes,  la  justice  éternelle*?  »  La  conséquence  de 
cette  condition  est  facile  à  déduire.  Le  pouvoir  est-il  inutile  ou 
injuste?  Il  faut  le  supprimer.  Telle  est  la  thèse  de  Mirabeau  dans 
ses  premiers  écrits.  «  L'obéissance,  dit-il,  ne  se  doit  qu'en  vue  de 
l'utilité^.  »  Les  peuples  peuvent  renverser  leurs  princes  si,  loin 
de  remplir  leur  mandat,  ils  se  montrent  oppresseurs^.  Cette  con- 
séquence est  hardie  :  aussi  Mirabeau  cherche-t-il  à  en  diminuer 
la  portée  par  cette  remarque  :  «  Le  peuple  n'enÊ*eint  les  lois  que 
lorsque  le  gouvernement  lui-même  les  a  le  premier  violées''.  » 
n  s'excuse  ensuite  en  disant  que  «  appeler  les  esclaves  à  la  révolte, 
ce  n'est  pas  détrôner  les  princes  qui  respectent  leurs  sujets^.  » 
La  royauté  peut-elle  admettre  de  tels  principes  ?  Mirabeau  ne 
les  énonçait  qu'au  moment  de  la  monarchie  absolue  ;  mais  il 
n'acceptait  pas  ce  régime  qui  devenait  inutile  et  nuisible  et  par 
cela  même  devait  tomber.  Il  repousse  l'autorité  paternelle,  tuté- 
laire  et  despotique  des  rois,  telle  que  l'entendait  l'école  physio- 
cratique^.  «  L'idée  noble,  mais  très  fausse,  dit-il,  que  l'autorité 
royale  dérive  de  l'autorité  paternelle  conduit  tout  droit  au  des- 
potisme. Le  père  donne  tout,  le  roi  reçoit  tout.  Les"  pères  ont  fait 
leurs  enfants,  les  peuples  ont  fait  leurs  rois*°.  »  La  monarchie 
qu'il  entend  est  toute  différente  de  celle  qui  existait  avant  89  ;  il 
lui  attribue  une  tout  autre  origine  que  celle  qu'on  lui  donnait. 
De  même  qu'il  conteste  le  droit  du  plus  fort,  il  rejette  absolument 
la  théorie  du  droit  divin.  Ici,  il  se  montre  disciple  de  Rousseau; 

t.  Lettres  de  Vincennes. 

2.  Harangue  au  roi,  au  nom  du  département  de  Paris,  mars  1791.  Courrier 
de  Provence,  v.  XIII,  p.  459. 

3.  Lettres  de  cachet,  y.  I,  p.  71. 

4.  16  juillet  1789.  Archives  parlementaires,  p.  243. 

5.  Lettres  de  cachet,  v.  I,  p.  71-75. 

6.  Essai  sur  le  despotisme,  p.  113,  129,  288,  300.  Avis  aux  Hessois,  dans  les 
Œuvres  (1821),  y.  V,  p.  5.  Réponse  aux  conseils  de  la  raison,  ibid.,  p.  17  et  19. 

7.  Lettres  à  mes  commettants,  n*  25,  p.  2-3,  8. 

8.  Rép.  aux  conseils  de  la  raison,  p.  17  et  19. 

9.  Loménte.  Les  Mirabeau,  v.  II,  p.  334. 

10.  Lettres  de  cachet,  t.  I,  p.  159-161. 

ReV.   HiSTOR.   XXII.    1"  PA8C.  4 


50  F.    DBGEUB. 

il  admet  son  hypothèse  du  Contrat  social.  Son  système  politique 
est  fondé  sur  une  constitution.  C'est  la  nation  qui  crée  son  roi  et 
fixe  sa  part  de  pouvoir.  La  source  de  toute  autorité  est  en  effet  le 
peuple,  le  peuple  souverain  par  qui  et  pour  qui  le  gouvernement 
fonctionne.  Ne  pouvant  exercer  le  pouvoir  par  lui-même,  il  le 
délègue  à  un  «  représentant  perpétuel,  son  premier  magistrats  » 
Le  roi  devient  donc  «  l'auguste  délégué  de  la  nation  et  le  déposi- 
taire suprême  de  son  autorité  ;  le  peuple,  qui  a  seul  le  droit  de  se 
faire  sa  constitution,  dont  le  roi  est  le  premier  appui,  lui  assigne 
ce  rôle  éminent^.  »  Le  gouvernement,  ce  dernier  résultat  de 
la  Constitution  3,  c'est  la  raison  et  la  tradition  tout  à  la  fois  qui 
exigent  qu'il  soit  exercé  par  un  roi  :  ainsi,  «  la  Constitution  cou- 
ronne le  roi  une  seconde  foisS  » 

La  nouveUe  monarchie  est  donc  une  monarchie  reconnue  par 
le  peuple  et  consacrée  par  la  Constitution.  Le  roi,  qui  représente 
la  nation,  n'est  obéi  que  parce  qu'il  commande  au  nom  des  lois^ 
Le  but  que  se  propose  Mirabeau  est  précisément  de  «  régénérer 
l'autorité  royale  et  de  la  concilier  avec  la  liberté  publique,  »  d'af- 
fermir la  royauté  «  sur  l'indestructible  base  de  la  liberté  publique 
et  de  la  volonté  nationale^.  »  Il  le  déclare  à  l'Assemblée,  il  le 
répète  à  Louis  XVL  «  Je  serai,  lui  dit-il,  ce  que  j'ai  toujours  été, 
le  défenseur  du  pouvoir  monarchique  réglé  par  les  lois  et  l'apôtre 
de  la  liberté  garantie  par  le  pouvoir  monarchique''.  »  Tout  en 
limitant  ce  pouvoir,  la  Constitution  le  renforce  aussi  ^.  Elle  le 
débarrasse  des  corps  privilégiés  qui  le  gênaient^;  elle  le  rend 
enfin  populaire.  «  La  monarchie  était  renfermée  dans  l'enceinte 
d'un  palais  ;  elle  couvre  aujourd'hui  tout  le  royaume  *<*.  » 

Telles  sont  les  conditions  que  Mirabeau  impose  à  la  royauté  : 

1.  Lettres  de  Vincennes.  —  Lettres  de  cachet^  t.  I,  p.  74.  Discoare  du 
16  juillet  1789.  Archives  parlementaires ^  p.  243. 

2.  Courrier  de  Provence,  v.  VI,  p.  326. 

3.  Discours  du  23  féyrier  1790.  Courrier  de  Provence,  n*  109. 

4.  Courrier  de  Provence,  v.  IV,  n*  62,  p.  5  (4  novembre  1789). 

5.  Adresse  du  9  juillet  89.  Archives  parlementaires,  p.  211.  Original  aux 
Archives  nationales  (Parlementaires.  G.  C,  §  1.  15.  Cote  224.  £.  11,  1101). 

6.  Discours  du  9  janvier  1790.  Courrier  de  Provence,  n»  91.  Cf.  Corr.  Mira- 
beau-La Marck,  v.  I,  p.  429. 

7.  Corr.  Mirabeau-La  Marck,  v.  I,  p.  178. 

8.  Courrier  de  Provence,  n*  50,  p.  2.  Corr.  Mirabeau-La  Marck,  t.  II,  p.  74 
et  79,  196  et  197  (3  juillet  1790). 

9.  Corr,  Mirabeau-La  Marck,  v.  II,  p.  74,  196  et  197. 

10.  Harangue  au  roi  (mars  1791).  Courrier  de  Provence,  t.  XIII,  p.  460. 


LES  IDÏES  POLITIQUES  DE  MIRABEAU.  54 

elle  doit  être  utile  et  juste  ;  elle  doit  être  populaire  et  constitu- 
tionnelle. Du  reste,  elle  ne  peut  qu'être  utile,  si  elle  est  constitu- 
tionnelle. Le  roi  ne  règne  que  par  le  peuple  et  pour  le  peuple  ;  il 
doit  confondre  ses  intérêts  avec  ceux  de  la  nation,  sa  volonté  avec 
celle  de  la  loi.  La  liberté  publique  ne  peut  se  concilier  avec  l'au- 
torité royale  qu'au  moyen  d'une  confiance  réciproque,  d'une  coa- 
lition étroite  du  monarque  et  delà  nation*.  Cet  accord  est  réalisé 
au  moyen  d'organes  par  lesquels  ce  prince  connaît  les  désirs  de 
ses  sujets.  Â  côté  du  roi,  qui  est  son  représentant  officiel  et  per- 
manent, le  peuple  a  des  mandataires  périodiquement  élus  qui 
expriment  sa  volonté  :  ces  députés  du  peuple  forment  l'Assemblée 
nationale'.  L'union  constante  de  la  couronne  et  de  la  nation 
s'établit  par  l'entente  du  monarque  et  des  députés  du  peuple. 
Cette  entente  résulte  d'un  échange  perpétuel  d'idées  entre  le  gou- 
vernement proprement  dit  et  l'Assemblée  nationale.  Telles  sont 
les  deux  branches  du  pouvoir  ;  il  importe  par-dessus  tout  qu'elles 
communiquent  sans  intermédiaire  et  tout  ce  qui  peut  entraver 
cet  accord  doit  être  écarté  ou  coupé^.  En  un  mot,  il  faut  que  la 
France  devienne  <  une  démocratie  royale  ^  » 

Ces  réserves  faites,  Mirabeau  veut  le  maintien  de  l'ancienne 
monarchie.  Il  regarde  l'élection  du  roi  comme  un  idéal  ^,  mais 
un  idéal  irréalisable.  Dans  ses  premiers  écrits,  comme  dans  ses 
discours,  il  soutient  l'hérédité.  L'hérédité  peut  seule  intéresser  le 
roi  à  son  royaume,  écarter  les  ambitieux®  et  préserver  l'Etat  des 
bouleversements''.  Mais,  tout  en  admettant  l'hérédité,  Mirabeau 
revendique  pour  la  nation  le  droit  de  changer  et  de  restreindre 
les  prérogatives  du  prince  héritier*.  Le  prince  doit  être  né  et  élevé 


1.  Disconn  da  8  et  du  11  jnillet  1789.  Archives  parlementaires ,  p.  ^20.  — 
Note  du  15  octobre  1789.  Corr.  Mirabean-La  Marck,  v.  I,  p.  371,  380  et  381.  — 
Discours  dn  28  mai  1789.  Courrier  de  Provence,  n*  VII,  p.  10.  —  Disconrs 
du  9  janyier  1790.  Courrier  de  Provence,  n*  91. 

2.  Discours  du  1*'  septembre  1789.  Courrier  de  Provence,  n»  35,  p.  6. 

3.  Comme  les  parlements,  les  corps  privilégiés,  les  classes  aristocratiques, 
etc.  Discours  du  3  juin  1789.  Courrier  de  Provence,  u*  9.  —  Ibid.,  n*  65, 
p.  15.  —  Discours  du  23  juin  1789,  ibid.,  n»  9,  p.  4.  —  Ibid.,  n-  15,  p.  23 
(f  juillet  1789). 

4.  Ibid.,  n*  34,  p.  3.  Le  mot  est  du  baron  de  Wimpfen. 

5.  Discours  du  15  septembre  1789.  ArchÂves  parlementaires,  p.  642. 

6.  Lettres  de  cachet,  t.  I,  p.  74. 

7.  Discours  du  1*'  septembre  1789.  Courrier  de  Provence,  n*  35,  p.  6. 

8.  Lettres  de  cachet,  1. 1,  p.  74. 


52  F.   DBCEUE. 

dans  le  pays^;  son  éducation  doit  être  faite  sous  la  surveillance 
de  la  nation,  si  possible  au  collège.  De  cette  façon  il  sera  tenu  à 
l'écart  des  influences  de  l'étranger,  de  la  cour  et  même  de  sa 
famille.  Il  apprendra  à  connaître  son  peuple,  et  son  éducation 
sera  virile  et  populaire  ;  pour  la  compléter,  il  fera  des  voyages 
d'instruction,  comme  le  tsar  Pierre  le  Grand  venait  d'en  donner 
l'exemple*. 

De  même  que  la  royauté,  la  régence  doit  être  héréditaire.  Elle 
appartiendra  à  un  membre  de  la  famille  royale  pourvu  qu'il  soit 
né  en  France^.  Dès  que  la  constitution  est  en  vigueur,  en  e£fet, 
le  rôle  de  la  royauté,  comme  celui  delà  régence,  est  devenu  inof- 
fensif ;  le  peuple  n'a  rien  à  crainclre  de  l'hérédité^,  tandis  qu'en 
revanche  l'hérédité  de  la  couronne  est  liée  à  celle  de  la  régence^. 
Mirabeau  se  rallie  donc  à  la  monarchie  traditionnelle,  nationale 
et  héréditaire,  c'est-à-dire  légitime^  pourvu  qu'elle  devienne 
populaire,  représentative  et  parlementaire,  en  un  mot  constitn-- 
tionnelle.  Mirabeau  est  un  légitimiste  constitutionnel. 

Le  roi  doit  donc  donner  des  garanties  d'indépendance  et  de 
bonheur  à  son  peuple.  Â  son  tour,  il  obtient  de  lui  des  préroga- 
tives toutes  particulières.  Tout  d'abord  il  est  déclaré  inviolable 
et  sacré*.  «  L'homme  qui  attente  contre  le  gouvernement  commet 
un  crime  :  c'est  même  celui  de  tous  qui  doit  être  le  plus  claire- 
ment déterminé  par  la  loi,  comme  le  plus  dangereux  à  la  société 
et  par  conséquent  le  plus  punissable''.  »  Tout  acte  de  rébellion 
doit  être  sévèrement  réprimé  par  une  loi  spéciale  sur  les  attroupe- 
ments, car  l'inviolabilité  du  monarque,  dont  il  est  seul  à  jouir*, 
intéresse  l'ordre  public. 

Mirabeau  se  plaît  à  relever  le  prestige  dont  le  roi  doit  être 
entouré.  Il  veut  maintenir  ses  anciennes  prérogatives,  ses  anciens 


1.  Discours  dn  15  septembre  1789.  Courrier  de  Provence,  n"  42,  p.  12  et 
suiT. 

2.  Projet  sur  l'Éducation  publique, 

3.  Discours  du  25  féTrier  1791.  Moniteur^  p.  234.  Mirabeau  tenait  à  ce  que 
l'héritier  ou  le  régent  fussent  nés  en  France,  afin  d'assurer  la  succession  pré- 
somptive de  la  couronne  ou  la  régence  à  la  liaison  d'Orléans,  au  détriment  de 
la  Maison  d*Espagne. 

4.  Discours  du  22  mars  1791. 

5.  Corr.  Mirabeau-La  Marck,  v.  III,  p.  105-106. 

6.  Discours  du  l*'  septembre  17^9.  Courrier  de  Provence,  n"  35. 

7.  Lettres  de  cachet,  t.  I,  p.  111. 

8.  Discours  du  22  août  1789.  Archives  parlementaires,  p.  471. 


LES   ID^ES   POLITIQUES  DE  MIRABEAU.  53 

honneurs.  Les  témoignages  de  respect  ne  sauraient  être  trop 
grands,  «  puisqu'un  peuple  s'honore  lui-même  en  honorant  son 
prince*.  »  La  considération  est  due  à  l'autorité,  aux  chefs  choisis 
par  le  peuple,  au  roi  et  à  ses  ministres.  Il  ne  faut  pas  «  jouer  aux 
esclaves  mutins  *.  »  Les  libres  Anglais,  dans  leurs  témoignages 
de  respect  pour  la  royauté,  donnent  aux  Français  un  exemple  à 
suivre*.  Au  roi  doit  être  réservé  partout  le  premier  rang.  Malgré 
les  tendances  des  hommes  de  89  qui  arrivaient  à  ne  considérer  le 
roi  que  comme  un  simple  magistrat,  un  mandataire,  un  chef 
d'administration,  à  qui  il  n'était  dû  tout  au  plus  que  quelques 
marques  de  politesse,  Mirabeau  se  montre  le  conservateur  des 
anciens  usages  de  la  monarchie.  Le  roi  a  le  pas  sur  les  députés 
de  la  nation,  puisqu'il  en  est  le  représentant  perpétuel  et  hérédi- 
taire, tandis  qu'ils  n'en  sont  que  les  représentants  temporaires  et 
élus^.  Les  vieux  titres  doivent  être  maintenus.  Mirabeau  voulut 
conserver  l'ancienne  formule  de  «  roi  par  la  grâce  de  Dieu,  »  en 
y  ajoutant  ce  correctif:  «  et  par  la  loi  constitutionnelle  de  l'Etat*^.  » 
n  admettait  l'ancienne  qualification  de  «  roi  de  France  et  de 
Navarre*,  »  mais  il  finit  par  s'accommoder  du  nouveau  titre, 
devenu  plus  populaire,  de  «  roi  des  Français''.  »  L'ancienne  éti- 
quette doit  être  observée,  sauf  dans  quelques  détails  démodés  ou 
humiliants  pour  le  peuple*.  En  retour,  le  roi  doit  des  égards 
aux  députés.  U  n'est  pas  dispensé  de  la  loi  commune,  en  matière 
de  police,  et,  par  exemple,  son  droit  de  chasse  ne  doit  pas  être 
plus  étendu  que  celui  des  autres  propriétaires*. 

Afin  de  conserver  son  prestige,  la  monarchie  aura  des  frais 
de  représentation.  Tant  que  le  domaine  royal  subsista,  Mira- 
beau en  reconnut  au  roi  la  pleine  jouissance.  Toutefois,  pour 

1.  Journal  des  états  généraux ,  n*  1  ;  Courrier  de  Provence  y  n*  18,  p.  4  et  5 
(8  jniUet  89)  ;  n-  47,  p.  21  ;  n*  48,  p.  8  ;  n-  55,  p.  17  et  18. 

2.  Courrier  de  Provence^  n»  55,  p.  7  et  8  (19  octobre  1789). 

3.  Ibid.,  n-  11,  p.  17  (15  juin  1789). 

4.  Ibid.^  n*  35,  p.  6  (discours  du  1*'  septembre  1789).  Cf.  discours  du  15  juin 
1789  et  Courrier  de  Provence,  v.  VIII,  p.  224  (14  mai  1790).  Le  Courrier  se 
montre  moins  accommodant  que  Mirabeau  sur  les  honneurs  dus  à  la  royauté. 
Cf.  T.  IX,  p.  164,  210  et  217,  n*  165,  p.  237  et  258. 

5.  Discours  du  8  octobre  1789.  Courrier  de  Provence,  n*  67,  p.  7. 

6.  Courrier  de  Provence,  n*  51,  p.  16  et  17;  n»  52,  p.  1.  Moniteur,  p.  283. 

7.  Discours  du  2  octobre  et  du  9  novembre  1789.  Courrier  de  Provence, 
ù"  53,  p.  5. 

8.  Courrier  de  Provence,  y,  VI,  p.  63  ;  v.  XIII,  p.  478. 

9.  Discours  du  7  août  1789.  Archives  parlementaires,  p.  359. 


^  F.   DBCIUI. 

radministrer,  il  entendait  qu'il  prit  l'avis  des  députés  ^  Ce 
domaine  de  la  couronne,  en  efifet,  était  une  propriété  nationale* 
consacrée  aux  dépenses  communes  de  la  royauté,  et  dont  le  gou- 
yemement  ne  disposait  qu'au  nom  de  la  nation.  Les  produits  en 
étaient  destinés  au  service  public  ;  ils  tenaient  lieu  d'impôt.  Le 
roi  n'avait  pas  qualité  pour  en  rien  aliéner^,  et  ce  qu'il  en  avait 
distrait  en  vue  de  l'utilfté  publique,  la  nation  avait  le  droit  de  le 
reprendre^.  Bientôt  la  liste  civile  fut  substituée  aux  revenus  du 
domaine  royal.  Mirabeau  fut  satisfait  de  ce  changement  qui 
ramenait  le  roi  du  rang  de  despote  à  celui  de  magistrat  suprême. 
Déjà,  dans  son  Essai  sur  le  despotisme,  il  appelait  le  roi  «  le 
premier  salarié  de  l'État.  »  Quand  la  création  de  la  liste  civile 
fut  décidée,  Mirabeau  demanda  que  le  roi  la  fixât  lui-même^.  Il 
conseilla  en  même  temps  à  Louis  XYI  d'abolir  les  pensions*. 


n, 


LE  OOUYBRNBMBNT. 

Les  ministres.  —  Pouvoir  exécutif.  —  Rapport  avec  le 
pouvoir  législatif  et  le  pouvoir  judiciaire . 

La  royauté  n'est  pas  un  luxe  inutile.  Elle  doit  servir.  Le  roi 
est  chargé  du  gouvernement  en  général,  mais  il  ne  l'exerce  pas 
directement.  Seul,  il  ne  saurait  suflSre  à  l'exécution  de  ses  devoirs  ; 
d'ailleurs  il  est  inviolable  et  la  nation,  par  l'organe  de  ses  dépu- 
tés, doit  contrôler  l'administration.  Aussi,  le  roi  est-il  suppléé 
dans  sa  tâche  par  les  ministres.  Les  ministres  aident  le  roi  dans 
l'exercice  du  pouvoir  et  répondent  devant  la  nation  du  gouver- 
nement du  royaume.  Par  qui  sont-ils  choisis  ?  C'est  une  question 
qui  se  posa  au  moment  de  la  Révolution.  Nombre  d'hommes  poli- 
tiques, même  delà  droite',  voulaient  que  leur  nomination  dépen- 
dît des  députés.  Le  Courrier  de  Provence  soutenait  cette  opi- 

t.  Courrier  de  Provence,  n*  49,  p.  5. 

2.  Ibid.j  n*  60,  p.  7  ;  n-  62,  p.  33  el  38. 

3.  Ihid.,  n»  60,  p.  7.  Discours  du  30  octobre  1789. 

4.  IM,,  n-  62,  p.  38  et  41. 

5.  Discours  du  f  octobre  89  et  du  4  jauTier  90.  Courrier  de  Provence, 

n*  48,  p.  16,  et  n'  88. 

6.  Corr.  Mirabeau-U  Mtrck,  v.  II,  p.  236-241. 

7.  Courrier  de  Provence,  v.  XII,  p.  102;  v.  XIII,  p.  390  et  402. 


LES  IDÉES  POLITIQUES  DE  MIRABEAU.  55 

nioD^  Mais  Mirabeau  était  d'un  avis  contraire.  U  réservait  au 
roi  le  droit  de  nommer  en  toute  liberté  son  conseil.  «  Nous  ne  pré- 
tendons point,  lui  disait-il,  dicter  le  choix  de  vos  ministres;  ils 
doivent  vous  plaire*.  »  Surtout  en  temps  de  crise,  il  importait 
que  le  roi  ne  se  laissât  pas  imposer  ses  ministres  par  les  députés. 
Ce  serait,  disait-il,  un  «  précédent  fâcheux  par  lequel  l'Assemblée 
s'attribuerait  un  droit  exercé  sans  danger  en  Angleterre,  mais 
funeste  à  l'autorité  dans  un  moment  où  elle  n'est  pas  affermie'. 

En  revanche,  les  ministres  sont  responsables  devant  l'Assem- 
blée qui  peut,  par  ses  votes  de  défiance  ou  ses  actes  d'accusation  ^, 
suspendre  leur  pouvoir^  et  obliger  ainsi  le  roi  à  les  révoquer.  La 
responsabilité  des  ministres  est  donc  la  plus  sûre  barrière  contre 
leur  ambition*.  On  n'entend  point  qu'ils  soient  infaillibles  et 
qu'ils  réussissent  toujours  dans  les  projets  qu'ils  font  pour  le 
bonheur  du  peuple,  mais  on  demande  que  leur  conduite  soit  hon- 
nête et  dictée  par  leur  dévouement  au  pays  ;  cette  responsa- 
bilité n'est  pas  celle  du  succès,  c'est  celle  des  moyens"'.  Elle  s'étend 
aussi  à  tous  les  agents  subalternes  du  pouvoir,  qui  sont  obligés 
d'apprécier  la  forme  des  ordres  qu'ils  se  chargent  d'exécuter*. 
Quand  un  acte  royal  est  critiqué,  ce  sont  les  conseillers  du  prince 
qui  sont  en  vue®.  Ils  sont  par  conséquent  responsables  des  discours 
du  trône*®  ;  aussi  tout  message  du  gouvernement  et  tout  autre 
communiqué  de  ce  geni'e  doivent-ils  être  revêtus  de  leur  signa- 
ture et  de  leur  contreseing  *^  Mirabeau  n'a  pas  toujours  trouvé 
ces  précautions  suffisantes  pour  contenir  les  bornes  alors  bien 
limitées  de  l'influence  ministérielle.  Que  l'on  ne  s'y  trompe  pas. 


1.  Adresse  au  roi  du  16  jaUlet  1789.  Archives  parlementaires,  p.  241. 

2.  Le  député  Bergasse.  Note  du  4  octobre  1790.  Corr.  Mirabeau-La  Marck, 
▼.  Il,  p.  235. 

6.  Note  du  16  octobre  1790.  Corr,  Mirabeau-La  Marck,  y.  II,  p.  235. 

4.  Discours  du  24  juin  et  du  16  juillet  1789.  Archives  parlementaires, 
p.  240-243.  Courrier  de  Provence,  p.  19,  et  n»  74,  p.  16  et  17  (2  décembre  1789). 

5.  Archives  parlementaires,  p.  243. 

6.  Courrier  de  Provence,  n«  55,  p.  15  (13  juillet  1789).  —  Discours  du 
27  août  1789.  Archives  parlementaires,  p.  499. 

7.  Discours  du  23  février  1790.  Courrier  de  Provence,  v.  VI,  p.  401. 

8.  Discours  du  22  août  1789.  Archives  parlementaires,  p.  471-472. 

9.  Courrier  de  Provence,  n*  9,  p.  4  (8  juillet  89).  Dans  sa  répartie  à  M.  de 
Dreux-Brezé,  du  23  juin  1789,  Mirabeau  proteste,  non  pas  contre  la  yolontédu 
roi,  mais  contre  a  les  intentions  qu'on  a  suggérées  au  monarque.  » 

10.  Courrier  de  Provence,  v.  VI,  p.  146. 

11.  Ibid.,  n*  50,  p.  16,  v.  VII,  p.  162-163. 


56  r.    DECBUB. 

cette  sérérité  à  l'égard  des  ministres  s'explique  par  la  haine  qu'il 
porte  à  plusieurs  des  conseillers  de  Louis  XVI,  et  la  question  de 
personnes  l'emporte  souvent  chez  lui  sur  celle  des  principes.  Que 
l'on  n'oublie  pas  non  plus  que  la  France  avait  longtemps  souffert 
du  despotisme  ministériel  et  que  les  hommes  de  la  Révolution 
voulaient  réagir  contre  ce  mal. 

Afin  d'assurer  la  responsabilité  du  gouvernement  et  de  lui 
Caire  sentir  l'action  de  1' A.ssemblée  natiouale,  Mirabeau  propose 
que  les  ministres  assistent  aux  délibérations  de  ce  corps*.  Grâce 
à  cette  mesure,  chaque  acte  de  leur  administration  pourra  faire 
l'objet  d'une  interpellation*.  Amenés  comme  à  la  barre  de  l'opi- 
nion publique,  ils  seront  tenus  d'exposer  leur  conduite  au  grand 
jour*.  De  leur  part,  les  intrigues  secrètes  ne  seront  plus  à  craindre 
et  le  peuple  sera  rassuré  contre  leur  puissance^.  Réciproquement, 
les  ministres,  s'ils  doivent  être  attaqués,  verront  leurs  ennemis 
en  face.  Ces  luttes  parlementaires  donneront  au  gouvernement 
une  sorte  de  sécurité  :  cessant  de  craindre,  il  cessera  d'être  redou- 
table^. Enfin  les  ministres,  premiers  organes  du  pouvoir  exécutif, 
sont  nécessaires  dans  une  assemblée  qui,  comme  on  le  dira  tout  à 
l'heure,  s'occupe  surtout  de  législation.  Leur  présence  est  indis- 
pensable pour  faciliter  la  discussion  des  lois  et  en  assurer  l'exécu- 
tion*. Le  pouvoir  législatif  et  le  pouvoir  exécutif  s'occupent  en 
effet  des  mêmes  matières  ;  le  premier  a  besoin  de  l'expérience  du 
second',  et,  d'autre  part,  il  pourra  d'autant  mieux  lui  indiquer 
la  marche  à  suivre*.  Bien  des  malentendus  seront  prévenus  si  les 
ministres  sont  admis  à  l'Assemblée  et  peuvent  y  exercer  un  droit 
consultatif.  Le  gouvernement  général  en  sera  facilité;  cette 
mesure  consolidera  l'union  du  pouvoir  législatif  et  du  pouvoir 
exécutif  et  établira  l'entente  nécessaire  du  roi  et  de  la  nation. 

(]e  n'est  pas  tout.  Mirabeau  réclame  encore  pour  les  députés  le 
droit  d'exercer  des  fonctions  publiques*  et  pour  le  roi  la  faculté 

1.  Ditcoure  du  14  et  da  18  octobre  1789.  Courrier  de  Provence,  n*  41,  p.  t  ; 
n*  54»  p.  18  et  19;  n*  55,  p.  18  et  19. 

2.  Courrier  de  Provence^  n»  63,  p.  32  (6  noyembre  1789). 

3.  /Md.,  n*  41,  p.  5  ;  n-  63,  p.  34. 

4.  Ibid,,  n*  41,  p.  41. 

5.  Ibid.,  n»  40. 

6.  Ibid.,  n*  63,  p.  35  et  36. 

7.  Courrier  de  Provence,  n*  41,  p.  3  ;  n»  55,  p.  7. 

8.  Ibid,,  n*  55,  p.  67. 

9.  Ibid,,  n*  55,  p.  6  et  7  (Diftcoors  dn  19  octobre  1789}. 


LBS  IhiES  POLITIQUES  DE  MIRABEiU.  57 

de  prendre  parmi  eux  ses  ministres.  C*est  justice,  tout  d'abord, 
que  de  rendre  compatibles  les  fonctions  de  ministre  et  celles  de 
député*;  puisTélection  populaire  doit  guider  le  choix  du  monarque 
dans  la  constitution  du  Cabinet*.  Toutes  ces  idées  sur  le  droit 
consultatif  des  ministres  à  l'Assemblée ,  sur  la  compatibilité  de 
leurs  fonctions  avec  celles  de  représentant  du  peuple,  sont 
admises  de  nos  jours.  Mais,  quand  Mirabeau  les  énonça,  il  fut 
soupçonné  de  le  Caire  dans  des  intentions  intéressées  et  sa  motion 
fut  rejetée  par  l'Assemblée^. 

Tout  en  soutenant  qu'un  ministre  peut  devenir  député,  Mira- 
beau n'en  cherche  pas  moins  à  soustraire  les  députés  à  l'influence 
ministérielle.  Un  fonctionnaire  de  l'État,  nommé  député,  peut 
conserver  son  emploi^.  Au  contraire,  un  député  reçoit-il  une 
charge  du  gouvernement,  un  commandement  militaire,  par 
exemple,  il  doit  se  présenter  de  nouveau  aux  suffrages  des  élec- 
teurs et  même  renoncer  à  son  premier  mandat^.  Celui  qu'il  vient 
de  recevoir  du  gouvernement  le  rend  encore  plus  dépendant  du 
pouvoir  qu'un  ministre  ne  peut  l'être. 

Si  Mirabeau  se  contredit  parfois  dans  le  détail  des  attributions 
qu'il  laisse  aux  ministres,  il  ne  varie  jamais  sur  l'ensemble  des 
droits  qu'il  leur  reconnaît.  A  eux  appartient  en  premier  lieu 
l'administration  générale  des  affaires.  L'essence  même  du  pouvoir 
royal  n'est  autre  que  le  pouvoir  exécutif.  Le  roi  accomplit  les 
volontés  du  peuple  exprimées  par  l'Assemblée  nationale  ou  Corps 
législatif*.  «  La  seule  autorité  qu'il  soit  impossible  d'arracher  au 
monarque,  dit  Mirabeau  déjà  dans  ses  Lettres  de  cachet,  c'est 
celle  de  la  loi  agissante"'.  »  Préposé  à  l'observation  de  la  loi,  le 
roi  la  promulgue  et  la  fait  respecter.  Ce  devoir  implique  la  néces- 
sité d'un  gouvernement  solidement  établi  ;  aussi  Mirabeau  déploie- 
t-il  toutes  ses  forces  à  la  tribune  pour  en  défendre  l'autorité,  sauf 


i.  Discours  dn  27  octobre  et  du  7  novembre  1789.  Courrier  de  Provence, 
n»  41,  p.  2. 

2.  Discours  du  7  noTembre  1789. 

3.  Par  le  décret  du  7  novembre  1789.  Mirabeau  cbercha  à  le  faire  révoquer. 
Courrier  de  Provence,  n«  63,  p.  5  et  7;  n»82,  p.  10;  n»  97,  p.  23  et  24;  vol.  VI, 
p.  66,  573  à  594;  v.  VII,  p.  154.  Corr.  Mirabeau-La  Marck,  v.  I,  p.  429;  v.  II, 
p.  178  et  179.  Cf.  Taine,  v.  I,  p.  175. 

4.  Discours  du  22  décembre  1789  [Moniteur), 

5.  Courrier  de  Provence,  n'  82,  p.  8  et  9;  v.  VI,  p.  66. 

6.  ïhid,,  V.  VIII,  p.  142. 

7.  Lettres  de  cachet,  t.  I,  p.  107. 


58  F.    DECRUE. 

dans  de  rares  occasions  où  il  semble  craindre  le  retour  du  despo- 
tisme*. €  L'unité  du  pouvoir  exécutif,  observe-t-il,  est  la  seule 
vraie  base  de  la  monarchie  sans  laquelle  la  constitution  d'un 
grand  empire  serait  sujette  à  des  fluctuations  et  à  des  vacillations 
continuelles*.  —  Certainement,  dit-il  à  ses  collègues  de  l'Assem- 
blée, vous  ne  ferez  jamais  la  Constitution  ou  vous  aurez  trouvé 
un  moyen  de  rendre  quelque  force  au  pouvoir  exécutif  et  à  l'opi- 
nion avant  que  votre  Constitution  soit  fixée  ^.  »  Mirabeau  les 
conjure  de  ne  pas  empiéter  sur  les  attributions  des  ministres.  De 
ceux-ci  dépend  tout  l'exécutif^.  En  cas  de  trouble,  par  exemple, 
que  l'Assemblée  se  borne  à  l'envoi  d'adresses  pacificatrices,  qu'elle 
laisse  au  Conseil  le  soin  de  maintenir  l'ordre.  Cette  tâche,  il  est 
vrai,  peut  embarrasser  les  ministres  dans  un  moment  où  ils 
semblent  impuissants  à  combattre  l'anarchie^.  Mais  ils  peuvent 
s'aider  des  municipalités  qui,  disposant  aussi  des  forces  militaires, 
sont,  comme  eux,  des  agents  du  pouvoir  exécutif,  responsables  de 
l'ordre*. 

n  est  difficile  de  saisir  la  limite  qui  sépare  les  attributions  du 
gouvernement  de  celles  de  la  commune  et  de  comprendre  la 
manière  dont  s'établit  la  dépendance  de  celle-ci  à  l'égard  de 
celui-là.  Dans  un  discours  qu'il  prononce  au  nom  de  la  munici- 
palité de  Paris,  <  le  Corps  législatif  et  le  monarque,  dit  Mirabeau, 
sont  les  représentants  du  peuple  et  nous  n'en  sommes  que  les 
mandataires.  Le  monarque  est  l'exécuteur  de  la  loi,  nous  sommes 
les  organes  du  monarque  dans  cette  exécution''.  »  n  semble  que 
Mirabeau  cherche  ici  à  restreindre  l'action  ministérielle  au  nom 
du  grand  principe  qu'il  répète  à  tous,  aux  princes*  comme  à 
l'Assemblée  :  «  Et  surtout  ne  gouvernez  pas  trop  ®  !  »  Notons 
toutefois  qu'il  confie  le  maintien  de  l'ordre  aux  municipalités 
lorsque  seules  elles  peuvent  se  faire  obéir  et  que  plus  tard  il  tra- 

1.  Diftcoors  do  22  février  1790.  Courrier  de  Provence,  v.  VI,  p.  156.  —  Corr. 
Mirabeau-La  Marck,  v.  I,  p.  465. 

2.  Courrier  de  Provence,  n»  45,  p.  36  ;  n*  53,  p.  5. 

3.  Archivés  parlementaires,  p.  454-455.  —  Courrier  de  Provence,  v  29, 
p.  18;  n*  48,  p.  10;  n*  49,  p.  2;  n-  50,  p.  2;  n»  51,  p.  8  et  13  ;  n-  52,  p.  6; 
n«  63,  p.  35. 

4.  Courrier  de  Provence,  n«  45,  p.  2  el  5. 

5.  /Wd.,  n»  15  (discours  du  1*'  juillet  1789). 

G.  ïbid,y  n*  109  (23  février  1790),  v.  VIII,  p.  143  (5  mai  1790). 

7.  Discours  du  1*'  mars  1791.  Courrier  de  Provence,  v.  XIII,  p.  292. 

8.  Lettre  au  roi  de  Pnuse, 

9.  Courrier  de  Provence,  n"  51,  p.  5. 


LES  IDISeS  politiques  DE  MIRABEAU.  59 

vaille  à  les  faire  dépendre  plus  étroitement  du  gouvernements  II 
en  manifeste  d'abord  l'intention  dans  ses  notes  à  la  cour.  La  con- 
fusion des  pouvoirs,  les  empiétements  de  l'Assemblée  et  de  la 
commune  sur  l'autorité  executive  produisent  l'anarchie  qu'il 
veut  combattre'.  «  Il  fera  une  affaire  capitale  de  mettre  à  sa 
place  dans  la  Constitution  le  pouvoir  exécutif  dont  la  plénitude 
doit  être  sans  restriction  et  sans  partage  dans  la  main  du 
monarque^.  —  Sans  ce  pouvoir  l'autorité  royale  ne  serait  qu'un 
fantôme.  Administrer,  c'est  gouverner;  gouverner,  c'est  régner^. 

Nous  n'avons  pas  affaire  ici  au  principe  constitutionnel  moderne: 
€  le  roi  règne,  mais  ne  gouverne  pas  ;  »  Mirabeau  reconnaît  au 
roi  une  plus  grande  compétence.  Il  reproche  à  la  Constitution 
de  89  de  laisser  subsister  une  grande  complication  de  corps  admi- 
nistratifis  qui  gênent  le  gouvernement*.  Il  veut  les  lui  subordonner; 
car  il  regarde  comme  la  base  de  la  Constitution  «  l'unité  et  une 
très  grande  latitude  du  pouvoir  exécutif  suprême  dans  tout  ce  qui 
tient  à  l'administration  du  royaume,  à  l'exécution  des  lois,  à  la 
direction  de  la  force  publique^.  »  Comme  «  on  a  réuni  bien  plus 
de  matériaux  pour  une  république  que  pour  une  monarchie,  »  il 
faut  secourir  cette  autorité  royale  qui  offre  le  seul  moyen  de  main- 
tenir tout  ce  que  la  nouvelle  Constitution  a  de  vraiment  durable''; 
car  <  l'autorité  royale  est  un  des  domaines  du  peuple  et  l'un  des 
plus  inexpugnables  remparts  qui  doivent  le  préserver  de  l'anar- 
chie*. » 

Le  pouvoir  exécutif  ne  serait  qu'un  vain  mot  si  le  roi  n'avait 
des  forces  suffisantes  pour  l'exercer.  Aussi  les  forces  militaires  du 
royaume  sont-elles  à  sa  disposition.  Le  nombre  des  troupes  qu'il 
peut  lever  est,  il  est  vrai,  fixé  chaque  année  par  l'Assmblée*; 
si  le  gouvernement  augmente  ce  nombre,  il  doit  en  avertir  aussitôt 


1.  Note  do  2S  septembre  1790.  Conr.  Mirabeaa-La  Marck,  ▼.  II,  p.  196-197. 

2.  Corr.  Minbeaa-La  Harck,   y.  II,  p.  74  (3   joiUet  1790),   p.    209-220 
(6  octobre  1790). 

3.  Corr.  Mirabean-La  Marck,  t.  II,  p.  11. 

4.  /M.,  T.  n,  p.  74  (3  joiUet  1790). 
b.Ibid. 

6.  Corr.  M irabean-U  Xarck,  t.  O,  p.  236  (14  octobre  1790)  ;  p.  430  et  431 
(23  décembre  1790). 

7.  Ibid.,  ▼.  II,  p.  317  à  327  (12  noTembre  1790). 

5.  ibid.,  T.  II,  p.  430^1  (23  décembre  1790). 

9.  Sur  l'ordre  de  CinemnaiMi,  p.  157.  —  Courrier  de  Froveuce,  t.  XII, 
p.  401. 


60  F.    DECRUE. 

la  Chambre^  Mais,  une  fois  levée,  Tarmée  est  tout  entière  entre 
les  maiDs  du  roi  ;  il  exerce  le  commandement  suprême'  et  nomme 
les  généraux,  ses  lieutenants  ;  il  dispose  des  troupes  pour  veiller 
à  l'ordre  public  au  dedans,  à  la  sécurité  nationale  au  dehors^. 
Toutes  les  mesures  de  police  sont  de  son  ressort.  Par  exemple,  il  a 
seul  le  droit  de  délivrer  les  passeports^,  de  nommer  les  commis- 
saires organisateurs  des  districts^,  de  convoquer  les  assemblées 
électorales*.  Il  peut  créer  certains  offices'  et  même  édicter  des 
ordonnances,  surtout  en  l'absence  de  l'Assemblée^. 

Mirabeau  ne  se  montre  soupçonneux  pour  le  gouvernement 
que  dans  l'administration  des  finances.  La  question  financière 
avait  hâté  l'approche  de  la  Révolution  et  jusqu'alors  les  contrô- 
leurs généraux  avaient  montré  une  grande  maladresse  à  la 
résoudre.  Necker,  qui  leur  succédait,  ne  jouissait  pas  de  la  con- 
fiance du  grand  député  provençal.  Mirabeau  croit  devoir  mettre 
la  nation  en  garde  contre  les  agissements  du  financier  genevois. 
Ce  ministre  doit  être  assisté  d'un  conseil  d'administration  élu  par 
l'Assemblée®.  Il  n'en  conserve  pas  moins  une  certaine  liberté 
d'action  :  il  emploiera  les  moyens  qu'il  juge  nécessaires  pour  faire 
réussir  les  emprunts  autorisés  par  la  Chambre*®.  Le  trésor  royal 
peut  Caire  des  anticipations*  * .  Mais,  en  matière  d'impôts,  le  roi  ne 
peut  que  promulguer  les  taxes  décidées  par  l'Assemblée  ;  il  se 
borne  à  les  lever  et  à  en  faire  l'emploi  d'après  les  règlements  de 
la  loi  ^«. 

L'essence  du  pouvoir  royal  est  donc  l'exécution  de  la  loi.  Mais 
le  pouvoir  royal  n'est  pas  uniquement  le  pouvoir  exécutif;  il 
contient  aussi  une  partie  du  pouvoir  législatif.  Réciproquement, 
le  pouvoir  législatif  n'appartient  pas  d'une  manière  exclusive  à 

1.  Discours  du  2t  septembre  1789.  Courrier  de  Provence^  n"  44. 

2.  Courrier  de  Provence,  v.  XI,  p.  39.  Corr.  Mirabeau-La  Marck,  v.  I, 
p.  384;  V.  II,  p.  225. 

3.  Courrier  de  Provence,  n»  82,  p.  10;  v.  XII,  p.  512,  n«  91. 

4.  Discours  du  9  octobre  1789.  Moniteur. 

5.  Courrier  de  Provence,  v.  VII,  p.  207. 

6.  Ibid,,  y.  VII,  p.  405. 

7.  Ibid.,  n»  47,  p.  21. 

8.  Ibid.,  n*  47,  p.  8;  n»  48,  p.  9  et  10. 

9.  Discours  du  9  mars  1791.  Moniteur,  Courrier  de  Provence,  y.  xni,  p.  390 
et  405. 

10.  Discours  du  19  août  1789.  Courrier  de  Provence,  n*  29. 

11.  Courrier  de  Provence,  n*  47,  p.  21. 

12.  Ibid.,  V.  VII,  p.  162;  v.  XI,  p.  344. 


LBS  lOlfES   POLITIQUES   DE  HIRABEAU.  64 

TAssemblée  ou  Corps  législatif,  il  relève  aussi  du  pouvoir  royal. 
Telles  sont  les  idées  de  Mirabeau.  «  A  ses  yeux,  dit  Dumont,  le 
roi  était  partie  intégrante  du  pouvoir  législatif*.  » 

Mais  s'il  collabore  à  la  loi,  il  est  formellement  exclu  du  pou- 
voir constituant.  Il  faut  distinguer  ici  la  loi  de  la  Constitution,  le 
pouvoir  législatif  du  pouvoir  constituant.  Quand  les  représentants 
élus  du  peuple  souverain  organisent  TÉtat  et  les  pouvoirs  qui  le 
forment,  tous  les  pouvoirs,  même  celui  du  roi,  restent  suspendus 
devant  eux'.  C'est  un  point  capital  dont  dépend  le  succès  delà 
Révolution^.  Le  roi  doit  laisser  les  états  généraux  s'organiser  en 
Assemblée  nationale  sans  s'ingérer  dans  leur  régime  intérieur*, 
sans  décider,  par  exemple,  s'ils  délibéreront  par  ordre  ou  par  tête». 

Mirabeau  se  laisse  souvent  guider  par  son  caprice  ou  par  l'in- 
térêt populaire  quand  il  distingue  l'acte  constituant  qu'introduit 
l'Assemblée,  mais  dont  le  roi  est  exclu,  de  l'acte  législatif  intro- 
duit aussi  par  elle,  mais  où  le  roi  peut  intervenir.  Ainsi,  lors- 
qu'il fut  question  d'abolir  les  dîmes  ecclésiastiques,  il  prétendit 
qu'il  s'agissait  alors  de  constituer,  afin  que  l'Assemblée  eût  sa 
pleine  liberté  d'action  et  que  Louis  XVI  ne  pût  s'opposer  à  cette 
mesure®.  Le  roi  peut,  il  est  vrai,  présenter  des  observations  sur 
la  Constitution  ;  mais  elles  restent  sans  conséquence.  Mirabeau 
semble  même  lui  promettre  de  plus  grandes  attributions  :  «  Les 
députés  de  la  nation,  lui  dit-il,  sont  appelés  à  consacrer  avec  vous 
les  droits  éminents  de  la  royauté  sur  les  bases  immuables  de  la 
liberté  du  peuple'.  —  L'Assemblée,  dit-il  ailleurs,  travaillera  de 
concert  avec  le  roi  à  l'établissement  de  la  Constitution®.  »  Mais 
ces  déclarations  ne  sont  que  des  formules  polies.  En  somme, 
l'idée  de  Mirabeau  est  de  se  passer  du  roi  dans  tout  acte  consti- 
tuant ;  le  roi  n'intervient  alors  que  pour  le  promulguer  et  le  faire 
exécuter*. 

1.  Dumont,  p.  288. 

2.  Discours  du  2  et  du  16  juillet  1789.  Archives  parlementaires,  p.  243. 

3.  Lettres  à  mes  commettants,  n"  15. 

4.  Ibid.,  n»  13  (23  juin  1789). 

5.  Moniteur  (Discours  des  18  mai,  27  mai,  5  juin,  27  juin  1789).  Journal  des 
états  généraux,  n«  II;  Lettres  à  mes  commettants,  n»  4,  p.  15;  n*  6,  p.  6; 
n*  7,  p.  4,  5,  7,  et  14;  n*  9,  p.  11  et  12,  et  n«  14. 

6.  Moniteur  (Discours  du  13  août  1789).  Courrier  de  Provence,  n**  27,  p.  4. 

7.  Archives  nationales,  A.  P.  C.  c.  g  1.  15.  Cote  224.  £.  11.  110  (Adresse  du 
9  juillet  1789).  Lettres  à  mes  commettants,  n"  18. 

8.  Moniteur  (Adresse  du  27  juin  1789). 

9.  Archives  parlementaires,  p.  636  et  637  (Discours  du  14  septembre  1789]. 


62  F.    DECRUS. 

Si  le  roi  se  trouve  éviDcé  du  pouvoir  coDstituant,  il  participe 
du  moins  au  pouvoir  législatif.  Tout  d'abord,  il  lui  appartient  de 
convoquer  T  Assemblée  nationale  S  de  l'ajourner  et  même  delà 
dissoudre,  à  condition  toutefois  d'en  convoquer  une  nouvelle  dans 
l'espace  de  trois  mois'.  Ce  droit  de  dissolution  fut  refusé  par 
l'Assemblée,  et  Mirabeau  n'osa  insister  sur  ce  point.  En  outre,  le 
gouvernement  a  sa  part  d'initiative  parlementaire  et  les  projets 
de  loi  peuvent  être  indi£féremment  présentés  par  lui  ou  par  les 
députés^. 

Mais  le  roi  intervient  surtout  dans  la  législation  par  son  droit 
de  veto.  Tant  que  la  Constitution  n'est  pas  faite,  disait  Mirabeau, 
le  roi  n'est  que  le  législateur  provisoire  ;  mais  dès  que  le  Corps 
législatif  est  en  activité,  le  roi  coopère  par  sa  sanction,  qui  est 
le  consentement  accordé  ou  refusé  à  un  projet  de  loi.  Le  refus  de 
la  sanction  ou  veto  est  donc  une  opposition  aux  décrets  de  l'As- 
semblée. «  Mirabeau,  rapporte  Dumont,  était  bien  décidé  à  sou- 
tenir le  veto  absolu  qu'on  regardait  conune  essentiel  à  la  monar- 
chie^. »  Dès  l'ouverture  des  états  généraux,  en  efifet,  il  insistait 
sur  l'importance  et  la  nécessité  de  la  sanction  royale^  :  «  Et  moi. 
Messieurs,  disait-il  à  ses  collègues,  je  crois  le  veto  du  roi  telle- 
ment nécessaire  que  j'aimerais  mieux  vivre  à  Constantinople 
qu'en  France  s'il  ne  l'avait  pas.  »  11  y  fait  encore  allusion  en 
disant  :  «  Quand  il  sera  question  de  la  prérogative  royale,  c'estr- 
à-dire,  comme  je  le  démontrerai  en  son  temps,  du  plus  précieux 
domaine  du  peuple,  on  jugera  si  j'en  connais  l'étendue.  Eh  I  je 
défie  d'avance  le  plus  respectable  de  mes  collègues  d'en  porter 
plus  loin  le  respect  religieux^.  »  Dans  le  célèbre  discours  qu'il 
prononce  sur  cette  question,  Mirabeau  soutient  le  veto  absolu, 
en  dépit  de  la  majorité  de  l'Assemblée  qui  ne  devait  accorder  au 

1.  Lettres  à  mes  commettants,  n*  14  (27  jain  1789).  —  Archives  parlemenr 
iaires,  p.  186  (Discours  du  3  juillet  1789). 

2.  Ibtd.,  p.  539-541  (Discours  du  l*'  septembre  1789).  Courrier  de  Provence, 
n«  41,  p.  20  (12  septembre  1789).  -^  Malouet,  Mémoires,  y.  II,  p.  13. 

3.  Courrier  de  Provence,  n*  47,  p.  17  (29  septembre  1789),  v.  VII,  p.  163; 
y.  IX,  p.  383.  —  Malouet,  Mémoires,  y.  II,  p.  13.  Les  rédacteurs  du  Courrier 
ne  sont  pas  toujours  d'accord  ayec  Mirabeau  sur  ce  point.  Cf.  Lettres  à  mes 
commettants,  n*  13,  et  Courrier,  y.  IX,  p.  383. 

4.  Dumont,  p.  152. 

5.  Moniteur  (Discours  du  15  juin,  du  23  juin,  dn  27  juin,  du  28  juin  1789). 
Lettres  à  mes  commettants,  n*  11,  p.  13  et  39,  n**  14;  Courrier  de  Provence, 
n?  34,  p.  9. 

6.  Moniteur  (7  août  1789).  Courrier  de  Provence,  n*  24. 


LES  IDiSbS  POUnQUES  OB  MIIUBBAU.  63 

roi  que  le  veto  suspensif.  Partant  du  principe  d'une  monarchie 
héréditaire  et  forte,  chargée  d'exécuter  les  lois  de  la  nation,  il 
établit  la  nécessité  d'en  relever  la  dignité  par  des  privilèges 
importants.  De  même  que  le  Corps  législatif  contrôle  les  actes  du 
pouvoir  exécutif,  le  pouvoir  exécutif  contrôle  les  actes  du  Corps 
législatif.  La  loi  est  un  acte  proposé  et  étudié  par  TAssemblée, 
puis  adopté  et  sanctionné  par  le  roi.  Le  droit  de  veto  permet  au 
roi  de  refuser  son  approbation  à  l'acte  législatif.  Ce  droit  doit  être 
absolu,  car  on  sait  combien  l'Assemblée  a  de  moyens  pour  con- 
traindre le  roi,  et  combien  le  roi  en  a  peu  pour  dominer  l'Assem- 
blée. Si  le  roi  ne  jouissait  pas  de  ce  privilège,  sa  dignité  sou£frirait 
d'exécuter  des  lois  qu'il  désapprouve.  Puis,  comme  il  dispose  de 
l'armée,  qu'il  est  héréditaire  et  inviolable,  il  pourrait  être  tenté 
de  résister  à  la  Constitution  qui  lui  refase  une  légitime  influence. 
D'ailleurs  ce  veto^  même  absolu,  ne  sera  jamais  que  suspensif, 
pour  peu  que  l'on  reconnaisse  au  roi  le  droit  de  dissoudre  l'Assem- 
blée avec  l'obligation  d'en  convoquer  une  nouvelle  trois  mois 
après.  La  responsabilité  des  ministres,  l'annualité  du  Corps  légis- 
latif, qui  peut  seul  axer  la  quotité  de  l'impôt  et  décréter  la  levée 
des  troupes,  sont  des  garanties  contre  l'abus  que  le  roi  pourrait 
faire  de  son  droit  de  veto.  En  somme,  la  sanction  royale  établit 
une  dépendance  mutuelle  du  roi  et  de  l'Assemblée,  dépendance 
qui  est  le  «  palladium  de  la  liberté  nationale  \  » 

Quelquefois  les  deux  pouvoirs  s'entremêlent  l'un  l'autre, 
notamment  en  cas  de  guerre.  Dans  ses  lettres  de  Yincennes* 
Mirabeau  conteste  au  roi  le  droit  de  déclarer  la  guerre.  Il  reste 
dans  les  mêmes  idées  à  l'Assemblée^.  Toutefois,  il  reconnaît  que 
les  deux  pouvoirs  doivent  concourir  dans  le  droit  de  faire  la  paix 
ou  la  guerre.  Dans  les  discours  qu'il  prononce  à  ce  sujet^,  il 
déclare  dangereux  de  laisser  trancher  cette  question  par  l'Assem- 
blée seule  :  dangereux  pour  elle-même  d'abord,  car  elle  assume- 
rait une  responsabilité  dont  elle  déchargerait  les  ministres; 
dangereux  pour  l'Etat  ensuite,  puisqu'elle  pourrait  céder  à  l'en- 
thousiasme belliqueux  de  ses  membres  nombreux,  reconnus  invio- 
lables et  irresponsables.  En  cas  d'attaque  de  l'ennemi,  elle  met- 

1.  Moniteur  (Disconra  du  t*'  septembre  1789).  Courrier  de  Provence,  n*  34, 
p.  20;  n»  38,  p.  20. 

2.  Cf.  note,  Courrier  de  Provence,  y.  VI,  p.  127  et  128. 

3.  MonUeur,  15  mai  1790.  Courrier  de  Provence,  t.  VIII,  p.  231-235. 

4.  Discours  des  14,  18,  20  et  22  mai  1790.  Cf.  Moniteur. 


64  F.    OBCRUB. 

trait  de  la  lenteur  à  préparer  la  défense  et  ses  discussions 
partageraient  l'opinion  publique  en  face  de  l'adversaire.  Elle 
usurperait  le  pouvoir  exécutif  en  refusant  au  roi  la  part  du  pou- 
voir législatif  qui  lui  incombe  par  son  droit  de  veto.  Ce  serait  une 
violation  de  la  Constitution,  un  empiétement  sur  la  prérogative 
royale.  Ce  serait  enfin  soustraire  au  roi  la  direction  de  l'armée  et 
lui  ôter  les  moyens  de  prévenir  les  émeutes  et  les  complots.  Pour 
éviter  de  si  funestes  conséquences,  il  faut  combiner  les  deux  pou- 
voirs de  manière  que  chacun  d'eux  ait  ses  fonctions  déterminées. 
Il  appartient  au  roi  d'entretenir  les  relations  extérieures,  de 
veiller  à  la  défense  de  l'empire  et  de  préparer  les  armements  ;  il 
avertira  aussitôt  l'Assemblée  de  la  guerre  qui  menace  ou  qui 
éclate,  de  la  paix  qu'il  traite.  Le  roi  exerce  dans  ce  cas  une  sorte 
d'initiative.  Mais  c'est  au  Corps  législatif  de  ratifier  ou  d'empê- 
cher la  paix  ou  la  guerre  que  le  roi  propose.  La  sanction  vient 
de  l'Assemblée  :  les  rapports  constitutionnels  sont  donc  renversés. 
Pour  prévenir  les  abus  de  la  puissance  royale,  la  Constitution 
doit,  en  principe,  interdire  les  guerres  de  conquête  et  l'Assemblée 
peut  poursuivre  les  ministres  qui  en  seraient  les  instigateurs  ;  au 
besoin,  elle  obligera  le  roi  de  négocier  en  lui  refusant  les 
subsides.  Enfin  elle  se  réservera  la  disposition  de  la  garde 
nationale. 

Ces  rapports  entre  le  gouvernement  et  le  Corps  législatif  sont 
fort  délicats  et  les  circonstances  peuvent  y  apporter  des  modifica- 
tions dans  un  sens  favorable  à  l'un  ou  à  l'autre  de  ces  pouvoirs. 
Délicats  aussi  sont  les  rapports  qui  s'établissent  entre  le  gouver- 
nement et  le  pouvoir  judiciaire.  Mirabeau,  qui  paraît  assez  conci- 
liant dans  la  démarcation  du  pouvoir  exécutif  et  du  pouvoir 
législatif,  établit  des  limites  plus  tranchées  entre  ces  deux 
pouvoirs  et  le  pouvoir  judiciaire.  La  monarchie,  jusqu'en  1789, 
s'était  fait  haïr  par  la  pression  qu'elle  exerçait  sur  la  justice  et 
par  l'abus  qu'elle  faisait  des  lettres  de  cachet.  Aussi  doit-elle  être 
tenue  à  l'écart  des  tribunaux.  Mirabeau  accorde  au  roi  le  droit 
de  grâce  :  c'est  tout  ou  à  peu  près*.  En  principe,  il  pose  que,  si 
l'arbitraire  est  dans  certains  cas  nécessaire,  ce  n'est  pas  au  roi 

1.  Archives  parlementaires,  p.  311.  Discours  du  3  juillet  1789.  Le  Courrier 
de  Proi;eitce  conteste  même  ce  droit  (v.  VIII,  p.  341).  Au  moment  où  l'Assem- 
blée organise  la  justice  (printemps  1790),  ce  journal  a  déjà  échappé  à  l'in- 
fluence moins  radicale  de  Mirabeau.  Ce  n'est  que  dans  ses  discours  ou  dans 
ses  ouTrages  antérieurs  que  se  trouvent  ses  opinions  sur  ce  point. 


LBS   IDiSbS  politiques  DE  MIEABBAU.  65 

qu'il  faut  le  permettre  S  et  que  le  roi  n'a,  pas  plus  que  la  société, 
le  droit  de  vie  et  de  mort*.  Il  convient  que  c'est  en  son  nom  que 
se  rend  la  justice^  ;  mais  le  roi  ne  peut  juger  ni  par  lui-même  ni 
par  ses  ministres^.  Le  caractère  de  la  tyrannie  est,  en  effet,  que  le 
même  homme  prononce  et  exécute  le  jugement.  Mirabeau  accor- 
dait au  roi,  en  une  certaine  mesure,  le  droit  de  déléguer  l'autorité 
judiciaire  en  érigeant  des  tribunaux  selon  les  lois  de  rÉtat*^. 
Mais,  quand  il  vit  qu'on  n'adjoignait  pas  de  jury  au  tribunal 
civil,  il  contesta  au  roi  le  privilège  de  nommer  les  juges,  même 
les  juges  de  paix^.  Cependant  il  le  reconnaissait  comme  partie 
publique  dans  tous  les  délits.  Le  roi  doit  les  poursuivre  au  moyen 
de  ses  procureurs^.  En  somme,  quand  il  s'agit  de  juger,  le  roi 
n'intervient  ni  directement  ni  indirectement  ;  mais,  une  fois  la 
décision  formulée,  son  devoir  consiste  à  l'exécuter  au  moyen  de 
ses  agents^. 

L'action  du  gouvernement  sur  le  pouvoir  judiciaire  ne  s'éclair- 
cit  qu'aprèsTétude  de  ce  pouvoir  même.  De  même  les  rapports  du 
monarque  avec  l'Assemblée  nationale  ne  sont  nettement  détermi- 
nés qu'après  une  connaissance  approfondie  des  fonctions  de  ce 

corps. 

F.  Décrue. 
{Sera  continué.  ) 

1.  Lettres  de  cachet,  t.  I,  p.  211. 

2.  Ibid.,  p.  99. 

3.  Ihid.f  p.  81.  Le  Courtier  de  Provence  conteste  au  roi  ce  privilège  hono- 
rifique, ▼.  VI,  p.  123-128;  VII,  p.  123, 214  et  215;  t.  VIII,  p.  144;  v.  IX,  p.  181. 

4.  Lettres  de  cachet,  t.  I,  p.  116,  157,  181  et  210. 

5.  Ibid.,  p.  81. 

6.  Moniteur,  p.  512.  Discoure  du  5  mai  1790.  Cf.  Courrier  de  Provence, 
y.  VIII,  p.  126,  147  et  151  ;  IX,  202,  et  XI,  316  à  318. 

7.  Lettres  de  Vincennes;  Lettres  de  cachet,  t.  I,  p.  81.  Courrier  de  Pro- 
vence, V.  VIII,  p.  151,  156,  et  IX,  p.  202. 

8.  Cf.  Affaire  La  Vauguyon.  Moniteur  du  5  août  1789  et  Archives  parle- 
mentaires, p.  355. 


HbV.    HiSTOB.    XXII.    {•'  PA8C.  5 


MÉLANGES  ET  DOCUMENTS 


UN  FONCTIONNAIRE  DU  SAINT-EMPIRE 
SOUS  LE  RÈGNE  DE  WENCESLAS 


BERNARD  DE  BEBELNHEIM 


Dans  leurs  traits  généraux,  ce  qui  distingue  peut-être  le  plus  la 
royauté  en  France  de  Tempire  d'Allemagne,  c'est  que,  tandis  que  les 
Capétiens  se  sont  de  bonne  heure  affranchis  de  la  féodalité,  qu'ils 
ont  eu  leur  justice  royale,  des  flnances  indépendantes  et,  à  côté  du 
ban  et  de  l'arrière-ban,  une  armée  permanente  à  leur  solde,  l'em- 
pereur d'Allemagne  n'a  jamais  été  que  le  premier  el  le  chef  des 
grands  vassaux.  Son  titre  ne  lui  permettait  de  prétendre  qu'à  des 
redevances  et  à  des  prestations  féodales.  C'est  par  l'élection  de  ses 
pairs  qu'il  était  promu  au  trône,  et  le  bail  qu'il  passait  avec  eux 
n'était  même  pas  toujours  viager.  Chaque  changement  de  règne  don- 
nait lieu  au  renouvellement  de  tous  les  contrats  entre  les  vassaux 
et  le  suzerain,  entre  les  sujets  et  le  prince,  et,  sous  les  assauts  répé- 
tés qu'elle  subit,  la  souveraineté  se  démembre  et  s'émiette.  Des  droits 
domaniaux  de  l'Empire  il  ne  restait  plus  que  quelques  épaves,  et 
l'antique  organisation  judiciaire,  première  assise  de  la  majesté  impé- 
riale, était  devenue,  de  même  que  les  fiefs,  un  acheminement  pour 
la  formation  territoriale  d'états  de  plus  en  plus  indépendants.  SHl  arri- 
vait au  prince  d'outrepasser  ses  attributions  traditionnelles  ou  conven- 
tionnelles, il  se  heurtait  de  toutes  parts  aux  aspérités  de  l'institution 
féodale  et,  réduità  l'influence  et  aux  ressources  de  ses  possessions  héré- 
ditaires, son  autorité  lui  échappait  même  sur  les  états  immédiats  de 
l'Empire.  A  défaut  d'un  bon  système  financier,  il  battait  monnaie  au 
moyen  de  l'aliénation  ou  de  l'escompte  des  minces  revenus  qu'ils  lui 
procuraient  encore  par-ci  par-là.  Ce  fut  surtout  sous  les  empereurs 
de  la  maison  de  Luxembourg  que  ces  expédients  devinrent  fréquents  ^ 
mais  nul  n'y  recourut  au  même  degré  que  le  fils  de  Charles  lY,  le 
roi  des  Romains  Wenceslas.  Son  système  de  gouvernement  s'en  res- 


BHRNIRD  DE  BEBELNHEIM.  67 

sentit  de  bonne  heure,  et  rien  ne  sera  plus  propre  à  montrer  l'état 
de  désorganisation  où  TEmpire  était  tombé  sous  ce  règne,  que 
l'esquisse  que  nous  allons  tracer,  quoiqu'elle  n'ait  pas  d'autre  hori- 
zon que  TAlsace. 

I. 

La  famille  noble  de  Bebelnheim  tirait  son  origine  d'un  village  du 
même  nom,  mais  elle  avait  son  principal  établissement  à  Golmar, 
où  Tancienne  collégiale  de  Saint-Martin  renferme  encore  une  cha- 
pelle qu'elle  avait  fondée  et  qui  porte  ses  armes.  Dans  le  cours  du 
xrv*  siècle  on  trouve  plusieurs  Bebelnheim  parmi  les  patriciens  de 
Golmar;  un  autre  s'éleva  aux  premières  dignités  du  chapitre  de 
Saint-Martin  et  de  la  cathédrale  de  Bâle.  Celui  dont  nous  nous  occu- 
pons ici,  Bernard  de  Bebelnheim,  avait  sa  fortune  à  faire  et  la  cher- 
cha au  service  de  Wenceslas. 

Il  se  signala  d'abord  à  la  mort  du  pape  Grégoire  XI,  quand  au 
napolitain  Urbain  YI,  élu  à  Rome,  les  cardinaux  français  opposèrent 
l'antipape  Clément  YII.  Le  roi  des  Romains  et  les  états  de  l'Empire 
s'étant  prononcés  pour  Urbain  YI,  Bernard  de  Bebelnheim  s'empara, 
on  ne  sait  où  —  probablement  en  Alsace  —  de  la  personne  de 
prêtres  qui  accompagnaient  Guillaume,  second  cardinal  d'Algre- 
feuille,  légat  du  pape  d'Avignon.  L'acte  de  violence  qu'il  avait  com- 
mis sur  des  clercs,  même  schismatiques,  troublait  apparemment  la 
conscience  timorée  de  Bernard  et,  quoiqu'il  n'eût  agi  que  «  par  zèle 
pour  le  Saintr-Siège,  »  il  se  pourvut  à  Prague,  le  49  juin  4384,  de 
lettres  d'absolution,  délivrées  par  le  cardinal  de  Saint-Praxède,  le 
légat  d'Urbain  VI  auprès  de  Wenceslas  ^ . 

Cet  exploit  de  grande  route  recommanda  notre  héros  à  la  bienveil* 
lance  de  ce  prince;  pour  reconnaître  ses  services,  il  lui  fit  don,  le 
4  octobre  de  la  même  année,  d'une  somme  de  60  marcs,  quelque 
chose  comme  4 ,337  francs,  au  pouvoir  actuel  de  l'argent,  que  l'abbé 
Guillaume  de  Murbach  restait  devoir  à  la  chambre  impériale  '.  La 
créance  n'était  peut-être  pas  bien  sûre,  et  peut-être  faut-il  cher- 
cher dans  ce  que  son  recouvrement  avait  d'aléatoire  la  raison  de  la 
générosité  du  prince  à  l'égard  de  Bernard.  Quoi  qu'il  en  soit,  si  son 
titre  était  sujet  à  caution,  l'octroi  d'une  autre  faveur  pouvait  l'en 
consoler.  Wenceslas  l'investit  de  la  prévôté  de  Mulhouse  qui,  à  cette 
date,  appartenait  encore  à  l'Empire,  et  l'on  voit,  par  un  mandement 

1.  ArcblTes  de  Golmar.  II.  Familles  nobles. 

2.  Ibidem. 


68  M&AXGES  ET  DOCUSEffS. 

da  l*' janYîer  1382,  adressé  de  Prague  aa  maitre  et  an  eonaeil,  que 
le  magistrat  n'avait  pas  foit  difficulté  de  mettre  le  noufean  titulaire 
en  possession  de  son  ofBoe  ^ 

Le  concours  d'un  homme  d'action  td  que  Bernard  de  Bebeln- 
heim  méritait  apparemment  le  prix  qu'y  mettait  le  roi  des  Romains. 
Dans  les  actes  de  son  règne,  on  percevait  alors  une  pensée  gouverne- 
mentale. Déjà  sous  Louis  de  Bavière,  constamment  en  lutte  avec  la 
cour  de  Rome  qui,  ne  pouvant  foire  de  l'emperou*  c  son  ^veet  son 
bouclier,  >  poussait  à  son  renversement  et  armait  contre  lui  les  vas- 
saux de  TEmpire^  les  villes  impériales  d'Alsace  avaient  cherché  leur 
sécurité  dans  des  alliances  temporaires,  spontanànent  formées  entre 
elles.  Le  soin  de  leur  protection  importait  surtout  à  celles  de  la  Haute- 
Alsace,  où,  à  la  faveur  de  leurs  droits  de  justice  éminente,  les  Habs- 
bourg avaient  acquis,  comme  landgraves,  des  droits  de  supériorité 
territoriale  et  menaçaient  constamment  l'indépendance  des  villes 
de  l'Empire  limitrophes  ou  enclavées,  telles  que  Colmar  et  Mulhouse. 
C'était  évidemment  contre  la  maison  d'Autriche  que  l'empereur 
Charles  IV  avait  dirigé  l'alliance  de  la  Décapole  :  elle  assurait  les 
villes  du  pays  haut  à  la  fois  de  l'appui  du  grand  bailli  de  Haguenau 
et  du  concours  des  villes  du  bas  pays,  Haguenau,  Wissembourg, 
Obemay,  Rosheim.  Ce  mode  de  gouvernement,  au  risque  d'affaiblir 
le  pouvoir  central,  remettait  aux  états  de  l'Empire  le  soin  de  leur 
conservation  à  la  décharge  de  l'empereur,  mais  il  était  bien  dans  la 
nature  des  choses  et  dans  l'esprit  du  temps,  et,  privé  comme  il  l'était 
des  anciens  organes  constitutifs  de  l'Etat,  devenu  la  proie  de  la  féo- 
dalité, Wenceslas  ne  pouvait  que  suivre  les  errements  de  son  père. 
Seulement  au  lieu  de  ne  former  de  ligue  qu'entre  les  villes  impé- 
riales, souvent  hors  d'état  de  se  suffire  à  elles-mêmes,  il  les  engloba 
dans  des  paix  provinciales,  à  la  tète  desquelles  il  plaçait  les  grands 
vassaux  de  l'Empire,  seigneurs  eux-mêmes  de  communes  impor- 
tantes, et  intéressés  par  conséquent,  à  rencontre  de  la  noblesse  infé- 
rieure, au  développement  et  à  la  prospérité  des  villes.  Seulement 
comme  le  chef  de  l'Empire  n'entrait  lui-même  dans  ces  ligues  qu'au 
nom  et  pour  le  compte  des  cités  impériales,  il  devait  tenir  à  les  avoir 
fortement  dans  sa  main;  il  lui  fallait  pour  cela  des  agents, 
comme  Bernard  de  Bebelnheim  :  c'est  à  ce  prix  seulement  que 
Wenceslas  pouvait  sauvegarder  son  autorité  souveraine  et  faire  équi- 
libre à  la  puissance  des  princes,  tels  que  les  quatre  électeurs  du  Rhin, 
l'archevêque  de  Mayence,  celui  de  Cologne,  celui  de  Trêves,  l'élec- 
teur Palatin,  avec  l'adhésion  desquels  il  établit  la  paix  provinciale 

1.  X.  Moftsmann.  Cariulaire  de  Mulhouse  [Siràihourg,  18S3,  ia-4*).  T.  I*',  n*  325. 


BE&NiRD  DE  BEBBLNHEIM.  69 

du  9  mars  4382.  Cette  organisation  comprenait,  d'une  part,  les  villes 
impériales  de  la  Wetteravie,  Friedberg,  Wetzlar  et  Guelnhausen, 
de  Tautre,  celles  de  TAlsace,  Colmar,  Mulhouse,  Kaysersberg,  Muns- 
ter, Rosheim,  Tùrkheim  et  Seltz,  à  l'exclusion  de  celles  de  Hague- 
nau,  de  Wissembourg,  d'Obernay  et  de  Sélestadt,  quoique  faisant 
également  partie  de  la  Décapole,  mais  moins  sensibles  à  la  nécessité 
de  rester  unis  contre  les  Habsbourg  ^  La  paix  provinciale  rendait  les 
participants  solidaires  de  la  bonne  administration  de  la  justice  et  du 
maintien  de  Tordre  dans  leurs  territoires  respectifs,  et  Wenceslas 
songeait  dès  lors  à  retendre  à  la  Bavière,  à  la  Franconie,  à  la  Souabe; 
mais  pendant  que  les  contractants  renonçaient  à  l'avance  à  toute 
action  offensive  contre  la  Bavière,  contre  la  Hesse,  contre  la  Saxe, 
contre  la  Thuringe,  contre  la  Westphalie,  les  ducs  d'Autriche  étaient 
l'objet  d'une  prétention  significative.  Une  clause  particulière  impo- 
sait aux  membres  de  la  ligue  l'obligation  de  ne  tolérer  dans  leurs 
états  aucune  prédication,  aucun  enseignement,  aucun  manifeste 
contre  le  pape  de  Rome,  Urbain  VI.  Tel  était  cependant  le  désordre 
de  la  chrétienté  que  cela  n'empêcha  point,  d'autre  part,  le  pape 
d'Avignon,  Clément  VII,  de  disposer,  en  faveur  d'une  de  ses  créa- 
tures, Werner  Schaller,  de  l'évêché  de  Bâle,  qui  était  alors  vacant  et 
auquel  la  Haute-Alsace  ressortissait.  Pour  résister  à  cette  intrusion 
schismatique,  Wenceslas  lança,  le  49  octobre  4383,  de  Nuremberg, 
un  mandement  par  lequel  il  enjoignit  aux  villes  libres  et  aux  villes 
impériales  de  Suisse  et  d'Alsace  de  reconnaître  Imier  de  Ramstein, 
celui  des  deux  compétiteurs  nommé  par  Urbain  VP. 

On  le  voit,  le  moment  où  Wenceslas  revêtit  Bernard  de  l'office  de 
prévôt  de  Mulhouse  n'était  pas,  pour  cette  ville,  un  temps  normal. 
Placée  au  centre  des  possessions  autrichiennes,  elle  était  en  Alsace, 
plus  qu'aucune  autre,  exposée  aux  entreprises  du  duc  Léopold  le 
Preux,  qui  profitait  de  l'état  de  trouble  où  se  trouvait  l'Empire  pour 
étendre  ses  droits  aux  dépens  de  ses  voisins.  Déjà  en  4368,  sur 
l'autre  rive  du  Rhin,  il  s'était  emparé  de  Fribourg,  et  ce  succès 
l'avait  encouragé  à  poursuivre  ses  desseins.  Ses  visées  ne  s'ar- 
rêtaient même  pas  devant  le  temporel  de  l'évêché  de  Bâle,  dont  la 
possession  aurait  établi  la  jonction  entre  ses  domaines  du  Brisgau  et 
de  PArgovie,  du  Sundgau  et  du  comté  de  Ferrette.  La  ville  de  Bâle 
aurait  suivi  le  sort  de  ré?êché  et  si,  dès  ce  moment,  il  ne  mettait 
pas  la  main  sur  Mulhouse,  c'est  que  le  morceau  ne  valait  pas  la 


1.  J.  Weizsœcker^  Deutsche  Reicksiagsakten,  t.  I*%  p.  337-346. 

2.  Ibidem,  pp.  413-14.  —  Trouillat,  Monuments  de  l'évêché  de  Bâle,  t.  IV, 
p.  433. 


70  M^LANGIS  BT  DOCUMVIITS. 

peine  de  démasquer  ses  plans  avant  l'heure.  Dans  tous  les  cas,  s'il 
avait  pu  les  réaliser,  s'il  avait  réuni,  dans  un  système  unique  de 
défense,  Brisach,  les  villes  forestières,  Baie  et  Belfort,  avec  la  Forêt- 
Noire,  le  Jura,  les  Vosges  sur  Tarrière-plan,  le  duc  Léopold  aurait 
fondé,  dès  les  dernières  années  du  xnr*  siècle,  ce  royaume  dont  Ber- 
nard de  Sax&-Weimar  chercha  un  moment  à  faire  son  profit  au 
cours  de  la  guerre  de  Trente  ans. 

Cependant,  après  avoir  exclu  l'influence  autrichienne  de  sa  ligue 
pour  la  paix  publique,  comment  se  fait-il  que  Wenceslas  ait  autorisé 
peu  de  temps  après,  le  26  juillet  4384,  les  participants  de  Talliance 
du  9  mars  4382  à  s'unir  avec  ce  même  Léopold  le  Preux,  en  même 
temps  qu'avec  Frédéric,  burgrave  de  Nurenberg,  avec  le  comte 
Eberhard  II  de  Wurtemberg  et  avec  les  villes  de  la  ligue  de  Souabe, 
pour  assurer  la  prolongation  de  la  paix  jusqu'en  4  388  ^  ?  Évidemment, 
pour  obtenir  ce  résultat,  le  duc  d'Autriche  avait  dû  donner  des  gages 
d'une  politique  moins  agressive  à  l'égard  des  vassaux  de  l'Empire,  et 
sans  aucun  doute  c^était  la  tension  de  ses  rapports  avec  les  cantons 
suisses  qui  l'avait  amené  à  se  modérer  de  ce  coté.  Mais  il  ne  semble 
pas  que  ce  revirement  ait  inspiré  une  confiance  absolue  ;  car  peu 
après,  sans  renoncer  à  ses  engagements  avec  les  villes  du  Rhin, 
nous  voyons  Bâle,  en  qualité  de  ville  libre,  entrer  dans  la  ligue 
de  Souabe  et  y  entraîner  à  sa  suite,  le  8  avril  4385,  ses  voisins,  le 
bourgmestre,  le  conseil  et  les  bourgeois  de  Mulhouse  '.  Mulhouse  est 
la  seule  des  villes  impériales  d'Alsace  qui  se  soit  agrégée  alors  à  la 
ligue  de  Souabe  et,  la  même  année,  le  roi  des  Romains  y  donna  son 
aveu,  en  la  comprenant  au  nombre  des  communes  auxquelles  il  fit 
don,  à  Berne,  le  22  juillet  4385,  des  créances  des  Juifs  qu'elles 
avaient  admis  à  domicile,  moyennant  une  contribution  générale  de 
40,000  florins  du  Rhin  ou,  au  pouvoir  actuel  de  l'argent,  environ 
4,820,000  francs,  qu'elles  s'engagèrent  à  lui  payer  jusqu'au  2  février 
4388^ 

Quoi  qu'il  en  soit,  il  est  certain  que,  dès  ce  moment,  l'entente 
entre  la  ligue  de  Souabe  et  les  princes  de  la  maison  de  Habs- 
bourg était  à  la  veille  de  se  rompre.  La  ligue  avait  déjà  eu  occasion 
de  faire  valoir  ses  griefs  à  Heidelberg,  dans  une  diète  où  s'étaient 
réunies,  le  26  juillet  4384,  les  villes  du  Rhin  et  de  la  Souabe,  et  il 
ne  s'écoula  pas  deux  ans  que  les  dernières  firent  usage  du  droit  que 
leur  conférait  Talliance,  en  mettant,  le  7  février  4386,  leurs  confé- 

1.  J.  Weizsœcker,  l.  c,  p.  438-48. 

2.  Cartulaire  de  MuUumse,  t.  I*%  n«  335. 

3.  J.  Weizsœcker,  L  c,  p.  494-503. 


BEE^riRD  DE  BEBBLXHBIlf.  74 

dérés  en  demeure  de  se  porter  à  leur  secours  contre  le  duc  d'Au- 
triche ^  Hais  on  sait  qu^à  ce  moment  même  Léopold  était  dans  le  cas 
de  se  retourner  contre  les  Suisses,  qui  lui  infligèrent,  le  9  juillet 

4386,  l'écrasante  défaite  de  Sempach.  La  puissance  des  Habsbourg 
sur  le  haut  Rhin  ne  se  remit  jamais  de  ce  coup.  Le  triomphe  des 
confédérés  ne  pouvait  manquer  de  consolider  la  ligue  de  Souabe. 
Aussi  voyons-nous  Wenceslas,  malgré  sa  répugnance  à  reconnaître 
les  alliances  conclues  à  son  insu,  confirmer  à  Nuremberg,  le  29  mars 

4387,  aux  deux  villes  libres  de  Ratisbonne  et  de  Bâle  et  aux  trente- 
sept  villes  impériales,  y  compris  Mulhouse,  dont  la  ligue  de  Souabe 
se  composait,  les  droits,  franchises  et  bonnes  coutumes  qu'elles 
tenaient  de  ses  prédécesseurs  et,  de  leur  coté,  les  membres  de  la 
confédération  s'engager  à  soutenir  et  à  défendre  le  souverain  contre 
tous  les  compétiteurs  qui,  de  ce  côté-ci  des  Alpes,  pourraient  lui  dis- 
puter TËmpire^.  Le  44  juin  de  la  même  année,  les  villes  de  la  ligue 
du  Rhin  se  réunirent  pour  donner  à  Wenceslas  la  même  garantie  ; 
mais  Mulhouse,  déjà  lié  avec  les  villes  de  Souabe,  ne  souscrivit  pas 
ce  second  acte^,  tandis  qu'il  flgure  de  nouveau  parmi  les  dernières, 
dans  la  convention  conclue,  le  5  novembre,  pour  proroger  la  paix 
publique  jusqu'au  23  avril  4390^. 

n. 

Ni  la  participation  de  Mulhouse  à  ces  grandes  mesures  de  conser- 
vation, ni  le  choix  que  Wenceslas  avait  fait  d'un  homme  d'action 
pour  le  représenter,  ne  procura  complètement  à  la  ville  la  sécurité 
dont  ses  bourgeois  avaient  besoin.  C'eût  été  la  tâche  du  prévôt;  mais, 
dans  la  situation  présente,  elle  n'était  pas  facile.  La  justice  qu'il  per- 
sonniflait  n'avait  rien  de  commun  avec  les  justices  voisines,  puisque 
l'une  relevait  de  l'Empire  et  les  autres  des  Habsbourg  ou  de  leurs 
feudataires.  Aussi  la  moindre  contestation  avec  un  ressortissant  du 
dehors  pouvait-elle  dégénérer  en  voies  de  fait,  faute  d'un  tiers-juge 
que  les  parties  voulussent  reconnaître.  De  là  une  cause  permanente 
de  guerres  privées,  avec  leur  cortège  obligé  de  pillages,  de  dépréda- 
tions, d'incendies  et  de  meurtres.  D'autres  fois,  en  sa  qualité  de  ville 
de  la  Décapole,  Mulhouse  était  dans  le  cas  de  s'associer  aux  entreprises 
militaires  de  la  confédération,  et,  comme  tous  les  membres  étaient 


1.  J.  Weizsœcker,  L  c,  p.  450-54. 

2.  Ibidem,  p.  547-49. 

3.  IMdem,  p.  551-52. 

4.  Ibidem,  p.  588-95. 


72  nâ^IfGES  ET  D0GUMB!fT8k 

solidaires  les  uns  des  autres,  les  ennemis,  qui  ne  pouvaient  rien 
contre  des  communes  plus  importantes  ou  plus  heureusement  grou- 
pées pour  se  soutenir  mutuellement,  s'en  prenaient  à  lui  du  dom- 
mage qu'ils  avaient  éprouvé. 

C'est  ainsi  que,  sous  la  date  du  23  décembre  4383,  un  nommé 
Nicolas  Maden,  à  propos  d'un  différend  avec  une  bourgeoise  de  Mul- 
house, avait  eu  recours  aux  voies  de  fait  :  retenu  prisonnier  par 
la  ville  de  Golmar,  il  donna  caution  juratoire  et  renonça  à  toute 
recherche^  tant  pour  le  fait  de  son  arrestation  que  pour  les  répara- 
tions qu'il  avait  dû  foire  à  la  partie  adverse^ 

C'est  ainsi  encore  qu^à  la  suite  de  la  guerre  que  le  grand  bailli 
d'Alsace  Ulrich  de  Fénétrange  avait  soutenue  contre  Thiébaud  VI, 
comte  de  Neuchâtel  et  sire  de  Blamont,  avec  l'aide  des  villes  de  Gol- 
mar, de  Kaysersberg,  de  Munster  et  de  Tùrkheim,  le  comte  Thié- 
baud et  deux  écuyers  nobles,  qui  lui  avaient  servi  d'auxiliaires,  René 
Udriat  et  René  de  Vendelincourt,  prirent  leur  revanche  aux  dépens 
de  Mulhouse,  qui  reçut  les  coups  à  la  place  des  villes  belligérantes'. 

On  conçoit  que,  dans  une  situation  où  les  responsabilités  retom- 
baient si  rarement  sur  ceux  qui  les  avaient  encourues,  et  où  les 
revendications  les  plus  légitimes  n'avaient  chance  d'aboutir  que  si  on 
les  faisait  valoir  par  la  force,  l'Église  ait  eu  beau  jeu  pour  substituer 
sa  propre  juridiction  à  celle  des  tribunaux  civils,  et  cependant  ce  fut 
précisément  à  cette  époque,  où  son  action  aurait  pu  être  si  bienfai- 
sante, que  Mulhouse  entra  en  conflit  avec  l'ordinaire  et  obtint,  le 
4  5  mars  4386,  une  bulle  du  pape  Urbain  VI,  qui  prescrivit  à  l'évêque 
de  Worms,  à  l'abbé  de  Saint-Alban  de  Mayence  et  au  doyen  de  Saint- 
Thomas  de  Strasbourg,  de  promulguer  de  nouveau  dans  les  églises 
de  Mulhouse,  et  partout  où  ils  le  jugeront  opportun,  la  constitution  de 
Boniface  VIII,  du  34  mai  4302,  qui  défendait  au  juge  ecclésiastique 
de  mettre  aucun  lieu  du  diocèse  en  interdit  pour  dette  ou  pour 
toute  autre  répétition  analogue^. 

Quel  a  bien  pu  être,  au  milieu  de  ces  agitations  et  de  ces  désordres, 
le  rôle  de  Bernard  de  Bebelnheim,  comme  prévôt  de  Mulhouse? 
Quoique  les  documents  n'en  laissent  pas  deviner  grand'chose,  il  est  à 
supposer  cependant  que  sa  conduite  fut  telle  qu'on  pou?ait  l'attendre 
d'un  homme  de  son  caractère  :  il  était  de  son  temps  et  il  aimait 


1.  Cartulaire  de  Mulhouse,  t.  I*',  n*  333. 

2.  Ibidem,  n*  336,  sentence  arbitrale  de  Frédéric  de  Blankenheim,  évéqne  de 
Strasbourg,  du  18  mai  1385;  n*347,  compromis  du  chevalier  Haoman  de  Haus 
dlsenheim,du23  mars,  et,  n*349,  sentence  arbitrale  du  même,  du  12  juillet  1387. 

3.  Ibidem,  n"  344. 


BBRIfA&O   DE  BEBBLNHEIM.  73 

mieux  avoir  la  lance  au  poing  que  la  verge  du  juge.  Un  jour  il  met 
la  main  sur  un  prêtre,  Jean  Koechlin,  bourgeois  de  Colmar,  qull  fait 
prisonnier  sans  motif;  une  autre  fois,  il  attire  sur  Colmar  les  hostili- 
tés du  duc  Léopold  d'Autriche  qui,  selon  la  coutume  en  vigueur, 
enlève  aux  habitants  leur  bétail  au  pâturage  et,  ce  qui  fut  plus  grave 
encore  peut-être,  il  médit  des  autorités  colmariennes  auprès  du 
magistrat  de  Sélestadt.  A  cette  époque,  il  conservait  encore  un  éta- 
bUssement  à  Colmar  :  la  ville  pouvait  donc  l'atteindre  et  elle  le 
punit  en  le  décrétant,  le  5  juin  4389,  déchu  de  son  droit  de  bour- 
geoisie et  banni  à  perpétuité  ^ 

m. 

Il  est  difficile  de  deviner  les  incidents  qui  avaient  porté  le  prévôt  de 
Mulhouse  à  se  commettre  avec  le  duc  d'Autriche  et  à  entraîner  Col- 
mar dans  ses  démêlés.  Comme  rien  n'indique,  dans  la  mesure  dont  il 
lut  l'objet,  que  le  prince  en  question  ne  fût  plus  en  vie,  il  faut 
admettre  qu'il  s'agit  d'un  fait  postérieur  à  la  bataille  de  Sempach,  et 
non  de  Léopold  le  Preux,  mais  de  Léopold  le  Superbe.  Mais  était-ce 
comme  homme  privé  ou  comme  fonctionnaire  de  l'Empire  que  Ber- 
nard de  Bebelnheim  s'était  attiré  sa  mauvaise  fortune?  On  n'en  sait 
rien  ;  mais  nous  allons  voir  éclater,  entre  Mulhouse  et  les  pays  anté- 
rieurs de  l'Autriche,  un  conflit  où  le  prévôt  pourrait  fort  bien  s'être 
compromis  personnellement,  et  où  le  duc  Léopold  n'intervint  pro- 
bablement que  pour  le  compte  de  ses  vassaux.  Quoi  qu'il  en  soit,  un 
Êdt  est  certain,  c'est  qu'à  cette  date  Bernard  jouissait,  il  est  vrai  pour 
un  court  moment  encore,  de  toute  la  faveur  de  Wenceslas,  dont  le 
tribunal  aulique  lui  confiait  Texécution  d^un  jugement  ({uMl  avait 
rendu  contre  la  ville  de  Bâle.  Bernard  s'acquitta  de  cette  mission 
avec  sa  résolution  ordinaire  et  saisit  aux  dépens  des  Bàlois  [)Our 
400,000  florins  de  marchandises  à  Fribourg  en  Brisgau  :  il  y  avait 
mis  toutes  les  formes,  si  bien  qu'après  un  délai  de  six  semaines  et 
trois  jours,  la  saisie  devenait  définitive,  à  moins  d'appel  de  la  part 
des  bourgeois.  C*est  ce  qui  résulte  d'un  avis  daté  de  Mulhouse, 
42  mars  4389,  que  Bernard  fit  parvenir  au  juge  du  tribunal  aulique, 
le  duc  Prémislas  de  Teschau  ^. 

Gomment  se  Êût-il  que,  sitôt  ce  service  rendu,  le  roi  des  Romains 
Tait  dépouillé  de  sa  prévôté?  Quoique  les  circonstances  qui  y  ont 
donné  lieu  ne  nous  soient  pas  connues,  on  peut  supposer,  par  analo- 

1.  Cartulaire  de  Mulhouse,  I.  I*,  n*  353. 
2«  ArchiTes  de  Colmtr,  l,  c. 


74  H^LilfGBS   ET  DOCUMBHTS. 

gie  avec  ce  qui  se  passa  plusieurs  fois  dans  la  suite,  que  Wenceslas 
était  déjà  réduit  à  cette  extrémité,  qu'après  avoir  aliéné  les  offices 
qui  restaient  en  propre  à  FEmpire,  il  les  engageait  de  nouveau  pour 
se  procurer  au  jour  le  jour  quelques  misérables  ressources  indignes 
de  la  majesté  du  trône,  sauf  à  révoquer  les  faveurs  qu'il  accordait, 
si  le  véritable  titulaire  n'était  pas  disposé  à  se  laisser  dépouiller. 
Telle  n'était  certainement  pas  Fhumeur  de  Bernard  de  Bebelnheim; 
il  réclama  si  énergiquement  que,  le  24  décembre,  il  obtint  de  Wen- 
ceslas un  mandement  daté  de  Prague,  qui  enjoignait  au  grand  bailli 
d'Alsace,  Stislas  von  der  Weitenmûhle,  ainsi  qu'au  bourgmestre,  au 
conseil  et  aux  bourgeois  de  Mulhouse,  de  reconnaître  de  nouveau 
comme  prévôt  son  féal  Bernard  de  Bebelnheim.  En  même  temps  un 
rescrit  de  la  même  date  l'assurait  contre  de  nouvelles  disgrâces,  en 
stipulant  que  tout  autre  qui  se  ferait  nommer  à  sa  place  serait  tenu 
de  iui  payer  un  dédommagement  de  2,000  florins.  Mais  sa  réintégration 
subit  des  retards,  et,  par  un  nouveau  rescrit  du  28  avril  4390,  daté 
de  Berne,  le  roi  des  Romains  renouvela  ses  injonctions,  en  reconnais- 
sant que  c'était  à  tort  qu'il  avait  privé  Bernard  de  son  ofQce. 

En  dépit  de  cette  garantie,  Bernard  de  Bebelnheim  n'était  pas  au 
bout  de  ses  tribulations.  Il  eut  avec  un  des  plus  puissants  feuda- 
taires  de  la  maison  d'Autriche  en  Alsace,  Frédéric  de  Hatstadt,  des 
difficultés  qui,  comme  toujours,  se  compliquèrent  de  voies  de  fait. 
Le  sort  des  armes  ne  fût  pas  favorable  au  prévôt  de  Mulhouse,  qui 
tomba  entre  les  mains  de  son  adversaire.  L'affaire  s'arrangea; 
mais  il  refusa  de  comprendre  dans  son  accommodement  un  autre 
vassal  des  Habsbourg,  Guillaume  de  Masevaux,  qui  avait  servi 
d'allié  à  Frédéric  de  Hatstadt^  il  eut  le  tort  de  se  faire  un  troi- 
sième ennemi  du  chevalier  Werlin  de  Ratoltsdorf  ou  Raedersdorf, 
à  qui  il  enleva  un  cheval.  Était-ce  un  fait  de  guerre  ou  un  exploit  de 
grande  route?  A  défaut  d'autres  renseignements,  le  cas  est  douteux 
et  il  produisit  une  conséquence  inattendue  :  Bernard  n'était  pas  seule- 
ment prévôt;  il  était  aussi  bourgeois  de  Mulhouse  et,  à  ce  titre,  la 
ville  pouvait,  comme  il  était  arrivé  naguère  à  Colmar,  être  tenue  de 
réparer  les  dommages  dont  il  était  l'auteur.  Le  conseil  n'hésita  donc 
pas  à  appeler  Bernard  devant  lui  pour  l'inviter  à  rendre  son  cheval  à 
Werlin  de  Raedersdorf.  Mais  il  n'en  tint  aucun  compte  et,  toujours 
guerroyant,  il  prit  et  pilla  le  village  de  Nambsheim,  qui  appartenait 
à  Werlin^.  Celui-ci  n'étant  pas  le  plus  fort  se  ligua  avec  Guillaume 
de  Masevaux  et,  à  eux  deux,  ils  s'emparèrent  de  Bernard  pour  la 

1.  Cartulaire  de  Mulhouse,  t.  I*',  n"  356,  357,  358. 

2.  Ibid.  Sentence  arbitrale  du  9^oût  1391,  n«  363. 


BERNARD  DE  BEBEL^rHEIM.  75 

seconde  fois;  ce  fut  le  sire  de  Raedersdorf  qui  se  chargea  de  sa  garde. 

L'évêque  de  Strasbourg  Frédéric  de  Blankenheim  s'interposa 
pour  rétablir  la  paix,  et  ce  fut  sans  doute  de?ant  lui  que  les  parties 
comparurent  à  RoufTach,  mais  sans  parvenir  à  s'entendre.  Ainsi  qull 
Tavait  juré  en  quittant  sa  prison,  Bernard  de  Bebclnbeim  retourna 
se  constituer  prisonnier  au  château  de  Jungholtz,  où  il  fut  chargé  de 
fers. 

Il  y  resta  trois  semaines,  au  bout  desquelles  il  obtint  un  ajourne- 
ment jusqu'au  46  octobre  4390,  grâce  à  l'intervention  de  ses  amis, 
qui  garantirent  à  Werlin  de  Rœdersdorf  le  paiement  d'une  sonmie 
de  50  florins  pour  le  dommage  qu'il  avait  éprouvé  à  Nambsheim  ^  : 
ces  amis  étaient  deux  bourgeois  de  Mulhouse,  Hanmau  Lutolt  et  le 
chevalier  Ulrich  Gutterolf  qui  avait  figuré  comme  bourgmestre  dans 
l'alliance  avec  la  ligue  de  Souabe^. 

Nous  tirons  ces  détails  principalement  d^un  long  mémoire  du 
6  mai  4394,  qui  malheureusement  s'explique  d'une  manière  très 
obscure  sur  les  causes  et  les  incidents  de  cette  procédure.  Il  allègue 
divers  griefs  contre  Guillaume  de  Mascvaux  qui ,  en  relâchant  le 
prévôt  de  Mulhouse,  se  serait  servi  du  sceau  du  prisonnier  pour 
sceller  un  acte  contraire  aux  conditions  dont  les  amis  de  Bernard 
étaient  tombés  d*accord;  celui-ci  reproche  de  plus  à  Guillaume  de  ne 
lui  avoir  pas  rendu  ses  chevaux  et  ses  effets,  ainsi  qu'il  l'avait  pro- 
mis. Ce  fut  pour  Bernard  un  prétexte  pour  se  dédire  et  pour  refuser 
de  comparaître  encore  une  fois,  ainsi  qu'il  l'avait  promis.  Guillaume 
en  prit  occasion,  lors  d'un  voyage  qui  tenait  le  prévôt  éloigné,  pour 
l'accuser  d'avoir  manqué  à  sa  parole;  aussi  à  son  retour  Bernard 
jugea  que,  pour  défendre  son  honneur,  il  ne  lui  restait  d'autre 
voie  que  de  recommencer  les  hostilités. 

Pendant  ce  temps  d'autres  ennemis  le  desservaient  à  la  cour 
et,  sous  prétexte  que  la  prévôté  de  Mulhouse  avait  fait  retour  à 
l'Empire,  Wenceslas,  par  un  mandement  du  5  avril  4394,  daté  de 
Bettlern,  disposa  de  l'office  en  faveur  d'Ulrich  Eberspeck,  premier 
gardien  de  la  porte  du  palais.  Ce  fut  le  grand  bailli  d'Alsace,  ou  le 
lieutenant  qu'il  se  donnerait,  qui  était  chargé  de  mettre  le  nouveau 
titulaire  en  possession  de  l'office^.  Mais  quoique  les  bourgeois  de 
Mulhouse  dussent  être  médiocrement  satisfaits  de  leur  prévôt,  ils 
témoignèrent  si  peu  d'empressement  à  son  successeur,  que  nonobs- 
tant le  secours  du  grand  bailli  Rodolphe  de  Wattvsriller,  abbé  de 

1.  Cdrtulaire  de  Mulhouse,  quittance  du  H  juin  1391,  n*  364. 
%.  Cf.  ci-dessus,  p.  70. 
3.  Ibidem,  n*  362. 


76  MriUIfGBS  BT  DOCUMENTS. 

Murbach,  il  fallut  qu'Eberspeck  se  pourvût  d'un  second  mandement, 
daté  de  Berne,  45  juillet  4394  ^ 

La  répugnance  des  bourgeois  à  reconnaître  le  nouveau  fonction- 
naire s'explique.  Grâce  à  Tavance  de  50  florins  que  leurs  deux  con- 
citoyens avaient  faite  au  sire  de  Rœdersdorf  pour  le  compte  de  Ber- 
nard, la  ville  de  Mulhouse  était  devenue  créancière  de  son  prévôt  et, 
pour  rentrer  dans  ses  fonds,  elle  percevait  elle-même  les  produits  de 
TofGce.  La  possession  de  la  prévôté  la  rendait  maîtresse  de  son  tri- 
bunal, et  Texercice  de  la  juridiction  était  pour  les  cités  impériales  le 
premier  gage  de  leur  indépendance.  Mulhouse  tenait  donc  à  ce  que 
Toffice  restât  vacant  et,  à  ce  point  de  vue ,  les  bourgeois  trouvaient 
plus  avantageux  de  s'arranger  à  Tamiable  avec  Bernard,  en  désobéis- 
sant au  roi  des  Romains,  que  de  déférer  à  ses  ordres.  Us  trouvèrent 
un  appui  inespéré  auprès  du  grand  bailli,  qui  prêta  les  mains  à  cette 
combinaison  \  assisté  de  six  envoyés  des  villes  impériales  de  Golmar, 
de  Sélestadt,  de  Kaysersberg  et  de  Munster,  ce  grand  offlcier  rendit, 
le  9  août,  une  sentence  arbitrale  qui,  d'une  part,  obligeait  l'ancien 
prévôt  à  tenir  compte  à  Mulhouse  de  ce  qu'il  avait  .enlevé  à  Werlin 
de  Rœdersdorf  et  aux  gens  de  Nambsheim  et,  de  l'autre,  maintenait 
la  ville  en  possession  des  produits  de  la  prévôté  jusqu'à  la  Saint- 
Michel  proche  venante.  Il  fut  même  stipulé  que  si,  jusqu'au  29  sep- 
tembre, ces  revenus  ne  suffisaient  pas  pour  indemniser  la  ville, 
Bernard  se  rendrait  prise  de  corps  à  Mulhouse,  avec  tous  ses  che- 
vaux, jusqu'au  complet,  remboursement  de  ce  qu'il  devait*.  Cet 
arrangement  ne  tenait  aucun  compte  d'Ulrich  Eberspeck^  par  contre 
il  faisait  gagner  du  temps  à  Bernard  de  Bebelnheim  et  garantissait 
ses  droits,  en  lui  substituant  légalement  Mulhouse.  Réconcilié  avec 
Werlin  de  Rœdersdorf  et  certain  que,  pour  le  moment,  rien  ne  se 
ferait  contre  ses  intérêts,' il  partit  pour  la  cour  de  Wenceslas,  afin  de 
rentrer  en  grâce  auprès  du  prince  et  de  le  faire  revenir  sur  la  nomi- 
nation de  son  compétiteur.  Il  ne  se  trompait  pas  du  reste  sur  l'atti- 
tude que  la  ville  allait  prendre;  car  quoique  le  favori  qui  voulait  le 
supplanter  fit  intervenir  le  lieutenant  du  grand  bailli,  Pierre  de 
Saint-Dié,  elle  n'en  persista  pas  moins  à  lui  refUser  les  émoluments 
de  l'office  auquel  il  avait  été  nommé^.  De  son  côté,  Bernard  tenait 
bon  ;  malheureusement  il  ne  trouva  pas  à  la  cour  les  dispositions  sur 
lesquelles  il  avait  compté  ;  obligé  par  le  roi  des  Romains  à  se  sou- 
mettre au  jugement  ou  à  Tarbitrage  de  deux  personnages  de  sa  suite, 

1 .  Cartulaire  de  Mulfumse,  n*  365. 

2.  Ibidem,  n*  366. 

3.  Ibidem,  Lettre  de  Pierre  de  Saint-Dié  à  Ulrich  Eberspeck,  du  13  no- 
Tembre  1391,  n*  368. 


BERNARD  DE  BEBELNHEIM.  77 

dont  Fun,  Borziwoy  ou  Worziboy  de  Swinar,  devait  se  rendre,  Tannée 
suivante,  en  Alsace,  en  qualité  de  grand  bailli,  il  fut  condamné  à 
payer  à  son  compétiteur,  en  deux  termes,  la  somme  de  80  florins  * . 
Ulrich  Eberspeck,  devenu  légitime  titulaire  de  la  prévôté,  chargea 
son  ami  Pierre  de  Saint-Dié  de  pourvoir,  en  son  nom,  à  la  nomina- 
tion d'un  prévôt  à  Mulhouse,  avec  ordre  à  la  ville  de  reconnaître  le 
nouvel  ofiDcier  comme  s'il  le  lui  présentait  lui-même^. 

IV. 

Que  devint  Bernard  de  Bebelnheim  à  la  suite  de  son  éviction,  en 
apparence  définitive,  de  la  prévôté  de  Mulhouse  ?  Une  lacune  dans 
nos  documents  ne  permet  pas  de  retrouver  sa  trace  avant  le  ^6  avril 
4393,  jour  où,  revêtu  derechef  des  fonctions  de  prévôt,  il  s^engageaà 
ne  jamais  tirer  vengeance  de  la  captivité  où  la  ville  de  Mulhouse 
Tavait  fait  retenir  à  Colmar,  comme  étant  au  ban  de  T Empire^.  Tout 
dans  cet  acte  indique  qu'au  moment  où  Bernard  le  souscrivit,  il  était 
encore  prisonnier.  C'est  une  caution  juratoire  en  forme,  ou  urphed, 
par  laquelle  il  promet  de  ne  tremper  dans  aucun  complot  contre  la 
ville  et  de  la  prévenir  des  desseins  de  ses  ennemis,  de  déférer  à  Tune 
des  cités  de  la  Décapole  les  difficultés  qui  surgiraient  encore  entre 
elle  et  lui  et  de  soumettre  à  sa  propre  juridiction  celles  qu'il  aurait 
avec  Tun  ou  Tautre  de  ses  ressortissants  :  pour  rendre  cet  engage- 
ment plus  solennel,  il  était  stipulé  qu'il  ne  pourrait  être  infirmé  par 
aucun  tribunal  séculier  ou  ecclésiastique,  et  qu41  serait  obligatoire 
pour  le  contractant,  nonobstant  toutes  les  exceptions  qu'on  pourrait 
lui  opposer. 

Tout  cela  ne  nous  dit  rien  des  circonstances  qui  avaient  fait  mettre 
Bernard  de  Bebelnheim  au  ban  de  l'Empire,  ni  de  celles  qui  lui 
avaient  fait  recouvrer  la  prévôté  de  Mulhouse.  Mais  on  comprend 
que,  pour  ne  pas  encourir  de  responsabilité  dans  ce  conflit,  la  ville 
ait  cru  prudent  de  faire  arrêter  Bernard  à  Colmar.  Par  contre  on 
trouve,  de  4395  à  4397,  une  série  de  pièces  qui,  tout  au  moins,  nous 
permettent  de  juger  de  quelques-unes  des  complications  où  Mulhouse 
se  trouva  mêlée  peu  après  son  accommodement  avec  son  prévôt. 

La  guerre  avait  éclaté  entre  la  ville  et  des  nobles  du  voisinage,  les 
chevaliers  Werlin  et  Henri  de  Raedersdorf,  Guillaume,  Jean  et 
Ulmann  de  Mase?aux.  Bernard  de  Bebelnheim  et  Bertelin  de  Wun- 

1.  Cartulaire  de  Mulhouse.  Reconnaissance  du  4  décembre  1391,  n*  369. 

2.  Ibidem.  Pleins  pouvoirs  d'Ulrich  Eberspeck,  du  10  décembre  1391,  n*  370. 

3.  Ibidem,  n-  372. 


78  MlfUXGES  BT  DOCUMBIfTS. 

nenberg  tenidenl  pour  Mulhouse,  et  les  voies  de  feit  avaient  suivi 
leur  cours  ordinaire;  on  s'était  mutuellement  pillé  et  incendié,  on 
s'était  fait  des  prisonniers  :  Mulhouse  avait  notamment  saccagé  le 
village  de  Heimsbrunn,  appartenant  au  chevalier  Jean  de  Masevaux, 
surnommé  Eckerich,  et  saisi  Théritage  de  la  femme  de  Werlin  de 
Rœdersdorf,  dont  la  mère,  qui  venait  de  mourir,  était  sans  doute  une 
de  ses  bourgeoises.  Par  contre,  à  la  suite  d'une  nouvelle  tentative 
sur  le  village  de  Nambsheim,  Bernard  de  Bebelnheim  et  son  acolyte 
Bertelin  étaient  tombés  entre  les  mains  de  leurs  ennemis.  Il  n'aurait 
pas  été  possible  de  s'entendre  avant  ces  violences,  mais  on  changeait 
d'avis  quand  elles  avaient  produit  leur  eflfet.  Les  suzerains,  les 
alliés  des  parties  contendantes  trouvaient  alors  le  moment  propice 
pour  offrir  leurs  bons  offices  et  pour  s'interposer. 

Cette  fois  ce  furent  les  conseillers  du  duc  Léopold  le  Superbe  en 
Alsace,  le  comte  Rodolphe  de  Soultz,  les  chevaliers  Jean-Ulrich  et 
Nicolas  de  Haus,  Eppe  de  Hatstadt  et  Breller  de  Wattwiller,  bailli 
de  Thann,  d'une  part,  et  les  villes  impériales  de  Haguenau,  de 
Colmar,  de  Sélestadt,  de  Wissembourg,  d^Obernay  et  de  Munster 
d'autre  part,  qui  intervinrent.  Peut-être  est-il  permis  de  supposer 
qu'avant  d'en  venir  là,  ces  dernières  avaient  essayé  de  porter 
secours  à  Mulhouse  :  Haguenau,  Colmar,  Sélestadt,  Kaysersbergi 
Mulhouse,  Rosheim  et  Obernay  avaient  en  effet  tenu  une  diète  dans 
cette  dernière  ville,  le  44  avril  4395,  et  elles  s'étaient  engagées  à 
tenir,  pendant  un  an^  un  corps  de  troupes  à  la  disposition  de  leur 
grand  bailli,  le  comte  Emich  de  Linange^  Mais  les  événements  en 
décidèrent  autrement  et,  au  lieu  de  secours,  les  alliés  de  Mulhouse 
durent  se  contenter  de  lui  offrir  leur  médiation. 

Les  préliminaires  de  la  paix  furent  signés  lé  9  juin.  Les  deux  prison- 
niers recouvrèrent  immédiatement  leur  liberté,  en  s'engageant  toute- 
fois à  comparaître  à  Brisach,  le  2  juillet,  avec  leurs  adversaires, 
devant  le  grand  bailli  de  l'Empire,  Emich  de  Linange,  et  devant 
celui  des  domaines  autrichiens,  Engelhard  de  Winsberg,  qui  devaient 
mettre  un  à  la  querelle  jusqu'au  45  août  au  plus  tard,  soit  comme 
arbitres,  soit  comme  amiables  compositeurs.  Si,  à  cette  date,  la  sen- 
tence n'était  pas  rendue,  Bernard  de  Bebelnheim  et  Bertelin  de  Wun- 
nenberg  étaient  tenus  de  retourner  en  prison.  Comme  première 
garantie  du  rétablissement  de  la  paix,  les  chevaliers  de  Raedersdorf 
et  de  Masevaux,  d'une  part,  Bernard  de  Bebelnheim  et  six  membres 
du  conseil  de  Mulhouse,  d'autre  part,  scellèrent  leur  réconciliation 
par  un  serment  solenneP. 

l.  CartiUaire  de  Mulhouse,  n«  379.  —  2.  IMem,  n*  380. 


BERNARD   DE   BEBELNHEIM.  79 

En  attendant  la  comparution  devant  les  grands  baillis,  on  fit  du 
pillage  de  Heimsbrunn  un  incident  à  part,  sur  lequel  des  arbitres 
réunis  à  Thann,  le  6  août,  rendirent  un  jugement  qui  condamnait 
Mulhouse  à  rendre  aux  habitants  tout  ce  qui  leur  avait  été  enlevé,  et 
à  leur  payer  une  indemnité  pour  ce  qui  n'existait  plus  en  naturel 

A  cette  date,  Tinstruction  de  l'aflaire  principale  avait  déjà  com- 
mencé à  Brisach.  Un  tribunal  qui  n^avait  d'autorité  que  celle  que 
les  parties  voulaient  bien  lui  reconnaître,  devait  avant  tout  s'en- 
tendre sur  la  forme  dans  laquelle  il  rendrait  la  sentence,  sll  suivrait 
les  règles  de  la  procédure  ordinaire  ou  s'il  jugerait  à  Pamiable.  Dans 
le  cas  présent,  il  s'était  écoulé  trop  de  temps  pour  procéder  judi- 
ciairement et  les  deux  grands  baillis  tombèrent  d'accord  de  ne  siéger 
que  comme  amiables  compositeurs. 

Les  conditions  déjà  déterminées  dans  les  préliminaires  rendaient 
leur  tâche  facile.  Par  une  sentence  déflnitive,  datée  du  42  août,  le 
comte  Emich  de  Linange  et  Engelhard  de  Weinsberg  mirent  à  néant 
et  défendirent  toutes  les  instances  auxquelles  les  incendies,  les  pil- 
lages, les  meurtres  commis  pendant  la  guerre  auraient  pu  donner 
lieu,  déclarèrent  nulles  et  non  avenues  les  promesses  d  argent  qu'on 
s'était  faites  de  part  et  d'autre,  maintinrent  leur  liberté  aux  prison- 
niers, notamment  à  Bernard  de  Bebelnheim  et  à  Bertelin  de  Wun- 
nenberg,  et  obligèrent  les  nobles  de  Rœdersdorf  et  de  Masevaux  à 
garantir  Mulhouse  de  toute  recherche  ultérieure  :  cependant  la  ville 
devait  restituer  à  la  femme  de  Weriin  les  biens  meubles  et  immeubles 
provenant  de  sa  mère  et,  comme  sanction,  les  parties  qui  ne  tien- 
draient pas  compte  de  la  chose  jugée  étaient  à  l'avance  déclarées 
infâmes  et  parjures  et  à  jamais  exclues  des  plaids  de  justice^. 

Ce  n'était  guère  qu'une  cote  mal  taillée,  qui  laissait  même  en 
dehors  de  l'arrangement  un  débat  particulier  entre  les  mêmes  nobles 
de  Rœdersdorf  et  de  Masevaux,  un  Henri  de  Thann  et  un  Riidin  de 
Brinighofen,  d'une  part,  et  la  ville  de  Mulhouse,  de  l'autre.  Posté- 
rieurement à  la  sentence  des  deux  grands  baillis,  Henri  et  Riidin 
commirent  des  déprédations  aux  dépens  de  Mulhouse.  De  son  côté 
la  ville  usait  de  représailles  et  enlevait  deux  chevaux  à  Hanman  de 
Masevaux,  dit  Boiisinger.  Pour  en  finir  avec  ces  hostilités,  on  déféra 
la  cause  à  de  nouveaux  arbitres  sous  la  présidence  du  grand  bailli 
autrichien,  le  sire  de  Weinsberg.  Le  24  mai  4396,  la  paix  fut  rétablie 
entreles  parties,  les  prisonniers  remis  en  liberté,  les  engagements  pris 
pendant  la  guerre,  et  qui  n'avaient  pas  été  tenus,  annulés,  les  réclama- 

1.  Cariulaire  de  Mulhouse^  n"  381. 

2.  Ibidem,  n*  28^2. 


80  HlfUNGES  ET  DOGUMBIfTS. 

tîons  pouvant  résulter  des  dommages  éprouvés  mises  à  néant.  Toute- 
fois Henri  de  Thann  et  Rûdin  de  Brinighofen,  qui  ne  paraissent  avoir 
travaillé  sur  les  grands  chemins  que  pour  le  compte  des  Raedersdorf 
et  des  Masevaux,  obtinrent  chacun  60  florins  pour  leur  tenir  lieu  de 
solde.  Quant  aux  deux  chevaux  que  Mulhouse  avait  enlevés  à  Han- 
man  de  Masevaux,  celui-ci  ayant  afQrmé  par  serment  que  ses  mon- 
tures n'avaient  pas  dû  faire  campagne  contre  la  ville,  cette  dernière 
fut  condamnée  à  lui  en  payer  la  valeur,  soit  450  florins  ^ 

On  aurait  pu  croire  TafTaire  terminée;  mais  Fexécution  d'une  des 
dispositions  fit  surgir  une  nouvelle  difficulté. 

A  la  suite  de  son  entreprise  sur  Nambsheim,  Bernard  avait  été 
condamné  k  iiS  florins  de  réparation  et  la  ville  déclarée  responsable 
pour  son  bourgeois,  sauf  son  recours  contre  lui  :  à  cet  eflfet,  elle  lui 
avait  fait  souscrire  une  reconnaissance  de  pareille  somme.  Mais 
lorsque,  par  leur  composition,  les  deux  grands  baillis  eurent  déclaré 
caducs  les  engagements  pécuniaires  contractés  au  cours  des  hostili- 
tés, Bernard  se  prétendit  quitte  envers  la  ville.  Mulhouse  ne  l'en- 
tendait pas  ainsi  et,  pour  se  mettre  d'accord,  les  deux  parties 
portèrent  leur  litige  devant  le  magistrat  et  le  conseil  de  Golmar  : 
par  une  sentence  du  2  juin  4397,  ces  derniers  donnèrent  tort  à 
Bernard,  qui  dut  reconnaître  la  validité  de  sa  dette  ^. 

Il  est  à  regretter  que  les  documents  que  nous  analysons  ne  soient 
pas  plus  explicites  sur  les  causes  et  la  gravité  de  ces  complications. 
On  ne  peut  douter  cependant  du  trouble  qu'elles  causèrent,  à  n'en 
juger  que  par  le  nombre  et  l'importance  des  facteurs  qu'elle  mit  en 
mouvement.  Peut-être  même  y  aurait-il  lieu  d'y  rattacher  un  procès 
intenté  à  Mulhouse,  dès  le  débuts  devant  le  tribunal  aulique,  par 
Rodolphe  III,  comte  de  Hochberg.  La  ville  avait  envoyé  deux  députés 
à  Prague,  pour  ne  pas  être  condamnée  par  défaut.  C'étaient  Hanman 
Lùtolt,  qui  est  déjà  de  notre  connaissance,  et  le  greffier  Georges 
d'Arhwiller.  Ils  obtinrent  de  leur  juge,  Jean  de  Brandebourg,  marquis 
de  Lusace  et  duc  de  Gorlitz,  le  propre  frère  du  roi  des  Romains,  une 
sentence  en  date  du  48  janvier  4395,  qui  les  renvoyait  avec  le  deman- 
deur à  se  pourvoir  devant  le  grand  bailli  de  l'Empire  en  Alsace*. 

Cet  incident  ne  mériterait  peut-être  pas  d'être  rappelé,  si  les  deux 
députés,  mettant  à  profit  leur  séjour  à  la  cour,  n'en  avaient  rapporté 
de  nouveaux  privilèges  du  roi  des  Romains.  Par  le  premier,  du 
4  février,  Wenceslas  enjoint  à  ses  hommes-liges,  chevaliers  et 


1.  Cartulaire  de  Mulhouse,  n*  391. 

2.  Ibideni,  n*  403. 

3.  Ibidem,  n*  375. 


BERNARD  DE  BEBELNHEIM.  84 

écuyers,  domiciliés  à  Mulhouse,  de  reporter  sur  la  ville,  comme  pré- 
cédemment, le  service  féodal  qu'ils  lui  devaient,  et  de  défendre  ses 
habitants  et  leurs  biens  contre  toute  agression  injuste,  à  moins  que 
TEmpire  ne  les  en  dispense.  Par  le  second,  du  5  février,  il  défend  de 
faire,  sans  y  être  autorisé,  des  plantations  de  vignes,  d'arbres  ou  de 
persil  sur  les  berges  des  fossés  de  fortification.  Par  le  troisième 
enfin,  du  9  février,  il  renouvelle,  en  faveur  des  bourgeois,  un  diplôme 
qui  les  exemptait  de  la  juridiction  des  landgraves  de  la  Haute-Alsace, 
c'est-à-dire  des  ducs  d'Autriche*. 

V. 

La  même  année,  Wenceslas  recourut,  pour  se  procurer  de  l'argent, 
à  l'un  de  ces  expédients  qui  lui  devenaient  de  plus  en  plus  familiers. 

Le  grand  bailliage  d'Alsace  n'était  pas  seulement  un  établissement 
politique  :  il  comprenait  un  ensemble  de  revenus,  dont  le  grand 
bailli  était  comptable  envers  l'Empire.  Le  plus  important  était  le 
tribut  annuel  des  villes  impériales;  l'empereur  en  recouvrait  le  pro- 
duit au  moyen  de  quittances  scellées  de  son  sceau  et  généralement 
antidatées  :  il  les  négociait  et  les  escomptait  à  l'avance,  au  moyen  de 
délégations  au  profit  de  tiers.  Une  fois  l'habitude  prise,  il  ne  fallait 
plus  qu'un  pas  pour  faire  du  grand  bailli  un  fermier  des  revenus  de 
l'Empire,  et  comme  les  ressources  normales  ne  suffisaient  plus  pour 
des  princes  besogneux,  tels  que  Wenceslas,  quand  ils  trouvaient  un 
preneur  capable  d'en  faire  l'avance,  ils  devaient  difficilement  résister 
à  la  tentation  de  les  affermer  pour  une  période  plus  ou  moins  longue. 
Sous  le  règne  d'un  autre  fils  de  Charles  IV,  l'empereur  Sigismond, 
ce  mode  de  gestion  était  si  bien  entré  dans  les  mœurs,  que  le  grand 
bailliage  devint,  en  4425,  un  apanage  de  la  maison  palatine,  suscep- 
tible d'être  racheté  par  l'Empire,  et  l'on  perdit  si  bien  de  vue  l'ori- 
gine du  tribut  que  les  villes  acquittaient,  qu'il  finit  par  ne  plus  repré- 
senter que  le  prix  de  la  protection  que  le  grand  bailli  leur  devait. 

C'était  une  véritable  aliénation  des  droits  fiscaux  de  l'Empire,  dont 
la  souveraineté  de  l'empereur  devait  recevoir  le  contre-coup,  et  ce 
fut  évidemment  Wenceslas  qui  donna  le  premier  exemple  de  ces  hon- 
teuses dilapidations. 

Pour  commencer,  il  déclara  le  grand  bailliage  vacant,  révoqua 
toutes  les  assignations,  toutes  les  inféodations,  tous  les  engagements 
qu'il  avait  accordés  précédemment  et,  de  l'office  ainsi  recouvré,  il 
investit  son  cousin  Josse,  marquis  de  Moravie,  au  même  titre  que 

1.  CartuUUre  de  Mulfunue,  n**  376,  377,  378. 

Rev.  HisTon.  XXII.  !•'  fasc.  6 


82  HJLÀNGES  ET  DOCUMENTS. 

lui-même  et,  avant  lui,  son  oncle  Wenceslas,  duc  de  Luxembourg, 
de  Limbourg  et  de  Brabant,  en  avaient  joui.  Mulhouse  reçut  avis  de 
cette  mesure  par  un  mandement  daté  de  Prague,  2  septembre  4395^ 
Le  nouvel  usufruitier  du  grand  bailliage  s'empressa  de  se  substituer 
Simon  Wecker,  comte  de  Deux-Ponts,  qui  se  fit  reconnaître  par  les 
villes  impériales.  Il  reçut  de  Mulhouse  et  lui  rendit,  le  4  6  décembre, 
le  serment  réciproque  qui  liait  les  deux  parties  ^. 

Bernard  de  Bebelnheim,  que  les  péripéties  du  conflit  où  il  se  trou- 
vait engagé  ne  paraissent  pas  avoir  à  ce  moment  dépossédé  de  son 
office  de  prévôt,  risquait  cette  fois  d'en  être  évincé  par  Teffet  du  nou- 
vel engagement  du  grand  bailliage.  Cependant,  instruit  par  l'expé- 
rience, il  ne  s'émut  pas  trop  de  cette  éventualité  et,  sans  attendre 
l'entrée  en  exercice  du  comte  de  Deux-Ponts,  il  se  fit  délivrer  par  le 
magistrat,  le  conseil  et  les  bourgeois  de  Mulhouse  une  attestation  de 
sa  prud'homie  et  des  services  qu'en  sa  qualité  de  prévôt  il  avait  ren- 
dus naguère  tant  à  la  ville  qu'à  l'Empire  ^.  Puis  il  partit  pour  Prague. 

Bernard  était  depuis  longtemps  rompu  aux  pratiques  de  la  cour; 
il  y  reprit  ces  négociations  dont  il  avait  le  secret,  et  il  obtint  sans 
difficulté  du  roi  des  Romains  un  mandement  daté  du  6  janvier  4396 
et  adressé  au  grand  bailli  d'Alsace^  pour  lui  enjoindre  de  tenir  pour 
prévôt  de  Mulhouse,  à  l'exclusion  de  tous  autres,  l'ancien  titulaire 
pourvu  de  cet  office  à  titre  viager  qui  n'avait  pas  cessé  de  bien  méri- 
ter de  l'Empire  et  de  son  chef  ^. 

Malheureusement,  dans  le  courant  de  la  même  année,  le  grand 
bailliage  passa  des  mains  du  comte  de  Deux-Ponts  dans  celles  de 
Thierry  von  der  Weitenmûle  dont  il  a  été  question  plus  haut.  Le 
nouveau  titulaire  contesta  à  Bernard  la  validité  de  son  droit.  Il 
n'était  évidemment  qu'un  sous-traitant  et,  moyennant  deux  cents  flo- 
rins, il  abandonna  à  la  ville  le  tribut  qu'elle  payait  à  l'Empire  et 
garda  pour  lui-même  l'office  de  prévôt.  En  cette  dernière  qualité, 
l'écuyer  noble  Thierry  von  der  Weitenmûle  promit  à  la  ville  de  lui 
faire  maintenir  la  perception  du  tribut,  tant  qu'elle  ne  sera  pas 
rentrée  dans  ses  avances;  en  cas  de  déchéance,  il  s'engagea  à  les  lui 
rembourser  de  ses  fonds  et,  pour  plus  de  sûreté,  il  lui  présenta  deux 
garants,  le  chevalier  Nicolas  de  Haus  et  l'écuyer  Bertelin  de  Wun- 
nenberg  :  en  cas  de  non  paiement,  ces  deux  nobles  devaient  se  cons- 


1.  Carlulairede  Mulhmsey  n*  383. 

2.  Ibidem,  n*  386. 

3.  Ce  certificat  a  été  délivré  en  double,  dans  des  termes  différents,  l'un  le  2, 
l'autre  le  10  novembre  1395.  CL  Cartulaire  de  Mulhouse,  n-  384,  385. 

4.  IMdem,  n*  386.  . 


Bn!IlAD  DB  BEBEL!fHIIM.  S3 

titaer  prise  de  corps  dans  une  des  hôtelleries  de  Molbonse,  oa  se 
substituer  des  otages,  avec  leurs  chevaux  dont  la  dépense  serait  la 
même  que  si  leurs  maîtres  s'acquittaient  en  personne  de  leurs  obli- 
gations, et  cela  jusqu'au  parfait  remboursement  des  deux  cents  flo- 
rins. Il  était  stipulé  en  outre  que,  si  les  deux  cautions  manquaient  à 
leur  parole,  la  ville  serait  en  droit  de  saisir  leurs  biens,  meubles  et 
inuneubles,  ou,  à  leur  défaut,  les  biens  et  les  personnes  de  leurs  tenan- 
ciers. Ces  conventions  caractéristiques  sont  tirées  de  reversâtes  sous 
le  sceau  de  Thierrv.  datées  du  30  octobre  4396  *. 

Hais  Bernard  de  Bebelnheim,  de  la  personne  et  des  intérêts  duquel 
la  ville  Élisait  en  cette  circonstance  si  bon  marché,  n  était  pas  homme 
à  se  laisser  dépouiller  sans  résistance.  Avant  même  que  cet  arrange- 
ment fût  conclu,  il  en  était  venu  aux  voies  de  fait  contre  son  compé- 
titeur, en  même  temps  qu'il  déférait  l'affaire  à  Tauteur  de  toutes  ces 
complications^  à  Wenceslas  même.  Le  roi  des  Romains  intervint  le 
23  septembre  et,  par  un  mandement  daté  de  Prague,  il  prescrivit  au 
bourgmestre  et  aux  bourgeois  de  retenir  provisoirement  les  fruits, 
proGts  et  émoluments  attachés  à  Toffice  de  la  prévôté,  en  attendant 
qu'il  se  fût  prononcé  sur  le  fond  de  la  contestation  ^. 

La  décision  ne  se  Ût  pas  attendre.  Le  3  décembre,  le  chevalier 
Jean  de  Mûlheim,  qui  avait  été  commis  pour  connaître  de  Taffaireet 
qui  prit  pour  assesseurs  les  chevaliers  Nicolas  de  Zedlitz,  Nicolas 
Temeritz,  Jean  de  Schœnfeld  et  le  chambellan  Etienne  Boduska,  ren- 
dit une  sentence  qui  déboutait  Thierry  von  der  Weitenmùle  de  ses 
prétentions  sur  la  prévôté  de  Mulhouse.  Quoiqu'il  eût  aflkire  à  forte 
partie  —  son  adversaire  s'était  (ait  représenter  par  son  parent  Wlach- 
m'ck  von  der  Weitenmùle,  vice-chancelier  du  roi  des  Romains,  — 
Bernard  avait  néanmoins  obtenu  gain  de  cause.  Non  seulement  la 
sentence  évinçait  Thierry,  mais  elle  le  condamnait  à  restituer  au  légi- 
time titulaire  les  fruits  indûment  perçus.  A  la  même  date  que  ce 
jugement,  Wenceslas  en  6t  part  à  la  ville  de  Mulhouse,  avec  ordre 
de  s'y  conformer  *. 

Cette  solution  était  éminemment  boiteuse.  En  favorisant  les  inté- 
rêts de  Bernard,  elle  méconnaissait  le  contrat  intervenu  entre  son 
compétiteur  et  Mulhouse,  au  sujet  de  tribut  à  TEmpire,  et  elle  ne 
relevait  pas  Thierry  des  obligations  qu'il  avait  consenties,  quand  il 
se  croyait  assuré  de  la  prévôté.  C'est  sans  doute  dans  la  pensée  d'ob- 


1.  CariMlairede  Mulhouse,  n*  394. 

2.  IbUiem,  n*  393. 

3.  Ibidem,  n-  395,  396. 


84  MELANGES  ET  DOCUMENTS. 

vier  à  cet  inconvénient  et  gagné  peut-être  par  d'autres  raisons  faciles 
à  conjecturer,  que  Wencesias  transmit  aux  bourgeois  les  contribu- 
tions qu'ils  lui  devaient.  Cette  exemption  du  tribut  à  l'Empire  devait 
durer  dix  ans  et  même  tant  qu^elle  ne  serait  pas  révoquée,  sauf  le  ser- 
vice des  engagements  auxquels  il  avait  été  affecté  antérieurement  : 
cette  dernière  clause  garantissait  les  avances  de  Thierry  von  der 
Weitenmûle.  Le  diplôme  qui  consacre  cette  solution,  daté  du  2  jan- 
vier 4397,  fût  suivi,  deux  jours  après,  d'un  second  qui  ne  laisse 
aucun  doute  sur  l'intervention  personnelle  de  la  ville  dans  ces  négo- 
ciations :  en  considération  des  services  qu'elle  rendait  et  qu'elle  ren- 
drait encore  à  l'Empire,  Wencesias  l'autorisa  à  faire  payer  aux  habi- 
tants un  droit  sur  le  vin,  sur  le  blé,  sur  le  passage  des  ponts,  dont 
le  produit  devait  être  appliqué  aux  fortifications;  à  citer  devant  son 
propre  tribunal  et  à  retenir,  corps  et  biens,  les  forains  des  envi- 
rons, à  l'exception  des  nobles  ;  à  boucher  les  fenêtres  et  les  autres 
ouvertures  pratiquées  dans  le  mur  d'enceinte  et  à  démolir  les 
tours  qui  le  bastionnaient  et  qui  pourraient  être  dommageables  à 
l'Empire*. 

Evidemment  Bernard  de  Bebelnheim  n'était  pas  étranger  aux  avan- 
tages que  la  ville  retirait  de  ces  incidents  ;  lui-même  ne  fut  pas 
oublié  dans  les  faveurs  impériales.  Deux  jours  après  la  sentence  qui 
le  réintégrait  dans  son  ofQce,  le  7  décembre,  Wencesias  disposa  de 
différents  Ûefs  et  revenus  de  l'Empire  en  Alsace  au  profit  de  quelques- 
uns  de  ses  serviteurs,  Bertram  de  Fiilwil,  Guillaume  d'Erlbach,  son 
chambellan,  et  Henselin  de  Spire,  son  baigneur,  auxquels  il  ajouta 
Bernard  de  Bebelnheim  en  personne  :  il  les  gratifiait  nommément  du 
château  de  Schwarzenberg  dans  la  vallée  de  Munster,  d'un  domaine 
situé  sur  le  territoire  de  Mulhouse  et  d^un  prélèvement  annuel  de 
quarante  florins  sur  la  taille  de  cette  ville,  du  péage  de  Kembs,  de  la 
rente  assignée,  avec  d'autres  domaines  et  émoluments,  à  Bourcard 
Miinch  de  Landscron,  lesquels,  prétendait-on,  avaient  fait  retour  à 
TEmpire  par  suite  de  la  mort  du  titulaire.  La  seule  condition  imposée 
aux  bénéficiaires  était  de  rendre  au  roi  des  Romains  les  prestations 
féodales  dont  ces  fiefs  étaient  grevés  ^.  Il  n'est  pas  possible  de  mécon- 
naître le  caractère  de  cette  libéralité  :  c'était  encore  une  de  ces  dila- 
pidations dont  Wencesias  était  coutumier  et,  en  y  associant  un 
homme  d'action  tel  que  Bernard  de  Bebelnheim,  c'était  le  plus  sûr 
moyen  de  ne  pas  laisser  cette  faveur  stérile. 


1 .  Cariulaire  de  MuUmue,  n**  398,  399. 

2.  Ibidem. 


BERNARD   DE  BEBBLNHBIM.  85 


VI. 


Le  château  de  Schwarzenberg  avait  été  construit  en  4264 ,  sur  un 
sommet  de  la  vallée  de  Munster,  par  les  sires  de  Gueroldseck,  au 
temps  du  grand  interrègne,  quand  leur  agnat,  Tévêque  Walther  de 
Strasbourg,  mettait  tout  en  œuvre  pour  étendre  son  temporel 
dans  le  diocèse  de  Bâle,  où,  depuis  les  temps  de  Dagobert  II,  son 
église  possédait  déjà  le  mundat  ou  immunité  de  RoufTach  *.  La  cime 
où  il  s'élevait  avait  été  usurpée  par  Tantique  abbaye  des  Bénédictins 
de  Saint-Grégoire  et,  dans  l'impossibilité  où  se  trouvait  l'abbé  Gueb- 
hàrd  de  maintenir  les  droits  de  sa  maison  contre  ses  oppres- 
seurs, il  n'avait  rien  trouvé  de  mieux  que  de  les  transférer  à 
l'évoque  de  Bâle.  Schwarzenberg  n'était  donc  nullement  un  fief  de  la 
mouvance  de  l'Empire,  et  c'était  à  tort  que  le  roi  des  Romains  s'était 
permis  d'en  disposer.  Bernard  le  comprit  et  n'essaya  même  pas  de  se 
prévaloir  de  la  grâce  dont  il  était  porteur  :  ce  qui  le  prouve,  c'est  la 
prétention  qu'il  fit  de  ce  paragraphe  du  diplôme  dans  un  double  sans 
authenticité  qui  existe  encore  *. 

Il  n'en  était  guère  autrement  des  fiefs  de  Mulhouse  qui,  dans  le 
fait,  étaient  engagés  à  ce  Henman  Lûtold  ou  Leutold  dont  il  a  déjà 
été  question  à  diverses  reprises.  Il  refusa  de  s'en  dessaisir  ;  mais  du 
moins  n'en  vint-on  pas  cette  fois  aux  mains.  Les  deux  adversaires 
tombèrent  d'accord  pour  demander  au  grand  bailli  d'Alsace,  Emich 
de  Linange,  un  juge  compétent.  Gelui-K^i  déféra  à  ce  vœu,  en  déléguant, 
le  48  mars  4397,  Henman  Rich  de  Kaysersberg,  avec  pouvoir  d'ap- 
peler à  lui  les  vassaux  de  l'Empire  qui  devaient  lui  servir  d'asses- 
seurs '. 

Cependant  il  ne  paraît  pas  que  ce  soit  cet  arbitre  qui  ait  aplani  le 
différend.  Le  point  de  départ  était  l'engagement  en  bloc  du  grand 
bailliage  au  margrave  Josse  de  Moravie,  et  il  s'agissait  de  savoir  si 
cet  acte  primait  à  la  fois  l'engagement  restreint  de  la  prévôté  et  celui 
des  fiefs  de  l'Empire  à  Mulhouse,  qui  tous  deux  lui  étaient  antérieurs. 
Indépendamment  de  ces  deux  concessions,  il  y  en  avait  une  troisième, 
celle  du  tribut  à  l'Empire  au  profit  de  la  ville,  qui  rendait  la  compli- 
cation encore  plus  inextricable. 

En  réalité,  ce  fut  Wenceslas  qui  la  trancha.  Par  un  premier  man- 
dement, daté  du  4  juin  4397,  il  fit  savoir  à  Emich  de  Linange  que, 

1.  Schœpflin,  AUatia  iUuitrata,  t.  II,  p.  266. 

2.  Archives  de  Colmar.  II.  Familles  nobles. 

3.  Cartulaire  de  Mulhouse,  n*  400. 


86  MELANGES  BT  DOGUMBUTTS. 

nonobstant  le  droit  qu'il  avait  reconnu  à  son  cousin  le  margrave  de 
nommer  et  de  révoquer  tous  les  ofHciers  dépendant  du  grand  bail- 
liage, la  prévôté  de  Mulhouse  devait  rester  acquise  à  son  féal  Ber- 
nard de  Bebelnheim,  sa  vie  durant. 

Puis,  par  un  second  mandement  daté  du  5  juin,  il  donna  égale- 
ment raison  à  Bernard,  aux  dépens  de  Henman  Zûtold,  en  enjoignant 
à  la  ville  de  Mulhouse  de  payer  exactement  aux  bénéûciaires  du 
diplôme  du  7  décembre  précédent  les  quarante  florins  qu'il  leur 
avait  octroyés  sur  le  tribut  à  TEmpire  et  qui  seront  à  déduire  des 
contributions,  cens  et  rentes  dont  il  lui  avait  fait  abandon  ^ 

On  ne  peut  douter  que  cette  double  décision  ne  fût  encore  une  fois 
le  résultat  des  démarches  personnelles  de  Bernard  de  Bebelnheim  à 
Prague.  Tel  était  son  crédit  à  la  cour,  qu'il  obtint,  même  du  mar- 
grave de  Moravie,  la  reconnaissance  de  ses  droits  sur  la  prévôté,  si 
bien  que  ce  prince  fit  écrire,  le  49  juin,  par  Borziwoy  de  Swinar,  pre- 
mier mayordome  du  roi  des  Romains,  au  comte  de  Linange,  pour 
rinviter  à  cesser  de  troubler  l'ancien  titulaire  dans  l'exercice  de  ses 
fonctions  ^. 

Quant  au  péage  de  Kembs,  le  Camhete  des  Itinéraires,  et  aux  autres 
émoluments  prétendus  disponibles  depuis  la  mort  de  Bourcard  Miinch 
de  Landscron,  qui  comprenaient  entre  autres  des  prélèvements  sur 
la  contribution  des  Juifs  de  Bâle,  il  y  a  lieu  de  croire  que,  si  Bernard 
parvint  à  se  mettre  en  possession,  ce  ne  fut  pas  sans  rencontrer  de 
grandes  difficultés. 

En  effet,  le  23  août  4397,  le  bourgmestre  de  Bâle,  le  chevalier 
Jean  d'Eplingen,  et  le  conseil  écrivirent,  en  réponse  aux  réclamations 
de  Bernard,  que  les  Juifs,  sur  le  tribut  desquels  Bourcard  Mûnch  avait 
des  prétentions  à  faire  valoir,  avaient  dénoncé  leur  droit  de  bour- 
geoisie pour  se  mettre  sous  la  protection  du  duc  d'Autriche,  Léopold 
le  Superbe  :  à  sa  prière,  on  leur  avait  accordé  un  délai  d'un  mois 
pour  liquider  leurs  affaires  avec  leurs  débiteurs  et,  ce  terme  étant 
passé,  la  ville  n'était  plus  comptable  de  leur  dette  envers  l'Empire. 

D'un  autre  côté,  ils  prévenaient  Bernard  que  la  sœur  et  les  parents 
de  Bourcard  Mûnch,  invoquant  les  propres  termes  du  diplôme  du  roi 
Wenceslas,  soutenaient  que  Bourcard  avait  droit  au  tribut  des  Juifs 
de  Bàle,  sa  vie  durant,  et  que,  s'il  était  absent  dans  ce  moment,  rien 
ne  prouvait  qu'il  fût  mort.  Par  suite  de  cette  réclamation,  la  ville 
avait  décompté  avec  les  Juifs  l'arriéré  de  leur  contribution  dont  le 


1.  CarUUaire  de  Mulhouse,  où  ces  pièces  sont  datées  par  erreur  du  13  et 
du  16  mai  1397,  n**  388,  389. 

2.  Ibidem,  n«  404. 


BERIVAED  DE  BEBBLNHEIM.  87 

produit  avait  été  déposé  au  change  de  Bâle,  en  attendant  qu*on  sût  à 
qui  il  revenait. 

Indépendamment  du  tribut  des  Juifs,  il  y  avait  encore  d'autres 
objets  litigieux  entre  la  ville  et  Bernard.  Celui-ci  s'était  plaint,  dans 
sa  lettre  à  Bàle,  d'un  bourgeois,  Jean  d^Erenfels,  à  qui  il  réclamait 
un  cheval  de  combat  et  qui,  pour  répondre  à  une  saisie  que  Bernard 
avait  fait  faire  à  ses  dépens  à  Colmar,  lui  aurait  déclaré  la  guerre  :  le 
bourgmestre  et  le  conseil  afBrmèrent  que  leur  bourgeois  ne  deman- 
dait pas  mieux  que  de  suivre  les  voies  légales,  mais  à  condition  que 
le  demandeur  commençât  par  donner  mainlevée  de  la  saisie  :  pour 
éviter  un  conflit  auquel  ils  auraient  regret,  ils  engageaient  Bernard  à 
obtempérer  à  cette  proposition  *. 

Un  sauf-conduit  délivré,  le  8  octobre  4397,  par  la  ville  de  Bàle  à 
Bernard  de  Bebelnheim,  prévôt  de  Mulhouse  et  écuyer,  pour  qu'il 
pût  produire  les  titres  dont  il  se  prévalait,  prouve  que,  pour  le  moment 
du  moins,  il  suivit  le  sage  conseil  qu*on  lui  donnait  ^.  La  dernière 
pièce  relative  à  cette  affaire  est  un  mandement  de  Wenceslas,  daté 
de  Francfort,  28  décembre  4397,  par  lequel  il  enjoint  spécialement 
aux  deux  villes  de  Bâle  et  de  Berne  de  mettre  Bernard  de  Bebelnheim 
et  ses  consorts  en  possession  de  tous  les  droits  qui  avaient  fait  retour 
à  TEmpire,  par  suite  de  la  mort  de  Bourcard  Mùnch,  et  notamment 
du  tribut  annuel  de  leurs  bourgeois  juifs  ^.  Pour  ne  rien  négliger  de 
ce  qui  intéresse  la  carrière  de  Bernard,  nous  mentionnerons  encore 
les  pouvoirs  qu'il  reçut  du  roi  des  Romains,  le  42  janvier  4398, 
pour  transiger  en  son  nom  et  s'accommoder  avec  les  Juifs  de  Zurich 
pour  les  sommes  dont  ils  étaient  alors  redevables  envers  le  flsc^. 

VU. 

Nous  avons  vu  qu'entre  autres  privilèges  accordés,  le  4  janvier  4  397, 
à  la  ville  de  Mulhouse,  le  roi  Wenceslas  l'avait  autorisée  à  citer 
devant  son  propre  tribunal  et  à  retenir,  corps  et  biens,  les  forains  de 
son  voisinage,  sauf  les  nobles  qui  ne  pouvaient  être  distraits  de  la 
cour  féodale  à  laquelle  ils  ressortissaient.  Jusque-là  les  empereurs 
s'étaient  bornés  à  défendre  la  juridiction  de  leurs  villes,  au  regard 
des  landgraves  de  la  Haute-Alsace,  par  le  triple  droit  de  non  citando^ 
de  non  evocando,  de  non  appellando^  c'est-à-dire  qu'aucun  deman- 

1.  ArchiTes  de  Colmar.  II.  Familles  nobles. 

2.  Ibidenu 

3.  Ibidem. 

4.  Ibidem. 


88  MELANGES  ET   DOCUMENTS. 

deur  ne  pouvait  citer  de  bourgeois  devant  un  juge  étranger,  que  le 
juge  étranger  ne  pouvait  évoquer  aucune  affaire  concernant  un  bour- 
geois et  que,  devant  lui,  nui  ne  pouvait  interjeter  appel  d*une  sen- 
tence du  juge  de  TEmpire.  Le  diplôme  de  Wenceslas  avait  été  beau- 
coup plus  loin,  puisque^  contrairement  à  l'axiome  :  Actor  forum  rei 
sequi  tenetur,  il  rendait  tous  les  forains  justiciables  du  tribunal  de 
Mulhouse.  Entre  les  mains  du  prévôt  Bernard  de  Bebelnheim,  si  bien 
soutenu  jusque-là  par  Wenceslas,  cette  arme  ne  risquait  pas  de  res- 
ter au  fourreau. 

Le  roi  des  Romains  avait  déféré  au  magistrat  et  au  conseil  de  Mul- 
house le  jugement  de  deux  gentilshommes,  le  même  Barthélémy  ou 
Bertelin  de  Wunnenberg  dont  il  a  déjà  été  question,  et  Henri  de 
Réguisheim,  que  leur  qualité  de  bourgeois  de  TËmpire  n'empêchait 
sans  doute  pas  de  posséder  des  fiefs  autrichiens,  comme  un  privilège 
de  Rodolphe  de  Habsbourg,  du  5  août  4275,  y  autorisait  les  ressor- 
tissants de  Mulhouse  * .  Sans  égard  à  la  protection  que  le  suzerain 
devait  à  ses  hommes-liges,  le  juge  de  cette  ville  bannit  les  deux  accu- 
sés et  confisqua  leurs  biens,  pour  l'indemniser  des  pertes  et  des 
dommages  qu'ils  lui  avaient  causés  ^. 

Il  est  à  supposer  que  les  exilés  répondirent  à  la  mesure  qui  les 
frappait  par  un  appel  devant  le  tribunal  landgravial.  Dans  le  discré- 
dit où  Pautorité  de  Wenceslas  était  tombée,  l'occasion  d'entreprendre 
sur  la  juridiction  de  Mulhouse  était  propice,  et  le  grand  bailU  autri- 
chien à  qui  appartenait  l'action  judiciaire  ne  manqua  pas  d'interve- 
nir. Prévenu  à  temps,  le  roi  des  Romains  répondit  à  cette  immixtion 
par  trois  mandements  datés  de  Nuremberg,  48  et  49  octobre  4397. 

Par  le  premier,  il  renouvela,  dans  les  termes  les  plus  explicites, 
l'antique  sauvegarde  de  l'immunité  communale  :  aux  bourgeois  et 
aux  manants  de  Mulhouse,  il  confirme  la  faveur  de  ne  pouvoir  être 
cités,  poursuivis,  condamnés,  mis  au  ban  de  l'Empire  ni  devant  le 
tribunal  aulique  de  Rotweil,  ni  devant  la  cour  provinciale  ;  il  ordonne 
que  quiconque  aura  une  revendication  à  exercer  à  leur  égard  saisira 
de  l'instance  le  prévôt  et  le  juge  de  la  ville,  à  moins  que  la  cause 
n'eût  déjà  été  mal  jugée  par  eux  et  qu'ils  n'eussent  donné  sujet  à  un 
pourvoi  en  appel,  ou  que  lui-même  n'eût  des  droits  à  faire  valoir 
contre  eux  :  en  même  temps  il  déclare  nulles  et  non  avenues  les 
citations  et  les  sentences  obtenues  devant  les  tribunaux  étrangers. 

Par  le  second,  pour  mettre  la  ville  mieux  en  état  de  résister  aux 
incursions,  collisions  et  dommages  à  venir,  il  déclare  que,  pendant 

1.  Cartulairede  Mulhouse,  n*  407. 

2.  Ibid.  Mandement  du  19  octobre  1397,  n*  410. 


BERNARD   DE   BBBELNHEIM.  89 

toute  la  durée  de  la  peine,  ni  le  grand  bailli  ni  son  lieutenant  ne 
pourront  autoriser  la  rentrée  de  ceux  qui  auraient  été  exilés  de  Mul- 
house en  raison  de  voies  de  fait  commises  par  eux  ;  de  plus  il  ordonne 
que  toute  condamnation  prononcée  par  le  magistrat  et  le  conseil,  à 
Toccasion  d'infractions  de  cette  nature,  soit  respectée  par  la  commu- 
nauté. 

Par  le  troisième  enfin,  il  fait  savoir  au  grand  bailli  d'Alsace  et  aux 
villes  impériales  qu'il  a  conûrmé  la  sentence  qui  avait  frappé  de 
bannissement  Bertelin  de  Wunnenberg  et  Henri  de  Béguisheim,  avec 
cette  seule  restriction  que  la  ville  de  Mulhouse  partagerait  leurs 
dépouilles  par  moitié  avec  l'Empire  et  que,  ce  fkisant,  il  annule  la 
citation  par  laquelle  elle  avait  été  appelée  devant  le  tribunal  auUque, 
comme  aussi  tous  les  actes  qu'en  cette  affaire  on  aurait  obtenus  ou 
qu'on  pourrait  obtenir  encore,  tant  du  roi  des  Romains  que  du  mar- 
grave Josse  de  Moravie,  et  enjoint  au  grand  bailli  et  aux  villes  impé- 
riales de  prêter  aide  et  secours  à  Mulhouse,  pour  que  force  reste  à 
la  volonté  royale  *. 

C'est  aux  mêmes  faits  évidemment  que  se  rattache  un  quatrième 
diplôme  daté  de  Francfort,  ^7  janvier  4398,  par  lequel  Wenceslas, 
sur  l'avis  de  ses  conseillers,  déclare  les  bourgeois  de  Mulhouse  inno- 
cents de  toute  participation  à  la  confection  de  lettres  munies  du 
sceau  de  la  ville,  concernant  Bernard  de  Bebelnheim  et  la  prévôté  de 
Mulhouse,  au  sujet  de  laquelle  il  avait  surgi  des  difQcultés  entre  les 
bourgeois,  d'une  part,  le  grand  bailli  Thierry  von  der  Weitenmiile, 
Barthélémy  de  Wunnenberg  et  Henri  de  Réguisheim,  d'autre  part^. 

Dans  les  dispositions  où  ces  franchises  nouvelles  mettaient  les 
esprits,  Mulhouse  et  son  prévôt  ne  pouvaient  manquer  de  pousser 
leur  avantage  plus  lom.  D'une  part,  Bernard  de  Bebelnheim  ût,  au 
détriment  des  juges  autrichiens,  un  autre  acte  de  juridiction  contre 
Simon  le  Juif  de  Herlisheim  et,  ne  pouvant  l'amener  à  comparaître 
devant  lui,  l'assigna  devant  le  tribunal  aulique,  comme  cour  suprême 
de  l'Empire  ;  d'autre  part,  la  ville  viola  le  territoire  autrichien  à 
Habsheim^  sans  doute  en  faisant  valoir  l'extension  exorbitante  de 
ses  droits  de  justice. 

Mulhouse  n'était  pas  seul  à  avoir  du  crédit  à  la  cour  et,  dans  l'état 
de  désarroi  où  se  trouvaient  l'Empire  et  son  chef,  rien  n'était  plus 
aisé,  nous  l'avons  vu,  que  d'opposer  à  l'arbitraire  du  jour  celui  du 
lendemain.  Par  un  revirement  qui  dépasse  toutes  les  contradictions 
que  nous  avons  déjà  rencontrées,  le  roi  des  Romains  enleva  subite- 

1.  Cariulaire  de  Mulhouse,  n*'  408,  409,  410. 

2.  Ibidem,  n*  411. 


88  MELANGES  ET  DOCUMENTS. 

deur  ne  pouvait  citer  de  bourgeois  devant  un  juge  étranger,  que  le 
juge  étranger  ne  pouvait'  évoquer  aucune  affaire  concernant  un  bour- 
geois et  que,  devant  lui,  nul  ne  pouvait  interjeter  appel  d'une  sen- 
tence du  juge  de  TEmpire.  Le  diplôme  de  Wenceslas  avait  été  beau- 
coup plus  loin,  puisque,  contrairement  à  l'axiome  :  Actor  forum  rei 
sequi  ienetur,  il  rendait  tous  les  forains  justiciables  du  tribunal  de 
Mulhouse.  Entre  les  mains  du  prévôt  Bernard  de  Bebelnheim,  si  bien 
soutenu  jusque-là  par  Wenceslas,  cette  arme  ne  risquait  pas  de  res- 
ter au  fourreau. 

Le  roi  des  Romains  avait  déféré  au  magistrat  et  au  conseil  de  Mul- 
house le  jugement  de  deux  gentilshommes,  le  même  Barthélémy  ou 
Bertelin  de  Wunnenberg  dont  il  a  déjà  été  question,  et  Henri  de 
Réguisheim,  que  leur  qualité  de  bourgeois  de  TEmpire  n'empêchait 
sans  doute  pas  de  posséder  des  fiefs  autrichiens,  comme  un  privilège 
de  Rodolphe  de  Habsbourg,  du  5  août  4275,  y  autorisait  les  ressor- 
tissants de  Mulhouse  * .  Sans  égard  à  la  protection  que  le  suzerain 
devait  à  ses  hommes-liges,  le  juge  de  cette  ville  bannit  les  deux  accu- 
sés et  conQsqua  leurs  biens,  pour  l'indemniser  des  pertes  et  des 
dommages  qu'ils  lui  avaient  causés  ^. 

Il  est  à  supposer  que  les  exilés  répondirent  à  la  mesure  qui  les 
frappait  par  un  appel  devant  le  tribunal  landgravial.  Dans  le  discré- 
dit où  Tautorité  de  Wenceslas  était  tombée,  l'occasion  d'entreprendre 
sur  la  juridiction  de  Mulhouse  était  propice,  et  le  grand  bailli  autri- 
chien à  qui  appartenait  l'action  judiciaire  ne  manqua  pas  d'interve- 
nir. Prévenu  à  temps,  le  roi  des  Romains  répondit  à  cette  immixtion 
par  trois  mandements  datés  de  Nuremberg,  48  et  49  octobre  4397. 

Par  le  premier,  il  renouvela,  dans  les  termes  les  plus  explicites, 
l'antique  sauvegarde  de  l'immunité  communale  :  aux  bourgeois  et 
aux  manants  de  Mulhouse,  il  confirme  la  faveur  de  ne  pouvoir  être 
cités,  poursuivis,  condamnés,  mis  au  ban  de  l'Empire  ni  devant  le 
tribunal  aulique  de  Rotweil,  ni  devant  la  cour  provinciale  -,  il  ordonne 
que  quiconque  aura  une  revendication  à  exercer  à  leur  égard  saisira 
de  l'instance  le  prévôt  et  le  juge  de  la  ville,  à  moins  que  la  cause 
n'eût  déjà  été  mal  jugée  par  eux  et  qu'ils  n'eussent  donné  sujet  à  un 
pourvoi  en  appel,  ou  que  lui-même  n'eût  des  droits  à  faire  valoir 
contre  eux  :  en  même  temps  il  déclare  nulles  et  non  avenues  les 
citations  et  les  sentences  obtenues  devant  les  tribunaux  étrangers. 

Par  le  second,  pour  mettre  la  ville  mieux  en  état  de  résister  aux 
incursions,  collisions  et  dommages  à  venir,  il  déclare  que,  pendant 

1.  Cartulaire  de  Mulhouse,  n*  407. 

2.  IM.  Mandement  du  19  octobre  1397,  n*  410. 


BERNARD   DE   BEBELNHEIM.  89 

toute  la  durée  de  la  peine,  ni  le  grand  bailli  ni  son  lieutenant  ne 
pourront  autoriser  la  rentrée  de  ceux  qui  auraient  été  exilés  de  Mul- 
house en  raison  de  voies  de  fait  commises  par  eux  ;  de  plus  il  ordonne 
que  toute  condamnation  prononcée  par  le  magistrat  et  le  conseil,  à 
Toccasion  d'infractions  de  cette  nature,  soit  respectée  par  la  commu- 
nauté. 

Par  le  troisième  enfin,  il  fait  savoir  au  grand  bailli  d'Alsace  et  aux 
villes  impériales  qu'il  a  confirmé  la  sentence  qui  avait  frappé  de 
bannissement  Bertelin  de  Wunnenberg  et  Henri  de  Béguisheim,  avec 
cette  seule  restriction  que  la  ville  de  Mulhouse  partagerait  leurs 
dépouilles  par  moitié  avec  l'Empire  et  que,  ce  faisant,  il  annule  la 
citation  par  laquelle  elle  avait  été  appelée  devant  le  tribunal  aulique, 
comme  aussi  tous  les  actes  qu'en  cette  afiîaire  on  aurait  obtenus  ou 
qu'on  pourrait  obtenir  encore,  tant  du  roi  des  Romains  que  du  mar- 
grave Josse  de  Moravie,  et  enjoint  au  grand  bailli  et  aux  villes  impé- 
riales de  prêter  aide  et  secours  à  Mulhouse,  pour  que  force  reste  à 
la  volonté  royale  *. 

C'est  aux  mêmes  faits  évidemment  que  se  rattache  un  quatrième 
diplôme  daté  de  Francfort,  ^7  janvier  ^398,  par  lequel  Wenceslas, 
sur  l'avis  de  ses  conseillers,  déclare  les  bourgeois  de  Mulhouse  inno- 
cents de  toute  participation  à  la  confection  de  lettres  munies  du 
sceau  de  la  ville,  concernant  Bernard  de  Bebelnheim  et  la  prévôté  de 
Mulhouse,  au  sujet  de  laquelle  il  avait  surgi  des  difficultés  entre  les 
bourgeois,  d'une  part,  le  grand  bailli  Thierry  von  der  Weitenmùle, 
Barthélémy  de  Wunnenberg  et  Henri  de  Réguisheim,  d'autre  part^. 

Dans  les  dispositions  où  ces  franchises  nouvelles  mettaient  les 
esprits,  Mulhouse  et  son  prévôt  ne  pouvaient  manquer  de  pousser 
leur  avantage  plus  loin.  D'une  part,  Bernard  de  Bebelnheim  fit,  au 
détriment  des  juges  autrichiens,  un  autre  acte  de  juridiction  contre 
Simon  le  Juif  de  Herlisheim  et,  ne  pouvant  l'amener  à  comparaître 
devant  lui,  l'assigna  devant  le  tribunal  aulique,  comme  cour  suprême 
de  l'Empire  ;  d'autre  part,  la  ville  viola  le  territoire  autrichien  à 
Habsheim^  sans  doute  en  faisant  valoir  l'extension  exorbitante  de 
ses  droits  de  justice. 

Mulhouse  n'était  pas  seul  à  avoir  du  crédit  à  la  cour  et,  dans  l'état 
de  désarroi  où  se  trouvaient  l'Empire  et  son  chef,  rien  n'était  plus 
aisé,  nous  l'avons  vu,  que  d'opposer  à  l'arbitraire  du  jour  celui  du 
lendemain.  Par  un  revirement  qui  dépasse  toutes  les  contradictions 
que  nous  avons  déjà  rencontrées,  le  roi  des  Romains  enleva  subite- 

t.  Cartulairê  de  Mulhouie,  n-  408,  409,  410. 
2.  Ibidem,  n*  411. 


88  MELANGES  ET  DOCUMENTS. 

deur  ne  pouvait  citer  de  bourgeois  devant  un  juge  étranger,  que  le 
juge  étranger  ne  pouvait'  évoquer  aucune  affaire  concernant  un  bour* 
geois  et  que,  devant  lui,  nul  ne  pouvait  interjeter  appel  d'une  sen- 
tence du  juge  de  l'Empire.  Le  diplôme  de  Wenceslas  avait  été  beau- 
coup plus  loin,  puisque^  contrairement  à  l'axiome  :  Actor  forum  rei 
sequi  tenetur,  il  rendait  tous  les  forains  justiciables  du  tribunal  de 
Mulhouse.  Entre  les  mains  du  prévôt  Bernard  de  Bebelnheim,  si  bien 
soutenu  jusque-là  par  Wenceslas,  cette  arme  ne  risquait  pas  de  res- 
ter au  fourreau. 

Le  roi  des  Romains  avait  déféré  au  magistrat  et  au  conseil  de  Mul- 
house le  jugement  de  deux  gentilshommes,  le  même  Barthélémy  ou 
Bertelin  de  Wunnenberg  dont  il  a  déjà  été  question,  et  Henri  de 
Réguisheim,  que  leur  qualité  de  bourgeois  de  l'Empire  n'empêchait 
sans  doute  pas  de  posséder  des  fiefs  autrichiens,  comme  un  privilège 
de  Rodolphe  de  Habsbourg,  du  5  août  4275,  y  autorisait  les  ressor- 
tissants de  Mulhouse  * .  Sans  égard  à  la  protection  que  le  suzerain 
devait  à  ses  hommes-liges,  le  juge  de  cette  ville  bannit  les  deux  accu- 
sés et  confisqua  leurs  biens,  pour  l'indemniser  des  pertes  et  des 
dommages  qu'ils  lui  avaient  causés  ^. 

Il  est  à  supposer  que  les  exilés  répondirent  à  la  mesure  qui  les 
frappait  par  un  appel  devant  le  tribunal  landgravial.  Dans  le  discré- 
dit où  l'autorité  de  Wenceslas  était  tombée,  l'occasion  d'entreprendre 
sur  la  juridiction  de  Mulhouse  était  propice,  et  le  grand  bailli  autri- 
chien à  qui  appartenait  Taction  judiciaire  ne  manqua  pas  d'interve- 
nir. Prévenu  à  temps,  le  roi  des  Romains  répondit  à  cette  immixtion 
par  trois  mandements  datés  de  Nuremberg,  48  et  49  octobre  4397. 

Par  le  premier,  il  renouvela,  dans  les  termes  les  plus  explicites, 
l'antique  sauvegarde  de  l'immunité  communale  :  aux  bourgeois  et 
aux  manants  de  Mulhouse,  il  confirme  la  faveur  de  ne  pouvoir  être 
cités,  poursuivis,  condamnés,  mis  au  ban  de  l'Empire  ni  devant  le 
tribunal  aulique  de  Rotweil,  ni  devant  la  cour  provinciale  ;  il  ordonne 
que  quiconque  aura  une  revendication  à  exercer  à  leur  égard  saisira 
de  l'instance  le  prévôt  et  le  juge  de  la  ville,  à  moins  que  la  cause 
n'eût  déjà  été  mal  jugée  par  eux  et  qu'ils  n'eussent  donné  sujet  à  un 
pourvoi  en  appel,  ou  que  lui-même  n'eût  des  droits  à  faire  valoir 
contre  eux  :  en  même  temps  il  déclare  nulles  et  non  avenues  les 
citations  et  les  sentences  obtenues  devant  les  tribunaux  étrangers. 

Par  le  second,  pour  mettre  la  ville  mieux  en  état  de  résister  aux 
incursions,  collisions  et  dommages  à  venir,  il  déclare  que,  pendant 

1.  Cariulairede  Mulhouse,  n*  407. 

2.  Itfid.  Mandement  du  19  octobre  1397,  n*  410. 


BERNARD   DE   BEBELIVHEIM.  89 

toute  la  durée  de  la  peine,  ni  le  grand  bailli  ni  son  lieutenant  ne 
pourront  autoriser  la  rentrée  de  ceux  qui  auraient  été  exilés  de  Mul- 
house en  raison  de  voies  de  fait  commises  par  eux  ;  de  plus  il  ordonne 
que  toute  condamnation  prononcée  par  le  magistrat  et  le  conseil,  à 
Toccasion  d'infractions  de  cette  nature,  soit  respectée  par  la  commu- 
nauté. 

Par  le  troisième  enfin,  il  fait  savoir  au  grand  bailli  d'Alsace  et  aux 
villes  impériales  quMl  a  confirmé  la  sentence  qui  avait  frappé  de 
bannissement  Bertelin  de  Wunnenberg  et  Henri  de  Béguisheim,  avec 
cette  seule  restriction  que  la  ville  de  Mulhouse  partagerait  leurs 
dépouilles  par  moitié  avec  TËmpire  et  que,  ce  faisant,  il  annule  la 
citation  par  laquelle  elle  avait  été  appelée  devant  le  tribunal  aulique, 
comme  aussi  tous  les  actes  qu'en  cette  afikire  on  aurait  obtenus  ou 
qu'on  pourrait  obtenir  encore,  tant  du  roi  des  Romains  que  du  mar- 
grave Josse  de  Moravie,  et  enjoint  au  grand  bailli  et  aux  villes  impé- 
riales de  prêter  aide  et  secours  à  Mulhouse,  pour  que  force  reste  à 
la  volonté  royale  ^ 

C*est  aux  mêmes  faits  évidemment  que  se  rattache  un  quatrième 
diplôme  daté  de  Francfort,  \7  janvier  4398,  par  lequel  Wenceslas, 
sur  l'avis  de  ses  conseillers,  déclare  les  bourgeois  de  Mulhouse  inno- 
cents de  toute  participation  à  la  confection  de  lettres  munies  du 
sceau  de  la  ville,  concernant  Bernard  de  Bebelnheim  et  la  prévôté  de 
Mulhouse,  au  sujet  de  laquelle  il  avait  surgi  des  difficultés  entre  les 
bourgeois,  d'une  part,  le  grand  bailli  Thierry  von  der  Weitenmùle, 
Barthélémy  de  Wunnenberg  et  Henri  de  Béguisheim,  d'autre  part^. 

Dans  les  dispositions  où  ces  franchises  nouvelles  mettaient  les 
esprits,  Mulhouse  et  son  prévôt  ne  pouvaient  manquer  de  pousser 
leur  avantage  plus  loin.  D'une  part,  Bernard  de  Bebelnheim  fit,  au 
détriment  des  juges  autrichiens,  un  autre  acte  de  juridiction  contre 
Simon  le  Juif  de  Herlisheim  et,  ne  pouvant  l'amener  à  comparaître 
devant  lui,  l'assigna  devant  le  tribunal  aulique,  comme  cour  suprême 
de  l'Empire  ;  d'autre  part,  la  ville  viola  le  territoire  autrichien  à 
Habsheim^  sans  doute  en  faisant  valoir  l'extension  exorbitante  de 
ses  droits  de  justice. 

Mulhouse  n'était  pas  seul  à  avoir  du  crédit  à  la  cour  et,  dans  l'état 
de  désarroi  où  se  trouvaient  l'Empire  et  son  chef,  rien  n'était  plus 
aisé,  nous  l'avons  vu,  que  d'opposer  à  l'arbitraire  du  jour  celui  du 
lendemain.  Par  un  revirement  qui  dépasse  toutes  les  contradictions 
que  nous  avons  déjà  rencontrées,  le  roi  des  Bomains  enleva  subite- 

t.  Cartulaire  de  Mulhouse,  n**  408,  409,  410. 
2.  Ibidem,  n*  411. 


90  MELANGES  ET  DOGOMEflTS. 

ment  à  la  ville  tous  les  droits,  fï'anchises  et  grâces  spéciales  qu'elle 
tenait  de  TEmpire  ^  C'était  annuler  d'un  trait  de  plume  tout  ce  qui, 
dans  le  droit  public  allemand,  constituait  Tlmmédiateté  et  la  supé- 
riorité des  états  et,  si  Ton  applique  à  cette  mesure  extrême  Tadage  : 
is  fecit  cui  prodest^  on  ne  peut  douter  que  ce  ne  fût  sur  les  sollicita- 
tions du  duc  d'Autriche  que  Wenceslas  porta  ce  coup.  Le  conflit  éclata 
sur  l'heure. 

Pour  Mulhouse,  il  n'y  avait  qu'un  moyen  de  se  défendre  :  c'était 
d'obtenir  sans  retard  le  retrait  du  funeste  rescrit  de  Wenceslas. 
Dans  sa  détresse  la  ville  donna,  le4\  mars  4398,  procuration  au  pré* 
vôt  Bernard  de  Bebelnheim  et  au  greffler  Georges  d'Ahrwiller,  pour 
aller  défendre  sa  cause  à  la  cour  *.  Mais  cette  démarche  ne  servit 
qu'à  rendre  les  poursuites  plus  actives.  En  même  temps  que  le  grand 
bailli  autrichien  Nicolas  de  Haus  assignait  Bernard  devant  le  tri- 
bunal landgravial,  pour  avoir  fait  acte  de  juridiction  à  l'égard  du 
juif  de  Herlisheim,  il  faisait  procéder  contre  tous  les  ressortissants 
de  Mulhouse,  en  raison  de  la  violation  du  territoire  de  Habsheim,  et 
simultanément,  comme  s'ils  obéissaient  à  un  signal,  une  foule  de 
vassaux  autrichiens,  la  dame  du  chevalier  Pierre  de  Saint-Dié,  Hen- 
selin  de  Laubgassen,  Gœtzman  de  Herliheim,  Henri  de  Réguisheim, 
déféraient  à  leurs  propres  juges  les  contestations  qu'ils  avaient  avec 
la  ville  ou  avec  les  bourgeois  de  Mulhouse'. 

Dans  cette  extrémité,  le  magistrat  et  le  conseil  de  Mulhouse  adres* 
sèrent  le  49  mars  un  premier  appel  à  leurs  députés  :  «  Le  tribunal 
autrichien  entreprend,  disaient-ils,  de  soumettre  à  sa  juridiction 
tous  les  habitants  au-dessus  de  quatorze  ans  ;  s'il  parvient  à  ses  uns, 
c'en  est  fait  de  Mulhouse  et  de  son  immédiateté.  »  La  ville  les 
priait  en  conséquence  de  redoubler  leurs  efforts  à  la  cour  pour  faire 
arrêter  les  procédures  avant  le  plaid  que  le  tribunal  allait  tenir  *. 

Ce  qui  rendait  la  crise  encore  plus  grave,  c'est  que  le  grand  bailli 
de  l'Empire  Thierry  von  der  Weitenmùle  créait  lui  aussi  des  embar- 
ras à  la  ville.  Le  magistrat  et  le  conseil  avaient  transigé  avec  Bar- 
thélémy de  Wunnenberg  et  avec  Henri  de  Réguisheim;  mais  le  grand 
bailU  refusait  de  reconnaître  cet  accommodement,  dont  il  faisait  un 
grief  à  la  ville  auprès  de  Wenceslas  :  elle  était  ainsi  menacée  de 
deux  orages  à  la  fois,  contre  lesquels  elle  demandait  à  ses  envoyés 
de  la  prémunir. 


1.  Carttdaire  de  Mulhouse,  Mandement  du  28  ayril  1398,  n*  418. 

2.  Ibidem,  n-  412. 

3.  Ibidem.  Lettre  aux  députés  de  Muliiouse  du  6  arril  1398,  n*  415. 

4.  Ibidem. 


BERNARD   DE   BEBELNHEIM.  93 

mettre  cette  affaire  en  règle,  il  s'était  occupé  d'entrer  en  pourparlers 
avec  Léopold  d'Autriche,  soit  pour  faire  personnellement  sa  paix 
avec  lui,  soit  pour  l'amener,  au  moyen  du  renouvellement  des  pri- 
vilèges de  Mulhouse  qu'il  venait  d'obtenir,  à  se  désister  des  nouveaux 
droits  que  lui  conférait  son  traité  avec  la  ville.  Pour  lui  permettre  de 
se  rendre  à  Ensisheim,  lui  et  sa  suite,  le  duc  lui  délivra  un  sauf- 
conduit  daté  du  47  mai  et  valable  jusqu'au  26  *. 

Nous  doutons  qu'il  n'ait  réussi  à  rompre  la  transaction  de 
Léopold  avec  les  bourgeois  de  Mulhouse ,  puisqu'ils  ont  payé  leur 
tribut  jusqu'en  4  409  ;  quant  à  sa  propre  affaire^  loin  de  parvenir  à  se 
faire  absoudre  de  la  peine  dont  il  avait  été  frappé,  elle  fut  portée  à 
trente  marcs  d'or.  Il  fallut  encore  une  fois  l'intervention  du  tribu- 
nal aulique  qui,  le  9  mai  4399,  siégeant  à  Prague  sous  la  prési- 
dence d'Othon,  dit  Heyde,  burgrave  de  Dohna,  déchargea  déOniti- 
vement  Bernard  de  l'amende  à  laquelle  il  avait  été  condamné  au 
nom  de  Léopold  le  Superbe  ^. 

Ce  que  Bernard  de  Bebelnheim  était  devenu  dans  l'intervalle,  on 
l'ignore.  Il  était  évidemment  en  proie  à  des  embarras  d'argent;  car 
pour  se  procurer  des  ressources,  on  le  voit,  le  5  juillet  4398,  se  faire 
souscrire,  devant  son  substitut  à  la  prévoté,  assisté  de  huit  ofQciers 
du  tribunal,  une  obligation  pour  le  prix  de  grains  qu'il  avait  vendus 
à  quatre  bourgeois  de  Mulhouse  ^  et,  le  40  septembre,  emprunter 
une  somme  de  cinquante  florins  de  sa  tante  Ënnelin  de  Wittenheim, 
religieuse  au  couvent  d'Unterlinden  de  Colmar,  à  charge  de  les  lui 
rembourser  le  43  janvier  suivant^. 

Une  fois  ces  affaires  en  ordre,  le  pauvre  Bernard  de  Bebelnheim 
eut-il  du  moins  quelque  répit  ?  Il  semble  que  non.  Nous  le  trouvons 
encore  une  fois  en  conflit  avec  Thierry  von  der  Weitenmiile,  son 
ancien  compétiteur  à  la  prévôté  de  Mulhouse  ^.  Il  fit  de  nouveau  le 
voyage  de  Bohème,  où  Wenceslas  était  revenu  après  une  absence  assez 
longue,et  il  existe  du  roi  des  Romains  un  mandement  du  4  2  mai  4  399, 
à  Prague,  par  lequel  il  enjoint  au  bourgmestre,  au  conseil  et  aux  bour- 
geois de  Mulhouse  de  reconnaître  Bernard  pour  leur  légitime  prévôt, 
nonobstant  l'octroi  qu'il  avait  fait  do  son  ofQce  à  quelques-uns  de 
ses  serviteurs,  attendu  qu'il  avait  justifié  de  son  droit  devant  le  con- 
seil aulique  :  ils  devront  en  conséquence  acquitter  entre  ses  mains 

1.  Cartulaire  de  Mulhouse,  n*  420. 

2.  Ibidem,  n*  425. 

3.  Archives  de  Colmar.  II.  Familles  nobles. 

4.  Ibid.  Attestation  de  Guillaume  et  d'Ulrich  de  Masevaux,  20  mars  1399,  au 
sujet  d'une  lettre  que  Bernard  de  Bebelnheim  avait  envoyée  de  Bohême  à  Jean 
de  Laubgassen  avant  son  accommodement  avec  Thierry  von  der  WeitenmQle. 


92  M^LAiHGES   ET   DOCUMENTS. 

été  Tobjel,  devant  les  tribunaux  provinciaux  et  autres,  du  temps 
qu'ils  en  étaient  dépossédés  ^ 


vm. 


Malheureusement  cette  réparation  venait  trop  tard.  Pendant  que 
la  chancellerie  impériale  expédiait  le  diplôme,  Mulhouse,  poussé  dans 
ses  derniers  retranchements,  avait  été  obligé  de  capituler.  Le  30  avril, 
Léopold  le  Superbe  lui  délivra  une  lettre  de  protection  datée  d'Ensi- 
sheim,  la  capitale  des  pays  antérieurs  de  T Autriche.  Pour  assurer 
la  paix,  disait  le  prince,  à  ses  domaines  et  à  ses  vassaux  et  pour 
reconnaître  les  bons  offices  du  conseil  et  des  bourgeois  de  Mulhouse, 
il  leur  garantit  ses  bonnes  grâces  pendant  dix  ans  ;  toutes  les  diffi- 
cultés pendantes  entre  les  deux  parties  seront  aplanies,  notamment 
en  ce  qui  concerne  renvoi  sans  autorisation  de  leur  bétail  dans  la 
Harth  et  dans  d'autres  forets  banales  et  la  saisie  qui  en  avait  été  la 
conséquence,  ainsi  que  le  conflit  résultant  des  entreprises  contre  les 
gens  de  Habsheîm  et  de  l'assignation  devant  le  tribunal  provincial, 
dont  elles  avaient  été  l'occasion  :  sont  seules  exceptées  les  poursuites 
contre  le  prévôt  de  Mulhouse. 

De  leur  côté,  les  bourgeois  s'engageaient  à  servir  le  duc  et  à  lui 
tenir  la  ville  ouverte,  si  ce  n'est  contre  l'Empire,  en  tant  qu'ils  lui 
étaient  obligés,  à  charge  de  réciprocité  dans  les  places  autri- 
chiennes, si  on  leur  cause  du  dommage  ou  si  on  les  offense  à  tort. 

C'était  un  traité  en  bonne  forme  qu'une  contre-lettre  de  la  ville 
rendit  synallagmatique  et,  pour  ne  pas  laisser  de  doute  sur  la  nature 
du  lien  qui  les  assujettissait  au  duc  d'Autriche,  ils  durent  se  sou- 
mettre à  lui  payer,  sous  forme  de  droit  de  protection,  une  redevance 
annuelle  de  400  quartaux  d'avoine  *. 

Cependant  Bernard  de  Bebelnheim,  muni  des  actes  que  la  ville 
avait  réclamés  avec  tant  d'instance,  avait  repris  le  chemin  de  l'Alsace. 
Il  était  à  court  d'argent  et,  à  son  passage  à  Haguenau,  il  dut  laisser 
à  Henselin,  l'hôtelier  de  la  Charrue,  sa  cuirasse  en  nantissement  pour 
obtenir  une  avance  de  onze  florins  d'or,  ou  500  francs  au  pouvoir 
actuel  de  l'argent  :  à  son  retour  à  Mulhouse,  le  30  mai,  il  en  donna 
reçu  en  s'engageant  à  rembourser  la  somme  à  la  Saint-Jean  pro- 
chaine. L'écuyerFritschmannd'Uzach  et  le  greffier  Georges  d'Ahrwil- 
1er  scellèrent  cette  pièce  en  qualité  de  cautions  ^.  Mais  déjà  avant  de 

1.  Cartulaire  de  Mulhouse,  n*  417. 

2.  Ibidem,  n*  419.  Cf.  charte  encore  inédite  du  Cartulaire,  da  28  nov.  1409. 

3.  Archives  de  Golmar.  U.  Familles  nobles. 


BEENAED  DE  BEBELNHBIlf.  95 

son  frère  Jean  von  der  Weitenmule  et  Eberhard  de  Ramberg  avaient 
lancée  contre  la  ville,  et  à  la  suite  de  laquelle  des  bourgeois  de  Mul- 
house avaient  été  retenus  prisonniers  ^ 

Aux  termes  du  compromis  du  29  août,  les  villes  impériales  devaient 
rendre  leur  sentence  jusqu'à  la  Saint-Michel  ou  au  plus  tard  jusqu*à 
la  mi-octobre.  L'accommodement  se  Ot  à  Sélestadt,  le  9  octobre,  par 
la  médiation  des  députés  de  Haguenau,  de  Colmar,  de  Sélestadt,  de 
Wissembourg,  d'Obernay,  de  Munster,  de  Kaysersberg,  deRosheim, 
de  Tûrkheim  et  de  Seltz.  En  voici  les  conditions  : 

4^  Les  deux  parties  vivront  dorénavant  en  bonne  intelligence, 
nonobstant  leur  querelle  passée  et  les  causes  qui  Pavaient  amenée  ; 

2*  Thierry  von  der  Weitenmule  observera  rigoureusement  le  com- 
promis souscrit  par  lui  envers  la  ville  de  Mulhouse,  tant  en  ce  qui 
le  touche  personnellement  qu'en  ce  qui  concerne  le  roi  des  Romains, 
Bertelin  de  Wunnenberg  et  Henri  de  Reguisheim,  la  détention  subie 
par  des  bourgeois  de  Mulhouse  et  les  entreprises  hostiles  de  son  frère 
Jean,  d'Eberhard  de  Ramberg  et  de  leurs  alliés^. 

Du  reste,  entre  le  compromis  et  la  sentence  arbitrale,  Thierry  avait 
momentanément  cessé  de  remplir  les  fonctions  de  grand  bailli  ;  il  avait 
été  remplacé  par  le  comte  Frédéric  de  Linange,  qui  se  Ût  reconnaître, 
le  44  septembre,  par  le  magistrat,  le  conseil  et  les  bourgeois  de  Mul- 
house pour  son  successeur  ^. 

Les  démêlés  de  la  ville  avec  Thierry  von  der  Weitenmule  eurent 
un  épilogue.  Henri  de  Reguisheim  ne  semble  pas  avoir  gardé  la  paix 
où  l'ancien  grand  bailli  l'avait  fait  comprendre.  Il  continua  à  guer- 
royer sur  les  grandes  routes,  en  poussant  des  pointesjusqu'aux  con- 
fins des  pays  de  langue  française.  Dans  une  de  ces  expéditions,  il^ 
tomba  entre  les  mains  de  Pyrryn  de  Trifeler,  d'Henri  de  Liviron, 
de  Jean  Jaquemait  de  Lanans,  de  Bernard  de  Hirzbach  et  d*Henri 
Hohermuot  qui  le  retinrent  prisonnier.  Cette  incursion  dans  le  comté 
de  Bourgogne  n'avait  été  qu'un  des  intermèdes  de  la  guerre  qu'il 
s'acharnait  à  faire  à  la  ville  de  Mulhouse.  Celle-ci  le  sachant  pris 
jugea  l'occasion  favorable  pour  en  finir  avec  lui.  Elle  entra  en  négo- 
ciation avec  ceux  qui  l'avaient  réduit  en  captivité  et,  moyennant  le 
paiement  d'une  somme  d'argent  non  déterminée,  elle  obtint  que  le 
prisonnier  lui  fût  remis.  Mais  Pyrryn  de  Trifeler  et  ses  compagnons 
ne  voulaient  pas  la  mort  du  pécheur,  et  la  ville  dut  s'engager  par 
des  reversales,  datées  du  23  août  4400  et  scellées  du  chevalier  Jean 


1.  CariuUOre  de  Mulhouse,  n*  426. 

2.  Ibidem,  n*  428. 

3.  llHdem,  n*  427. 


94  MÉLANGES  ET  DOCUlfEIVTS. 

les  rentes^  cens  et  émoluments  qui  forment  la  compétence  de  la  pré- 
vôté. Une  lettre  particulière  du  premier  secrétaire  Wlachnik.  von  der 
Weitenmùle,  en  date  du  5  mai,  fit  part  de  cette  réparation  au  comte  de 
Linange,  grand  bailli  d'Alsace,  en  l'invitant  à  y  tenir  la  main  V  et  Ton 
en  peut  inférer  que  raccommodement  avec  Thierry  von  der  Weiten- 
mùle  eut  précisément  pour  effet  la  restitution  de  la  prévôté  à  Bernard 
de  Bebelnheim.  Il  faut  sans  doute  rattacher  au  même  incident  une 
obligation  souscrite  le  27  septembre,  à  son  profit,  par  le  même 
Thierry,  qui  reconnaît  lui  devoir  et  s'engage  à  lui  payer  en  trois 
termes  la  somme  de  cent  cinquante  florins,  pour  laquelle  il  était 
devenu  son  débiteur,  par  suite  de  Taffaire  qu'ils  avaient  eue 
ensemble  et  qui  avait  été  arrangée  devant  le  maître  et  le  conseil  de 
Strasbourg.  A  titre  de  garantie,  il  se  fit  cautionner  par  ce  même 
chevalier  Nicolas  de  Haus,  que  nous  avons  vu^  en  qualité  de  grand 
bailli,  au  service  du  duc  d'Autriche,  et  par  son  propre  frère  Jean  von 
der  Weitenmûle  :  comme  toujours,  en  cas  de  non  paiement,  le  débi* 
teur  et  ses  deux  garants  s'engageaient  à  fournir  chacun  un  varlet 
avec  son  cheval,  comme  otage^  dans  une  hôtellerie  de  Colmar,  jusqu'au 
complet  amortissement  de  la  créance;  sinon  le  créancier  était  auto- 
risé à  prendre  son  recours  contre  les  uns  et  contre  les  autres,  par 
voies  de  droit  ou  par  voies  de  fait^. 

Un  conflit  de  ce  genre  ne  pouvait  pas  laisser  Mulhouse  en  dehors 
de  son  action.  La  ville  se  trouva,  elle  aussi,  aux  prises  avec  le  grand 
bailli  de  l'Empire  Thierry  von  der  Weitenmûle,  qui,  en  tout  autre 
temps,  aurait  été  tenu  de  la  couvrir  de  sa  protection.  Les  anciens 
fauteurs  de  querelles,  Bertelin  de  Wunnenberg  et  Henri  de  Reguis- 
heim,  furent  également  de  la  partie,  et  la  lutte  ne  cessa  qu'à  la 
suite  d'une  saisie  extra-judiciaire  des  gens  de  Mulhouse  à  Staflelfel- 
den,  où  ils  enlevèrent  les  chevaux  de  leur  adversaire.  Pour  en  obte- 
nir la  restitution,  Thierry  von  der  Weitenmûle  s'engagea,  par  un  com- 
promis en  date  du  29  août  4399,  à  suspendre  les  hostilités,  à  soumettre 
le  litige  au  jugement  des  villes  impériales,  en  promettant,  au  nom 
du  roi  des  Romains  comme  au  sien,  de  ne  pas  employer  d'autre 
moyen  pour  le  redressement  de  ses  griefs.  En  même  temps,  à  moins 
d'y  être  autorisé  par  les  villes  impériales,  il  déclara  renoncer  à  prê- 
ter aide  ou  conseil  à  Bertelin  de  Wunnenberg  et  à  Henri  de  Réguis- 
heim,  à  leur  donner  refiige,  à  les  prendre  à  sa  suite,  tant  qu'ils  ne 
se  seront  pas  accommodés  avec  Mulhouse.  Enfin  il  annula  la  décla- 
ration de  guerre  que,  comme  alliés  de  Wunnenberg  et  de  Réguisheim, 

1.  Cariulaire  de  MtUhousef  deax  chartes  encore  inédites. 

2.  Ibidem. 


BBENARD   DE  BEBELNHEIlf.  95 

son  frère  Jean  von  der  Weitenmule  et  Eberhard  de  Ramberg  avaient 
lancée  contre  la  ville,  et  à  la  suite  de  laquelle  des  bourgeois  de  Mul- 
house avaient  été  retenus  prisonniers  ^ 

Aux  termes  du  compromis  du  29  août,  les  villes  impériales  devaient 
rendre  leur  sentence  jusqu'à  la  Saint-Michel  ou  au  plus  lard  jusqu'à 
la  mi-octobre.  L'accommodement  se  Ht  à  Sélestadt,  le  9  octobre,  par 
la  médiation  des  députés  de  Haguenau,  de  Colmar,  de  Sélestadt,  de 
Wissembourg,  d'Obernay,  de  Munster,  de  Kaysersberg,  deRosheim, 
de  Turkheim  et  de  Seltz.  En  voici  les  conditions  : 

4^  Les  deux  parties  vivront  dorénavant  en  bonne  intelligence, 
nonobstant  leur  querelle  passée  et  les  causes  qui  l'avaient  amenée  ; 

2*  Thierry  von  der  Weitcnmiile  observera  rigoureusement  le  com- 
promis souscrit  par  lui  envers  la  ville  de  Mulhouse,  tant  en  ce  qui 
le  touche  personnellement  qu'en  ce  qui  concerne  le  roi  des  Romains, 
Bertelin  de  Wunnenberg  et  Henri  de  Reguisheim,  la  détention  subie 
par  des  bourgeois  de  Mulhouse  et  les  entreprises  hostiles  de  son  frère 
Jean,  d'Eberhard  de  Ramberg  et  de  leurs  alliés^. 

Du  reste,  entre  le  compromis  et  la  sentence  arbitrale,  Thierry  avait 
momentanément  cessé  de  remplir  les  fonctions  de  grand  bailli  ;  il  avait 
été  remplacé  par  le  comte  Frédéric  de  Linange,  qui  se  Ût  reconnaître, 
le  44  septembre,  par  le  magistrat,  le  conseil  et  les  bourgeois  de  Mul- 
house pour  son  successeur  ^. 

Les  démêlés  de  la  ville  avec  Thierry  von  der  Weitenmule  eurent 
un  épilogue.  Henri  de  Réguisheim  ne  semble  pas  avoir  gardé  la  paix 
où  l'ancien  grand  bailli  l'avait  fait  comprendre.  Il  continua  à  guer- 
royer sur  les  grandes  routes,  en  poussant  des  pointes  jusqu'aux  con- 
0ns  des  pays  de  langue  française.  Dans  une  de  ces  expéditions,  il  / 
tomba  entre  les  mains  de  Pyrryn  de  Trifeler,  d'Henri  de  Liviron, 
de  Jean  Jaquemait  de  Lanans,  de  Bernard  de  Hirzbach  et  d^Henri 
Hohermuot  qui  le  retinrent  prisonnier.  Cette  incursion  dans  le  comté 
de  Bourgogne  n'avait  été  qu'un  des  intermèdes  de  la  guerre  qu'il 
s'acharnait  à  faire  à  la  ville  de  Mulhouse.  Celle-ci  le  sachant  pris 
jugea  l'occasion  favorable  pour  en  flnir  avec  lui.  Elle  entra  en  négo- 
ciation avec  ceux  qui  l'avaient  réduit  en  captivité  et,  moyennant  le 
paiement  d'une  somme  d'argent  non  déterminée,  elle  obtint  que  le 
prisonnier  lui  fût  remis.  Mais  Pyrryn  de  Trifeler  et  ses  compagnons 
ne  voulaient  pas  la  mort  du  pécheur,  et  la  ville  dut  s'engager  par 
des  reversales,  datées  du  23  août  UOO  et  scellées  du  chevalier  Jean 


1.  CariuUOre  de  Mulhouse,  n*  426. 

2.  Ibidem,  n»  428. 

3.  Ibidem,  n*  427. 


96  irfLAlfGES  ET  DOCUMENTS. 

Zobel,  dit  Heber,  et  des  écuyers  Jean  d'Dlzach,  Conrad  de  Witten- 
heim  et  du  même  Bernard  de  Hirzbach  qui  avait  aidé  à  le  capturer, 
à  respecter  Henri  de  Réguisheim  dans  sa  vie  et  dans  ses  membres. 
Toutefois  elle  n'encourrait  aucune  responsabilité  s'il  mourait  de  sa 
belle  mort,  et  l'engagement  devenait  nul,  dès  qu'il  se  sera  accommodé 
avec  les  bourgeois  de  Mulhouse  :  dans  ce  dernier  cas,  les  hommes 
d'armes  qui  l'avaient  livré  devaient  être  compris  dans  le  traité  *. 

On  ignore  ce  que  Henri  de  Réguisheim  devint  dans  la  suite.  Les 
reversales  qui  le  concernaient  venaient  à  peine  d'être  souscrites  que 
Thierry  von  der  Weitenmùle  revint  à  Mulhouse  en  qualité  de  grand 
bailli  et  reçut  le  24  août  le  serment  des  bourgeois  *.  Le  comte  Fré- 
déric de  Linange  n'avait  pas  conservé  l'office  pendant  une  année 
révolue. 

IX. 

La  paix  étant  assurée  de  tous  côtés,  Bernard  de  Bebelnheîm  en 
profita  pour  vider  son  différend  avec  Henman  Lûtold,  au  sujet  des 
fiefs  de  la  mouvance  de  TEmpire  dont  il  avait  reçu  l'investiture. 
Nous  avons  vu  que,  par  une  délégation  du  48  mars  4397,  le  grand 
bailli  Emich  de  Linange  avait  commis  Henman  Rich  de  Kaysersberg 
pour  connaître  de  l'affaire. 

Il  s'agissait  de  savoir  de  qui  relevait  le  banvin  ou  gabelle  du  vin  à 
Mulhouse,  que  Bernard  revendiquait.  Quoique  la  cause  dût  être 
plaidée  devant  une  cour  des  vassaux  de  l'Empire,  ce  fut  l'official  de 
Bàlcqui  fit  les  premières  procédures.  Le  20  décembre  4399,  il  assi- 
gna à  comparaître  devant  lui,  pour  le  23  du  même  mois,  dix  bour- 
geois de  Mulhouse,  parmi  lesquels  on  remarque  le  chevalier  Jean 
Zobel  dit  Heber,  les  écuyers  Fritschman  d'Illzach  et  Conrad  Lentsch 
de  Wittenheim,  Henselin  Mùller  le  bourgmestre  et  Georges  d'Ahrwil- 
1er  le  greffier,  pour  venir  déposer  dans  l'enquête  qu'il  allait  ouvrir 
sur  l'objet  en  litige  ^. 

Ce  que  devint  cette  enquête  devant  l'official,  on  l'ignore;  seulement 
il  existe  une  constatation  scellée  par  cinq  témoins,  sur  sept  qui  y 
figurent  et  parmi  lesquels  on  reconnaît  plusieurs  des  personnages 
qui  avaient  été  appelés  devant  le  for  ecclésiastique.  De  leur  déposi- 
tion recueillie,  le  42  janvier  4400,  à  la  diligence  de  Bernard  de  Bebeln- 
heim,  il  résulte  que,  dans  le  principe,  le  banvin  de  Mulhouse  avait 

1.  Cartulaire  de  Mulhouse,  n*  432. 

2.  Ibidem^  n-  433. 

3.  Ibidem,  n*  429. 


BERNARD  DE  BEBEINHEIM.  97 

été  engagé  par  le  défunt  chevalier  Henri  Nûsse  de  Morimont,  qui  le 
tenait  en  fief  de  l'Empire,  à  Huguelin  d'Eschenzwiller,  pour  une 
somme  de  cent  trente  florins,  et  que  ce  dernier  le  donna  en  dot  à  sa 
fille  quand  elle  se  maria  avec  Henman  Liitold;  mais  il  y  a  nombre 
d'années  —  Tun  des  témoins  parle  de  cinquante  ans  —  le  chevalier 
Henri  Nûsse  ayant  eu  à  se  plaindre  des  procédés  de  Liitold  à  son 
égard,  il  off*rit  à  la  ville  de  Mulhouse  de  la  substituer  à  ce  dernier, 
en  promettant  de  lui  procurer  l'agrément  du  chef  de  l'Empire  ^ 

Ce  témoignage  n'est  évidemment  qu'une  des  pièces  du  procès,  et 
rien  ne  nous  apprend  à  laquelle  des  deux  parties  il  profita,  si  le  droit 
de  Henman  était  encore  valable  ou  si  Wenceslas  était  fondé  à  dis- 
poser du  banvin  de  Mulhouse  comme  d'un  fief  vacant.  Le  plus  curieux 
de  l'aflaire,  c'est  qu'au  cours  du  litige  il  se  produisit  encore  un  troi- 
sième prétendant,  qui  se  prévalait  du  duc  d'Autriche.  Par  une  lettre 
dMnvestiture  datée  d'Ensisheim,  i7  février  4400,  Léopold  le  Superbe 
transmit  à  Jean  de  Falkenstein,  à  charge  par  lui  de  s'acquitter  du 
devoir  féodal,  le  banvin  de  Mulhouse  avec  tous  les  autres  droits  que 
Siguili  de  Réguisheim  avait  précédemment  tenus  en  arrière-fief  des 
sires  de  Goesguen,  tels  que  le  droit  d'épave  et  le  droit  d'orpaillage 
dans  l'Aar,  depuis  Olten  jusqu'au  puits  de  Betikon,  et  générale- 
ment tous  les  autres  fiefs  de  la  mouvance  de  la  maison  d'Autriche  ^. 
Ce  dossier  ne  va  pas  plus  loin,  et  l'on  n'a  pas  même  la  satisfaction 
d'apprendre  auquel  de  ces  trois  compétiteurs,  de  Bernard  de  Bebeln- 
heim,  de  Henman  Liitold  ou  de  Jean  de  Falkenstein,  le  banvin  de 
Mulhouse  fut  définitivement  adjugé. 

Nous  approchons  enfin  du  terme  du  règne  de  Wenceslas,  qui  sera 
en  même  temps  celui  de  cette  étude.  Dans  le  reste  de  l'Empire,  son 
gouvernement  n'était  pas  autre  qu'en  Alsace,  et  tout  le  monde  était 
las  de  ce  régime  si  fertile  en  contradictions  et  en  incohérences,  où 
les  actes  du  jour  démentaient  si  souvent  ceux  de  la  veille.  Le 
6  novembre  i  400,  étant  à  Prague,  ce  prince  commit  encore,  avec  l'aveu 
de  Josse  le  Barbu,  margrave  de  Brandebourg  et  de  Moravie,  le  grand 
bailliage  d^Alsace  au  comte  Jean  de  Spanheim,  en  lui  conférant,  dans 
la  plénitude  de  sa  puissance  royale,  les  pouvoirs  les  plus  étendus  '. 
Mais  le  26  du  même  mois,  Robert,  comte  palatin  du  Rhin,  que  les 
électeurs  venaient  de  substituer  à  Wenceslas,  notifia  au  magistrat  et 


1.  Cartulaire  de  MulhousCy  n*  430. 

2.  Ibidem,  ir  431. 

3.  Ibidem,  n*  434.  Cf.  Mandement  de  Josse  le  Barbu,  du  10  novembre  1400, 
n*  435. 

ReV.  HiSTOR.  XXJl.    1"  FASC.       *  7 


98  MELANGES  ET  DOCOMB^TTS. 

au  conseil  de  Mulhouse  à  la  fois  la  déchéance  de  son  prédécesseur 
et  sa  propre  élévation  à  l'Empire  :  ne  pouvant  pas,  comme  il  y  était 
tenu,  se  rendre  de  sa  personne  en  Alsace,  il  délégua  auprès  d'eux  le 
nouveau  grand  bailli  Reinhard  de  Sickingen,  pour  recevoir,  en  son 
nom  et  en  son  lieu,  leur  serment  de  foi  et  d'hommage  *.  A  n'en  juger 
que  par  les  documents  que  nous  venons  d'analyser,  ce  changement 
de  personne  était  la  seule  solution  possible. 

En  même  temps  que  Wenceslas  redevenait  simple  roi  de  Bohême, 
Bernard  de  Bebelnbeim,  son  féal  et  son  serviteur,  son  homme  à  tout 
faire,  cessa  de  jouer  un  rôle  dans  Thistoire  de  notre  province.  Il  dis- 
parut et  tout  nous  porte  à  croire  qu'il  se  retira  à  Cohnar,  où  il  avait 
dû  recouvrer  quelque  établissement,  et  c'est  là  ce  qui  explique  la 
présence,  dans  nos  archives,  du  dossier  qui,  complété  par  les  docu- 
ments de  celles  de  Mulhouse,  nous  a  permis  de  retracer  ses  états  de 
service. 

X.  M0SSHA5!C. 


UN  DOCUMENT  INEDIT  SUR  LATOUR  D'AUVERGNE. 


Il  est  rare  qu'un  homme  très  vertueux  et  parfaitement  désintéressé 

soit  célèbre;  c'est  pourtant  le  cas  de  Latour  d'Auvergne.  Voici,  à  son 

endroit,  un  témoignage  contemporain,  inédit  et  de  première  main; 

le  style  en  est  curieux,  il  peint  l'époque. 

H.  Taot. 

Tarbes,  7  novembre  1793. 

Lettre  de  Darbault,  «  agent  vers  les  Pyrénées,  »  au  citoyen  Desforgues, 

ministre  des  affaires  étrangères. 

{Archives  des  affaires  étrangères,  registre  325,  n*  207.) 

Tandis  qu'à  Test  de  cette  frontière,  le  citoyen  Dagobert  met  en  fuite 
les  lâches  esclaves  de  Charles  Bourbon  le  Castillan,  notre  plus  cruel 
ennemi,  nous  avons  à  l'ouest  le  citoyen  soldat  Latour  d'Auvergne, 
dont  le  courage  et  la  valeur  deviennent  chaque  jour  le  sujet  de  l'entre- 
tien et  de  l'admiration  de  ceux  qui  ont  le  bonheur  d'être  ses  compa- 
gnons d'armes.  J'entendais  dire  l'autre  jour  :  f  II  est  bien  dommage 

1.  Cartulaire  de  Mulhouse^  n*  436. 


UN   DOCUMENT  IN^IT  SUR  LATOUR  D* AUVERGNE.  99 

que  ce  Latour  d'Auvergne  soit  né  d'un  sang  noble  ;  il  n'a  que  ce  défaut, 
car  du  côté  des  connaissances  militaires,  du  talent  et  du  courage  c'est 
sans  contredit  le  meilleur  officier  de  la  République.  »  On  ajoutait  que 
des  commissaires  de  la  Convention  lui  avaient  offert  le  généralat,  mais 
qu'il  Favait  refusé.  Quand  un  citoyen  par  son  mérite  parvient  à  s'atti- 
rer l'attention  de  tous,  il  n'est  pas  hors  de  propos  à  ceux  qui  le  con- 
naissent un  peu  de  dire  hautement  ce  qu'ils  en  pensent,  afin  que  le 
public  puisse  s'instruire  sur  son  compte.  Il  serait  très  malheureux  que 
la  proscription  qui  s'étend  sur  la  race  des  hommes  nobles  le  portât  à  y 
envelopper  Latour  d'Auvergne.  La  République  y  perdrait  plus  que  lui. 
Proscrit  déjà,  oublié  et  relégué  sous  la  royauté,  s'il  éprouvait  le  même 
sort  sous  l'égalité,  il  ne  lui  resterait  plus  qu'à  s'ensevelir,  et  à  cela  je 
crois  que  nos  ennemis  seuls  y  gagneraient  beaucoup. 

Ce  Latour  d'Auvergne,  que  j'ai  connu  il  y  a  onze  ans  au  camp  de 
<}ibraltar  et  à  qui  je  n'ai  parlé  que  deux  fois  dans  ma  vie,  est  le  fils 
naturel  du  duc  de  Bouillon  et  par  conséquent  le  petit-fils  du  grand 
Turenne.  Sa  mère  s'appelait  M'*«  Gorret.  Le  duc  de  Bouillon,  qui  est 
mort  il  y  a  environ  deux  ans,  avait  reconnu  son  enfant  dès  le  moment 
de  sa  naissance  ;  il  le  fit  baptiser  et  élever  avec  soin  sous  le  nom  de 
Latour  d'Auvergne-Corret;  mais  toutes  ses  protections  sous  l'ancien 
régime  ne  purent  faire  de  cet  enfant  qu'un  simple  capitaine  à  la  suite 
d'un  régiment  d'infanterie.  C'est  en  cette  qualité,  et  plus  avide  de  gloire 
que  de  récompense,  qu'il  vint  à  l'âge  de  25  ou  30  ans  comme  volontaire 
au  siège  de  Gibraltar.  La  lettre  de  son  père  dont  il  était  porteur  pour 
le  général  duc  de  Grillon  était  pleine  de  l'attendrissement  désolant  qu'il 
ressentait  de  ne  pouvoir  avancer  son  enfant,  que  l'on  refusait  en  France 
d'employer  en  aucune  part,  quoique  la  guerre  fût  déjà  commencée 
depuis  trois  ans  :  «  Placez  mon  fils,  lui  écrivait-il,  dans  le  poste  où  il 
puisse  se  faire  tuer;  c'est  la  seulegràcequeje  vous  demande  pour  lui.  » 
Les  d'Artois,  les  Bourbons  et  toute  la  jeunesse  de  l'ancienne  cour 
vinrent  à  ce  siège;  il  s'y  trouvait  aussi  quatre  régiments  français. 
Latour  d'Auvergne  fut  agrégé  par  faveur  à  une  compagnie  de  grena- 
diers. Cette  foule  d'aides  de  camp  qui  avaient  suivi  les  ci-devant  princes 
dédaignèrent  et  refusèrent  de  s'en  faire  un  camarade  ;  mais,  tandis  que 
ceux-ci  faisaient  lâchement  porter  leurs  fusils  et  leurs  armes  par  un 
domestique  lorsque  leur  tour  venait  d'aller  à  la  tranchée,  le  mâle 
et  vigoureux  Latour  d'Auvergne,  méprisant  les  chaleurs  brûlantes  de 
l'Andalousie^  se  plaçait  à  pied,  le  fusil  sur  l'épaule,  dans  le  rang  des 
grenadiers,  et  marchait  ainsi  à  la  tranchée.  Son  poste  était  toujours 
aux  ouvrages  les  plus  avancés,  et  il  ne  s'en  absentait  ni  le  jour  ni  la 
nuit  sous  aucun  prétexte  ;  un  domestique  seul  y  portait  ses  provisions. 
On  ne  le  vit  jamais  jouer  lo  rôle  de  flatteur  et  de  croquant  aux  tables 
des  généraux  ;  aussi  sobre  que  brave,  il  se  contenta  d'y  faire  son  ser- 
vice, comme  un  soldat  mercenaire.  Ce  siège  ne  réussit  pas  ;  cependant 
il  y  eut  en  France  et  en  Espagne  des  promotions  pour  tous  les  officiers 


•  •  ••  •• 

•  •  •».  •••  ••  •: 

•    •••••  •  ••; 

•  •     •••  •     • 


400  M&INGBS  ET  DOCUMENTS. 

qui  y  avaient  assisté.  Latour  d'Auvergne  fut  excepté.  Il  a\'ait  le  droit 
de  demander  à  la  cour  d'Espagne  un  grade  de  plus  que  celui  qu'il  avait 
en  France;  c'était  un  usage  alors  entre  les  deux  nations.  Il  n'éprouva 
que  des  refus,  et  ce  ne  fut  qu'un  an  après  que,  de  retour  en  France, 
on  lui  envoya  de  Madrid  la  petite  croix  de  l'ordre  de  Charles  III,  dis- 
tinction ridicule  dont  se  parent  tous  les  commis  des  bureaux  des 
ministres.  Je  l'ai  depuis  perdu  de  vue  ;  mais,  d'après  tous  ces  antécé- 
dents sur  le  commencement  de  sa  carrière  un  peu  semblable  à  celle  du 
prince  Eugène,  on  ne  doit  plus  être  surpris  de  le  voir  arriver  à  la  gloire 
sous  le  règne  de  l'égalité.  Il  n'eut  jamais  part,  quoique  petit-fils  de 
Turenne,  aux  privilèges  attachés  à  cette  race  d'hommes  que  nos  lois 
proscrivent  aujourd'hui  ;  on  pourrait  plutôt  dire  qu'il  fut  persécuté  ;  les 
faits  certains  que  je  vous  avance  semblent  le  prouver,  et  c'est  ce  qui 
m'a  engagé,  sous  plusieurs  rapports,  à  vous  les  communiquer,  pour 
prévenir  à  son  égard  la  basse  jalousie  ou  la  mauvaise  foi  de  ses  con- 
currents dont  je  crois  cependant  que  sa  modestie  saura  toujours  le 
mettre  à  l'abri. 


•  ••  .-•  • 

•  •  -  •  • 

• .  .  - 


•  • 


BULLETIN   HISTORIQUE 


FRANCE. 


Ehseigjtement  supérieur. — Nous  avons,  à  plusieurs  reprises,  signalé 
les  progrès  accomplis  dans  notre  enseignement  supérieur  depuis  que 
la  création  des  bourses  de  licence  et  d'agrégation  et  la  suppression 
du  stage  d'agrégation  ont  assuré  à  nos  Facultés  des  lettres  un  public 
assidu  d'élèves  sérieux.  Dans  une  récente  circulaire,  M.  Duvaux, 
tout  en  se  félicitant  de  ces  progrès,  indique  cependant  avec  raison  ce 
qu'il  y  a  encore  d'un  peu  étroit  et  terre  à  terre  dans  les  études  des 
élèves  des  Facultés.  La  préparation  aux  examens  y  tient  trop  de 
place,  les  études  désintéressées  et  les  préoccupations  scientifiques  y 
tiennent  une  place  trop  petite.  M.  Lavisse,  dans  une  note  placée  en 
tête  du  numéro  de  février  de  la  Revue  de  l'enseignement  supérieur, 
définit  en  termes  excellents  le  défaut  signalé  par  le  ministre  de  l'ins- 
truction publique  : 

«  La  question  se  pose  ainsi  :  L'examen,  tel  qu'il  était  au  temps  où  il 
régnait  sur  le  néant,  doit-il  régler  notre  vie  jusque  dans  ses  moindres 
détails?  Si  l'on  répond  oui,  je  répliquerai  :  Nous  n'aurons  jamais  les 
mœurs  scolaires  d'enseignement  supérieur,  car  ces  mœurs  ne  peuvent 
exister  sans  la  liberté  :  ici  nous  sommes  en  présence  d'un  grand  danger. 
Tous  ceux  d'entre  nous  qui  ont  la  pratique  de  ce  personnage  nouveau, 
qui  est  l'étudiant  en  lettres,  savent  qu'il  n'a  point  encore  l'àme  formée. 
Il  arrive  du  collège  ;  il  apporte  toutes  les  habitudes  que  Ton  y  a  et  qu'il 
faut  y  avoir;  il  est  docile  et  il  demande  à  être  conduit.  Gomme  il 
retrouve  les  mêmes  objets  d'étude,  il  est  tenté  de  ne  point  faire  de  dif- 
férence entre  les  façons  d'étudier.  Et  nous,  les  professeurs,  de  quelle 
tentation  devons-nous  nous  défendre?  De  la  tentation  de  traiter  ces 
étudiants  comme  des  collégiens,  nous  souvenant  de  ce  que  nous  faisions, 
au  temps  où  nous  étions  professeurs  dans  un  collège,  ou  de  la  façon 
dont  nos  maîtres  nous  enseignaient,  quand  nous  étions  élèves.  Les 
habitudes  antérieures  des  professeurs  s'accordent  avec  les  habitudes 
antérieures  des  élèves.  De  quelle  tentation  doit  se  défendre  à  son  tour 
l'administration  universitaire?  De  la  tentation  de  régler  les  mœurs 
scolaires  de  notre  haut  enseignement  sur  les  mœurs  de  l'enseignement 


402  BCLLBnN  HI8T0UQUB. 

secondaire,  de  nous  prescrire  la  préparation  à  des  examens,  des  cor- 
rections de  copies,  des  bulletins  mensnels  ou  trimestriels.  Tous  nous 
entrons  dans  le  nouveau  avec  des  habitudes  anciennes,  ou,  du  moins, 
nous  y  sommes  tous  portés.  Si,  par  surcroit,  nous  nous  mettions  à 
suivre,  accompagnés  de  nos  élèves,  le  chemin  tracé  et  mesuré  par 
Texamen,  la  réforme  de  notre  enseignement  supérieur  sera  chose  niû- 
sible,  et  nous  demanderons  avant  peu  que  Ton  nous  rende  les  auditoires 
de  hasard,  qui  nous  laissaient  au  moins  la  liberté  de  notre  esprit.  » 

Il  faudrait  se  garder  pourtant  d'aller  trop  vite  en  besogne;  la  pré- 
paration aux  examens  a  le  grand  avantage  de  fixer  un  prograoune 
d'études  et  de  placer  les  élèves  dans  la  dépendance  des  maîtres.  C'est 
à  ceux-ci  qu'il  appartient  de  diriger  la  préparation  des  examens  d'une 
manière  intelligente,  de  juger  les  candidats  plus  encore  d'après  leur 
capacité,  prouvée  par  les  travaux  de  toute  l'année,  que  par  le  résul- 
tat mathématiquement  évalué  des  épreuves  d'un  concours,  de  modi- 
fier même  le  caractère  des  épreuves  dans  la  mesure  assez  large  où 
cela  est  possible,  de  façon  à  provoquer  chez  les  candidats  le  travail 
personnel.  Il  faut  que  les  professeurs  acceptent  de  bon  cœur  ce  qu'il 
y  a  d'un  peu  ingrat,  d'un  peu  secondaire  dans  leur  tâche  en  consi- 
dération du  but  élevé  auquel  ils  doivent  tendre.  Il  faut  surtout  qu'ils 
ne  discréditent  pas  les  réformes  des  dernières  années  par  des  plaintes 
intéressées  ou  par  la  manière  inintelligente  et  parfois  volontairement 
inintelligente  dont  ils  les  appliquent.  On  entend  aujourd'hui  des 
hommes,  à  qui  la  science  ne  doit  ni  un  livre  ni  une  découverte  et  qui 
passaient  doucement  leur  vie  à  répéter  des  phrases  creuses  devant 
un  public  de  rentiers  et  de  jeunes  demoiselles,  se  plaindre  qu'on  les 
réduit  au  rôle  de  professeurs  de  lycée  et  qu'on  ait  abaissé  le  niveau 
de  l'enseignement  supérieur-,  on  voit  d'autres  professeurs  se  servir 
des  réformes  pour  s'assurer  un  public,  en  imposant  aux  étudiants 
les  cours  qu'ils  doivent  suivre  et  en  leur  en  imposant  un  si  grand 
nombre  qu'ils  n'ont  plus  le  temps  de  travailler  en  dehors.  Qu'on 
impose  un  minimum  de  cours,  rien  de  plus  juste  ;  mais  qu'on  laisse 
les  élèves  libres  de  suivre  les  cours  qu'ils  veulent  et  de  préférer  ceux 
des  maîtres  de  conférences  à  ceux  des  titulaires,  si  cela  leur  plaît. 
Gomme  l'indique  d'ailleurs  la  note  de  IVI.  Lavisse,  le  but  à  poursuivre 
est  moins  d'organiser  le  travail  scientifique  à  côté  des  examens  que 
de  modifier  les  examens  de  manière  à  obliger  ceux  qui  s'y  préparent 
de  recevoir  une  forte  culture  scientifique.  C'est  dans  cette  transfor- 
mation des  examens  (|ue  les  amis  des  bonnes  études  auront  peut- 
être  le  plus  d'opposition  à  vaincre.  Quant  au  conseil  donné  par  le 
ministre  aux  professeurs  de^  Facultés  de  créer  des  recueils  pério- 
diques analogues  aux  Annales  de  la  Facidté  de  Bordeaux,   nous 


FRA:ifCB.  i  03 

croyons  qu'on  aurait  tort  d'aller  trop  loin  et  trop  vite  dans  cette 
voie.  La  France  a  déjà  plus  de  recueils  d'érudition  que  ne  le  comporte 
le  nombre  des  savants  et  surtout  celui  des  lecteurs.  On  risque  de 
créer  une  série  de  revues  hybrides  où  les  travaux  superficiels  seront 
mêlés  aux  travaux  sérieux  et  qui  ne  seront  guère  lues  que  par  les 
collègues.  Lyon,  Poitiers,  Alger  ont  déjà  suivi  l'exemple  de  Bordeaux 
et  Toulouse.  Bien  que  le  premier  numéro  de  la  revue  lyonnaise  soit 
excellent  et  contienne  deux  mémoires  remarquables  de  MM.  Berlioux 
et  Bayet,  nous  ne  désirons  pas  voir  cette  épidémie  de  recueils  pério- 
diques se  propager  davantage. 

Livres  nouveaux.  Publications  de  documents.  —  M.  F.  Dbubobdb, 
dans  une  Etude  sur  la  Chronique  en  prose  de  Guillaume  le  Breton^ 
publiée  en  4884,  avait  élucidé  par  une  étude  attentive  des  manuscrits 
la  question  assez  délicate  de  la  relation  qui  existe  entre  la  chronique 
de  Rigord  et  celle  de  Guillaume.  Il  avait  prouvé  que  la  chronique  de 
Rigord  s'étend  jusqu^à  4206,.  que  Guillaume  le  Breton  a  commencé 
par  écrire  en  4245  l'histoire  des  années  4209  à  4244,  puis  y  a  ajouté 
entre  4246  et  4220  un  abrégé  de  Rigord  complété,  pour  les  années 
4207  et  4208,  par  une  continuation  due  à  un  morne  de  Saint-Denis, 
et  enfin  a  continué  lui-même  son  œuvre  jusqu'en  4249.  Nous  pos- 
sédons en  outre  une  continuation  de  Guillaume  qui  s^étend  de  4  220 
à  4222.  M.  Delaborde  était  naturellement  désigné  par  ce  conscien- 
cieux travail  pour  entreprendre  une  édition  critique  de  Rigord  et  de 
Guillaume  le  Breton,  Le  premier  volume  vient  d'en  être  publié  par 
la  Société  de  l'Histoire  de  France.  Il  contient  Rigord  et  son  continua- 
teur, l'abrégé  de  Rigord  par  Guillaume  le  Breton,  la  chronique  origi- 
nale de  Guillaume  et  la  continuation  de  4220  à  4222.  Le  texte  est 
établi  avec  soin,  les  notes  historiques,  peu  nombreuses,  sont  intéres- 
santes et  bien  choisies  ;  la  seule  critique  à  adresser  à  cette  édition^ 
c'est  que  M.  Delaborde  aurait  dû  indiquer  en  note  dans  le  texte 
de  Rigord  les  passages  non  reproduits  par  l'abrégé,  et  distinguer 
dans  le  texte  de  l'abrégé,  par  des  caractères  spéciaux^  les  passages 
ajoutés  à  Rigord.  C'était  d'autant  plus  facile  que  l'abrégé  était 
imprimé  en  caractères  plus  petits  que  la  chronique,  et  qu'il  aurait 
suffi  pour  les  passages  originaux  de  revenir  aux  caractères  ordi- 
naires ^  Le  second  volume  comprendra  la  Philippide  et  une  intro- 
duction générale. 

La  Société  de  l'Histoire  de  France  a  encore  mis  en  distribution  le 


1.  M.  D.  a  fait  cette  distinction  en  mettant  entre  crochets  les  passages 
ajoutés.  C'est  un  système  défectueux.  L'œil  ne  saisit  pas  nettement  et  du  pre- 
mier coup  la  différence. 


104  BULLCm  HISTOftlQUB. 

t.  XI  de  Brantôme,  rempli  tout  entier  par  une  table  alphabétique,  un 
chef-d'œuvre  de  patience  et  de  bonne  ordonnance,  la  première  qui  ait 
été  dressée  pour  les  œuvres  de  Brantôme  *,  le  t  III  des  Mémoires  de 
Nicolas  GotUas  qui  comprend  les  années  4649,  4650  et  4654  et  une 
notice  biographique  un  peu  maigre  *  ;  enfin  la  Relation  de  la  cour  de 
France,  en  4  690,  par  Spanheim^  publiée  par  M.  Schefee,  qui  n^est  pas 
seulement  un  orientaliste  de  grand  mérite,  mais  encore  un  bibliophile 
passionné  et  des  mieux  informés.  Son  érudition  bibliographique  ne 
lui  a  pas  épargné  la  petite  mésaventure  de  proposer  à  la  Société  de 
THistoire  de  France  comme  inédite  la  relation  de  Spanheim^  d^à 
publiée  en  Allemagne  en  4784  et  4785  par  Dohm,  dans  les  tomes  III 
et  Y  de  ses  Materialien  fiir  die  Statistik  und  neuere  Staaten  Ges^ 
chichte.  Il  n'y  avait  pas  grand  crime  à  cela,  car  le  recueil  de  Dohm 
est  peu  répandu,  et  la  relation  de  Spanheim  méritait  d'être  réim- 
primée, d'autant  plus  que  le  manuscrit  de  M.  Schefer  contenait  une 
cinquantaine  de  pages  inconnues  à  Dohm  ;  mais,  en  reconnaissant 
son  erreur  dans  son  introduction,  M.  Schefer  aurait  mieux  fait  de  la 
reconnaître  tout  simplement,  sans  prétendre  que  tous  les  biblio^ 
graphes  et  archivistes  allemands  la  partageaient,  car  la  Relation  est 
citée  dans  THistoire  universelle  de  Webcr  parmi  les  principales 
sources  pour  le  règne  de  Louis  XIV.  L'introduction  de  M.  Schefer, 
outre  une  excellente  notice  biographique  sur  Spanheim,  enrichie  de 
lettres  inédites  tirées  des  archives  de  Berlin,  contient  une  disserta- 
tion intéressante  sur  une  série  de  portraits  de  grands  personnages 
de  la  Cour  qui  se  trouvent  dans  les  manuscrits  de  Spanheim  sous  le 
titre  de  Remarques  sur  Tétatde  la  France.  M.  Gaullieur  les  avait  crus 
l'œuvre  de  Spanheim,  bien  qu'ils  soient  écrits  d'une  plume  plus 
alerte  que  sa  relation.  M.  Schefer  a  montré  qu'une  partie  de  ces  por- 
traits sont  empruntés  à  la  relation  de  l'ambassadeur  vénitien  Erizzo, 
et  que  les  autres  se  retrouvent  dans  un  recueil  publié  pour  la  pre- 
mière fois  en  4702  et  réimprimé  plusieurs  fois  depuis.  La  relation 
même  de  Spanheim,  le  grave,  sensé  et  savant  envoyé  de  l'électeur  de 
Brandebourg,  sans  nous  apprendre  rien  de  très  nouveau,  a  ce  mérite 
de  nous  fournir  une  analyse  très  consciencieuse  du  mécanisme  du 
gouvernement  de  la  France,  tracée  par  un  observateur  attentif  et 

1.  M.  A.  Callery,  qui  s'est  occupé  à  son  tour  du  sujet  abordé  par  M.  Constant, 
prépare  un  travail  étendu  sur  Coulas,  où  il  fera  entrer  les  passages  si  intéres- 
sants négligés  bien  à  tort  par  l'édition  de  la  Société  de  l'Histoire  de  France.  H 
serait  à  souhaiter  que  la  Société  chargeât  M.  Callery  de  publier  un  yolume 
complémentaire  aux  Mémoires.  Une  conférence  sur  Goulas  faite  par  M.  Callery 
au  cercle  Saint-Simon  a  montré  le  vif  et  piquant  intérêt  des  chapitres  relatifs  à 
la  jeunesse  de  Goulas  et  omis  dans  l'édition  de  M.  Constant. 


FRA?fCE.  ^05 

perspicace,  et  des  jugements  d'une  remarquable  impartialité  sur  les 
hommes  qui  y  jouaient  un  rôle  important.  L'opinion  de  Spanheîm 
sur  Louis  XIV,  sur  M"»'  de  Maintenon,  sur  le  P.  La  Chaise,  sur  Bos- 
suet,  sur  Colbert,  sur  Louvois  a  un  grand  poids  et  nous  sommes 
reconnaissants  à  M.  Schefer  de  nous  avoir  rendu  facile  Tétude  d'un 
document  historique  de  cette  importance. 

Nous  parlerons  de  VHistoire  de  Vahhaye  de  Saint-Pierre  de 
Jumièges  par  un  religieux  de  la  congrégation  de  Saint-Maur,  publiée 
par  la  Société  de  l'Histoire  de  Normandie,  quand  les  trois  volumes  et 
Tintroduction  auront  paru.  Nous  nous  contentons  aujourd'hui  de  l'an- 
noncer en  faisant  remarquer  que  l'auteur,  qui  écrivait  dans  la  der- 
nière moitié  du  xviip  siècle,  a  eu  encore  à  sa  disposition  les  archives 
de  l'abbaye  et  a  ainsi  possédé  des  renseignements  qui  ne  se  retrouvent 
plus  aujourd'hui  que  dans  son  œuvre. 

La  Société  de  rOrient  latin  a  fait  paraître  deux  nouveaux  volumes 
qui  forment  le  tome  III  de  la  série  géographique  et  le  tome  III  de  la 
série  historique.  Ce  dernier  est  consacré  aux  Testimonia  minora 
quinti  belli  sacri  et  est  publié  par  les  soins  de  M.  R.  Rœhricht  à  qui 
est  dû  déjà  l'important  recueil  des  Quinti  belli  scriptores  minores. 
Le  volume  qu'il  nous  donne  aujourd'hui  est  loin  d'offrir  le  même 
intérêt.  C'est  une  série  d'extraits,  fort  courts  en  général,  d'écrivains 
des  xip,  xiri«,  xir  et  xv«  siècles  relatifs  à  la  cinquième  croisade,  parmi 
lesquels  sept  seulement  sont  inédits,  et  sur  ces  sept  un  seul,  celui 
qui  est  tiré  des  Estoires  d'Outremer  et  de  la  naissance  Salehadin 
(Bibl.  nat.  lat.  42203),  contient  des  renseignements  importants.  On 
peut  même  se  demander  s'il  est  bien  nécessaire  de  créer  ainsi  des 
recueils  factices  d'extraits  dont  un  grand  nombre  sont  sans  valeur, 
et  s'il  ne  vaudrait  pas  mieux  réserver  les  fonds  de  la  Société  pour 
la  publication  d'ouvrages  complets  et  inédits,  et  laisser  aux  historiens 
qui  s'occupent  d'une  période  le  soin  de  rechercher  dans  les  sources 
tous  les  textes  qui  se  rapportent  à  leur  sujet.  Ce  qui  justifie  cepen- 
dant la  Société  et  M.  Roehrichl,  c'est  qu'un  très  grand  nombre  des 
extraits  reproduits  dans  ce  volume  sont  empruntés  à  des  éditions 
introuvables  de  la  fin  du  xv*  ou  du  commencement  du  xvi«  siècle,  que 
d'autres  sont  pris  dans  des  recueils  étrangers  qui  ne  se  trouvent  pas 
dans  toutes  les  bibliothèques,  et  qu'enfin  même  ceux  qui  veulent  étu- 
dier les  croisades  sans  en  écrire  l'histoire  seront  bien  aises  de  possé- 
der réunis  tous  ces  textes  épars,  empruntés  aux  auteurs  flamands, 
hollandais,  français,  allemands,  Scandinaves,  italiens,  espagnols, 
hongrois  et  latins  d'Orient.  Il  ne  faut  pas  oublier  que  la  Société  de 
rOrient  latin  se  propose  de  fournir  une  sorte  de  supplément  au 
Recueil  des  Historiens  des  Croisades  entrepris  par  l'Institut,  préci- 


406  BULLBTI!!  HISTORIQUE. 

sèment  en  éditant  les  textes  courts  ou  secondaires  qui  ne  peuvent 
entrer  dans  cette  grande  collection.  Le  troisième  volume  de  la  série 
géographique  est  rempli  par  des  Itinéraires  à  Jérusalem  et  des  Def- 
criptions  de  la  Terre  Sainte  rédigés  en  français  aux  xi*,  xn*  et  xm»  s. 
Les  textes  ont  été  établis  par  MM.  Michelant  et  G.  Raynaud;  la  pré- 
face est  due  à  M.  Riant  qui  les  a  réunis  et  critiqués.  Plusieurs  de  ces 
documents  sont  inédits  :  je  citerai  en  particulier  la  liste  des  évèchés 
dépendant  des  patriarcats  de  Jérusalem  et  d'Antioche,  tirée  d'un 
manuscrit  de  Berne,  un  texte  des  Pèlerinages  por  aUr  en  Jérusa- 
lem^ trouvé  à  Cheltenham  par  M.  P.  Meyer,  les  Pèlerinages  et  Par- 
douns  de  Acre  tirés  d'un  manuscrit  de  Londres.  Réunis,  les  quatorze 
documents  que  contient  ce  volume  offrent  un  réel  intérêt,  mais  on 
ne  peut  s'empêcher  de  regretter  parfois  Tabsence  de  notes  explica- 
tives, très  justifiée  d  ailleurs  dans  le  plan  de  la  Société. 

M.  Thuasne  rend  un  véritable  service  à  Thistoire  de  l'Église  et  à 
l'histoire  de  la  Renaissance  en  entreprenant  de  publier  un  texte  com- 
plet et  critique  du  fameux  Diarium  de  Burchard  (Leroux).  L'édition 
d'Eccard  est  des  plus  fautives  et  celle  que  M.  Gennarelli  avait  com- 
mencée à  Florence  en  4854  est  à  la  fois  incomplète  et  incorrecte. 
L'édition  de  M.  Thuasne  comprendra  trois  volumes.  Le  premier 
s'étend  jusqu'à  la  fin  du  pontificat  d'Innocent  VIII  (4492)  et  est  com- 
plété par  un  intéressant  appendice  composé,  en  majeure  partie,  des 
dépêches  des  ambassadeurs  florentins.  Il  sufQt  de  comparer  quelques 
pages  de  l'édition  Thuasne  avec  les  pages  correspondantes  de  l'édi- 
tion Gennarelli  pour  reconnaître  combien  cette  nouvelle  publication 
était  nécessaire  pour  rendre  à  l'œuvre  de  Burchard  sa  vraie  physio- 
nomie. Ceux  qui  sur  la  foi  de  quelques  extraits  scandaleux  se  l'ima- 
ginent comme  un  chroniqueur  médisant,  un  Tallemant  des  Réaux 
pontifical ,  seront  très  étonnés  de  trouver  en  lui  un  irréprochable 
maître  des  cérémonies,  un  greffier  scrupuleux  et  impassible  qui  enre- 
gistre tout  ce  qui  se  passe  à  la  cour  pontificale  sans  éprouver  ni 
étonnement,  ni  admiration,  ni  scandale.  Son  témoignage  est  non  seu- 
lement impartial,  il  est  presque  inconscient;  dans  la  régularité  méca- 
nique do  ses  fonctions  domestiques,  il  a  si  bien  pris  l'habitude  d'agir 
sans  juger  et  de  regarder  sans  apprécier,  qu'il  semble  avoir  perdu 
toute  individualité.  C'est  un  enregistreur  automatique.  Si  ce  qu'il 
enregistre  laisse  une  impression  qui  n'est  ni  édifiante  ni  religieuse, 
la  faute  en  est  non  à  lui,  mais  à  ce  qu'il  voit\  D'ailleurs  la  descrip- 


1.  Il  Tient  de  paraître  une  nouvelle  apologie  des  Borgia  :  Le  Procès  des 
Borgia,  par  le  comte  de  Maeicouht  (Paris  et  PoiUers,  Oudin).  Ce  livre,  écrit 
sur  un  mode  plaisant,  ne   fait  que  rééditer  une  partie  des  arguments  du 


FRANCE.  407 

Uon  de  la  vie  extérieure  de  la  cour  pontificale  occupe  la  plus  grande 
partie  de  son  journal  -,  la  lecture  est  loin  d'en  être  récréative  pour 
ceux  qui  n'y  apportent  pas  une  curiosité  d'historiens  ou  d'archéo- 
logues. Nous  ne  pourrons  juger  déflnitiveraent  l'édition  de  M.  Thuasne 
que  lorsque  nous  posséderons  le  texte  complet  et  l'introduction  \ 
mais  nous  regrettons  qu'il  ait  été  dans  ses  notes  si  parcimonieux  de 
rapprochements  entre  les  divers  manuscrits.  La  question  si  impor- 
tante de  l'authenticité  do  toutes  les  parties  du  texte  de  Burchard  ne 
peut  être  élucidée  que  par  une  collation  attentive  des  mss.  Cette  col- 
lation peut  seule  déterminer  si  le  journal  de  Burchard  a  été  ou  non 
interpolé. 

Sous  le  titre  :  les  Anciennes  corporations  à  Bourges,  M.  Toobeau 
DB  Maisonnedve  a  publié  (Bourges,  Pigelet  et  Tardy)  un  «  Cayer  des 
règlements  et  ordonnances  sur  plusieurs  estats  et  mestiers  de  per- 
sonnes demourantes  en  la  ville  et  fauxbourgs  de  Bourges,  4564- 
4563.  »  La  préface  est  sans  importance,  mais  le  texte  est  fort  inté- 
ressant pour  l'histoire  de  l'organisation  industrielle  au  xvi*  s. 

Le  2*  vol.  du  recueil  des  Continuateurs  de  Loret,  préparé  par  feu 
le  baron  J.  de  Rothschild  et  publié  par  son  ami  M.  E.  Picot  (D.  Mor- 
gand),  contient  le  second  semestre  de  4666  et  l'année  4667.  Sauf 
42  lettres  de  Mayolas,  le  volume  est  occupé  tout  entier  par  la  Muse 
de  la  cour  et  la  Mme  dauphine  de  Perdou  de  Subligny  qui  s'arrête 
le  7  avril  4667  (supprimée  par  La  Reynie,  suppose  M.  Picot),  et  par 
les  lettres  en  vers  de  Robinet.  Soit  au  point  de  vue  des  nouvelles  de 
la  guerre  (guerre  de  la  France  contre  l'Angleterre,  guerre  de  dévolu- 
tion, siège  de  Candie,  etc.) ,  soit  au  point  de  vue  des  nouvelles  littéraires 
ou  de  la  vie  sociale,  ces  gazettes  ont  un  réel  intérêt  et  méritent  d'être 
consultées  par  les  historiens  au  même  titre  que  la  Gazette  de  Hollande 


p.  Leonetti.  U  suffit  pour  juger  la  compétence  et  l'impartialité  de  l'auteur  de 
lire  ce  qu'il  dit  des  sources  de  l'histoire  d'Alexandre  VI  et  en  particulier  de 
Burchard.  D'après  lui  le  Diarium  de  Burchard  n'est  connu  que  par  des  manus- 
crits tirés  des  bibliothèques  protestantes  et  a  été  révélé  par  Leibnitz  à  qui  un 
protestant  français  le  communiqua  en  1636  à  Hanovre  ;  enfin  il  nie  que  le  ms. 
du  Vatican  soit  un  ms.  original.  —  Or  Leibnitz  est  né  en  1646,  dix  ans  après 
la  date  où  il  aurait  connu  à  Hanovre  le  Diarium.  Denis  Godefroid  en  1649,  son 
fils  en  1684,  Rinaldi,  mort  en  1670,  dans  ses  Annales,  en  avaient  donné  des 
extraits  bien  avant  que  parussent  en  1696  les  extraits  tirés  par  Leibnitz  de  la 
Bibliothèque  de  Wolfcnbuttel.  Les  seuls  manuscrits  complets  qui  soient  connus 
sont  ceux  de  Paris,  de  Florence  et  de  Rome  (Bibl.  Chigi).  Enfin  le  ms.  du 
Vatican  qui  a  été  vu  par  Bréquigny,  et  autrefois  coté  104,  doit  être  l'original  ; 
sans  cela  on  no  s'expliquerait  pas  que  la  communication  en  ait  été  refusée  à 
M.  Thuasne. 


408  BULLETIN  HISTORIQUE. 

OU  la  Gazette  de  France.  Subiîgny  était  d'ailleurs  homme  d'esprit  et 
ses  anecdotes  sont  souvent  fort  joliment  contées. 

M.  F.  Rayaisson  vient  de  nous  donner  un  XIV*  v.  des  Archives  de 
la  Bastille,  4726-1737  (Durand  et  Pedone-Lauriel),  qui  est  surtout 
intéressant  par  les  pièces  relatives  aux  jansénistes  et  aux  protestants. 
A  côté  des  abus  de  pouvoir  et  des  iniquités  révoltantes  que  mettent 
au  jour  les  documents  publiés  par  M.  Ravaisson,  on  est  obligé  de  recon- 
naître qu'au  point  de  vue  de  la  répression  de  certains  scandales  le  sys- 
tème des  lettres  de  cachet  pourrait  paraître  défendable,  et  quand  on 
voit  certains  ouvrages  qui  s'étalent  aiyourd'hui  aux  vitrines  des 
libraires,  on  se  prendrait  à  regretter  l'existence  de  la  Bastille,  si  l'on 
ne  se  rappelait  qu'une  bonne  partie  des  livres  qui  nous  empoisonnent 
aujourd'hui  ne  sont  que  des  réimpressions  d'œuvres  du  XYiir*  s. 

Moyen  âge.  —  Il  y  a  un  an  que  M.  d'Arbois  de  Jubaixyille  ouvrait 
le  cours  de  langue  et  littérature  celtiques  créé  au  Collège  de  France, 
et  il  nous  apporte  déjà  le  fruit  de  ses  travaux  et  de  son  enseignement 
dans  le  premier  volume  d'un  Cours  de  littérature  celtique  intitulé  : 
Introduction  à  l'étude  de  la  littérature  celtique  (Thorin).  Pour  la 
plupart  des  lecteurs  ce  livre  sera  une  révélation.  L'originalité  du 
point  de  vue  de  M.  d'Arbois  consiste  à  chercher  l'explication  et  le 
commentaire  des  institutions  gauloises,  sur  lesquelles  nous  avons 
des  renseignements  très  fragmentaires,  dans  les  institutions  de  Tan- 
cienne  Irlande  pour  laquelle  nous  possédons  une  riche  littérature 
dont  une  grande  partie  est  encore  inédite  et  dont  les  parties  éditées 
ne  sont  guère  connues  en  dehors  d'un  cercle  très  restreint  de  savants 
spéciaux.  Dans  un  livre  très  fortement  documenté,  mais  en  même 
temps  d'une  lecture  facile  et  attachante,  il  a  étudié  successivement  la 
diffusion  de  la  race  et  de  la  langue  celtiques  en  Europe,  ce  qu'il  faut 
entendre  par  les  mots  :  littérature  celtique,  et  enfin  les  trois  classes 
lettrées  chez  les  Celtes,  les  bardes  poètes  et  musiciens,  les  druides 
prêtres,  magiciens,  devins  et  professeurs,  constituant  en  Gaule,  mais 
non  en  Irlande,  un  corps  judiciaire,  enfin  les  file  d'Irlande,  ana- 
logues aux  cubages  ou  ouateis  de  Gaule,  mais  jouant  un  rôle  bien 
plus  important,  car  ils  ne  sont  pas  seulement  devins,  il  sont  aussi 
des  juges  doués  d'un  pouvoir  surnaturel,  et  des  conteurs  dont  les 
œuvres  ont  formé  toute  la  littérature  épique  de  l'Irlande.  Rien  n'est 
plus  intéressant  que  les  extraits  et  les  nombreux  exemples  empruntés 
par  M.  d'Arboisàcette  littérature  épique  qui  nous  montre  les  anciennes 
mœurs  du  paganisme  celtique  survivant  dans  l'Irlande  chrétienne  et 
y  formant  une  société  d'une  originalité  incomparable.  Nous  recom- 
mandons surtout  aux  historiens  la  leçon  d'ouverture  qui  sert  d'intro- 
duction au  volume  et  où  se  trouve  l'exposé  le  plus  clair  qui  ait  encore 


FRANCE.  409 

été  fait  de  Textension  de  la  race  œltique  dans  l'Europe  centrale,  et 
une  critique  fort  judicieuse  des  termes  employés  par  les  historiens 
anciens  pour  désigner  les  Geltes,  puis  les  renseignements  sur  la 
noblesse  en  Irlande,  sur  le  pouvoir  judiciaire  des  file,  et  sur  les 
écoles  d'Irlande  aux  vi«,  vii^  et  vni«  s.  Le  ch.  ix  du  1.  VU  consacré 
à  ce  dernier  sujet  a  une  grande  importance  pour  l'histoire  littéraire 
de  l'Europe  au  moyen  âge. 

Temps  moderxes.  —  Bien  qu'un  peu  touffue  et  confuse,  VÉtude 
historique  et  littéraire  sur  Agrippa  d'Aubigné  publiée  par  M.  E. 
RéiuuE  (V^«  E.  Belin  et  fils)  sera  lue  avec  intérêt.  MM.  Réaume  et 
Gaussade  ont  commencé  à  la  libr.  Lemerre  une  édition  des  Œuvres 
complètes  d'A.  d'Aubigné  où  ont  pris  place  des  lettres,  poèmes  et 
mémoires  inédits  tirés  de  la  bibliothèque  Tronchin,  à  Bessinges,  près 
Genève,  mais  où  ne  figure  malheureusement  pas  la  plus  remarquable 
des  œuvres  du  vieux  huguenot,  l'Histoire  universelle.  M.  Réaume  ne 
s'en  console  pas,  non  plus  que  nous,  et  il  a  porté  à  un  autre  éditeur 
l'Étude  biographique  et  littéraire  qui  devait  être  le  couronnement  des 
œuvres  complètes.  La  biographie  proprement  dite  est  d'une  lecture 
un  peu  difficile,  car  M.  Réaume,  s'imaginant  que  les  lecteurs  con- 
naissent les  faits  aussi  bien  que  lui,  y  fait  allusion  plutôt  qu'il  ne 
les  raconte  ;  l'étude  littéraire  est  plus  intéressante  par  les  citations 
qui  y  sont  faites  soit  des  jugements  d' Agrippa  sur  ses  contemporains, 
soit  des  jugements  portés  au  xvn^  et  au  xviii*  s.  sur  lui,  que  par  les 
appréciations  de  M.  Réaume  lui-même  *,  mais  les  chapitres  qui  sont 
consacrés  au  caractère  et  à  l'autorité  historique  de  d'Aubigné  ont  une 
réelle  valeur.  M.  Réaume  juge  son  héros  sans  parti  pris  d'admiration, 
et,  comme  il  a  vécu  pendant  longtemps  dans  son  intimité,  il  nous 
montre  un  d'Aubigné  plus  aimable,  plus  large  d'esprit  et  plus  géné- 
reux de  caractère  que  celui  qu'on  se  figure  d'ordinaire. 

La  lecture  des  t.  II  et  III  de  l'ouvrage  de  M.  Michaud  sur  Louis  XIV 
et  Innocent  XI  (Charpentier)  n'a  point  modifié  le  jugement  que  nous 
avions  porté  sur  le  -1"  vol.  Les  documents  recueillis  par  M.  Michaud 
sont  d'un  très  grand  prix,  mais  il  était  difficile  de  les  mettre  en  œuvre 
d'une  manière  plus  maladroite.  Il  est  très  vrai,  comme  M.  Michaud 
le  fait  remarquer  dans  la  lettre  que  nous  publions  plus  loin,  qu'il 
a  prévenu  dans  sa  préface  les  lecteurs  du  caractère  incomplet  de  sa 
publication,  mais  il  n'en  est  pas  moins  vrai  qu'il  a  eu  tort  de  lui 
donner  le  caractère  d'un  travail  élaboré  et  personnel  alors  qu'il  ne 
mettait  en  œuvre  qu'une  seule  catégorie  de  documents,  et  surtout  de 
tirer  presque  à  chaque  chapitre  de  ces  documents  des  conclusions  sur 
ou  plutôt  contre  Innocent  XI  et  ses  ministres.  Il  n'est  pas  permis  de 
prononcer  un  verdict  en  n'écoutant  que  les  seuls  témoins  à  charge. 


440  BULLETIN  HISTORIQUE. 

Or  c'est  ce  que  fait  à  chaque  instant  M.  Michaud  et  ce  qu'ont  fait 
après  lui  les  critiques  superficiels  qui  ont  cherché  dans  son  livre  des 
armes  de  polémique  plus  que  des  documents  historiques.  Parce  que 
j'ai  trouvé  cette  méthode  peu  scientifique,  peu  s'en  faut  que  M.  Michaud 
ne  m'accuse  de  manquer  de  patriotisme  ;  pour  un  peu  il  me  traiterait 
d'ultramontain.  Je  n'ai  jamais  nié  la  valeur  des  dépêches  des  agents 
de  Louis  XIV,  je  prétends  simplement  qu'il  est  injuste  déjuger  Inno- 
cent XI  d'après  ces  seules  dépêches  et  sans  tenir  compte  des  témoi- 
gnages des  partisans  de  là  curie.  Je  n'ai  aucune  répugnance  à  croire 
que  le  cardinal  Cibo  et  le  cardinal  Casoni  étaient  de  purs  coquins,  ou 
qu'Innocent  XI  était  un  vieillard  borné,  intrigant  et  avare,  mais  je 
tiens,  avant  de  l'afQrmer,  à  me  renseigner  auprès  d'autres  garants 
que  le  duc  d'Estrées  ou  surtout  M.  de  Lavardin.  Je  me  permets  de 
douter  de  l'impartialité  ou  même  de  la  bonne  foi  parfaite  de  gens  qui 
proposent  de  mutiler  un  monument  dans  une  église  en  faisant  croire 
que  les  Romains  sont  les  auteurs  de  la  mutilation  ou  d'enlever  un 
cardinal  pendant  qu'il  est  chez  sa  maîtresse  et  de  le  faire  disparaître. 
M.  Michaud  a  beau,  dans  l'introduction  du  t.  II,  déclarer  «  que  son 
ouvrage  n'est  nullement  personnel,  qu'il  ignore  tout  parti  pris,  que 
les  passions  du  jour  n'ont  aucune  prise  sur  lui,  »  il  suffit  d'ouvrir 
son  livre  pour  voir  combien  ses  prétentions  sont  peu  justifiées.  Il 
n'y  a  pour  ainsi  dire  pas  un  seul  acte  de  la  politique  pontificale  où 
il  ne  voie  des  intentions  perverses,  pas  un  acte  des  agents  de  Louis  XIV 
qu'il  n'approuve  ou  n'excuse,  à  moins  toutefois  que  ce  ne  soient  des 
actes  favorables  à  la  papauté.  Il  y  a  deux  chapitres  intitulés  :  «  Fautes 
de  Louis  XIV,  »  et  «  Fautes  de  ses  ministres.  »  On  n'y  trouve  abso- 
lument que  des  reproches  adressés  à  la  condescendance,  aux  égards, 
à  la  faiblesse  de  Louis  XIV  et  de  ses  agents  ;  il  ne  semblerait  pas  que 
jamais  ils  aient  été  violents,  déloyaux  ou  rusés.  Enfin,  ce  qui  est 
caractéristique,  toutes  les  fois  qu'il  s'agit  des  gallicans  M.  Michaud 
dit  :  le  parti  gallican  ;  quand  il  s'agit  des  oiltramontains,  il  dit  :  la 
cabale  ultramontaine.  Est-ce  là  une  preuve  évidente  de  l'absence 
de  tout  parti  pris  ?  Au  point  de  vue  de  la  distribution  des  matières, 
les  défauts  du  premier  volume  se  retrouvent  dans  les  suivants.  Nous 
commençons  par  voir  la  politique  d'Innocent  XI  avec  l'Espagne, 
l'Empire,  la  Pologne,  la  Russie,  l'Angleterre;  puis  viennent  une 
série  de  chapitres  sur  les  différents  agents  de  Louis  XIV  à  Rome, 
sur  les  agents  du  pape  à  Paris,  sur  les  principaux  représentants  du 
parti  gallican  et  du  parti  ultramontain  ;  un  chapitre  spécial  est  con- 
sacré à  l'évêque  Le  Camus;  au  t.  III  nous  étudions  l'affaire  des  fran- 
chises, l'affaire  de  l'Électorat  de  Cologne,  l'affaire  de  la  Régale  dans 
ses  rapports  avec  les  assemblées  du  clergé  de  4684  et  de  4G82,  puis 


FRANCE.  m 

les  mêmes  assemblées  du  clergé  indépendamment  de  la  régale  ;  enfin 
çà  et  là  sont  intercalés  des  chapitres  intitulés  :  Notes  sur  quelques  car- 
dinaux, Fautes  de  Louis  XIV,  Fautes  des  ministres,  Innocent  XI  et  sa 
politique  révolutionnaire.  De  ce  morcellement  des  questions,  de  cette 
étude  de  la  politique  pontificale  qui  reprend  chaque  fois  la  série 
chronologique  des  événements  tantôt  à  un  point  de  vue  tantôt  à  un 
autre,  résulte  pour  Tesprit  une  incroyable  confusion.  Nulle  part  on 
ne  saisit  le  lien,  pourtant  très  étroit,  qui  relie  toutes  les  parties  de  la 
politique  d'Innocent  XI  et  qui  seul  peut  faire  comprendre  son  atti- 
tude dans  les  diverses  affaires  où  il  a  été  mêlé.  Toutes  les  affaires 
sont  toujours  présentées  comme  de  petites  intrigues  particulières 
tandis  qu'il  s*agit  presque  toujours  de  politique  générale.  Je  ne  parle 
même  pas  de  la  malveillance  constante  avec  laquelle  sont  interprétées 
toutes  les  démarches  du  pape.  Malgré  ces  très  graves  défauts,  malgré 
la  lourdeur  et  Tincorrection  du  style  qui  ajoutent  encore  à  l'impres- 
sion confuse  et  pénible  qui  résulte  de  la  lecture  de  ces  volumes,  ils 
n'en  renferment  pas  moins  des  renseignements  et  des  documents  de 
la  plus  haute  valeur.  Les  chapitres  vi  à  xvii  du  t.  II,  où  M.  Michaud 
étudie  les  agents  du  pape  et  du  roi  et  les  forces  respectives  des  deux 
partis,  ultramontain  et  gallican,  qui  ont  plus  d'unité  que  le  reste  de 
l'ouvrage  et  qui  forment  comme  une  étude  à  part  très  fouillée  et  très 
complète,  sont  d'un  puissant  intérêt  et  nous  apportent  une  foule  de 
renseignements  nouveaux. 

M.  Ch.  AuBERTiN  a  consacré  un  petit  volume  à  un  sujet  fort  impor- 
tant :  l'Éloquence  politique  et  parlementaire  en  France  avant  4789 
(V^«  E.  Belin  et  fils).  Bien  qu'un  peu  superficiel,  ce  livre  se  lit  avec 
plaisir  et  les  chapitres  sur  Téloquence  parlementaire  au  xvii^  s.,  en 
particulier  pendant  la  Fronde,  sont  bien  étudiés  et  contiennent  même 
des  détails  inédits  qui  font  revivre  les  débats  orageux  du  parlement 
de  Paris  pendant  la  minorité  de  Louis  XIV.  Malheureusement  le  der- 
nier chapitre,  consacré  au  xviir  s.,  est  très  insuffisant  ;  M.  Aubcrtin 
a  laissé  dans  l'ombre  le  côté  le  plus  intéressant  de  son  sujet  :  le  lien 
étroit  qui  rattache  l'éloquence  parlementaire  du  xviiP  s.  à  celle  de 
la  Révolution,  soit  au  point  de  vue  des  idées,  soit  au  point  de  vue  du 
style.  M.  Aubertin  est  un  littérateur  aimable;  il  n'est  point  historien. 

Ce  n'est  pas  à  nous  à  faire  l'éloge  ni  la  critique  du  livre  de  M.  le 
baron  Du  Casse  sur  les  Rois  frères  de  Napoléon  (G.  Baillière) ,  car,  à 
l'exception  de  l'appendice  composé  de  la  correspondance  diplomatique 
de  Hollande  pour  les  années  4806  à  4840,  très  intéressante  d'ailleurs, 
il  a  paru  en  entier  dans  la  Revue.  Mais  nous  pouvons  dire  que  si 
nous  avons  accepté,  contrairement  à  nos  habitudes,  une  aussi  longue 
série  de  documents  se  rapportant  à  un  même  sujet,  c'est  qu'ils  nous 


4A2  BULLBnif  HISTOBIQUB. 

ont  paru  offrir  un  intérêt  exceptionnel.  Aucun  recueil  relatif  au  pre- 
mier empire  ne  contient  un  aussi  grand  nombre  de  documents  confl- 
dentlels.  Le  roi  Joseph  et  le  roi  Louis  sortent  tout  à  leur  honneur  de 
cette  épreuve,  et  leurs  lettres  ne  peuvent  qu'accroître  Testime  pour 
leur  caractère  et  la  pitié  pour  le  rôle  que  leur  frère  les  a  réduits  à 
jouer.  Il  n'en  est  pas  tout  à  fait  de  même  pour  Jérôme.  Frivole, 
débauché,  dépensier  et  peu  capable,  il  fait  assez  triste  flgure  dans  les 
dépêches  de  Reinhard.  Ces  dépêches  sont  le  principal  ornement  du 
volume  de  M.  Du  Casse.  Elles  ajoutent  beaucoup  à  ce  que  Ton  savait 
sur  rhistoire  du  royaume  de  Westphalie.  Elles  sont  admirables  de 
netteté,  de  sagesse  et  de  franchise. 

Avec  le  prince  Albert  nous  nous  élevons  à  des  régions  plus  nobles 
et  plus  pures.  Dans  l'histoire  des  familles  princières  de  notre  siècle, 
nous  ne  savons  pas  si  aucune  figure,  à  Texception  peut-être  de  celle 
de  la  duchesse  d'Orléans,  peut  être  mise  à  côté  de  celle  du  prince 
Albert  pour  l'élévation  morale  et  la  largeur  sereine  de  Tintelligence. 
Nous  avons  déjà  eu  occasion  de  parler  à  plusieurs  reprises  de  l'ou- 
vrage de  M.  Théodore  Martin  dont  les  cinq  volumes,  composés 
d'après  les  lettres  et  journaux  du  prince-époux  et  de  la  reine  Victoria 
ainsi  que  d'après  les  papiers  du  baron  de  Stockmar,  forment  un  recueil 
des  plus  précieux  pour  l'histoire  contemporaine.  M"*«  A.  CRAVEif  en  a 
extrait  avec  un  grand  art  et  un  sens  historique  très  juste  deux  volumes 
où  nous  retrouvons  tout  ce  qu'il  y  a  d'essentiel  dans  l'ouvrage  de 
M.  Martin*  (Pion,  2  v.  in-8^).  Elle  n'a  laissé  de  côté  que  ce  qui  était 
relatif  à  des  questions  de  politique  intérieure  anglaise.  Nous  connais- 
sons peu  de  livres  plus  instructifs  et  d'une  lecture  plus  attachante. 

Histoire  locale.  —  L'histoire  locale  a  fourni  dans  ces  derniers 
temps  la  matière  de  plusieurs  ouvrages  intéressants.  Celui  qui  a  la 
portée  la  plus  générale  est  le  livre  de  M.  de  Caloptne  sur  la  Vie  agri- 
cole sous  l'ancien  régime  en  Picardie  et  en  Artois  (Guillaumin).  De 
môme  que  pour  son  précédent  ouvrage  sur  la  vie  municipale  au  xv*  s. 
dans  le  nord  de  la  France,  M.  de  Calonne  ne  s'est  pas  préoccupé  de 
creuser  son  sujet  en  tous  sens  et  de  l'épuiser.  Il  s'est  contenté  de 
donner  une  idée  de  l'intérêt  que  le  sujet  peut  fournir  à  celui  qui 
l'étudié  et  de  réunir  sur  chaque  point  un  certain  nombre  de  rensei- 
gnements curieux  ;  mais  ces  renseignements  sont  pris  à  de  bonnes 
sources,  souvent  inédites,  et  l'esquisse  un  peu  rapide  qu'il  a  crayon- 
née de  la  vie  des  paysans  au  xviii*  s.  sera  consultée  avec  agrément 
et  profit.  On  verra  qu'au  x?hi°  s.  de  grands  progrès  avaient  été  réa- 
lisés, progrès  en  bien-être,  en  instruction,  en  civilisation,  et  que  les 

1.  Le  Prince  Albert  de  Saxe^Cobourg^  époux  de  la  reine  Victoria, 


FRANCS.  143 

idées  philanthropiques  du  siècle  de  la  philosophie  ont  produit  bien 
avant  la  Révolution  des  résultats  pratiques. 

VHisioire  de  la  ville  de  Sceaux,  depuis  son  origine  jusqu'à  nos 
jours,  par  M.  V.  Adviellk  (Sceaux,  Gharaire;  Paris,  Picard),  est  un 
travail  sérieux  et  agréable,  où  Tauteur,  s'il  s'est  égaré  dans  des  con- 
sidérations étrangères  à  son  sujet  dans  son  premier  chapitre,  a  eu  le 
mérite  ensuite  de  s'en  tenir  aux  renseignements  bornés,  mais  cer- 
tains, que  lui  fournissaient  les  documents.  Ceux  qu'il  a  tirés  de 
l'obituaire  de  4480  et  des  actes  de  catholicité,  si  minutieux  et  spé- 
ciaux qu'ils  soient,  sont  bien  à  leur  place  dans  une  histoire  locale. 
En  général  d'ailleurs,  M.  Advielle  a  moins  visé  à  être  complet  qu'à 
donner  sur  chaque  point  des  détails  inédits  ou  curieux,  et  il  y  a 
réussi.  On  lira  avec  intérêt  les  chapitres  sur  Colbert,  sur  la  duchesse 
du  Maine,  sur  le  duc  de  Penthièvre,  sur  Florian,  et,  malgré  la  bien- 
veillance un  peu  banale  de  l'auteur,  on  gardera  une  vive  image  du 
passé  éclatant  de  cette  résidence  princière  dont  le  nom  n'éveille  plus 
guère  aujourd'hui  dans  l'esprit  que  la  pensée  des  joyeusetés  triviales 
de  Robinson. 

L'Histoire  de  la  ville  et  chdtellenie  de  Creil,  par  feu  le  D^  Boursier 
(Greil,  Darcaigne;  Paris,  Picard),  est  conçue  dans  un  mode  plus 
sévère  que  l'Histoire  de  Sceaux.  La  partie  consacrée  à  l'histoire  pro- 
prement dite  est  assez  restreinte,  et  l'ouvrage  se  compose  d'une  série 
de  dissertations  érudites  sur  la  topographie  de  la  contrée,  sur  ses 
institutions  seigneuriales,  royales,  religieuses,  sur  ses  châtelains, 
enfln  d'une  étude  architecturale,  historique  et  diplomatique  sur  la 
collégiale  de  Saint-Evremond.  Ce  livre  est  donc  un  recueil  de  notes 
et  de  documents  plus  qu'un  ouvrage  savamment  composé,  et  l'on  est 
étonné  d'y  voir  les  institutions  seigneuriales  y  former  le  ch.  iv  du 
1.  I  pendant  que  les  droits  seigneuriaux  forment  le  ch.  iv  du  l.  II. 
Telles  qu'elles  sont  ces  notes  sont  le  résultat  de  recherches  sérieuses 
et  font  grand  honneur  à  la  mémoire  du  D**  Boursier. 

Montataire  faisait  partie  de  la  châtellenie  de  Creil  et  son  dernier 
acquéreur,  M.  le  baron  de  Coivoé,  qui  a  sauvé  ce  château  historique 
d'une  ruine  probable,  a  eu  l'heureuse  idée  d'en  raconter  l'histoire*. 
C'est  un  récit  plein  de  vie  et  d'humour  où,  après  nous  avoir  entretenus 
des  fouilles  faites  à  Montataire  et  dans  les  environs  et  raconté  rapi- 
dement l'histoire  seigneuriale  du  domaine  jusqu'à  la  seconde  moitié 
du  XV*  s..  Fauteur  insiste  avec  raison  sur  les  Madaillan  de  l'Esparre 
qui  l'ont  possédé  jusqu'au  milieu  du  xyiii*  s.  Parmi  eux  se  trouve 
cet  aventureux  Armand  de  Madaillan,  marquis  de  Lassay, .  qui  a 

1.  Histoire  d'un  vieux  Château  de  France.  Paris,  Picard,  1883. 

ReV.    HiSTOR.    XXII.  1"  FA8C.  8 


444  BULLETIN  HISTORIQUE. 

fourni  à  Sainte-Beuve  le  sujet  d'un  de  ses  plus  jolis  portraits  et  qui 
épousa  successivement  une  riche  bourgeoise,  M"*  Sibour,  la  fille  d'un 
apothicaire,  la  belle  Marianne  Pajot,  et  la  petite-fille  naturelle  du 
grand  Condé,  Julie  de  Bourbon.  Sachons  gré  à  M.  de  Condé  d'avoir 
su  à  la  fois  sauver  les  restes  de  la  résidence  des  Madaillan  et  en  faire 
revivre  si  aimablement  l'histoire. 

Le  second  volume  de  l'ouvrage  de  M.  A.  Martin  sur  les  Origines  du 
Havre  (Fécamp,  Durand)  n'offre  pas  le  même  intérêt  que  le  premier. 
Cependant  il  y  a  dans  son  chapitre  sur  la  fondation  du  Havre  des 
observations  très  justes  qui  avaient  échappé  à  M.  Borély,  et  son  his- 
toire d'Ingouville,  bien  que  la  plus  grande  partie  en  soit  consacrée  à 
répoque  la  plus  voisine  de  nous,  offre  dans  ses  premiers  chapitres 
des  faits  utiles  à  l'intelligence  du  développement  de  la  grande  ville 
qui  l'a  englobé. 

6.  MOROD. 


ALLEMAGNE. 

TRAVAUX  RELATIFS  A  l'hISTOIRB  ROMAINE. 

Fouilles,  Inscriptions,  Topographie.  —  Le  désir  de  trouver  des 
sources  nouvelles  et  authentiques  pour  l'histoire  romaine,  à  côté  des 
ouvrages  plus  ou  moins  dignes  de  foi  que  nous  ont  laissés  les  histo- 
riens anciens,  est  devenu  d'autant  plus  vif  en  Allemagne  que  ces 
dernières  années  la  critique  y  a  été  moins  indulgente  à  l'égard  des 
documents  littéraires  qui  ont  servi  jusqu'à  ce  jour  à  établir  l'his- 
toire romaine.  En  effet,  on  a  émis  des  doutes  sur  l'autorité  de  ces 
documents,  on  a  relevé  l'opposition  de  leurs  témoignages  et  on  a 
essayé  d'établir,  par  voie  de  combinaisons,  l'état  de  choses  réel,  la 
vérité  vis-à-vis  de  la  tradition.  Cette  vérité,  on  la  cherche  avec  une 
ardeur  de  plus  en  plus  grande  dans  les  ruines  que  nous  a  laissées 
l'antiquité  romaine  :  on  s'efforce  de  réunir  en  un  corps  aussi  com- 
plet que  possible  les  inscriptions  et  les  œuvres  de  l'art  antique  ; 
chaque  année  paraissent  des  travaux  de  plus  en  plus  nombreux,  qui 
ont  pour  objet  spécial  d'expliquer  ces  nouveaux  documents  et  de  les 
utiliser  pour  la  connaissance  de  l'histoire  et  des  mœurs. 

Pendant  l'année  4  884 ,  ce  sont  principalement  les  traces  nom- 
breuses laissées  par  la  domination  romaine  dans  le  sud  et  Touest 
de  l'Allemagne  qui  ont  attiré  Tattention  de  la  science.  Gela  nous 


ALLEHiGNE.  4^5 

entraînerait  trop  loin  d'énumérer  d'une  manière  même  sommaire 
toutes  les  fouilles  qui  ont  été  exécutées  sur  le  vaste  territoire 
qui  s'étend  de  la  mer  du  Nord  à  l'Adriatique  et  des  Vosges  à  la 
Hongrie.  Il  nous  sufQra  de  signaler  les  découvertes  les  plus  impor- 
tantes. U  faut  citer  en  premier  lieu  les  travaux  effectués  sous 
la  direction  de  E.  lus'u  Weerth  et  qui  ont  amené  la  découverte  de 
deux  grands  camps  romains  à  Bonn  sur  le  Rhin  et  à  Xanten  \  on  a 
découvert  non  seulement  les  restes  de  différentes  portes,  de  murs 
d'enceinte,  de  bâtiments  élevés^  de  tours  et  de  canaux,  mais  on  est 
même  arrivé  à  fixer  exactement,  jusque  dans  les  moindres  détails, 
l'étendue  et  la  distribution  des  deux  camps.  D'un  autre  côté,  le  colo- 
nel WoLF  *  a  poursuivi  ses  recherches  sur  le  Castellum  de  Deutz  où 
les  fouilles  ont  été  reprises,  et  a  cherché  à  prouver  que,  déjà  en  38 
avant  J.-C,  Cologne  et  Deutz  étaient  reliés  par  un  pont  fixe. 
DuEivTZER  *  s'est  élevé  contre  cette  hypothèse.  Dans  un  article  très 
important,  non  seulement  pour  l'histoire  du  castellum  de  Deutz, 
mais  aussi  pour  déterminer  les  points  où  César  passa  le  Rhin,  il  a 
établi  d'une  façon  assez  probante  que  l'empereur  Constantin  a  le 
premier  construit  un  pont  fixe  près  de  Cologne.  A  Mayence,  les 
fouilles  qui  ont  été  entreprises  pour  la  construction  du  canal  de  la 
ville  ont  amené  la  découverte  de  nombreuses  pierres  funéraires  bien 
conservées  d'ouvriers  romains,  de  légionnaires  et  de  cavaliers,  et  les 
fouilles  exécutées  pour  l'établissement  d'un  nouveau  pont  de  chemin 
de  fer  ont  mis  au  jour,  outre  d'autres  débris,  les  restes  de  tombeaux 
et  d'un  autel  votif.  Quant  aux  piles  énormes  qui  reposent  sur  le  fond 
du  Rhin  et  dont  on  plaçait  autrefois  la  construction  à  Tépoque  des 
Carolingiens,  on  les  regarde  maintenant  comme  des  ouvrages  d'origine 
romaine  et  comme  les  ruines  d'un  pont  de  pierres  construit  au  m*  s. 
après  J.-C.  Les  fouilles  dirigées  par  Jul.  Grium'  ont  fkit  mieux 
connaître  le  castellum  romain  relié  par  ce  pont  à  l'ancien  Magontia- 
eum;  ce  castellum  était  situé  sur  la  rive  droite,  sur  l'emplacement 
de  l'actuel  c  Castel.  »  Les  fouilles  ont  établi  entre  autres  le  tracé 
des  murs  d'enceinte  et  l'étendue  étonnamment  restreinte  du  camp 
romain.  Les  conclusions  de  l'auteur  relativement  à  l'époque  où 
furent  construits  le  castellum  et  le  pont  en  pierre  sont  cepen- 
dant rien  moins  que  certaines.  C'est  donc  avec  un  intérêt  d'au- 

1.  Weitdeutsche  ZeiUchHfi  fUr  Geschkhte  und  Kunti.  Jahrgang  I,  1881, 
p.  49  et  suiy. 

2.  Manatsschrifl  fUr  dUe  Geschiehte  WestdeuUchlands.  Jahrgang  7,  1881, 
p.  357-380. 

3.  Der  rœmische  BrUckenkopf  in  Kcatel  bei  Maênz  und  die  darUge  Rœmer- 
briicke.  Mayence,  1882,  V.  von  Zabern. 


446  BULLETIN  HISTORIQUE. 

tant  plus  grand  qu'on  lira  le  rapport  général  officiel  sur  les  résul- 
tats des  fouilles,  qui  doit  paraître  avant  peu.  On  a  découvert 
d'importantes  ruines  d'édifices  romains  et  un  grand  nombre  de 
petits  objets  d'art,  d'ustensiles,  d'ornements,  non  seulement  sur 
l'emplacement  de  l'ancien  castellum^  mais  aussi  sur  celui  de  Tan- 
cien  cimetière  romain  à  Mayence.  A  Sainte-Barbara  près  de  Trêves  on 
a  poursuivi  avec  succès  le  déblayement  de  quelques  salles  des 
Thermes,  tandis  qu'à  Inden  près  de  Juliers  on  est  parvenu  à  mettre 
au  jour  un  bain  romain  bien  conservé  avec  son  hypocaustum. 
Gomme  on  place  avec  raison  à  Inden  l'ancien  cantonnement  de  Yala 
Indiautty  les  fouilles  que  l'on  poursuit  actuellement  pourraient  bien 
fournir  à  la  science  de  nouveaux  et  d'importants  documents.  Des 
tombeaux  romains  et  francs  véritablement  grandioses  ont  été  déblayés 
près  d'Andernach  par  le  professeur  E.  aus'm  Weerth  aux  frais  du 
musée  provincial  de  Bonn.  A  Born  sur  la  Sauer  on  a  découvert  les 
ruines  d'un  monument  funéraire  considérable  *. 

Les  fouilles  entreprises  par  Conradt  dans  les  ruines  du  cas* 
tellum  romain  situé  près  de  Walldiirn,  au  sud-ouest  de  Milten- 
berg  sur  le  Mcin,  sont  de  la  plus  haute  importance  pour  l'étude 
du  limes  romaniis.  Là  aussi  on  a  pu  déterminer  la  forme  du 
camp  et  découvrir  les  murs  de  fondation  des  tours  et  des  portes^. 
Dans  le  Wurtemberg  on  a  recherché  avec  une  ardeur  toute  particu- 
lière les  traces  nombreuses  d'établissements  romains  :  des  fouilles, 
couronnées  d'un  complet  succès,  ont  eu  lieu  dans  le  voisinage  de  la 
ville  d'Aalen,  dans  le  district  de  Jagst^,  sous  la  conduite  de  E.  Pau- 
Lus,  le  même  qui,  en  4880,  avait  déjà  soigneusement  exploré 
les  restes  d'un  casteilum  romain,  près  de  Freudenstadt,  sur  le 
versant  occidental  de  la  Forêt-Noire^.  On  a  rencontré,  en  faisant  ces 
fouilles,  les  ruines  de  constructions  romaines  très  étendues  et  entre 
autres  une  tour  angulaire  ronde  et  deux  grandes  salles  avec  hypo- 
caustes.  D'après  de  nombreuses  briques  en  terre  cuite  qu'on  y  a 
trouvées,  c'étaient  une  division  de  la  legio  octava  Augusta  et  Vola 
altéra  Flavia  qui  composaient  la  garnison  de  cet  important  castel- 
lum;  ce  fait  prouve  qu'Aalen,  bien  qu'on  Tait  contesté  jusqu'à  ce 
jour,  appartenait  réellement  à  la  province  de  la  Germania  superior. 

1.  Gomp.  l'article  de  Ilettner  dans  la  Monatsschrift  fUr  die  GeschÀchie 
Westdeutschlands.  7*  année,  fasc.  1  et  2. 

2.  KarUruher  Zeitung.  N^'  310  et  311,  30  et  31  déc.  1881. 

3.  Conf.  Schwxbischer  Merkur.  26  et  29  mars  1882. 

4.  Archxologische  Entdeckungen  und  Untersuchungen  im  Jahre  1880,  publié 
dans  les  Wiirtembergische  Viertemahrshefle  fUr  Landesgeschichie.  4*  année, 
1881,  p.  50  et  suiY. 


ALLBMAG!VB.  4  il 

Dans  la  Souabe  supérieure,  Tabbé  Miller  a  bien  mérité  des  archéo- 
logues en  découvrant  des  vestiges  nombreux  d'établissements  romains, 
p.  ex.  ceux  d'un  casiellum  près  d'Ummendorf  et  de  deux  autres 
près  de  Altshausen  et  de  Herrgottsfeld.  Dans  les  environs  de  Neustadt 
sur  le  Danube  on  a  trouvé  les  restes  d'un  castellum  romain  et  à 
Augsbourg  des  débris  de  constructions  romaines  et  des  inscriptions. 
L.  AoER^  a  démontré  l'existence  d'ouvrages  de  fortifications  étendus, 
d'origine  romaine,  sur  le  versant  septentrional  des  Alpes  bavaroises, 
entre  les  rivières  de  Mangfall  et  de  Leizach.  Les  ruines  du  Bri- 
gantium  romain  mises  récemment  au  jour  près  de  Bregenz  sur  le 
lac  de  Constance  ont  été  l'objet  d'une  communication  de  S.  Jennet*. 
Sur  la  route  entre  Nomi  et  Aldeno,  au  nord  de  Roveredo,  sur  la  rive 
droite  de  TEtsch,  on  a  ouvert  toute  une  série  de  tombeaux  romains 
dont  Tun  ne  renferme  pas  moins  de  8  squelettes.  Les  tombes  impor- 
tantes découvertes  à  Martinsbùhel ,  près  de  Zirl ,  aux  environs 
d*Innsbruck,  appartiennent  aussi,  pour  la  plupart,  à  la  période  de 
l'occupation  romaine  du  Tyrol. 

Nous  sommes  heureux  de  constater  que  les  travaux  relatifs  à  la 
topographie  de  la  Germanie  romaine  prennent  de  jour  en  jour  un 
caractère  plus  scientifique.  Beaucoup  d'essais  tentés  pendant  les  années 
précédentes  n'étaient  guère  en  effet  que  des  œuvres  d'imagination,  des 
travaux  d'amateurs.  Ici  encore  nous  devons  nous  borner  à  l'énuméra- 
tion  des  travaux  les  plus  importants.  On  trouvera  dans  les  extraits  de  la 
Monatsschrift  fur  die  Geschichte  Westdeutschlands  (année  VII,  \  884), 
publiés  par  la  Revm  historique^  tout  ce  qui  a  rapport,  soit  aux  dis- 
sertations de  J.  Schneider  sur  les  routes  romaines  militaires  et 
commerciales  et  sur  la  situation  si  débattue  du  castellum  d^Aliso, 
soit  aux  articles  de  Cari  Christ  sur  les  castella  dans  la  vallée  de  la 
Lippe  et  sur  les  changements  des  garnisons  romaines  dans  les  pro- 
vinces allemandes,  soit  enfin  aux  recherches  si  importantes  de  G.  de 
HiRscHFELD  sur  l'histoirc  et  la  topographie  du  Rhin  et  de  ses  rives  de 
Mayence  jusqu'à  la  Hollande  à  Tépoque  romaine.  J.  Schneider^  a 
essayé  d  apporter  quelque  lumière  dans  la  question  si  discutée  de  la 
position  de  l'antique  Castra  vetera  et  de  la  Colonia  Troiana  dont 
quelques-uns  ont  fait  une  Colonia  Trajana  ;  il  a  cherché  aussi  à 
résoudre  quelques  points  de  la  topographie  antique,  si  compliquée, 

1.  Beitrxge  zur  Anthropologie  und  Urgeschichte  Bayems.  Vol.  IV,  1881, 
p.  146-196. 

2.  Mittheilungen  der  Ceniralcommission  zur  Erforschung  der  Kunsidenk- 
nueler,  VI,  fasc.  4,  1881. 

3.  Monatsschrift  fUrdie  Geschichte  Westdeutschlands.  7*  année,  1881,  p.  87 
et  suIy.,  324  et  suIy.,  480  et  suiy. 


44H  srixrn^i  ■istouqtb. 

des  envîroDâ  de  Xanten.  En  même  temps,  le  général  de  Vkith  *  s*esi 
livré  à  des  recherebes  personnelles  pour  retrouver  Templaeenient  et 
déterminer  la  valeur  stratégique  des  fortiflcations  romaines  dans  les 
environs  de  Xanten.  A.  de  Cohiijse3i'  fournit  des  renseignements  sur 
les  résultats  des  fouilles  poursuivies,  depuis  nombre  d'années,  dans  la 
principauté  oldenbourgeoise  de  Birkenfeld,  et  qui  ont  amené  la  décou- 
verte d'un  grand  nombre  de  voies  romaines.  F.  HEmrEi'  rend 
compte  également 9  dans  un  article  intéressant,  des  inscriptions 
romaines,  des  ruines  et  des  œuvres  d'art  qui  ont  été  trouvées  en 
très  grand  nombre,  dans  ces  dernières  années,  à  Neumagen  sur  la 
Moselle.  Les  monuments  en  pierre  trouvés  près  du  hameau  de 
Saint-Julien  dans  le  Palatinat  bavarois  ont  été  étudiés  en  détail  par 

MiTEHOFER^. 

On  cberche  depuis  quelque  temps  à  délimiter  exactement  la 
frontière  de  la  Germanie  romaine,  dans  la  contrée  qui  s'étend  du 
Mein  au  Danube.  A  coté  de  fouilles  entreprises  par  des  particu- 
liers, le  bureau  wurtembergeois  de  statistique  et  de  topographie 
a  taït  faire  en  4  880  des  recherches  très  étendues  sur  la  direction 
du  v€Ulum  romain  à  la  frontière,  dans  le  royaume  de  Wurtem- 
berg. D'autre  part,  le  Oesammtverein  der  deutschen  Geschichts^  und 
AUerthunuvereine  avait  déjà  créé  Tannée  précédente  une  commission 
chargée  spécialement  d'étudier  la  direction  du  Limes  romanus.  Un 
membre  de  cette  commission,  Cari  Christ',  dans  un  rapport  très 
intéressant  sur  les  résultats  de  ses  recherches,  établit  d'une  &çon 
définitive,  f)Our  les  parties  les  plus  importantes  au  moins,  la  ligne 
suivie  par  le  Limes  dans  l'Odenwald,  depuis  Miltenberg  sur  le  Mein 
jusqu'à  Osterburken,  à  la  frontière  wurtembergeoise. 

Après  un  intervalle  assez  long,  F.  X.  Keads^  a  repris  la  publi- 
cation de  l'ouvrage  de  statistique  dont  il  avait  été  chargé  par  le 
ministère  impérial  de  l'Alsace-Lorraine  sur  les  monuments  de  l'art 
et  de  l'antiquité  en  Alsace  et  en  Lorraine.  Le  second  volume, 
qui  doit  bientôt  paraître,  comprend  la  description  de  la  Haute- 


1.  Vêlera  Castra  mit  seinen  Vmgehungen,  Berlin,  1881,  Mittler  et  Sohn. 

2.  Monatsschri/Ï  fUr  die  Geschichte  Westdeutschlands ,  T  année,  1881, 
p.  27-41. 

Z.'xRheinUches  Muséum  fUr  Philologie.  Neue  Folge,  vol.  36,  1881,  p.  435- 
462. 

4.  Mittheilungen  des  hlstorischen  Verdns  der  Pfalz,  vol.  IX. 

5.  Zeitschrift  filr  wissenschaftliche   Géographie,  2*  année,  1881,  p.  61  et 
ftuiy.,  99  et  ftuiv.,  137  et  suiy. 

6.  Kunst  und  Àlterthum  in  Elsass-Lothringen,  II  vol.,  I'*  partie.  Haate-Alsace, 
Strassburg.  G.  F.  S€hmidt,1881. 


ALLEMAGIIB.  449 

Alsace;  il  renferme  bon  nombre  de  renseignements  nouveaux 
et  importants,  dus  d'un  côté  au  dépouillement  très  complet 
de  toutes  les  publications  antérieures ,  malgré  leur  extrême 
dispersion,  et  de  l'autre  à  Tappui  complaisant  de  plusieurs  savants 
alsaciens.  Dans  la  première  partie  de  ce  deuxième  volume,  les 
articles  sur  Guebwiiler,  Horbourg,  Hirsingen  et  Dornach  et  sur  la 
forêt  de  la  Hart  présentent  un  intérêt  tout  particulier  ;  on  a  joint  au 
chapitre  consacré  à  la  Hart  une  excellente  carte  à  vol  d^oiseau  des 
nombreuses  antiquités  romaines  de  la  Hart  et  des  environs  :  entre  le 
Rhin  et  l'Hl  et  de  Blodelsheim  à  la  frontière  suisse.  —  Hobrnbs  *  a 
consigné,  dans  un  rapport  étendu,  les  résultats  de  la  mission  scien- 
tifique dont  il  avait  été  chargé  par  le  gouvernement  autrichien  dans 
THerzégovine  et  dans  la  Bosnie  méridionale;  et  y  fait  connaître 
nombre  d'inscriptions  et  d'antiquités  romaines  importantes. 

L'institut  archéologique  allemand  impérial  s^est  montré  à  la  hau- 
teur de  sa  tâche  en  publiant  et  en  expliquant  de  nombreuses  trou- 
vailles archéologiques  et  épigraphiques  faites  à  Rome  ou  dans 
d'autres  parties  de  l'Italie.  Nous  renvoyons,  pour  tout  ce  qui  con- 
cerne ces  travaux,  à  VArchœologische  Zeitung,  aux  Monumenti,  aux 
Annali  et  au  Bullettino  del  Islituto  ainsi  qu'au  rapport  annuel  de 
A.  CoNZE^.  Ce  rapport  nous  apprend  que  l'on  poursuit  activement 
la  grande  publication  sur  les  sarcophages  romains,  les  terres  cuites, 
les  vases  et  les  miroirs  étrusques  ;  le  premier  volume  sur  les  terres 
cuites,  publié  par  M.  de  Rohden,  a  déjà  paru.  Les  nouvelles  décou- 
vertes sur  les  emplacements  du  Gapitole  et  du  forum  ont  été  expo- 
sées par  H.  Jordan  '  dans  une  petite  publication  très  intéressante, 
qui  retrace  en  détail  toute  l'histoire  du  forum  romanum  jusqu'au 
règne  d'Auguste.  Les  idées  particulières  de  Th.  Bindseil^  sur  les 
tombeaux  étrusques,  saQS  avoir  une  bien  grande  importance  scien- 
tifique, méritent  cependant  d'être  signalées  à  cause  d'observations 
souvent  très  fines  sur  la  civilisation  antique.  Quant  à  Pompéi,  les 
dernières  découvertes  ont  donné  lieu,  dans  les  Revues  do  l'Institut 
archéologique^  à  de  nombreux  articles  qui  ont  été  analysés  d'une 


1.  Sitzungsberichte  der  philotophisch-historischen  Classe  der  kaiserlichen 
Àkademie  der  Wissenschaflen  zu  Wien,  Vol.  97,  1881,  p.  491-612,  et  vol.  99, 
1882. 

2.  Archxologische  Zeitung,  39*  année,  fasc.  2,  p.  195-196. 

3.  CapUolf  Forum  und  Via  sacra  in  Bom.  Berlin,  Weidmann,  1881.  Conf. 
Jordan ,  Ma  rettificatione  délia  piania  del  foro  romano.  Bullettino  dell' 
istitato  per  l'anno  1881,  p.  103-107. 

4.  Die  antiken  Grxber  Italiens,  i'*  partie  :  Die  Grmber  der  Etrusker,  Berlin, 
Calvary  et  C'%  1881. 


^120  BULLETIN  HISTORIQOB. 

manière  intéressante  par  K.  Wihterekeg^  D'un  autre  côté,  la 
seconde  édition  améliorée  en  plusieurs  endroits  et  très  augmentée 
du  luxueux  ouvrage  de  E.  Presuhn^  donne  les  résultats  des  fouilles 
exécutées  de  4874  à  4884,  ainsi  que  des  reproductions  nombreuses 
de  peintures  murales  de  Pompéî,  de  mosaïques,  d'inscriptions,  de 
moulages  de  cadavres;  le  tout  est  accompagné  d*un  texte  explicatif 
très  détaillé. 

Le  recueil  des  inscriptions  latines  publié  par  TAcadémie  prussienne 
est  arrivé  à  son  8*  volume,  qui  contient  les  inscriptions  africaines 
éditées  par  G.  Wilhiuns  '.  L'auteur,  un  des  élèves  les  plus  dis- 
tingués de  Th.  Mommsen,  était  professeur  à  Strasbourg  depuis  4  872  -,  il 
n'a  pas  vu  l'achèvement  d'un  ouvrage  auquel,  depuis  4873,  il  con- 
sacrait toutes  ses  forces  :  il  est  mort  en  4  878,  âgé  seulement  de  trente- 
sept  ans.  Mommsen,  secondé  par  H.  Kiepert  et  H.  Dessau,  élève  de 
Wilmanns,  a  mis  la  dernière  main  à  ce  recueil  qui  devait  tout 
d'abord  n'être  qu'une  édition  des  Inscriptions  romaines  de  r Al- 
gérie (4855-4858),  refondue  par  Mommsen  et  L.  Renier.  «  Dirempta 
societate,  »  écrit  Mommsen  dans  la  préface,  «  nobis  invitis,  sed 
fatis  ita  iubentibus,  ab  illa  spe  dejecti,  soli  perfecimus  quod 
aliquo  modo  ut  perûceretur  operis  ratio  cogebat.  »  Les  mérites 
principaux  de  Wihnanns  consistent  surtout  dans  le  dépouille- 
ment de  tous  les  ouvrages  anciens  et  modernes  d'épigraphie,  dans 
Texamen  critique  des  inscriptions  publiées  antérieurement  et  dans 
la  réunion  de  matériaux  assez  nombreux  provenant  d'excursions  à 
Tunis  et  en  Algérie,  dans  les  années  4  873-4  876.  Malheureusement^ 
dans  plusieurs  localités,  —  et  Mommsen  le  déplore  vivement,  —  les 
autorités  ou  les  particuliers  lui  refusèrent  l'autorisation  de  visiter 
les  monuments  romains.  «  Quod  —  dit  Mommsen  —  si  hospitalis 
comitas  et  alacre  auxilium,  quibus  per  Italiam  et  Hispaniam  adeoque 
per  universum  orbem  Romanum  usi  sumus,  Wilmannsio  in  Africa 
quoque  obtigisset,  dubium  non  est  non  pauca  de  visu  eum  daturum 
fuisse,  quœ  jam  in  hoc  volumine  aut  ad  apographa  parum  perfecta 
prodeuntaut  desiderantur.  »  (Prœfatio,  p.  xxxi.)  L'auteur  mentionne, 
avec  une  reconnaissance  toute  particulière,  le  concours  apporté  à  cet 
ouvrage  par  la  coopération  de  M.  A.  H.  de  Villefosse  et  de  M.  Gh. 
Tissot,   actuellement  ambassadeur  de  la  République  française  à 


1.  Vnsere  Zeit,  Année  1881,  vol.  I,  "p.  720-736  et  853-873. 

2.  Pompeji.  Die  neuesten  Atugrabungen  von  1874-1881,  2.  verbesserte  und 
sehr  vermehrte  Auflage.  Leipzig,  Weigel,  1881. 

3.  Corpus  inscr^tionum  latinarum,  vol.  VIII,  Inscriptiones  Africae  laUnae, 
pars  1-2.  Berolini,  Reimer,  1881. 


ALLBMAGNB.  4  2^1 

Londres.  Le  premier  volume  s'ouvre  par  une  introduction  histo- 
rique importante  de  Mommsen  sur  la  situation  politique  et  militaire 
des  provinces  africaines  de  l'empire  romain  et  sur  Thistoire  des  col- 
lections d'inscriptions  romaines.  Cette  introduction  est  suivie  des 
inscriptions  de  la  Numidie  et  de  l'Afrique  proconsulaire  (provincia 
Tripolitana,  Byzacena,  proconsularis,  Nuraidia,n**M-8366).  Le  second 
volume  contient  les  inscriptions  des  trois  provinces  mauritaniennes, 
ainsi  que  les  monuments,  pierres  milliaîres  et  légionnaires,  vases  et 
inscriptions  historiques  (n~  8367-40988)  qui  donnent  des  indications 
générales  sur  les  routes,  sur  la  vie  publique  et  privée  et  sur  la  situa- 
tion militaire  dans  l'Afrique  romaine;  les  455  dernières  pages  de  ce 
volume  sont  consacrées  aux  Indices  qui  comprennent  4  9  divisions, 
et  à  3  grandes  cartes  dessinées  par  H.  Kiepert. 

Quant  aux  autres  parties  du  Corpus  inscriptionum  ^  les  deux 
volumes  relatifs  à  l'Italie  méridionale,  ainsi  que  le  second  volume 
des  inscriptions  de  la  ville  de  Rome,  sont  sous  presse  et  paraîtront 
très  probablement  dans  le  courant  de  l'année  4883.  On  a  continué 
l'impression  des  volumes  relatifs  aux  inscriptions  de  l'Itidie  centrale 
et  de  la  France  méridionale.  L'impression  des  inscriptions  du  Latium 
proprement  dit  a  commencé.  En  outre,  le  professeur  Hiibner  a  fait 
en  Espagne  un  voyage,  dont  les  résultats  seront  prochainement 
publiés.  Les  inscriptions  qu'il  a  recueillies  sont  destinées  au  premier 
grand  supplément  du  Corpus,  à  celui  du  volume  sur  les  inscriptions 
espagnoles,  le  premier  qui  ait  été  publié.  VEphemeris  epigraphica\ 
(]ui  est  comme  un  supplément  du  Corpus  inscriptionum^  a  continué 
de  paraître  pendant  l'année  4884.  Les  deux  derniers  fascicules  du 
4*  volume  contiennent  des  additions,  par  Mommsen  et  Henzen, 
aux  fastes  consulaires  du  Capitole  et  aux  tables  triomphales,  et  un 
supplément  (de  246  n**)  aux  inscriptions  de  la  ville  de  Rome,  con- 
tenues dans  le  6^  volume  du  Corpus  ;  ce  supplément,  dû  à  Henzen, 
Bormann  et  Huelscn,  se  compose  d'inscriptions  tirées  en  partie  de 
publications  antérieures  datant  surtout  de  ces  dernières  années,  et, 
en  partie,  d'inscriptions  nouvelles.  La  dissertation  de  P.  Cauer, 
accompagnée  d'additions  de  Mommsen,  sur  les  sous-offîciers  romains 
(de  muneribus  militaribus  centurionatu  inferioribus^  p.  355-484), 
est  d'une  très  grande  importance  pour  l'histoire  de  l'organisation 
militaire  chez  les  Romains.  Il  a  donné  une  base  certaine  à  toutes 
les  recherches  futures  sur  le  rang,  la  compétence  et  l'avancement  des 
sous-offîciers  en  comparant  entre  eux  tous  les  passages  du  Corpus 
inscript ionum  imprimés  ou  prêts  à  l'être,  qui  se  rapportent  aux 

!.  Ephemeris  epigrapMca,  vol.  IV,  fasc.  3  et  4.  Berolini,  Reimer,  1881. 


422  BULLETIN  HISTOEIQUB. 

signiferi,  vexillarii^  aquiliferi,  imaginiferi,  aeneatores,  bucinatoresy 
comicines,  ttU>ieineSy  beneficiarii^  équités  et  pedites  singulares, 
quaestionarii^  speculatares^  etc.  Gauer  lui-même  est  arrifé  déjà, 
sur  certains  points,  à  des  résultats  assurés.  VEphemeris  contient 
en  outre  :  6  privilégia  miliium  de  civitate  et  conubio  trouvés  en  ces 
derniers  temps  et  accompagnés  d'éclaircissements  par  Mommsen; 
cinq  dissertations  épigraphiques  du  même  savant  sur  la  question 
de  savoir  si  les  Alpes  pennines  appartenaient  à  la  Rhétie,  sur  les 
Cognamina  africains  terminés  en  ostis  et  osa  et  les  noms  féminins  en 
itta^  sur  les  campements  de  la  Legio  XI  Claudia j. en  455  environ 
après  J.-C,  d'après  une  inscription  nouvellement  découverte,  sur 
Favancement  des  principales^  qu^on  accordait  à  quelques  ofQciers, 
enfln  sur  l'authenticité  d'une  inscription  importante,  suspectée 
autrefois  par  Mommsen  lui-même,  où  il  s'agit  de  la  contribution 
levée  en  Syrie  par  P.  Sulpicius  Quirinus,  l'an  de  Rome  759-760. 
D'excellents  indices  (p.  543-64  2)  font  de  ce  4^  volume  de  VEphemeris 
un  instrument  de  travail  des  plus  importants. 

Nous  ne  ferons  que  mentionner,  parmi  la  foule  des  communica- 
tions et  des  dissertations  de  moindre  étendue  sur  Tépigraphie,  les 
importants  travaux  de  G.  JikeSek  ^  relatifs  à  la  géographie  ancienne 
et  à  l'épigraphie  de  la  Bulgarie  et  de  la  Roumélie,  la  dissertation  de 
DiLLMAFfN^  sur  uuc  inscriptiou  punique  trouvée  en  Sardaigne,  les 
rectiflcations  de  H.  Joedafc^  à  propos  d'une  inscription  osque  très 
importante  (le  bronze  de  Bantia),  et  enfln  les  remarques  de  Deegke^ 
sur  la  lecture  d'inscriptions  messapiennes.  Nous  renvoyons,  pour 
tout  le  reste,  aux  publications  déjà  citées  de  l'Institut  archéologique 
ainsi  qu'aux  analyses  de  revues  philologiques  telles  qaeV Hermès^ 
les  Wiener  Studien  et  les  Archœologisch^pigraphische  Mitthet" 
lungen  aus  Oesterreich. 

Auteurs  anciens.  Leurs  sources  et  leur  autorité.  —  Des  deux 
ouvrages  d'exposition  générale  sur  l'historiographie  romaine,  parus 
dans  le  courant  de  l'année  4884,  l'un,  celui  de  A.  ScHiSFER,  est  un 
travail  très  remarquable,  l'autre  n'est  qu'une  compilation  absolument 
sans  valeur.  Il  sufllra,  pour  caractériser  ce  dernier  ouvrage  dont 
l'auteur  est  un  M.  Sghmitz^,  de  dire  que  la  plus  grande  partie  des 

1.  MonaUberichte  der  preussiscKen  Àkademie,  1881,  p.  434-469. 

2.  ilHdem,  p.  429-433. 

3.  Beitrxge  %ur  Kunde  der  iadogermanischen  Sprachen,  roi.  VI,  1881, 
p.  195-210. 

4.  RheiHisches  Muséum  fUr  PhUotoçie,  toI:  XXXVI,  1881,  p.  576-597. 

5.  Quellenkunde  der  Rcrmischea  GeschiehU  bis  auf  Paulus  Diacmius. 
Gilitersloh,  1881,  Bertalamuiii. 


▲LLEMAGlfB.  423 

détails  sur  la  vie  des  historiens  anciens  et  sur  leurs  procédés  de  com- 
position est  empruntée  textuellement  à  l'histoire  de  la  littérature 
romaine  de  Teuffel,  que  les  renseignements  bibliographiques  sur  les 
sources  de  l'histoire  romaine  sont  incomplets  et  incertains  et,  qu'en- 
fin, la  partie  personnelle  à  l'auteur  fourmille  de  grossières  erreurs. 
L'ouvrage  de  ScHiCPsa  *  n'est  qu'une  esquisse  (Abriss) ,  destinée 
à  mettre  entre  les  mains  des  professeurs  ou  des  élèves  des  univer- 
sités les  indications  et  les  témoignages  les  plus  importants  sur  les 
sources  de  Thistoire  romaine.  Chaque  article  se  borne  donc  à 
une  courte  notice  sur  retendue,  la  division  et  la  manière  dont 
nous  ont  été  transmis  les  différents  documents  littéraires;  on 
trouve  en  outre,  cités  dans  chacun  de  ces  articles,  les  passages 
les  plus  importants  dans  lesquels  les  auteurs  primitifs  ou  ceux 
qui  les  ont  suivis  s^expriment  sur  la  composition,  la  tendance  et 
la  valeur  de  chaque  ouvrage  historique  ;  enfin,  lauteur  donne  un 
aperçu,  malheureusement  trop  sommaire,  de  l'état  des  recherches 
sur  les  sources  et  sur  l'autorité  qu'on  peut  accorder  aux  différents 
écrivains.  Sans  doute  cette  division  répond  au  premier  but  de  l'ou- 
vrage qui  est  de  préparer  les  commençants  à  l'étude  des  sources  et 
de  les  y  guider;  cependant  nous  regrettons  vivement  que  Schœfer 
n'ait  pas  essayé  d^éiargir  le  cadre  de  ce  volume  et  d'en  faire  un 
véritable  manuel  pour  l'histoire  des  sources.  La  science  en  a  grand 
besoin,  et  il  aurait  pu  le  faire  en  modifiant  simplement  la  disposition 
du  livre,  en  donnant  un  catalogue  à  peu  près  complet  des  travaux 
modernes  qui  se  rapportent  au  sujet,  et  en  s'àttachant  plus  qu'il  ne 
l'a  fait  à  l'analyse  des  sources  de  chaque  écrivain.  Si  cette  lacune  dans 
la  littérature  historique  n'est  pas  bientôt  comblée,  soit  par  A.  Schœfer, 
soit  par  un  autre,  Tétude  des  sources  court  grand  risque  de  se  mor- 
celer en  un  nombre  chaque  jour  croissant  de  monographies  spéciales 
qui  resteront  stériles,  aucune  ne  tenant  compte  de  celles  qui  l'ont 
précédée. 

Le  travail  très  consciencieux  d'Adolphe  Brbska  ^  a  pour  objet 
les  sources  que  Polybe  a  consultées  pour  le  troisième  livre  de 
son  histoire  et  touche  ainsi  à  la  question  capitale  des  sources 
primitives  du  récit  de  la  seconde  guerre  punique  dans  Polybe, 
Tite-Live  et  leurs  successeurs.  L'étude  de  Breska  aboutit  à  ce 
résultat  intéressant,  que  Polybe  n'a  puisé,  en  somme,  que  chez 


1.  AMss  der  Quellenkunde  der  grieehischen  und  rœmischen  Getchichte. 
Abth.  II,  Die  Période  des  Rœmischen  Reiches,  Leipzig,  Teubner,  1881. 

2.  Untersuehungen  ûber  die  Quellen  des  Polifbiiu  im  dritten  Bûche.  Berlin, 
Mayer  et  Huiler,  1880. 


^124  BULLEHN   HISTOBIQUE. 

trois  historiens  :  chez  le  carthaginois  Silen,  chez  le  romain  Fabius 
Pictor  et  enfin  dans  un  récit  quelque  peu  postérieur,  composé  par  un 
membre  ou  un  proche  de  la  famille  des  Scipions.  Nous  croyons 
cependant  qu'il  va  trop  loin  en  prétendant  retrouver  dans  la  narration 
de  Polybe  la  trace  de  chacun  de  ces  trois  auteurs.  A.  Vollmeb  *  a  étu- 
dié toute  la  série  des  guerres  d^Annibal  à  propos  des  sources  de  la 
3'  décade  de  Tite-Live.  Se  rattachant  à  l'opinion  de  A.  Schœfer  (His- 
torische  Zeitschrift,  XXIII,  p.  436  et  suiv.),  il  cherche  à  prouver 
que  Tite-Live,  dans  sa  3*  décade,  est  absolument  indépendant  de 
Polybe  et  a  suivi  tour  à  tour  Cœlius  et  Valerius  Antias.  Bien  qu'il 
y  ait  dans  cette  manière  de  voir  un  progrès  évident  sur  l'ancienne 
hypothèse  qui  n'admettait  même  pas  que  Tite-Live  ait  pu  utiliser 
deux  sources  à  la  fois,  cependant,  au  point  de  vue  de  l'analyse  des 
sources  de  notre  historien,  les  résultats  du  travail  de  Vollmer  sont 
de  peu  d'importance.  Nous  avons  été  fort  étonnés  également  de  voir 
Vollmer  feire  un  mérite  à  Tite-Live  d'avoir  utilisé  les  histoires  de 
Gœlius  Antipater  qui  ont  droit  tout  au  plus  au  titre  de  roman  his- 
torique. Le  travail  de  Schlichteisbn  ^  sur  Pautorité  de  Silius  Italiens 
a  quelque  importance  pour  la  connaissance  des  sources  de  la 
seconde  guerre  punique  parce  que,  dernièrement,  on  a  admis  que 
le  poète  de  la  Punica  avait  largement  utilisé  d^anciens  annalistes 
romains  et  qu'on  a  basé  sur  cette  hypothèse  de  nombreuses  induc- 
tions sur  les  sources  de  Tite-Live.  Schlichteisen  a  démontré  d'une 
manière  évidente  que  Silius  Italiens  a  suivi  Tite-Live  dans  la  partie 
de  beaucoup  la  plus  importante  des  livres  3-5^  tandis  qu'une  foule  de 
détails,  qui  s'écartent  de  la  narration  de  l'historien  romain,  n'ont 
leur  origine  que  dans  l'imagination  du  poète.  Les  recherches  simul- 
tanées de  L.  Bauer^,  moins  approfondies  que  celles  de  Schlich- 
teisen, aboutissent  au  même  résultat.  Ch.  Huelsen^  est  arrivé, 
dans  le  détail,  à  des  résultats  dignes  d'éloges  sur  les  rapports  déjà 
reconnus  entre  les  Fasies  d'Ovide  et  l'œuvre  de  Varron,  mais  il  ne 
donne  que  d'insufïisants  renseignements  sur  les  sources  des  parties 
où  Ovide  s'écarte  de  Varron.  Le  débat  soulevé  il  y  a  déjà  UO  ans 
sur  l'authenticité  des  lettres  de  Gicéron  à  Brutus  a  été  traité  d'une 


1.  Die  Quellen  der  driUen  Dekade  des  livi\is,  Berlin,  Mayer  et  Mûller, 
1881. 

2.  De  fide  fUstorica  SilH  Jtalici  quaestUmes  historicae  et  phUologicae,  Kœnigs- 
berg,  Hartung,  1881. 

3.  Blxtter  fur  dos  bayerische  GymnasialschiUvDesen ,  XVII,  1881,  p.  145- 
159,  p.  201-203. 

4.  Varranianae  doetrifMe  quaenatn  in  Ovidii  f astis  vejtigia  extent.  Berlin, 
1880,  Weidmann. 


ALLEMAGNE.  ^125 

ikçon  très  habile  et  perspicace  par  P.  Meter^  L'auteur  arrive  à  ce 
résultat,  que  toutes  les  lettres  de  cette  collection,  par  leurs  erreurs 
en  histoire  et  chronologie,  par  leur  confusion  des  événements,  etc., 
donnent  lieu  à  des  soupçons  fondés  qu'on  ne  saurait  détruire  et  qui 
sont  fortifiés  encore  par  de  nombreuses  divergences  de  langue  avec 
la  langue  usuelle  de  Cicéron.  Meyer  admet  que  cette  correspondance 
a  été  composée  sous  Auguste  ou  sous  Tibère  et  que  le  faussaire  s'est 
servi  des  Philippiques,  de  lettres  authentiques  de  Cicéron  et  d'autres 
bonnes  sources.  Des  nombreux  écrits  de  G.-F.  Unger  ^  publiés  Tannée 
dernière  (4884),  le  plus  important  est  celui  qui  recherche  le  véri- 
table auteur  du  livre  attribué  à  Cornélius  Nepos,  De  excellentibns 
ducibus  exterarum  gentium.  Les  grossières  erreurs  historiques  et  la 
langue,  qu'il  prétend  très  différente  de  celle  des  vies  de  Caton  et 
d'Atticus,  décident  Unger  à  admettre  que  l'auteur  des  vies  des  géné- 
raux n'est  autre  que  Julius  Hyginus,  l'affranchi  d'Auguste,  auquel  il 
faudrait  attribuer  aussi  la  plus  grande  partie  du  livre  du  Pseudo- 
Aurelius  Victor  :  De  viris  iUustribus  urbis  Bomae.  Malgré  la  fine 
argumentation  développée  par  Unger  à  l'appui  de  son  hypothèse, 
nous  pensons  devoir  nous  en  tenir  à  l'opinion  qui  fait  de  Cornélius 
Nepos  Fauteur  des  biographies  des  généraux.  Klimke  ^  continue  ses 
recherches  sur  les  rapports  entre  Diodore  et  les  annalistes  romains 
et  combat  Mommsen,  qui  a  admis  que  Diodore  avait  utilisé  des 
annales  de  Fabius  Pictor  pour  l'histoire  des  deux  premiers  siècles  de 
la  république  romaine.  Bien  que  l'auteur  ait  attaqué  avec  habileté^ 
sur  certains  points,  les  hypothèses  de  Mommsen,  cependant  sa  polé- 
mique quitte  trop  souvent  le  terrain  exclusivement  scientifique  pour 
qu'on  puisse  attendre  de  ce  travail  une  solution  à  cette  question  si 
compliquée.  KUmke  remplace  Fabius  Pictor  par  Calpurnius  Piso  et 
admet  que  Diodore  s'est  servi  de  Polybe  pour  l'histoire  des  rois  de 
Rome.  Pauer^  a  examiné  dans  un  petit  écrit  la  tendance  et  la  compo- 
sition de  la  vie  d'Agricola  par  Tacite  et  a  cherché  à  expliquer  la  dis- 
proportion qui  y  règne  entre  la  narration  rapide  et  superficielle  des 
premiers  et  des  derniers  chapitres  et  la  description  détaillée  de  la 
conquête  de  la  Bretagne  dans  le  corps  de  l'ouvrage.  La  révision  que 

1.  Untersuchung  Uber  die  Frage  der  Echtheii  des  Briefwechsels  Cieero  ad 
Brutum.  Stuttgart,  1881,  Knapp. 

2.  Der  sogenannle  Cornelitis  Nepos.  Munich,   Franz,    1881.  (Extrait  des 
Abhandlungen  der  K.  Bayer.  Àkademie  der  Wiss.,  I  d.,  toI.  XVI,  1'*  i)artie.) 

3.  Diodorus  Sikulus  und  die  Rœmische  Annalistik.  Konigshûtte>  Lowacks, 

1881. 

4.  De  rerum  ab  Àgricola  in  Britannia  gestarum  narraiione  Tadiea.  Gœt- 
lingae,  Dieterich,  1881. 


426  BULLBTnf  HISTORIQUE. 

j'ai  entreprise^  des  travaux  relatifs  aux  sources  de  Dion  Gassius, 
pour  la  période  qui  s'étend  de  la  fin  de  la  3«  guerre  de  Macédoine 
jusqu'en  49  av.  J.-C,  m'a  amené  à  cette  conclusion  que  Dion  Gas- 
sius s'est  servi  pour  cette  époque  des  Histoires  de  Tite-Live  et  de 
Salluste,  de  la  Guerre  des  Gaules  de  César  et  peut-être  aussi  des 
Mémoires  perdus  de  Gicéron  sur  son  consulat.  J.  Kreutzer  *  a  publié 
une  étude  consciencieuse  sur  la  vie  d'Hérodien  et  les  sources  de 
celui-ci  pour  son  premier  livre.  Il  a  été  établi  d^une  façon  péremp- 
toire  qu'Hérodien^  désirant  Ëdre  de  l'empereur  Gommode  un  portrait 
aussi  favorable  que  possible,  a  fondu  ensemble,  de  la  manière  la 
plus  arbitraire,  ses  deux  sources  :  Dion  Gassius  et  Marins  Maximus. 
E.  Perino'  a  cherché  à  montrer  dans  les  biographies  d^Hadrien  et 
de  Septime-Sévère,  dues  à  Mlius  Spartianus,  une  compilation  du 
même  genre  :  pour  la  vie  d'Hadrien  notamment,  il  faudrait  admettre, 
outre  Marins  Maximus,  encore  deux  sources  principales  ;  l'auteur  a 
réussi,  selon  nous,  à  prouver  qu'il  se  trouve  dans  les  biographies  de 
Spartianus  des  morceaux  d'origines  diverses,  mais,  dans  les  détails, 
il  n'atteint  pas  à  l'évidence.  Dans  un  écrit  assez  superficiel,  P.  Ebe- 
uhg*  est  arrivé  à  ce  résultat,  qu'Eutrope  a  suivi  d'abord,  pour 
l'époque  qui  va  de  Gésar  à  l'empereur  Nerva,  un  écrivain  perdu  qui 
dérivait  de  Suétone,  ensuite,  pour  le  règne  de  Nerva  jusqu'à  celui  de 
Dèce,  un  ouvrage  perdu  de  Junius  Gordus,  et  enfin,  pour  la  période 
de  Dèce  à  Garin^  un  auteur  inconnu,  mais  en  tout  cas  aucun  des  his- 
toriens qui  nous  aient  été  conservés;  quant  à  l'hypothèse  que  Junius 
Gordus  a  pu  être  utilisé  comme  source,  elle  est  dénuée  de  tout  fon- 
dement. Il  aurait  aussi  été  à  désirer  que  l'auteur,  au- lieu  de  recher- 
cher vainement  la  source  perdue  d'Eutrope,  se  fût  occupé  davantage 
des  rapports  existant  entre  le  récit  d*Eutropo  et  les  ouvrages  des 
autres  historiens.  Les  sources  très  diverses  auxquelles  Ammien  Mar- 
cellin  a  puisé  pour  les  digressions  géographiques  qui  ont  trouvé 
place  dans  son  histoire  ont  été  signalées  parMommsen',  qui  a  réfuté 
ainsi  la  supposition  de  Gardthausen  qu'Ammien  avait  eu  devant  les 
yeux  une  description  de  la  terre  unique  et  qui  aurait  été  perdue. 
M.  ScHANz^  a  montré  dans  VEpitome  rei  militaris  de  Végèce  plu- 
sieurs fragments  de  l'écrivain  militaire  Paternus,  contemporain  de 

1.  PhUologuSy  vol.  XL,  p.  140-158. 

2.  De  Herodiano  rerum  Rotnanarum  scriptore.VtiTS  I.  Bonn,  Neusser,  1881. 

3.  De  foniibus  vitarum  Hadriani  et  SeptimU  Severi  imperatorum  ab  Aelio 
Spariiano  conscriptarum.  Fribourg-en-fi.,  Dilger,  1880. 

4.  Quaesiiones  Eutropianae,  Magdebourg,  Friese,  1881. 

5.  Hermès.  Vol.  XVl,  1881,  p.  602-636. 

6.  Ibidem,  p.  137-146. 


ALLEMAGNE.  427 

Uarc-Aurèle.  La  question  relative  aux  sources  des  Saturnales  de 
Macrobe,  question  qui  n*est  pas  sans  importance  au  point  de  vue  des 
antiquités  romaines,  avait  été  mise  au  concours  par  TUniversité  de 
Breslau.  Elle  a  excité  l'émulation  de  H.  Likke^  et  de  G.  Wissowa^-) 
tous  deux  sont  arrivés  à  des  résultats  très  probables.  F.  Vogel  '  a 
examiné  s'il  est  vrai,  comme  on  Tadmet  généralement  aujourd'hui, 
que  la  traduction  de  l'ouvrage  de  Flavien  Josèphe  sur  la  guerre  des 
Juifs,  traduction  qui  nous  est  parvenue  sous  le  nom  d'Hégésippe, 
soit  de  saint  Ambroise.  U  rejette  cette  hypothèse  et  estime  que  l'au- 
teur était  un  Juif  ayant  reçu  une  instruction  soignée  et  contemporain 
de  saint  Jérôme.  L'écrit  de  J.-V.  Sarrazdc*  jette  un  jour  nouveau  sur 
les  sources  de  la  chronographie  de  Théophane  ;  il  montre  que  Theo- 
dorus  Lector  doit  y  occuper  une  place  éminente:  il  établit  aussi  que 
l'histoire  de  TÉgiise  par  Sozomène,  sous  sa  forme  actuelle,  est  incom- 
plète et  contient  des  lacunes.  Nous  sommes  redevables  à  un  élève  de 
Henri  Gelzer,  P.  Sauerbrei  ',  d'une  étude  très  consciencieuse  sur  les 
sources  des  4  4'  et  4  5'  livres  de  Zonaras.  Ces  livres  embrassent  la  période 
qui  va  du  règne  de  Marcien  à  la  mort  de  l'impératrice  Irène-,  selon  la 
démonstration,  évidente  à  peu  près  sur  tous  les  points,  de  Sauerbrei, 
ils  ont  pour  source  un  ouvrage  de  première  valeur,  sans  compter 
Théophane,  Nicéphore  et  autres.  On  lira  enfin  avec  intérêt,  au  point 
de  vue  de  l'historiographie  byzantine,  la  dissertation  dans  laquelle 
Jeep  *  examine  soigneusement  les  lacunes  qui  se  trouvent  dans  le 
texte  imprimé  de  la  chronique  de  Jean  Malalas. 

Histoires  et  monographies.  —  La  Remie  historique  a  déjà  rendu 
un  compte  détaillé  de  l'histoire  universelle  de  L.  de  Ranke ,  nous 
n'avons  donc  pas  à  en  parler  ici.  On  peut  en  rapprocher  l'histoire 
de  la  république  romaine  à  l'époque  de  sa  décadence  jusqu'à  la  mort 
de  Sylla,  composée  par  Neumann  ^,  et  publiée  d'après  les  papiers 
qu'il  a  laissés  après  sa  mort.  Cette  histoire  n'était  destinée  par  son 
modeste  auteur  qu  a  servir  de  base  à  son  enseignement  et  non 
point  à  être  publiée  sous  forme  de  volume.  Tous  ceux  qui  pourront 
parcourir  les  descriptions  captivantes  de  Neumann  remercieront 
l'éditeur  d'avoir  livré  au  public  un  ouvrage  qui  s'appuie  sur  une 

1.  Quaeitiones  de  MacrobU  saiurnaliorum  ftmlibus.  Breslau,  Koebner,  18S0. 

2.  De  MacrobU  satumaliorum  forUibus  capita  tria.  Ibid.,  1S80. 

3.  De  Hegesippo,  qui  dicitur  JoseplU  interprète.  Erlangen,  Deichert,  1880. 

4.  De  Theodoro  Lectore,  Theophanis  fonte  praecipuo»  Leipzig^  Teubner,  1881. 

5.  De  fontibus  Zonarae  quaestiones  telectae.  Ibid.,  1881. 

6.  Rheinisches  Muséum  fur  Philologie,  Vol.  XXXVI,  188U  p.  351-361. 

7.  Geschichte  Roms  waehrend  des  Verfalles  der  RepubUk.  Aas  seinem 
Nachlasse  herausgegeben  ron  £.  GoUieiu.  Breslao,  Koebner,  1882. 


428  BULLETIN  HISTORIQUE. 

élude  des  sources  très  approfondie,  sur  une  immense  lecture  et  par- 
dessus tout  sur  un  jugement  absolument  indépendant.  Certes,  sur 
plus  d'un  point  il  est  d'une  opinion  tout  à  fait  opposée  à  celle  de 
Mommsen  et  de  Ranke,  qui  se  rapproche  beaucoup  de  Mommsen  ; 
mais  il  appuie  ses  jugements  sur  une  grande  abondance  de  preuves 
et  les  expose  avec  une  grande  impartialité  de  jugement.  L'influence 
corruptrice  et  destructrice  de  l'aristocratie  romaine,  pendant  Fépoque 
dont  Neumann  s'occupait,  a  été  relevée  par  lui  avec  une  grande 
vigueur.  Nous  lui  savons  un  gré  tout  particulier  de  réagir  contre  la 
tendance  de  L.  de  Ranke  à  exagérer  les  beaux  côtés  de  cette 
aristocratie  et  à  trouver  même  des  qualités  éclatantes  là  où  elles 
n'existent  absolument  pas.  Neumann  a  jeté  un  jour  nouveau  et 
très  vif  sur  les  luttes  intestines  qui  ont  suivi  les  troubles  des 
Gracques;  contrairement  à  l'opinion  courante,  il  caractérise  avec 
raison  le  tribun  populaire  M.  Livius  Drusus  (que  Ranke  appelle 
aussi  un  idéaliste  et  un  enthousiaste) ,  comme  un  partisan  de 
l'aristocratie,  dont  l'unique  but  était,  avec  l'aide  de  la  plèbe 
trompée  par  la  promesse  de  répartitions  agraires,  de  rendre  au  Sénat 
et  à  l'aristocratie  les  tribunaux  que  Gracchus  avait  donnés  aux  che- 
valiers. Malheureusement  l'éditeur  n'a  pas  apporté  assez  de  soin  à 
l'achèvement  définitif  de  l'ouvrage  et  n'en  a  pas  élagué,  comme  il 
aurait  fallu,  quelques  petites  mais  réelles  imperfections.  G.  F.  Heitz- 
BERG^  a  continué  par  l'histoire  de  l'empire  romain  son  histoire 
romaine,  qui  fait  partie  de  la  remarquable  collection  dirigée  par 
M.  Oncken.  Gomme  la  première,  cette  seconde  partie  est  une  œuvre 
d'un  réel  mérite.  Le  tableau  de  l'état  social  sous  l'empire  romain  est 
très  fouillé;  l'auteur  a  mis  consciencieusement  à  profit  les  travaux 
les  plus  récents  et  les  documents  fournis  par  les  inscriptions.  Son 
ouvrage  intéressera  vivement  le  grand  public  des  gens  instruits,  aux- 
quels il  est  destiné. 

Quant  aux  éludes  relatives  à  des  points  particuliers  de  l'histoire 
romaine,  on  a  traité  avec  prédilection  lesépoques  de  la  royauté  et  de  l'em- 
pire, tandis  que  la  période  de  la  république  n'a  donné  lieu  qu'à  un  petit 
nombre  de  publications.  La  question  des  limites  du  territoire  auquel 
s'étendait  primitivement  la  dénomination  d'Italie  a  été  étudiée  d'une 
façon  approfondie  par  B.  Heisterbergk^.  Après  avoir  réfuté,  en  s'ap- 
puyant  sur  le  témoignage  d'Anliochus  de  Syracuse,  les  opinions  anté- 
rieures, notamment  celle  de  Niebuhr,  qui  étendait,  au  nord,  jusqu'au 


1.  Geschichte  von  Hellas  und  Rom.  Berlin,  Grote,  deax  vol.,  1879-1881. 
GeschichU  des  roemischen  Kaiserreichs.  Ibidem,  1881. 

2.  Ueber  den  Namen  Italien.  Fribourg-en-Brisgau,  1881,  Mohr. 


ALLEMAGNE.  429 

Tibre,  le  pays  appelé  Italie,  et  celle  de  Nissen,  qui  regardait  ce  mot 
oomme  samnlte,  il  fixe  comme  frontière  septentrionale  à  Tltalie  primi- 
tive la  rivière  de  Laos  et  la  ville  de  Métaponte.  Le  peuple  des  «  Itali  » 
n'a  jamais  existé,  et  le  nom  d'Italie,  venu  plus  tard  de  Sicile  sans 
aucune  liaison  avec  des  faits  historiques,  est  probablement  d'origine 
phénicienne.  L'auteur  songe  à  une  forme  primitive  Itania^  à  laquelle 
répondraient  les  noms  de  lieu  phéniciens  Itanum  et  lianui,  La  ques- 
tion de  linguistique  laissée  de  côté,  toute  la  démonstration  acquiert 
à  un  haut  degré  le  caractère  de  la  vraisemblance,  bien  que  sa  force 
principale  consiste  dans  la  critique  négative.  On  ne  pourrait  pas  en 
dire  autant  de  la  dissertation,  assez  naïvement  prétentieuse^  de  Fli- 
GiBE  ^  sur  les  temps  primitif^  de  la  Grèce  et  de  Rome  ;  il  cherche  à 
établir,  par  des  raisons  tirées  de  l'ethnographie,  la  preuve  que  les 
Pelages  et  les  Ulyriens  sont  identiques  et  que  l'ItaUe,  ainsi  que  la 
Grèce,  était  habitée  originairement  par  une  population  illyrienne; 
celle-ci  aurait  été  déplacée  par  les  populations  italiques  et  les 
Hellènes  qui  se  seraient  séparés  en  Pannonie.  Les  Japyges,  les 
Arunces,  les  Opiques,  les  Gampaniens  sont  réunis  pêle-mêle  à  ces 
tribus  primitives  illyriennes,  sans  que  l'auteur  semble  seulement  se 
douter  de  la  difficulté  des  questions  philologiques  et  historiques  ici 
enjeu.  La  petite  mais  très  intéressante  dissertation  de  J.  G.  Guno^ 
sur  les  légendes  qui  se  rattachent  au  nom  do  Tarquinius  Priscus,  de 
Servius  Tullius  et  de  Tanaquil,  conduit  à  cette  conclusion,  que  ces 
mythes  ont  été  apportés  sur  le  territoire  de  Rome  par  des  conqué- 
rants et  des  colons  étrusques  et  que,  dans  le  cours  des  temps,  ils  ont 
été  transformés  par  l'immixtion  de  noms  et  de  légendes  latines. 
M.  Poehlmann'  néglige  absolument  les  documents  littéraires  sur  la 
fondation  de  Rome  comme  dénués  de  certitude;  il  étudie  les  origines 
de  Rome  d'après  les  analogies  empruntées  à  l'ethnologie  compa- 
rée, et  d'après  de  nombreux  documents  tirés  de  l'histoire  de  la  civili- 
sation :  observations  sur  la  nature  du  sol  de  la  Campagna,  trouvailles 
importantes  d'établissements  préhistoriques,  faites  dans  la  plaine  du 
Pô  et  dans  le  Latium.  Rome  est  sortie,  suivant  Pœhlmann,  non, 
comme  on  l'a  admis  jusqu'à  ce  jour,  de  la  réunion  de  quelques  cultiva- 
teurs, mais  d'une  colonie  italique  urbaine,  remontant  à  la  plus  haute 
antiquité  et  probablement  la  plus  ancienne  de  tout  le  Latium.  L'au- 
teur, en  combattant  les  hypothèses  jusqu'à  présent  en  vogue  et  leur 


1.  Die  Urzeit  von  HeUas  und  Italien.  Braunschweig,  Vieweg  et  û\%,  1881. 
(Voir  Revue  hUiorigue,  t.  XVIII,  p.  478.) 

2.  Jahrbilcher  fUr  classische  Philologie.  Vol.  123,  1881,  p.  850-856. 

3.  Die  Anfaenge  Roms.  Erlangen,  Deichert,  1881. 

RbV.    HiSTOR.    XXII.    i**"  FA8C.  9 


430  BULLETIN  HISTORIQUE. 

tendance  à  représenter  la  situation  de  Rome  comme  très  défa- 
vorable, fait  justement  ressortir  que  les  fièvres ,  qui  sont  endé- 
miques dans  la  Gampagna ,  rendaient  impossible  une  colonisation 
isolée  de  celle-ci  et  qu'elles  contraignirent  les  colons  italiques  à  se 
fixer,  dans  leur  colonisation  du  Latium,  sur  les  rochers  du  Gapitole 
et  du  Palatin  qui  les  protégeaient  contre  la  malaria.  Si  on  réussit, 
dans  la  direction  que  Tauteur  n'a  fait  qu'indiquer,  à  établir  quelque 
relation  entre  les  résultats  des  fouilles  et  des  recherches  archéo- 
logiques et  la  plus  ancienne  histoire  du  Latium,  qui  sait  si  Ton  nVri- 
vera  pas  à  faire  la  lumière  sur  Tobscurité  qui  couvre  Torigine 
de  la  ville  éternelle?  La  spirituelle  étude  de  Mommsen^  sur  la 
légende  de  Rémus,  le  frère  jumeau  de  Romulus,  offre  un  exemple 
frappant  de  la  modification  violente  et  dictée  par  Tesprit  de  parti 
qu'on  faisait  subir  au  mythe  de  la  fondation  de  Rome.  Sous  sa 
première  forme,  la  légende  ne  connaissait  qu'un  fondateur  de  la 
ville;  les  jumeaux  sont  une  création  de  la  Rome  républicaine.  Pour 
rendre  le  consulat  semblable  à  la  royauté  et  aussi  ancien  qu'elle,  on 
imagina,  entre  l'expulsion  des  rois  et  la  guerre  des  Samnites,  un 
second  roi  à  côté  de  Romulus.  Celui-ci  fût  d'abord  Rémus,  puis 
Titus  Tatius.  Une  légende,  créée  postérieurement,  inventa  en  outre 
la  double  domination  de  Numitor  et  d'Amulius.  La  dissertation  de 
E.  Hbrzog^  Élit  voir  que  l'on  ne  peut  guère  ajouter  plus  de  crédit  à 
la  tradition  relative  aux  premiers  siècles  de  la  république.  De  l'époque 
comprise  entre  l'expulsion  des  rois  et  l'année  266  av.  J.-C,  des  lois 
nous  ont  été  conservées  en  grand  nombre.  Mais  comment  nous  sont- 
elles  parvenues?  Tite-Lîve,  Denys,  nous  les  ont-ils  transmises  avec  une 
sufQsante  fidélité  ?  Nous  renseignent-ils  exactement  sur  leurs  auteurs 
et  sur  leur  contenu  ?  Les  recherches  dirigées  avec  un  très  grand  soin 
par  Herzog  prouvent  qu'il  n'en  est  rien  :  aucune  loi,  de  l'époque  dont 
il  s'occupe,  ne  nous  a  été  transmise  sous  une  forme  authentique; 
la  plupart  sont  en  contradiction  directe  avec  la  situation  poli- 
tique générale  du  moment  auquel  elles  sont  censées  appartenir; 
presque  toutes  enfin  portent  les  traces  évidentes  d'une  narration  qui 
cherche  son  éclat  dans  des  contrastes  violents  et  tire  sa  lumière 
d'événements  postérieurs.  C'est  donc  à  bon  droit  que  l'auteur  con- 
clut à  l'incertitude  de  l'histoire  romaine  primitive,  telle  que  nous 
l'ont  transmise  Tite-Live  et  Denys  ;  et  il  estime  avec  une  juste  raison 
qu'une  extrême  prudence  est  nécessaire  dans  l'usage  qu^on  fait  de 

1.  Hermès.  Vol.  XVI,  1881,  p.  1-23. 

%  Ueber  die  GlaubwUrdigkeit  der  aut  der  roemischen  Republik  bii  zum 
Jahre  387  der  Stadt  ûberlieferten  Gesetze.  Tubiague,  Faes,  1881. 


ÂLLBMAGIfE.  434 

toutes  les  anciennes  lois^  lesquelles,  pour  la  plupart,  ne  reposent  sur 
aucun  fondement.  On  est  surpris  de  voir,  après  cet  examen  si  rigou- 
reusement scientifique  d'Herzog,  la  confiance  avec  laquelle  Pluss  * 
et  PrscHÀinK  ^  basent,  sur  une  tradition  sans  consistance,  leur  hypo- 
thèse concernant  la  plus  ancienne  constitution  romaine.  Le  premier 
de  ces  écrivains  défend  contre  L.  Lange  son  ancienne  supposition 
que  les  six  suffragia  equitum^  créés  par  Servius  Tullius,  étaient  un 
groupement  deux  à  deux  des  douze  centuries  de  chevaliers,  fondées 
par  Tarquin  TAncien  ;  ainsi  deux  centuries  réunies  ne  formaient  qu'un 
seul  suffragium.  Ptschanik  critique  avec  vivacité  les  opinions  cou- 
rantes sur  la  c  lex  Valeria  Horatia  »  et  ressasse  à  nouveau  la  question, 
tant  de  fois  controversée,  de  savoir  si  les  patriciens  avaient  siège 
et  suffrage  dans  les  comices  par  tribu. 

Sur  rhistoire  extérieure  de  la  république  romaine  jusqu'à 
Fexplosion  des  guerres  civiles,  nous  n'avons  à  mentionner  qu'un 
petit  écrit  de  A.  Burxli-Metbr  ^,  qui  cherche  à  déterminer  au 
point  de  vue  stratégique  la  direction  et  le  chemin  suivis  par 
Annibal  dans  son  passage  des  Alpes.  —  Les  sources  peu  abon- 
dantes où  Ton  peut  puiser  quelques  renseignements  sur  la  guerre 
contre  Mithridate,  roi  du  Pont,  ont  été  enrichies  dernièrement  par 
une  trouvaille  faite  à  Athènes,  dans  les  fouilles  du  Dipylon,  et 
qui  a  mis  au  jour  des  monnaies  athéniennes.  Ces  monnaies  portent, 
comme  nous  l'apprend  une  dissertation  intéressante  de  M.  Weil'*, 
tantôt  le  nom,  tantôt  les  armes  de  Mithridate  et  permettent  d'inférer 
que  raUiance  du  roi  avec  les  Athéniens  était  conclue  déjà  en  juillet  88. 
Sur  ces  monnaies  athéniennes,  le  fameux  Aristion  occupe  la  place 
de  second  fonctionnaire,  tandis  que  la  première  place  est  accordée  à 
Mithridate  avec  le  titre  de  roi  et  les  armes  de  Achéménides;  il  faut 
voir  dans  ce  fait  non,  comme  le  fait  Weil ,  une  preuve  de  l'avilisse- 
ment de  la  démocratie  athénienne,  mais  plutôt  une  preuve  de  la  haine 
passionnée  que  les  Athéniens  nourrissaient  à  Tégard  de  la  répu- 
blique romaine.  J.  Bessbr'  traite  de  la  valeur  des  sources  littéraires 
qu'on  a  conservées  relativement  à  la  conjuration  de  Catilina,  et  de  rhis- 
toire de  cette  conjuration,  sans  arriver  cependant  à  des  conclusions 


1.  JahrbUcher  fUr  classische  Philologie,  Vol.  123,  1881,  p.  417-420. 

2.  Zeitschrifl  fur  oesterreichische  Gymnasien.  32*  année,  1881,  p.  81-102. 

3.  HannihaVs  Zug  Hber  die  Alpen  nack  den  Ergtimissen derneuesten  mili- 
Utriichen  Kritik,  Zurich,  Orell-Fûssli  etG'%  1881. 

4.  MUtheilungen    des    deutschen    archaeologischen   InsUiutes  in  Aihen. 
6*  année,  1881,  p.  315-337. 

5.  De  conjwralione  Catilinaria,  Neustadt-snr-Orla,  1880. 


432  BULLETIN  HISTOEIQUE. 

définitives.  M.  Bûdingee  *  s'est  efforcé  de  déterminer  la  situation  et 
rimportance  du  patriciat  dans  l'organisation  civile  de  Rome,  situa- 
tion el  importance  que  les  rapports  confus  et  partiaux  des  annalistes 
empêchent  d'apprécier  à  leur  juste  valeur  dans  les  premiers  temps 
de  la  république.  L'auteur  a  pensé  arriver  le  plus  sûrement  à  une 
solution  en  cherchant  quelle  opinion  Ton  se  faisait  sur  le  patriciat 
et  sur  ses  divers  représentants  à  l'époque  de  Cicéron  et  dans 
la  classe  des  gens  instruits.  Les  différents  écrits  de  Gicéron  sont 
pris  naturellement  comme  sources  principales.  Sans  doute  l'au- 
teur a  fait  des  études  très  approfondies,  mais  nous  n'en  sommes  guère 
plus  avancés.  Comme  il  le  donne  à  entendre  lui-même  dans  sa  pré- 
face, ce  travail  a  été  exécuté  très  à  la  hâte  ;  tandis  que,  d'une  part, 
les  riches  matériaux,  qui  sont  à  notre  disposition  pour  Phistoire 
intérieure  des  dernières  années  de  la  république,  sont  loin  d'avoir  été 
suffisamment  dépouillés,  de  l'autre,  Bùdinger  perd  trop  souvent  de 
vue  son  but  principal  en  se  laissant  entraîner  à  des  digressions,  qui 
n'ont  qu'un  faible  lien  avec  le  sujet,  sur  les  amis  ou  les  gendres  de 
Cicéron,  sur  le  dialogue  entre  Cicéron  et  Calenus  transmis  par  Dion 
Cassius,  etc.,  etc.  Le  principal  ft*uit  de  ce  travail  consiste  dans 
quelques  chapitres  importants  sur  les  convictions  politiques  de  Cicé- 
ron, pendant  les  dernières  années  de  sa  vie,  et  sur  ses  rapports  avec 
César,  Octave  et  quelques  membres  éminents  du  patriciat.  — 
P.  Kgetschac^  a  classé  d'une  façon  judicieuse  les  firagments  du 
discours  de  Cicéron  «  in  toga  candida,  »  par  lequel  Vhotno  novtis, 
auquel  on  ne  prenait  pas  garde  jusqu'alors,  gagna  la  faveur  de  la 
noblesse  et  remporta  ainsi  la  victoire  sur  son  concurrent  au  consu- 
lat :  Catilina.  Par  la  même  occasion,  il  a  expliqué  et  mis  en  nouvelle 
lumière  les  événements  des  années  66-64.  —  La  figure  considérable 
du  fondateur  de  la  monarchie  romaine  a,  comme  toujours,  excité 
l'intérêt  tout  spécial  de  la  critique.  La  Beviie  historique  a  déjà  parlé 
de  la  brochure  de  M.  Sailfeld  sur  la  politique  de  César  à  l'égard  des 
tribus  gauloises  (XXI,  \  73)  ;  nous  n'y  reviendrons  pas.  Les  brillants 
travaux  de  H.  Nissen^  ont  établi  que  César  doit  être  rendu  tout  parti- 
culièrement responsable  de  l'explosion  de  la  guerre  civile  en  49  av. 
J.-C,  et  que,  par  conséquent,  le  récit  qu'il  nous  a  donné  dans  ses 

1.  Cicero  und  der  Patriciat,  eine  staatsrechtUche  Untersuchung.  (Extrait 
des  Denkschriften  der  K.  Akademie  der  Wiss.  zu  Wien.  Phil.-Uistor.  Classe^ 
vol.  31.)  Vienne,  Gerold,  1881. 

2.  De  M.  Tullii  Ciceronis  oratione  in  toga  candida  h4ibita.  Leipzig,  Teub- 
ner,  1880. 

3.  Der  Ausbnich  des  BUrgerkrieges  49  v.  Chr.  Zweiter  Artikel.  Historische 
ZeUschrift.  Vol.  46,  nouv.  série,  vol.  10,  1881,  p.  48-105. 


ALLEMAGNE.  ^133 

«  mémoires  sur  la  guerre  civile  »  doit  être  soumis  à  une  sévère 
critique.  Se  fondant  sur  la  correspondance  de  Cicéron,  et  sur  le 
témoignage  des  historiens  anciens,  qui  sont  en  opposition  presque 
continuelle  avec  César,  Fauteur  arrive  à  ce  résultat  que  César  n*a 
nullement  pris  les  armes ,  comme  il  voudrait  nous  le  faire  croire^ 
pour  la  légitime  défense  de  son  propre  honneur  et  de  sa  sûreté 
ni  pour  la  liberté  du  peuple.  Tandis  que  le  Sénat  était  allé  jusqu'à 
Textrème  limite  de  la  patience  et  de  Tindulgence,  César  a  eu  des 
exigences  que  rien  ne  pouvait  justifier  et  dont  Tunique  but  était 
d'amener  une  catastrophe.  D'autre  part,  Nissen  regarde  comme  évi- 
dent —  mais  en  cela  nous  ne  saurions  partager  son  avis  —  que 
César  n'a  été  contraint  à  faire  le  dernier  pas  que  par  la  répugnance 
de  Pompée  à  partager  le  pouvoir  avec  lui;  pour  lui,  César  a  conti- 
nuellement cherché  à  s'entendre  avec  Pompée  ;  mais  pour  le  malheur 
de  Rome,  Pompée,  sur  le  modèle  de  son  maître,  Sylla,  voulait  réor- 
ganiser, en  dictateur,  la  république  ébranlée,  tandis  qu'il  ne  pos- 
sédait aucune  des  qualités  nécessaires  pour  cela.  On  lira,  avec  un 
intérêt  tout  particulier,  ce  que  dit  Nissen  sur  les  changements 
continuels  des  rapports  entre  les  quatre  partis  politiques  qui  se  dis- 
putaient le  pouvoir  :  les  partisans  de  César,  ceux  de  Pompée,  les 
ultra-conservateurs  dirigés  par  Caton,  et  la  majorité  qui,  dans  le 
Sénat,  inclinait  vers  la  paix.  Ces  différents  partis  se  combattant  et 
s'alliant  tour  à  tour  donnèrent  lieu,  pendant  l'année  50-49,  aux  com- 
binaisons les  plus  diverses,  jusqu'à  ce  que  le  glaive  de  César  vint 
trancher  ce  nœud  gordien.  —  Le  travail  consciencieux  de  G.  Grae- 
BER^  est  un  commentaire  animé  d'un  passage  bien  connu  des 
Annales  (I,  2)  où  Tacite  nous  dépeint  la  noblesse  romaine  privée 
par  la  guerre  civile  de  ses  membres  les  plus  actifs  et  les  plus 
énergiques  et  réduite  à  l'impuissance  par  la  faveur  des  nouveaux 
maîtres  et  par  les  intrigues.  Graeber  a  réuni  les  renseignements 
épars  de  tous  côtés  sur  les  divers  protecteurs  et  amis  illustres  du 
poète  Ovide  -,  il  donne,  outre  des  notes  précieuses  sur  la  biographie 
du  poète,  des  éclaircissements  sur  les  principaux  événements  de 
la  vie  de  Paullus  Fabius  Maximûs,  de  M.  Valerlus  Messalla  Corvi- 
nus,  de  M.  Aurelius  Cotta  Messalinus,  de  C.  Pomponius  Graccinus, 
de  L.  Pomponius  Flaccus  et  enfin  de  Sextus  Pompeius,  consul  en 
4  A  av.  J.-C. 
L'auteur  de  l'histoire  de  la  Grèce,  E.  Cdrtius^,  a  fait  ressortir  avec 


1.  Quaestionum  Ovidianarum  pars  I.  Berlin,  Weidmann,  1881. 

2.  Die  Rekhsbildungen  im  klcissischen  Alterthum.  (Rede  am  Gebartstage 
Kaiser  Wilbelms  I.)  Berlin,  1881. 


^134  BULLETIN  HISTORIQUE. 

beaucoup  de  perspicacité  la  profonde  différence  qui  existe  entre  la  for- 
mation des  États  à  l'époque  moderne  et  dans  Tantiquité.  Il  compare 
le  sort  des  États  grecs  et  de  Fempire  romain,  et  montre  qu'aucun 
d'eux  n'a  su  s^élever  de  la  conception  de  la  cité  à  celle  de  Véiat. 
L'empire  romain,  dit  Curtius,  reposait  sur  un  accroissement  du 
territoire  soumis  à  Rome,  illimité  et  contraire  à  l'existence  même  de 
la  ville,  dont  il  minait  la  stabilité  en  mettant  à  ses  pieds  les  cou- 
ronnes du  monde.  C'est  pourquoi  Fempire  romain  a  toujours  été, 
non  pas  un  organisme  vivant,  mais  seulement  une  agglomération 
de  pays  conquis,  un  cercle  immense,  dans  l'intérieur  duquel 
s'émoussalent  les  qualités  propres  à  chaque  peuple  et  se  reposait 
le  monde  épuisé  par  les  guerres.  De  temps  en  temps  seulement  les 
flanmies  des  passions  surgissaient  de  nouveau  comme  sur  le  théâtre 
d'un  incendie. 

Cette  situation,  nettement  déterminée  par  Curtius,  de  chacune  des 
provinces  romaines,  fut  cause  de  leur  ruine  après  que  Fempire  uni- 
versel eut  subsisté  un  petit  nombre  de  siècles.  Les  provinces  étaient 
si  affaiblies  à  l'intérieur  qu'elles  succombèrent  sans  résistance  sous 
l'attaque  des  Germains.  Et  pourtant,  c'est  même  cette  situation  qui 
semble  à  J.  Jung^  dans  son  ouvrage  sur  les  provinces  de  l'em- 
pire romain,  devoir  être  regardée  comme  le  plus  grand  bonheur 
de  l'époque  impériale.  C'est  grâce  à  elle  que  les  affaires  de  Fempire 
ne  prirent  que  peu  de  place  dans  la  vie  des  particuliers  et  que  tous 
les  efforts  purent  se  concentrer  sur  les  affaires  municipales  (p.  453). 
Heureusement  pour  le  travail  de  Jung,  cette  gloriOcation  d'un 
égolsme  mesquin  et  des  idées  séparatistes  n'a  pas  influé  sur  sa  con- 
ception des  conditions  intérieures  de  Fempire  romain.  Appuyé 
sur  une  somme  de  matériaux  vraiment  énorme  puisés  dans  les 
ouvrages  des  anciens,  dans  les  inscriptions,  dans  les  résultats  des 
fouilles,  enfin  dans  toute  la  littérature  philologique  et  historique 
moderne,  il  a  contribué,  en  plusieurs  sens,  à  éclaircir  et  à  faire 
mieux  comprendre  le  développement  merveilleux  de  la  romani- 
sation  des  populations  de  FEspagne,  de  l'Afrique,  de  la  Gaule,  de  la 
Bretagne,  de  Flliyrie,  de  l'ItaUe  et  des  pays  du  Danube.  Après  avoir 
exposé  un  peu  sommairement,  il  est  vrai,  de  quelle  manière  ces  dif- 
férentes provinces  vinrent  sous  la  domination  romaine,  l'auteur 
explique  l'organisation  politique  et  administrative  par  laquelle  les 
conquérants  remplacèrent  les  institutions  antérieurement  existantes. 
A  cette  occasion  il  expose  d^une   façon  particulièrement  appro- 

1.  IHe  romanischen  Landschaften  des  roemischen  Reiches,  Studien  iiber 
die  inneren  Entwickelangen  in  der  Kaiserzeit.  Innsbruck,  Wagner,  1881. 


ILLEMIGNE.  435 

fondie  les  constitutions  des  villes,  l'organisation  militaire,  adminis- 
trative^ financière,  la  fondation  des  colonies  et  enfin  rétablissement 
des  routes  el  des  fortifications.  Jung  étudie  aussi  avec  soin  le  déve- 
loppement des  conditions  sociales  et  surtout  agraires  dans  chaque 
province,  la  marche  ascendante  et  la  décadence  des  villes,  Thistoire 
du  commerce,  des  industries  et  de  Tinstruction ,  l'introduction  du 
christianisme,  les  luttes  de  celui-ci  contre  le  paganisme,  ses  sectes  et  les 
formes  nombreuses  qu'il  a  revêtues  dans  les  premiers  siècles  de  Tère 
chrétienne.  En  suivant  attentivement  le  récit  de  Jung  jusqu'à  la  fin  des 
invasions,  on  voit  clairement  se  développer  la  civilisation  des  peuples 
romans,  développement  qui  eut  pour  conséquence  la  perte  graduelle 
de  la  nationalité.  Il  faut  reconnaître  cependant  qu'au  milieu  de  ces 
nombreux  documents  on  n'arrive  que  par  un  réel  effort  à  une  vue 
générale.  L'auteur  domine  assurément  tous  les  matériaux  qu'il  a 
réunis,  mais  il  nous  oblige  à  dégager  nous-mêmes  le  Facit  de  toutes 
ces  explications  souvent  faiblement  reliées  entre  elles  et  nous  force 
même  à  nous  adresser  aux  remarques  qui  les  accompagnent.  Ce 
défaut  de  l'ouvrage  de  Jung  est  d'autant  plus  déplorable  que  le  con- 
tenu en  est  riche  et  important  et  qu'on  sera,  à  coup  sur,  obligé  d'en 
revenir  toujours  à  lui  dans  les  travaux  ultérieurs.  L'ouvrage  de 
A.  BuDinsKT  *  sur  la  propagation  de  la  langue  latine  en  ItaUe  et  dans 
les  provinces  de  l'empire  romain  se  rapporte  au  même  sujet,  mais 
est  de  moindre  valeur.  L'auteur  dit  avoir  tenté  de  poursuivre  d'un 
coté  l'extension  géographique  de  la  langue  latine  et  de  déterminer  de 
l'autre  si,  quand  et  en  quelle  mesure  cette  langue  est  devenue  domi- 
nante dans  les  diverses  provinces  de  l'empire^  aux  dépens  des  idiomes 
indigènes  ;  il  a  cherché  aussi  à  indiquer  les  mesures  qui  ont  accéléré 
le  progrès  de  la  romanisation  chez  les  différents  peuples.  Plus  de  la 
moitié  du  livre  est  consacrée  à  Thistoire  de  la  conquête  des  diverses 
provinces  romaines,  des  événements  extérieurs  et  du  développement 
intérieur  de  ces  provinces,  jusqu'aux  invasions  barbares.  L'auteur  a 
su  combiner  en  un  récit  d'une  lecture  agréable  les  nombreux  documents 
épars  dans  les  manuels  de  Mommsen,  Kiepert,  Marquardt,  etc.  Mais 
malheureusement  l'auteur  ne  s'écarte  presque  pas  de  ses  guides  et 
n'essaie  que  dans  un  nombre  de  cas  très  restreint  de  contrôler  ou  de 
compléter  les  résultats  acquis  par  eux,  au  moyen  de  recherches 
personnelles  ou  par  l'usage  direct  des  sources  telles  que  le  Corpus 
inscriptionum ,  etc.  Ajoutez  que  l'auteur  ignore  en  grande  partie 

1.  Die  Ausbreitung  der  laieinischen  Sprache  Uber  Italien  und  die  Provinzen 
des  Bcemischen  Reiches.  Berlin,  Herz,  1881.  Voyez,  plus  loin,  le  compte-rendu 
de  M.  d'A.  de  J. 


436  BULLBTIIf  HI8T0EIQUK. 

la  littérature  historique,  surtout  moderne,  ou  que  du  moins  il  ne 
Tutilise  pas.  On  hésitera  donc  à  le  prendre  pour  guide  dans  Tétude 
du  développement  des  peuples  romans. 

Joseph  Klein  \  Fauteur  d'un  ouvrage  remarquable  sur  les  fonc- 
tionnaires de  l'administration  romaine,  a  fourni  un  instrument 
important  pour  la  connaissance  de  l'histoire  de  l'empire  par  son  édi- 
tion critique  des  fastes  consulaires  de  49  av.  J.-G.  à  284  après.  L'ou- 
vrage est  divisé  en  4  colonnes  :  4*  les  années  de  la  ville  d'après  Var- 
ron,  2^  d'après  l'ère  chrétienne,  3*  les  noms  des  consuls,  et  enfin 
4*  les  témoignages  épigraphiques  et  ceux  des  écrivains  anciens, 
ainsi  qu'une  bibliographie  remarquablement  complète.  Une  adno^ 
tatio  critica^  au  bas  du  texte,  indique  les  principales  leçons  des 
listes  des  consuls  d'après  les  inscriptions  et  les  documents  littéraires. 
L'auteur  a  réussi  ainsi  à  grouper  de  la  manière  la  plus  heureuse  et 
la  plus  nette,  comme  il  se  le  proposait,  tous  les  matériaux  scienti- 
fiques nécessaires  pour  trancher  les  controverses  existantes  sur  la 
succession  des  consuls  sous  l'empire  ;  de  plus,  ce  recueil  de  preuves 
tirées  d'historiens  anciens  et  modernes  est  un  véritable  index  biblio- 
graphique et  est  le  bienvenu  pour  ceux  qui  étudient  l'histoire  des 
trois  premiers  siècles  de  l'empire. 

En  passant  aux  monographies  relatives  à  des  périodes  ou  à  des 
événements  particuliers  de  l'époque  impériale,  nous  citerons  d'abord 
l'étude  de  H.  Duntzer^,  dirigée  contre  d'anciennes  assertions  de 
Th.  Mommsen  [Hermès^  XIU,  p.  245-265),  et  qui  traite  de  la 
famille  de  Germanicus,  de  ses  douze  enfants,  et  de  l'année  de  leur 
naissance;  nous  citerons  ensuite  l'article  de  Grietz'  sur  Tétat  poli- 
tique de  la  Judée  après  la  destruction  de  Jérusalem  en  70  ap.  J.-G.; 
puis  la  dissertation  excellente  de  J.  Dubr^  sur  les  voyages  de  l'empe- 
reur Hadrien.  Les  documents  numismatiques  et  épigraphiques  ont  été 
rassemblés  soigneusement  par  l'auteur,  et  les  relations  des  écrivains, 
notamment  la  biographie  d'Hadrien  par  Spartianus,  ont  été  étudiées 
jusque  dans  leurs  sources  avec  une  grande  perspicacité.  Les  preuves  et 
les  déductions  que  l'auteur  en  tire  sont,  à  l'exception  d'un  petit  nombre 


1.  Fa$H  cansiUares  Inde  a  Caesaris  nece  usque  ad  imperium  Diocletiani. 
Leipzig,  Teubner,  1881. 

2.  Monatssckrift  fur  die  Geschichte  Westdeutschlands.  Jahrgg  7,  1881, 
p.  14-26. 

3.  Monatschri/t  fUr  Geschichte  und  WissenKhaft  des  JudenthiMU,  Jahrg  30, 
1881. 

4.  Die  Reisen  des  Kaisers  Hadrian.  Dans  les  Âbhandlungen  du  séminaire 
d'archéologie  et  d'épigraphie  de  rUniversité  de  Vienne.  Il,  Vienne,  Gerold, 
1881. 


iLLEMlGNE.  437 

de  passages,  dignes  de  confiance  ou  peuvent  prétendre  au  moins  à 
un  haut  degré  de  vraisemblance.  L'auteur  voit  avec  raison,  dans  la 
sympathie  personnelle  et  la  sollicitude  du  voyageur  impérial  pour 
toutes  les  parties  de  Tempire  également,  la  préoccupation  de  mettre 
les  provinces  au  même  niveau  que  Tltalie,  de  les  considérer  comme 
membres  du  corps  impérial  ayant  autant  de  droits  que  Tltalie  même 
et  autant  d'importance.  U  remarque  aussi  que  cette  idée  marque  une 
rupture  éclatante  avec  toute  la  tradition  de  la  politique  romaine.  A  ce 
point  de  vue ,  le  travail  de  Dûrr  fournit  une  base  solide  à  toute 
étude  ultérieure  sur  la  biographie  du  grand  empereur,  et  mérite  notre 
attention  toute  particulière.  La  liste  des  provinces  romaines,  dite  de 
Vérone,  publiée  d'abord  par  Mommsen  (Abhandlungen  der  Berliner 
Akademiej  i  862,  p.  487  et  suiv.)  a  été  regardée  par  ce  savant,  auquel 
se  sont  ralliés  Marquardt  et  d'autres,  comme  le  tableau  delà  division 
de  l'empire  romain  par  Dioclétien  en  297.  Par  contre,  E.  Kuhn  (Jahr^ 
bûcher  fur  Philologie,  4877,  p.  697  et  s.)  a  émis  l'opinion  que  dans 
cette  liste  on  avait  intercalé  presque  toutes  les  modifications  survenues 
dans  l'organisation  de  l'empire  jusqu'en  380  et  ne  pouvait  par  consé- 
quent servir  de  témoignage  pour  les  réformes  constitutionnelles 
de  Dioclétien.  Cette  opinion,  basée  principalement  sur  les  listes  des 
évéques  contenues  dans  les  actes  des  conciles  des  m*  et  rv«  siècles,  a 
été  repoussée  habilement  par  G.  Gzwalina^  ;  non  seulement  ces  listes 
ecclésiastiques  ne  sont  pas  sûres,  mais  encore  elles  sont  défigurées 
par  des  fkutes  de  toutes  sortes,  des  lacunes  et  des  interpolations.  U 
faut  donc  s'en  tenir  encore  fermement  à  l'opinion  que  la  liste,  telle 
que  nous  la  possédons,  a  été  composée  au  temps  de  Dioclétien.  — 
Les  hypothèses  courantes  sur  la  position  personnelle  de  l'empereur 
Constantin  le  Grand  vis-à-vis  du  christianisme  ont  été  soumises  par 
Th.  BaiEGER^  à  une  critique  sévère.  L^auteur  arrive  à  cette  conclusion 
que  l'empereur  a  été  déterminé  à  accepter  le  christianisme  par  des 
raisons  d'État  et  pour  le  prendre  à  son  service  comme  une  puissance 
invincible.  Brieger  fait  ressortir  justement  que  Constantin  n'a  pas 
élevé  d'abord  le  christianisme  au  rang  d'une  religion  d'Etat,  mais  l'a 
seulement  fait  égal  au  paganisme,  avec  une  tendance  cependant  à  lui 
donner,  dans  le  cours  des  temps,  la  prépondérance. 
Le  remaniement  de  1'  «  Histoire  des  migrations  des  peuples  »  de 

1.  Ueber  dos  Verieichniss  der  rœmischen  Provinzen  vom  Jahre  297.  Wesel, 
K&hler,  1881.  Nous  renvoyons  d'ailleurs,  sur  ce  point,  au  traTail  publié  dans 
cette  Revue  même,  par  notre  collaborateur,  H.  G.  JuHian,  XIX,  330. 

2.  ConstavUin  der  Groue  aU  ReUgionspoUiiker,  GoUia,  Pertbes,  1880.  (Extrait 
de  la  Zeitschrift  fUr  Kirchengetchiehte.) 


•IdS  BULLETIN  HISTORIQUE. 

E.  DE  WiBTERSHEiM,  par  F.  DlHN^  occupe  le  premier  rang  parmi  les 
ouvrages  relatifs  aux  invasions  des  barbares.  Le  second  volume  de 
cet  ouvrage  commence  à  l'invasion  des  Huns  en  375  *,  il  décrit  la  sépa- 
ration des  Ostrogoths  et  des  Yisigotbs  et  le  sort  des  empires  fondés 
par  eux  dans  les  contrées  du  Danube,  la  Gaule,  PEspagne  et  PItalie; 
il  traite  ensuite  des  migrations  des  Vandales  jusqu'à  leur  soumission 
par  Bélisaire  et  à  la  conquête  de  Tltalie  par  les  Lombards,  en  568. 
L'ouvrage  se  termine  par  des  remarques  et  des  additions  beaucoup 
plus  étendues  que  celles  de  la  i  '^  édition,  par  un  registre  alphabétique 
détaillé,  ainsi  que  par  une  bibliographie  du  sujet,  malheureusement 
fort  incomplète  et  mal  distribuée.  Les  divergences  entre  le  remanie- 
ment de  Dahn  et  la  première  édition  sont  également  très  sensibles 
dans  plusieurs  parties  de  ce  second  volume  ;  seulement  Dahn  s'est 
plus  souvent  contenté  ici,  au  lieu  de  substituer  sa  façon  de  voir  à 
celle  de  Wietersheim,  d'indiquer  simplement  en  note  les  diver- 
gences d'opinion  et  de  renvoyer  à  ses  propres  ouvrages,  notamment 
à  son  Histoire  des  rois  des  Germains.  Les  additions  de  Dahn  ne 
sont  pas  très  nombreuses  ;  cependant  le  savant  éditeur  y  a  résumé 
consciencieusement  tous  les  résultats  des  dernières  recherches.  Les 
changements  les  plus  considérables  sont  ceux  qu'il  a  apportés 
aux  chapitres  relatifs  à  l'introduction  du  christianisme  chez  les 
Germains.  Il  repousse  avec  raison  l'opinion  que  la  mythologie  des 
peuples  germains  les  prédisposait  à  recevoir  le  christianisme,  car 
l'ascétique  conception  du  monde,  telle  que  les  chrétiens  se  plaisent 
à  l'imaginer,  est  en  opposition  aussi  tranchée  avec  l'héroïsme  joyeux, 
vivant,  des  Germains  qu'avec  les  idées  des  mondes  grec  et  romain. 
Les  Germains  reçurent  le  christianisme  parce  que  c'était  la  religion 
d'État  de  l'empire  romain  comme  ils  adoptèrent  des  termes,  des 
institutions  et  des  ustensiles  romains.  Si  le  culte  égyptien  d'Osiris  et 
d'Isis  avait  été  déclaré  religion  de  l'empire  par  Constantin  et  apporté 
aux  Goths  par  Yalens,  les  Germains,  selon  Dahn,  l'auraient  adopté 
avec  autant  de  facilité,  autant  d'erreurs  dans  la  façon  de  le  com- 
prendre, et  aussi  peu  de  conviction  véritable  que  le  christianisme. 
—  En  même  temps  qu'il  donnait  le  remaniement  de  l'ouvrage  de 
Wietersheim,  Dahn^  a  publié  un  ouvrage  personnel  sur  l'histoire 
primitive  des  peuples  germains  et  romans  ;  cet  ouvrage  fait  partie  de 
la  grande  collection  dirigée  par  Oncken.  Le  4*'  vol.  comprend  l'histoire 

1.  Geschichte  der  Vœlkenvanderung ,  par  Ed.  von  Wietersheim;  seconde 
édition  complétée  et  remaniée  par  F.  Dahn;  2  toI.  Leipzig,  Weigel,  1881. 

2.  Urgeschichie  der  germarUschen  und  romanischen  Voeiker.  Vol.  I  et  II. 
Berlin,  Grote,  1880-1881-1882.  (Fait  partie  de  la  collection  Onken.) 


ALLEMiGRE.  -Idll 

des  Germains  orientaux,  notamment  des  Ostrogoths  et  des  Yisigoths, 
des  Suèves  en  Espagne,  des  Vandales  et  des  peuples  germains  qui 
prirent  part  à  la  chute  de  Tempire  occidental.  Le  second  volume 
revient  en  arrière  de  quelques  siècles,  et  traite  du  sort  des  Ger- 
mains occidentaux  depuis  leur  apparition  dans  l'histoire  jusqu'à  la 
fin  du  V*  s.  Écrit  d^une  façon  très  attrayante,  Touvrage  de  Dahn  ne 
raconte  pas  seulement  les  événements  extérieurs  relatifs  aux  peuples 
germains,  mais  il  se  distingue  aussi  par  l'attention  qu'il  accorde  au 
développement  des  conditions  politiques,  sociales  et  religieuses  des 
Germains  et  des  territoires  romains  occupés  par  eux.  L'œuvre  est  très 
érudite,  sans  étalage  d'érudition.  Les  illustrations  nombreuses  et  habi- 
lement choisies,  dont  la  maison  Grote  a  accompagné  cet  excellent  ou- 
vrage, méritent  une  mention  spéciale. —  Fligier^  croit  reconnaître  des 
traces  d'anciens  établissements  de  Bastarneset  deGoths  danslenombre 
énorme  des  tumulus  et  des  tombeaux  en  pierre  qu'on  trouve  entre  le 
Dniester  et  le  Dnieper.  Des  savants  russes  avaient  démontré,  ces  der- 
nières années,  que  des  restes  importants  des  Goths  s'étaient  main- 
tenus dans  les  vallées  de  la  Crimée  méridionale  jusqu'à  la  chute  de 
l'Éparchie  gothique  (4779-n86).  Tomischbk^  base  sur  leurs  travaux 
et  sur  des  recherches  personnelles  une  étude  intéressante  et  appro- 
fondie sur  les  Goths  en  Tauride;  il  traite  aussi  en  détail  la 
question  de  Torigine,  des  migrations  et  de  la  langue  du  peuple 
allemand  à  l'époque  héroïque.  Les  recherches  de  Buedinger^  sur  la 
situation  politique  de  Sidoine  Apollinaire  nous  transportent  aux 
dernières  années  de  l'empire  [d'Occident.  L^auteur  a  mis  à  contri- 
bution d'une  façon  très  heureuse  la  correspondance  de  Sidoine 
Apollinaire  pour  éclaircir  Tépoque  troublée  où  régna  Odoacre. 
Ce  fut  une  destinée  tragique  que  celle  de  ce  Sidoine  dont  toute 
l'existence  intellectuelle  reposait  sur  cet  empire  romain  catho- 
lique, dont  il  honorait  le  chef  comme  une  force  de  la  nature  ou  un 
être  supraterrestre  -,  et  il  fut  contraint  de  voir,  de  ses  yeux,  non  seu- 
lement le  reste  de  l'empire  se  morceler,  mais  aussi  rattachement 
qu'on  avait  porté  à  cet  empire  disparaître,  et  lui-même  il  dut  finale- 
ment se  soumettre  à  ces  barbares  germains  autrefois  si  amèrement 
détestés,  si  méprisés,  et  se  réconcilier  avec  eux.  A  la  vérité,  et 

1.  Mitiheilungen  der  arUhropologischen  GeseUschaft  in  Wien.  Bd.  XI. 
Neue  Folge.  Band  I,  1881,  p.  100  et  suiv. 

2.  Die  Gothen  in  Taurien.  {Ethnologische  Forschungen  Uber  Osi-Ewopa  und 
Nord-Asien,  I.)  Vienne,  Hoelder,  1881. 

3.  ApoUiTiaris  Sidonitu  als  PoliUker.  (Dans  les  Sitiungsberichte  de  la  PhUos, 
historisehe  Classe  der  kaiserliehen  Àkademie  des  Wissenschafien.)  Vienne,  Bd. 
97,  1881,  p.  915-954. 


140  BULLETIN   HISTORIQUE. 

Bûdinger  le  remarque  avec  raison,  on  ne  trouverait  pas  facilement, 
dans  rhistoire  du  monde,  un  contemporain  d'événements  d'une  telle 
importance  qui  sache  se  plier  avec  aussi  peu  de  préventions  aux  acci- 
dents du  sort.  —  Le  remarquable  manuel  des  antiquités  allemandes, 
publié  par  L.  LindenschhitS  fournit  les  renseignements  les  plus 
importants  sur  Thistoire  de  la  civilisation  des  tribus  allemandes  à 
répoque  des  invasions.  A  Taide  de  nombreuses  gravures,  cet  ouvrage 
met  devant  les  yeux  tous  les  objets  qui  nous  ont  été  conservés  dans 
les  tombeaux  allemands,  tels  que  meubles,  vases  et  ustensiles,  depuis 
les  temps  historiques  les  plus  reculés  et  même  les  temps  préhisto- 
riques. Pour  donner  à  son  point  de  départ  le  plus  de  sûreté  possible, 
Fauteur  commence  par  les  antiquités  des  temps  mérovingiens  ;  le 
second  volume  embrasse  l'époque  germano-romaine  et  le  troisième 
répoque  préhistorique.  Contrairement  à  l'opinion  courante,  Tauteur 
regarde  l'hypothèse  que  les  peuples  européens  seraient  venus  d'Asie 
comme  impossible  à  prouver  et  invraisemblable,  et,  pour  expliquer 
la  parenté  des  Européens  et  des  Ariens  asiatiques,  il  suppose  que 
ces  derniers  —  peut-être  à  une  époque  qui  n'est  pas  très  reculée  — 
auraient  passé  d'Europe  dans  l'Asie  centrale.  Lindenschmit  met 
encore  plus  de  vivacité  à  réfuter  la  supposition  que  l'Allemagne 
avant  l'arrivée  des  Germains  était  habitée  par  des  Celtes;  il 
déclare  que  tous  les  tombeaux  qu'on  avait  attribués  jusqu'à  ce  jour 
aux  Celtes  et  qui  témoignent  d'une  activité  industrielle  et  artistique 
très  développée,  sont  d'origine  germanique  ;  il  en  conclut  que  les 
Germains  à  l'époque  de  leur  premier  contact  avec  les  Romains  avaient 
atteint  un  degré  de  civilisation  bien  supérieur  à  ce  qu'on  croit  géné- 
ralement. G.  Kaufmanu  ^  se  place  à  un  point  de  vue  plus  conser- 
vateur dans  son  histoire  des  Allemands,  depuis  l'origine  des  tribus 
germaniques  jusqu'au  règne  de  Gharlemagne.  Le  premier  livre  du 
premier  volume  embrasse  l'époque  préhistorique  et  les  luttes  des 
Germains  et  des  Romains  jusqu'en  375  après  J.-C.  -,  le  deuxième 
livre  traite  des  conditions  politiques,  juridiques  et  sociales  des  Ger- 
mains ;  le  troisième  livre  comprend  l'histoire  du  peuple  visigoth  de 
375  à  429.  Le  second  volume  décrit,  en  commençant,  la  dissolution 
de  l'empire  d'Occident.  Deux  tableaux  historiques,  exécutés  par  l'au- 
teur avec  un  soin  tout  particulier,  lui  servent  à  caractériser  cette 
époque  :  c'est  d'abord  la  biographie  de  saint  Séverin  et  ensuite  une 


1.  HandUmch  der  deutschen  Alterthumskunde.  Theil  I.  Die  Alterihûmer 
der  Merovingischen  Zeit.  Liefer.  I.  Braunschweig,  Vieweg  et  tils,  1880. 

2.  Deutsche  Geschichte  bis  auf  Karl  den  Grossen.  Vol.  I  et  II.  Dancker  et 
Humblot,  1880-1881. 


ALLEMiGNE.  iÂi 

description  de  Tétai  intérieur  de  la  Gaule  au  v^  siècle.  Le  deuxième 
livre  expose,  d'une  façon  malheureusement  trop  succincte,  Fhistoire 
des  États  fondés  sur  le  sol  romain  :  Visigoths,  Vandales,  Ostrogoths, 
Burgondes  et  Francs  de  450  à  744  ;  un  chapitre  spécial  est  de  nou- 
veau consacré  à  la  situation  intérieure  de  ces  peuplades,  à  la  forma- 
tion des  villes  et  des  États,  à  la  place  occupée  par  TÉglise,  au  déve- 
loppement de  la  royauté  et  de  l'administration,  etc.  ;  le  troisième 
livre,  qui  termine  Touvrage^,  nous  fait  assister  à  la  naissance  de  la 
monarchie  universelle,  spirituelle  et  temporelle  du  moyen  âge  pen- 
dant la  période  qui  va  de  744  à  844.  Kaufmann,  de  même  que  Dahn, 
donne  à  son  exposition  une  forme  populaire  et  non  scientifique  ;  il 
n'a  pu  toutefois  s'empêcher  d'exposer,  dans  un  excursus  long  et  inté- 
ressant, les  différentes  manières  donta  été  conçue  Thistoire  allemande 
primitive  depuis  Môser  jusqu'à  Roth  et  à  Sohm.  Cet  ouvrage  si  ingé- 
nieux et  si  riche  en  aperçus  nouveaux  fait  faire  à  la  science  un  grand 
pas  ;  le  principal  mérite  de  l'auteur  est  d'un  côté  d'avoir  tenu  constam- 
ment le  regard  Vïxé  sur  le  but  final  auquel  tendait  Pouragan  déchaîné 
des  invasions  barbares,  de  l'autre,  d'avoir  cherché  à  saisir  la  relation 
des  faits  particuliers,  à  la  juste  appréciation  desquels  beaucoup  ont 
déjà  épuisé  leur  force.  En  ce  sens  l'ouvrage  de  Kaufmann  peut  pré-  . 
tendre  au  premier  rang  parmi  les  ouvrages  publiés  jusqu'à  ce  jour 
sur  les  derniers  temps  de  l'empire  romain. 

Moeurs  et  coutumes.  —  On  a  publié  dans  ces  derniers  temps  non 
seulement  une  5«  édition  augmentée  et  très  améliorée  de  l'excellent  ou- 
vrage illustré  de  Guhl  et  Koner  ^ ,  maisencore  deux  nouveaux  ouvrages 
d'ensemble  sur  les  antiquités  romaines  et  la  vie  civilisée  des  Romains. 
L'œuvre  de  J.  de  Falke^  se  distingue  par  des  illustrations  très  nom- 
breuses et  d'une  exécution  remarquable,  mais  le  texte  laisse  beau- 
coup à  désirer  au  point  de  vue  de  l'exactitude.  On  trouvera  beaucoup 
plus  de  soin  et  de  connaissance  du  sujet  dans  l'ouvrage  de  Bender^ 
dont  la  Revue  historique  a  déjà  parlé.  A.  Pellexgahr^  a  esquissé 
brièvement  et  avec  clarté  le  développement  de  la  chronologie  romaine 
depuis  son  origine  jusqu'à  la  réforme  grégorienne  du  calendrier  ; 
il  a  combattu  à  ce  propos,  mais  d'une  manière  qui  n'est  pas  tout 

1.  Dos  Lebender  Griechen  und  Roemer  nachantiken  Bildwerken.  Berlin, 
Weidmann,  1881. 

2.  HeUas  und  Rom,  Eine  Culturgeschichte  des  classischen  Alterthums.  Stutt- 
gart, Spemann,  1880. 

3.  Rom  und  roemisches  Leben  im  4lierthum,  Tubingue,  Laupp,  1880.  Yoy. 
Revue  historique,  XX,  413. 

4.  Die  technische  Chronologie  der  Roemer  in  ihrer  Entwickelungf  vom  An- 
fange  bis  zur  gregorianisehen  Kalender-Reform.  Rbeine,  1881. 


444  BULLETIN  HISTORIQUE. 

classique  ;  le  troisième  volume,  qui  repose  sur  une  base  très  large  et 
un  emploi  consciencieux  de  tous  les  documents  originaux,  traite  de 
la  culture  intellectuelle  et  corporelle  des  jeunes  gens  grecs  et  romains, 
de  leurs  excursions  de  gymnastique,  de  leurs  marches,  de  leur  ins- 
truction dans  les  combats  à  armes  lourdes  ou  légères  et  dans  la  lutte^ 
de  leurs  exercices  de  natation,  de  leurs  courses  à  cheval  et  de  leurs 
courses  de  chars,  de  l'enseignement  qu'on  leur  donnait  et  enfin  de 
Torganisation  des  établissements  auxquels  était  confiée  l'éducation 
des  Éphèbes.  Dans  un  chapitre  spécial,  dont  il  faut  savoir  gré  à 
Tauteur,  celui-ci  a  réuni  tout  ce  qui  nous  est  parvenu  de  la  culture 
de  la  femme  dans  Tantiquité-,  de  plus,  deux  articles  d'une  cer- 
taine étendue  expliquent  les  rapports  de  l'éducation  antique  avec 
rÉlat  et  la  religion.  L'auteur  se  prononce  très  défavorablement  sur 
la  valeur  de  l'éducation  romaine,  qu'il  a  le  tort  de  ne  pas  étudier 
séparément,  et  qu'il  confond  sans  cesse  avec  l'éducation  hellénique. 
Grâce  à  leur  tendance  pratique,  les  Romains  ont  abouti,  selon 
l'auteur,  à  un  matérialisme  qui  a  ruiné  la  religion  et  l'État  et  la 
famille.  Mais  cette  ruine  n'a  été  que  le  résultat  final  de  l'éducation 
réaliste  des  jeunes  Romains.  Nous  ne  pouvons  nous  associer  à  la 
sévérité  de  ce  jugement.  Tout  d'abord  il  serait  difficile  de  démon- 
trer que  l'éducation  des  Grecs,  que  l'auteur  apprécie  hautement, 
ait  donné  à  ce  peuple  un  appui  moral  plus  fort  que  le  prétendu 
matérialisme  romain  aux  Romains.  Ensuite,  il  n'est  pas  prouvé, 
comme  on  l'admet  d'ordinaire,  que  Rome  ait  péri  à  cause  de  sa  cor- 
ruption morale  :  que  les  mœurs  aient  été  fort  affaiblies  à  la  cour 
impériale,  dans  Tarislocratie  de  naissance  ou  de  fortune,  on  n'en  peut 
conclure  immédiatement  à  l'immoralité  de  la  grande  masse  du  peuple. 
En  rendant  compte  des  ouvrages  relatifs  aux  origines  du  christia- 
nisme, nous  aurons  l'occasion  de  constater  combien  l'idée  de  la  cor- 
ruption morale  du  peuple  romain  à  cette  époque  de  son  existence  est 
encore  profondément  enracinée,  et  combien  on  est  encore  enclin  à 
présenter  cette  corruption  comme  une  suite  directe  de  l'irréligion 
romaine.  La  nouvelle  édition  de  la  mythologie  romaine  de  L.  Preller^  , 
due  aux  soins  de  H.  Jordan,  est  d'une  haute  importance  pour  l'his- 
toire de  la  religion  romaine.  Le  savant  éditeur  a  modifié  fort  peu 
de  choses  au  texte  de  Preller  ;  par  contre  l'appareil  critique,  rejeté 
dans  les  notes,,  a  été  soumis  à  une  revision  rigoureuse-,  on  a 
complété  soigneusement  les  lacunes  et  enregistré  les  résultats 
obtenus  dans  ces  derniers  temps  par  l'étude  des  monuments  et 

1.  Roemische  Mythologie.  3*  éd.  revue  par  H.  Jordan.  Vol.  1.  Berlin,  Weid- 
inann,  1881. 


ALLEMAGNE.  447 

dogme  et  Thistoire  littéraire.  Il  est  évident  que  dans  un  ouvrage 
ayant  ce  caractère  encyclopédique,  surtout  quand  il  s'y  manifeste 
des  tendances  apologétiques,  la  valeur  des  différents  articles  est  assez 
diverse.  Cependant,  en  somme,  cette  encyclopédie,  qui  est  ornée  de 
nombreuses  illustrations,  peut  être  considérée  comme  un  guide  digne 
de  confiance  sur  le  terrain  de  Tarchéologie  chrétienne.  Enfin  il  faut 
signaler,  à  propos  de  Fhistoire  de  TÉglise  pendant  le  v*  siècle,  la 
biographie  de  Cyrille  d'Alexandrie,  publiée  par  Kopallik^  Ce  récit 
repose  sur  une  étude  attentive  des  sources,  mais  il  n'est  pas  suffi- 
samment impartial. 

Travaux  relatifs  a  l'armée  romaine.  —  Le  travail  d'ensemble 
publié  sur  ce  sujet  par  M.  J^hns^  s'étend  des  origines  à  la  renais- 
sance et  mérite  l'attention  surtout  à  cause  de  l'abondance  des  passages 
cités  d'après  les  ouvrages  modernes  et  utilisés  par  Tauteur,  à  cause 
aussi  de  ses  remarquables  illustrations.  H.  Bruncke^  a  essayé  de 
reconstituer  l'organisation  de  l'armée,  attribuée  au  roi  Servius  Tul- 
lius  ;  dans  l'idée  de  l'auteur,  on  aurait  reconnu  l'insuffisance  de  cette 
organisation  dans  la  grande  guerre  contre  les  Gaulois,  notamment 
dans  le  combat  de  l'Allia  ;  on  l'aurait  alors  écartée  pour  introduire 
dans  l'armée  des  réformes  dues  à  Camille.  Comme  caractère 
principal  de  cette  réorganisation  Brunckc  indique  la  disposition 
de  trois  lignes  placées  Tune  derrière  Tautre  et  difîeremment  armées 
(hoitati^  principes^  triarit],  et  leur  répartition  en  unités  tactiques  : 
les  manipuli;  cette  dernière  mesure  cependant  n'aurait  tout  d'abord 
pas  été  appliquée  à  la  troisième  ligne  (iriarii:.  Une  polémique  très 
vive  s'est  engagée  entre  H.  Nissen''  et  P.  Hankel*  sur  la  division, 
rétendue  et  la  fortification  du  camp  romain  décrit  par  Polybe  (VI, 
27,  32).  D'un  autre  côté,  E.  Huebner®  et  A.  Muelleh^  ont  traité  de 
l'armement  des  légionnaires  romains  et  Mommsen®  a  étudié  les  varia- 
tions dans  le  nombre  des  cohortes  urbanae  et  des  cohortes  preato- 
riae.  Nous  avons  déjà  parlé  plus  haut  des  articles  de  Mommsen  et 
de  Gauer  sur  les  sous-ofliciers  romains,  les  cantonnements  des 


1.  CfrUlus  von  Alexandrien.  Hayence,  Kirchheim,  1881. 

2.  Handlmch  einer  Guchichte  des  Kriegswesens  von  der  Urzeit  bis  zur 
Renaissance.  Nebst  eioem  Atlas  von  100  Tafeln.  Leipzig,  Grunow,  1880. 

3.  Philologus,  Bd.  40,  1881,  p.  357-377. 

4.  JahrbOcher  far  classische  Philologie,  Bd.  123,  1881,  p.  129-138. 

5.  IMem,  p.  857-867. 

6.  Hermès.  Bd.  XVI,  1881,  p.  302-308. 

7.  Philologw.  Bd.  40,  1881,  p.  122-138,  p.  221-270. 

8.  Hermès.  Bd.  XYI,  1881,  p.  643  et  suiv. 


446  BULLETIN  HISTOEIQUB. 

route  morale  du  monde  romain.  On  ne  pouvait  attendre  d'ailleurs 
de  Tauteur,  qui  se  place  tout  à  fait  sur  le  terrain  de  la  révéla- 
tion, une  exposition  absolument  satisfaisante  et  impartiale  :  ainsi 
Keim  attribue  la  conversion  de  beaucoup  de  païens  à  Tinfluence  des 
signes  et  des  miracles  et  il  considère  Tapparition  de  la  peste  à  Smyrne, 
en  468-469,  comme  un  châtiment  de  Dieu  pour  le  supplice  de  Poly- 
carpe  ;  dans  un  autre  passage,  cependant,  et  avec  plus  de  raison,  il 
désigne  cette  épidémie  comme  une  cause  importante  de  la  persécution 
des  chrétiens  à  Smyrne.  Les  rapports  entre  l'État  romain  et  le  chris- 
tianisme pendant  les  premiers  temps  de  son  existence  ont  été  exposés 
très  minutieusement  par  Hilgbptfeld^  et  par  Mangold^.  Ce  dernier 
nous  apprend  ce  fait  étrange  que,  dans  les  premiers  siècles  de  Tère 
chrétienne,  des  prières  liturgiques  furent  instituées  pour  Tempereur 
et  les  magistrats  romains  non  seulement,  comme  Tavait  admis  Weiz- 
sœcker,  dans  la  communauté  romaine,  mais  aussi  dans  toutes  les 
communautés  chrétiennes  de  Fempire.  Weihigaeten*,  après  s'être 
livré  à  des  recherches  sur  les  caractères  du  gnosticisme ,  explique 
d'une  façon  très  admissible  comment  les  communautés  chrétiennes 
primitives  sont  parvenues,  en  se  transformant,  à  l'organisation  hié- 
rarchique de  rÉglise  catholique.  La  gnose,  d'après  Weingarten, 
n'était  pas  autre  chose  qu'un  essai  tenté  pour  transformer  le  chris- 
tianisme conformément  aux  anciens  mystères,  et  pour  le  faire  appa- 
raître, dans  un  nouveau  culte  de  mystères,  comme  l'accomplissement 
de  l'antique  religion  de  la  nature.  La  lutte  contre  cette  gnose  païenne, 
qui  comptait  des  adeptes  dans  de  nombreuses  communautés  chré- 
tiennes, a  conduit  la  chrétienté  du  ii®  siècle,  encore  désorganisée,  à 
s'unir  étroitement  et  à  fonder  i'épiscopat,  avec  la  conmiunauté  de  la 
capitale  du  monde  comme  centre.  L'encyclopédie  des  antiquités  chré- 
tiennes* publiée  par  F.-X.  Kraus,  en  collaboration  avec  des  savants 
distingués,  s'est  imposé,  en  suivant  l'exemple  du  Père  Martigny  dans 
son  Dictionnaire  des  antiquités  chrétiennes^  la  tâche  de  décrire  la  civi- 
lisation et  la  vie  artistique  de  l'ancienne  chrétienté,  pendant  les  six  pre- 
miers siècles  de  son  existence,  à  l'exclusion  absolue,  par  conséquent, 
de  tout  le  moyen  âge  et  de  tout  ce  qui  regarde  l'histoire  de  l'Église,  le 


1.  Zeiischrift  fur  vHssenschaflliche  Théologie.  XXIV,  1881. 

2.  De  ecclesia  primaeva  pro  Caesaribus  ac  magistratibus  Romanis  precet 
fundenie.  Bonn,  Georg,  1881. 

3.  Historische  ZeiisckrifU  Bd.  45.  (Neue  Folge,  Bd.  9.)  1881,  p.  441-467. 

4.  Real-Encyclopaedie  der  christUchen  AllerthUmer.  Bd.  I.  (Fasc.  1-7.)  Fri- 
bourg-en-B.,  Herder,  1880-1882. 


ALLEMAGNE.  447 

dogme  et  Thistoire  littéraire.  Il  est  évident  que  dans  un  ouvrage 
ayant  ce  caractère  encyclopédique,  surtout  quand  il  s'y  manifeste 
des  tendances  apologétiques,  la  valeur  des  différents  articles  est  assez 
diverse.  Cependant,  en  somme,  cette  encyclopédie,  qui  est  ornée  de 
nombreuses  illustrations,  peut  être  considérée  comme  un  guide  digne 
de  confiance  sur  le  terrain  de  l'archéologie  chrétienne.  Enfin  il  faut 
signaler,  à  propos  de  l'histoire  de  FÉglise  pendant  le  v*  siècle,  la 
biographie  de  Cyrille  d'Alexandrie,  publiée  par  KoPALLIK^  Ce  récit 
repose  sur  une  étude  attentive  des  sources,  mais  il  n'est  pas  suffi- 
samment impartial. 

Travaux  relatifs  a  l'armée  romaine.  —  Le  travail  d'ensemble 
publié  sur  ce  sujet  par  M.  J^chns^  s'étend  des  origines  à  la  renais- 
sance et  mérite  l'attention  surtout  à  cause  de  l'abondance  des  passages 
cités  d'après  les  ouvrages  modernes  et  utilisés  par  Tautcur,  à  cause 
aussi  de  ses  remarquables  illustrations.  H.  Brunckb^  a  essayé  de 
reconstituer  l'organisation  de  l'armée,  attribuée  au  roi  Servius  Tul- 
lius  ;  dans  l'idée  de  l'auteur,  on  aurait  reconnu  l'insufllsance  de  cette 
organisation  dans  la  grande  guerre  contre  les  Gaulois,  notamment 
dans  le  combat  de  l'Allia  ;  on  l'aurait  alors  écartée  pour  introduire 
dans  l'armée  des  réformes  dues  à  Camille.  Comme  caractère 
principal  de  cette  réorganisation  Bruncke  indique  la  disposition 
de  trois  lignes  placées  Tune  derrière  l'autre  et  difïcremment  armées 
(hastati^  principes,  (riarii),  et  leur  répartition  en  unités  tactiques  : 
les  manipuli;  cette  dernière  mesure  cependant  n'aurait  tout  d'abord 
pas  été  appliquée  à  la  troisième  ligne  (triarii;.  Une  polémique  très 
vive  s'est  engagée  entre  H.  Nissex''  et  F.  Hankel*  sur  la  division, 
l'étendue  et  la  fortification  du  camp  romain  décrit  par  Polybe  (VI, 
27,  32).  D'un  autre  coté,  E.  Huebner^  et  A.  Muelleh^  ont  traité  de 
l'armement  des  légionnaires  romains  et  Mommsen®  a  étudié  les  varia- 
tions dans  le  nombre  des  cohortes  urbanae  et  des  cohortes  preato- 
riae.  Nous  avons  déjà  parlé  plus  haut  des  articles  de  Mommsen  et 
de  Gauer  sur  les  sous-ofliciers  romains,  les  cantonnements  des 


1.  CyriUus  von  Alexandrien.  Mayence,  Kirchheim,  1881. 

2.  Uandlmch  einer  Geschichte  des  Kriegswesens  tyon  der  Urzeit  bis  zur 
Renaissance.  Nebst  eioem  Atlas  von  100  Tafeln.  Leipzig,  Grunow,  1880. 

3.  Philologus.  Bd.  40,  1881,  p.  357-377. 

4.  JahrbUcher  far  classische  Philologie,  Bd.  123,  1881,  p.  129-138. 

5.  Ibidem,  p.  857-867. 

6.  Hermès,  Bd.  XVI,  1881,  p.  302-308. 

7.  PhUologus.  Bd.  40,  1881,  p.  122-138,  p.  221-270. 

8.  Hermès.  Bd.XYI,  1881,  p.C43  et  suiy. 


4  48  BULLBTIN  HISTORIQUE. 

légions,  etc.  La  publication  de  Touvrage  de  Pfitzner  *  semblait  devoir 
combler  le  vœu  qu'on  formait  depuis  longtemps  de  posséder  une 
histoire  générale  et  complète  des  légions  romaines  sous  Tempire.  Il 
n'en  est  rien.  L'ouvrage  de  Pfitzner  traite,  dans  la  première  partie, 
de  l'histoire  générale  des  légions  d'Auguste  à  Hadrien,  d'après  l'ordre 
chronologique  *,  dans  une  seconde  partie  l'auteur  s'occupe  des  garni- 
sons des  diverses  provinces  pendant  la  même  période  ;  la  troisième 
partie  enfin  contient  l'histoire  même  des  différentes  légions.  Cette 
division,  qui  va  du  général  au  particulier,  qui  fait  voir  dans  la  pre- 
mière partie,  par  anticipation,  les  résultats  contenus  dans  la  troi- 
sième, laquelle  devrait  être  à  la  base  du  travail,  éveille  déjà  nos. 
scrupules  ;  malheureusement,  dans  les  détails,  notre  attente  à  propos 
de  l'utilité  du  livre  et  de  son  autorité  n'est  que  trop  souvent  trompée 
elle  aussi.  Outre  un  très  dangereux  penchant  à  construire  des  hypo- 
thèses que,  dans  le  cours  de  ses  recherches,  l'auteur  confond  presque 
toujours  avec  des  résultats  certains,  on  remarquera  dans  cet  ouvrage 
un  mépris  étrange  des  sources  épigraphiques,  auxquelles  il  aurait 
fallu  puiser  cependant  en  première  Ugne.  Cet  ouvrage  ne  peut  pas 
être  considéré  comme  une  étude  définitive  sur  l'histoire  des  légions; 
c'est  cependant  un  travail  utile  où  l'on  trouvera  consciencieusement 
réunis  un  grand  nombre  de  témoignages  tirés  des  auteurs  anciens. 
La  dissertation  de  E.  Hûbnër^  est  un  petit,  mais  très  remarquable 
chapitre  de  cette  histoire  des  légions.  Elle  décrit,  à  partir  de  l'expé- 
dition d'A.  Plautius  jusqu'à  Septime-Sévère ,  l'état  primitif  et  les 
principales  modifications  de  l'armée  romaine  établie  dans  la  province 
de  la  Bretagne  et  des  légions  et  troupes  auxiliaires  qui  en  faisaient 
partie.  Le  savant  auteur  fait  ressortir  avec  raison  les  difficultés  qui 
empêchent  d'écrire  une  histoire  générale  de  Tarmée  romaine  avant 
Tachèvement  du  Corpus  inscriptionum ;  puisse-t-il  faire  suivre 
bientôt  cette  étude  de  monographies  pareilles  sur  les  garnisons  des 
autres  provinces  de  Tempire  romain  ! 

Nous  voici  arrivés  au  terme  de  notre  bulletin.  Le  nombre  des 
publications  allemandes  sur  l'histoire  romaine  n'a  cessé  d'aug- 
menter. Les  sujets  traités  dans  les  œuvres  que  nous  avons  ana- 
lysées sont  très  divers,  les  méthodes  d'investigation  dont  on  a 
fait  usage  sont  nombreuses  et  les  appréciations  portées  sur  la  valeur 
de  ces  travaux  difi'èrent  beaucoup  entre  elles  ;  malgré  cela,  nous 


1.  GeschÂchte  der  Rannischen  Kaiserlegionen  van  Auguslus  bis  Hadrianus. 
Leipzig,  Teubner,  1881. 

2.  Hermès.  Bd.  XVI,  1881,  p.  513-584. 


ALLEMAGNE.  '149 

devons  constater  —  et  le  doute  n'est  pas  possible  —  qu'en  somme  la 
critique,  telle  qu'on  la  pratique  aujourd'hui  en  Allemagne,  est  en 
bonne  voie.  De  plus  en  plus  elle  se  détourne  des  parties  obscures, 
pour  lesquelles  on  ne  peut  puiser  à  aucune  source  sûre  ;  de  plus  en 
plus  elle  s'efforce  de  parvenir  à  la  vérité  en  alliant  à  un  jugement 
critique  rigoureux,  qui  se  défie  des  sources  littéraires ,  une  étude 
approfondie  et  minutieuse  de  la  langue,  des  monuments  et  des 
inscriptions.  Si  d'un  côté,  grâce  à  cette  méthode,  le  domaine  de 
l'histoire  authentique  est  considérablement  diminué  en  plusieurs 
sens,  de  l'autre,  cette  perte  est  largement  compensée  par  une  cer- 
titude plus  grande  des  résultats  acquis  et  des  conclusions  qu'on  en 
peut  tirer,  soit  pour  l'histoire  de  la  civilisation  antique,  soit  même 
pour  celle  des  peuples  modernes  soumis  à  l'influence  des  peuples 
anciens  dont  ils  sont  issus. 

Herman  Haupt. 


450  .  CORRESPONDANCE. 


CORRESPONDANCE. 
LETTRE  DE  M.  GLASSON,  MEMBRE  DE  L'INSTITUT. 

Monsieur, 

Je  Tiens  de  lire  la  notice  que  tous  avez  consacrée,  dans  le  numéro  mars- 
aTril  de  la  Revue  historiqtief  à  mon  oayrage  sur  Y  Histoire  du  droit  et  des  ins- 
titutions de  V Angleterre,  tomes  IV  et  V  (et  non  pas  III  et  IV)  ^.  Permettez- 
moi  de  TOUS  adresser  mes  remerctments,  et  aussi  de  tous  présenter  une  obser* 
Tation  sur  une  critique  importante  et  qui  cependant  n'est  pas  exacte.  Voas 
paraissez  croire  que  mon  travail  a  été  fait  avec  rapidité,  parce  qu'en  effet  les 
volumes  se  suivent  à  intervalle^  rapprochés.  Cet  ouvrage  est  terminé  depuis 
trois  ans  et  auparavant  j'y  avais  travaillé  pendant  dix  ans.  La  preuve  en  est  facile 
à  fournir  :  il  a  été  couronné  par  l'Institut  il  y  aura  bientôt  trois  ans,  et  le 
manuscrit  y  est  déposé.  Mais  votre  remarque  n'aurait  aucune  importance,  et 
je  n'aurais  pas  pris  la  peine  de  la  relever,  si  elle  ne  vous  conduisait  pas  à  une 
autre  observation  d'une  tout  autre  gravité  et  qui  motive  ma  lettre.  Vous  con- 
cluez, de  ce  que  vous  avez  dit,  que  mon  ouvrage  est  une  compilation  qui 
d'ailleurs  offre  l'avantage  de  faire  connaître  les  principaux  travaux  anglais  et 
allemands  sur  la  matière.  Ceci  demande  a  être  relevé  avec  quelques  explica- 
tions. Chacune  de  mes  parties  contient  un  exposé  historique  rapide  de  l'état 
de  l'Angleterre  pendant  la  période  dont  je  m'occupe  :  je  vous  accorde  bien 
volontiers  que  ce  chapitre  de  chaque  partie  est  une  œuvre  de  seconde  main 
et  j'ajouterai  même  que  je  n'y  attache  qu'une  importance  tout  à  fait  secon- 
daire :  je  me  suis  uniquement  proposé  dans  ce  premier  chapitre  de  rappeler  à 
grands  traits  les  faits  généraux  de  l'histoire  pour  éclairer  le  droit  et  les  insti- 
tutions. Je  vous  accorde  aussi  que  le  chapitre  consacré  dans  chaque  partie  au 
régime  politique  a  été,  en  général,  fait  avec  des  auteurs,  les  sources  anciennes 
ra'ayant  paru  d'un  secours  insuffisant.  Mais  le  droit  civil,  la  procédure, 
presque  toute  Vorganisation  Judiciaire,  le  droit  pénale  c'est-à-dire,  pour  un 
jurisconsulte,  les  parties  les  plus  essentielles  de  l'ouvrage  et  qui  prennent  les 
quatre  cinquièmes  de  chaque  volume,  ont  été  exclusivement,  uniquement 
écrites  d'après  les  sources;  et  pour  citer  les  principales  :  le  I*  volume  avec 
les  lois  anglo-saxonnes  publiées  par  Schmid  ;  le  II*  volume  avec  Glanville  ;  le 
III*  volume  avec  Bracton,  Britton,  la  Fleta  ;  le  IV*  volume  avec  Littleton  ;  le 
Y*  volume  avec  Coke  et  Blackstone.  Je  vous  prierai  de  vouloir  bien  vérifier 
l'exactitude  de  ce  que  j'avance  et  j'attends  de  votre  impartialité  une  rectifi- 
cation lorsque  vous  aurez  occasion  de  parler  encore  de  mon  ouvrage  ;  le  plus 
tôt  sera  le  mieux. 

Veuillez  agréer,  Monsieur,  je  vous  prie,  l'expression  de  mes  meilleurs  sen- 
timents. 

Glabson. 

t.  Il  y  a  en  effet  ici  une  erreur.  U  aurait  fallu  dire,  p.  371,  ligne  23  :  le 
tome  IV  comprend  la  cinquième  partie  ;  le  tome  V,  la  sixième  et  la  septième 
partie,  etc.  On  lit  d'ailleurs  deux  lignes  plus  haut  :  c  Avec  le  troisième 
volume,  il  est  arrivé  à  l'avènement  d'Edouard  III  ;  deux  nouveaux  volumes 
viennent  de  paraître...  » 


COREBSPONDIRCE.  45i 

Je  demande  la  permission  de  répondre  à  cette  lettre  en  quelques 

mots.  Je  n*ai  jamais  douté  que  Touvrage  de  M.  Glasson  ne  fût  le  fruit 

d  un  très  long  travail.  Je  me  contenterai  de  faire  deux  remarques  :  la 

première,  c'est  que  la  Bévue  historique  devait  apprécier  Touvrage  de 

M.  Glasson  surtout  au  point  de  vue  historique.  En  second  lieu,  j'ai  cru 

devoir  relever  un  procédé  de  travail  pour  le  moins  fâcheux.  Que  Ton 

veuille  bien  comparer  Glasson,  t.  JTV,  pp.  67,  71,  75,  77,  80,  86,  100, 

102  et  suiv.,  avec  Fischel,  t.  I,  pp.  201,  225,  245, 247,212  ;  t.  H,  pp.  19, 

181,  225,  etc.,  et  Ton  verra  si  le  mot  de  «  compilation  »  est  juste.  Je  ne 

l'aurais  pas  employé  si  M.  Glasson  n'avait  omis  de  citer  l'ouvrage  auquel 

il  a  fait  de  si  larges  emprunts.  Ceci  dit,  je  ne  ferai  que  répéter  ce  que 

j*ai  déjà  écrit  à  propos  des  1. 1  et  II  {Rev,  hist.y  XIX,  105)  :  c  Abondant, 

précis,  toujours  clair,  parfois  original  quand  il  traite  du  droit  civil  ou 

criminel,  de  la  procédure  et  des  peines,  de  la  condition  des  personnes 

et  des  biens,  M.  Glasson  prête  davantage  le  flanc  à  la  critique  quand  il 

aborde  le  terrain  plus  proprement  historique.  »  Il  n'y  a  peut-être  pas 

en  définitive  une  si  grande  différence  entre  les  observations  présentées 

par  M.  Glasson  dans  sa  lettre  et  les  critiques  que  je  me  suis  permises 

dans  le  Bulletin, 

Ch.  Bémont. 

LETTRE  DE  M.  E.  MICHAUD. 

Monsieur  le  Directeur, 

Si  les  critiques  que  vous  avez  jointes  à  vos  compliments  dans  votre  compte- 
rendu  du  tome  1*'  de  mon  ouvrage  sur  Louis  XIV  et  Innocent  XI  ne  portaient 
que  sur  ma  médiocrité  personnelle,  je  serais  heureux  de  garder  le  silence. 
Hais  elles  frappent  plus  que  moi  et  plus  que  mon  ouvrage  ;  elles  incriminent 
les  sources  auxquelles  j'ai  puisé,  et  elles  supposent  la  question  de  la  critique 
historique  tranchée  dans  le  sens  d'un  subjectivisme  et  d'un  personnalisme  que 
je  crois  dangereux. 

J'estime  trop  les  lecteurs  de  la  Revue  historique  pour  ne  pas  vous  deman- 
der la  permission  de  leur  soumettre  quelques  observations,  audiatur  et  altéra 
pars. 

1.  Vous  dites  :  c  Au  lieu  de  donner  à  son  ouvrage  la  forme  d'un  travail  éla- 
boré et  personnel,  prétendant  offrir  le  jugement  définitif  de  l'histoire,  il 
aurait  bien  mieux  valu  que  M.  Michaud  se  contentât  de  faire  une  publication 
analytique  de  la  correspondance  diplomatique  de  Rome  pendant  le  pontificat 
d'Innocent  XI.  »  (Numéro  de  mars-avril  1883,  p.  375.) 

Or,  à  la  première  page  de  mon  Introduction,  je  déclare  précisément  que  mon 
travail  n'est  ni  complet  ni  définitif,  mais  simplement  un  travail  préparatoire, 
en  attendant  que  la  publication  des  archives  des  autres  États  et  surtout  du 
Vatican  permette  d'écrire  une  histoire  complète  et  définitive.  Vous  m'imputez 
donc,  Monsieur,  une  prétention  que  j'estime  non  moins  que  vous  déplacée, 
mais  que  j'ai  formellement  écartée.  Je  regrette  que  la  première  page  de  mon 
ouvrage  vous  ait  échappé. 

Quant  à  faire  la  c  publication  analytique  »  dont  vous  parlez,  je  l'ai  faite 
forcément,  en  dépouillant  les  documents  mêmes.  Mais  permettez-moi  de  vous 


i  52  CORRESPONDANCE. 

faire  remarquer  que  les  analyses  de  ce  genre,  quand  elles  prennent  de  telles 
dimensions,  ne  trouvent  que  peu  ou  point  de  lecteurs.  Si  vous  aviez  pris  la 
peine  d'ouvrir  un  des  quatre-vingt-six  volumes  in-4*  que  j'ai  dépouillés,  si  vous 
aviez  lu  une  seule  des  dépêches  diplomatiques  qui  y  sont  contenues,  vous 
auriez  vu  qu'elle  touche  à  dix  ou  douze  questions  différentes,  et  que,  dans  de 
telles  conditions,  l'analyse  que  vous  voulez  bien  me  conseiller  ne  pourrait  pro- 
duire qu'un  inextricable  fouillis.  J'ai  fait  ressortir  cette  difficulté,  avec  des 
détails  qui  me  paraissent  péremptoires,  à  la  page  xi  de  mon  Introduction.  Je 
regrette.  Monsieur,  qu'elle  vous  ait  échappé  ainsi  que  la  première,  ou  du  moins 
que  vous  n'ayez  pas  daigné  réfuter  mes  raisons. 

2.  Vous  dites  :  c  Dans  les  volumes  suivants,  M.  Michaud  étudiera,  je  pense, 
les  grandes  affaires  du  pontificat  d'Innocent  XI.  » 

Or,  à  la  dernière  page  de  cette  même  IntroducUon^  je  dis  expressément  : 
c  Cet  ouvrage  comprendra  quatre  parties,  chacune  formant  un  volume.  La  pre- 
mière sera  consacrée  à  peindre  Innocent  XI,  sa  curie,  les  intrigues  de  sa  cama- 
rilla  et  les  mœurs  de  la  ville  sainte  pendant  son  pontificat.  La  seconde  traitera 
de  sa  politique  générale  et  de  ses  agissements  contre  la  France.  La  troisième 
exposera  les  affaires  de  Rome  et  de  France  de  1676  à  1689  ;  et  la  quatrième, 
les  débats  ecclésiastiques  et  théologiques  pendant  le  même  laps  de  temps.  » 
Avouez,  Monsieur,  qu'il  m'était  difficile  d'être  plus  précis,  et  que  votre  j6  pense 
m'autorise  singulièrement  à  croire  que  vous  n'avez  pas  plus  lu  ma  dernière 
page  que  ma  première. 

3.  Vous  dites  de  mon  travail  :  «  Il  est  composé  exclusivement  avec  les  cor- 
respondances des  agents  diplomatiques  de  Louis  XIV  à  Rome,  pendant  le  pon- 
tificat d'Innocent  XI.  C'est  dire  d'avance  que  la  critique  historique  est  absente 
de  ce  livre,  puisque  les  rapports  d'hommes  notoirement  et  passionnément  hos- 
tiles au  pape  sont  pris  comme  source  unique.  » 

Je  me  suis  borné  aux  sources  diplomatiques  françaises,  sans  me  douter,  je 
l'avoue,  que  ce  qui  était  français  de  1676  à  1689  dût  le  paraître  si  peu  à  cer- 
tains Français  d'aujourd'hui.  Je  m'étonne.  Monsieur,  que  vous  soyez  aussi 
sévère  envers  des  hommes  comme  les  Colbert,  comme  le  duc  et  le  cardinal 
d'Estrées,  comme  le  marquis  de  Pomponne,  comme  le  marquis  de  Lavardin,  etc. 
Jusqu'à  preuve  du  contraire,  je  persiste  à  croire  que  ces  hommes,  qui  n'étaient 
point  des  sots  et  qui  voyaient  les  choses  de  près,  les  voyaient  au  moins  aussi 
bien  que  les  critiques  d'aujourd'hui,  qui,  pour  la  plupart,  ne  prennent  même 
pas  la  peine  de  les  lire.  Vous  les  condamnez  d'un  mot  :  c  Ils  étaient  notoire- 
ment et  passionnément  hostiles  au  pape  I  »  C'est  expéditif  et  fort  commode.  Je 
m'étonne,  Monsieur,  que  vous  n'ayez  point  distingué  dans  leurs  correspon- 
dances les  faits  qu'ils  rapportent  d'après  le  témoignage  même  des  amis  du 
pape  et  les  doctrines  qu'ils  formulent.  Libre  à  vous  de  suspecter  leurs  doc- 
trines, bien  qu'il  serait  encore  mieux  de  les  réfuter.  Mais  pourquoi  un  adver- 
saire du  pape  ne  mériterait-il  aucune  créance,  quand  il  rapporte  des  faits  et 
qu'il  cite  des  paroles  défavorables  au  pape  ?  Vous  accordez  là  à  la  papauté  un 
bien  grand  privilège,  qui  ne  peut  que  la  réjouir  fort,  en  faisant  admirablement 
son  jeu.  Devant  tout  tribunal,  les  témoins  à  charge  sont  entendus  aussi  bien 
que  les  témoins  à  décharge,  et  permettez -moi  de  trouver  étrange  que  vous 
biffiez  d'un  trait  de  plume  et  sans  scrupule  tous  les  témoins  appartenant  à 
l'école  gallicane. 

Je  sais  bien  qu'aujourd'hui  la  vogue  n'est  plus  au  gallicanisme,  qui  était  l'es- 
prit français  d'alors  ;  mais  je  ne  croyais  pas  que  cette  défaveur  pût  vous  trou- 
ver sensible  à  ce  point.  D'ailleurs,  si  vous  voulez  considérer  de  près  les  doc- 


CORRESPOnfDANCE.  453 

trines  et  les  conseils  de  ces  personnages  que  vous  croyez  si  passionnés  et  si 
liosUles  au  pape,  vous  verrez  bien  vite  qu'au  fond  ils  ont  fait  plus  de  conces- 
sions que  de  résistance.  Etrange  passion,  étrange  hostilité  que  celles  d'un 
homme  qui,  se  voyant  attaqué  dans  ses  libertés  par  le  pape,  ose  se  débattre, 
se  défendre,  et  finit  par  courber  la  tête  sous  les  coups  de  l'agresseur  I 

En  vérité,  je  me  demande  qui,  d'après  vos  principes  de  critique,  aurait  le 
droit  d'écrire  l'histoire  de  l'Eglise  catholique.  Serait-ce  les  amis  du  pape? 
Non,  puisqu'ils  sont  engagés  dans  la  partie.  Serait-ce  ses  ennemis  ?  Pas  davan- 
tage, pour  la  même  raison.  Quels  sont  donc  les  heureux  mortels  qui  ne  sont 
ni  amis  ni  ennemis  du  pape?  Je  ne  les  envie  point;  car  l'indifférence  que  vous 
leur  supposez  ne  me  paraît  pas  rehausser  leur  intelligence.  Au  fond,  vous 
semblez  admettre  comme  premier  principe  de  critique  que,  pour  juger  impar- 
tialement un  parti  et  pour  en  écrire  correctement  l'histoire,  il  faut  ne  lui 
point  appartenir.  C'est  dire  qu'un  républicain  ne  peut  pas  écrire  l'histoire 
d'une  république,  qu'un  monarchiste  i(e  peut  pas  écrire  l'histoire  d'une  monar- 
chie, qu'un  libre-penseur  ne  peut  pas  juger  sainement  la  libre  pensée^  et  qu'un 
philosophe,  qui  entend  quelque  chose  en  philosophie,  ne  peut  être  qu'un  mau- 
vais historien  de  la  philosophie. 

Je  ne  saurais,  Monsieur,  vous  suivre  dans  une  telle  voie,  et  je  maintiens 
qu'on  peut,  sans  manquer  de  critique  historique,  faire  entendre  la  note  fran- 
çaise non  moins  que  les  notes  antifrançaises. 

Votre  opinion  personnelle  est  une  autorité  à  mes  yeux,  sans  aucun  doute  ; 
mais,  partisan  avant  tout  de  la  méthode  objective  et  persuadé  que  l'historien 
impartial  et  exact  est  celui  qui  subordonne  son  opinion  aux  faits  et  non  celui 
qui  plie  les  faits  à  sa  propre  opinion,  j'ai  le  regret.  Monsieur,  de  ne  pouvoir 
vous  sacrifier  aucun  des  documents  que  j'ai  cités.  Ils  ne  m'appartiennent  pas 
plus  qu'à  vous,  et,  quoi  que  vous  en  disiez,  ils  s'imposent  à  vous  comme  à 
moi.  Tai  voulu  rapporter  ce  qui  a  été  dit  et  fait  en  France,  d'après  les  docu- 
ments diplomatiques  des  archives  françaises,  dans  le  grand  combat  entre 
Louis  XIV  et  Innocent  XI;  et  vos  critiques  ne  relèvent  aucune  erreur  de  ma 
part. 

Libre  à  vous  de  trouver  mon  ouvrage  d'une  digestion  difficile.  Gela  dépend 
de  la  qualité  des  estomacs.  Il  serait  d'ailleurs  impossible  au  lecteur  le  mieux 
doué  de  se  faire  une  idée  exacte  de  cet  ouvrage  en  s'en  tenant  à  votre  article, 
qui  n'indique  même  pas  une  seule  des  questions  qui  y  sont  traitées.  Ce  n'est 
point  un  compte-rendu  objectif  que  vous  avez  fait,  mais  un  simple  jugement 
subjectif  et  personnel  que  vous  avez  prononcé.  Vous  avez  fait  connaître  votre 
pensée  au  lecteur,  mais  la  question  reste  absolument  intacte. 

Le  public  jugera  laquelle  des  deux  méthodes  renferme  le  plus  de  vérité  his- 
torique et  partant  de  véritable  critique. 

Croyez,  Monsieur,  que,  malgré  cette  profonde  divergence  de  méthode  et 
d'appréciation,  je  reste  votre  humble  et  reconnaissant  serviteur. 

E.  MiCHAUD, 

professeur  d'histoire  à  l'Université  de  Berne. 

M.  Monod  répond  plus  haut  à  cette  lettre,  en  rendant  compte  des 
tomes  II  et  III  do  l'ouvrage  de  M.  Michaud;  voy.  p.  109. 


454  COMPTBS-HEIIDUS  CRITIQUES. 


COMPTES-RENDUS  CRITIQUES, 


ScHiAPAAKLLi.  Lesioni  solla  etnografla  dell*  Italia  antica.  Turin, 
Loescher,  ^878,  in-8*,  56  pages-,  —  I  Pelasgi  neU'  Italia  antica, 
lettnra  fatta  nella  seduta  délia  classe  di  scienze  storiche  e 
fllologiche  dei  2  e  16  marso  1879,  stemperia  reale  de  Torino, 
4879,  in-8*^,  55  pages;  —  I^  stirpi  ibero-liguri  neir  Ocoidente 
et  nell*  Italia  antica.  Torino,  stemperia  reaie,  4880,  443  pages. 
—  Bernhard  Heisterbergk.  Ueber  den  namen  Italien,  eine  his- 
torische  Untersnchnng.  Freiburg  im  Breisgau  und  Tiibingen, 
Mohr  et  Paul  Siebeck,  4880,  in-8%  466  pages. 

La  thèse  de  M.  Schiaparelli  est  que  les  Ligures  sont  le  peuple  histo- 
rique le  plus  ancien  de  l'Italie,  qu'ils  arrivèrent  d'Occident,  qu'ils  sont 
de  race  ibérique  et  que  les  Ibères  sont  identiques  aux  Libyens.  Il  ajoute 
que  les  plus  grands  hommes  vivants  ou  morts  de  l'Italie  du  xix"  siècle 
sont  d'origine  ligure.  Je  me  bornerai  à  mentionner  cette  dernière  opi- 
nion qui  nous  fait  sortir  du  domaine  de  l'histoire  ancienne.  Quant  au 
reste  des  doctrines  de  l'auteur,  il  est  exposé  avec  beaucoup  de  clarté  et 
défendu  avec  une  science  incontestable.  En  voici  un  exemple  :  les 
savants  qui  se  sont  jusqu'ici  occupés  de  recueillir  les  débris  de  la  langue 
des  Ligures  ont  cité  le  passage  de  Pline  où  il  est  dit  que  suivant  Métro- 
dore  de  Scepsis  le  P6  dans  la  langue  des  Ligures  s'appelait  Bodinau*. 
Mais  une  circonstance  6te  à  ce  passage  une  grande  partie  de  son  auto- 
rité. Métrodore  de  Scepsis  paraît  avoir  vécu  de  l'an  145  à  l'an  70  avant 
notre  ère*.  Il  aurait  eu  vingt-sept  ans  environ  à  la  mort  de  Polybe, 
128  avant  notre  ère.  Or  la  doctrine  que  Pline  attribue  à  Métrodore  pour- 
rait bien  n'être  autre  chose  qu'une  reproduction  défectueuse  d'une  indi- 
cation que  nous  devons  à  Polybe.  Dans  le  chapitre  16  de  son  livre  U, 
Polybe,  après  avoir  parlé  des  Ligures,  fait  une  description  du  Pô  de  la 
source  à  l'embouchure,  et  il  ajoute  :  les  indigènes  appellent  ce  fleuve 

Bodencus  :  wapa  ye  \L^>f  tôt;  vfx'^ploiç  à  -ïtotapLo;  icpodayopeuetai  B6ô«pto;'. 

Suivant  Pline,  Metrodorius  Sceptius  dicit Ligurum  quidem  lingua 

amnem  ipsum  Bodincum  vocari,  quod  significet  fundo  carenlem.  Il  est 
permis  de  supposer  que  Ligurum  lingua  est  simplement  une  traduction 
un  peu  trop  hardie  du  icapà  toTc  èyx^9^oiç  de  Polybe  et  que  par  consé- 

t.  Pline,  livre  III,  §  t22. 

2.  Fragmenta  histaricorum  graecorum,  t.  III,  p.  203. 

3.  Edition  Didot,  p.  249,  col.  2. 


mSPOOLET  :   LES  HfSTITVTIONS  POLITIQUES  DES  BOMIINS.  455 

queat  le  nom  des  Ligures  a  été  introduit  arbitrairement  dans  une  obser- 
vation géographique  dont  elle  était  originairement  absente.  Je  suis 
moins  satisfait  du  passage  où,  citant  un  vers  attribué  à  Hésiode  par 
Strabon,  livre  VU,  ch.  m,  §  7  : 

AlOfoicctc  Te  Aiyyjç  xt  iSk  SxuOa;  tnirQ{i.oXYO^c  S 

M.  Schiaparelli  affirme  qu'au  lieu  de  Aiyy^  ts  il  faut  lire  Ai6uac.  Quelques 
détails  un  peu  précis  sur  les  leçons  que  les  manuscrits  nous  offrent 
n'auraient  pas  été  hors  de  propos.  —  M.  R.  Heisterbergk  suppose  que 
le  nom  dltalus  d'où  vient  Italia  est  identique  à  Itanos,  nom  d'origine 
phénicienne,  porté  dans  l'antiquité  par  une  ville  de  Crète.  Le  nom 
d'Italie  rappellerait,  à  l'insu  de  tout  le  monde,  le  souvenir  d'une  coloni- 
sation phénicienne  dont  toute  autre  trace  aurait  disparu. 

H.  d'Arbois  de  Jubainville. 


MiSPOULET.  Les  institutions  politiques  des  Romains.  —  Tome  I*'. 
La  Constitution.  —  Paris,  Pedone-Lauriel,  \  882,  in-8^  de  390  p. 

Ce  livre  n'est  pas  sans  mérite.  Il  est  sérieusement  fait,  d'après  les 
sources  anciennes  aussi  bien  que  d'après  les  ouvrages  modernes  :  sur 
chaque  point  il  contient  l'essentiel,  et  les  candidats  à  la  licence  le  con- 
sulteront avec  fruit.  Il  traite  de  l'organisation  des  pouvoirs  publics 
depuis  les  origines  de  Rome  jusqu'à  la  fin  de  l'empire;  un  second  volume 
sera  consacré  à  l'administration  proprement  dite. 

M.  Mispoulet  divise  son  sujet  en  trois  périodes  :  la  royauté,  la  répu- 
blique et  l'empire.  La  distinction  semble  toute  naturelle;  au  fond  elle 
est  factice.  Il  y  a  une  très  grande  différence  entre  les  institutions  de 
Rome  vers  l'année  500  et  celles  qui  étaient  en  vigueur  au  temps  de 
Gicéron.  Pourquoi  dès  lors  les  confondre  ?  Il  eût  mieux  valu,  à  mon 
sens,  que  l'histoire  intérieure  accompagnât  l'exposé  de  la  constitution 
politique,  du  moins  dans  la  mesure  où  il  était  nécessaire  pour  faire  com- 
prendre celle-ci.  On  eût  ainsi  subdivisé  en  trois  parties  la  période  de  la 
république  :  !•  Depuis  l'année  509  jusque  vers  300,  lutte  entre  les  deux 
ordres  et  modification  lente  de  la  constitution.  2^  De  l'année  300  à  l'an- 
née 150,  état  à  peu  près  stationnaire  de  la  constitution;  c'était  le 
moment  de  la  décrire  en  détail.  Z^  Des  Gracques  à  Actium,  histoire 
de  la  chute  de  la  république  ;  dernier  état  de  la  constitution  républicaine. 

M.  M.  déclare  qu'il  a  surtout  suivi  les  auteurs  allemands.  Il  a  eu  rai- 
son de  mettre  à  profit  leurs  recherches.  Mais  les  services  qu'il  a  reçus 
d'eux  l'ont  peut-être  rendu  injuste  pour  les  travaux  français.  Parmi  ces 
derniers,  il  y  en  a  beaucoup  qu'il  ne  connaît  pas  ou  dont  il  ne  tient  pas 
assez  grand  compte.  Croirait-on  par  exemple  que  dans  tout  l'ouvrage 

1.  Deuxième  édition  Didot,  t.  I,  p.  79. 


456  COMPTES-RENDUS  CRITIQUES. 

le  nom  de  M.  Fustel  de  (boulanges  est  cité,  sauf  erreur  de  ma  part,  une 
seule  fois,  et  encore  dans  une  petite  note  de  ia  préface?  Serait-ce  par 
hasard  que  cet  admirable  livre,  la  Cité  antique^  ne  serait  point  arrivé 
jusqu'à  M.  Mispoulet  ?  Ou  bien  faut-il  penser  que,  sans  en  ignorer  l'exis- 
tence, M.  M.  le  trouve  dépourvu  de  valeur  ?  On  peut  ne  point  partager 
toutes  les  vues  de  M.  Fustel  de  Coulanges  ;  mais  ses  ouvrages,  par  un 
privilège  rare,  sont  de  ceux  qui  font  réfléchir,  et  ils  renferment  une 
multitude  de  faits  et  d^dées  qui  n'étaient  pas  indignes  de  l'attention 
de  M.  M.  Quelques-unes  de  ses  théories  sont  d'ailleurs  assez  célèbres 
pour  mériter  une  mention^  et,  quand  il  y  a  lieu,  une  réfutation  som- 
maire. 

Le  malheur  est  que  M.  M.  tranche  les  questions  plus  qu'il  ne  les  dis- 
cute. Dès  que  son  opinion  est  faite,  les  objections  n'ont  aucune  prise 
sur  lui,  et  il  rejette  trop  promptement  les  plus  sérieuses.  Il  est  sans 
doute  convaincu  depuis  longtemps  qu'il  y  avait  des  sénateurs  plébéiens 
à  l'origine  môme  de  la  république.  M.  Willems  est  ensuite  survenu, 
qui  s'est  efforcé  de  démontrer  que  le  Sénat  a  été  exclusivement  patri- 
cien jusque  vers  l'an  400.  Je  ne  prétends  pas  que  M.  M.  fût  obligé  aussi- 
tôt de  se  ranger  à  son  avis  ;  du  moins  aurait-il  dû  étudier  de  près  son 
argumentation,  qui  est  très  solide;  il  se  contente  de  l'étrangler  en 
quelques  lignes  au  bas  d'une  page.  Je  ne  cite  que  cet  exemple  ;  j'en 
pourrais  citer  d'autres  encore.  Chaque  fois  qu'il  est  en  présence  d'une 
question  controversée,  M.  M.  affirme,  sans  toujours  prouver.  Parmi  les 
solutions  courantes,  il  en  choisit  une,  qui  parfois  est  en  effet  la  plus 
vraisemblable  ;  mais,  à  l'entendre,  on  dirait  qu'il  en  est  l'auteur.  Dans 
d'autres  cas,  il  en  apporte  une  qui  est  originale,  mais,  au  lieu  de  l'in- 
troduire timidement  comme  une  simple  hypothèse,  il  la  pose  carrément 
comme  l'expression  môme  de  la  vérité.  Plus  de  prudence  siérait  mieux, 
je  crois,  à  un  débutant*. 

Paul   GUIRAUD. 


Die  Ansbreitnng  der  lateinischen  Sprache  flber  Italien  und  die 
Provinzen  des  rœmischen  Reiches,  von  Dr.  Alexander  Budinskt, 
Professor  an  der  Universitaet  Czernowitz.  Berlin,  Wilhelm  Hertz, 
^  HSi ,  in-8%  vii-267  pages. 

Cet  ouvrage  est  divisé  en  treize  chapitres,  consacrés  chacun  à  une 
partie  de  l'empire  romain  :  1®  Italie  et  îles  italiques;  2*  Espagne; 
3»  Gaule;  4®  Bretagne;  5*  Helvétie;  6^  Germanie  romaine;  ?•  Vindô- 
licie,  Rhétie  et  Norique  ;  8o  Pannonie  ;  9«  Illyrie  et  Dalmatie  ;  10*  Macé- 
doine et  Thrace;  11*  Mésie  et  Dacie;  12o  Grèce  et  Orient;  IS»  Afrique. 


1.  Je  ne  parle  pas  des  fautes  d'impression  ;  elles  sont  innombrables.  Onpent 
voir  page  46,  note  2^  un  exemple  de  la  manière  dont  les  textes  grecs  sont 
altérés. 


BBIXGIIIBIBR  :  PRIKTISGHBS  HINDEUCH  DER  HISTOB.  CHBOlf .  A  57 

Au  début  de  chacun  de  ces  chapitres  l'auteur  expose  en  quelques  mots 
par  quelle  population  était  habité,  au  moment  de  la  conquête  romaine, 
le  pays  dont  le  nom  forme  le  titre  de  ce  chapitre;  puis  il  raconte  la  con- 
quête, enfin  il  réunit  les  indications  directes  ou  indirectes  que  les  écri- 
yains  romains,  les  inscriptions  antiques,  leé  monnaies  fournissent  sur 
la  diffusion  de  la  langue  latine  dans  la  partie  de  Tempire  romain  dont 
il  s'agit.  Ainsi  dix-sept  pages  sont  consacrées  à  l'Espagne  :  les  deux 
premières  traitent  des  populations  de  l'Espagne  antérieurement  au 
milieu  du  troisième  siècle  avant  notre  ère  :  Ibères,  Celtes,  colonies 
phéniciennes;  en  deux  autres  pages  M.  B.  résume  la  conquête  momen- 
tanée de  la  presqu'île  par  les  Carthaginois,  l'arrivée  des  Romains  et  la 
guerre  sanglante  qui  en  un  espace  de  douze  ans  détruisit  définitivement 
la  domination  carthaginoise  dans  la  péninsule  ;  puis  viennent  les  guerres 
soutenues  par  les  Romains  contre  les  peuples  d'Espagne  qui  préten- 
daient rester  indépendants  et  qui  sont  finalement  subjugués,  trois  pages  ; 
Torganisation  administrative  et  les  colonies  établies  en  Espagne  par  les 
Romains,  quatre  pages.  C'est  après  ces  préliminaires,  incontestablement 
nécessaires,  que  l'auteur  arrive  à  ce  qui  fait  à  proprement  parler  son 
sujet,  écoles  latines  établies  dans  le  pays,  auteurs  latins  qu'il  a  produits, 
renseignements  do  toute  sorte  que  nous  avons  sur  le  maintien  des  dia- 
lectes locaux,  etc.  M,  B.  donne  en  note  une  grande  partie  des  textes 
sur  lesquels  il  s'appuie,  renvoie  exactement  aux  autres.  Son  plan  est 
bien  conçu;  son  exposition,  claire;  son  livre  est  un  bon  résumé  fait 
avec  science  et  talent,  qu'on  lira  avec  plaisir  et  profit.  Mais  je  ne  crois 
pas  qu'on  y  trouve  beaucoup  de  résultats  nouveaux. 

U.  d'Arbois  de  Jubainville. 


Praktlsches  Handbuch  der  historisclien  Chronologie  aller  Zei- 
ien  nnd  Vœlker,  besonders  des  IHittelalters,  von  Dr.  Eduard 
Belngkmeieb.  Berlin,  Hempel,  4882,  2''  éd.,  xxiy-504  p. 

Le  livre  de  M.  Brinckmeier  est  sans  contredit  un  bon  manuel  pra- 
tique de  chronologie,  surtout  pour  le  moyen  âge  ;  les  indications  théo- 
riques et  historiques  y  sont  rangées  de  manière  à  en  rendre  Tétude 
facile  et  méthodique.  Sans  doute  Tœuvre  magistrale  des  Bénédictins, 
ÏÀrt  de  vérifier  les  dates,  a  servi  de  base  au  travail  de  M.  B.,  comme  il 
doit  arriver  pour  tout  ouvrage  semblable  ;  il  faut  même  ajouter  que  le 
Handbuch  der  histor,  Chron.  de  H.  Grotefend  (Hanovre,  1872)  n'a  pas 
été  sans  influence  sur  le  nouveau  manuel  de  M.  B.  ;  mais  en  plus  d'un 
passage  on  constate  que  Fauteur  a  travaillé,  comme  il  le  dit  lui-même, 
d'après  ses  propres  recherches. 

Le  livre  est  divisé  en  six  parties  :  I.  Introduction  où  sont  données 
les  indications  astronomiques  et  techniques  sur  la  division  du  temps. 
IL  Ères  et  époques  employées  par  les  divers  peuples  de  l'antiquité  et 


458  COMPTBS-BBNDUS  GBITIQUBS. 

de  répoqae  moderne,  m  et  IV.  Des  calendriers  en  vigueur  au  moyen 
ftge;  travaux  préparatoires  et  application  de  la  réforme  grégorienne. 
V.  De  la  manière  de  commencer  Tannée  dans  les  divers  pays.  VI.  Tables 
de  recherches  pratiques;  elles  occupent  la  majeure  partie  du  volume. 
De  ces  tables,  les  unes  permettent  de  déterminer  les  dates  du  calen- 
drier et  des  divers  computs  chronologiques  ;  les  autres  sont  des  listes 
chronologiques  des  empereurs  et  des  rois  de  Germanie,  des  rois  de 
France  et  d'Angleterre,  des  papes,  des  consuls  romains,  des  conciles  de 
l'Eglise;  en  dernier  lieu  se  trouve  un  commode  tableau  synchronique 
des  divers  souverains  de  l'Europe  qui  ont  régné  dans  le  même  temps. 

Il  est  inutile  d'insister  sur  l'utilité  de  ce  manuel.  Les  problèmes  de 
chronologie  pour  ceux  qui  étudient  le  moyen  âge  sont  si  fréquents  et 
si  complexes  qu'il  faut  toujours  savoir  gré  à  ceux  qui  cherchent  à  en 
rendre  la  solution  plus  courte  et  plus  rapide  ;  il  le  faut  d'autant  mieux, 
si  le  livre  qui  doit  servir  de  guide  est,  comme  celai  de  M.  B.,  composé 
avec  conscience  et  avec  zèle. 

On  pourrait  faire  quelques  réserves  sur  l'arrangement  général, 
noter  certaines  lacunes,  ainsi  dans  les  listes  des  souverains,  et  cer- 
taines inutilités,  telles  que  la  table  des  éclipses  du  soleil  et  de  la  lune, 
désirer  une  méthode  plus  simple  pour  certaines  recherches  :  je  m^pelle 
à  ce  sujet  le  modeste  opuscule  de  M.  G.  Garraresi  (Cronografia  générale, 
Florence,  1875),  dont  j'ai  déjà  parlé  dans  la  Revue  historique  (I,  S47), 
et  dont  une  expérience  répétée  m'a  fait  toujours  apprécier  davantage 
Futilité,  l'exactitude  et  l'excellent  arrangement.  Je  préfère  cependant 
présenter  quelques  observations  particulières. 

Relativement  à  la  naissance  du  Ghrist  et  à  son  rapport  avec  le  début 
de  l'ère  vulgaire,  l'auteur  aurait  pu  consulter  avec  profit  un  mémoire  de 
John  Bond,  The  Christian  era,  inséré  au  1. 1»  des  Transactions  of  the  his- 
torical  Society  (Londres,  1875),  et  qu'il  ne  cite  pas. —  On  s'étonne  surtout 
que,  pour  l'histoire  du  calendrier  grégorien,  il  ignore  les  importants 
travaux  de  Ferd.  Kaltenbrunner.  —  Sur  l'indiction  constantinienne  ou 
césarienne,  qui  commence  le  24  septembre,  il  faut  remarquer  que,  en 
Italie,  comme  dauis  les  autres  pays,  où  cette  indiction  fut  employée,  on 
la  fait  généralement  commencer  trois  mois  et  sept  jours  avant  le  com- 
mencement de  l'année  commune  ;  à  Gênes  au  contraire,  le  cycle  des 
indictions,  bien  qu'elles  commencent  le  24  septembre,  retardait  d'une 
année  par  rapport  au  comput  césarien,  et  par  conséquent  de  huit  mois 
et  vingt-quatre  jours  quant  à  l'année  commune  :  ce  fait  ressort  d'un 
passage  de  Johannes  de  Janua  cité  par  M.  B.,  p.  38;  mais  il  n'a  pas 
ensuite  bien  éclairci  cette  différence  de  la  méthode  génoise,  qui  cons- 
titue un  fait  isolé  dans  le  calcul  commun  de  l'indiction  césarienne.  —  Ge 
calcul  des  indictions,  dit  M.  B.,  s'est  substitué  à  celui  des  olympiades,  qui 
cesse  en  394,  et  sur  lequel  il  donne  d'exacts  renseignements,  p.  11.  Mais 
il  importe  d'ajouter  que,  même  au  moyen  âge  et  jusqu'au  x«  siècle,  on 
trouve  des  exemples,  surtout  en  France,  de  l'emploi  des  olympiades;  seu- 
lement, elles  n'ont  rien  à  faire  avec  les  olympiades  grecques;  c'était  une 


fomns  lEum  bbenehsium.  459 

fiiçon  de  calculer  les  années  du  prince  régnant,  en  les  divisant  par 
périodes  de  quatre  en  quatre  ans.  c  Ainsi  (dit  le  Nouv.  traité  de  diplom,, 
IV,  703),  la  seconde  année  de  la  cinquième  olympiade  de  tel  roi  signi- 
fiait la  dix-huitième  de  son  règne.  »  A  ce  propos,  outre  Du  Gange  et  le 
Nouv.  traité  de  diplom.,  il  me  parait  bon  de  rappeler  les  Etudes  sur  la 
chronologie  des  rois  de  France  et  de  Bourgogne,  d'après  les  diplômes 
et  les  chartes  de  Tabbaye  de  Gluny,  publiées  par  M.  A.  Bruel,  dans  la 
Bibl,  de  l'Ec,  des  chartes^  t.  XLI  :  l'auteur  cite  deux  pièces  de  Tan  856, 
datées  de  la  première  olympiade  du  roi  Lothaire,  c'est-à-dire  de  son 
premier  quadriennium,  Tannée  856  étant  la  seconde  du  règne  de  ce  roi. 
—  Il  est  inexact  que  la  réforme  grégorienne  du  calendrier  ait  été  intro- 
duite en  Toscane  c  en  1749  ou  en  1751  »  (p.  86)  ;  elle  y  fut  acceptée 
Tannée  même  de  la  réforme,  et  proclamée  à  Florence  le  20  juin  1582, 
par  ordre  du  grand  duc,  qui  avait  pris  un  grand  intérêt  à  cette  réforme. 
Ce  qui  se  passa  en  1749  ou  1751  est  tout  autre  chose  :  on  ramena  les 
divers  styles  employés  pour  le  commencement  de  Tannée  dans  les  diverses 
localités  de  la  Toscane  au  style  commun  du  {^  janvier;  cette  réduction 
fut  ordonnée  le  20  novembre  1749  par  arrêt  de  François  de  Lorraine, 
empereur  et  grand-duc  de  Toscane. 

CSesare  Paoli. 


Fontes  remm  bemensinm.  Berns  Geschichtsquellen.  —  Berne, 
J.  Dalp.  T.  II,  ^877;  t.  III,  ^880,  in-8^ 

Quoique  Berne  possédât  déjà  le  vaste  recueil  diplomatique  de 
K.  Zeerleder,  publié  de  1833  à  1855  en  quatre  volumes  in-4o,  les 
Fontes  rerum  bcrnensiwn  ne  seront  pas  moins  les  bienvenues.  Réduit 
surtout  à  des  cartulaircs,  dont  les  transcriptions  ne  répondaient  plus 
aux  exigences  actuelles  de  la  critique,  Zeerleder  a  do  plus  ignoré  au 
moins  la  moitié  des  documents  qu'il  aurait  fallu  pour  remplir  son 
cadre.  Aussi  le  chancelier  d'État  du  canton  de  Berne,  M.  Maurice  de 
Btûrler,  qui  avait  procuré  naguère  à  feu  M.  Trouillat  le  moyen  de 
publier  ses  Monuments  de  Vancicn  évéché  de  Bdle^  a-t-il  pensé  avec  rai- 
son qu'il  rendrait  service  aux  études,  en  reprenant  la  tâche  que  son 
prédécesseur  n'avait  pas  poussée  au  delà  de  Tannée  1300,  et  en  la  pour- 
suivant jusqu'en  1537. 

Les  deux  volumes  annoncés  plus  haut  comprennent  les  années 
1218  à  1299.  Cette  période  a  pour  Thistoire  de  Berne  une  importance 
exceptionnelle.  C'est  en  1218  que  la  mort  de  son  fondateur,  Berthold  V 
de  Zshringen,  recteur  de  la  Bourgogne  transjurane,  remit  la  ville  dans 
Timmédiateté  de  l'Empire,  au  moment  même  où  Frédéric  II  allait 
reprendre  la  lutte  héréditaire  de  sa  famille  avec  le  Sacerdoce.  Pendant 
l'anarchie  qui  désorganisa  l'Empire  et  qui  donna  le  signal  à  toutes  les 
entreprises  contre  le  droit,  il  devint  nécessaire  de  consacrer  par  des 
actes  les  anciens  us  et  coutumes,  qui  jusque-là  avaient  à  la  fois  réglé 


460  COMPTBS-BBNDUS  CRITIQUES. 

les  contrats  privés  et  le  pacte  social.  On  conçoit  dès  lors  l'intérêt  que 
présente,  pour  toutes  les  branches  de  Thistoire,  un  recueil  qui  a  Tam- 
bition  de  ne  négliger  aucun  des  documents  relatifs  à  la  ville  de  Berne 
et  aux  territoires  qui  lui  furent  soumis  plus  tard. 

Cependant,  malgré  sa  querelle  avec  Rome,  le  premier  soin  de  Tem- 
pereur  Frédéric  U  fut  de  rattacher  plus  fortement  la  jeune  commune  à 
FEmpire.  Parmi  les  actes  de  son  règne,  M.  de  Stûrler  ne  compte  pas 
le  statut  municipal  de  1218,  qui  n'est,  à  ses  yeux,  qu'un  faux  diplôme, 
fabriqué  après  Tavènement  de  Rodolphe  de  Habsbourg,  pour  obtenir 
de  ce  prince  la  confirmation  des  droits  et  des  coutumes  qui  étaient 
entrés  en  vigueur  dans  le  cours  du  siècle.  Par  contre  il  est  certain  que 
Frédéric  retira  le  droit  de  patronage  sur  la  paroisse  de  Berne  aux 
Augustins  de  Koeniz,  qui  pactisaient  avec  le  saint-siège,  pour  le  trans- 
férer à  l'ordre  Teutonique  qui  était  tout  dévoué  à  l'Empire. 

Plus  tard,  quand  la  mort  du  jeune  Conradin  eut  légitimé  l'élection 
de  Guillaume  de  Hollande,  le  nouveau  souverain  ne  se  montra  pas 
moins  sympathique  pour  Berne  que  Frédéric  II.  Hors  d'état  de  la  pro- 
téger contre  les  visées  des  comtes  de  Kibourg,  il  moyenna  du  moins  un 
rapprochement  avec  la  maison  de  Savoie,  dont  la  protection  l'empêcha 
d'être  annexée  aux  possessions  des  comtes  de  Habsbourg,  héritiers  des 
Kibourg.  L'avènement  de  Rodolphe  comme  roi  des  Romains,  en  1273, 
remit  Berne  dans  la  dépendance  de  l'Empire  ;  seulement  ces  popula- 
tions se  lassèrent  bientôt  de  son  joug,  et  sans  que  les  volumes  des 
Fontes  aillent  jusque-là,  on  voit  néanmoins  poindre  les  premières 
alliances  entre  les  cantons  primitifs,  qui  devaient,  quelques  années 
plus  tard,  définitivement  affranchir  la  commune. 

Non  seulement  M.  de  Stûrler  n'a  négligé  aucun  document  ayant 
directement  rapport  avec  l'histoire  politique  de  Berne,  mais  il  a  encore 
inséré  dans  son  recueil  les  constitutions,  les  rescrits  et  les  autres  actes 
généraux  du  pouvoir  souverain,  qui  ont  eu  force  de  loi  dans  ces  pays. 
Le  retard  qu'éprouva  la  publication  du  premier  volume  n'a  même 
d'autre  cause  que  le  souci  de  donner  de  la  loi  des  Burgondes  un  texte 
absolument  au  courant  des  derniers  travaux  de  la  critique. 

Pour  l'histoire  du  droit  privé  à  une  époque  où  il  était  surtout  régi 
par  la  coutume,  on  ne  peut  guère  l'étudier  que  par  ses  applications. 
M.  de  Stûrler  a  rendu  un  grand  service  en  insérant  dans  les  Fontes  de 
précieux  matériaux  sur  les  rapports  des  tenanciers  avec  le  seigneur 
direct,  des  vassaux  avec  le  suzerain  (II,  602  ;  Kl,  603)  ;  sur  les  cours 
d'eau  (H,  78,  668,  675);  sur  les  Allmend  (II,  703;  HI,  515,  579).  Dans 
une  constitution  d'emphytéose  de  1293,  le  bailleur  transmet  au  fermier, 
avec  le  fond,  sa  part  à  la  jouissance  commune  des  forêts,  des  pâturages 
et  des  eaux.  Gela  ne  s'accorde  guère  avec  l'opinion  qui  prétend  qu'a- 
vant les  communes  le  seigneur  était  seul  propriétaire  de  VAllmend,  Ge 
qui  n'est  pas  moins  significatif,  c'est  de  voir  figurer  dans  des  actes 
de  1236  (II,  153),  de  1270  (H,  680),  de  1293  (lU,  560),  de  1299  (lU,  730, 
734)  des  manses  d'un  caractère  absolument  allodial,  et  par  conséquent 


SGHULTZ   :    DAS  H0BFI8GHE   LBBEN  ZOR  ZBIT  D.    MINNESINGER.         461 

plus  anciens  que  les  manses  de  la  directe  de  TEmpire,  dont  il  est 
question  notamment  dans  un  titre  de  1229  (II,  89)  ou  tenus  autrement 
en  fief.  On  sait  que  le  mansus  ou  hube  germanique,  c'est  le  corps  de 
bien,  la  terre  arable  partagée  à  divers  titres  entre  les  habitants,  par 
opposition  à  Vallmend  qui  était  indivis  ;  quand  ils  le  possédaient  comme 
franc-alleu^  il  n'est  pas  possible  de  faire  de  ces  propriétaires  de  simples 
colons,  des  gens  de  main-morte,  et  il  faut  bien  admettre  qu'il  existait 
dans  ces  pays  frontières,  traversés  par  tant  de  races  et  d'institutions, 
des  corps  moraux  indépendants  des  communes,  qui  se  sont  formées 
contre  la  féodalité  et  susceptibles  de  posséder  des  biens  à  usage  com- 
mun bien  avant  le  régime  féodal.  L'avènement  des  communes,  qui, 
dans  ces  contrées,  se  sont  surtout  développées  par  l'accession  des 
hommes  de  métier  à  l'antique  organisme  colonger,  n'a  fait  qu'en 
étendre  la  jouissance  à  un  plus  grand  nombre  d'usufruitiers,  quand  les 
usages  primitifs  ne  s'étaient  pas  arrogé  sur  Vallmend  un  droit  de  pré- 
ciput,  ou  ne  se  l'étaient  pas  autrement  réservé  ou  approprié. 

Une  autre  série  de  documents  de  1269  (II,  675),  de  1272  (III,  26),  de 
1273  (m,  40),  de  1287  (lU,  445),  de  1293  (HI,  572),  de  1294  (lU,  692), 
de  1299  (III,  731)  nous  montre  le  servage  encore  en  pleine  vigueur  :  on 
donne,  on  vend  les  serfs  de  corps,  on  traite  de  leurs  mariages,  quand  ils 
appartiennent  à  deux  maîtres  différents,  et  on  se  partage  leurs  enfants. 
Une  seule  fois  on  les  affranchit  :  c'est  un  prévôt  de  Téglise  d'Ânsol- 
tingen  qui,  d'accord  avec  ses  frères,  les  nobles  de  Wœdiswil,  rend  la 
liberté  aux  enfants  qu'il  avait  eus  d'une  dame  Lutgarde  d'Uebischi  et 
que  leur  naissance  illégitime  réduisait  à  la  condition  servile. 

Par  ce  peu  d'exemples,  on  peut  juger  de  l'intérêt  qu'offrent  les  Fontes^ 
môme  pour  l'histoire  générale.  Quant  à  la  transcription  des  documents, 
que  M.  do  Stûrler  nous  garantit  fidèle,  tout  ce  que  j'en  puis  dire,  c'est 
que  nulle  part  à  la  lecture  il  ne  vient  de  doutes  sur  leur  parfaite  cor- 
rection. La  seule  observation  que  je  me  permette,  c'est  qu'à  l'exception 
des  textes  que  l'éditeur  a  empruntés  à  des  recueils  antérieurs,  il  n'a  pas 
jugé  nécessaire  d'indiquer  ceux  que  d'autres  travaux  diplomatiques 
avaient  fait  connaître  avant  lui.  C'est  une  lacune  qu'il  y  a  lieu  de 
regretter. 


Alwin  ScHULTz.  Das  hoeflsche  Leben  sur  Zeit  der  IHiimesiiiger. 
2**'Bd.  Leipzig,  Hirzel,  1880,  463  p.  in-8^ 

Si  l'on  s'attendait  à  un  ouvrage  présentant  de  la  société  aristocra- 
tique du  XI  i®  et  du  xm«  siècle  un  tableau  à  la  fois  exact  et  vivant,  — 
si  l'on  cherchait  un  historien  qui  non  seulement  connût  les  détails  de 
l'histoire  du  moyen  âge,  mais  qui  encore  fût  entré  dans  sa  vie,  qui 
eût  pénétre  les  sentiments,  les  aspirations,  les  passions  qui  l'agitaient, 
ce  n'est  pas,  il  faut  bien  en  convenir,  au  livre  de  M.  Sch.  sur  la  société 
chevaleresque  au  temps  des  Minne^inger  qu'il  faudrait  s'adresser,  et 

ReV.   HiSTOR.  XXII.    l^*"*  FASC.  Il 


162  GOHPTBS-RENDUS  CRITIQUES. 

le  second  volume  réserverait  à  cet  égard  une  déception  encore  plus 
grande  que  le  premier. 

Si  Ton  se  contente,  au  contraire,  d'avoir  dans  sa  bibliothèque  un 
ouvrage  qu'on  puisse  consulter  sur  une  foule  de  questions  se  rattachant 
à  répoque  des  croisades,  —  si  l'on  demande  un  auteur  qui  connaisse  à 
fond  les  poésies  des  troubadours,  des  trouvères,  des  Minnesinger,  les 
chansons  de  geste  françaises  et  provençales,  les  épopées  composées  en 
haut  ou  en  bas-allemand,  un  érudit  qui  ait  compulsé  les  historiens, 
étudié  les  monuments  de  Tarchitecture,  de  la  sculpture  et  de  l'icono- 
graphie, on  trouvera  dans  le  livre  de  M.  Sch.  des  renseignements  nom- 
breux et  variés,  qui  permettront,  sinon  de  recueillir  un  jugement  tout 
fait,  du  moins  de  se  faire  soi-même  une  opinion  sur  une  foule  de  ques- 
tions touchant  à  cette  époque.  Le  second  volume  tiendra  largement  ce 
qu'avait  promis  le  premier. 

Sur  les  armes,  sur  les  tournois,  sur  le  duel  judiciaire,  sur  la  compo- 
sition des  armées,  sur  la  marine,  sur  les  sièges  des  places  fortes,  sur 
l'ensevelissement  des  morts,  ce  second  vol.  réunit  les  détails  les  plus 
circonstanciés,  appuyés  de  citations  des  poètes,  de  récits  des  chroni- 
queurs, de  proclamations  et  de  règlements  des  souverains,  de  136  gra- 
vures sur  bois  empruntées,  en  grande  partie,  aux  ouvrages  les  plus 
autorisés,  d'une  table  alphabétique  enfin,  qui  rend  facile  les  recherches 
et  fait  du  livre  de  M.  Sch.  une  source  de  documents  aussi  intéressants 
qu'utiles  pour  les  érudits  comme  pour  les  simples  curieux  des  choses  du 
moyen  âge. 

C'est  une  source  de  documents,  disons-nous,  mais  ce  n'est  pas  le 
livre  que  faisait  espérer  le  titre.  Non  seulement  nous  y  regrettons  l'ab- 
sence de  chapitres  importants,  traitant  d'une  façon  plus  complète  qu'il 
ne  le  fait  du  rôle  de  la  femme  dans  la  société,  de  l'action  des  poètes, 
de  l'influence  réciproque  exercée,  au  temps  des  croisades,  par  les  divers 
peuples  les  uns  sur  les  autres;  nous  y  regrettons  surtout  l'absence 
d'idées  générales  sur  l'époque  traitée.  Et  quand  nous  parlons  d'idées 
générales,  nul  ne  nous  soupçonnera  de  demander  une  énumération  de 
lieux  communs,  couvrant  le  vide  des  idées  au  moyen  d'une  rhétorique 
surannée  —  et  de  quelle  époque  de  l'histoire  les  lieux  communs  et  la 
rhétorique  ont-ils  fait  plus  insolemment  leur  pâture  que  du  moyen  âge? 
Mais  du  moyen  âge,  et  surtout  de  l'époque  brillante  qui  nous  occupe,  se 
dégagent  des  pensées  dont  un  historien  devait  être  frappé. 

Il  n'y  paraît  pas  dans  le  livre  do  M.  Sch.  ;  il  n'est  pas  pensé. 

Est-il,  du  moins,  une  source  absolument  sûre,  rien  qu'au  point  de 
vue  des  informations  qu'il  nous  donne  ? 

Déjà  dans  l'examen  que  nous  avons  fait  du  premier  vol.  nous  avons 
dû  signaler  la  complaisance  étrange  avec  laquelle  M.  Sch.  accepte, 
comme  documents  très  autorisés,  les  descriptions  et  les  récits  des  poètes. 
Il  reconnaît,  il  est  vrai,  dans  le  vol.  qui  nous  occupe,  que  l'imagina- 
tion des  poètes  a  dû  avoir  une  certaine  part  dans  leurs  assertions  (p.  18) 
et  il  veut  bien  admettre  que  l'acier  dont  il  est  question  dans  le  Wiga- 


SCHULTZ   :    DIS  HOEnSCHB  LEBEN  ZUR  ZKIT  D.   MINIIBSIXGER.        463 

lois  de  Wimt  de  Graveoberg  ne  venait  peut-être  pas  de  Tlnde  (p.  22)  ; 
mais  le  plus  souvent  il  croit  ses  auteurs  sur  parole  et,  pour  ne  citer 
qu'un  exemple,  il  admet  sans  hésiter  que  les  armes  d'Ortnit  valaient 
50,000  marcs  qui  représentent  2  millions  do  marcs  actuels  ou  2  mil- 
lions et  demi  de  francs  (p.  66). 

Signalons,  en  passant,  un  point  de  détail  qui  parait  lui  avoir  échappé. 
Il  établit,  par  force  raisons,  que  la  brogne  était  composée  vraisembla- 
blement de  plaques  ou  d'anneaux  d'acier,  cousus  sur  une  sorte  de  pour- 
point en  cuir,  tandis  que  le  haubert  consistait  en  une  tunique  formée 
d'anneaux  à  mailles  (p.  27).  Cette  explication  ne  s'accorde  pas  avec  un 
passage  d'Âye  d'Avignon  que  M.  Sch.  cite  lui-même  dans  une  note,  à 
propos  d'une  autre  question,  et  où  il  est  dit  :  a  mailles  H  trancha  de  sa 
broigne  safrée.  >  M.  Sch.,  qui  a  raison  au  fond,  a  oublié  d'ajouter  qu'au 
temps  de  Philippe-Auguste,  comme  le  remarque  M.  Quicherat,  les 
termes  de  brogne  et  de  haubert  étaient  devenus  synonymes.  Nous  n'in« 
sistons  pas,  parce  que  le  plus  souvent  les  faits  énoncés  sont  contrôlés 
par  M.  Sch.  avec  le  plus  grand  soin  et  méritent  une  entière  confiance. 

Les  ouvrages  de  seconde  main  sur  lesquels  il  s'appuie  sont  en  grande 
partie  les  mêmes  que  ceux  qu'il  invoque  dans  son  premier  vol.  Gomme 
dans  celui-ci,  il  rappelle  souvent  les  deux  ouvrages  de  M.  VioUeULeduc  ; 
mais,  en  citant  le  Dictionnaire  du  mobilier,  il  a  soin  d'ajouter  qu'il 
est  nécessaire  d'en  user  avec  circonspection.  Nous  ne  lui  savons  pas 
mauvais  gré  de  l'avoir  dit  ;  nous  aurions  même  voulu  qu'il  en  usât  avec 
un  peu  plus  de  réserve  dans  le  premier  vol. 

Il  cite  encore,  avec  les  plus  grands  éloges,  l'ouvrage  de  M.  Demay 
sur  le  Costume  au  inoyen  âge  d'après  les  sceaux.  Nous  n'avons  garde 
de  combattre  l'enthousiasme  de  M.  Sch.  pour  l'ouvrage  de  M.  Demay  ; 
mais  nous  avouons  qu'il  en  a  fait,  selon  nous,  un  usage  abusif.  Que 
M.  Demay  ait  essayé  d'enrichir  l'histoire  du  costume  par  une  étude 
minutieuse  des  sceaux,  c'est  une  entreprise  originale  et  souvent  utile. 
Mais  le  livre  de  M.  Sch.  a  une  portée  plus  étendue,  et  ce  dernier  parait 
avoir,  au  commencement  de  notre  volume,  trop  sacrifié  non  seulement 
les  documents  écrits,  mais  encore  les  renseignements  que  fournissent 
la  statuaire  et  les  miniatures  aux  données  moins  complètes  et  surtout 
moins  probantes  qu'il  pouvait  trouver  dans  la  sigillographie. 

Nous  regrettons  l'absence  trop  fréquente  de  jugement  et  la  faiblesse 
de  composition  que  nous  avons  déjà  dû  relever  dans  le  premier  vol. 
Après  s'être  donné  beaucoup  de  peine  pour  lire  les  auteurs  anciens  et 
modernes,  qui  pouvaient  lui  fournir  des  matériaux,  après  avoir  com- 
pulsé avec  un  soin  infiniment  louable  les  renseignements  les  plus  divers, 
M.  Sch.  s'est  contenté  de  grouper  ses  notes,  tant  bien  que  mal,  dans 
un  certain  nombre  de  chapitres  ou  d  ébauches  de  chapitres. 

Gelui  qui  voudra  refaire,  après  M.  Sch.,  le  tableau  de  la  société  aris- 
tocratique au  xif  et  au  xni«  siècle,  y  trouvera  des  matériaux  nombreux 
et  intéressants.  Peut-être  M.  Sch.  se  déciderà-t-il,  dans  une  nouvelle 
édition  ou  dans  un  nouveau  travail,  à  refondre  et  à  repenser  l'ouvrage 


464  COMPTES-EEIfDUS  CRITIQUES. 

dont  nous  signalons  le  second  vol.  Mais,  avec  son  ignorance  des  règles 
de  la  composition,  avec  la  difficulté  qu'il  a  de  voir  les  questions  autre- 
ment que  dans  le  détail  et  de  dominer  son  sujet,  nous  doutons  qu'il  y 

réussisse. 

A.  Lange. 


Storia  politica  d*ltalla.  —  Storia  délie  signorie  italiane  dal  1313 
al  1530,  narrata  da  Carlo  Gipolla.  i  vol.  gr.  in-8®  de  973  p. 
Milan,  Francesco  Yallardi;  4884. 

Nous  avons  eu  occasion  de  dire,  à  propos  d'un  autre  ouvrage,  qu'il  y 
a  en  Italie  deux  écoles  historiques,  l'une  qui  s'en  tient  aux  banalités 
déclamatoires  de  la  rhétorique,  si  chères  au  bon  vieux  temps;  l'autre 
qui  s'inspire  des  méthodes  nouvelles  et  vise  à  l'exactitude,  à  la  critique 
plus  qu'à  l'éloquence  :  celle-là  rappelant  la  vieille  école  française  dont 
elle  a  singulièrement  exagéré  les  défauts,  celle-ci  relevant  de  la  nou- 
velle école  allemande,  dont  elle  a  su  en  partie  éviter  les  défauts  et  prendre 
les  qualités.  Si  ces  deux  écoles  se  sont  fait  quelque  temps  équilibre,  la 
déroute  est  complète  aujourd'hui  pour  les  historiens  de  la  phrase  ;  leurs 
rivaux  triomphent  sur  toute  la  ligne,  tiennent  partout  le  haut  du  pavé. 

L'ouvrage  dont  ou  vient  de  lire  le  titre  se  recommande  par  les  mérites 
sérieux  qui  ont  assuré  cette  victoire.  Il  appartient  à  une  collection  qui 
embrasse  ou  se  propose  d'embrasser  toute  l'histoire  politique  d'Italie, 
et  il  s'en  est  adjugé  une  bonne  part,  puisqu'il  l'expose  dans  la  période 
du  moyen  âge  la  plus  pleine,  la  plus  riche  en  documents,  de  la  mort 
d'Henri  VII  de  Luxembourg  (1313)  à  la  chute  de  Florence  (1530).  L'au- 
teur, M.  Carlo  Cipolla,  est  un  esprit  exact,  instruit,  qui  a  su  donner  à 
un  manuel  l'importance  d'un  livre.  Le  mot  de  manuel  serait,  en  eËTet, 
presque  une  injustice,  comme  il  est  une  invraisemblance,  appliqué  à 
un  ouvrage  si  volumineux,  de  si  grand  format  et  d'une  justification  si 
serrée.  Il  n'y  a  que  Voltaire  pour  appeler  portatif  son  Dictionnaire 
philosophique  en  neuf  volumes.  M.  Cipolla  qui  est  grave,  qui  ne 
rit  et  ne  plaisante  jamais,  fait  une  histoire,  et  il  veut  qu'on  le 
sache.  Il  écrit  de  ce  style  terne  et  sans  couleur  si  commun  aujour- 
d'hui parmi  les  enfants  du  pays  de  la  lumière;  mais  il  est  net, 
clair,  précis,  plein  de  modération,  de  justesse,  de  sens,  tout  à  fait 
dans  le  ton  qui  convient  au  genre  historique.  Les  faits  rapportés  le 
sont,  en  général,  avec  une  grande  exactitude  :  voilà  la  seconde  fois 
déjà  que  ce  mot  revient  sous  ma  plume,  et  je  ne  le  retire  point,  car  il 
n*en  est  aucun  qui  caractérise  mieux  notre  auteur.  Ce  n'est  pas  un 
faible  éloge  dans  un  ouvrage  qui  embrasse  tant  de  matières,  qui  puise 
à  tant  de  sources,  que  de  remonter  aux  sources  originales,  que  de  les 
citer  sans  relâche  et,  le  plus  souvent,  avec  précision.  A  cet  égard  pour- 
tant je  ferai  quelques  réserves  :  1*  Les  indications  données,  toujours 
suffisantes  pour  ceux  qui  savent,  pourraient  bien  être  insuffisantes  pour 
ceux  qui,  ne  sachant  pas,  seraient  curieux  des  originaux  ;  2®  certains 


ClPOLLi   :    8T0RIA  POLITICA  d'ITILIA.  465 

originaax  n*ont  pas  été  consultés  ou,  du  moins,  ne  sont  pas  cités,  par 
exemple  les  Mémoires  de  Boucicaut,  qui  ont  leur  importance  ;  3*  cer- 
taines publications  très  récentes  ne  paraissent  pas  avoir  été  connues  : 
ainsi  le  jeune  docteur  Pellegrini,  qui  a  écrit  sur  Cosimo  TAncien  des 
pages  très  étudiées  et  publié  d'utiles  documents  ;  les  travaux  de  MM.  Dur- 
rieu  et  Delaviile  Le  Roulx,  dans  la  BibL  de  l'École  des  cliartes,  sur  des 
points  particuliers  de  Thistoire  d'Italie  ;  le  cardinal  Bessarion  de  M.  Vast, 
sur  les  conciles  de  Ferrare  et  de  Florence;  les  quatrième  et  cinquième 
volumes  de  VHistoire  de  Florence  par  M.  Perrens,  lesquels  ont  paru  déjà 
depuis  trois  ans  ;  M.  GipoUa  ne  connaît  que  les  trois  premiers.  Mais  on 
ne  saurait  lui  en  faire  un  reproche,  à  cause  du  temps  considérable  qu'a 
dû  réclamer  l'impression.  C'est  le  plus  véniel  de  tous  les  péchés,  si  c'en 
est  un,  que  de  reculer  devant  des  cartons  pour  profiter  des  publications 
nouvelles,  ou  pour  montrer  du  moins  qu'on  les  a  connues. 

Ce  qui  est  plus  regrettable,  c'est  que,  dans  un  ouvrage  de  cette  dimen- 
sion, où  il  est  parlé  de  tant  de  villes  et  d'États  dont  l'histoire  est  fort 
emmêlée,  où  Ton  est  obligé  soit  de  se  répéter,  soit,  si  l'on  en  veut  évi- 
ter l'ennui,  de  renvoyer  à  ce  qu'on  a  dit  précédemment,  il  n'y  ait  pas 
l'ombre  d'un  index.  Nulle  part  un  index  n'eût  été  plus  nécessaire.  Je 
sais  bien  qu'il  eût  grossi  le  volume  et  nui  à  la  bourse  de  l'éditeur;  mais 
dépasser  le  chiffre  de  mille  pages  dont  on  a  tant  approché,  et  ajouter  quel- 
ques centaines  de  francs  à  la  somme  respectable  qu'a  dû  coûter  l'impres- 
sion, n'était  qu'un  inconvénient  médiocre  ;  la  crainte  en  devait  céder  à  la 
nécessité  évidente  de  fournir  un  fil  conducteur.  Franchement,  quand 
M.  Gipolla,  pour  éviter  les  redites,  écrit  presque  à  chaque  page  :  a  Gome 
si  è  detto,  »  ou  :  a  Gome  s'è  detto  a  suo  luogo,  >  sans  que  rien,  ni  une 
note  au  bas  de  la  page,  ni  un  index  à  la  fin  du  volume  permette  de 
retrouver  ce  qui  a  été  dit  ailleurs,  on  se  sent  pris  d'impatience  et  l'on 
est  près  de  quitter  le  livre.  De  courts  sommaires  en  tête  des  chapitres  ne 
sauraient  suffire,  et  ils  n'empêchent  point,  lorsqu'on  veut  faire  quelque 
recherche,  de  perdre  un  temps  précieux  à  feuilleter  le  chapitre,  à  lire 
ou  parcourir  bon  nombre  de  pages  dont  on  n'a  que  faire,  avant  de  trou- 
ver les  lignes  dont  on  a  besoin. 

Ici  les  précautions  et  les  secours  étaient  d'autant  plus  nécessaires 
que  nous  touchons  à  la  difficulté  essentielle  de  toute  histoire  générale 
d'Italie,  fût-elle  limitée  à  une  certaine  période.  Non  seulement  les  menus 
faits  s'y  succèdent  comme  à  l'infini,  sans  pouvoir  capter  l'attention,  car 
il  faut  être  Michelot  pour  donner  la  vie  à  un  précis  et  y  faire  circuler 
la  lumière,  mais  encore  les  diverses  parties  sont  solidaires,  elles  ont  des 
points  communs,  et,  comme  il  faut  raconter  l'histoire  de  chaque  Etat 
l'un  après  l'autre,  à  propos  duquel  racontera- t-on  tels  ou  tels  de  ces 
faits  communs  ?  L'auteur  a-t-il  fait  son  choix  ?  Le  caprice  y  a  souvent 
présidé,  et  l'on  pourrait  par  exemple  se  demander  si  le  couronnement 
de  l'empereur  à  Rome  est  bien  placé  dans  un  chapitre  sur  Naples 
(p.  394).  Alors  apparaît  dans  tous  les  chapitres  moins  un  la  nécessité 
de  suppressions  qui  leur  ôtent  tout  intérêt,  qui  les  rendent  même  inin- 


466  COMPTES-RBIIOUS  CaiTlQUBS. 

telligibles,  si  Ton  ne  se  réfère  à  des  pages  anténeares.  Parvint-on  à 
les  retrouver,  et  bien  souvent  ce  n'est  pas  ici  le  cas,  on  est  réduit 
presque  constamment  à  reconstituer  soi-même,  au  moyen  de  ces 
recherches  malaisées,  l'histoire  qu'on  veut  connaître.  Pressés  comme 
ils  le  sont  aujourd'hui,  la  plupart  des  lecteurs  n'en  trouveront  pas  ou 
n'en  voudront  pas  prendre  le  temps. 

Cest  là,  on  ne  l'ignore  point,  ce  qui  rend  presque  illisible  toute  his- 
toire générale  d'Italie,  quel  que  soit  le  talent  de  l'auteur.  Il  faudrait 
pouvoir  supprimer  les  événements,  à  la  manière  de  Bossuet;  mais  cette 
manière-là  n'est  plus  la  nôtre.  Non  seulement  vous  déchamez  trois  ou 
quatre  chapitres  au  profit  d'un  seul,  mais  encore  le  récit  d'un  fait  ne 
sera  plus  le  même,  suivant  que  vous  l'introduirez  dans  les  annales  de 
Venise,  de  Milan  ou  de  Florence.  Si  j'ai  à  raconter  la  guerre  de  Cent  ans 
ou  de  Trente  ans,  dans  l'histoire  de  France,  d'Angleterre  ou  d'Alle- 
magne, il  est  clair  que  j'insisterai  principalement  sur  les  détails  qui  se 
rapportent  au  pays  dont  je  m'occupe  ;  que  j'en  prenne  ensuite  un  autre, 
je  ne  serai  pas  dispensé  de  recommencer  sur  nouveaux  frais,  à  un  nou- 
veau point  de  vue.  C'est  pourquoi  une  histoire  générale  d'Italie  est  aussi 
difficile  à  composer  qu'une  histoire  universelle,  peut-être  môme  davan- 
tage, car  elle  a,  en  outre,  des  inconvénients  qui  lui  sont  propres.  Ainsi, 
la  proximité  de  tant  de  communes  qui  ont  une  indépendance  plus  appa- 
rente que  réelle,  qui  dépendent  les  unes  des  autres  par  leurs  intérêts, 
par  leur  tendance  moutonnière  à  l'imitation,  est  cause  qu'on  ne  peut 
guère  qu'en  parlant  des  temps  primitifs  les  considérer  séparément,  car 
les  incidents  se  reproduisent  invariablement  les  mêmes,  dans  un  ordre 
parfait.  Qu'on  parcoure,  si  l'on  veut  toucher  du  doigt  cette  difficulté 
inextricable,  le  paradoxal  mais  curieux  ouvrage  de  Giuseppe  Ferrari 
sur  les  révolutions  d'Italie.  C'est  à  désespérer  l'historien,  et  certaine- 
ment M.  CipoUa  a  fait  preuve  de  courage. 

De  là,  il  faut  bien  le  reconnaître,  viennent  la  plupart  des  reproches 
qu'on  lui  pourrait  adresser.  Dans  ce  fouillis  d'événements  qui  s'entre- 
croisent, dans  cet  éternel  recommencement  qui  revient  à  chaque  cha- 
pitre, comment  s'étonner  qu'il  lui  arrive  par  aventure  de  bouleverser 
l'ordre  chronologique,  de  raconter  des  faits  de  1424  avant  des  faits  de 
1420,  et  la  guerre  pour  l'acquisition  de  Pise  par  Florence  avant  la  mort 
de  Bernabô  Visconti  et  l'avènement  de  Gian  Galeaz  ?  Comment  s'éton- 
ner qu'il  ait  laissé  dans  l'ombre  des  périodes  entières,  et,  par  exemple, 
qu'entre  la  conquête  de  Pise  et  les  événements  qui  ont  amené  l'exil  de 
Gosimo  des  Medici,  on  ne  trouve  rien  sur  les  vicissitudes  de  Florence 
sous  ce  régime  oligarchique  dont  l'étroite  et  intolérable  tyrannie  explique, 
sans  la  justifier,  cette  prosternation  d'un  peuple  aux  pieds  d'un  homme  ? 

Et  ces  embarras  ne  sont  pas  les  seuls.  On  admettra  bien  que  le  choix 
d'un  titre  donne  des  indications  sur  le  sujet  même.  Or  le  mot  signorie 
n'est  pas  absolument  clair,  puisqu'il  est  susceptible  de  plusieurs  accep- 
tions. Il  a  un  sens  particulier,  la  seigneurie  de  Venise,  les  seigneuries 
éphémères  de  Florence  et  d'autres  villes  faites  à  son  image  ;  mais  il  a 


CIPOLLl   :    STORIA   POLITIGA  d'ITALIA.  467 

aussi  un  sens  général  que  paraît  avoir  adopté  M.  Gipolla ,  domina- 
tions ou  États.  Puisque  notre  auteur  entreprend  Thistoire  de  tous  les 
grands  États  italiens,  durant  une  période  déterminée,  pourquoi  n'a-t-il 
pas  écrit  simplement,  au  frontispice  de  son  livre  :  c  Histoire  d^Italie  de 
1313  à  1530?» 

Ce  n'est  point  une  querelle  de  mots  que  je  lui  fais,  puisque  lui-même 
il  a  senti  et  indiqué  dans  sa  préface  le  nœud  de  la  question.  La  limite 
finale  se  comprend  assez  bien  :  Florence  tombée,  dit-il,  il  n'y  a  plus 
d'Italie  ;  il  ne  s'agit  plus  que  de  savoir  si  la  terre  italienne  appartiendra 
à  l'Autriche  ou  à  la  France.  Et  cependant,  môme  après  la  chute  de 
Florence,  il  y  a  encore  des  Républiques,  des  communes,  telles  que 
Sienne  et  Lucques,  et  même  des  signorie  comme  Venise.  Mais,  admet- 
tons ce  point  d'arrêt,  car,  à  tout  prendre,  la  chute  de  Florence  marque 
la  fin  d'une  époque  et  le  commencement  d'une  autre.  Si  quelques  États 
restent  encore  debout,  c'est  ou  qu'ils  sont  en  dehors  de  la  sphère  com- 
mune, comme  Venise,  ou  qu'ils  s'appuient  à  plus  grands  qu'eux  au 
nord  des  Alpes,  comme  le  marquis  de  Mantouo  ou  le  duc  do  Savoie,  ou 
enfin  qu'ils  ne  comptent  pour  rien,  qu'ils  ne  donnent  d'ombrage  à  per- 
sonne, comme  Sienne  et  Lucques.  N'a-t-on  pas  vu  les  grandes  puis- 
sances, qui  se  sont  disputé  si  souvent  la  domination  en  Italie,  respec- 
ter, c'est-à-dire  dédaigner  jusqu'à  nos  jours  la  lilliputienne  république 
de  Saint-Marin? 

Mais  la  date  initiale  donnerait  lieu  à  plus  de  contestations,  c  Les 
anciennes  communes  qui  avaient  vaincu  Barbcrousse  à  Legnano,  dit 
M.  Gipolla,  laissèrent  la  place  aux  Signorie  qui,  s'agrandissant,  fixeront 
pour  trois  siècles  la  carte  d'Italie.  >  De  son  aveu,  son  but  est  de  cher- 
cher, d'après  les  documents  contemporains,  par  quels  moyens  s'accom- 
plit cette  transformation  inséparable  de  celle  de  l'organisation  sociale 
et  politique.  Il  y  aurait  donc  une  période  des  communes  et  une  des 
signorie  princières  ou  populaires,  aristocratiques  ou  monarchiques,  ne 
laissant  aucune  place  à  la  liberté.  Or  l'auteur  est  fort  empêché  de  dire 
à  quel  moment  finit  la  première  période  et  commence  la  seconde,  il 
prend  son  point  de  départ  à  l'année  1313,  alors  que  l'ère  des  communes 
est  dans  son  plein.  Gesare  Balbo  voyait  bien  l'impossibilité  d'une  démar- 
cation précise,  car  il  ne  fait  qu'une  seule  ère  des  communes  et  des 
signorie,  G'est  à  coup  sûr  le  plus  prudent. 

La  division  en  livres  et  chapitres  ne  serait  pas  plus  que  le  titre  à 
l'abri  de  tout  reproche.  Voyez  plutôt  sous  quelles  rubriques  sont  pré- 
sentés les  six  livres  :  —  La  prépondérance  de  la  maison  d'Anjou;  — 
Le  retour  des  papes  à  Homo;  — Les  seigneuries  italiennes  au  temps 
du  schisme;  —  Les  nouvelles  seigneuries;  —  La  politique  des  Gonfé- 
dérations;  —  Les  invasions.  —  Il  est  clair  que  ces  sous-titres  ne 
répondent  pas  entièrement  au  titre  et  qu'ils  se  succèdent  plutôt  qu'ils 
ne  découlent  les  uns  des  autres.  Que  sera-ce  si  nous  prenons  dans  un 
livre  les  chapitres  dont  il  se  compose  ?  Au  premier,  il  y  a  un  chapitre 
intitulé  :  Venise.  Croyez-vous  doue  qu'au  début  du  xiv«  siècle,  la  mai- 


i  68  COM PTES-RBxNOOS  CaiTIQnBS. 

8oa  d'Anjou  exerçât  sa  prépondérance  jusque  dans  les  lagunes  ?  Point. 
Ce  sont  là  des  étiquettes  qu'on  aurait  pu  tout  aussi  bien,  avec  avantage 
même,  remplacer  par  d'autres.  Heureusement,  l'étiquette  ne  fait  pas  le 
sac,  pas  plus  que  Thabit  ne  fait  le  moine,  et  le  contenu,  sous  les  réserves 
faites,  est  fort  bon. 

Je  ne  saurais,  on  le  comprend,  entrer  dans  Texamen  du  détail.  Il  y 
faudrait  un  volume.  Je  limiterai  donc  mes  observations  à  un  ou  deux 
chapitres.  On  y  verra  tout  ensemble  que  le  meilleur  ouvrage  ne  saurait 
entièrement  échapper  aux  minuties  de  la  critique  et  que  celui-ci  doit 
être  d'un  grand  mérite  pour  que,  dans  les  pages  examinées  de  plus 
près,  on  ne  trouve  rien  de  plus  sérieux  que  ce  qui  va  suivre. 

Prenons  le  chapitre  intitulé  :  Florence  et  Pise  (p.  193-221). 

Page  197,  note  3  et  ailleurs.  M.  CipoUa  cite  Stefani,  qu'il  a  appelé, 
deux  pages  plus  haut  (p.  195,  n.  1),  de  son  vrai  nom,  Marchionne  di 
Cioppo  Stefani.  S'il  veut  abréger,  que  ne  dit-il  Marchionne  ?  Ainsi  s'ap- 
pelait le  fils  de  Coppo,  le  petit-fils  de^Stefani.  Notre  auteur  le  sait  aussi 
bien  que  personne,  mais  il  se  conforme  à  l'usage  Injustifiable  des 
modernes.  Les  contemporains  disaient  :  Marchionne  di  Coppo.  Ils 
n'ajoutent  guère  le  nom  de  l'aïeul  que  si  l'aïeul  a  plus  de  notoriété.  Ce 
luxe  de  noms  patronymiques  ne  se  rencontre  quelquefois  que  parce 
qu'il  servait  à  éviter  les  confusions. 

Page  203.  M.  Gipolla  entre  dans  quelques  détails  sur  la  guerre  de 
Montefeltro.  Pourquoi  donc,  à  ce  sujet,  omet-il  l'efiPet  produit  à  Flo- 
rence par  la  mort  tragique  de  Charles  de  Durazzo  en  Hongrie,  et  les 
conséquences  de  cet  événement  sur  la  politique  florentine  ?  Cela  est  de 
bien  plus  d'intérêt  et  d'importance  que  les  incidents  des  hostilités. 

Pages  207,  341.  Obligé,  dans  un  précis,  de  supprimer  tant  de  choses, 
comment  notre  auteur  laisse-t-il  le  dilettante  littéraire  qu'il  y  a  en  lui 
citer  ici  seize  vers  de  Pétrarque,  là  vingt-quatre  de  Manzoni  ?  Il  suffi- 
sait de  les  indiquer  en  note.  Se  donner  le  superQu  quand  on  se  prive 
souvent  du  nécessaire,  ce  n'est  guère  à  propos  dans  un  texte  sèchement 
historique.  Qiwd  abundat  vitiat.  Ces  menus  détails  de  composition  ne 
sont  pas  indifférents  dans  un  ouvrage  d'ensemble. 

Rages  208,  209.  Nous  ne  reviendrons  pas  sur  le  reproche  de  s'être 
parfois  affranchi  de  l'ordre  chronologique  ;  mais  nous  regretterons  que 
d'autres  fois,  pour  le  suivre,  M.  Cipolla  mêle  les  faits  d'ordre  intérieur 
aux  faits  d'ordre  extérieur,  car  il  est  absolument  nécessaire  de  les  sépa- 
rer, si  l'on  veut  que  l'enchaînement  des  uns  et  des  autres  soit  intelli- 
gible et  que  le  récit  ne  paraisse  pas  trop  haché  menu. 

Page  21  i .  M.  Cipolla  donne  Gherardo ,  fils  de  Jacopo  d'Appiano , 
comme  seul  survivant,  en  1399,  des  héritiers  de  ce  personnage.  Or  Sozo- 
meno  dit  que  le  troisième,  Manuele,  vivait  dans  une  grande  pauvreté 
en  Ligurie.  Voy.  Muratori,  Rer.  ital.  script.,  tom.  XVI,  p.  1153. 

Au  lieu  de  Broglio,  par  erreur  typographique,  il  écrit  Braglio.  Nous 
signalons  la  faute  en  considération  do  notre  famille  de  Broglie  qui 
réclame  ce  œndottiere  comme  un  de  ses  ancêtres. 


GIPOLLA    :    STORIA   POLITICA   d'ITALTA.  469 

Page  215.  Par  une  des  erreurs  les  plus  communes  et  les  plus  difficiles 
à  éviter  quand  on  s'occupe  d'histoire  florentine,  M.  GipoUa  se  trompe 
ici  chronologiquement  d*une  année,  parce  qu'il  oublie  de  tenir  compte 
du  <  style  florentin,  t  qui  faisait  'commencer  Tannée  au  25  mars,  fête 
de  r Annonciation.  Il  met  au  20  mars  1401,  au  lieu  de  1402,  le  traité 
de  la  République  avec  Bentivoglio  de'Bologne.  L'impossibilité  est  mani- 
feste, puisque  cet  ambitieux  n'avait  réussi  contre  les  Gk)zzadini  et  les 
Zambeccari  que  le  28  mars  1401.  Rien  de  plus  fréquent,  dans  les  auteurs 
modernes,  que  ces  erreurs  de  date  sur  les  trois  premiers  mois  de  chaque 
année.  Il  faudrait  une  attention  bien  soutenue  pour  penser  toujours  à 
cette  dififérence  entre  le  style  florentin  et  le  style  commun,  qui  était 
préféré  aux  portes  mômes  de  Florence. 

Pages  217-219.  L'auteur  s'interrompt  de  faire  le  récit  du  siège  dé  Pise 
pour  entamer  une  dissertation  épisodique  sur  les  compagnies  et  les 
armes,  laquelle  a  beaucoup  plus  d'étendue  que  le  récit  même  du  siège. 
Cest  là  une  faute  de  composition  et  de  proportion  qu'il  aurait  fallu 
éviter. 

Page  221.  Nous  trouvons  mises  dans  la  bouche  d'un  Pisan  les  paroles 
ignominieuses  qui  furent  prononcées  au  moment  de  la  soumission  de 
Pise.  Ainsi  la  défaite  perdrait  toute  sa  dignité.  Mais  on  voit  dans  les 
Ciommentaires  de  Gino  Gapponi  l'Ancien  sur  l'acquisition  de  Pise  (Rer, 
ital.  script.,  XVIII,  ad  finem,  et  Bibl.  scella  Silvestri,  t.  468,  p.  367), 
—  M.  Gipolla,  à  cet  endroit,  ne  cite  pas  cette  autorité  qui  est  la  princi- 
pale, —  qu'elles  furent  dites  par  un  citoyen  de  Piombino.  Venant  d'un 
Florentin,  de  celui  justement  qui  joua  dans  raifaire  le  principal  rôle, 
l'assertion  mérite  créance.  Elle  confirme,  d'ailleurs,  tout  ce  qu'on  sait 
de  l'attitude  honorable  des  Pisans  dans  la  sujétion. 

Page  460.  M.  Gipolla  dit  que  le  catasto,  ou  cadastre,  fut  proposé  à 
Florence  dès  1368.  Peut-être  y  a-t-il  ici  quelque  confusion,  et  l'on  peut 
regretter  de  ne  trouver  aucune  indication  de  source  pour  une  assertion 
si  contestable.  Des  plaintes,  des  projets  sur  une  plus  équitable  répar- 
tition des  impôts,  on  en  trouve  tout  au  moins  depuis  l'année  1250,  et 
il  est  probable  qu'on  en  trouverait  auparavant  si  les  documents  ne  fai- 
saient défaut.  Mais,  jusqu'aux  premières  années  du  xv«  siècle,  on  ne 
pensait  qu'à  Vestimo,  qui  ne  frappait  que  la  richesse  immobilière  et  ne 
faisait  la  répartition  que  d'après  le  nombre  des  citoyens,  tandis  que 
le  calasto  fut  imaginé  sous  le  régime  oligarchique,  après  la  défaite  des 
Ciompi,  pour  frapper  les  biens  meubles  comme  les  immeubles,  et  d'après 
la  quantité  ou  la  qualité  de  la  richesse,  non  d'après  le  nombre  des  con- 
tribuables. En  1378,  dix  ans  après  l'année  que  notre  auteur  indique 
comme  étant  celle  où  l'on  commença  à  parler  du  catasto,  la  pétition  du 
menu  peuple  en  ébullition  ne  demandait  encore  qu'une  chose,  c'est 
qu'on  ne  pût  édicter  un  emprunt  forcé  sans  faire  un  estimo.  Voy.  Prov- 
visioni,  reg.  LXVIII,  p.  5-9,  l'appendice  de  la  brochure  de  M.  Fossati 
sur  le  Tumulte  des  Ciompi,  et  G.  Gapponi,  Stor.  di  Fir.,  I,  594. 

Page  461.  En  thèse  générale,  il  est  vrai  de  dire  que,  dans  les  repu- 


470  C0MPTES-RBIVDU8  CRITIQUBS. 

bliques,  les  citoyens  seuls  ont  le  droit  de  prendre  part  aux  aflaires 
publiques,  tandis  que,  dans  les  monarchies,  tout  le  monde  y  peut 
prendre  part  sous  le  maître;  mais  quand  c'est  à  propos  de  Florence 
qu'on  parle  ainsi,  on  semble  dire  que  tous  les  citoyens  exercent  leur 
droit.  Ce  serait  oublier  qu'il  y  avait  toujours  des  vaincus,  des  exilés, 
des  ammoniti,  des  posti  a  sedere,  c'est-à-dire  des  gens  exclus  pour  un 
temps  ou  à  toujours  des  emplois.  C'était  souvent  un  quart  de  la  cité  et 
peut-être  plus. 

Page  462,  n.  5.  M.  GipoUa  disculpe  «  Gino  >  Gapponi  d'avoir  provo-' 
que  l'entreprise  de  Fortebracci  contre  Lucques  en  1429;  mais,  1*  c'est 
de  Neri  Gapponi,  et  non  de  Gino  son  père,  qu'il  peut  être  question  ici  ; 
2<^  quand  on  risque  une  assertion  nouvelle,  il  faudrait  la  mieux  étayer 
de  preuves.  Le  passage  allégué  dit,  en  effet,  simplement  que  Forte- 
bracci avait  été  poussé  à  ce  coup  de  main  (essendo  confortato  di  caval- 
care.  Comment,  di  Neri  Capponi,  Rer,  ital.  Script,  XVIII,  1166);  mais 
comment  le  témoignage  de  Neri,  ou  plutôt  son  silence,  prouverait-il 
qu'il  est  innocent  de  ce  dont  tout  le  monde  l'accuse?  Tout  mauvais  cas 
est  niable.  Nous  voyons  que  dans  les  Consulte  il  recommandait  de 
suivre  l'affaire  de  Lucques  (  a  Teneatur  pratica  per  dominationem  cum 
oratoribus  Oomini  Lucani.  »  Commissioni  di  Rinaldo  degli  Alhizzi,  Gom- 
miss.  LIV,  tom.  III,  p.  191).  De  plus,  son  quartier  de  San  Spirito  est 
pour  la  guerre  avant  tous  les  autres  {ihid,^  p.  194-195),  et  l'on  sait  fort 
bien  qu'il  y  donnait  l'impulsion.  A  vrai  dire,  on  lit  dans  ses  Commen- 
taires {Rer.  ital.  Script.  XVIII,  1166)  qu'il  faut  toujours  être  clément  et 
ouvrir  ses  bras  ;  mais  ce  sont  là  de  ces  banalités  qui  ne  tirent  pas  à 
conséquence,  et  dont  on  savait  à  merveille  couvrir  les  plus  mauvais 
desseins. 

Nous  nous  en  tiendrons  là.  Ces  critiques  soit  de  détail,  soit  d'ensemble 
suffiront  à  montrer  qu'il  s'agit  ici  d'un  écrivain  sérieux,  qui  se  trompe 
sans  doute  parfois,  mais  aussi  peu  souvent  que  le  comporte  l'humaine 
nature,  et  qui  a  fait  un  manuel  savant,  un  précis  solide,  appelé  à 
rendre  aux  historiens,  comme  au  public,  les  plus  grands  services. 

F.-T.  Perrbns. 


Baudrillart.  Histoire  du  luxe.  T.  m  :  Le  moyen  âge  et  la  renais- 
sance. Paris,  Hachette,  1880,  704  p. 

Ni  les  éloges  ni  les  critiques  n'auront  manqué  à  l'ouvrage  de  M.  B. 
Beaucoup  de  lecteurs  ont  été  séduits  par  la  masse  de  faits  accumulés 
dans  ces  gros  volumes  et  par  l'intérêt  des  tableaux.  D'autres,  plus  scru- 
puleux sur  le  fait  de  la  méthode,  ont  contesté  à  M.  B.  le  sujet  même 
de  son  livre.  Le  luxe  en  effet  est  un  domaine  immense  dont  on  ne  peut 
guère  définir  les  frontières.  Faire  l'histoire  du  luxe,  c'est  toucher  à 
toutes  les  époques  et  à  tous  les  peuples,  parler  plus  ou  moins  de  toutes 
les  civilisations,  de  tous  les  arts  et  de  la  plupart  des  industries.  La 


BAUDRILLART   :    HISTOIRE  DU  LUXB.  471 

Uche  est  lourde  et  difficile  à  remplir,  môme  en  quatre  volumes.  Il 
eût  fallu  ou  bien  se  contenter  d'aperçus  très  généraux,  ou  bien,  si  l'on 
voulait  entrer  dans  les  détails,  faire  œuvre  de  bénédictin  et  multiplier 
les  in-folio.  M.  B.  n'a  su  prendre  tout  à  fait  ni  Tun  ni  l'autre  parti  : 
il  s'est  longuement  étendu  sur  certaines  époques,  il  en  a  sacrifié  d'autres, 
sans  qu'on  puisse  saisir  les  raisons  qui  ont  déterminé  son  choix.  S'ex- 
pliquera-t-on  par  exemple  que,  dans  un  volume  sur  le  luxe  au  moyen 
Age,  il  n'y  ait  pas  un  seul  chapitre  sur  le  luxe  byzantin  dont  Tinfluence 
a  été  si  profonde  et  a  rayonné  si  loin  ? 

D  semble  d'ailleurs  qu'en  écrivant  son  ouvrage  M.  B.  ait  souvent 
ressenti  la  môme  fatigue  qu'on  éprouve  en  le  lisant;  malgré  ses  efforts, 
il  n'a  pu  éviter  la  monotonie  :  c'est  qu'on  ne  retrouve  pas  ici  l'intérêt 
qui  s'attache  à  une  institution  ou  à  un  art  dont  on  suit  le  développe- 
ment progressif,  '  et  cette  longue  revue  des  folies  fastueuses  de  tous  les 
temps  fait  naître  un  sentiment  de  lassitude.  Aussi  le  livre  gagne-t-ii  à 
être  lu,  non  pas  d'une  manière  suivie,  mais  à  bâtons  rompus.  On  saisit 
mieux  alors  toute  l'habileté  que  l'auteur  a  déployée  dans  chacun  de  ces 
tableaux  qui  réunis  perdent  de  leur  attrait. 

8i  l'idçe  môme  de  l'ouvrage,  si  la  méthode  qui  y  a  présidé  prêtent  à 
la  critique,  les  détails  de  l'exécution  sont  loin  d'être  irréprochables. 
Une  pareille  entreprise  suppose  une  érudition  prodigieuse  :  le  luxe 
étant  un  peu  partout,  il  faudrait  pour  ainsi  dire  avoir  tout  lu  et  avoir 
tout  vu.  Aussi  M.  B.  a-t-il  renoncé  à  des  recherches  personnelles  et 
s'est-il  contenté  de  prendre  ses  renseignements  dans  des  ouvrages  de 
seconde  main.  Ne  soyons  pas  trop  difficiles,  c'est  souvent  œuvre  méri- 
toire que  de  réunir  et  de  coordonner  les  matériaux  disséminés  dans 
mille  ouvrages  divers  ;  encore  faudrait-il  choisir  avec  soin  les  meilleurs 
guides.  On  ne  peut  dire  que  M.  B.  y  ait  toujours  réussi.  Pour  citer  un 
exemple,  parmi  les  livres  qui  lui  auraient  été  le  plus  utiles  pour 
le  moyen  âge,  il  faut  placer  en  première  ligne  ÏHiMoire  des  arts  indus-' 
triels  de  Labarte.  Il  ne  la  cite  qu'une  fois  et  je  lis  à  l'index,  p.  699, 
<  Labarte,  son  livre  sur  les  Arts  somptuaires  i,  ce  qui  semble  prouver 
qu'il  a  confondu  la  publication  de  Labarte  avec  celle  de  Louandro  qui 
du  reste  n'est  point  nommé.  J'ai  relevé  un  certain  nombre  d'inexacti- 
tudes et  de  taches  qui  légitimeront  mes  critiques  : 

P.  13,  note  2  :  c  Fustel  de  Cîoulanges,  Histoire  des  Constitutions  (sic) 
politiques  de  Vancienne  France.  » 

P.  14,  note  1.  M.  B.  renvoie  à  César.  III,  1;  c'est  une  citation 
inexacte.  Il  est  question  d'Adiatunus  (et  non  d'Adiatius),  1.  III,  c.  22; 
d'Orgétorix  (et  non  Orgétaric)  et  du  fait  qu'indique  M.  B.,  1.  I,  c.  4. 
Ch.  m  :  dans  un  ch.  consacré  au  luxe  pontifical,  le  Liber  Pontificalis 
n'est  pas  une  seule  fois  indiqué  comme  la  principale  source. 

P.  34.  M.  B.  parle  des  c  Césars  de  Byzance  qui  avilissaiont  les  arts 
par  leur  faux  goût,  t  Or  c'était  à  Byzance  que  les  arts  se  développaient 
surtout  depuis  trois  siècles,  pour  étendre  de  là  leur  influence  sur  l'Oc- 
cident. 


n2  COMPTES-EENDUS  CRITIQUES. 

P.  35.  Leudaste  est  qualifié  de  c  comte  de  Leudaste.  » 

P.  36.  M.  B.  cite  en  note  Grégoire  de  Tours,  sans  autre  indication. 
C'est  vague. 

P.  47.  M.  B.  cite  les  objets  du  tombeau  de  Ghildéric  comme  spéci- 
mens de  Torfèvrerie  mérovingienne;  il  devrait  savoir  qu'on  en  a  soutenu 
la  provenance  étrangère. 

Gh.  V.  M.  B.  ne  montre  pas  les  emprunts  faits  par  Gharlemagne  à 
ritalie  et  à  TOrient  et  ne  cite  môme  pas  le  dôme  d'Aix-la-Ghapelle. 

P.  72.  c  Le  luxe  laïque  fleurit  encore  à  Byzance;  un  Basile  le  macé- 
donien semble  vouloir  racheter  par  la  richesse  de  ses  monuments  les 
fureurs  iconoclastes  de  ses  prédécesseurs,  i  Mais  les  empereurs  icono- 
clastes ne  s'étaient  attaqués  qu'aux  images  religieuses,  le  luxe  laïque 
s'était  développé  sous  leur  règne. 

P.  77.  f  Ebron,  t  lisez  «  Ebbon.  t 

P.  77-78.  M.  B.  fait  de  forts  emprunts  à  Émeric  David,  HisL  de  la 
Peint.  ;  il  serait  juste  de  l'indiquer  en  note. 

P.  98.  M.  B.  parle  de  •  fondations  d'ordres,  dont  plusieurs  opulentes, 
comme  Giteaux,  Fontevrault,  Glairvaux  que  fonde  saint  Bernard,  t  Ces 
exemples  ne  sont  pas  très  heureux,  puisque  saint  Bernard  et  les  Gistcr- 
ciens  ont  réagi  contre  le  luxe  religieux.  Par  contre  il  eût  fallu  citer 
l'ordre  de  Gluny  qui  fit  tant  pour  les  arts. 

P.  105,  note  1.  a  Si  Ton  veut  se  faire  une  idée  vivante  des  temps  et 
surtout  des  châteaux  féodaux,  il  faut  relire  les  premiers  chants  de 
rOdyssée...  t  Je  crois  qu'il  est  plus  sûr  de  lire  les  chroniques  et  les 
documents  du  moyen  âge. 

P.  108.  c  Elle  semblait  faite  pour  vous,  dames  châtelaines...  i  Ges 
apostrophes  peu  scientifiques  ont  une  allure  pseudo-romantique  qui 
ne  convient  guère  ici. 

P.  114.  f  Lit-on  dans  la  chronique.  »  Laquelle  ? 

P.  117.  Dans  un  chapitre  sur  la  renaissance  du  xi«  s.,  il  est  singulier 
de  parler  aussitôt  de  l'ogive,  etc.  Au  reste  ces  pages  contiennent  beau- 
coup de  phrases  et  peu  de  faits. 

P.  121,  note  1.  a  Voir  ce  qu'en  dit  Viollet  le  Duc,  Dictionnaire  d'ar- 
chitecture. »  Mais  dans  quel  volume,  à  quel  article  ?  Au  reste  ces  cita- 
tions vagues  et  inexactes  sont  fréquentes.  Ainsi,  p.  145,  note  2  :  c  Gol- 
lection  traduite  des  historiens  de  France  ;  Albert  d'Air  (sic).  »  Il  s'agit 
sans  doute  de  la  collection  Guizot  et  d'Albert  d'Aix.  —  P.  168,  note  2  : 
a  V.  Historiens  de  France,  préface.  »  Que  signifie  un  pareil  renvoi? 

P.  167.  M.  B.  cite  d'une  façon  inexacte  et  inintelligible  le  ch.  vi  de 
Joiuville  où  il  est  question  de  Robert  de  Sorbon.  Joinvillc,  comparant 
le  surcot  de  Robert  et  celui  du  roi,  n'aurait  aucune  raison  de  dire  : 
«  or  regardez  si  j'ai  du  vair.  i  II  dit  :  «  or  esgardez  se  je  di  voir,  t  ce 
qui  signifie  :  «  regardez  si  je  dis  vrai.  » 

P.  204.  M.  B.  place  au  xii«  siècle  la  renaissance  des  arts  à  Florence 
avant  le  xvP  siècle.  Le  mot  de  renaissance  peut  s'entendre  comme  cha- 
cun veut,  mais  enfin  Gimabûe  est  né  en  1240. 


PIGNOT   :    BARTHiSlEIIT  DE  GHASSE.fEUZ.  473 

P.  226-228,  233,  278.  M.  B.  aurait  dû  citer  M.  Renan  à  qui  il 
emprunte  ses  renseignements,  y  compris  les  citations. 

P.  251.  M.  B.  ne  montre  pas  que  les  ordonnances  somptuaires  de 
Philippe  le  Bel  ont  un  but  fiscal  et  en  revanche  il  lui  attribue  «  d'avoir 
établi  un  parlement  sédentaire,  t 

P.  340.  Est-il  exact  de  montrer  le  jeune  Michel- Ange  c  errant  le 
plus  souvent  dans  Florence,  sans  atelier,  sans  étude  fixe  ?»  Il  ne  faut 
pas  substituer  à  la  biographie  de  Michel-Ange  qui  est  bien  connue  une 
biographie  romanesque. 

P.  404.  Est-il  bien  juste  de  dire  que  l'architecture  de  la  renaissance 
française,  et  notamment  de  Ghambord,  est  une  <  architecture  peu  sen- 
sée, où  rien  ne  sert  à  rien  ?  t 

P.  458.  M.  B.  parle  de  Robert,  fils  de  saint  Louis,  dont  il  décrit  le 
mariage  à  la  date  de  1227  !  Louis  IX  avait  douze  ans  en  1227. 

P.  481,  note.  <  Chronique  manuscrite  de  Nangis.  »  Mais  Guillaume 
de  Nangis  est  publié,  et  en  1378  il  ne  peut  être  question  que  d'un  de 
ses  continuateurs. 

P.  540,  541.  La  même  citation  est  répétée  sans  raison  au  bas  des  pages. 

P.  574.  c  Philibert  Delorme...  n'avait  jamais  vu  l'Italie.  »  La  biogra- 
phie de  Philibert  Delorme  est  trop  bien  connue  sur  ce  point,  grâce  à 
ses  ouvrages,  pour  qu'on  puisse  excuser  une  telle  erreur. 

Je  ne  veux  pas  multiplier  outre  mesure  ces  critiques  de  détail.  Gelles 
que  j'ai  faites  prouvent  que  M.  B.,  lancé  dans  cette  immense  entreprise, 
a  dû  travailler  à  la  hâte,  sans  prendre  le  temps  d'étendre  ses  lectures, 
ni  de  vérifier  les  ouvrages  qu'il  citait.  Les  qualités  d'exposition  de 
M.  B.  assureront  le  succès  de  son  livre  auprès  du  public,  mais  les  his- 
toriens n'y  trouveront  leur  profit  que  si  l'auteur  nous  en  donne  une 
nouvelle  édition  longuement  remaniée. 

G.  Bayet. 


Barthélémy  de  Clutseeiieiu,  premier  commentatenr  de  la  cou- 
tume de  Bourgogne  et  préeideiit  du  Parlement  de  Prorenee, 

sa  vie  et  ses  œuvres,  par  J.-Henri  Pigrot.  Paris,  Larose,  4880. 
4  vol.  10-8'»  de  324  pages. 

Le  personnage  qui  est  le  sujet  de  cette  biographie  a  été  avant  tout 
un  homme  d'étude,  et  cependant  rien  de  plus  varie  que  le  tableau  de  sa 
vie  et  l'analyse  de  ses  ouvrages.  Chasf^eneuz  était  du  nombre  de  ces 
érudits,  aussi  utiles  que  mrjdestes,  qui,  au  milieu  des  orages  du 
XVI*  siècle,  gardèrent  intacts  en  eux  le  calme  delà  [K^nsée,  Tintelligeoce 
et  la  pa.«^iion  de  la  justice  et  de  la  vf^rité.  Il  était  né  à  Autun  en  1480; 
son  éducation  litti^raire  et  juridique  se  fit  successivement  à  Dole,  à  Poi- 
tiers, à  Turin,  à  Pavie.  Après  avoir  exercé  un  emploi  dans  l'adminis- 
tration du  duché  de  Milan  sous  la  domination  française,  il  rentra  dans 
sa  ville  natale,  y  vécut  durant  de  longues  années,  et  devait  mourir  en 


474  COMPTES-RENDUS  CRITIQUES. 

1541  président  du  Parlement  de  Provence.  Ainsi  entre  une  jeunesse 
errante  et  une  vieillesse  comblée  d'honneurs,  se  place  pour  lui  une 
longue  période  d'existence  recueillie,  éprouvée  à  certains  égards,  pour- 
tant laborieuse  et  féconde.  M.  Pignot  a  trouvé  dans  l'ordonnance  môme 
de  sa  vie  la  division  naturelle  de  son  livre,  et  le  récit  des  pérégrina- 
tions de  Ghasseneuz  encadre  Texamen  de  ses  écrits  de  jurisprudence  et 
de  morale. 

La  partie  bibliographique,  on  n'oserait  dire  littéraire,  de  Touvrage  n'ex- 
cite qu'un  intérêt  restreint;  car  elle  a  trait  à  de  volumineux  écrits  que 
les  analyses  de  M.  Pignot,  si  limpides  qu'elles  soient,  ne  donneront  pas 
envie  à  d'autres  de  relire.  Les  amateurs  du  droit  coutumier  parcourront 
encore  les  commentaires  sur  la  coutume  de  Bourgogne,  les  dissertations 
sur  la  main-morte,  les  censives  ou  le  retrait  lignager;  mais  qui  songera 
à  rouvrir  ce  Catalogus  dont  les  titres  seuls  indiquent  les  bizarreries,  vrai 
dédale  d'érudition  en  même  temps  que  débauche  d'imagination  ?  Il 
faudrait  plaindre  M.  Pignot  d*en  avoir  secoué  la  poussière,  si  on  n'avait 
à  le  remercier  d'avoir  dispensé  ainsi  désormais  qui  que  ce  soit  de  faire 
directement  connaissance  avec  cette  étrange  encyclopédie. 

Les  ouvrages  de  Ghasseneuz  ont  du  moins  un  mérite  très  appréciable 
ici,  celui  de  fournir  des  renseignements  assez  nombreux  sur  la  vie  de 
leur  auteur.  Ils  forment  la  source  principale  à  laquelle  M.  Pignot  a 
puisé,  tout  en  ayant  recours  à  d'autres  documents  dispersés  çà  et  là, 
tels  que  les  manuscrits  de  la  bibliothèque  d'Aix.  De  là  dans  cette  bio- 
graphie plus  d'une  partie  accessoire,  ou  en  d'autres  termes  bon  nombre 
d'éclaircissements  qui  concernent  l'histoire  politique,  religieuse  ou  litté- 
raire du  temps.  Chacun  pris  à  part  a  son  intérêt,  mais  quelques-uns 
pourraient  être  qualifiés  de  digressions.  Ainsi,  dès  les  vingt  premières 
pages,  on  relève  successivement  une  description  d'Autun  à  la  fin  du 
xv«  siècle,  des  détails  sur  plusieurs  universités  françaises  ou  étrangères, 
plusieurs  pages  sur  l'étude  du  droit  en  Italie;  plus  loin  c'est  un  tableau 
de  la  vie  municipale  et  sociale  à  Autun,  qui  ne  fait  guère  que  résumer 
le  tableau  beaucoup  plus  complet  tracé  par  M.  Abord  (Histoire  de  la  Réforme 
et  de  la  Ligue  à  Autun,  t.  I).  En  revanche,  les  chapitres  consacrés  à  la 
réformation  de  la  justice,  à  l'invasion  de  Charles-Quint  en  Provence  et 
surtout  au  procès  des  Vaudois  ne  paraissent  point  trop  longs  ;  car  ici 
Ghasseneuz  se  révèle  comme  homme  public;  dans  de  délicates  circons- 
tances il  déploie  une  haute  intelligence,  un  noble  et  ferme  caractère, 
et  se  place  d'emblée  parmi  ces  magistrats  élevés  au-dessus  des  passions 
de  leur  temps,  créateurs  de  la  glorieuse  tradition  personnifiée  plus  tard 
en  Lhopital,  Guillaume  du  Vair  et  Jeannin.  Qui  sait  si  pour  ce  dernier, 
né  un  an  après  sa  mort,  dans  la  môme  ville  que  lui,  il  n'a  pas  été  un 
modèle  ? 

Sans  parler  de  la  conscience  et  de  l'étendue  des  recherches,  il  y  a 
dans  cette  étude  biographique  un  mérite  qui  ne  contribue  sans  doute 
pas  à  l'agrément  du  récit,  mais  qui  le  nourrit  singulièrement  et  lui 
donne  sa  couleur  propre  ;  c'est  le  soin  que  M.  Pignot  a  eu  de  faire  à  sa 


CIPOLU   :    8T0RIA   POLinCÀ   d'ITâLU.  467 

aussi  un  sens  général  que  parait  avoir  adopté  M.  GipoUa ,  domina- 
tions ou  États.  Puisque  notre  auteur  entreprend  l*hi8toire  de  tous  les 
grands  États  italiens,  durant  une  période  déterminée,  pourquoi  n'a-t-il 
pas  écrit  simplement,  au  frontispice  de  son  livre  :  c  Histoire  dltalie  do 
1313  à  1530?! 

Ce  n'est  point  une  querelle  de  mots  que  je  lui  fais,  puisque  lui-mômo 
il  a  senti  et  indiqué  dans  sa  préface  le  nœud  de  la  question.  La  limite 
finale  se  comprend  assez  bien  :  Florence  tombée,  dit-il,  il  n'y  a  plus 
d'Italie  ;  il  ne  s'agit  plus  que  de  savoir  si  la  terre  italienne  appartiendra 
à  l'Autriche  ou  à  la  France.  Et  cependant,  même  après  la  chute  de 
Florence,  il  y  a  encore  des  Républiques,  des  communes,  telles  que 
Sienne  et  Lucques,  et  môme  des  signorie  comme  Venise.  Mais,  admet- 
tons ce  point  d'arrôt,  car,  à  tout  prendre,  la  chute  de  Florence  marque 
la  fin  d'une  époque  et  le  commencement  d'une  autre.  Si  quelques  États 
restent  encore  debout,  c'est  ou  qu'ils  sont  en  dehors  de  la  sphère  com- 
mune, comme  Venise,  ou  qu'ils  s'appuient  à  plus  grands  qu'eux  au 
nord  des  Alpes,  comme  le  marquis  de  Mantoue  ou  le  duc  de  Savoie,  ou 
enfin  qu'ils  ne  comptent  pour  rien,  qu'ils  ne  donnent  d'ombrage  à  per- 
sonne, comme  Sienne  et  Lucques.  N'a-t-on  pas  vu  les  grandes  puis- 
sances, qui  se  sont  disputé  si  souvent  la  domination  en  Italie,  respec- 
ter, c'est-à-dire  dédaigner  jusqu'à  nos  jours  la  lilliputienne  république 
de  Saint-Marin? 

Mais  la  date  initiale  donnerait  lieu  à  plus  de  contestations,  c  Les 
anciennes  communes  qui  avaient  vaincu  Barbcrousse  à  Legnano,  dit 
M.  Gipolla,  laissèrent  la  place  aux  Signorie  qui,  s'agrandissant^  fixèrent 
pour  trois  siècles  la  carte  d'Italie,  t  De  son  aveu,  son  but  est  de  cher- 
cher, d'après  les  documents  contemporains,  par  quels  moyens  s'accom- 
plit cette  transformation  inséparable  de  celle  de  l'organisation  sociale 
et  politique.  Il  y  aurait  donc  une  période  des  communes  et  une  des 
signorie  princières  ou  populaires,  aristocratiques  ou  monarchiques,  ne 
laissant  aucune  place  à  la  liberté.  Or  l'auteur  est  fort  empêché  de  dire 
à  quel  moment  finit  la  première  période  et  commence  la  seconde.  Il 
prend  son  point  de  départ  à  l'année  1313,  alors  que  l'ère  des  communes 
est  dans  son  plein.  Gesare  Baibo  voyait  bien  l'impossibilité  d'une  démar- 
cation précise,  car  il  ne  fait  qu'une  seule  ère  des  communes  et  des 
signorie.  C'est  à  coup  sûr  le  plus  prudent. 

La  division  en  livres  et  chapitres  ne  serait  pas  plus  que  le  titre  à 
l'abri  de  tout  reproche.  Voyez  plutôt  sous  quelles  rubriques  sont  pré- 
sentés les  six  livres  :  —  La  prépondérance  de  la  maison  d'Anjou;  — 
Le  retour  des  papes  à  Rome;  — Les  seigneuries  italiennes  au  temps 
du  schisme;  —  Les  nouvelles  seigneuries;  —  La  politique  des  Confé- 
dérations; —  Los  invasions.  —  Il  est  clair  que  ces  sous-titres  ne 
répondent  pas  entièrement  au  titre  et  qu'ils  se  succèdent  plutôt  qu'ils 
ne  découlent  les  uns  des  autres.  Que  sera-ce  si  nous  prenons  dans  un 
livre  les  chapitres  dont  il  se  compose  ?  Au  premier,  il  y  a  un  chapitre 
intitulé  :  Venise.  Croyez-vous  donc  qu'au  début  du  xiv«  siècle,  la  mai- 


n6  COMPTES-RENDUS  CRITIQUES. 

politiques  de  Rousseau.  Mais  Hommel  (1761),  Jngler  (1775),  Hugo 
(1812. ..1829)  n'ont  point  oublié  Althaus;  il  est  caractérisé  brièvement 
dans  les  études  de  Kaltenborn  sur  les  précurseurs  de  Grotius  (1848)  et  dans 
le  Droit  naturel  de  Walter  (1863)  ;  M.  de  Stintzing  lui  a  consacré  des 
notices  suffisamment  détaillées,  soit  dans  V Histoire  de  la  science  du  droit 
en  Allemagne,  qui  était  déjà  sous  presse  lorsque  M.  Gierke  a  publié  son 
livre,  soit,  il  y  a  huit  ou  neuf  ans,  dans  la  Biographie  générale  allemande  ; 
je  l'ai  nommé  aussi  (en  doux  lignes,  il  est  vrai)  dans  la  première  édition 
de  mon  Introduction  historique  au  droit  romain  (1872)  ;  on  le  trouve 
d'ailleurs  dans  V Encyclopédie  d'Erscli  et  Gruber  et  dans  les  répertoires 
biographiques  français  de  Michaud  et  de  Didot.  M.  Gierke  remarque  que 
M.  Ratjen,  professeur  à  Kiel,  ne  Ta  pas  compris  au  nombre  des  auteurs 
qu'il  a  énumérés  au  tome  Vin  de  la  Zeitschrifl  fur  Rechtsgeschichte 
sous  le  titre  :  Die  Ordner  des  Rœmischen  Rechts  ;  mais  ce  petit  article 
traite  seulement  de  quelques  «  Reconcinnatores  »  (Pothier,  Eusèbe 
Beger)  et  Systématistes  (Gonnan ,  Doneau ,  —  auxquels  sont  ajoutés 
Hilliger,  Vinnius,  Vultéius  et  Oomat),  et  je  ne  suis  pas  sûr  qu'Althaus 
ait  dû  entrer  dans  le  cadre  étroit  adopté  par  M.  Ratjen. 

Ceci  soit  dit  sans  vouloir  déprécier  en  rien  le  service  que  M.  Gierke 
a  rendu  à  la  science  historique,  et  spécialement  à  Thistoire  du  droit 
public,  en  remettant  en  pleine  lumière  une  figure  qui  commande  le 
respect  et  en  en  .faisant  le  centre  de  ses  consciencieuses  études  sur 
Phistoire  des  idées  politiques. 

Jean  Althaus,  qui  signait  en  1585  Althauss  selon  l'orthographe  usitée 
alors,  naquit  en  1557  à  Diedershausen,  dans  l'ancien  comté  de  Witt- 
genstein-Berlebourg,  lequel  fait  partie  actuellement  de  la  régence 
prussienne  d'Arnsberg.  Il  fut  immatriculé  en  mai  1585  à  l'université 
de  Bàle  par  le  recteur  Henri  Pantaléon.  Gomme  il  appelle  Denys  Gode- 
froy  I  virum  optime  de  me  meritum^  »  on  a  supposé  qu'il  avait  étudié 
ou  du  moins  séjourné  à  Genève  ;  son  nom  ne  figure  pas  au  Livre  du 
recteur.  Il  fit  paraître  à  Bàle,  en  1586,  son  système  de  droit  romain  selon 
la  méthode  ramiste  ;  on  sait  que  Bàle  était  alors,  comme  le  furent  jus- 
qu'au xviii«  siècle  Berne  et  Lausanne,  un  foyer  de  ramisme,  à 
la  suite  du  séjour  qu'y  avait  fait  Ramus,  et  grâce  en  partie  à  l'activité 
de  Jean  Thomas  Frei  (Freigius,  1543-1583),  qui  aimait  à  se  dire  l'héri- 
tier du  grand  philosophe.  En  la  môme  année  1586,  Althaus  fut  nommé 
professeur  de  droit  au  gymnase  académique  d'Herbom,  que  le  comte 
Jean  de  Dillenbourg  venait  de  fonder  (1584).  Le  ramisme,  que  Vultéius 
(1555-1634)  représentait  brillamment  à  Marbourg,  fleurit  ainsi  à  Her- 
born  dès  le  principe  ;  il  y  fut  renforcé  encore  en  1589  par  la  nomina- 
tion de  Jérôme  Treutler  (1565-1607)  à  la  chaire  de  rhétorique. 

La  première  partie  do  la  carrière  d' Althaus  fut  consacrée  à  l'ensei- 
gnement de  la  philosophie  et  du  droit  à  Herborn,  Steinfurt,  Siegen  et 
de  nouveau  à  Herborn,  et  accessoirement  à  la  pratique  de  la  judicature 
en  la  chancellerie  comtale  de  Dillenbourg.  La  seconde  partie  appartient 
à  la  politique,  au  droit  public  et  à  l'administration;  le   professeur 


6IERKB   :    JOHiNIUBS  ÂLTHUSIUS.  477 

d'Herbom  fut  appelé  en  1604  aux  fonctions  importantes  de  syndic 
(Syndicus,  Rathsconsulent)  de  la  ville  d'Ëmden  en  Frise.  Il  les  remplit 
jusqu'à  sa  mort,  survenue  en  1638,  et  y  joignit  dans  ses  dernières  années 
le  décanat  ou  séniorat  du  conseil  ecclésiastique.  Il  a  refusé  des  appels 
à  Leyde  et  à  Franeker,  où  on  lui  offrait  la  principale  chaire  de  droit, 
que  Denys  Godefroy  venait  de  refuser  (1606).  —  L'historien  de  la  Frise, 
Ubbo  Ëmmius  (1547-1625),  qui  était  l'intime  ami  d'Althaus,  vante  son 
habileté,  son  énergie,  son  dévouement  à  la  cause  de  la  liberté  ;  il  l'ap- 
pelle consultissimus  et  clariasimus  vtr,  doctrina^  virtute^  fide  singulari 
plane  eximius  et  ingenii  sui  monumentis  aeternum  victuris  illustris. 
Un  autre  Frison  célèbre,  le  chancelier  Brenneisen  (1670-1734),  disposé 
en  sa  qualité  d'absolutiste  à  condamner  la  politique  de  la  ville  d'Emden 
et  celui  qui  en  avait  été  l'inspirateur,  constate  la  grande  autorité  d'Alt- 
haus  et  dit  que  ses  doctrines  se  reconnaissent  dans  toutes  les  transac- 
tions et  résolutions  municipales,  dans  tous  les  actes  faits  par  la  ville 
durant  son  syndicat.  Les  témoignages  des  contemporains  sont  unanimes 
à  montrer  dans  Althaus  un  protestant  austère,  un  homme  hautement 
respectable;  ses  écrits  attestent  qu'il  fut  un  penseur  profond  et  un 
inflexible  logicien. 

Il  s'est  distingué  comme  théoricien  de  la  démocratie  et  comme  métho- 
diste du  droit  romain.  C'est  sous  ces  deux  aspects,  surtout  sous  le  pre- 
mier, que  M.  Gierke  l'étudié,  avec  une  ampleur,  une  compétence  et 
une  conscience  dignes  de  tout  éloge.  Je  me  permets  seulement  de 
regretter  que  le  savant  auteur  n'ait  pas  pris  plus  de  souci  de  la  forme. 
Son  excellent  ouvrage  n'est  pas  agréable,  ni  môme  facile  à  lire;  la 
richesse  du  contenu  méritait  une  ordonnance  meilleure.  Les  données 
positives  sont  accumulées  en  masse  un  peu  confuse  dans  le  texte  et 
dans  des  notes  plus  étendues  que  le  texte.  Aucun  répertoire  alphabé- 
tique ne  facilite  l'orientation;  la  table  analytique,  fort  détaillée  cepen- 
dant, est  encore  insuffisante.  Étudiant  les  idées  politiques  d' Althaus, 
M.  Gierke  approfondit  leurs  origines  à  partir  du  moyen  âge  et  suit 
leurs  destinées  jusqu'à  la  fin  du  xvni*  siècle;  malgré  le  haut 
intérêt  du  sujet,  il  faut  avouer  que  ce  long  voyage  à  travers  six  ou  sept 
siècles,  recommencé  pour  chaque  idée  principale,  ne  laisse  pas  que 
d'être  un  peu  monotone.  On  voudrait  voir  circuler  plus  de  vie  dans  ce 
fouillis  de  noms  qui  reviennent  à  chaque  page  en  longues  kyrielles 
sans  cesse  répétées  et  sont  trop  souvent  pour  le  lecteur  peu  initié  de 
pures  abstractions,  d'autant  plus  incolores  que  la  forme  latine  en  est 
seule  indiquée,  du  moins  en  général.  C'est  le  cas  pour  Althaus  lui- 
même,  et  l'on  peut  s'étonner  que  M.  Gierke  n'ait  pas  jugé  bon  de  s'as- 
surer du  nom  véritable  de  l'homme  pour  lequel  il  dépensait  tant  de 
travail  et  d'érudition  ;  il  n'aurait  eu  pour  cela  qu'à  s'informer  à  Bàle  : 
le  registre  des  immatriculations  porte  :  Joannes  Althauss  Vuitgensteinensis* . 

1.  Je  dois  ce  renseignement  à  l'obligeance  de  M.  le  professeur  Charles  Meyer, 
auquel  je  suis  heureux  de  réitérer  ici  mes  remerciements. 

Rbv.  Histor.  XXII.  1"  PASc.  12 


478  GOMPTES-RElVDnS   CRITIQUES. 

L'impression  de  fatigue  que  l'on  éprouve  à  la  lecture  de  ce  livre  est 
encore  accrue  par  l'arrangement  typographique,  qui  est  peu  élégant. 

Quinze  pages  environ  sont  consacrées  à  l'ouvrage  de  droit  proprement 
dit  qui  a  fondé  la  réputation  d'Althaus.  La  JuHsprudentia  romana  a  eu 
au  moins  dixéditions  ou  réimpressions  après  l'édition  de  1586  et  jusqu'en 
1688  ;  en  outre,  elle  a  été  remaniée  et  développée  dans  la  Dicéologique, 
Dicœologicx  libri  III,  totum  et  universum  jus  quo  utimur  methodice  corn" 
plectentes,  cum  parallelis  hujus  et  judaïci  juris^  etc.,  1617,  1618,  1649. 
Grâce  à  ces  deux  ouvrages,  où  se  révèle  une  remarquable  vigueur  de 
raisonnement,  Âlthaus  occupe  une  place  distinguée  dans  le  groupe  peu 
nombreux  des  Systématistes,  que  forment  en  Allemagne  Jean  Thomas 
Frei,  déjà  nommé,  Nicolas  Vigel  (1529-1600),  Dethard  Horst  (1548-1618), 
dont  la  Tribonianea  jurisprudentia  a  paru  en  1579,  et  le  célèbre  Vul- 
téius,  —  tous  d'ailleurs  inférieurs  à  Doneau  et  aussi,  me  semble-t-il,  à 
Pierre  Grégoire  le  Toulousaine  Althaus  est  le  premier  qui  ait  appliqué 
la  méthode  ramiste  à  la  construction  d'un  système  général  de  l'ensemble 
du  droit.  Les  divisions  qu'il  a  établies  ont  laissé  leur  trace  dans  les 
ouvrages  systématiques  plus  récents,  chez  Domat  et  chez  nos  contem- 
porains. 

Mais  la  Jurisprudence  n'est  pas  l'œuvre  capitale  d'Althaus.  C'est  par 
sa  Politique,  Politica  methodice  digesta  et  exemplis  sacris  et  profanis  illus- 
trata^  qu'il  a  surtout  fait  date  et  mérité  d'occuper  une  place  préémi- 
nente dans  l'histoire  de  la  pensée.  La  Politique  a  eu  huit  éditions,  de 
1603  à  1654.  C'est  le  premier  système  développé  de  politique  qui  ait  été 
publié  en  Allemagne.  M.  Gierke  y  a  consacré  la  seconde  et  principale 
partie  de  son  livre,  intitulée  Histoire  du  développement  des  idées  politiques 
exprimées  par  Althaus  dans  sa  théorie  de  l'État;  il  examine  successive- 
ment, de  la  manière  approfondie  que  j'ai  indiquée,  les  éléments  religieux 
de  cette  théorie,  la  doctrine  du  contrat  social,  celles  de  la  souveraineté 
populaire^  du  principe  représentatifs  du  fédéralisme,  de  VÉtat  légal  ;  il 
recherche,  toujours  avec  un  soin  minutieux,  les  germes  de  ces  doctrines, 
leur  développement  antérieur  à  Althaus,  la  forme  et  le  caractère  qu'Alt- 
haus  leur  a  donnés,  enfin  leurs  destinées  ultérieures.  Pour  que  l'on 
se  fasse  une  idée,  nécessairement  très  incomplète,  de  la  méthode  de 
M.  Gierke  et  de  l'intérêt  qu'éveille  son  livre  malgré  les  défauts  de 
forme  que  j'ai  signalés,  je  le  suivrai,  de  loin,  dans  son  exposition 
de  l'histoire  du  dogme  de  la  souveraineté  populaire. 

On  sait  que  les  glossateurs  et  après  eux  les  commentateurs  étaient 
partagés  sur  la  nature  juridique  de  l'évolution  qui  a  transformé  la 
république  romaine  en  monarchie.  Selon  les  uns,  le  peuple  a  conféré 
Vimperium  à  Auguste  définitivement,  irrévocablement;  Accurse  ap- 
prouve cette  théorie,  que  Bartole  et  Balde  reproduisent.  Selon  les 
autres,  auxquels  ont  adhéré  Cinus,  Zabarella,  Paul  de  Castro,  le  peuple 

1.  M.  Gierke  indique  1591  comme  date  de  la  mort  de  Grégoire;  c'est  pro- 
bablement une  faute  d'impression,  car  je  crois  que  Grégoire  est  mort  en  1597. 


GIERKE   :   JOHAUTNES  ALTHUSIUS.  479 

a  concédé  seulement  Tadministration  de  Vimperium,  mais  a  gardé 
Vimpen'um  même  ;  c'est  ce  qu'enseignent  durant  toute  la  seconde  partie 
du  moyen  âge  une  série  de  penseurs,  de  jurisconsultes,  de  publicistes 
d'élite,  tels  que  l'auteur  du  Songe  du  Vergier,  le  pape  Innocent  IV, 
Guillaume  Durant  le  Spéculateur,  —  puis  Occam,  Marsilius  de  Padoue, 
Lupold  de  Bebenburg,  le  grand  cardinal  Nicolas  de  Gués,  Wicleff,  etc. 
—  Nicolas  de  Gués  formule  nettement  le  caractère  indélébile  et  inalié- 
nable de  la  souveraineté  populaire  ;  Marsilius  insiste  sur  le  fait  que  le 
peuple  est  législateur  et  par  conséquent  souverain,  que  le  prince  est 
subordonné  au  peuple  et  doit  gouverner  ;us^a  subditorum  suorum  voluti' 
tatem  et  consensum  ;  Lupold,  tout  bon  monarchiste  qu*il  est,  dit  que  le 
peuple  est  mc^or  ipso  principe,  peut  déposer  l'empereur,  confier  l'em- 
pire à  un  prince  étranger  i.  —  Ges  idées  sont  encore  celles  des  monar- 
chomaques  du  xvi«  siècle  ;  ils  les  développent  le  plus  souvent  en 
des  pamphlets  de  circonstance.  Althaus  le  premier  les  a  enchâssées 
dans  une  œuvre  d'ensemble,  dans  un  système  complet  de  droit  public 
général;  il  leur  a  donné  avec  l'expression  juridique  une  plus  haute 
valeur  scientifique,  et  il  y  a  ajouté  des  pensées  politiques  nouvelles, 
d'une  portée  considérable.  Il  applique  au  peuple  le  terme  et  la  notion 
de  Majesté^  c'est-â-dire  de  la  souveraineté  telle  que  Bodin  l'a  comprise; 
il  n'admet  plus  de  majesté  monarchique  ;  le  prince  n'est  que  le  magis- 
trat suprême  ;  entre  la  monarchie  et  la  république  il  n'existe  qu'une 
différence  de  forme.  Le  magistrat  suprême  est  le  mandataire  du  peuple 
souverain.  Les  effets  de  ce  mandat  sont  déduits  avec  une  rigueur  stric- 
tement juridique  ;  le  mandataire  infidèle  est  un  usurpateur,  un  tyran  ; 
Althaus  détermine  les  caractères  de  la  tyrannie,  la  procédure  à  suivre 
contre  les  tyrans,  les  peines  qui  leur  doivent  être  infligées.  Toujours  il 
reste  sur  le  terrain  du  patriotisme  et  de  la  plus  scrupuleuse  légalité,  en 
opposition  directe  au  jésuite  Mariana  qui  recommande  le  régicide,  et 
aux  autres  monarchomaques  qui  prêchent  la  révolution  ou  autorisent 
le  recours  à  l'intervention  de  l'étranger.  Il  règle  d'une  manière  géné- 
rale et  permanente  la  participation  du  peuple  au  gouvernement.  Il  donne 
à  l'assemblée  populaire  le  droit  de  prendre  seule  les  résolutions  les  plus 
importantes,  et  le  magistrat  suprême  est  tenu  de  les  exécuter.  Enfin  et 
surtout,  combinant  les  déductions  tirées  de  la  notion  du  contrat  avec 
celles  qu'il  tire  de  la  souveraineté,  il  déclare  que  les  droits  de  majesté 
appartenant  au  peuple  sont  immédiats,  inaliénables,  imprescriptibles.  Ce 
principe,  on  vient  de  le  voir,  avait  déjà  été  posé  au  moyen  âge,  mais 
nul  ne  Ta  formulé  et  proclamé  avec  la  même  rigueur.  Rousseau  l'a 
repris,  presque  dans  les  mêmes  termes.  Entre  la  dernière  édition  de  la 
Politique  et  la  première  du  Contrat  social  (1762),  il  s'est  écoulé  un  peu 
plus  d'un  siècle;  M.  Gierke  se  demande  si  Rousseau  a  lu  Althaus.  Il 

1.  Quelques  pages  de  M.  Gierke  (50-55)  sont  dirigées  contre  l'appréciation 
émise  sur  Lupold  et  ses  écrits  par  Riezler  {Oie  liierarischen  Widertacher  der 
PxptUy  1874). 


480  GOMPTES-RBIfDUS  CRITIQUB8. 

croit  que  c'est  probable.  On  peut  dire  que  c'est  certain  :  Althans  est 
cité  dans  les  Lettres  écrites  de  la  Montagne,  {^  part.,  lettre  6.  Real, 
dont  le  tome  VIII  a  paru  en  1764,  connaissait  bien  la  Politique  ;  il 
déclare,  après  J.  H.  Bœckler,  que  ce  livre  mérite  le  feu. 

Althaus  lui-même,  dans  la  préface  de  sa  première  édition,  insiste 
sur  sa  théorie  de  la  souveraineté  populaire  comme  étant  Fun  des  traits 
essentiels  de  la  Politique,  U  déclare  qu'en  opposition  à  la  doctrine  géné- 
rale, représentée  notamment  par  Bodin,  lui  Althaus  et  un  petit  nombre 
d'hommes  qui  pensent  comme  lui  attribuent  les  droits  de  majesté,  non 
au  prince,  mais  entièrement  et  pleinement  au  peuple.  Le  prince,  magis- 
trat suprême,  n'a  que  l'administration  des  droits  de  majesté,  dont  la 
propriété,  avec  l'usufruit,  appartient  au  peuple  dans  son  ensemble,  au 
populus  universus,  à  la  consociatio  universalis,  qui  est  regnum  ipsum. 
Et  cette  propriété,  cet  usufruit,  le  peuple  ne  peut  pas  plus  les  transférer 
à  autrui  qu'une  personne  ne  peut  transférer  à  une  autre  personne  la 
vie  même  qui  lui  est  propre;  ils  constituent  Fe^prif  du  peuple,  son 
âme,  sa  force  vitale  :  c  proprietatem  vero  illorum  et  usum  fructum  adeo 
c  jure  ad  regnum  seu  populum  pertinere  contendo,  ut  hisce,  etiamsi 
c  velit,  se  abdicare  eosque  in  alium  transferre  et  alienare  nequaquam 
<  possit,  non  minus  quam  vitam  quod  quisque  habet  alii  communicare 
a  potest.  »  Cette  profession  de  foi  est  répétée  avec  quelques  modifica- 
tions dans  la  deuxième  édition,  dédiée  aux  États  de  Frise,  et  dans  les 
suivantes  ;  c'est  sur  ce  fondement,  déclare  Althaus,  que  repose  la  liberté 
de  la  Frise  et  celle  des  Pays-Bas.  On  voit  quelle  importance  le  syndi- 
cat d'Althaus  avait  pour  la  ville  d'Emden,  qui  était  en  lutte  ouverte 
avec  les  comtes  de  Frise. 

M.  Gierke  poursuit  la  théorie  de  la  souveraineté  populaire  chez 
Milton,  Sidney,  Locke,  chez  Rousseau,  et  après  lui  chez  Sieyès,  Kant 
et  Fichte. 

Jean  Althaus  a  eu  de  son  vivant  des  disciples  fidèles.  Le  fécond  Jean- 
Henri  Alstedt  (1588-1638),  théologien  et  philosophe,  reproduit  ses  doc- 
trines dans  le  traité  De  statu  rerum  publicarum  (1612),  comme  fait  Phi- 
lippe-Henri de  Hoen  (Hœnonius,  1576-1640),  savant  jurisconsulte,  homme 
d'Etat  et  homme  de  cour,  dans  ses  Disputationes  politics  (1615),  et  l'on 
voit  clairement  l'influence  qu'il  a  exercée  sur  l'illustre  publiciste  et 
juriste  Dominique  van  Arum  (Arumaeus^  1579-1637).  Les  adversaires, 
d'autre  part,  ne  lui  ont  jamais  manqué.  Grotius  le  combat  sans  le  nom- 
mer; Henning  Amisaeus,  de  Halberstadt,  mort  à  Copenhague  en  1636,  a 
entrepris  de  le  réfuter  en  divers  écrits,  principalement  dans  le  traité 
De  auctoritate  principum  in  populum  semper  inviolabili  (1611).  Les 
œuvres  politiques  d'Amisaeus  ont  été  colligées  et  rééditées  à  Strasbourg 
en  1648  ;  à  ce  moment-là,  le  grand  Conring  régnait  à  l'université  de 
Helmstaedt  et  traitait  sévèrement  les  doctrines  de  feu  le  syndic  d'Emden 
dans  les  dissertations  qu'il  rédigeait  ou  faisait  rédiger  par  des  aspirants 
au  doctorat.  De  auctoribus  politicis,  de  civili  prudentia,  de  civili  philoso" 


GIBRKE   :   JOHANNES  ALTHUSIUS.  484 

phia,  de  regno,  de  summae  potestatis  subjecto  ^  etc.  Dès  lors,  les  appré- 
ciations rigoureuses  se  succèdent,  une  quasi-unanimité  défavorable  se 
manifeste  à  l'égard  d'Althaus.  L'absolutisme  monarchique  se  consolide, 
en  Allemagne  surtout  ;  on  cesse  de  réimprimer  la  Politique,  Et  cepen- 
dant ce  serait  une  erreur  do  croire  que  les  idées  semées  par  Althaus 
aient  été  complètement  étouffées  en  Allemagne;  M.  Gierke  montre, 
entre  autres,  que  la  théorie  d'une  double  souveraineté,  la  personnelle 
appartenant  au  prince,  la  réelle  et  supérieure  appartenant  à  la  respublica^ 
que  cette  théorie,  exposée  par  de  nombreux  auteurs  du  xvii«  siècle, 
dérive  de  la  doctrine  d'Althaus  ;  la  souveraineté  réelle  n'est  autre  chose 
au  fond  que  la  souveraineté^  telle  qu'il  l'a  comprise. 

L'étude  historique  que  M.  Gierke  fait  du  dogme  de  la  souveraineté 
populaire,  il  la  répète,  ainsi  que  je  l'ai  dit,  pour  les  autres  idées  poli- 
tiques d'Althaus  ;  il  montre  partout  leur  influence  persistant  alors  môme 
que  le  livre  qui  les  contenait  cessait  d'être  en  constant  usage  et  que 
le  souvenir  de  l'auteur  s'effaçait;  je  note  en  passant  qu'il  voit  dans 
Althaus  le  véritable  théoricien  du  contrat  social'.  Je  ne  puis  suivre  le 

1.  Je  trouve  dans  les  Œuvres  politiques  du  célèbre  professeur  de  Heirostaedt 
plusieurs  pièces  relatives  à  une  polémique  qui  présente  quelque  intérêt.  Althaus 
eut  un  défenseur  en  la  personne  d'un  Prussien  d'Insterburg,  nommé  Jean 
Fichlau,  Figlovius,  qui  fut  chassé  de  l'université  de  Helmstaedt  et  soutint  à 
Leipzig)  en  1650,  avec  l'approbation  du  doyen  (lequel  n'était  autre  que  Tillustre 
B.  Carpzow),  une  fort  médiocre  thèse  De  imperio  absolufe  et  relative  conside- 
rata  ejusgue  jure;  il  dédia  cette  thèse  an  conseil  de  la  ville  de  Brunswick,  et 
annonça  an  titre  même  qu'elle  était  dirigée  contre  la  dissertation  De  summae 
potestatis  subjecto,  publiée  sous  le  nom  et  les  auspices  de  Gonring  par  un 
nommé  Naaman  Bensen,  probablement  un  Holsténois,  Slesvigois  ou  Oldenbour- 
geois.  Bensen  répliqua;  sa  dédicace,  datée  des  nones  d'août  1651,  est  adressée 
à  Frédéric,  prince  héritier  de  Norvège,  duc  de  Sleswig-Holstein,  etc.  Gonring 
a  mis  en  tête  de  cette  seconde  brochure  une  épttre  introductoire,  datée  du 
22  avril  1651,  où  il  se  montre  de  fort  mauvaise  humeur  contre  Garpzow  et 
reproche  à  Fichiau  d'avoir  voulu  flatter  les  conseillers  de  Brunswick  tout  en 
propageant  a  impiam  Anglicanorum  parlamentarium  haeresin,  »  Il  remarque, 
assez  justement,  que  les  républicains,  tels  que  les  Suisses,  les  Grisons,  les  Hol- 
landais et  maintenant  aussi  les  Anglais,  n'appliquent  nullement  ces  principes 
subversifs  à  leurs  relations  avec  leurs  propres  sujets  :  c  Populis  sibi  subjectis 
negant  omnia  jura,,,  —  Liberae  quoqite  imperii  nostri  urbes  non  profecto 
cedunt  suum  in  vicinos  pagos  dominium  a  su/fragio  agrestium  dependere.  t 
On  sait  en  effet  que  le  joug  des  villes  et  républiques  a  très  souvent  été  parti- 
enlièrement  lourd  et  oppressif.  Gonring  avait  jugé  bon,  dès  le  12  février  1650, 
d'écrire  au  conseil  de  Brunswick  pour  se  laver  du  reproche  d'avoir  mis  dans 
la  dissertation  De  summae  potestatis  subjecto  quoique  ce  soit  de  préjudiciable 
aux  intérêts  de  leur  ville. 

La  thèse  de  Fichiau  n'est  qu'un  indigeste  ramassis  de  citations  et  de  digres- 
sions. Bensen  est  incontestablement  supérieur. 

2.  Si  H.  Hornung  avait  connu  Althaus,  il  n'aurait  probablement  pas  dit  : 
a  Uobbes  est  le  véritable  auteur  du  contrat  social  ;  il  l'a  construit  de  tonte 


482  G01IFTB8-RR3IDD8  CaiTIQCBS. 

savant  auteur  dans  ces  études  ;  je  me  bornerai  à  relever  un  trait  carao- 
téristique,  qui  distingue  absolument  Althaus  des  monarchomaqnes  de 
la  Ligue  et  le  rapproche  au  contraire  des  Languet,  des  Daneau,  des 
Hotman.  Il  est  essentiellement  calviniste.  La  Bible,  le  judaïsme,  le 
droit  juif  tiennent  une  grande  place  dans  sa  Politique;  il  rejette,  il  ignore 
le  droit  canon  et  tout  ce  qui  s'y  rattache  ;  pour  lui,  d'ailleurs,  TÉtat  et 
rÉglise  se  confondent,  et  naturellement  il  n'a  aucune  idée  de  tolérance. 
Mais  en  même  temps,  au  point  de  vue  formel,  il  est  rationnaliste.  (Test 
par  voie  de  déduction  logique  qu'il  procède.  Les  textes  bibliques  lui 
servent  de  pièces  à  l'appui  ou  d'exemples  ;  son  État,  tout  biblique  qu'il 
paraît,  n'est  point  une  théocratie.  L'autorité  émane  du  peuple;  c'est 
par  le  peuple  et  dans  le  peuple  qu'elle  est  de  Dieu,  et  aussitôt  qu'elle 
viole  le  contrat  qui  la  lie  au  peuple,  elle  perd  la  sanction  divine  ;  alors 
le  peuple,  en  déposant  le  tyran,  fait  l'œuvre  de  Dieu. 

Parmi  les  autres  ouvrages,  de  moindre  importance,  qui  sont  dus  à 
Althaus,  il  faut  mentionner  Y  Avis  au  juge  concernant  les  procès  de  sor- 
cellerie, qui  est  imprimé  à  la  suite  du  traité  de  Jean-Georges  Godel- 
mann  (1559-1611),  De  magis,  veneficis  et  lamiis.  Althaus  s'y  montre, 
comme  Godelmann,  fort  supérieur  à  Bodin.  La  brève  indication  donnée 
à  ce  sujet  par  M.  Gierke  (p.  15)  doit  être  rectifiée  conformément  à  l'^û- 
toire  de  M.  de  Stmtzing,  p.  646-648. 

U  est  temps  de  clore  ce  compte-rendu  trop  long  et  pourtant  fort  incom- 
plet. Je  crois  avoir  montré  l'importance  du  livre  de  M.  Gierke,  ainsi 
que  la  haute  valeur  de  Jean  Althaus,  soit  comme  penseur,  logicien, 
systématiste,  soit  comme  théoricien  de  la  politique  et  du  droit  public, 
soit  comme  citoyen.  Sans  prétendre  faire  l'apologie  de  la  tendance  abso- 
lutiste qui  a  étoufifé  les  idées  d'ordre  légal  et  de  liberté  populaire  dont 
il  s'était  constitué  l'apôtre,  je  pense  que  cette  tendance  a  eu  sa  raison 
d'être  historique,  économique  et  morale  ;  je  ne  crois  pas  que  les  meil- 
leurs et  les  plus  grands  esprits  qu'ait  produits  l'Allemagne  au  xvii*  et  au 
xvni*  siècle  soient  condamnables  pour  l'avoir  servie  et  appuyée  de 
leur  autorité.  Mais  j'estime  en  môme  temps  qu'on  ne  peut  qu'admirer 
l'inflexible  droiture,  la  vigueur  et  la  pureté  morale  du  savant  syndic 
d'Emden.  M.  Gierke,  dans  son  intéressante  appréciation,  l'appelle  un 
doctrinaire  radical  :  •  der  gebome  radicale  Doctrirufr,  i  Ceci  peut  paraître 
juste  à  condition  d'oublier  les  radicaux  d'aujourd'hui,  l'horizon  borné, 
la  pauvreté  d'idées  de  la  plupart  d'entre  eux  et  les  appels  plus  ou  moins 
déguisés  qu'ils  font  trop  souvent  aux  instincts  des  classes  ignorantes, 
fatalement  préoccupées  des  intérêts  matériels.  Je  dirai  plutôt  que  Jean 
Althaus  fut  l'un  des  théoriciens  les  plus  conséquents  d'une  démocratie 

idéale. 

Alphonse  Rivieb. 

pièce,  etc.  o  Jean-Jacques  Rousseau  jugé  par  les  Genevois  d^ aujourd'hui, 
p.  170  et  8.  Voyez  Gierke,  p.  76-117. 


BERNER  TiSCHElVBUCH   4880-4884.  483 

Berner  Tasohenbuch  aof  das  Jahr  1880.  Berne,  4880.  B.  F. 

Haller.  4  vol.  in-8*  de  298  pages. 
Berner  Taschenbuch  auf  das  Jahr  1881.  Berne,  4884,  B.  F. 

Haller.  4  vol.  in-8^  de  308  pages. 

Cette  publication  annuelle  n'a  pas  de  prétentions  à  l'érudition,  l'in- 
térêt en  est  local,  la  tendance  patriotique.  Plusieurs  morceaux  d'auteurs 
dififércnts  y  trouvent  leur  place,  le  poète  y  coudoie  riiistorien. 

Pour  ne  parler  que  de  Thistoire,  citons  dans  le  volume  de  1880  une 
dissertation  de  M.  le  prof.  Vetter  sur  le  nom  de  la  ville  de  Berne  ; 
signalons  aussi  deux  travaux  qui  s'étendent  au-delà  des  limites  de  cette 
ville  :  l'un  est  relatif  au  séjour  des  enfants  de  l'amiral  de  Goligny  en 
Suisse,  après  le  massacre  de  la  Saint-Barthélemy  ;  l'auteur,  M.  G.  Fr. 
Ochsenbein,  raconte  d'une  manière  intéressante  les  efiforts  faits  par  les 
<  Magnifiques  Seigneurs  »  de  Berne  pour  obtenir  du  duc  de  Savoie  la 
mise  en  liberté  de  la  comtesse  d' Entremonts,  veuve  de  Tamiral.  L'autre 
est  intitulé  :  Ce  que  Berne  a  fait  pour  les  Vaudois  (du  Piémont  et  de  la 
Provence)  dans  les  années  1637  à  1655.  Sous  ce  titre  un  peu  exclusif, 
M.  R.  von  Sinner  expose  les  relations  que  ces  malheureuses  populations, 
si  souvent  f  pugnies,  i  selonTexpression  de  François  !•',  entretinrent, 
non  seulement  avec  Berne,  mais  encore  avec  Zurich,  Bàlo  et  Genève. 

Dans  le  volume  de  1881,  l'élément  historique  n'est  guère  représenté 
que  par  des  biographies  ou  par  des  fragments  biographiques.  Dans  le 
nombre,  distinguons  le  travail  de  M.  Emile  Blœsch  sur  Jean  Heynlin 
de  Stein;  recteur  de  l'Université  de  Paris  en  1469,  puis  professeur  à  la 
Sorbonne,  ce  théologien  séjourna  à  plusieurs  reprises  à  Berne.  Pour 
l'histoire  des  temps  modernes,  c'est  aussi  M.  Blœsch  qui  a  publié,  en 
l'accompagnant  de  commentaires,  une  lettre  de  Louis-Napoléon  Bona- 
parte demandant  à  servir  comme  officier  d'artillerie  dans  le  contingent 
bernois.  Elle  est  datée  du  18  juin  1834. 

Tous  ces  morceaux  détachés  sont  en  général  d'une  lecture  facile;  il 
est  regrettable  que  le  style  en  soit  parfois  gâté  par  des  mots  tels  que 
c  akzeptieren^  »  pour  n'en  citer  <qu'un.  La  richesse  de  la  langue  alle- 
mande est  trop  vantée  pour  que  la  fabrication  de  mots  pareils  soit 
excusable. 

Edouard  Favre. 


Mémoires  de  Jacques  Carorguy,  greffier  de  Bar-sor-Seine, 
1582-1395,  publiés  pour  la  première  fois  par  M.  Edmond  Bau- 
WAERT.  —  Paris,  A.  Picard,  1880,  in-8*  de  247  p. 

Voici  de  bons  mémoires  provinciaux,  qui  peuvent  servir  de  complé- 
ment au  journal  de  Claude  Haton,  publié  par  Bourquelot  dans  la  Collec- 
tion des  Documents  inédits  sur  l'Histoire  de  France,  Il  no  faut  pas  cher- 
cher dans  les  mémoires  de  ce  genre  les  grands  événements  et  les  ressorts 


474  GOHPTBS-RBNDUS  CRITIQUES. 

1541  président  du  Parlement  de  Provence.  Ainsi  entre  une  jeunesse 
errante  et  une  vieillesse  comblée  d'honneurs,  se  place  pour  lui  une 
longue  période  d'existence  recueillie,  éprouvée  à  certains  égards^  pour- 
tant laborieuse  et  féconde.  M.  Pignot  a  trouvé  dans  l'ordonnance  môme 
de  sa  vie  la  division  naturelle  de  son  livre,  et  le  récit  des  pérégrina- 
tions de  Ghasseneuz  encadre  Pexamen  de  ses  écrits  de  jurisprudence  et 
de  morale. 

La  partie  bibliographique,  on  n'oserait  dire  littéraire,  de  l'ouvrage  n'ex- 
cite qu'un  intérêt  restreint  ;  car  elle  a  trait  à  de  volumineux  écrits  que 
les  analyses  de  M.  Pignot,  si  limpides  qu'elles  soient,  ne  donneront  pas 
envie  à  d'autres  de  relire.  Les  amateurs  du  droit  coutumier  parcourront 
encore  les  commentaires  sur  la  coutume  de  Bourgogne,  les  dissertations 
sur  la  main-morte,  les  censives  ou  le  retrait  lignager;  mais  qui  songera 
à  rouvrir  ce  Catalogus  dont  les  titres  seuls  indiquent  les  bizarreries,  vrai 
dédale  d'érudition  en  même  temps  que  débauche  d'imagination?  Il 
faudrait  plaindre  M.  Pignot  d'en  avoir  secoué  la  poussière,  si  on  n'avait 
à  le  remercier  d'avoir  dispensé  ainsi  désormais  qui  que  ce  soit  de  faire 
directement  connaissance  avec  cette  étrange  encyclopédie. 

Les  ouvrages  de  Ghasseneuz  ont  du  moins  un  mérite  très  appréciable 
ici,  celui  de  fournir  des  renseignements  assez  nombreux  sur  la  vie  de 
leur  auteur.  Ils  forment  la  source  principale  à  laquelle  M.  Pignot  a 
puisé,  tout  en  ayant  recours  à  d'autres  documents  dispersés  çà  et  là, 
tels  que  les  manuscrits  de  la  bibliothèque  d'Aix.  De  là  dans  cette  bio- 
graphie plus  d'une  partie  accessoire,  ou  en  d'autres  termes  bon  nombre 
d'éclaircissements  qui  concernent  l'histoire  politique,  religieuse  ou  litté- 
raire du  temps.  Chacun  pris  à  part  a  son  intérêt,  mais  quelques-uns 
pourraient  être  qualifiés  de  digressions.  Ainsi,  dès  les  vingt  premières 
pages,  on  relève  successivement  une  description  d'Autun  à  la  fin  du 
xv«  siècle,  des  détails  sur  plusieurs  universités  françaises  ou  étrangères, 
plusieurs  pages  sur  l'étude  du  droit  en  Italie  ;  plus  loin  c'est  un  tableau 
de  la  vie  municipale  et  sociale  à  Autun,  qui  ne  fait  guère  que  résumer 
le  tableau  beaucoup  plus  complet  tracé  par  M.  Abord  (Histoire  de  la  Réforme 
et  de  la  Ligue  à  Autun,  t.  I).  En  revanche,  les  chapitres  consacrés  à  la 
réformation  de  la  justice,  à  l'invasion  de  Charles-Quint  en  Provence  et 
surtout  au  procès  des  Yaudois  ne  paraissent  point  trop  longs  ;  car  ici 
Chasseneuz  se  révèle  comme  homme  public;  dans  de  délicates  circons- 
tances il  déploie  une  haute  intelligence,  un  noble  et  ferme  caractère, 
et  se  place  d'emblée  parmi  ces  magistrats  élevés  au-dessus  des  passions 
de  leur  temps,  créateurs  de  la  glorieuse  tradition  personnifiée  plus  tard 
en  Lhopital,  Guillaume  du  Vair  et  Jeannin.  Qui  sait  si  pour  ce  dernier, 
né  un  an  après  sa  mort,  dans  la  même  ville  que  lui,  il  n'a  pas  été  un 
modèle  ? 

Sans  parler  de  la  conscience  et  de  l'étendue  des  recherches,  il  y  a 
dans  cette  étude  biographique  un  mérite  qui  ne  contribue  sans  doute 
pas  à  l'agrément  du  récit,  mais  qui  le  nourrit  singulièrement  et  lui 
donne  sa  couleur  propre  ;  c'est  le  soin  que  M.  Pignot  a  eu  de  faire  à  sa 


BRUWAERT   :    MlîllOiaES   DE  JACQUES  GIRORGDT.  485 

Aussi  comme  Ton  respira  à  Taise,  quel  soulagement  Ton  éprouva,  lorsque 
la  conversion  de  Henri  IV  eut  amené  une  trêve  en  1593.  c  II  semble 
par  la  volonté  de  Dieu,  dit  Garorguy,  que  nous  entrions  en  son  Para- 
dis et  que  l'enfer  est  refermé.  »  Mais  la  trêve  est  rompue  et,  tandis  que 
les  habitants  des  campagnes  sont  livrés  de  nouveau  à  la  merci  des  pil- 
lards, les  bourgeois  de  Bar-sur-Seine  subissent  de  nouvelles  exactions, 
dont  le  produit  est  employé  à  fortifier  le  château.  Ces  épreuves,  il  est 
vrai,  durèrent  moins  longtemps  que  les  précédentes,  et,  lorsque  au 
mois  de  mai  1594  le  gouverneur  de  Bar-sur-Seine  se  fut  soumis  au  roi, 
la  paix  intérieure  ne  tarda  pas  à  se  rétablir. 

Ce  gouverneur,  le  sire  de  Gramont,  fut  tué  la  même  année,  dans  des 
circonstances  tragiques,  qui  montrent  qu'il  est  un  certain  degré  d'inso* 
lence  et  d'oppression  que  le  peuple  ne  peut  tolérer.  Des  «  vinotiers  • 
ou  vignerons  des  Riceys,  revenant  de  Troyes  où  ils  avaient  vendu  leur 
vin,  rencontrèrent  sur  le  grand  chemin  le  sire  de  Gramont  et  ses  cava- 
liers: comme  ceux-ci  firent  mine  de  vouloir  les  rançonner  et  tuèrent 
deux  d'entre  eux,  les  c  vinotiers,  >  qui  étaient  armés  d'arquebuses,  ripos- 
tèrent, et  l'une  de  leurs  balles  vint  frapper  le  gouverneur  qui  c  tomba 
mort  sur  la  place.  >  Son  escorte  prit  la  fuite,  et  les  gens  des  Riceys 
eurent  t  loysir  de  prendre  Tescharpe,  les  espérons  et  l'espée  dudict  sei- 
gneur Grandmont,  laquelle  escharpe  vault  bien  huict  cens  escus  » 
(page  203).  On  ne  dit  pas  si  les  meurtriers  furent  poursuivis  ;  comme 
ils  avaient  parmi  eux  un  homme  d'armes  de  M.  de  Praslain,  royaliste 
dévoué,  il  est  probable  qu'ils  furent  considérés  comme  ayant  agi  en 
légitime  défense. 

Il  faut  savoir  gré  à  M.  Edmond  Bruwaert  d'avoir  publié  les  curieux 
mémoires  de  Garorguy,  dont  le  manuscrit  lui  a  été  communiqué  par 
la  bibliothèque  de  Troyes,  qui  l'avait  acquis  en  1854.  Il  a  fait  précéder 
son  texte  d'un  avertissement  dans  lequel  il  fait  connaître  la  personne 
de  l'auteur  et  les  quelques  traits  biographiques  qu'il  a  pu  recueillir  sur 
son  compte  ;  quant  au  texte  lui-même,  il  l'a  accompagné  de  notes  qui 
pourraient  être  plus  détaillées  et  plus  précises;  il  serait  facile  de  rele- 
ver quelques  inexactitudes  dans  les  indications  des  distances  des  loca- 
lités; ainsi  Polisot  (p.  81)  n'est  pas  à  9  kilomètres  de  Bar-sur-Seine, 
mais  à  4;  Arrelles  (p.  136)  n'est  pas  à  2  kilomètres,  mais  à  8.  Le 
volume  se  termine  par  une  table  chronologique  des  faits  et  par  une 
table  des  noms  propres. 

A.  B. 


Vie  d'Artas  Prunier  de  Saint-André,  conseiller  du  Roy  en  ses 
Gonseils  d^Estat  et  privé,  premier  président  anx  parlements 
de  Provence  et  de  Dauphiné  (1548-1616),  d'après  un  manus- 
crit inédit  de  Nicolas  Ghorier,  publié  avec  introduction,  notes, 
appendices  et  la  correspondance  inédite  de  Saint-André,  par  Alfred 


486  COMPTES-RENDUS  CRITIQUES. 

Vellot,  avocat.  Paris,  Alphonse  Picard,  4880,  in-8o  deLxv-590p. 
Titre  rouge  et  noir  et  portrait. 

La  vie  d*Artus  de  Prunier  de  Saint-André,  composée  environ  soi- 
xante-dix ans  après  sa  mort  par  Nicolas  Ghorier,  d'après  des  documents 
que  lui  communiqua  en  partie  la  famille  de  Prunier,  apporte  un  nom- 
breux contingent  de  faits  nouveaux  ou  peu  connus  jusqu'à  ce  jour  sur 
l'histoire  si  troublée  du  Dauphiné,  durant  la  seconde  moitié  du  xvi«  siècle 
et  les  premières  années  du  siècle  suivant.  Il  n'est  pas  en  effet  d'événe- 
ments remarquables  qui  se  passèrent  alors  en  Dauphiné,  auxquels  ne 
fut  mêlé  Artus  de  Prunier,  qui  exerça  successivement  les  charges  de 
conseiller  et  de  président  au  parlement  de  Dauphiné,  de  conseiller 
d'Etat,  de  premier  président  aux  parlements  de  Provence  et  de  Dau- 
phiné, et  fut  chargé  de  l'intérim  de  la  lieutenance  générale  au  gouver- 
nement de  cette  dernière  province. 

Cependant  pour  faire  un  sain  usage  du  nouvel  ouvrage  de  Ghorier, 
que  vient  de  publier  pour  la  première  fois  M.  Vellot,  d'après  un  manus- 
crit appartenant  à  M.  le  marquis  de  Virieu,  il  faudra  le  consulter  avec 
discernement,  en  contrôler  au  moyen  d'autres  documents  historiques 
les  faits  et  en  rectifier  les  erreurs,  car,  comme  toutes  les  autres  œuvres 
de  Ghorier  et  notamment  son  Histoire  générale  du  Dauphiné,  la  vie 
d' Artus  de  Prunier  est  dénuée  de  toutes  preuves  et  est  obscurcie  par 
une  multitude  de  déclamations  philosophiques  et  par  une  emphase  vul- 
gaire de  style  que  son  auteur  a  maladroitement  empruntées  aux  histo- 
riens italiens  de  la  renaissance  des  lettres. 

M.  Vellot  a  bien  cherché  dans  les  quelques  notes  dont  il  a  enrichi 
sa  publication  à  jeter  quelques  lumières  sur  un  certain  nombre  de  per- 
sonnes ou  de  faits  relatés  par  Ghorier,  mais  ses  annotations,  qui  du 
reste  ne  concernent  en  général  que  les  hommes  ou  les  événements  les 
plus  connus,  sont  loin  d'avoir  toute  l'exactitude  que  Ton  était  en  droit 
d'espérer.  Quelques  rectifications  aux  notes  de  M.  Vellot  suffiront  à 
faire  apprécier  à  sa  juste  valeur  le  travail  de  cet  auteur. 

Ainsi  à  la  page  5,  note  1,  pour  fixer  la  date  de  la  naissance  d' Artus 
de  Prunier,  que  Ghorier  fait  simplement  naître  à  Grenoble,  en  1548, 
dans  le  môme  mois  que  le  roi  Henri  U  y  passa  en  allant  en  Piémont, 
M.  Vellot  affirme  que  ce  souverain  dut  arriver  à  Grenoble  quelques 
jours  après  son  passage  à  Lyon,  qui  eut  lieu  le  31  juillet,  et  que  par 
conséquent  Artus  de  Prunier  naquit  au  commencement  d'août  1548. 
Or  M.  Vellot  n'aurait  point  dû  ignorer  que  le  récit  des  préparatifs  faits 
par  la  ville  de  Grenoble  pour  recevoir  Henri  II  ainsi  que  la  description 
de  son  entrée  dans  cette  ville,  qui  eut  lieu  seulement  le  lundi  10  sep- 
tembre, ont  été  publiés  dès  1843  par  M.  Pilot  dans  une  brochure  inti- 
tulée :  Mœurs  et  coutumes  anciennes  en  Dauphiné.  —  A  la  page  49, 
note  2,  le  môme  nous  apprend  que  François  de  Bourbon,  fils  de  Louis  de 
Bourbon,  fut  nommé  gouverneur  du  Dauphiné  en  1567,  alors  que  ce 
personnage  ne  fut  nommé  à  cette  charge  que  par  lettres  patentes  du 
20  décembre  1569,  en  remplacement  de  son  père,  qui  lui-même  l'avait 


R.   L.   POOLE  :    HISTOtT  OF  m  HCCCEXOTS.  187 

été  à  U  mort  de  son  frère  aine,  Charles  de  Bourbon,  le  13  octobre  laGd. 

—  Â  la  page  155,  note  ij  d'après  l' Armoriai  du  Daaphiné  de  M.  RiToire 
de  la  Bâtie,  ouvrage  des  plus  médiocres  et  qu'il  aurait  dû  se  dispenser 
de  consulter,  M.  Vellot  avance  qu'Eustache  Poculot  fut  maître  eu  U 
Chambre  des  comptes  de  Grenoble  au  xvn*  f:iècle.  ce  qui  est  inexact. 
Du  reste,  le  catalogue  des  membres  de  la  Chambre  des  comptes  du 
Dauphiné,  placé  en  tête  du  deuxième  volume  de  rii<vestaire 
sommaire  des  archives  de  l'Isère .  que  M.  Vellot  connaît  pariai* 
lemenL»  puis«pi'il  en  fait  dans  le  cours  de  sa  publication  àe 
fréquentes    mentions,   ne  contient   aucun   personnage   de    ce    nom. 

—  A  la  page  16<X  note  t,  toujours  d'après  le  même  Arm^^rial  da 
Dauphiné.  on  lit  que  Claude  Fustier  vint  se  fixer  en  Dauphix;é  où  il 
fui  secrétaire  da  Parîemest  en  li-îî»,  et  que  Frasrois  Fu?li^r,  K/û  fili, 
fut  président  au  même  Par>n[ieat  en  WJh.  A  ce  pro;^^.  aouç  dir^os 
que  Claude  Fusûer  ne  fut  nonime  s«crétaire  qu>a  1^41  et  que  Fraii'/^îs- 
petit-àls  et  noc  èls  de  Cauie.  fut  nommé  preçid^'Ot  '/u  >ur*«  pa«fiii« 
du  23  mai  I55Î.  Son  ;»?Te-  Gabriel,  avait  été  nommé  yr:CT*i'jkiT>  a-  mézie 
parlement  le  15  février  !ST4,  ^-n  r^mpliCrrm*!*:  de  ••'>:*  ;rfre.  fZau^e. 
Tous  ces  reiL5i?içi*m*i.is  M#iî  ézaLem^i^  c^nei^u*  dai.»  ïizAryljr^oa 
da  deuxième  volunie  de  :"Iaveniair*  d**  arcûi^**  de  ilwrre.  —  A  ia 
page  f^S.  axe  i  Hurues-Huaiiiert  drr  Senirriu  q-i  ii'i*i:  iti^t  >*  d^- 
nières  a-^-ra?*  du  in:»  •!«.>.  aurai:  ^Vr.  <â  t;/r*«  M,  \'>i^'A.  .e  jc*Œi«' 
abip?  oi'ZirieEiiàiaire  d*  1  airruvjir  d*r  X^jzj^pt'^  au  di'/sèvr  c*r  !>>  :  or  « 
moaas.'ier&  tcai:  de;»  ç^i  o^zi-'.-sde  uri  fi**!*-  au;iiu*"»aLi-  —  A  *a 
page  !»T.  it:.>  î.  y^f--.  M.  Ve^oî  îaî:  raourj-  G*f;Ar:  Bt--.,  ov-wL^r 
au  Far>z>€Cî  d*  Grei*c/i-r.  *c  !->**.  L'.*r«  ^u  i.  d*?'j6c*  ^l  !<?•.  ;^u  c* 
tezkpf  aj-r»»  kTj^ir  r*îf.^>  >a  '.litrz*  *^i.  îa^*'-''  d*  '•>i:  i-*  «>a*;Ar:- 

Pi'Ur  Tiers. :-i»r.  iivu*  t-v-v-r^i:*  cu^  M-  V*-.^v^  a  :a  v-— >  c^  .  *:;vre 
de  G:ji>rj*r,  i  :.ui'-'r  i:i-i-::  je'jL'*?*  ;i*^.vrt  r- Ar:v»  c*  K--ij*r  a 
adrç«i*ie§  a.  r,-.  *^  tu  ^-tL'^.-er  i*  B»:..,*Tr»r  et  îVv.  a  Î'/C.  \zl,*^i  çv: 
qnîiLZ.^  pj*»K!f  7U-  'j>i('jç-jri:  >  z:*^:!^  ;#trb:czia*:*:  k  j*—  '.-i::  ♦ot  rv»;w?-r- 

IL  P  iFi  Tfiy*iT 


1.  LâJZ  P>:c£.  ▲  mmifrj  ¥f  t^t 

Ô*\ki.VA   kl:  t-r  •:**•' ur,j*» .  •'>^->  «:»•*  ;i'.ii.  "»  t  :  *v*  ^-iv;*  n;»*»»  'ijk- 
u:«L  ;«:*^f  «-"i**:.»^  -.'i,!:  «jf..^  'jt  -t-, ^î.r   J>  .  *?>   c*%   if    i^,    P.  %ri  ••Bv: 


488  COMPTES-RENDOS  CRITIQUES. 

sente  ou  des  appréciations  fautives,  ou  des  lacunes  regrettables.  Sans 
doute  le  groupement  des  faits  n'est  pas  sans  habileté,  des  détails 
curieux  sont  rapportés,  mais  il  est  aisé  de  voir  que  Fauteur  n'a  connu 
les  Réfugiés  que  d'après  les  jugements  des  uns  ou  des  autres.  Pour 
écrire  une  histoire  du  Refuge,  il  est  nécessaire  de  connaître  de  près 
les  hommes,  les  livres  et  les  choses  de  la  fin  du  xvii«  siècle,  car  ce 
n'est  pas  assez  de  donner  des  chiffres  de  statistique,  ou  de  citer  quelques 
événements.  Le  grand  défaut  de  cette  étude  est  d'avoir  laissé  dans 
Tombre  ce  qui  a  été  le  grand  intérêt  de  l'émigration  française  du 
xvii«  siècle,  c'est-à-dire  le  mouvement  des  idées  religieuses  et  politiques. 
Si  M.  R.  P.  avait  étudié  de  près  par  exemple  l'œuvre  comme  la  per- 
sonne de  Jurieu,  s'il  avait  simplement  consulté  les  State  papers ,  le 
dixième  volume  des  Archives  de  la  Bastille^  il  n'eût  certainement  pas 
écrit  que  cet  écrivain  était  c  incapable  de  suivre  avec  calme  et  préci- 
sion un  argument  »  (p.  53.)  Il  n'aurait  pas  réédité  ces  déclamations 
contre  le  a  pamphlétaire  fanatique  >  dont  ses  adversaires  abusaient  avec 
tant  de  violence,  s'il  avait  su  avec  quelle  fermeté  il  lutta  contre  le  des- 
potisme de  Louis  XIV.  Au  moins  aurait-il  dû  avoir  quelque  recon- 
naissance pour  celui  qui  servit  avec  passion  la  fortune  de  Guil- 
laume III  et  défendit  ses  droits  avec  une  éloquence  qui  effraya  Bossuet. 
Mais  M.  R.  P.  semble  avoir  ignoré  cette  grande  controverse,  autrement 
intéressante  que  celle  qui  mit  l'évêque  de  Meaux  aux  prises  avec  Bas- 
nage,  qui  pour  lui  est  le  représentant  autorisé  des  Réfugiés. 

Sans  doute  l'influence  de  Basnage  fut  grande,  mais  elle  ne  peut  être 
comparée  à  celle  de  Jurieu  dont  les  Lettres  pastorales  c  volant,  comme 
il  le  disait,  par  dessus  les  remparts  »  arrêtèrent  les  succès  de  la  mis- 
sion dragonne.  Ecrire  un  livre  sur  les  Réfugiés  et  passer  sous  silence 
les  négociations  qui  amenèrent  la  formation  de  la  ligue  d'Augsbourg, 
ne  citer  Brousson  qu'une  seule  fois  et  en  passant,  c'est  enlever  à  ce 
livre  son  plus  puissant  attrait.  Que  pour  M.  R.  P.  Jurieu  soit  un 
visionnaire  et  un  théologien  irascible,  soit,  mais  encore  aurait-il  fallu 
parler  des  Soupirs  de  la  France  esclave  et  rappeler  son  rôle  au  traité  de 
Ryswick.  Gela  eût  été  préférable  que  de  vouloir  soutenir  que  les  Réformés 
formaient  un  parti  politique  sous  Louis  XIV  (p.  2),  malgré,  dit-il,  les 
dénégations  de  leurs  auteurs.  Que  M.  R.  P.  relise  le  texte  de  l'Edit  de 
révocation  et  il  verra  mieux  son  erreur,  car  s'il  avait  été  possible  de 
trouver  un  prétexte  de  cet  ordre  pour  justifier  l'iniquité  de  cette  mesure, 
assurément  on  n'y  eût  pas  manqué.  Pourquoi  prétendre  que  Golbert, 
seul  dans  le  gouvernement  de  Louis  XIV,  était  opposé  aux  mesures 
de  rigueur  prises  contre  les  réformés  (p.  9)  ?  Mais  alors  comment  expli- 
quer sa  signature  au  bas  de  ces  édits  sans  nombre  qui  tous  frappaient 
les  protestants  dans  leur  fortune,  dans  leur  position,  dans  leur  honneur. 
On  voit  donc  que  M.  R.  P.  est  encore  sous  l'influence  de  traditions 
anciennes  et,  pour  s'en  convaincre,  il  suffît  de  savoir  que  l'un  des  auteurs 
auquel  il  revient  avec  complaisance  est  Anciilon  dont  il  cite  trop  sou- 
vent les  jugements  débonnaires. 


RIBDER   :   JOHANN  III.  489 

Cette  histoire  du  Refuge  est  donc  incomplète  et  nous  en  donnerons 
une  dernière  preuve  en  marquant  que,  dans  son  appréciation  trop  élo- 
gieuse  de  Bayle,  l'auteur  n'a  pas  môme  fait  allusion  à  la  publication  de 
VAvis  aux  Réfugiés  qui  suscita  des  divisions  si  profondes  entre  les  exilés. 
C'est  donc  un  abrégé  qui,  paraissant  vingt-sept  ans  après  l'ouvrage  de 
Weiss,  devait  être  plus  précis  et  plus  riche  dans  ses  informations.  Cepen- 
dant il  a  son  utilité  comme  répertoire  de  faits  intéressant  une  période 
de  notre  histoire. 

Frank  Puaux. 


Georges  Rieder.  Johann  III,  Kœnig  von  Polen,  Sobieski,  in  "Wien. 

Un  vol.  in-8*».  Vienne,  Braumiiller.  4842,  400  p.  in-8^ 

La  ville  de  Vienne  se  prépare  à  célébrer  le  deuxième  anniversaire 
séculaire  de  sa  délivrance  due  à  Théroïsme  de  Jean  Sobieski.  11 
est  tout  naturel  que  des  écrivains  autrichiens  aient  Tidée  d'honorer 
la  mémoire  du  chevaleresque  souverain.  Si  les  bonnes  intentions  suffi» 
saient,  l'ouvrage  de  M.  Rieder  serait  excellent.  Malheureusement  l'au- 
teur n'a  aucune  idée  de  la  méthode  historique  ;  il  ne  connaît  ni  les 
sources,  ni  même  les  ouvrages  de  seconde  main  qui  pourraient  être 
consultés  avec  fruit.  Il  cite  les  auteurs  à  tort  et  à  travers.  Il  est  d*une 
ignorance  tellement  naïve  qu'on  ne  peut  même  pas  discuter  ses  asser- 
tions. Un  seul  exemple  suffira.  P.  65,  M.  R.  parle  de  la  bataille  de 
Saint-Gothard  où  figura  comme  on  sait  un  corps  d'auxiliaires  français 
commandé  par  La  Feuiilade  et  Coligny  (juillet  1664).  Or  savez- vous 
quel  est  pour  lui  ce  Coligny  ?  C'est  l'amiral  qui  fut  plus  tard  tué  du 
haut  d'un  balcon  dans  la  nuit  de  la  Saint-Barthélémy  I  (unter  dem 
Admirai  Coligny,  spxter  in  der  Bartholomsus  Nacht  aus  einem  Fenster  su 
Paris  erschossen  t  !  /).  C'était  un  livre  à  ne  pas  écrire;  et  c'est  un  livre 
à  ne  pas  lire. 

L.  Lbobr. 


CShronlqnes  et  récits  de  la  Rèrolation  dans  la  ci-devant  Basse- 
Auvergne  (département  du  Pay-de-D6me).  —  Les  Bataillons 
de  Volontaires  (4794-4793),  par  FaArfciSQDE-MÈGB.  Un  vol.  in-8« 
de  205  p.  —  Paris,  Glaudin,  4880. 

M.  Francisque-Mège  avait  déjà,  dans  son  remarquable  travail  sur  le 
Puy-de-Dôme  en  1793,  parlé  des  volontaires  de  1792  ;  il  avait  montré, 
contrairement  à  la  tradition,  que  ces  fameux  volontaires  étaient  sou- 
vent partis  malgré  eux.  M.  F. -M.  est  revenu  sur  ce  sujet,  et  il  a  fait 
dans  la  mesure  du  possible,  car  les  documents  lui  ont  parfois  manqué, 
l'histoire  des  bataillons  de  volontaires  du  Puy-de-Dôme.  Cette  histoire 
est  curieuse  à  plus  d'un  titre  ;  elle  a  l'importance  qu'ont  toujours  les 
travaux  de  M.  F.-M.  et  elle  est  très  instructive.  On  y  voit  en  effet  que 


490  COMPTES-RENDUS  CRITIQUES. 

Tenthousiasme  est  de  sa  nature  chose  éphémère,  et  que  le  patriotisme 
véritable,  celui  qui  consiste  à  s'imposer  de  longues  souffrances  pour  la 
patrie,  n'existe  guère  que  dans  ce  qu'on  appelle  les  classes  éclairées.  Il 
ressort  de  cette  nouvelle  étude  si  intéressante  une  leçon  bonne  à  retenir. 
En  cas  de  danger,  on  ne  doit  pas  compter  outre  mesure  sur  la  bonne 
volonté  des  enthousiastes;  il  faut  surtout,  si  Ton  a  sous  la  main  de 
nombreux  volontaires,  ne  pas  commettre  la  faute  que  commirent  nos 
aïeux  ;  il  est  imprudent  de  former  avec  ces  volontaires  des  bataillons  ou 
des  régiments  à  part. 

A.  Gazier. 


Henri  Lisicki.  Le  marquis  'Wlelopolski,  sa  vie  et  son  temps 

(4803-4877),  2  vol.  in-8«  de  vii-346  et  440  p.  Vienne,  4880,  Faesy 
et  Frick,  éditeurs. 

Cet  ouvrage  bien  qu'édité  à  Vienne  est  imprimé  à  Gracovie  à  l'impri- 
merie du  célèbre  journal  le  Czas*.  L'auteur  qui  occupe  un  rang  distin- 
gué parmi  les  publicistes  polonais  est  né  en  1841  dans  le  gouvernement 
de  Lublin  (royaume  de  Pologne).  Il  a  fait  ses  études  dans  les  villes  de 
Lublin  et  de  Kielce.  U  vit  actuellement  en  Galicie  et  compte  parmi  les 
collaborateurs  les  plus  assidus  de  la  Revue  polonaise  de  Gracovie  {Prze^ 
glad  Polski),  Si  j'insiste  sur  ces  détails,  c'est  qu'il  est  nécessaire  d'éta- 
blir dès  le  début  l'identité  de  l'écrivain  *.  Nous  avons  affaire  à  un  Polo- 
nais pur  sang,  grandi  au  milieu  même  des  événements  qu'il  entreprend 
de  raconter,  instruit  par  les  rudes  leçons  de  l'expérience,  exempt  des 
préjugés  généreux  mais  funestes  qui  se  développent  dans  le  sein  des 
émigrations.  Les  faits  dont  M.  Lisicki  s'est  fait  l'historien  ont  eu  jadis 
chez  nous  un  immense  retentissement  ;  ils  ont  passionné  l'opinion  des 
partis  les  plus  opposés,  des  ultramon tains,  des  césariens  et  des  radi- 
caux. Ils  ont  exercé  sur  la  génération,  qui  entrait  vers  1860  dans  la  vie 
politique,  un  attrait  et  une  influence  presque  irrésistible.  Depuis,  beau- 
coup d'entre  nous  les  ont  oubliés;  quelques-uns  regrettent  les  entraîne- 
ments de  leur  jeunesse  ;  le  spectacle  de  nos  propres  épreuves  nous  a 
rendus  plus  indifférents  à  celles  d'autrui;  d'ailleurs  l'esprit  critique  et 
la  méthode  d'observation  ont  fait  des  progrès  chez  nous.  Autrefois  nous 
n'avions  d'oreilles  que  pour  les  Polonais;  aujourd'hui  nous  essayons  de 
comprendre  la  Russie.  Le  livre  de  M.  Lisicki  arrive  à  point  pour  ceux 
qui  aimeraient  à  contrôler  leurs  impressions  d'autrefois;  il  sera  bien 


1.  Le  Temps. 

2.  J'emprunte  ces  détails  à  l'intéressante  histoire  de  la  littérature  polonaise 
de  MM.  Zdanowicz  et  Sowinski  (en  polonais,  Vilna,  1874-1878).  Elle  signale  parmi 
les  principaux  ouvrages  de  M.  Lisicki  des  Notes  de  voyage  sur  Paris  et  Londres 
c  pleines  d'observations  profondes,  i  des  nouvelles  et  des  articles  de  politique 
contemporaine. 


LISICEI    :    LE  MARQUIS  WIELOPOLSKI.  494 

vena  de  ceux  qui  veulent  s'éclairer  sur  des  événements  dont  ils  n*ont 
pas  été  les  témoins  et  qui  viennent  à  peine  d'entrer  dans  l'histoire. 

Au  premier  abord  ce  livre  surprend.  On  s'étonne  qu'un  Polonais  ait 
eu  assez  de  sang-froid  et  d'esprit  critique  pour  l'écrire.  Nous  voilà  bien 
loin  des  efifusîons  mystiques,  des  élans  lyriques  auxquels  les  contempo- 
rains et  les  disciples  des  Mickiewicz  nous  avaient  accoutumés.  Il  ne 
s'agit  plus  ici  de  la  Pologne  a  Christ  des  nations  >  ou  c  Kopernik  du 
monde  moraH  i  dont  on  nous  entretenait  jadis.  M.  Lisicki  débarrasse 
le  terrain  de  tout  ce  lyrisme  étranger  à  la  politique  et  se  prend  corps  à 
corps  avec  la  réalité.  On  ne  saurait  trop  le  remercier  d'avoir  écrit  son 
livre  en  français.  Il  réclame  dans  sa  préface  notre  indulgence  pour  les 
c  hésitations  et  les  incorrections  de  son  style,  excusables  peut-être  chez 
un  étranger.  »  Il  n'a  nul  besoin  de  notre  indulgence;  son  œuvre  est 
écrite  d'un  style  franc,  ferme  et  nerveux,  et  beaucoup  d'entre  nous  s'ho- 
noreraient de  manier  aussi  bien  la  plume.  M.  Lisicki  justifie  complète- 
ment le  vers  célèbre  : 

Ce  que  l'on  conçoit  bien  s'énonce  clairement. 

La  netteté  du  style  répond  chez  lui  à  la  netteté  absolue  des  idées. 
M.  Lisicki  a  évidemment  eu  communication  de  tous  les  papiers  du 
marquis  Wielopolski;  il  ne  s'est  pas  contenté  de  raconter  sa  vie;  il  Ta 
encadrée  dans  une  histoire  politique  du  royaume  de  Pologne  depuis  les 
traités  de  1815  ;  les  hors-d'œuvre  tiennent  dans  ces  volumes  plus  de  place 
que  le  sujet  même;  mais  il  serait  à  regretter  qu'il  n'en  fût  pas  ainsi.  Le 
marquis  Wielopolski  avait  pris  en  quelque  sorte  pour  règle  de  sa  poli- 
tique le  mot  souvent  cité  de  l'empereur  Alexandre  II  aux  gentilshommes 
polonais  :  c  Messieurs,  point  de  rêveries  ;  »  il  voulait  que  le  royaume  de 
Pologne  cessât  de  se  laisser  conduire  par  les  combinaisons  illusoires  de 
l'émigration,  par  les  rêveries  mystiques  des  poètes,  qu'il  se  plaçât  résolu- 
ment sur  le  terrain  de  la  réalité.  M.  Lisicki  est  à  la  fois  l'historien  de 
cette  politique  et  son  apologiste.  Il  est  d'une  sévérité  impitoyable  pour 
l'esprit  révolutionnaire  en  quelque  pays  et  sous  quelque  forme  qu'il  se 
manifeste.  Les  révolutions  de  Pologne  ont  assez  mal  réussi  pour  justi- 
fier cette  sévérité.  Notre  auteur,  partisan  convaincu  —  je  dirai  même 
rehgieux  —  du  principe  d'autorité,  applique  la  même  règle  à  tous  les 
temps  et  à  tous  les  États.  La  soumission  aux  pouvoirs  établis  prêchée 
par  saint  Paul  est  pour  lui  un  dogme  politique.  Pour  lui  d'ailleurs 
toutes  les  autorités,  celles  de  la  famille,  celles  de  l'église,  celles  du  pou- 
voir sont  également  solidaires.  Tous  les  révolutionnaires,  quels  qu'ils 
soient,  sont  enveloppés  dans  une  même  proscription.  L'historien  Lelewel 
est  «  une  véritable  incarnation  du  génie  du  mal.  >  En  revanche  le 
prince  Windischgrœtz,  celui  qui  bombarda  Prague,  est  c  une  des  plus 
belles  figures  historiques  de  notre  temps;  il  se  distinguait  par  la  fer- 

1.  Expression  des  poètes  Krasinski  et  Brodzinski  dont  les  œuvres  sont  très 
populaires  en  Pologne  et  dans  l'émigration. 


492  COHPTBS-RBNDUS  CRITIQUES. 

meté  de  ses  convictions,  Télévation  de  ses  vues,  la  parfaite  connais- 
sance de  rétat  et  des  besoins  de  la  société  à  notre  époque.  •  Sur  ce 
point  et  sur  bien  d'autres  nous  faisons  nos  réserves  et  plus  d'un  lecteur 
les  fera  sans  doute  avec  nous. 

En  revanche  tout  le  monde  sera  d'accord  à  reconnaître  la  netteté  du 
récit  et  le  talent  de  l'historien.  Le  portrait  de  Wielopolski  tel  qu'il  res- 
sort de  cette  remarquable  étude  n'est  pas  sans  analogie  avec  celui  de 
François  Deak.  Mais  Deak  avait  afifaire  à  une  nation  à  la  fois  chevale- 
resque et  légiste  ;  il  trouvait  chez  la  plupart  de  ses  compatriotes  un 
point  d'appui  qui  manqua  à  Wielopolski.  U  fut  d'ailleurs,  qu'on  ne 
l'oublie  pas,  secondé  par  les  circonstances.  C'est  au  lendemain  du 
désastre  de  Sadowa  que  l'empereur  François-Joseph  consentit  à  faire 
à  la  Hongrie  les  importantes  concessions  que  l'on  sait.  Il  céda  parce 
qu'il  se  souvenait  de  l'insurrection  de  1849  et  qu'il  ne  voulait  pas  la 
voir  se  renouveler.  Deak  recueillit  au  fond  l'héritage  de  Kossuth.  Je 
regrette  que  M.  L.  n'ait  pas  songé  à  un  parallèle  qui  semblait  s'imposer 
de  lui-môme.  Quoi  qu'il  en  soit,  son  livre  est  une  des  œuvres  histo- 
riques les  plus  fortes  qui  aient  paru  de  notre  temps.  L'auteur  a  eu 
l'excellente  idée  de  reproduire  en  appendice  un  curieux  document  :  la 
lettre  du  marquis  Wielopolski  au  prince  de  Metternich  sur  les  mas- 
sacres de  Galicie,  en  1846.  H  y  a  joint  un  autographe  du  marquis  et  un 
autre  de  M.  de  Bismarck  qui  n'est  pas  sans  intérêt  ^ 

Louis  Lboer. 


1.  Parmi  les  corrections  de  détail  je  signalerai  celles-ci.  Tome  I,  p.  72.  Plu- 
sieurs milliers  de  Ueuss  séparaient  la  France  de  la  Vistule.  M.  L.  ne  se  rend 
pas  compte  de  la  valeur  de  la  iieue  française.  De  Paris  à  Varsovie  il  y  a  envi- 
ron 1 ,600  kilomètres,  soit  400  lieues.  —  Ib.,  p.  377,  M"  Cornu  n'était  pas  la 
nourrice f  mais  la  sœur  de  lait  de  Napoléon  III. 


RBCCBILS  PERIODIQUES.  493 


RECUEILS  PÉRIODIQUES  ET  SOCIÉTÉS  SAVANTES. 


1.  —  Revue  des  Questions  hlstorlqaes.  i7«  année,  1883,  i«'  avril. 

—  Abbé  Martin.  Le  Aià  Teaaapcov  de  Tatien  (cet  écrit,  composé  en 
Mésopotamie  entre  160  et  170,  est  un  essai  de  concordance  entre  les 
quatre  évangiles  canoniques;  on  nen  connaît  que  des  fragments  en 
arménien,  qui  ont  été  traduits  en  latin  en  1876,  et  une  version  arabe 
qui  existe  à  la  bibl.  du  Vatican,  et  qui  doit  être  publiée  au  tome  FV 
des  Analecta  sacra^  par  le  P.  A.  Ciascft;  le  texte  complet  de  Tatien 
apporterait  un  élément  précieux  à  Tétude  critique  des  Évangiles;  il 
contribuerait  à  en  établir  a  l'authenticité  et  la  canonicité  »).  —  D'  A. 
Battandier.  Sainte  Hildegonde,  sa  vie  et  ses  œuvres  (d'après  l'édition 
donnée  par  le  cardinal  Pitra).  —  Le  R.  P.  Pierlino.  Grégoire  XUI  et 
Ivan  le  Terrible;  préliminaires  de  la  paix  de  Kivérova  Gora,  1582 
(article important  et  curieux  à  la  fois;  c'est  l'histoire  de  Tambassade  du 
jésuite  Possevino  s'etforçant,  à  la  demande  du  tsar,  de  ménager  un 
traité,  ou  du  moins  une  trêve,  entre  Etienne  Bathory,  roi  de  Pologne, 
et  Ivan  le  Terrible.  L'auteur  a  pu  mettre  à  profit,  outre  de  nombreuses 
sources  russes  et  polonaises,  les  registres  du  Vatican).  —  V.  Pierre. 
La  déportation  à  l'île  de  Ré  et  à  l'île  d'Oléron  après  Fructidor  (le  résul- 
tat pour  les  deux  déportations  :  1«  à  la  Guyane,  2®  à  Ré  et  à  Oléron, 
est  celui-ci  :  à  la  Guyane,  jusqu'en  août  1798,  398  personnes;  à  Ré  et 
à  Oléron,  jusqu'à  la  fin  de  nov.  1799,  d'une  part  1,064,  de  l'autre  251  ; 
ce  sont  en  tout  1,643  individus  qui  ont  été  déportés  dans  ces  trois 
endroits  après  le  18  fructidor.  On  sait,  par  les  études  de  M.  Destrem 
dans  la  Rev.  hist.,  l'histoire  des  déportations  après  le  18  brumaire. 
Bonaparte,  en  ce  point  comme  en  plusieurs  autres,  ne  fit  que  continuer 
la  Révolution).  —  Abbé  Allain.  Les  derniers  travaux  sur  l'histoire  de 
l'instruction  primaire  ;  l'état  actuel  de  la  question  (étude  bien  conduite  ; 
bibliographie  très  complète  relative  à  la  question.  On  ne  pourra  désor- 
mais négliger  cette  étude  dans  tout  travail  sur  l'enseignement  primaire 
avant  1789).  —  Abbé  Ranck.  Une  nouvelle  correspondance  de  Fénelon  : 
Marie-Christine  de  Salm,  chanoinesse  de  Remiremont;  2«art.  (ces  lettres 
intéressantes  ont  fourni  à  l'auteur  le  sujet  d'une  lecture  au  dernier 
congrès  des  sociétés  savantes;  nous  en  parlons  plus  loin).  —  Baque- 
NAULT  DE  PucuEssE.  Les  dix  dernières  années  de  Tadministration  de 
Mazarin  (surtout  d'après  le  livre  de  M.  Chéruel).  —  M.  de  La  Roche- 
TERiE.  Frédéric  II  et  Mario-Thérèse  (d'après  le  livre  de  M.  de  Broglie). 

—  Baudrillart.  Trois  amis  des  paysans  au  xviii^  s.  :  le  noble,  le 
prêtre,  le  savant  (le  duc  de  La  Rochefoucauld-Liancourt,  l'abbé  Lefèvre 
et  Lavoisier,  d'après  les  Procès-verbatix  du  Comité  d'administration  de 

Rev.  Histor.  XXII.  l»'  pasc.  13 


494  RECUEILS  PERIODIQUES. 

l'Agriculture  publiés  par  M.  Pigeonneau  et  M.  Foville).  —  Gandy.  Les 
Mémoires  de  Metternich.  —  Polémique  :  les  légendes  de  Saint-Maixent 
et  la  victoire  de  Glovis  en  Poitou,  réponse  à  D.  Ghamard,  par  A.  Richard  ; 
réplique  de  Dom  Ghamard  (contrairement  à  l'opinion  de  D.  Ghamard, 
que  nous  avons  résumée  dans  notre  dernier  numéro,  XXI,  440,  M.  R. 
croit  que  la  défaite  d' Alaric  a  réellement  eu  lieu  à  Vouillé  ;  que  Gré- 
goire de  Tours  n'a  pas  emprunté  le  nom  du  campus  Yogladensis  à  l'au- 
teur de  la  Vie  de  saint  Maixent  et  que  nous  ne  possédons  pas  la  légende 
primitive  de  ce  saint).  =  Bulletin  bibliographique.  Coen.  Di  una  leg- 
genda  relativa  alla  nascità  e  alla  gioventù  di  Gonstantino  Magno  (traité 
avec  beaucoup  de  science  et  de  sagacité).  —  Jacquot,  Défense  des  Tem- 
pliers contre  la  routine  des  historiens  et  les  préjugés  du  vulgaire  (par- 
tial, mal  informé  et  mal  écrit).  —  Ghronique  d'Etienne  de  Gruseau, 
1588-1616  (texte  important,  tables  copieuses,  mais  aucune  note).  — 
Céleste.  Voyage  du  duc  de  Richelieu,  de  Bordeaux  à  Rayonne,  1759 
(relation  adressée  à  la  duch»»"  d'Aiguillon  par  un  des  officiers  de  l'escorte 
du  duc,  G.  de  Rulhière,  le  futur  membre  de  l'Académie  française).—  La 
Grande.  Ghartreuse ,  par  un  chartreux  (bon).  — Foulques  de  Villaret. 
Recherches  histor.  sur  l'ancien  chap.  de  l'église  d'Orléans  (excellent).  — 
Abbé  P.  Grégoire,  État  du  diocèse  de  Nantes  en  1790  (beaucoup  de  don- 
nées statistiques  sur  Tévôché,  le  chapitre,  l'Université,  les  deux  sémi- 
naires et  le  collège  de  Nantes,  les  établissements  religieux  du  diocèse). 
—  Gautier.  Études  sur  la  liste  civile  en  France  (détails  utiles).  —  Picot 
et  Bengesco.  Alexandre  le  Bon,  prince  de  Moldavie,  1401-1433  (savante 
biographie). 

2.  —  Bibliothèque  de  l'École  des  chartes.  1882,  6*  livraison.  — 
N.  Valois.  Le  conseil  du  roi  et  le  grand  Gonseil  pendant  la  première 
année  du  règne  de  Gharles  VUE;  l*""  art.  (utilise  une  copie  des  procès- 
verbaux  des  États  de  Tours,  du  4  mars  au  16  juillet  1484,  copie  conser- 
vée dans  un  des  vol.  de  la  coll.  Baluze,  et  qui  aide  à  combler  une  lacune 
des  Procès-verbaux  du  Conseil  de  régence  de  Charles  VII,  publiés  dans  les 
Doc.  inéd.;  étudie  l'organisation  qu'Anne  de  Beaujeu,  sous  la  pression 
des  États,  donna  au  a  Gonseil  Étroit  >  ;  note  en  passant  l'existence  de 
a  secrétaires  de  la  guerre  »  sous  Louis  XI).  —  Em.  Molinier.  Liven- 
taire  du  trésor  du  saint-siège  sous  Boniface  YIU  ;  suite.  —  L.  de  Mas 
Latrie.  Le  fief  de  la  Ghamberlaine  et  les  chambellans  de  Jérusalem 
(donne  la  liste  des  chambellans  depuis  Stabelon  en  1099  jusqu'à  Nicolas 
de  Glirissia  en  1372).  —  S.  Luge.  Gours  d'étude  critique  des  Sources 
de  l'histoire  de  France  professé  à  l'École  des  chartes  ;  leçon  d'ouverture 
(trace  le  programme  de  ce  cours  nouvellement  créé  à  l'École  des  chartes). 
=  Bibliographie.  Kandako/f.  Voyage  au  Sinai  en  l'an  1881  ;  les  anti- 
quités du  monastère  (résume  les  précieux  renseignements  fournis  par 
ce  livre  sur  la  bibliothèque  du  Sinaï). — Rocchi.  Godices  Gryptenses  scu 
abbatiae  Gryptae  Ferratae  in  Tusculo,  1»*  livr.  (commence  le  catalogue 
des  mss.  de  Grottaferrata,  au  nombre  de  500  environ;  cette  première 
livraison  en  contient  47,  tous  textes  de  l'Ancien  et  du  Nouveau  Testa- 


RBCUBILS  PERIODIQUES.  495 

ment  et  livres  d'office  grecs,  importants  pour  la  paléographie).  — 
Palustre,  La  Renaissance  en  France,  7«  et  8«  livr.  :  lie-de-France  (la 
7«  livr.  est  consacrée  aux  tombeaux  de  Sainte-Denis,  la  8*  aux  églises 
de  Paris;  publication  très  remarquable,  malgré  la  part  laissée  à  l'hy- 
pothèse). 

3.  —  Revue  critique.  1883,  n*  8.  —  Schûrer.  Die  Glemeinde- 
verfassung  der  Juden  in  Rom  in  der  Kaiserzeit  (curieux  travail  fait  à 
l'aide  d'inscr.  trouvées  dans  quatre  cimetières  juifs  qu'on  a  fouillés  à 
Rome).  -»  N*  9.  Pastenacci.  Die  Schlacht  bei  Enzheim,  4  oct  1674 
(bon).  =  N°  10.  Waitz.  Annales  maximi  Golonienses,  cum  continuatio- 
nibus  (très  bon  texte).  —  Ghassin.  Les  cahiers  des  curés  (incomplet, 
mais  contient  d'intéressants  détails).  —>  N*  11.  Ledrain.  Histoire  d'Israël, 
t.  II  (compilation  sans  critique).  —  Bernecker.  Beitnege  zur  Chronologie 
der  Regierung  Ludwigs  IV  des  heiligen,  Landgrafen  von  Thûringen 
(bonne  monographie).  ^  N<'  12.  Casati,  Fortis  Etruria;  origines  étrus- 
ques du  droit  romain  (curiosité  d'esprit  ingénieuse,  mais  grande  inex- 
périence dans  le  maniement  des  sources). —  Winkelmann.  Acta  imperii 
inedita  saecuii  xni  (publie  près  de  900  pages  de  documents  inédits  très 
importants  pour  l'histoire  de  la  Sicile  de  1198  à  1273).  —  Variétés. 
Gazirr.  Lettres  des  Ursulines  du  CSanada  à  l'abbesse  de  Port-Royal, 
1642-43  (montrent  qu'en  1642  Port -Royal  envoyait  de  l'argent  au 
Canada  et  secondait  l'effort  des  Jésuites  dans  cette  colonie).  ==  N"  13. 
Fr.  Arnold.  Untersuchuàgen  iiber  Theophanes  von  Mytilene  und  Posi- 
donius  von  Apamea  (étudie  les  sources  du  livre  qu'Appien  a  consacré 
aux  guerres  de  Rome  contre  Mithridate;  étude  bien  conduite,  mais 
conclusions  peu  sûres).  —  Lindner,  Geschichte  des  Reiches  unter 
Kœnig  Wenzel.  Bd.  II  (consciencieux;  jugement  modéré  et  équitable 
sur  Venceslas). 

4.  —  Bolletin  critique.  1883.  l""  mars.  —  Brocher  de  la  Fléchère, 
Les  révolutions  du  droit  (livre  d'une  valeur  incontestable).  —  Vanden^ 
peerebooin.  Corn.  Jansénius,  septième  évoque  d'Ypres;  sa  mort,  son 
testament,  ses  épitaphes  (important;  dissipe  les  légendes  qui  entourent 
la  mort  de  Jansénius;  il  n'a  pas,  avant  de  mourir,  soumis  son  livre  au 
jugement  du  saint-siège  :  rien  ne  prouve  qu'il  ait  jamais  eu  aucune 
crainte  au  sujet  de  ses  écrits,  que,  c  si  Jansénius  eût  vécu,  il  eût  été 
janséniste  »).  ^  15  mars.  Fillion.  Atlas  archéologique  de  la  Bible  (ren- 
ferme 960  figures  empruntées  aux  grands  ouvrages  de  Champollion, 
Lenormant,  Layard,  etc.,  et  qui  forment  un  excellent  commentaire 
archéologique  de  la  Bible).  —  Caron.  Monnaies  féodales  françaises  (ce 
l*""  fasc.  contient  près  do  200  pièces,  dont  un  bon  nombre  d'inédites; 
important).  =  l*»"  avril.  Crotset.  Essai  sur  la  vie  et  les  œuvres  de  Lucien 
(très  bon  livre).  —  Kurth.  Les  origines  de  la  ville  do  Liège  (étude 
pleine  d'humour  et  d'érudition).  — Sebille,  Saint-Sernin-du-Bois  et  son 
dernier  prieur  (ce  prieur  est  le  petit-neveu  de  Fénelon,  grand  homme 
de  bien  et  maître  de  forges).  —  Bord,  La  prise  de  la  Bastille  et  ses 
conséquences  (déclamatoire;  n'apprend  rien  de  nouveau). 


496  RECUEILS  PIÎRIODIQOES. 

6.  —  Jonmai  des  Savants.  1883,  févr.  —  H.  Wallon.  Frédéric  II 
et  Marie-Thérèse  ;  suite  en  mars.  —  Lévéque.  Raphaël,  sa  vie,  son 
œuvre  et  son  temps.  —  Frank.  Marsile  de  Padoue  (sur  l'ouvrage  de 
M.  B.  LAblanca).  —  Boissier.  Les  actes  des  Martyrs  (sur  l'ouvrage  de 
M.  Le  Blant).  —  R.  Dareste.  Les  papyrus  gréco-égyptiens  (esquisse, 
d'après  des  textes  aujourd'hui  assez  nombreux,  les  principaux  traits  de 
la  législation  égyptienne  ;  c'est  un  nouveau  chapitre  de  l'histoire  du 
droit). 

6.  —  Bulletin  de  correspondance  hellénique.  7«  année,  n*  t. 
janv.  1883. —  Hauvette-Besnadlt.  Inscr.  de  Délos  (décrets  des  Nrjaiôrat; 
un  d'eux  confère  des  éloges  et  une  couronne  à  Sostratos,  fils  de  Dexi- 
phanès  de  Gnide,  l'architecte  qui  construisit  la  tour  de  Pharos  au  port 
d'Alexandrie.  2*  Décret  en  l'honneur  d'un  descendant  d'Alexandre. 
3*  Dédicace  faite  par  les  KoiLizexakiaaral,  datée  par  les  fonctions  de 
Medeios,  du  Pirèe,  comme  épimélète  de  Délos,  en  97-96).  —  Ramsay. 
Inscr.  de  la  Galatie  et  du  Pont  (publie  23  inscr.,  grecques  pour  la  plu- 
part). —  Mylonas.  Deux  tablettes  judiciaires  inédites.  —  Reinagu. 
Inscr.  de  Méthymna,  auj.  Molyvo  (décret  des  prytanes  en  l'honneur 
d'Anaxion,  pour  le  remercier  d'avoir  veillé  à  ce  que  les  sacrifices  aux 
dieux  de  la  tribu  fussent  bien  accomplis.  Fin  du  m*  s.)  —  Mangeaux. 
Inscr.  de  Thessalie;  le  calendrier  thessalien  d'après  une  inscr.  inédite 
de  Métropolis  de  Thessaliotide.  —  Dubois.  Lettre  de  l'empereur  Auguste 
aux  Gnidiens  (texte  très  amélioré  et  traduction).  -^  Fougart.  Inscr.  du 
Pirée  de  la  collection  Alex.  Mélotopoulos  :  offrande  aux  Motpai;  décret 
des  Orgéons;  dédicace  de  McXXéçriSoi. 

7.  —  Revue  de  THistoire  des  Religions.  T.  VI,  n*  6.  3*  année. 
—  Beauvois.  La  magie  chez  les  Finnois  ;  fin.  —  Hild.  La  légende 
d'Énée  avant  Virgile;  fin. 

8.  —  Remania.  1882,  oct.  —  G.  Paris.  Le  Carmen  de  prodicione 
Guenonis  et  la  légende  de  Roncevaux  (nouvelle  édition  de  ce  poème 
latin,  déjà  publié  en  1837  par  Pr.  Michel.  Étudie  les  rapports  de  cette 
légende  avec  celle  qui  fait  le  fond  de  la  chanson  de  Roland).  —  G.  Ray- 
NAUD.  Le  miracle  de  Sardenai  (ce  miracle  a  un  fondement  historique;  il 
se  rattache  à  l'histoire  de  l'abbaye  de  N.-D.  de  Sardenai  fondée  par 
Justinien,  près  de  Damas  ;  cette  abbaye,  dirigée  par  une  abbesse,  com- 
prenait douze  nonnes  et  huit  moines  ;  elle  était  l'objet  de  nombreux 
pèlerinages  non  seulement  de  la  part  des  chrétiens,  mais  aussi  des 
musulmans,  attirés  par  la  réputation  miraculeuse  d'une  image  de  la 
Vierge  qui  guérissait  toutes  les  maladies). 

9.  —  Nouvelle  Revue  historique  de  droit  français  et  étranger. 

1883.  N®  1.  —  R.  DE  Maulde.  Chartes  municipales  d'Orléans  etdeMou- 
targis  (publie  la  charte  municipale  d'Orléans,  du  2  mars  1385  n.  st.; 
une  délibération  municipale  d'Orléans  t  touchant  les  gaiges  du  capi- 
taine »  de  la  ville,  xiv'  s.;  un  arrêt  du  Grand  Conseil  sur  la  création  de 
la  mairie  d'Orléans,  8  oct.  1504;  enfin  la  charte  municipale  de  Montar- 


RECUEILS  PERIODIQUES.  ^\)7 

gis,  8  mars  1484  n.  st.  Ces  textes  sont  précédés  d'un  résumé  de  l'histoire 
municipale  de  ces  deux  villes,  types  intéressants  des  communautés  du 
centre  de  la  France  soumises  directement  à  Tautorité  royale).  — 
Laboitlaye.  Les  axiomes  du  droit  français  du  sieur  Catherinot.  sieur 
de  Ghamproy,  jurisconsulte  et  antiquaire  du  xvii*  s.,  1083  (suivi  d'une 
bibliographie  raisonnée  des  écrits  de  Catherinot  par  J.  Flach).  — 
EsMBiN.  Études  sur  les  contrats  dans  le  très  ancien  droit  français  ;  suite  : 
la  plègerie  et  la  gageric. 

10.  —  La  Révolution  française.  1883,  14  février.  ^  IL  Moulin. 
I^  marine  républicaine  :  le  vaisseau  «  les  Droits  de  l'homme  >  et  le 
chef  de  division  Lacrossc  (combat  du  24  niv.  an  V  contre  doux  frégates 
anglaises  commandées  par  sir  Ed.  Polew,  plus  tard  lord  Exmouth).  — 
I>  Robinet.  Danton  d'après  les  documents;  3'  art.  (répons(»  aux 
imputations  do  vénalité  :  des  bénéfices  que  Danton  retira  de  sa 
charge  d'avocat  aux  Conseils  du  roi;  4'  art.  14  mars).  — Colfavru. 
Do  l'organisation  et  du  fonctionnement  de  la  souveraineté  nationale 
sous  la  Constitution  de  1701  ;  G»  art.  ?•  art.  le  14  mars.  —  Bouvière. 
Meyère  do  Loudun,  juge  au  tribunal  révolutionnaire  de  Paris;  suite  le 
14  mars.  —  G.  Lecocq.  Le  papier-monnaie  des  communes  de  France 
pendant  la  Révolution;  suite  le  14  mars.  —  Charavay.  Claude  le  Coz 
(lettre  à  Grégoire,  14  sept.  1796,  évéque  constitutionnel  d'Illo-et- Vilaine; 
il  ne  s'y  montre  pas  fort  Lion  disposé  envers  la  République). —  Rouvier. 
Le  siège  de  Mayence  en  1793  ;  fin  (admet  que  Mayence  pouvait  encore 
résister,  et  qu'au  moment  de  la  capitulation  elle  allait  être  secourue  et 
sans  doute  débloquée  par  l'armée  du  Rhin).  =  14  mars.  Folliet.  Les 
Savoisiens  dans  les  Assemblées  législatives  de  la  Révolution,  1792-1800. 
—  Ch.  OsTYN.  Le  procès  de  Marie-Antoinette;  suite. 

11.  —  Revue  des  Deux-Mondes.  1883, 15  févr.  —  Henri  Houssayb. 
L'ostracisme  à  Athènes.  =  l*»"  mars.  H.  Taine.  Le  programme  jacobin 
(morceau  vigoureusement  écrit,  mais  qui  n'est  pas  sans  exagération  ; 
les  Jacobins  n'ont  pas  toujours  voulu  ni  accompli  tous  les  actes,  les 
réformes,  dont  on  leur  fait  honneur.  Malgré  la  grande  part  de  vérité 
contenue  dans  l'exposition  de  M.  T.,  l'excès  do  déduction  logique  met 
le  lecteur  en  défiance.  N'y  a-t-il  pas  là  une  espèce  de  jacobinisme  his- 
torique ?  Ce  remarquable  morceau  d'histoire  philosophique  avait  été  lu 
au  cercle  Saint-Simon).  —  Fr.  Lenormant.  A  travers  l'Afrique  et 
r.\pulie;  notes  de  voyage,  l""  article  :  la  Capitanate,  Termoli,  Foggia, 
8i[)onto,  Manfredonia,  Lucora;  suite  le  15  mars  :  l'intérieur  de  la  Rouille; 
Molfi  et  Venosa.  —  Michel  Rr^al.  La  jeunesse  d'un  enthousiaste  : 
Charlos-Bonoit  Hase  (son  voyage  en  France  et  son  arrivée  à  Paris, 
d'après  sa  correspondance  en  1801  et  1802;  étude  tn»s  piquante,  qui,  elle 
aussi,  a  fait  d'abord  le  sujet  d'une  conférence  au  cercle  Saint-Simon), 

12.  —  La  Nouvelle  Revue.  1883,  15  févr.  —  IL  IU:ynald.  Corres- 
pondance do  Louis  XIV  :  instructions  données  au  comte  deTallard  en 
1698  (Tallard  était  envoyé  en  Angleterre  pour  proposer  à  Guillaume  III 


498  aSGUBILS  PétIODIQUBS. 

le  partage  de  la  succession  espagnole  ;  sans  apprendre  rien  de  nouveau, 
les  deux  pièces  publiées  ici  résument  d'une  façon  remarquable  la  poli- 
tique française  à  cette  époque  critique  de  notre  histoire),  a  l***  mars. 
Ferd.  de  Lbsseps.  Jugements  sur  la  révolution  de  1848  par  un  grand 
écrivain  espagnol  (don  Jaime  Balmès,  le  c  De  Maistre  espagnol  >; 
extraits  de  son  dernier  ouvrage,  que  sa  mort  prématurée  laisse  ina- 
chevé. Pas  de  faits  nouveaux  et  peu  d'idées  nouvelles). 

13.  —  Revue  politique  et  littéraire.  24  févr.  1883.  —  J.  Reinagh. 
Le  Ministère  du  14  novembre  1881  (suite  les  3  et  17  mars.  Ce  remar- 
quable exposé  de  la  politique  suivie  par  M.  Gambetta  depuis  1877,  fait 
par  un  homme  qui  a  été  placé  de  manière  à  la  suivre  jour  après  jour 
et  à  en  connaître  les  vrais  mobiles,  contribuera  beaucoup  à  faire  tomber 
les  accusations  portées  contre  lui  à  Toccasion  de  son  rôle  avant  et  pen- 
dant son  ministère.  M.  H.  montre  que  ce  qui  a  pu  paraître  incorrect 
dans  sa  conduite  lui  a  toujours  été  inspiré  soit  par  les  circonstances, 
soit  par  les  hommes  politiques  qui  Tentouraient.  Il  fait  remonter  la 
principale  responsabilité  à  M.  Grévy,  qui  n'a  pas  appelé  M.  Gambetta 
à  former  un  ministère  au  lendemain  de  sa  nomination  comme  prési- 
dent de  la  République).  —  Livet.  Marie  Mancini  (critique  vivement 
M.  Ghantelauze  qui  a  été  très  injuste  pour  Mazarin,  qui  a  cru  à  tort  à 
Tauthenticité  des  Mémoires  de  Marie  Mancini  et  a  méconnu  le  vrai 
caractère  de  l'Apologie  ;  rétablit  d'une  manière  fort  intéressante  divers 
points  et  diverses  dates  de  la  biographie  de  la  malheureuse  connétable, 
et  donne  le  texte  exact  de  son  épitaphe).  =:  24  mars.  L.  Havet.  L'écri- 
ture chez  les  Romains  (tandis  que  chez  les  Grecs  la  littérature  a  pré- 
cédé l'écriture,  chez  les  Romains  elle  en  a  été  une  application  tardive. 
L'écriture  à  Rome  a  existé  dès  l'époque  royale).  =  31  mars.  G.  Charmes. 
Le  protectorat  catholique  de  la  FranCtî  en  Orient. 

14.  —  Le  Correspondant.  1883.  10  févr.  —  Vicomte  de  Meaux.  La 
France  dans  les  luttes  religieuses  de  l'Europe  ;  6*  art.  (la  Pologne  au 
XVI"  s.  inaugure  le  régime  de  la  liberté  religieuse  ;  elle  montre  l'Église 
romaine  capable  de  résister  non  pas  seulement  à  l'attaque  violente, 
mais  aussi  à  la  liberté  permanente  d'une  autre  croyance;  suite  le 
10  févr.).  —  Welsghinqer.  Les  almanachs  politiques  sous  la  Révolu- 
tion; l"'  art.  (insiste  surtout  sur  la  confection  du  calendrier  révolution- 
naire) ;  2«  art.  le  25  févr.  —  Feuillet  de  Conghes.  La  marquise  de 
Gréquy,  d'après  des  documents  inédits  (emprunte  à  la  correspondance 
inédite  de  la  marquise  de  nouvelles  preuves  que  les  prétendus  Souvenirs 
de  la  marquise  de  Créquy  sont  une  impudente  falsification  ;  on  sait  que 
le  véritable  auteur  de  ce  recueil  de  médisances  est  Cousen  de  Saint- 
Malo)  ;  2»  art.  le  25  févr.  =  10  mars.  Ed.  Fremy.  Les  poésies  inédites 
de  Catherine  de  Médicis  ;  suite  le  25  mars  (étude  sur  la  vie  privée,  les 
goûts  littéraires,  et  même  la  politique  de  C.  de  M.).  =  25  mars.  For- 
NERON.  La  garde  nationale  de  Paris,  1789-92. 

16.  —  Le  Contemporain.  1883.  1*'  févr.  —  Comte  Alex,  de  Puy- 


aSGUEILS  ptfaiODIQUKS.  499 

MAiORE.  Souvenirs,  1789-1833;  suite  (détails  intéressants  sur  les  séjours 
de  Charles  X  à  C!ompiègne,  sur  la  petite  cour  do  Chantilly,  sur  l'en- 
tourage du  roi,  où  ne  se  trouvait  aucun  homme  vraiment  énergique, 
etc.);  fin  le  1"  mars  (après  les  élections  de  1827,  le  comte  de  P.  fut 
envoyé  en  demi-disgrâce  de  Beauvais  à  Autun.  Il  constate  l'effet  désas- 
treux produit  sur  Tesprit  des  gens  de  tous  les  partis  par  la  création  du 
ministère  Polignac-La  Bourdonnaye-Peyronnet.  En  appendice  est 
reproduite  la  relation  du  séjour  de  la  dauphine  en  Màcon,  en  juill.  1830; 
la  dauphine  n'approuvait  pas  les  ordonnances;  «  c'est  peut-être  un  très 
grand  malheur  que  je  n'aie  pas  été  à  Paris,  >  disait-elle  au  préfet,  le 
28  juillet).  —  An.  de  G  allier.  Les  hommes  de  la  Constituante  :  l'abbé 
Grégoire  et  le  schisme  constitutionnel;  2*  art.;  fin  le  l*'  mars.  = 
l**^  avril.  M.  de  Taffanel.  Trois  expéditions  françaises  en  Algérie  : 
1830,  1844,  1881  (condamne  l'expédition  de  Tunisie). 

16.  —  Le  Spectateur  militaire.  1883,  15  fôvr.  —  Souvenirs  mili- 
taires du  général  baron  J.-L.  Hulot;  5*  art.;  6«  art.  le  !•'  mars,  7*  le 

15  mars,  8'  le  1*'  avril.  =r  1«'  mars.  Expédition  française  en  Tunisie, 
10*  art.  —  Faust-Lurion.  Guerre  turco-russe,  1877-78  ;  suite  :  Suley- 
man  Pacha  et  son  procès.  =  15  mars.  DABORMmA.  La  bataille  de  T As- 
siette; étude  historique,  trad.  de  l'italien  par  Ch.  Laporte;  suite  le 
!•'  et  le  15  avril  (ces  trois  articles  ne  contiennent  encore  qu'un  exposé 
de  l'état  où  se  trouvait  l'armée  piémontaise  vers  le  milieu  du  xvin*  s.). 

17.  —  Académie  des  inscriptions  et  belles -lettres.  1883. 
Séance  du  9  févr.  —  M.  Lenormant  lit  un  mémoire  sur  l'emplacement 
des  villes  de  Terina  et  de  Temesa  (Calabre,  prov.  de  Catanzaro)  ;  fin  le 

16  févr.;  Terina  doit  être  identifiée  avec  Santa-Eufemia.  =  2  mars. 
M.  Hauréau  donne  une  seconde  lecture  de  son  mémoire  sur  quelques 
chanceliers  de  l'église  de  Chartres;  M.  Oppert  propose  la  traduction 
d'une  inscr.  de  la  collection  de  Sarzec  au  Louvre  :  «  Ur-Ninâ,  roi  de 
Sirtclla,  fils  de  Haldu,  a  fait  le  temple  de  Ninsah;  il  a  fait  le  palais, 
etc.  >  =  9  mars.  M.  Miller  lit  une  note  sur  un  décret  en  trois  langues, 
hiéroglyphique,  démotique  et  grecque,  trouvé  à  Canope,  et  destiné  à 
perpétuer  le  souvenir  d'un  grand  congrès  de  prêtres,  délégués  de  tous 
les  temples  d'Egypte,  n'»unis  pour  remercier  le  roi  Ptoléméc  et  la  reine 
Bérénice  du  service  qu'ils  avaient  rendu  au  pays  en  ramenant  dos  sta- 
tues de  dieux  enlevées  par  les  Perses.  —  M.  Sénart  lit  un  mémoire  sur 
les  inscr.  sanscrites  découvertes  au  Cambodge  par  M.  Aymonier;  une 
d'elles,  qui  date  du  x'  s.  de  notre  ère,  célèbre  les  mérites  que  s'est  acquis 
un  certain  ministre  en  restaurant  au  Cambodge  renseignement  et  la 
pratique  du  bouddhisme. 

18.  —  Académie  des  Sciences  morales  et  politiques.  Compte- 
rendu  dos  séances.  T.  XIX,  nouv.  série,  1883,  févr. -mars.  —  P.  Dareste. 
Ijes  impôts  indirects  chez  les  Romains  (art.  déjà  paru  au  Journal  des 
Savants), —  Vicomte  d'Avenel.  I^  budget  de  la  France  sous  Ix)uis  XIIL 
Contributions  directes  :  la  taille  (M.  d'A.  juge  tout  autrement  la  taille 


200  11B€IIEIL8  PÉRIODIQUES. 

que  M.  Gallery  :  c  Jamais,  dit-il,  il  n'a  pa  exister  un  impôt  plus  mai 
combiné,  plus  mal  réparti  entre  les  provinces  et  entre  les  individus, 
plus  mal  perçu  et  coûtant  plus  cher  à  percevoir  que  la  taille  person- 
nelle sous  Louis  XIIL  v  II  justifie  ce  jugement  dans  un  travail  très 
sérieux  et  qui  emporte  la  conviction.  D'après  ses  calculs,  en  1639,  la 
France,  qui  ne  comptait  alors  que  17  millions  d'habitants,  payait,  pour 
impôt  direct,  une  somme  de  70,150,000  liv.  équivalant  à  plus  de  420  mil- 
lions de  nos  francs,  d'ailleurs  très  inégalement  répartie). 

19.  —  Société  nationale  des  Antiquaires  de  France.  Séance  du 
7  février  1883.  —  M.  de  Lastevrib  communique  la  copie  d'une  inscr. 
récemment  découverte  dans  l'église  de  Villemanoche.  Cette  inscr.,  qui 
est  du  xvi«  siècle,  fait  connaître  le  nom  de  la  nourrice  de  saint  Louis, 
appelée  Lenfant.  =  14  février.  M.  Tabbé  Thédenat  communique  de 
la  part  de  M.  Bretagne,  de  Nancy,  la  copie  d'une  inscription  inédite 
(Fidelis  Silvani  libertus  Apollini  votum  solvit  libens  merito)  trouvée  à 
Grand,  dans  les  Vosges.  —  M.  Roman  fait  connaître  quelques  détails 
nouveaux  sur  le  camp  romain  qu'il  a  découvert  en  1879  à  Aspres-les- 
Veynes  (Hautes- Alpes).  Ce  camp  parait  dater  de  la  fin  de  l'empire.  On 
y  a  trouvé  des  monnaies  appartenant  à  cette  époque,  trois  petites 
chambres  recouvertes  de  stuc  peint,  une  salle  de  bain,  enûn  des  pote- 
ries portant  des  marques  de  fabrication.  =r  21  février.  M.  Ghabouillet 
lit  un  mémoire  sur  l'empreinte  d'une  monnaie  frappée  en  1373  à  Moi- 
rans  (Jura)  par  l'abbé  Guillaume  II,  de  la  maison  de  Beauregard.  Cette 
empreinte,  conservée  au  cabinet  de  France,  fait  connaître  une  variante 
du  franc  du  même  abbé,  dont  le  premier  et  unique  spécimen  a  été 
trouvé  à  Paris,  rue  Vieille-du-Temple,  en  1882.  —  M.  l'abbé  Thédenat, 
revenant  sur  le  poids  de  bronze  communiqué  à  la  Société  par  M.  Mowat, 
annonce  que  ce  petit  monument,  d'après  les  récentes  découvertes  de 
M.  François  Lenormant,  provient  d'Ostuni,  non  de  Canosa.  Ostuni  est 
une  ville  de  la  province  de  Lecce  (terre  d'Otrante)  ;  la  découverte  qui  y 
a  été  faite  tend  à  confirmer  l'opinion  que  cette  localité  est  identique  au 
municipe  de  Stulnini,  mentionné  par  Pline  et  Ptolémée.  —  M.  de  Vil- 
LBFOssB  annonce  qu'il  a  reçu  de  M.  Demaeght,  commandant  de  recrute- 
ment dans  la  province  d'Oran,  une  notice  sur  une  intéressante  borne 
milliaire,  appartenant  au  règne  de  Philippe  et  probablement  à  l'an- 
née 244  ;  l'inscription  qui  y  est  gravée  montre  que  c'est  une  des  bornes 
de  la  voie  romaine  de  Portus  Magnus  à  Caesarea.  —  M.  de  Villefosse 
signale  en  outre  une  inscription  votive  latine  découverte  sur  le  Mont- 
Beuvray  par  M.  Bulliot,  au  sommet  d'un  mamelon  de  roche  vive.  Il  a 
très  certainement  existé  au  Mont-Beuvray  un  sanctuaire  païen.  L'étude 
des  monnaies  qui  y  ont  été  recueillies  prouve  que  ce  temple  a  été  ruiné 
à  la  fin  du  iv«  siècle,  à  l'époque  de  la  mission  de  saint  Martin.  —  M.  de 
Laurière  communique  l'empreinte  d'une  monnaie  envoyée  de  Portugal 
par  M.  de  Veiga.  Cette  pièce  porte  à  la  face  l'inscription  iESVRI,  nom 
d'une  localité  mentionnée  dans  l'itinéraire  d'Antonin,  et  en  établit 
l'orthographe  définitive.  —  M.  de  Rouqé  lit  un  mémoire  sur  les  anti- 


RECUEILS   PMaiODiQUES.  204 

quités  égyptiennes  du  Musée  de  Nantes.  Parmi  les  objets  assez  nom- 
breux de  cette  collection,  qui  est  due  à  la  générosité  de  M.  Gaillaud,  il 
signale  un  ostracon,  une  palette  de  scribe,  quelques  bijoux  intéres- 
sants, enfin  des  inscriptions.  M.  l'abbé  Thédenat,  présente  un  petit 
autel  provenant  d'Augst,  canton  de  Bâle,  et  faisant  partie  de  la  collec- 
tion de  feu  M.  Marquaire.  Cet  autel  porte  l'inscription  DEC  INVIGTO 
SECVNDV8  et  se  rattache  au  culte  de  Mithras.  =  21  mars  1883. 
M.  Roman  annonce  qu'un  écusson  récemment  découvert  dans  les  fouilles 
du  Louvre  contient  les  armoiries  de  Marguerite  de  Bourgogne,  épouse 
du  dauphin  Louis,  ûls  de  Charles  VL  Cette  princesse  porta  ces  armoi- 
ries depuis  son  premier  mariage,  en  1404,  jusqu'à  son  second  mariage, 
en  1423.  —  M.  Raybt  lit  un  chapitre  d'un  ouvrage  qu'il  préparc  sur 
la  Topographie  d* Athènes.  Ce  chapitre  concerne  la  statue  de  Zeus  Ëlcu- 
thcrios  et  le  portique  dédié  au  dieu  et  qui  s'élevait  derrière  la  statue 
en  bordure  sur  le  côté  occidental  de  l'Agora.  Ce  portique  était  décoré 
de  célèbres  peintures  murales  d'Euphrauor;  la  première  composition 
représentait  les  douze  dieux,  la  seconde,  Thésée,  la  Démocratie  et  le 
Peuple,  la  troisième  enfin,  qui  se  développait  sur  toute  la  longueur  du 
mur  de  fond,  reproduisait  la  bataille  de  Mantinée. — M.  de  Villkfosse 
communique  le  texte  de  plusieurs  inscriptions  inédites  :  i*  une  inscr. 
découverte  par  M.  Schmitter,  receveur  des  douanes  à  Cherchell,  pro- 
vince d'Alger,  et  débutant  par  les  mots  IN  HIS  PRifCDIlS;  2«  une 
nouvelle  borne  milliaire  découverte  sur  la  voie  romaine  de  Portus 
Magnus  à  Caesarea,  par  M.  Demaeght.  Cette  borne  appartient  à  Tannée 
216  ;  3*  plusieurs  inscriptions  funéraires  trouvées  à  Nîmes,  et  qui  lui 
ont  été  adressées  par  M.  Alfred  de  Surville. 

20.  —  Société  de  THistoire  de  France.  Annuaire-Bulletin; 
t.  XIX,  1882.  —  A.  DE  BoisLisLE.  Notice  biographique  et  historique 
sur  Etienne  de  Vesc,  sénéchal  de  Beaucaire  ;  suite  (campagne  d'Italie, 
1495-98;  récit  de  la  mort  de  Charles  VIII,  d'après  le  ms.  fr.  17519,  qui 
suit  Gommynes,  en  y  ajoutant  quelques  traits).  —  P.  Mever.  Richard 
CxEur  de  Lion  et  Philippe- Auguste  en  1199;  d'après  l'histoire  de  Guil- 
laume le  Maréchal,  comte  de  Pembroke  (publie  les  vers  11311  à  11724 
du  poème,  relatifs  aux  négociations  entamées  entre  les  deux  rois.  Le 
IK>ème  confirme  et  dramatise  le  récit  de  R.  de  Wendover).  —  A.  B. 
Une  lettre  de  M.  de  Bonrepaus  (raconte  à  son  frère,  M.  d'Usson,  les 
circonstances  où  il  faillit,  en  1690,  recueillir  l'héritage  ministériel  de 
Colbert  et  de  Seignelay.  La  lettre  est  des  premiers  mois  de  1093).  — 
Noél  Valois.  Fragment  d'un  registre  du  Grand  Conseil  do  Charles  VII; 
mars-juin  1455  (publie  le  texte  de  ce  document  intéressant,  retrouvé  à 
la  Bibl.  nat.).  —  H.  Lkpaqk.  Les  dernières  années  de  .Michel  de  la 
Iluguerye  (1593-1610;  mourut  assassiné  à  Vandipuvre;  analyse  les 
pièces  de  la  procédure  instruite  à  propos  de  ce  crime). 

21.  —  Société  de  rHistoire  du  Protestantisme  français.  Bul- 
letin, 1883,  15  février.  —  Ad.  Funck.  La  réforme  à  Valonciennes  au 


202  RECUEILS  P<EI0DIQUB8. 

XVI*  8.  —  GoÛARD-LuTS.  Registre  de  Tétat  civil  de  Téglise  réformée  de 
Mooy,  i292-94  (texte  d'après  Toriginal  conservé  aux  archives  de  l'Oise). 
—  L'assemblée  de  la  Baume  des  Fées,  15  janv.  1720;  lettre  et  rapports 
officiels.  *»  15  mars.  Bonnet.  Laurent  de  Normandie  (biographie  de 
Tami  de  Calvin,  lieutenant  royal  de  Noyon).  —  Le  ministre  Enoch  et 
l'église  de  Montargis,  1567-68.  —  Treize  lettres  du  marquis  de  Ruvigny, 
1695. —  Lettre  de  Ck)urt  de  Gébelin  à  Duplan  avec  la  réponse,  août 
i760. —  Frossart.  La  Révocation  dans  la  vallée  d'Aure. —  M.  de  Robert. 
Pierre  CSorteis  ou  Cortez  (rectifications  à  Tart.  de  la  France  protestante). 

22.—  Société  de  lliistoire  de  Paris  et  de  ITle-de-France.  Bull. 
9*  année,  6«  livr.,  nov.-déc.  i882.  —  J.-J.  Guifprey.  Concours  ouvert 
entre  Barthélémy  Prieur  et  Germain  Pilon  fils,  1594  (on  connaissait  déjà 
les  noms  de  trois  des  fils  du  grand  Pilon  ;  comme  leur  père,  ils  étaient 
sculpteurs;  le  quatrième,  Germain,  voulut  marcher  sur  leurs  traces, 
mais  il  échoua;  à  Germain,  catholique  comme  son  père,  fut  préféré 
Prieur,  protestant  avéré).  —  Épitaphe  du  prince  de  Conti  à  Villeneuve- 
lez-Avignon,  1666.  —  GuiFFREY.  La  famille  de  Salomon  de  Brosse, 
d'après  des  documents  nouveaux.  —  Delteil.  Procès- verbal  de  nomi- 
nation d'électeurs  aux  assemblées  primaires  réunies  à  Paris  en  vue  de 
rélection  des  députés  aux  états  généraux,  13  avril-3  mai  1789. 

23.  —  Annales  de  la  Faculté  des  lettres  de  Bordeaux.  1882, 
n*  4.  —  Lallier.  La  prise  de  Cirta  par  Jugurtha  (M.  Ihne  prétend  que 
la  prise  de  cette  ville,  le  supplice  d'Adherbal,  le  meurtre  de  la  garnison 
dont  les  marchands  romains  formaient  la  plus  vaillante  partie,  n'ont  eu 
qu'une  importance  secondaire  dans  Thistoire  de  Jugurtha.  C'est  au  con- 
traire un  fait  de  premier  ordre  qui  décida  le  sénat,  après  avoir  inutile- 
ment envoyé  plusieurs  ambassades,  à  diriger  une  armée  contre  Jugur- 
tha. Ses  cruautés  attirèrent  contre  lui  une  guerre  où  il  devait  succomber. 
Salluste  ne  mérite  donc  pas  la  sévérité  avec  laquelle  il  est  traité  par 
Thistorien  allemand).  —  Luchaire.  Sur  la  chronologie  des  documents  et 
des  faits  relatifs  à  l'histoire  de  Louis  VII  pendant  l'année  1150  (ces 
documents  se  rapportent  à  racquisition  par  Louis  VII  du  Vexin  nor- 
mand en  retour  de  Tappui  qu'il  prêta  au  comte  Geoffroi  d'Anjou  contre 
Etienne  de  Boulogne  dans  la  guerre  de  la  succession  d'Angleterre,  en 
mars  1150,  aux  plaintes  de  rarchevôque  de  Rouen,  Hugues  III,  contre 
le  roi  de  France  qui  détenait  indûment  plusieurs  églises  du  Vexin,  en 
mai;  eniin  au  projet  de  croisade  dont  Suger  avait  pris  l'initiative  et  qui 
échoua  devant  rindiiTérenco  de  la  plupart  des  prélats  français  ;  l'assem- 
blée de  Chartres  et  les  lettres  qui  s'y  rapportent  sont  de  l'année  1150. 
Quant  à  Suger,  il  mourut  le  13  janvier  1152).  —  Ch.  Joret.  Un  épisode 
du  voyage  do  f  Jacques  III  »  dans  le  midi  de  la  France  en  1711  (d'après 
un  récit  anonyme  envoyé  à  Lamoignon  do  Basville,  intendant  du  Lan- 
guedoc). —  Fr.  Michel.  Notice  sur  Marie,  reine  do  Portugal,  connue  en 
France  sous  le  nom  do  M"«  d'Aumale  (d'après  ses  lettres  inédites  adres- 
sées pour  la  plupart  à  Louis  XIV).  =  N*  5.  Moratin  à  Bordeaux;  hn. 


aECUBILS  P^RIODIQUBS.  203 

24.  —  Annuaire  de  la  Faculté  des  lettres  de  Lyon.  Fasc.  1.  — 
Bbrlioux.  Les  Atlantes;  histoire  de  l'Âtlantes  et  de  l'Atlas  primitif,  ou 
introduction  à  l'histoire  de  l'Europe  (très  curieuse  étude,  enchaînement 
de  si  séduisantes  hypothèses  qu'on  voudrait  que  ce  iùt  vrai.  L'auteur 
s'attache  à  démontrer  que  l'Afrique  septentrionale  a  été  peuplée  d'abord 
par  deux  peuples  :  les  Libyens,  peuple  au  teint  rosé,  aux  yeux  bleus  et 
aux  cheveux  blonds,  venus  d'Europe  par  le  détroit  do  Gibraltar,  et 
établis  dans  toute  la  région  de  l'Atlas  ;  puis  les  Gétules-Berbères,  venus 
de  l'Ethiopie.  Les  Libyens  de  l'Atlas  créèrent  un  empire  puissant  sur 
la  côte  occidentale  de  l'Afrique,  du  sud  de  l'Espagne  jusque  vers  le  Séné- 
gal. Le  centre  de  cet  empire  était  placé  dans  le  massif  le  plus  mon- 
tagneux do  tout  l'Atlas,  celui  qui  forme  aujourd'hui  le  promontoire  de 
Ghir,  eu  face  des  Canaries.  La  capitale  était  Cerné,  située  au  sud  de 
ces  monts,  au  bord  d'un  vaste  golfe  aujourd'hui  desséché.  Le  pays  était 
riche  en  mines  d'or  et  d'argent.  Le  peuple  était  un  peuple  de  hardis 
navigateurs  en  relations  constantes  avec  l'Amérique,  et  de  bons  cava- 
liers souvent  en  guerre  avec  les  Égyptiens.  A  la  suite  de  guerres  mal- 
heureuses, ils  furent  conquis  ;  à  la  suite  d'un  grand  cataclysme,  le  golfe 
ou  mer  d'Uespérie  ne  forma  plus  qu'un  marais  boueux.  Les  Atlantides, 
qui  avaient  rempli  tout  l'ancien  monde  de  l'éclat  de  leurs  richesses  et  de 
leurs  expéditions,  furent  soumis  et  ruinés.  Il  en  subsiste  cependant  encore 
aujourd'hui  des  vestiges  :  certaines  tribus  de  l'Aurès  ont  le  teint  blanc 
et  les  cheveux  blonds;  mais  le  témoignage  le  plus  irrécusable  de  leur 
passé,  ce  sont  ces  dolmens  et  ces  tumulus  qu'on  retrouve  en  grande 
quantité  dans  l'Afrique  septentrionale).  =  Bayet.  L'élection  de  Léon  III; 
la  révolte  des  Romains  en  799  (étude  érudite  sur  la  cause  de  cette  révo- 
lution aristocratique  et  sur  ses  conséquences  :  Charlemagne,  qui  son- 
geait depuis  plusieurs  années  déjà  à  prendre  la  couronne  impériale,  y 
fut  déterminé  par  la  coïncidence  de  ces  deux  faits  :  l'attentat  d'Irène 
contre  son  fils  Constantin  en  Orient,  et  la  révolte  dos  Romains  contre 
Léon  III  en  Italie).  —  Clédat.  La  chronique  de  Salimbene  (étude  sur 
le  ms.  de  la  chronique;  présente  de  nouveaux  arguments  pour  établir 
qu'il  est  autographe). 

25.  —  Société  de  Thlstolre  de  Normandie.  Bulletin.  Exercice 
1881-82.  Séance  du  23  nov.  1882.  —  Discours  du  président  Ch.  de 
Beaurepaire  (publications  annoncées  ou  en  voie  d'impression  :  un 
volume  relatif  à  l'histoire  de  Neufchâtel  au  xvni«»  s.,  formé  de  trois  doc. 
inédits,  pub.  par  M.  Bouquet;  le  Draco  normanicus,  poème  historique 
d'Etienne  de  Rouen,  suivi  des  poésies  de  ce  dernier,  d'après  un  ms. 
de  la  Bibl.  nat.,  pub.  par  M.  H.  Omont;  V Histoire  rfc  l'abbaye  royale  de 
Jumièges,  par  l'abbé  J.  Loth,  mise  aujourd'hui  en  distribution.  A  propos 
de  ce  dernier  ouvrago,  le  président  retrace  la  biographie  de  l'abbé  de 
Vertot,  qui  fut  curé  de  Saint-PaïT-sur-DucIair  de  l(;9C  à  1708).  — 
IIellot.  Chronique  d'un  bourgeois  de  Verneuil,  Hi5-22  (très  courte; 
complète  en  8  pages;  contient  quelques  détails  bons  à  noter  pour  la 
guerre  contre  les  Anglais). 


204  RECUEILS  ptfUODIQUES. 

26.  —  Société  des  Antiquaires  de  Picardie.  Mémoires.  3«  série, 
t.  VII  (Amiens,  1882).  —  Salmon.  L'établissement  des  Carmélites  à 
Amiens  (en  1607,  au  moyen  d'une  somme  d'argent  donnée  à  cet  effet 
par  M"«»  Anne  de  Viole,  fille  d'un  conseiller  au  Parlement,  quand  elle 
entra  en  religion).  —  £dm.  Soyez.  Rapport  sur  le  concours  d'histoire 
de  1879,  prix  Le  Prince  (ce  prix  est  décerné  à  l'auteur  d'une  Histoire 
des  communes  rurales  du  canton  de  Doullens  ;  une  mention  très  hono- 
rable à  celui  d*un  mémoire  sur  la  ville  et  le  château  de  Ham). —  Abbé 
DE  Gaony.  Rapport  pour  le  concours  au  prix  d'archéologie,  fondation 
Ledieu  (le  prix  est  décerné  à  M.  Vallois,  pour  son  mémoire  sur  Péronne, 
son  origine  et  ses  développements).  —  Id.  Étude  sur  l'éloquence  de  la 
chaire  appliquée  aux  fameux  prédicateurs  des  xv*  et  xvi«  siècles  prin- 
cipalement. —  Rapport  de  la  commission  d'archéologie  sur  le  concours 
de  1880  (ce  prix  est  décerné  à  une  excellente  description  archéologique 
du  canton  de  Nesle).  —  Poujol  de  Fréchencourt.  Rapport  sur  le  con- 
cours d'histoire  (deux  mémoires  sont  décernés  à  M.  G.  d'Hangest, 
auteur  de  La  guerre  de  Cent  ans  en  Picardie,  et  à  l'abbé  Gosselin, 
pour  une  Notice  sur  Marquivillers,  Grivillers  et  Armancourt). —  Josse. 
Histoire  de  la  ville  de  Bray-sur-Somme  (description  minutieuse  de  la 
ville,  avec  cartes;  son  histoire  avant  l'établissement  de  la  commune; 
fondation  de  l'échevinage  en  1210;  son  organisation  jusqu'en  1790; 
destinée  de  la  ville  pendant  les  guerres  du  xiv«  au  xvm«  s.;  châtellenie 
et  seigneurie  principale,  fiefs  et  seigneuries  secondaires,  établissements 
charitables  et  hospitaliers;  église,  cure  et  confréries  religieuses;  Bray 
pendant  la  Révolution  et  l'Empire;  événements  militaires  do  1870  et 
1871.  Travail  très  sérieux  accompagné  de  nombreuses  pièces  justifica- 
tives et  suivi  d'une  table  des  noms  de  personne  et  de  lieu). 

27.  —  Société  d'émulation  du  Doubs.  Mémoires.  5<>  série,  6*  vol., 
1881  (Besançon,  1882).  —  Castan.  Le  missel  du  cardinal  de  Tournai  à 
la  bibliothèque  de  Sienne  (avec  la  biographie  de  Ferry  de  Clugny^ 
évoque  de  Tournai,  de  1474  à  1483,  pour  qui  ce  missel  a  été  richement 
enluminé;  son  portrait  authentique  s'y  trouve).  —  Id.  Une  inscription 
romaine  sur  bronze  mentionnant  les  eaux  thermales  de  l'Helvétie  (cor- 
rige la  lecture  faite  par  Mommsen  d'un  fragment  d'inscr.  sur  bronze, 
conserve  au  musée  d'Avenches  :  au  lieu  de  HEC'GEMELLIANVSF, 
il  faut  lire  HEL  (vetianis  Aquis).  —  Id.  Quatre  stèles  gallo-romaines  de 
la  banlieue  de  Besançon.  —  Trtoon.  Simon  Renard,  ses  ambassades, 
ses  négociations,  sa  lutte  avec  le  cardinal  de  Granvelle  (première  ambas- 
sade en  France,  1549-51;  ambassade  en  Angleterre,  1553-55;  la  trêve  do 
Vauxelles  et  seconde  ambassade  en  France,  1556-57.  Lutte  de  S.  Renard 
contre  Granvelle  pendant  le  ministère  de  ce  dernier  aux  Pays-Bas, 
1559-64;  son  triomphe  avec  le  parti  aristocratique  en  1564;  sa  disgrâce 
définitive,  1564-73.  Étude  consciencieuse  et  intéressante).  —  Ed.  Besson. 
Le  président  Philippe,  négociateur  franc-comtois  au  xvn»  s.  (envoyé  à 
Ratisbonne  pour  demander  les  secours  de  l'Allemagne  après,  la  pre- 


RECUEILS  PERIODIQUES.  205 

mière  conquôte  de  la  Franche-Comté  par  Louis  XIV,  puis  à  Berne 
après  la  seconde.  Il  échoua  partout,  et  mourut  tranquillement  dans  son 
siège  de  président  au  parlement  de  Besançon  organisé  par  le  vainqueur 
en  1670).  —  Vaissier.  Les  poteries  estampillées  dans  l'ancienne  Séqua- 
nie  (catalogue  avec  planches). 

28.  —  Revue  historique  et  archéologique  du  Maine.  T.  XIII, 

1883,  1*'  trim.  —  Alouis.  Les  Coesmes,  seigneurs  de  Lucé  et  de  Pruillé  ; 
1"  partie,  de  1370  à  1508;  suite.  —  Abbé  G.  Esnault.  Entrées  et  funé- 
railles au  Mans  au  xvni«  s.  (l®  réception  de  M.  le  sénéchal  de  Beauvau, 
1759;  2*  cérémonial  de  Tenterrement  de  M.  de  Lorchère,  lieutenant 
général,  1764  ;  3«  réception  de  M.  le  comte  deTessé,  lieutenant  général 
de  la  province  du  Maine,  1764  ;  4®  cérémonie  de  Tenterrement  de 
Mgr  de  Froullay,  évéque  du  Mans,  1767  ;  5®  réception  de  M.  le  comte 
de  Mellet,  gouverneur  du  Maine,  1767).  —  Abbé  Leoru.  Un  duel  dans 
les  bois  de  Pescheseul,  1548  (d'après  l'information  faite  par  le  sergent  de 
la  chàtellenie). 

29.  —  Archives  liistoriques  de  la  Saintonge  et  de  l^Aunis. 

T.  IX,  1881.  —  Musset.  Le  chartrier  de  Pons  (publie  131  pièces  en 
latin,  allant  de  1214  à  1387;  elles  présentent  presque  exclusivement  un 
intérêt  local).  —  Id.  Mémoire  sur  la  ville  de  Pons  en  Saintonge,  par 
Cl.  Masse,  ingénieur  du  roi  à  la  Rochelle,  au  xvm*s.  —  Audiat.  Mémoire 
pour  rhistoire  ecclésiastique  de  Pons  (écrit  de  1778  à  1783  par  Domi- 
nique Fortet,  curé  de  Saint-Martin  de  Pons).  —  Audiat  et  Valleau. 
Lettres  de  Henri  IV,  Henri  de  Bourbon,  maréchal  d'Albret,  Turenne, 
duc  de  Bouillon^  M"»»  de  Maintenon,  Ninon  de  Lenclos,  1576-1672. 

30.  ~  Société  d^ètudes  des  Hautes- Alpes.  Bulletin.  Pre- 
mière année,  1882,  in-8',  307  p.  —  F.  Vallenti.n.  Épigraphie  gallo- 
romaine  des  Hautes-Alpes.  —  P.*  Guillaume.  Louis  XI  à  Embrun  ; 
Fragment  d'un  roman  de  chevalerie  en  langue  vulgaire  du  xiii*  s.  ; 
Notice  sur  les  sources  historiques  des  Hautes-Alpes.  —  A.  de  Rochas. 
Le  Briançonnais  au  commencement  du  xviii«  s.  —  G.  Amat.  Une  page 
inédite  de  l'histoire  de  Gap.  —  Ghabraud.  Aperçu  historique  sur  Brian- 
çon,  son  vieux  château,  ses  fortifications,  ses  gouverneurs  et  ses  milices 
(travail  fort  médiocre).  —  Gruvellier.  Note  sur  Texpulsion  des  Sarra- 
sins au  X*  s.,  d'après  un  extrait  du  Livre  vert  de  Tévôché  de  Sisteron. 

—  J.  Roman.  Note  sur  les  invasions  sarrasines  dans  les  Hautes-Alpes. 

—  D.-S.  HoNNORAT.  Quelques  mots  sur  le  culte  persan  de  Mithra  à 
Mons-Seleucus. 

31.  —  Société  départementale  d^archéologie  et  de  statis- 
tique de  la  Drôme.  Bulletin.  T.  XVI,  1882,  in-8%  m  p.—  D'  Ul. 
Chevalier.  Abbayes  laïques  de  Romans  ;  Les  familles  Gottafred,  Mou- 
teux  et  Veilheu  ;  Présents  de  la  ville  de  Romans  sous  les  consuls.  — 
J.  Roman.  Le  comte  de  la  Roche.  —  A.  Lacroix.  Essai  historique  sur 
la  tour  de  Grest.  —  Abbé  Fillet.  État  des  diocèses  de  Die  et  de 
Valence  en  1501).  —  Marrjuis  ub  INs\Nf:oN.  Guillaume  de  Poitiers.  — 


206  ascuBiLS  p^riodiquis. 

A.  DE  Gallier.  Madame  de  Villedieu.  —  A.  de  B.  Monographie  de  la 
famille  de  Loulle.  —  Abbé  Didelot.  Portes  historiées  récemment 
découvertes  à  la  cathédrale  de  Valence. —  Abbé  Perrossier.  Recherches 
sur  les  évéques  originaires  du  diocèse  de  Valence  (travail  fait  avec  soin). 

—  VoissiER.  Recherches  historiques  sur  Glaveyson.  —  fl.  de  Terre- 
basse.  La  maison  du  Mont-Calvaire  à  Romans. 

'32.  —  Société  de  statistiqiie  du  département  de  Tlsére.  Bul- 
letin. 3«  série,  t.  XI,  1882.  —  A.  de  Rochas.  La  science  des  philo- 
sophes et  l'art  des  thaumaturges  dans  l'antiquité  (savante  étude  de  215  p. 
accompagnée  de  24  pi.  et  suivie  d'une  traduction  des  pneumatiques  de 
Héron  et  do  Philon). 

33.  —  Bnlletinf  dliistoire  eoclésiastlque  (Romans).  3«  année, 
livr.  4  ;  mars-avril  1883.  —  Abbé  J.  Chevalier.  Mémoires  des  frères 
Gay,  pour  servir  à  l'histoire  des  guerres  religieuses  en  Dauphiné  au 
XVI*  s.  ;  suite.  —  D»*  Ul.  Chevalier.  Notice  historique  sur  le  Mont-Cal- 
vaire de  Romans.  —  Abbé  Cruvellier.  Notice  sur  l'église  de  N.-D.  du 
Bourg,  ancienne  cathédrale  de  Digne  ;  suite.  —  Blaïn.  Autobiographies 
des  prêtres  des  diocèses  de  Valence,  Die,  etc.,  en  1802. 

34.  —  Nemausa.  1*^  année,  n'  1,  janv.  1883.  —  MARuéJOL.  Imbert 
Pécolet  et  l'ancienne  École  de  Nîmes  (Pécolet  fut  nommé  régent  de 
l'École  en  1530  ;  il  en  fut  chassé  pour  cause  d'hérésie  en  1537.  L'École 
fut  transformée  en  Université  et  collège  des  arts  en  1539.  Intéressant). 
=  N"  2.  Bouvière .  La  révolution  à  Nîmes  (dit  simplement  qu'il  serait 
fort  utile  de  faire  sérieusement  cette  histoire).  —  Donnedieu  de  Vabres. 
Sépulture  de  d'Andelot.  —  Bondurand.  Deux  pièces  inédites  sur  le 
refuge  de  Nîmes,  1699,  1703. 

35.  —  Société  archéologiqae  de  Tam-et-Garonne.  Bulletin. 
T.  X,  1882,  4«  trim.  —  fl.  de  France.  La  casemate  et  la  porte  des  Cor- 
deliers  à  Montauban  (construites  en  1620).  —  Em.  Forestié.  Les  fossés 
et  les  portes  de  la  ville  de  Montauban.  —  Abbé  C.  Daux.  Le  grand 
séminaire  de  Montauban  avant  la  Révolution  ;  fin.  —  Notes  pour  servir 
à  l'histoire  du  département  (prières  publiques  célébrées  dans  l'église 
d'Auvillars  à  l'occasion  de  la  mort  de  Louis  XIII  et  de  la  victoire  de 
Rocroy.  Hébrard  de  Saint-Sulpice,  abbé  de  Belleperche  après  le  cardi- 
nal G.  d'Armagnac). 

36.  —  Revue  de  Gascogne.  T.  XXIV,  1883,  3«  livr.  —  La  Plaqne- 
Barris.  Les  régents  de  latin  à  Nogaro,  Vic-Fezensac  (xvii*  et  xviii®  s.). 

—  Carsalade  du  Pont.  Bertrand  de  Poyane  ;  fin  (mort  en  avril  1646,  à 
l'âge  do  67  ans).  —  Plieux.  L'ancienne  paroisse  de  Vicnau  ;  supersti- 
tions, mœurs  et  coutumes  locales.  —  Frayssinet.  Les  reliquaires  de 
Grandselve.  —  Ph.  T.  de  L.  Une  lettre  de  dom  B.  de  Montfaucon 
(adressée  le  1"  juin  1711  à  Louis  de  Thomassin,  conseiller  au  parle- 
ment de  Provence). 


RECUBIL8  PjfaiODIQUBS.  207 

37.  —  Revue  des  Basses-Pyrénées  et  des  I^andes.  1883,  janv. 
\^  livr.  —  GiRY.  Les  institutions  de  Bayonne  au  moyen  âge.  —  E.  de 
J  AUROAiN.  Troisvilles,  d'Artagnan  et  les  trois  mousquetaires  ;  suite  au  n^2, 
—  Tamizey  dk  Larroque.  Documents  inédits  sur  la  ville  de  Dax  (lettres 
de  diverses  personnes,  1470  à  1751). —  Ducéré.  Documents  inédits  pour 
servir  à  l'histoire  de  Bayonne  (dépenses  de  la  ville  à  l'entrée  du  duc 
d*Épernon,  9  sept.  1G23);  suite  au  n**  2  (relation  du  passage  et  séjour  à 
Bayonne  du  comte  d'Artois,  en  juillet  1782).  —  Labroughe.  Le  duché 
d'Albret  (publie  à  nouveau  le  titre  d'érection  de  la  seigneurie  d'Albret 
en  duché,  déjà  publié  par  le  P.  Anselme,  déc.  1556).  =  2*  livr.  Abbé 
Landemont.  Procès  de  sorcellerie  en  Basse-Navarre  (d'après  deux  pièces 
de  1450  et  de  1515  provenant  des  papiers  d'Oyhénart,  aujourd'hui  con- 
servés dans  les  archives  de  la  comtesse  de  Brancion,  descendante  de  cet 
historien).  —  T.  de  L.  Documents  inédits  sur  la  ville  de  Dax;  suite 
(3  lettres  de  1556,  1559  et  1560).  —  Gadarra.  Pontonx  sur  Adour  et  le 
prieuré  de  Saint-Gaprais.  —  Brutails.  Une  erreur  de  trois  siècles  (res- 
titue à  l'année  1270  une  charte  que  d'Achery,  le  nouveau  traité  de 
Diplom.,  M.  de  Wailly,  rapportaient  à  Tan  mil;  c'est  un  acte  par  lequel 
Gaston  VU,  vicomte  de  Béarn,  promet  sa  fille  Guillemine  à  Sanche, 
fils  du  roi  de  Gastille,  Alphonse  le  Sage.  M.  B.  aurait  bien  dû  donner 
un  texte  plus  correct  de  cette  charte). 


38.  —  Revue  d* Alsace.  1883.  Janvier-mars.  —  G.  Paira.  Lettres 
inédites  du  général  Rapp  à  M.  Michel  Paira,  banquier  à  Paris  (cette 
première  série  de  lettres  va  de  1805  à  1814  ;  elles  apprennent  peu  de 
chose,  sinon  sur  les  infortunes  conjugales  de  Rapp.  Une  lettre  datée  de 
Kiew,  le  29  avril  1814,  donne  quelques  détails  sur  la  défense  de  Dantzig). 

—  Ganel.  Les  corporations  à  Héricourt  ;  lettres  patentes  du  duc  de 
Wurtemberg,  10  févr.  1647  ;  statuts  des  corporations.  —  Tuepfero. 
L'Alsace  artistique  ;  suite.  —  Arth.  Benoit.  Les  ex-libris  dans  les  trois 
évéchés  ;  suite.  —  Stoffel.  Dictionnaire  biographique  de  l'Alsace  ;  liste 
des  généraux  et  officiers  supérieurs  ayant  servi  dans  l'armée  française. 

—  Barth.  Notes  biographiques  sur  les  hommes  de  la  Révolution  ;  suite. 


39.  —  Messager  des  sciences  historiq[iies  de  Belgique.  1882. 
4*  livr.  —  Alph.  de  Vlamink.  Les  Aduatuques,  les  Ménapiens  et  leurs 
voisins  ;  position  géographique  de  ces  peuples  à  l'époque  de  Jules  Gésar 
(avec  une  carte).  —  Autorisation  accordée  à  Ant.  Kindt  d'exercer  son 
art  et  invention,  1611  («  de  graver  avec  diverses  ligures  et  ornomens 
toutes  sortes  de  chamois  et  peaux  de  moutons  i).  —  Van  Spildeeck. 
L'abbaye  de  Soleilmont  et  la  ville  de  Gand  (publie  les  pièces  les  plus 
importantes  des  archives  conservées  à  Soleilmont,  en  attendant  le  car- 
tulaire  de  l'abbaye,  ou  Estât  du  monastère). 


40.  —  Historische  Zeitschrift.  Bd.  XIII,  Ileft  2.  —  F.  von  Bezold. 


208  RECUEILS   PERIODIQUES. 

Conrad  Geltis,  c  le  prince  des  humanistes  allemands  >  ;  suite  et  fin  (ses 
opinions  politiques,  religieuses,  sociales  ;  Tidée  qu'il  se  fait  du  monde 
et  de  la  nature,  ses  rêves  sur  la  société  et  Tâge  d'or).  —  Sattler.  Orga- 
nisation de  Tordre  teutonique  en  Prusse  à  Tépoque  de  sa  splendeur 
(d'après  les  travaux  récents).  —  Kerler.  Archives  italiennes  ;  notes  de 
voyage  (relativement  au  séjour  de  Tempereur  Sigismond  en  Italie  en 
1431-1433,  et  aux  négociations  qui  lui  permirent  enfin  de  se  faire  cou- 
ronner à  Rome  le  31  mai  1433.  Quelques  pages  seulement).  —  Lehmann. 
Le  centre  et  les  journaux  politiques  (réponse  à  certaines  imputations  de 
députés  du  centre  à. la  chambre  des  députés  prussienne  qui  accusèrent 
M.  Lehmann  d'avoir  systématiquement  écarté  de  son  ouvrage  :  Preussen 
und  die  katholische  Kircfieseit  1640,  toutes  les  pièces  contenant  les  griefs 
des  catholiques  prussiens).  =  Bibliographie.  Schliemann»  Bericht  ùber 
mcino  Ausgrabungen  im  bœotischen  Orchomenos  (analyse  du  livre).  — 
Jung,  Die  romanischen  Landschaften  des  rœmischen  Reiches  (plus 
d'érudition  que  de  méthode  et  de  critique,  style  négligé  ou  incorrect). 

—  SeydeL  Das  Evangelium  von  Jesu  in  seinen  Verhaeltnissen  zur  Bud- 
dha-Sage  und  Buddha-Lehre  (signale  de  curieux  rapprochements  entre 
le  bouddhisme  et  le  christianisme  primitif,  sans  d'ailleurs  apprendre 
rien  de  nouveau).  —  Harnach.  Das  Mœnchthum,  seine  Idéale  und  seine 
Geschichte  (dissertation  intéressante  et  spirituelle).  —  Schultze.  Die 
Katacomben  (bon  résumé  des  travaux  sur  l'histoire  des  catacombes).  — 
Zimmermann.  Die  kirch lichen  Verfassungskâgmpfe  im  XV  Jahrhundert 
(simple  esquisse,  qui  n'apprend  rien  de  nouveau).  —  Kolde.  Friedrich 
der  Weise  und  die  Anfœnge  der  Reformation  (le  caractère  de  l'électeur 
de  Saxe  est  très  bien  étudié  ;  l'auteur  montre  qu'il  resta  toujours  «  un 
bon  fils  de  l'Église  romaine  »).  — Zwiedineck-Sûdenhorst.  Venetianische 
Gesandtschaftsberichte  ûber  die  bœmische  Rébellion  (important  ;  cepen- 
dant il  ne  faudrait  pas  accorder  à  ces  rapports  une  autorité  exagérée  ; 
ils  sont  bien  souvent  dans  l'erreur).  —  Tadra.  Die  Kaiserwahl  1619 
(met  en  lumière  le  rôle  de  la  Saxe  dans  cette  élection).  —  Hooft  van 
Iddekinge,  Fricsland  en  de  Friezeii  in  de  middeleeuwen  (étudie  3  points 
principaux  :  1'  de  l'époque  où  furent  rédigées  les  t  17  keures  »  de  la 
Frise  ;  l'auteur  la  place  sous  le  règne  d'Otton  III,  983-996  ;  2"  des  pays 
où  les  leges  Upstalsbomicae  du  18  sept.  1323  furent  mises  en  vigueur  ;  elles 
ne  furent  pas  confinées  dans  la  Frise,  mais  furent  appliquées  aussi  dans 
la  Frise  orientale,  et  jusqu'au  Weser  ;  3*  des  plus  anciens  maîtres  des 
monnaies  en  Frise.  La  numismatique  a  fourni  à  l'auteur  un  grand 
nombre  de  faits  nouveaux).  —  Analyse  des  publications  de  la  Gesellschaft 
fiXr  bildende  Kunst  und  Vaterlxnd.  AUertliUnier  zu  Emden,  des  sociétés 
historiques  du  Rhin  inférieur  et  de  la  Westphalie  en  1879-1881  de 
VI/istoi\  Verein  fUr  Dortmund  und  die  Grafschaft  Mark  (très  long  compte- 
rendu  des  documents  publies  sur  l'histoire  de  Dortmund).  —  Von  Hock, 
Der  œsterreichische  Staatsrath  1760-1848  (important  pour  l'histoire 
administrative,  surtout  à  l'époque  de  Marie-Thérèse  et  de  Joseph  II). 

—  Egger.  Geschichte  Tirols  von  den  œltesten  Zeiten  bis  in  die  Neuzeit 


RECUEILS  PERIODIQUES.  209 

(excellente  monographie).  —  Jxger,  Geschichte  der  landstœndischen 
Verfassung  Tirols  (bon).  —  Schlesinger.  Deutsche  Ghronikon  aus  Bœh- 
men,  II  :  Simon  Hùttel's  Chronik  der  Stadt  Trautenau,  1484-1601 
(bonne  édition).  —  Thaly,  Die  Jugend  des  Fursten  Fr.  Rakoczi  (comme 
tous  les  autres  travaux  du  même  auteur  sur  l'époque  des  Rakoczi,  ce 
volume  témoigne  d'une  connaissance  approfondie  des  sources,  d'un 
grand  enthousiasme  pour  son  héros,  et  en  même  temps  d*une  certaine 
inexpérience  critique).  —  Salzer,  Der  kœnigl.  freie  Markt  Birthœlm  in 
Siebenbùrgen  (c'est  trop  de  consacrer  50  feuilles  d'impression  à  This- 
toire  d'une  petite  localité  de  la  Saxe  transylvanienne  ;  recherches  très 
étendues  ;  des  erreurs  nombreuses).  —  Galendar  of  state  papers  : 
Domestic  séries,  of  the  reign  of  Gharles  I,  1640  ;  éd.  by  Hamilton.  Id. 
1654-1655,  edited  by  M.  A.  Green  (très  instructif).  —  Frassi.  Il  governo 
feudalo  degli  abbati  del  monastero  di  S.  Ambrogio  maggiore  di  Milano, 
nella  terra  di  Givenna  in  Valassina  (fait  trop  vite  et  avec  peu  de  cri- 
tique). —  Hartwig.  Quellen  und  Forschungon  zur  œltesten  Geschichto 
der  Stadt  Florenz,  II  (analyse  et  critique  minutieuse  de  cette  publica- 
tion, €  une  des  plus  importantes  de  ces  derniers  temps  »).  —  P.  de 
hagarde.  Johannis  Ëuchaitorum  metropolitae,  quae  in  codice  Vaticano 
graeco  676  supersunt  (publication  intéressante  sur  un  homme  qui  a 
joué  un  rôle  important  dans  l'histoire  politique  et  religieuse  de  l'empire 
byzantin  au  xi«s.).  —  H.  von  Prittwitz  et  Ga/fron.  Verzeichniss  gedrukter 
Familiengeschichten  Deutschiands  und  der  angrenzendenLaender  (biblio- 
graphie à  laquelle  il  manque  deux  qualités  indispensables,  d'être  claire 
et  d'être  complète).  —  Ariovistvon  Fûrlh.  Beitroîge  und  Material  zur  Ge- 
schichte  der  Aachener  Patrizierfamilien,  II  (bon).  —  //.  von  Uttow.  Bei- 
traîge  zur  Geschichte  des  G^schlechtes  von  Lettow-Vorbeck  (bon). 

41.  —  Historisches  Jahrbuch.  Ed.  IV,  Heft  1.  Munich,  1883.  — 
FuNK.  Sur  rhistoire  ecclésiastique  de  la  Bretagne  ancienne  (Ëbrard 
avait  prétendu  que  cette  église  avait  un  caractère  strictement  évangé- 
lique,  que  la  Bible  y  était  la  seule  source  de  la  foi,  qu'enfin  il  n'y  avait 
pas  de  loi  ordonnant  le  célibat  des  prêtres.  L'auteur  réfute  Ebrard  point 
par  point  ;  il  montre  que  les  chrétiens  de  la  Grande-Bretagne  avaient 
reconnu  le  primat  romain  et  qu'ils  ne  s'étaient  éloignés  en  rien  des  dogmes 
de  l'Église  catholique).  —  Graubrt.  La  donation  de  Gonstantin  ;  suite 
(recherches  sur  la  forme  et  le  contenu  de  l'acte  de  donation ,  ainsi  que 
sur  ses  sources.  L'auteur  pense  que,  par  cette  masse  de  territoires  que 
le  diplôme  de  Gonstantin  transmet  au  saint-siège,  il  faut  entendre  l'em- 
pire romain  d'Occident  tout  entier  ;  il  montre  que  le  diplôme,  falsifié, 
a  été  rédigé  sur  des  documents  vrais  de  l'époque  impériale,  qu'en  partie 
même  il  renvoie  à  des  documents  du  vni*  et  du  ix«  s,  ;  quant  aux  faits 
tju'il  contient,  la  source  principale  doit  en  être  cherchée  dans  la  légende 
ecclésiastique).  —  F.  R.  von  Krones.  Des  ouvrages  relatifs  à  l'histoire 
de  François  Rakoczi  II,  parus  de  1872  à  1882  ;  suite  (raconte  en  môme 
temps  certains  épisodes  de  la  vie  de  Rakoczi  ;  parle  surtout  de  ses  rap- 
ports avec  la  Pologne,  la  Suède,  la  Prusse  et  la  Russie  pendant  la 
Rev.  Histor.  XXIL  1««"  fasc.  14 


240  BBGUBILS  PiaiODIQUBS. 

guerre  du  Nord).  =  Comptes-rendus  :  Escher,  Die  Glaubensparteien  in 
der  Eidgenossenschaft  1527-31  (partial,  mais  méritoire).  —  Dittrieh, 
Regesten  und  Briefe  des  Cardinals  Contarini  (très  bon  ;  de  nombreuses 
rectifications  et  additions).  —  Mantels,  Beitraege  zur  Lûbiscb-hansischen 
Geschichte  (important). 

42.  —  Neues  Archiv.  Bd.  VIU,  Heft  2.  —  Jul.   von  Ppluok- 
HARTTUNa.  1*  Les  registres  de  Grégoire  Vn  (il  a  existé  un  autre  registre 
de  Grégoire  VII  que  celui  qui  nous  a  été  conservé  ;  la  preuve  s'en  trouve 
dans  le  recueil  des  canons  de  Deusdedit,  contenu  dans  le  ms.  Vat.  3833, 
du  xij«  s.,  et  publié  en  1866  par  Martinucci.  Analyse  ce  ms.).  2*  Bulles 
pontificales  à  Karlsruhe  antérieures  à  l'année  1198  (après  Munich  et  à 
côté  de  Cologne,  c'est  Karlsruhe  qui  possède  dans  ses  archives  le  plus 
grand  nombre  de  ces  documents.  Ils  ont  d'ailleurs  été  presque  tous 
publiés.  Liste  des  documents  et  références).  —  Th.  Ltndner.  Additions 
aux  regestes  de  Charles  IV  (analyse  et  extraits  de  216  pièces  provenant 
de  diverses  archives,  surtout  de  Berlin  et  de  Coblentz).  —  Wattenbach. 
Notice  sur  3  mss.  d'Eisleben  {i^  f  Liber  iste  est  fratrum  Garthusiensium 
prope  Erffordiam  >  ;  il  contient  de  nombreux  écrits  de  Nicolas  de  Cusa 
et  autres.  2*  c  Liber  beatorum  Pétri  et  Pauli  apostolorum  in  Erffordia  »; 
contient  divers  traités  juridiques,  des  notes  historiques,  etc.  3^  Très 
brèves  notes  sur  des  empereurs  du  xui«  et  du  xrv*  s.  et  sur  des  rois  de 
Bohême  et  de  Pologne  du  xiv«  et  du  xv*  s.,  etc.).  —  Nûrnbbroer.  Com- 
ment nous  sont  parvenus  les  mss.  des  œuvres  de  saint  Boniface.  ^- 
Wattenbach.  Les  mss.  de  la  collection  Hamilton  (notes  sommaires  sur 
ceux  de  ces  mss.  qui  intéressent  l'histoire  et  la  paléographie  du  moyen 
ftge  ;  les  numéros  correspondent  à  ceux  du  catalogue  de  la  vente.  Note 
détaillée  sur  un  Recueil  des  conciles  du  viii*  ou  du  «•  s.  n*  132,  et  sur 
le  n*  251,  qui  est  un  splendide  ms.  des  évangiles  écrit  en  lettres  d'or 
sur  parchemin  teint  en  pourpre).  —  Mommsen.  Les  gardes  du  corps 
germains  des  empereurs  romains.  —  Id.  Jamblique  cité  par  Jordanès. 
—  Id.  Une  pièce  du  butin  des  Vandales  en  Italie  (dans  un  village 
•près  de  Fonzaso,  et  non  loin  de  Feltre,  on  trouva  divers  objets  en 
argent,  l'un  d'eux  avec  l'inscr.  :  c  Geilamir  Vandalorum  et  Alanho- 
rum  rex  ».  C'est  certainement  une  pièce  du  trésor  des  rois  vandales 
apportée  en  Italie  par  Bélisaire).  —  P.  Ewald.  1*  Du  mot  de  bar- 
bare dans  le  Sermo  de  informatione  episcoporum  (ne  signifie  pas  autre 
chose  que  guerrier).  2°  La  prière  aux  abeilles  dans  le  ms.  de  Saint- 
Gall,  n*  190  (texte).  3*  Notes  de  paléographie  espagnole.   4*   Trois 
lettres  de  papes  inédites  (de  Grégoire  I^***,  de  Léon  U  et  de  Syl- 
vestre II).  —  R.  Kadb.  Description  d'un  recueil  de  légendes  (d'après  un 
ms.  latin  du  xv«  s.).  —  Kindscher.  Un  diplôme  original  de  Henri  U, 
22  mars  1003.  —  Wattenbach.  Mélanges  (textes  concernant  les  reliques 
de  Gand).  —  Pannenborg.  Sur  Emo  et  Menko.  —  0.  Hartwio.  Notes 
sur  divers  mss.  (1^  sur  un  ms.  perdu  de  Ilugo  Falcandus,  Historia  de 
rébus  gestis  in  Siciliae  regno  ;  2*  sur  un  ms.  du  xvi*  s.  d'une  Vita  Hen* 
rici  J  imperatoris),  —  Will.  Sifridus  t  Byrnensis  »  prepositus,  et  non 


RECUEILS   PJaiODIQUES.  244 

c  Bunoensis  *  ou  «  Bingensie  ».  —  Simonsfeld.  Rapports  de  Tolomeo 
de  Lucques  avec  les  anciennes  chroniques  florentines.  —  Holder-Eogeb. 
Nouveaux  mss.  du  British  Muséum,  d'après  leCatal.  Addit.  de  1876-81. 

43.  —  Gœttingische  gelehrte  Anzeigen.  1883.  N*«  7-8.  —  Wahtz. 
Deutsche  Verfassungsgeschichte,  Bd.  U  et  III,  1*  H.  (annonce  par  l'au- 
teur lui-môme). —  Monumenta  Germanise  historica,  t.  XXVI  (ce  volume 
est  composé  d'extraits  de  chroniqueurs  français  du  xiii*  s.,  pour  les  par- 
ties relatives  à  l'histoire  d'Allemagne.  L'article  est  de  M.  Waitz.  Le 
prochain  volume  se  composera  d'extraits  de  chroniqueurs  anglais).  = 
N«»  8,  9-10.  Leroux.  Recherches  critiques  sur  les  relations  politiques  de 
la  France  avec  l'Allemagne  de  1292  à  1378  (l'auteur  a  rassemblé  beau- 
coup de  matériaux  ;  au  lieu  de  n'étudier  que  des  points  particuliers  de 
l'histoire  des  relations  entre  l'Allemagne  et  la  France,  il  a  traité  d'en- 
semble l'histoire  de  ces  relations  pendant  un  siècle  ;  il  est  d'autant  plus 
.regrettable  qu'il  n'ait  pas  apporté  plus  de  critique,  de  soin,  et  môme  de 
connaissances  ;  le  critique  discute  plusieurs  points  de  détails  du  cha- 
pitre sur  Philippe  le  Bel  et  Adolphe  de  Nassau).  =  N®»  11-12.  Dœbner. 
Urkundenbuch  der  Stadt  Hildesheim  (contient  965  numéros,  dont  plus 
de  500  pièces  inédites,  commençant  à  la  fin  du  xn«  s.  ;  publication  très 
soignée).  =  N^»  13-14.  Delpeck.  La  bataille  de  Muret  (discussion  longue 
et  minutieuse  de  ce  travail  ;  l'art,  est  plutôt  encore  à  vrai  dire  un  tra* 
vail  nouveau  sur  la  question). 

44.  —  PhilologuB.  Bd.  XLl,  Heft  4.  —  G.  F.  Unoer.  La  chronique 
d'Apollodore  (on  admet  généralement  que,  dans  sa  description  de  la 
terre,  Skymnos  de  Chios  a  utilisé  la  chronique  en  vers  d'Apollodore 
d'Athènes  ;  l'auteur  combat  cette  hypothèse  et  montre  que  les  données 
de  Skymnos,  ou  ne  conviennent  pas  exclusivement,  ou  môme  ne  con- 
viennent pas  du  tout  à  Apollodoro  ;  sa  chronique  a  été  composée  entre 
les  années  100  et  60  av.  J.-G.  ;  les  fragments  de  la  chronique  com- 
mencent bien  avant  l'an  1184  av.  J.-G.  et  plusieurs  conduisent  bien 
après  144  av.  J.-G.  Le  chroniqueur  employé  par  Skymnos  fut  vraisem- 
blablement Artemon  de  Glazomène.  Intéressantes  recherches  sur  l'em- 
ploi d'Apollodore  chez  les  historiens  postérieurs).  —  G.  Busolt.  Le 
tribut  payé  par  les  alliés  d'Athènes  de  446-445  à  426-425  (contre  Kœhler 
et  Lœschke  ;  importantes  contributions  à  l'histoire  de  la  politique 
d'Athènes  à  l'égard  de  ses  alliés.  Pendant  et  aussitôt  après  le  soulève- 
ment .des  Samiens,  les  villes  de  la  Ghalcidique  et  Ainos  se  montrèrent 
insoumises  et  refusèrent  de  payer  le  tribut  et  de  fournir  les  contingents 
militaires.  En  conséquence  un  certain  nombre  de  communautés  jusqu'a- 
lors dépendantes  furent  séparées  de  leurs  chefs- lieux  et  le  nombre  des 
membres  de  la  confédération  de  439-438  à  437-436  fut  considérablement 
augmenté,  sans  augmenter  cependant  d'une  manière  notable  le  domaine 
de  la  confédération.  Pour  la  contribution  de  Tannée  439-438,  le  chiffre 
du  tribut  fut  élevé  dans  plusieurs  villes  ;  la  somme  totale  du  tribut  ne 
monta  pourtant  pas  à  600  talents,  mais  à  460,  parce  que  les  augmenta- 
tions durent  couvrir  le  déficit  causé  par  la  défection  des  villes  cariennes 


242  BicmLs  rfuoDiQCEs. 

et  autres.  Platarqne  dit  qu'en  435-434  le  chiffre  da  tribat  fut  très  aug- 
menté ;  mais  il  se  trompe  :  c'est  de  454-453  à  45(M49  que  le  tribat  fat 
le  plas  élevé  de  toute  la  période  qai  s'étend  jusqu'en  425-42 4 1.  — 
F.  GcEBBEs.  Critique  de  quelques  écrivains  de  la  période  impériale  à 
Rome  (interprète  et  commente  le  passage  de  Juvénal,  sat.  IV,  150-154, 
où,  comme  le  montre  Fauteur,  il  n'est  nullement  question  de  la  persé- 
cution dirigée  par  I>omitien  contre  les  chrétiens).  —  A.  Ecssicbb. 
Compte-rendu  des  publications  les  plus  récentes  sur  les  œuvres  de 
Tacite.  —  F.  Blass.  Un  papyrus  grec  à  Vienne  (contient  les  impréca- 
tions d'une  Égyptienne  contre  son  mari  qui  l'avait  abandonnée,  elle  et 
ses  enfants.  Texte  et  commentaire).  —  Boyse:«.  Un  catalogue  des  mss. 
grecs  de  la  bibliothèque  de  Fontainebleau  (intéressant  pour  la  question 
de  l'authenticité  du  Violarium  de  l'impératrice  £udoxie). 

46.  —  Jahrbflcher  fOr  cUssische  PhUolof^e.  Bd.  CXXVH, 
Heft  i.  Leipzig,  1883.  —  F.  Rûhl.  Le  dernier  combat  des  Âchéens 
contre  Nabis  (critique  ingénieuse  des  renseignements  fournis  par 
Polybe,  Pausanias,  Tite-Live  et  Plutarque,  et  de  leurs  rapports  les  uns 
à  l'égard  des  autres.  Contre  Nissen,  l'auteur  admet  que  Pausanias  a 
utilisé  Polybe.  La  guerre  ne  fut  pas  terminée  par  une  retraite  volon- 
taire de  Philopémen,  mais  par  une  trêve,  conclue  par  l'entremise  de 
Flaminius,  jaloux  de  Philopémen).  —  Cauer.  Communications  épigra- 
pbiques  (corrige  et  complète  les  inscr.  pub.  dans  Leipziger  Slttdien,  I, 
319  ;  Revue  archéologique,  VUI,  469  ;  C.  J,  G.,  3046  =  Le  Bas,  Voy. 
arch,,  m,  n<>  85).  =  Compte-rendu  critique  :  Pais.  La  Sardegna  prima 
del  domino  romano  (éloge  du  livre  ;  le  critique  Metzer  y  ajoute  le 
résultat  de  ses  recherches  personnelles  sur  la  domination  des  Carthagi- 
nois en  Sardaigne). 

46.  —  Leipziger  Stndien  zar  clasischen  Pliilologie.  Bd.  V. 

I^ipzig,  1882.  —  MiRSGH.  De  Tcrenti  Varronis  antiquitatum  rerum 
humanarum  libris  XXV  (recherches  sur  le  plan,  la  division,  le  contenu 
des  Antiquitates,  sur  l'emploi  qu'en  ont  fait  les  écrivains  postérieurs. 
Nouvelle  classification  des  fragments,  auxquels  l'auteur  en  ajoute  beau- 
coup de  nouveaux).  —  F.  Violet.  De  l'emploi  des  noms  de  nombre 
dans  les  indications  chronologiques  par  Tacite  (indique  avec  précision 
la  méthode  chronologique  de  Tacite).  —  L.  Lange.  De  pristina  libelli 
de  Ilepublica  Atheniensium  forma  restitucnda  ;  suite  (parle  des  hypo- 
thèses qu'on  a  mises  en  avant  jusqu'ici,  retranche  de  nombreuses 
interpolations,  rétablit  l'ordre  de  l'ouvrage  en  transportant  de  nombreux 
fragments  bouleversés  dans  les  niss.). 

47.  —  Petermajin's  Mittheilungen.  Bd.  XXIX,  Heft  2.  —  C.  Vfm- 
TERnERO.  La  topographie  et  la  condition  sociale  de  l'Attique  contempo- 
raine. =  Fasc.  supplém.  n«  67.  BLUMENTRm.  Essai  sur  l'ethnographie 
des  Philippines  (les  habitations,  la  civilisation,  la  religion,  les  institu- 
tions de  la  famille,  la  situation  politique  dos  races  établies  aux  Philip- 
pines :  Ncgritos,  Malais,  Chinois,  races  blanches  ;  étudie  en  particulier 


RECUEILS  P^aiODIQUBS.  243 

les  découvertes  maritimes  des  Espagnols  aux  Philippines  ;  carte  ethno- 
graphique et  carte  pour  Tintelligcnce  de  l'histoire  des  découvertes). 

48.  —  Mittheilongen  des  deatschen  archœolog.  Institates  in 
Athen.  Jahrg.  VII,  fleft  3.  Athènes,  1882.  —  Weil.  Déhats  pour  les 
frontières  de  la  Messénie  (montre,  d'après  l'examen  de  monnaies  et 
d'inscr.,  qu'après  la  détermination  de  ces  frontières  par  Tibère  en  faveur 
des  Messcniens,  une  autre  eut  lieu  au  second  siècle  après  J.-G.  en 
faveur  des  Lacédémoniens,  à  qui  fut  attribué  le  district  de  Dentheliatis). 

—  LoLLiNQ.  Notes  sur  la  Thessalie  (transcrit  plusieurs  inscr.  funéraires, 
des  actes  d'affranchissement,  etc.,  provenant  des  environs  de  Larisseet 
de  Pharsale).  —  Koehler.  Los  épées  de  Mycènes  (fait  remarquer  que 
ces  épées  sont  de  style  égyptien,  et  en  conclut  que  les  tombeaux  de 
Mycènes  doivent  remonter  à  l'époque  immédiatement  postérieure  au 
rè^ne  de  Ramsès  le  Grand,  soit  vers  la  fin  du  xii*  s.).  —  Mordtmahn. 
Sur  l'épigraphie  de  Gyzique  (communique  une  inscr.  inédite  concernant 
l'érection  d'une  statue  pour  la  prêtresse  Kleidikè).  —  Ranqabé.  L'Erech- 
theion  (nouvelle  hypothèse  sur  l'arrangement  intérieur  de  ce  sanctuaire). 

—  Dœrpfeld.  Contributions  à  la  métrologie  antique  (montre  :  i^  que  le 
pied  attique  et  le  pied  romain  étaient  identiques  et  valaient  0,296  mil- 
lim.  ;  2*  que  la  coudée  orientale  et  la  coudée  égyptienne  mentionnées 
par  Hérodote  n'étaient  pas  identiques  ;  3'  que  le  pied  philétérique  et  le 
pied  ptolémaïque  ne  Tétaient  pas  davantage  ;  4*  que  le  pied  italique  est 
différent  du  pied  gréco-romain  ;  5^  que  les  mesures  de  capacité  et  de 
système  des  poids  reposaient,  dans  la  plupart  de^  États  de  l'antiquité, 
sur  la  mesure  de  longueur).  —  Kcehler.  Le  tribut  de  20  0/0  de  Thra- 
sybule  (communique  une  inscr.  de  l'an  389-8,  qui  renverse  l'opinion  de 
Swoboda,  sur  une  tentative  de  rétablissement  de  Thégémonie  athénienne 
à  cette  époque). 

49.  —  Zeitschrift  fftr  œg^srptische  Sprache  and  Alterthums- 
knnde.  Jahrg.  1882,  Heft  4.  Leipzig,  1883.  —  Lepsius.  La  21<>  dynastie 
selon  Manéthon  (généalogie  de  cette  dynastie  d'après  les  inscr.  Il  semble 
que  cette  21"  dynastie,  établie  à  Tanis,  ait  déjà  été  reconnue  pendant 
les  derniers  temps  où  dura  la  domination  de  la  20«,  au  moins  dans  la 
Basse-Egypte).  —  Erman.  Dix  traités  du  Moyen  empire  (texte,  com- 
mentaire et  traduction  de  la  grande  inscr.  funéraire  de  Siout).  —  Inscr. 
funéraire  de  Wâdi  Gasùs  près  de  Quosér  (texte  et  traduction  de  cette 
inscr.  importante  pour  la  géographie  de  la  contrée). 

60.  —  Zeitschrift  fOr  die  aittestamentliche  "Wissenschaft. 

Jahrg.  1883,  Heft  l.  Giessen.  —  Stade.  Le  texte  du  rapport  sur  les 
constructions  de  Salomon  (cherche  à  rétablir  le  texte  original  de  la 
Bible,  qu'il  donne  à  la  lin  in  exten.«îo).  —  Adler.  Le  jour  de  la  récon- 
ciliation dans  la  Bible;  son  origine  et  sa  signification  (cette  fête  fut 
tout  d'abord  un  jour  de  pardon  pour  l'autel  propitiatoire  qui  était  dans 
la  tente  de  Talliance,  elle  fut  ensuite  étendue  à  l'expiation  pour  tous 
les  péchés  commis  inconsciemment  dans  Israël).  —  Kaufman.n.  Quel  âge 


214  UCOEILS  PEIIODIQUES. 

avait  Saiomon  à  son  avènement  ?  (croit,  d*accord  avec  Isak  Âbranavel, 
qu'il  était  alors  âgé  de  20  ans,  et  non  de  12). 

61.  —  ArchiT  ttkr  kaiholisches  Kirchenreelit.  Nonv.  sériey 
Bd.  XLn,  Heft  4-5.  Mayence,  1882.  —  Erlbb.  Les  persécutions  contre 
les  Juifs  au  moyen  âge  ;  suite  (expose  la  situation  juridique  des  Juifs 
en  Italie  du  v«  au  xvni*  s.,  surtout  dans  l'Italie  méridionale  et  en  Sicile). 
=  Comptes-rendus  :  Wetxer  et  Welte,  Kirchen-Lexicon  (très  bon).  — 
Oehsenbein.  Âus  dem  schweizerischen  Volksleben  des  XV«n  Jahrh. 
(critique  défavorable  de  ce  livre). 

62.  —  Theologische  Stadien  nnd  Kritlken.  Gotha,  Jahrg.  1883, 
Heft  2.  —  Ryssbl.  Une  lettre  de  Georges,  évèque  des  Arabes  (portrait 
de  cet  évèque  monophysite  ;  publie  des  extraits  de  sa  lettre  au  prêtre 
Jeshn'a,  relative  à  des  matières  théologiques  ;  elle  est  très  intéressante 
en  ce  qu'elle  montre  à  quel  degré  de  culture  étaient  arrivés  les  savants 
et  les  prêtres  syriens  au  vin*  s.  ap.  J.-C).  —  Usteri.  L'original  des 
articles  de  Marbourg  en  1529  (on  a  trouvé  à  Zurich  un  duplicata  de  ce 
texte  ;  texte  et  fac-similé.  Explication  sur  les  différences  que  ce  texte 
présente  avec  celui  de  Gassel).  =  Comptes-rendus  :  Evers.  Ânalecta  ad 
fratrum  minorum  historiam  (des  fautes  nombreuses). 

63.  —  Historisch-politische  Blœtter  fflr  das  katolische  Dents- 
chland.  Bd.  XC.  Munich,  1882.  Vittoria  Colonna  (biographie  de  cette 
dame  d'après  le  livre  de  Reumont).  —  Grubb.  Sur  l'auteur  de  l'Imita- 
tion de  Jésus-Christ  (admet  avec  Spitzen  et  Santini  que  c'est  Thomas 
A  Kempis,  et  réfute  les  arguments  favorables  à  Gersen).  —  De  quelques 
points  douteux  sur  l'histoire  de  la  déposition  du  roi  Yenceslas  (\^  montre 
que  le  pape  Boniface  IX  est  resté  étranger  à  cet  acte  ;  2«  que  l'élec- 
teur de  Mayence  Jean  II  n'a  pas  trempé  dans  le  meurtre  du  duc 
de  Brunswick  en  1400).  —  Knoepfler.  Sur  la  question  de  l'inquisition 
(distingue  l'inquisition  d'Église  et  l'inquisition  d'État,  et  tient  pour 
démontrée  l'opinion  de  Hefele,  contrairement  à  celle  de  Rodrigo  et 
d'Orti  y  Lara,  que  l'inquisition  fut  une  institution  d'État).  —  Les  catho- 
liques disséminés  dans  l'Allemagne  du  Nord  (histoire  et  statistique  des 
missions  dans  le  nord  de  l'Allemagne  :  Hambourg,  Brème,  Lubeck, 
Schleswig-Holstein,  Mecklembourg,  Eutin  et  Schaumbourg  Lippe).  — 
Le  dernier  ouvrage  d'O.  Klopp  (très  élogieuse  analyse  de  son  livre  :  Das 
Jahr  1683  und  der  folgende  grosse  Tilrkenkrieg  bis  zum  Frieden  von  Kar- 
lowitz  1699).  —  Bellesheim.  D'  Edw.  Bouverie  Pusey  (sa  biographie; 
ce  n'était  ni  un  hérésiarque  ni  un  réformateur).  =  Comptes-rendus  : 
Janssen.  Friedrich-Leopold  Graf  Von  Stolberg  (bon).  —  Martens.  Die 
rœmische  Frage  unter  Pipin  und  Karl  dem  Grossen  (bon).  —  Sauer. 
Die  œltesten  Lehnsbiicher  der  Herrschaft  Bolanden  (bon).  —  Otto. 
Merkerbuch  der  Stadt  Wiesbaden  (bon).  —  Gramich.  Verfassung  und 
Verwaltung  der  Stadt  Wùrzburg  XIII-XV  Jahrh.  (remarquable).  — 
Cxerny.  Die  geistlichon  Geschîuftszweige  im  Mittelalter  (bon). 

64.  —  Deutsche  Rundschau.  Bd.  XXXIV,  1883,  janv.-mars.  — 


REGUBILS  PéjtlODIQUBS.  215 

R.  Pauli.  Les  visées  de  la  maison  de  Hanovre  à  la  couronne  d'Angle- 
terre en  1711  (raconte  la  mission  confiée  par  la  cour  de  Hanovre  à  Hans 
Gaspar  de  Bothmer,  envoyé  à  Londres  pour  décider  la  reine  Anne  en 
faveur  de  la  ligue  protestante  de  Hanovre,  en  contreminant  les  influences 
cléricales  qui  la  poussaient  à  se  déclarer  pour  son  frère,  le  fils  de 
Jacques  H).  —  Frbnsdorfp.  Reinhold  Pauli  ;  notice  nécrologique.  — 
E.  Du  Bois-Reymond.  Frédéric  II  jugé  par  les  écrivains  anglais.  —  La 
dynastie  allemande  en  Roumanie.  ==  Avril.  Righthofen.  Vie  d'un 
fonctionnaire  prussien  (autobiographie  extraite  d'un  ouvrage  que  l'au- 
teur va  faire  paraître  sur  l'histoire  de  sa  famille  ;  1»  article  racontant 
les  tribulations  d'un  fonctionnaire  prussien  de  1830  à  1850). 

55.  —  Preassische  Jahrbûcher.  Berlin,  1883,  Bd.  LI,  Heft  2.  — 

Von  der  BRûaoEN.  La  situation  agraire  dans  les  provinces  caspiennes 
de  la  Russie  (avec  une  introduction  historique).  —  Jul.  Schmidt.  Max 
Duncker  (met  en  lumière  les  services  qu'il  a  rendus  aux  études  his- 
toriques). 

56.  —  Auf  dep  Hœhe.  Leipzig  et  Vienne,  1883,  févr.  —  R.  Armand. 
Léon  Gambetta  (sa  biographie  et  son  caractère  ;  l'histoire  ne  verra  en 
lui  que  le  patriote,  et  lui  pardonnera  pour  ce  motif  les  fautes  qu'il  a 
commises),  a  Mars.  M.  Brusgh.  L'idée  d'une  paix  perpétuelle  par  rap- 
port à  la  politique  et  au  droit  des  gens  (l'idée  que  la  guerre  est  un  mal 
inévitable,  fondé  dans  la  nature  même  de  l'homme,  est  condamnable  ; 
exposé  minutieux  et  intéressant  des  efforts  tentés  pour  établir  la  paix 
perpétuelle  depuis  l'abbé  de  Saint-Pierre  jusqu'à  nos  jours). 

57.  —  Deutsche  Revne.  1883,  janv.  —  ScmjLTZE-DELrrzscH.  Les 
réunions  des  délégués  allemands  en  1862  et  1863  (expose  les  efforts  faits 
en  1862  et  1863  par  le  peuple  lui-même,  et  en  complète  opposition  avec 
le  gouvernement  prussien,  pour  établir  en  Allemagne  une  unité  natio- 
nale. Publie  des  extraits  des  débats  et  des  résolutions  prises  à  Weimar 
et  à  Francfort-sur-lc-Mein  dans  les  réunions  des  représentants  des 
chambres  impériales  qui  existaient  alors.  On  y  protesta,  non  contre  la 
situation  prépondérante  de  la  Prusse,  mais  contre  tout  projet  tenté  pour 
mettre  cettepuissance  hors  de  l'Allemagne;  leur  but  était  de  faire  de  l'Alle- 
magne une  grande  puissance  sous  l'hégémonie  de  la  Prusse).— J.  Bernayb. 
Empires  et  époques  (d'après  les  papiers  laissés  par  l'auteur.  Le  monde 
a  connu  jusqu'ici  deux  âges  principaux  :  l'époque  grecque,  de  Périclès 
à  Constantin  ;  et  l'époque  française,  de  16i8àl870.  L'époque  allemande 
formera  le  3*  &ge  du  monde).  —  E.  Laspeyres.  Les  universités  alle- 
mandes (leur  développement  et  leur  histoire  au  xix«  s. ,  d'après  des  don- 
nées statistiques  ;  suit«  en  févr.).  =  Févr.  H.  Schulze.  L'Autriche  et 
rAllemagno,  politi(]ucment  séparées,  unies  par  le  droit  des  gens  (déve- 
lop[)cment  historique  des  rapports  de  l'Autriche  avec  l'Allemagne  depuis 
les  premiers  temps  du  moyen  âge.  Le  rôle  de  l'Autriche  est  d'être  l'élé- 
ment civilisateur  et  fécondant  pour  des  peuples  nombreux  et  dispersés 
qui,  sans  cela,  auraient  disparu  dans  un  émiettcment  indéfini,  ou 


216  RECUEILS  PéllODlQOBS. 

auraient  \1§gété  dans  la  barbarie). — U.  Hùffer.  Pièces  tirées  des  papiers 
laissés  par  le  conseiller  de  cabinet  prussien  J.  W.  Lombard  (lettres  très 
intéressantes  envoyées  du  quartier  général  de  Frédéric-Guillanme  II  de 
Prusse  pendant  la  campagne  contre  la  France  en  1792,  avec  introduction, 
commentaire,  et  avec  la  biographie  de  Lombard  ;  fin  en  mars).  —  Kronbs. 
Un  pamphlet  bohémien  contre  le  clergé  utraquiste  des  années  ioSâ- 
1535  (extraits  tirés  d'un  ms.  tchèque  ;  l'auteur  est  vraisemblablement 
un  partisan  des  doctrines  hussites  primitives  que  toucha  la  Réforme). 
=:  Mars.  F.  Dahii.  Sur  l'histoire  des  Français  et  de  leur  littérature 
(1  •  réflexions  sui  les  traits  fondamentaux  du  caractère  des  peuples  romans, 
et  sur  son  reflet  dans  la  littérature  française,  de  Sidoine  Apollinaire 
jusqu'à  nos  jours  ;  2*  parle  avec  éloge  de  l'histoire  de  la  littérature  fran- 
çaise par  Ëngel).  —  G.  comte  oe  Gadorna.  Une  page  de  l'histoire  con- 
temporaine de  l'Italie  (expose  le  développement  politique  de  l'Italie  et 
de  son  unité  depuis  1814  ;  met  en  relief  les  services  rendus  par  la  mai- 
son de  Savoie  ;  raconte  en  détail  les  événements  politiques  qui  suivirent 
la  bataille  de  Novarre  en  1849,  et  auxquels  l'auteur  prit  une  grande 
part  en  qualité  de  ministre  piémontais;. 

58.  —  Nord  and  Sud.  Breslau,  1883,  janv.  —  Sgherr.  Le  meurtre 
d'un  tsar  (récit  détaillé  du  meurtre  d'Ivan  VI  en  4764  ;  ses  motifs,  tirés 
de  la  situation  intérieure  de  la  Russie  ;  la  culpabilité  de  Catherine  IL, 
sans  être  démontrée,  est  très  vraisemblable).  =  Mars.  G.  Winter.  La 
catastrophe  de  Wallenstein  (le  nœud  de  la  destinée  de  Wallenstein  se 
trouve  bien  plutôt  dans  la  marche  des  événements  politiques  eux-mêmes, 
et  dans  la  situation  contre  nature  où  il  se  trouvait  à  l'égard  de  l'empe- 
reur, que  dans  les  intentions  personnelles  de  ceux  qui  entrèrent  dans  le 
complot.  I>a  catastrophe  se  produisit  nécessairement  dès  qu'une  pro- 
fonde divergence  d'opinion  éclata  entre  Wallenstein  et  Ferdinand  II. 
Wallenstein  fut  écarté  sans  qu'il  l'eût  mérité  par  aucun  fait  nettement 
caracU'îrisé  ;  sa  mort  fut  résolue  avant  môme  qu'il  eût  sérieusement 
songé  à  s'allier  avec  les  Suédois). 

59.  —  K.  Preassische  Akademie  der  'Wissenschaften.  Sitzungs- 
iKîrichte.  1883,  n*  1.  —  0.  Puchstein.  Rapport  sur  un  voyage  dans  le 
Kourdistan  (contient  de  nombreuses  indications  sur  les  découvertes  de 
ruines,  sculptures  et  inscr.  antiques;  signale  l'importance  toute  parti- 
culière d'un  monument  trouvé  près  de  Bibol  sur  l'Euphrate,  et  que  fit 
construire  le  roi  Antiochos  de  Commagènc,  G9-34  av.  J.-G.  ;  publie  les 
très  instructives  inscr.  de  ce  monument).  =  N'  4.  E.  du  Bois-Reymond. 
Discours  d'apparat  pour  la  fête  anniversaire  de  la  naissance  de  Frédé- 
ric II  de  Prusse  (expose  eu  détail  les  vicissitudes  des  rapports  entre  la 
Prusse  et  l'Angleterre  sous  Frédéric  II,  les  sympathies  et  les  antipathies 
dont  sa  personne  a  été  l'objet  de  la  part  de  la  nation  anglaise,  depuis 
la  guerre  de  H(>pt  ans  jusqu'à  nos  jours;  traite  surtout  ici  de  Garlyle). 
—  N*  5.  G.  Waitz.  Les  Annales  Berliniani  (pour  remplacer  l'édition 
insuffisante  qui  se  trouve  au  t.  I  dos  Mon.  Germ,  hist.,  on  prépare  une 


RBCUBILS  PERIODIQUES.  217 

édition  inS^  de  ces  Annales,  pour  laquelle  Heller  a  récemment  colla- 
tionné  le  ms.  de  la  bibl.  de  Saint-Omer  n*  706.  Détails  sur  les  particu- 
larités, les  fautes  et  les  lacunes  du  ms.  Pour  l'établissement  d'un  texte 
correct,  sont  encore  entrées  en  ligne  de  compte  des  chroniques  posté- 
rieures qui  procèdent  des  Annales,  puis,  pour  certains  documents  admis 
par  Hincmar  dans  ses  Annales,  une  rédaction  indépendante  de  ces  docu- 
ments, qui  se  trouve  dans  un  des  mss.  parisiens,  B.  N.  n*  4761,  passés 
depuis  dans  la  bibl.  de  lord  Ashburnham). 

60.  —  Zeitschrift  fUr  preassische  Oeschichte  nnd  Landes- 
kande.  Jahrg.  XIX,  n«>»  11-12.  Berlin,  1882.  —  G.  Wintkr.  Les  Etate 
de  la  Marche  brandebourgeoise  à  Tépoque  de  leur  plus  complet  épanouis- 
sement, 1540-1550  (décrit  la  vive  opposition  faite  par  ces  Etats  aux 
demandes  d'argent  de  l'électeur  Joachim  U,  et  les  différends  qui  s'éle- 
vèrent entre  les  prélats  et  les  seigneurs,  d'une  part,  les  villes,  de  l'autre, 
sur  la  quotité  de  l'impôt  afférente  à  chacun  d'eux  ;  l'électeur  finit  par 
établir  un  comité  permanent  formé  de  quatre  délégués  de  chaque 
Kreistag,  et  chargé  de  l'assister  dans  l'administration  ;  publie  le  texte 
ou  l'analyse  de  68  pièces  pour  la  plupart  inédites).  —  G.  Sello.  L'irrup- 
tion des  Hussites  dans  la  Marche  de  Brandebourg  (critique  acérée  des 
récits  qui,  jusqu'ici,  ont  parlé  de  triomphes  remportés  par  le  Brande- 
bourg sur  les  Hussites,  et  qui  n'ont  jamais  existé;  montre  comment  les 
historiens  se  sont  trompés  les  uns  les  autres  pour  fausser  l'état  réel  des 
faits  ;  recherche  les  traces  des  sympathies  que  le  hussitisme  a  trouvées 
en  Brandebourg;  raconte  en  détail  la  campagne  entreprise  par  les 
Hussites  en  1432;  une  grande  défaite  qu'ils  auraient  subie  le  23  avril 
1432  près  de  Bernau  n'a  pas  eu  lieu). 

61.  —  Franconia.  Bd.  I,  Rothenburg,  1882;  n»  1.  —G.  R.  Histoire 
de  la  ville  de  Gunzenhausen  sur  rAltmùhl,  750-1743.  -»  N»»  2-3. 
L.  Zapp.  Goup  d'œil  etnographique  dans  et  près  le  Fichtelgebirge  (dis- 
tingue les  éléments  bavarois  et  franconiens  de  la  population).  =:  N<*  5-9. 
Le  comte  Rudolf  de  Stillfried  ;  art.  nécrol.  —  Ghrist.  Les  retranche- 
ments romains  dans  l'Odenwald  sur  la  frontière  de  Tempire  (rapport 
sur  un  voyage  d'exploration  accompli  pour  rechercher  la  direction  et 
l'extension  du  Limes  romanus;  donne  une  liste  très  détaillée  des  noms 
de  lieu  où  l'un  voit  des  traces  de  monuments  romains).  — Z.  La  justice 
de  l'abbaye  de  Bildhausen  (sur  les  conflits  de  compétence  entre  l'abbaye 
et  les  tribunaux  wurzbourgeois  de  1588-1677).  —  Bossert.  Sources  iné- 
dites sur  l'histoire  de  la  réforme  à  Rothenburg  sur  la  Tauber  (trouvées 
aux  archives  du  cercle  de  Nuremberg).  —  Plachmann.  Histoire  de  la  ville 
de  Marktbreitet  de  son  conseil  municipal,  1182-1806.  —  Le  règlement 
militaire  de  Rothenburg  en  1411. 

62.  —  Archiy  fûr  Gtoschichte  and  Alterthamskniide  von  Ober- 
franken.  Bd.  XV,  Heft  1.  Bayreuth,  1881.  —  Will.  Description  et  his- 
toire du  Fichtelgebirge  (publie  un  ouvrage  composé  en  1692,  et  resté 
jusqu'ici  inédit  :  t  Das  Teutsche  Paradeiss  im  dem  Vortrefilichen  Fich- 


208  RECUEILS  PERIODIQUES. 

Conrad  Geltis,  c  le  prince  des  humanistes  allemands  t  ;  suite  et  fin  (ses 
opinions  politiques,  religieuses,  sociales  ;  Tidée  qu'il  se  fait  du  monde 
et  de  la  nature,  ses  rêves  sur  la  société  et  Tâge  d'or).  —  Sattler.  Orga- 
nisation de  Tordre  tcutonique  en  Prusse  à  Pépoquc  de  sa  splendeur 
(d'après  les  travaux  récents).  —  Kerler.  Archives  italiennes;  notes  de 
voyage  (relativement  au  séjour  de  l'empereur  Sigismond  en  Italie  en 
1431-1433,  et  aux  négociations  qui  lui  permirent  enfin  de  se  faire  cou- 
ronner à  Rome  le  31  mai  1433.  Quelques  pages  seulement).  —  Lehhann. 
Le  centre  et  les  journaux  politiques  (réponse  à  certaines  imputations  de 
députés  du  centre  à.la  chambre  des  députés  prussienne  qui  accusèrent 
M.  Lehmann  d'avoir  systématiquement  écarté  de  son  ouvrage  :  Preussen 
und  die  katholische  Kirche  seit  1640,  toutes  les  pièces  contenant  les  griefs 
des  catholiques  prussiens).  =:  Bibliographie.  Schliemann.  Bericht  ûber 
meine  Ausgrabungen  im  bœotischen  Orchomenos  (analyse  du  livre).  — 
Jung,  Die  romanischen  Landschaften  des  rœmischen  Reiches  (plus 
d'érudition  que  de  méthode  et  de  critique,  style  négligé  ou  incorrect). 

—  SeydeL  Das  Evangelium  von  Jesu  in  seinen  Verhœltnissen  zur  Bud- 
dha-Sage  und  Buddha-Lehre  (signale  de  curieux  rapprochements  entre 
le  bouddhisme  et  le  christianisme  primitif,  sans  d'ailleurs  apprendre 
rien  de  nouveau).  —  Harnach,  Das  Mœnchthum,  seine  Idéale  und  seine 
Geschichte  (dissertation  intéressante  et  spirituelle).  —  Schultze.  Die 
Katacomben  (bon  résumé  des  travaux  sur  l'histoire  des  catacombes).  — 
Zimmermann.  Die  kirchlichen  VerfassungskaBmpfe  im  XV  Jahrhundert 
(simple  esquisse,  qui  n'apprend  rien  de  nouveau).  —  Kolde.  Friedrich 
der  Weise  und  die  Anfœnge  der  Reformation  (le  caractère  de  l'électeur 
de  Saxe  est  très  bien  étudié  ;  l'auteur  montre  qu'il  resta  toujours  «  un 
bon  fils  de  l'Église  romaine  »).  — Zmedineck-Stidenhorst.  Venetianische 
Gesandtschaftsberichte  iiber  die  bœmische  Rébellion  (important  ;  cepen- 
dant il  ne  faudrait  pas  accorder  à  ces  rapports  une  autorité  exagérée  ; 
ils  sont  bien  souvent  dans  l'erreur).  —  Tadra.  Die  Kaiserwahl  1619 
(met  en  lumière  le  rôle  de  la  Saxe  dans  cette  élection).  —  IJooft  van 
Iddekinge.  Friesland  en  de  Friezen  in  de  middeleeuwen  (étudie  3  points 
principaux  :  l'  de  l'époque  où  furent  rédigées  les  t  17  keures  »  de  la 
Frise  ;  l'auteur  la  place  sous  le  règne  d'Otton  III,  983-996  ;  2*  des  pays 
où  les  leges  Upstalsbomicae  du  18  sept.  1323  furent  mises  en  vigueur  ;  elles 
ne  furent  pas  confinées  dans  la  Frise,  mais  furent  appliquées  aussi  dans 
la  Frise  orientale,  et  jusqu'au  Weser  ;  3*  des  plus  anciens  maîtres  des 
monnaies  en  Frise.  La  numismatique  a  fourni  à  l'auteur  un  grand 
nombre  de  faits  nouveaux).  —  Analyse  des  publications  de  la  Gesellschafl 
fur  bildende  Kunst  und  Vaterlœnd.  AUerthUmer  zu  Emden,  des  sociétés 
historiques  du  Rhin  inférieur  et  de  la  Westphalie  en  1879-1881  de 
VIJistor.  Verein  fur  Dortmund  und  die  Grafschaft  Mark  (très  long  compte- 
rendu  des  documents  publies  sur  l'histoire  de  Dortmund).  —  Von  JJock. 
Der  œsterreichische  Staatsrath  1760-1848  (important  pour  l'histoire 
administrative,  surtout  à  l'époque  de  Marie-Thérèse  et  de  Joseph  II). 

—  Egger.  Geschichte  Tirols  von  den  aîltesten  Zeiten  bis  in  die  Neuzeit 


RECUEILS  P1ÎRI0DIQUE8.  209 

(excellente  monographie).  —  Jxger,  Geschichte  der  landstaendischen 
Verfassung  Tirols  (bon).  —  Schlesinger.  Deutsche  Ghroniken  ans  Bœh- 
men,  II  :  Simon  Hùttors  Chronik  der  Stadt  Trautenaii,  1484-1601 
(bonne  édition).  —  Tlialy.  Die  Jugend  des  Fùrsten  Fr.  Rakoczi  (comme 
tous  les  autres  travaux  du  même  auteur  sur  l'époque  des  Rakoczi,  ce 
volume  témoigne  d'une  connaissance  approfondie  des  sources,  d'un 
grand  enthousiasme  pour  son  héros,  et  en  même  temps  d*une  certaine 
inexpérience  critique).  —  Salzer.  Der  kœnigl.  freie  Markt  Birthoîlm  in 
Siebenbûrgen  (c'est  trop  do  consacrer  50  feuilles  d'impression  à  ThiB- 
toire  d'une  petite  localité  de  la  Saxe  transylvanienne  ;  recherches  très 
étendues  ;  des  erreurs  nombreuses).  —  Galendar  of  state  papers  : 
Domestic  séries,  of  the  reign  of  Charles  I,  1640  ;  éd.  by  Hamilton.  Id. 
1654-1655,  edited  by  M.  A.  Green  (très  instructif).  —  Frassi,  Il  governo 
feudale  degli  abbati  del  monastère  di  S.  Âmbrogio  maggiore  di  Milano, 
nella  terra  di  Givenna  in  Valassina  (fait  trop  vite  et  avec  peu  de  cri- 
tique). —  Hartwig,  Quellen  und  Forschungon  zur  aeltesten  Geschichte 
der  Stadt  Florenz,  II  (analyse  et  critique  minutieuse  de  cette  publica- 
tion, c  une  des  plus  importantes  de  ces  derniers  temps  t).  —  P,  de 
hagarde.  Johannis  Ëuchaitorum  metropolitae,  quae  in  codice  Vaticano 
graeco  67G  supersunt  (publication  intéressante  sur  un  homme  qui  a 
joué  un  rôle  important  dans  l'histoire  politique  et  religieuse  de  l'empire 
byzantin  au  xi<»s.).  —  H.  von  Prittwitx  et  Gaffron.  Verzeichniss  gedrukter 
Familiengeschichten  Deutschlands  und  der  angrenzendenLaender  (biblio- 
graphie à  laquelle  il  manque  deux  qualités  indispensables,  d'être  claire 
et  d'être  complète).  — Ariovistvon  Fûrlh.  Beitraege  und  Material  zur  Ge- 
schichte der  Aachener  Patrizierfamilien,  II  (bon).  —  //.  von  Leitow.  Bei- 
trœge  zur  Geschichte  des  Geschlechtes  von  Lettow-Vorbeck  (bon). 

41.  —  Historisches  Jahrbuch.  Bd.  IV,  Heft  1.  Munich,  1883.  — 
FuNK.  Sur  l'histoire  ecclésiastique  de  la  Bretagne  ancienne  (Ebrard 
avait  prétendu  que  cette  église  avait  un  caractère  strictement  évangé- 
lique,  (]ue  la  Bible  y  était  la  seule  source  de  la  foi,  qu'enfin  il  n'y  avait 
pas  de  loi  ordonnant  le  célibat  des  prêtres.  L'auteur  réfute  Ebrard  point 
par  point  ;  il  montre  que  les  chrétiens  de  la  Grande-Bretagne  avaient 
reconnu  le  primat  romain  et  qu'ils  ne  s'étaient  éloignés  en  rien  des  dogmes 
de  l'Église  catholique).  —  Gbauert.  La  donation  de  Gonstantin  ;  suite 
(recherches  sur  la  forme  et  le  contenu  de  l'acte  de  donation ,  ainsi  que 
sur  ses  sources.  L'autour  pense  que,  par  cette  masse  de  territoires  que 
le  diplôme  de  Gonstantin  transmet  au  saint-siège,  il  faut  entendre  l'em- 
pire romain  d'Occident  tout  entier;  il  montre  que  le  diplôme,  falsifié, 
a  été  rédigé  sur  des  documents  vrais  de  l'époque  impériale,  (ju'en  partie 
même  il  renvoie  à  des  documents  du  vui*  et  du  ix«  s.  ;  quant  aux  faits 
Tju'il  contient,  la  source  principale  doit  en  être  cherchée  dans  la  légende 
ecclésiastique).  —  F.  R.  von  Krones.  Des  ouvrages  relatifs  à  l'histoire 
de  F'rançois  Rakoczi  II,  parus  de  1872  à  1882  ;  suite  (raconte  en  même 
temps  certains  épisodes  de  la  vie  de  Rakoczi  ;  parle  surtout  de  ses  rap- 
ports avec  la  Pologne,  la  Suède,  la  Prusse  et  la  Russie  pendant  la 

ReV.    HiSTOR.    XXII.    l»"-   FASG.  14 


24  0  RBGUBILS  PERIODIQUES. 

guerre  du  Nord).  =  Comptes-rendus  :  Escher,  Die  Glaubensparteien  in 
der  Eidgenossenschaft  1527-31  (partial,  mais  méritoire).  —  Dittrich. 
Regesten  und  Briefe  des  Gardinals  Gontarini  (très  bon  ;  de  nombreuses 
rectifications  et  additions).  —  Maniels.  Beitraege  zur  Liibisch-hansischen 
Geschichte  (important). 

42.  —  Neaes  Archiv.  Bd.  VIII,  Heft  2.  —  Jul.  von  Pfluqk- 
Harttunq.  1*  Les  registres  de  Grégoire  VIE  (il  a  existé  un  autre  registre 
de  Grégoire  VII  que  celui  qui  nous  a  été  conservé  ;  la  preuve  s'en  trouve 
dans  le  recueil  des  canons  de  Deusdedit,  contenu  dans  le  ms.  Vat.  3833, 
du  xij*  s.,  et  publié  en  1866  par  Martinucci.  Analyse  ce  ms.).  2"  Bulles 
pontificales  à  Karlsruhe  antérieures  à  l'année  1198  (après  Munich  et  à 
côté  de  Cologne,  c'est  Karlsruhe  qui  possède  dans  ses  archives  le  plus 
grand  nombre  de  ces  documents.  Ils  ont  d'ailleurs  été  presque  tous 
publiés.  Liste  des  documents  et  références).  —  Th.  Ltndner.  Additions 
aux  regestes  de  Charles  IV  (analyse  et  extraits  de  216  pièces  provenant 
de  diverses  archives,  surtout  de  Berlin  et  de  Coblentz).  — Wattenbach. 
Notice  sur  3  mss.  d'Eisleben  (l»  c  Liber  iste  est  fratrum  Garthusiensium 
prope  Erffordiam  t  ;  il  contient  de  nombreux  écrits  de  Nicolas  de  Cusa 
et  autres.  2*  c  Liber  beatorum  Pétri  et  Pauli  apostolorum  in  Erffordia  >; 
contient  divers  traités  juridiques,  des  notes  historiques,  etc.  Z**  Très 
brèves  notes  sur  des  empereurs  du  xui«  et  du  xrv"  s.  et  sur  des  rois  de 
Bohême  et  de  Pologne  du  xiv*  et  du  xv*  s.,  etc.).  —  Nûrnberqer.  Com- 
ment nous  sont  parvenus  les  mss.  des  œuvres  de  saint  Boniface.  — 
Wattenbagh.  Les  mss.  de  la  collection  Hamilton  (notes  sommaires  sur 
ceux  de  ces  mss.  qui  intéressent  l'histoire  et  la  paléographie  du  moyen 
fige  ;  les  numéros  correspondent  à  ceux  du  catalogue  de  la  vente.  Note 
détaillée  sur  un  Recueil  de8ix)nciles  du  vin*  ou  du  ix*  s.  n*  132,  et  sur 
le  n*  251,  qui  est  un  splendide  ms.  des  évangiles  écrit  en  lettres  d'or 
sur  parchemin  teint  en  pourpre).  —  Mommsen.  Les  gardes  du  corps 
germains  des  empereurs  romains.  —  Id.  Jamblique  cité  par  Jordanès. 
—  Id.  Une  pièce  du  butin  des  Vandales  en  Italie  (dans  un  village 
■  près  de  Fonzaso,  et  non  loin  de  Feltre,  on  trouva  divers  objets  en 
argent,  l'un  d'eux  avec  Tinscr.  :  c  Geilamir  Vandalorum  et  Alanho- 
rum  rex  ».  C'est  certainement  une  pièce  du  trésor  des  rois  vandales 
apportée  en  Italie  par  Bélisaire).  —  P.  Ewald.  1«  Du  mot  de  bar- 
bare dans  le  Sermo  de  informatione  episcoporum  (ne  signifie  pas  autre 
chose  que  guerrier).  2^  La  prière  aux  abeilles  dans  le  ms.  de  Saint- 
Gall,  n*  190  (texte).  3*  Notes  de  paléographie  espagnole.  4*  Trois 
lettres  de  papes  ii^édites  (de  Grégoire  I*»*,  de  Léon  II  et  de  Syl- 
vestre II).  —  R.  Kade.  Description  d'un  recueil  de  légendes  (d'après  un 
ms.  latin  du  xv«  s.).  —  Kindsgher.  Un  diplôme  original  de  Henri  U, 
22  mars  1003.  —  Wattenbach.  Mélanges  (textes  concernant  les  reliques 
de  Gand).  —  Pannenborq.  Sur  Emo  et  Menko.  —  0.  Hartwio.  Notes 
sur  divers  mss.  (1«  sur  un  ms.  perdu  de  Hugo  Falcandus,  Historia  de 
rébus  gestis  in  Siciliae  regno  ;  2*»  sur  un  ms.  du  xvi«  s.  d'une  Viia  Hen* 
rici  J  imperatoris).  —  Will.  Sifridus  t  Byrnensis  »  prepositus,  et  non 


RECUEILS   P1ÎRI0DIQUE8.  2\4 

c  Bunnensis  t  ou  «  Bingensis  o.  —  Simonsfeld.  Rapports  de  Tolomeo 
de  Lucques  avec  les  anciennes  chroniques  florentines.  —  Holdbr-ëqqbb. 
Nouveaux  mss.  du  British  Muséum,  d'après  le  Gâtai.  Addit.  de  1876-81. 

43.  —  Grœttingische  gelehrte  Anzeigen.  1883.  N*«  7-8.  —  WArrz. 

Deutsche  Verfassungsgeschichte,  Bd.  II  et  III,  1*  H.  (annonce  par  l'au- 
teur lui-môme). —  Monumenta  Germanise  historica,  t.  XXVI  (ce  volume 
est  composé  d'extraits  de  chroniqueurs  français  du  xiii«  s.,  pour  les  par- 
ties relatives  à  l'histoire  d'Allemagne.  L'article  est  de  M.  Waitz.  Le 
prochain  volume  se  composera  d'extraits  de  chroniqueurs  anglais).  = 
N»»  8,  9-10.  Leroux.  Recherches  critiques  sur  les  relations  politiques  de 
la  France  avec  l'Allemagne  de  1292  à  1378  (l'auteur  a  rassemblé  beau- 
coup de  matériaux  ;  au  lieu  de  n'étudier  que  des  points  particuliers  de 
l'histoire  des  relations  entre  l'Allemagne  et  la  France,  il  a  traité  d'en- 
semble l'histoire  de  ces  relations  pendant  un  siècle  ;  il  est  d'autant  plus 
.regrettable  qu'il  n'ait  pas  apporté  plus  de  critique,  de  soin,  et  môme  de 
connaissances  ;  le  critique  discute  plusieurs  points  de  détails  du  cha- 
pitre sur  Philippe  le  Bel  et  Adolphe  de  Nassau).  =  N»»  11-12.  Dœbner, 
Urkundenbuch  der  Stadt  Hildesheim  (contient  965  numéros,  dont  plus 
de  500  pièces  inédites,  commençant  à  la  tin  du  xii«  s.  ;  publication  très 
soignée).  =  N»*  13-14.  Delpech.  La  bataille  de  Muret  (discussion  longue 
et  minutieuse  de  ce  travail  ;  l'art,  est  plutôt  encore  à  vrai  dire  on  tra- 
vail nouveau  sur  la  question). 

44.  —  Philologus.  Bd.  XLI,  Heft  4.  —  G.  F.  Ungbr.  La  chronique 
d'Apollodore  (on  admet  généralement  que,  dans  sa  description  de  la 
terre,  Skymnos  de  Ghios  a  utilisé  la  chronique  en  vers  d'Apollodore 
d'Athènes  ;  l'auteur  combat  cette  hypothèse  et  montre  que  les  données 
de  Skymnos,  ou  ne  conviennent  pas  exclusivement,  ou  môme  ne  con- 
viennent pas  du  tout  à  Apollodore  ;  sa  chronique  a  été  composée  entre 
les  années  100  et  60  av.  J.-G.  ;  les  fragments  de  la  chronique  com- 
mencent bien  avant  l'an  1184  av.  J.-G.  et  plusieurs  conduisent  bien 
après  144  av.  J.-G.  Le  chroniqueur  employé  par  Skymnos  fut  vraisem- 
blablement Artcmon  de  Glazomène.  Intéressantes  recherches  sur  l'em- 
ploi d'Apollodore  chez  les  historiens  postérieurs).  —  G.  Busolt.  Le 
tribut  payé  par  les  alliés  d'Athènes  de  446-445  à  426-425  (contre  Kœhler 
et  Lœschke  ;  importantes  contributions  à  l'histoire  de  la  politique 
d'Athènes  à  l'égard  de  ses  alliés.  Pendant  et  aussitôt  après  le  soulève- 
ment «des  Samicns,  les  villes  de  la  Ghalcidique  et  Ainos  se  montrèrent 
insoumises  et  refusèrent  de  payer  le  tribut  et  de  fournir  les  contingents 
militaires.  En  conséquence  un  certain  nombre  de  communautés  jusqu'a- 
lors dépendantes  furent  séparées  de  leurs  chefs- lieux  et  le  nombre  des 
membres  de  la  confédération  de  439-438  à  437-436  fut  considérablement 
augmenté,  sans  augmenter  cependant  d'une  manière  notable  le  domaine 
de  la  confédération.  Pour  la  contribution  de  l'année  439-438,  le  chififre 
du  tribut  fut  élevé  dans  plusieurs  villes  ;  la  somme  totale  du  tribut  ne 
monta  pourtant  pas  à  600  talents,  mais  à  460,  parce  que  les  augmenta- 
tions durent  couvrir  le  déficit  causé  par  la  défection  des  villes  cariennes 


242  IBCUEILS  PiuODIQUES. 

et  autres.  Plutarque  dit  qu'en  435-434  le  chiffre  du  tribut  fut  très  aug- 
menté ;  mais  il  se  trompe  :  c'est  de  454-453  à  450-449  que  le  tribut  fut 
le  plus  élevé  de  toute  la  période  qui  s*étend  jusqu'en  425-424).  — 
F.  Gœrres.  Critique  de  quelques  écrivains  de  la  période  impériale  à 
Rome  (interprète  et  commente  le  passage  de  Ju vénal,  sat.  IV,  150-154, 
où,  comme  le  montre  l'auteur,  il  n'est  nullement  question  de  la  persé- 
cution dirigée  par  Donatien  contre  les  chrétiens).  —  Â.  Eossnbe. 
CSompte-rendu  des  publications  les  plus  récentes  sur  les  œuvres  de 
Tacite.  —  F.  Blass.  Un  papyrus  grec  à  Vienne  (contient  les  impréca- 
tions d'une  Égyptienne  contre  son  mari  qui  l'avait  abandonnée,  elle  et 
ses  enfants.  Texte  et  commentaire).  —  Boysen.  Un  catalogue  des  mss. 
grecs  de  la  bibliothèque  de  Fontainebleau  (intéressant  pour  la  question 
de  l'authenticité  du  Violarium  de  l'impératrice  Ëudoxie). 

45.  —  Jahrbûcher  flir  classische  Philologie.  Bd.  GXXVII, 
Heft  1.  LfCipzig,  1883.  —  F.  Rûhl.  Le  dernier  combat  des  Achéens 
contre  Nal)is  (critique  ingénieuse  des  renseignements  fournis  par 
Polybe,  Pausanias,  Tite-Live  et  Plutarque,  et  de  leurs  rapports  les  uns 
à  l'égard  des  autres.  Contre  Nissen,  l'auteur  admet  que  Pausanias  a 
utilisé  Polybe.  La  guerre  ne.  fut  pas  terminée  par  une  retraite  volon- 
taire de  Philopémen,  mais  par  une  trêve,  conclue  par  l'entremise  de 
FlaminiuB,  jaloux  de  Philopémen).  —  Cauer.  Communications  épigra- 
pbiques  (corrige  et  complète  les  inscr.  pub.  dans  Leipziger  Sludien,  I, 
319  ;  Revue  archéologique,  VUI,  469  ;  C.  J,  G.,  3046  =  Le  Bas,  Voy. 
arch.,  III,  n»  85).  =  Compte-rendu  critique  :  Pais.  La  Sardegna  prima 
del  domino  romano  (éloge  du  livre  ;  le  critique  Metzer  y  ajoute  le 
résultat  de  ses  recherches  personnelles  sur  la  domination  des  Carthagi- 
nois en  Sardaigne). 

46.  —  Leipziger  Stadien  zur  clasischen  Philologie.  Bd.  V. 

Leipzig,  1882.  —  Mirsch.  De  Terenti  Varronis  antiquitatum  rerum 
humanarum  libris  XXV  (recherches  sur  le  plan,  la  division,  le  contenu 
des  Ântiquitates,  sur  l'emploi  qu'en  ont  fait  les  écrivains  postérieurs. 
Nouvelle  classification  des  fragments,  auxquels  l'auteur  en  ajoute  beau- 
coup de  nouveaux).  —  F.  Violet.  De  l'emploi  des  noms  de  nombre 
dans  les  indications  chronologiques  par  Tacite  (indique  avec  précision 
la  méthode  chronologique  de  Tacite).  —  L.  Lanqe.  De  pristina  libelli 
de  Republica  Atheniensium  forma  restituenda  ;  suite  (parle  des  hypo- 
thèses qu'on  a  mises  en  avant  jusqu'ici,  retranche  de  nombreuses 
interpolations,  rétablit  l'ordre  de  l'ouvrage  en  transportant  de  nombreux 
fragments  bouleversés  dans  les  mss.). 

47.  —  Petermann's  Mittheilongen.  Bd.  XXIX,  Heft  2.  —  C.  Win- 
TERBERQ.  La  topographic  et  la  condition  sociale  de  l'Attique  contempo- 
raine. =  Fasc.  supplém.  n»  67.  Bldmentritt.  Essai  sur  l'ethnographie 
des  Philippines  (les  habitations,  la  civilisation,  la  religion,  les  institu- 
tions de  la  famille,  la  situation  politique  des  races  établies  aux  Philip- 
pines :  Negritos,  Malais,  Chinois,  races  blanches  ;  étudie  en  particulier 


RECUEILS   PERIODIQUES.  213 

les  découvertes  maritimes  des  Espagnols  aux  Philippines  ;  carte  ethno- 
graphique et  carte  pour  Tintelligence  de  l'histoire  des  découvertes). 

48.  —  Mittheilnngen  des  deutschen  archœolog.  Institates  in 
Athen.  Jahrg.  VII,  Heft  3.  Athènes,  1882.  —  Weil.  Débats  pour  les 
frontières  de  la  Messénie  (montre,  d'après  Fexamon  de  monnaies  et 
d'inscr.,  qu*après  la  détermination  de  ces  frontières  par  Tibère  en  faveur 
des  Messéniens,  une  autre  eut  lieu  au  second  siècle  après  J.-G.  en 
faveur  des  Lacédémoniens,  à  qui  fut  attribué  le  district  de  Dentheliatis). 

—  LoLLiNO.  Notes  sur  la  Thessalie  (transcrit  plusieurs  inscr.  funéraires, 
des  actes  d'afifranchissement,  etc.,  provenant  des  environs  de  Larisseet 
de  Pharsale).  —  Koehler.  Los  épées  de  Mycènes  (fait  remarquer  que 
ces  épées  sont  de  style  égyptien,  et  en  conclut  que  les  tombeaux  de 
Mycènes  doivent  remonter  à  l'époque  immédiatement  postérieure  au 
règne  de  Ramsès  le  Grand,  soit  vers  la  fin  du  xii*  s.).  —  Mordtmann. 
Sur  l'épigraphie  de  Gyziquo  (communique  une  inscr.  inédite  concernant 
rérection  d'une  statue  pour  la  prêtresse  Kleidikè).  —  Ranoadé.  L'Erech- 
theion  (nouvelle  hypothèse  sur  l'arrangement  intérieur  de  ce  sanctuaire). 

—  Dœrpfeld.  Gontributions  à  la  métrologie  antique  (montre  :  \^  que  le 
pied  attique  et  le  pied  romain  étaient  identiques  et  valaient  0,296  mil- 
lim.  ;  2*  que  la  coudée  orientale  et  la  coudée  égyptienne  mentionnées 
par  Hérodote  n'étaient  pas  identiques  ;  3"  que  le  pied  philétérique  et  le 
pied  ptolémaïque  ne  Tétaient  pas  davantage  ;  A*  que  le  pied  italique  est 
différent  du  pied  gréco-romain  ;  5®  que  les  mesures  de  capacité  et  de 
système  des  poids  reposaient,  dans  la  plupart  des  États  de  l'antiquité, 
sur  la  mesure  de  longueur).  —  Kœhler.  Le  tribut  de  20  0/0  de  Thra^ 
sybule  (communique  une  inscr.  de  l'an  389-8,  qui  renverse  l'opinion  de 
Swoboda,  sur  une  tentative  de  rétablissement  de  Thégémonie  athénienne 
à  cette  époque). 

49.  —  Zeitschrlft  fUr  œgyptische  Sprache  and  Alterthoms- 
kunde.  Jahrg.  1882,  Heft  4.  Leipzig,  1883.  —  Lepsius.  La  21«  dynastie 
selon  Manéthon  (généalogie  de  cette  dynastie  d'après  les  inscr.  Il  semble 
que  cette  21<>  dynastie,  établie  à  Tanis,  ait  déjà  été  reconnue  pendant 
les  derniers  temps  où  dura  la  domination  de  la  20«,  au  moins  dans  la 
Basse- Egypte).  —  Erman.  Di.v  traités  du  Moyen  empire  (texte,  com- 
mentaire et  traduction  de  la  grande  inscr.  funéraire  de  Siout).  —  Inscr. 
funéraire  de  Wàdi  Gasùs  près  de  Quosér  (texte  et  traduction  de  cette 
inscr.  importante  pour  la  géographie  de  la  contrée). 

60.  —  Zeitschrift   fur   die  alttestamentliche  "Wissenschaft. 

Jahrg.  1883,  Heft  l.  Giossen.  —  Stade.  Le  texte  du  rapport  sur  les 
constructions  de  Salomon  (cherche  à  rétablir  le  texte  original  de  la 
Bible,  qu'il  donne  à  la  fin  in  extenso).  —  Adler.  Le  jour  de  la  récon- 
ciliation dans  la  Bible;  son  origine  et  sa  signification  (cette  fête  fut 
tout  d'abord  un  jour  de  pardon  pour  l'autel  propitiatoire  qui  était  dans 
la  tente  de  Talliance,  elle  fut  ensuite  étendue  à  l'expiation  pour  tous 
les  péchés  commis  inconsciemment  dans  Israël).  —  Kaufmann.  Quel  âge 


2\Â  RECUEILS   PEIIODIQDES. 

avait  Saiomon  à  son  avènement  ?  (croit,  d'accord  avec  Isak  Abranavei, 
qu'il  était  alors  âgé  de  20  ans,  et  non  de  12). 

61.  —  Archiv  ttkr  katholischea  Kirchenrecht.  Nouv.  série, 
Bd.  XLn,  Heft  4-5.  Mayence,  1882.  —  Erler.  Les  persécutions  contre 
les  Juifs  au  moyen  âge  ;  suite  (expose  la  situation  juridique  des  Juifs 
en  Italie  du  v«  au  zvni«  s.,  surtout  dans  l'Italie  méridionale  et  en  Sicile). 
=  Comptes-rendus  :  Wetxer  et  Welte.  Kirchen-Lexicon  (très  bon).  — 
Oehsenbein.  Ans  dem  schweizerischen  Volksleben  des  XV«n  Jahrh. 
(critique  défavorable  de  ce  livre). 

62.  —  Theologische  Stadien  nnd  Kritlken.  Gotha,  Jahrg.  1883, 
Heft  2.  —  RvssBL.  Une  lettre  de  Georges,  évèque  des  Arabes  (portrait 
de  cet  évèque  monophysite  ;  publie  des  extraits  de  sa  lettre  au  prêtre 
Jeshn'a,  relative  à  des  matières  théologiques  ;  elle  est  très  intéressante 
en  ce  qu'elle  montre  à  quel  degré  de  culture  étaient  arrivés  les  savants 
et  les  prêtres  syriens  au  vm*  s.  ap.  J.-C).  —  Usteri.  L'original  des 
articles  de  Marbourg  en  1529  (on  a  trouvé  à  Zurich  un  duplicata  de  ce 
texte  ;  texte  et  fac-similé.  Explication  sur  les  différences  que  ce  texte 
présente  avec  celui  de  Gassel).  =  Comptes-rendus  :  Evers,  Analecta  ad 
fratrum  minorum  historiam  (des  fautes  nombreuses). 

63.  —  Historisch-politische  Blœtter  fflr  das  katolische  Deats- 
chland.  Bd.  XG.  Munich,  1882.  Vittoria  Colonna  (biographie  de  cette 
dame  d'après  le  livre  de  Reumont).  —  Grubb.  Sur  l'auteur  de  l'Imita- 
tion de  Jésus-Christ  (admet  avec  Spitzen  et  Santini  que  c'est  Thomas 
A  Kempis,  et  réfute  les  arguments  favorables  à  Gersen).  —  De  quelques 
points  douteux  sur  l'histoire  de  la  déposition  du  roi  Yenceslas  (\^  montre 
que  le  pape  Boniface  IX  est  resté  étranger  à  cet  acte  ;  2«  que  l'élec- 
teur de  Mayence  Jean  II  n'a  pas  trempé  dans  le  meurtre  du  duc 
de  Brunswick  en  1400).  —  Knoepfler.  Sur  la  question  de  l'inquisition 
(distingue  l'inquisition  d'Église  et  l'inquisition  d'État,  et  tient  pour 
démontrée  l'opinion  de  Hefele,  contrairement  à  celle  de  Rodrigo  et 
d'Orti  y  Lara,  que  l'inquisition  fut  une  institution  d'État).  —  Les  catho- 
liques disséminés  dans  l'Allemagne  du  Nord  (histoire  et  statistique  des 
missions  dans  le  nord  de  l'Allemagne  :  Hambourg,  Brème,  Lubeck, 
Scbleswig-Holstein,  Mecklembourg,  Eutin  et  Schaumbourg  Lippe).  — 
Le  dernier  ouvrage  d'O.  Klopp  (très  élogieuse  analyse  de  son  livre  :  Das 
Jahr  1683  und  der  folgende  grosse  Tilrkenkrieg  bis  zum  Fn'eden  von  Kar- 
lowitz  1699).  —  Bellesheim.  D'  Edw.  Bouverie  Pusey  (sa  biographie; 
ce  n'était  ni  un  hérésiarque  ni  un  réformateur).  =  Comptes-rendus  : 
Janssen.  Friedrich-Leopold  Graf  Von  Stolberg  (bon).  —  Martens.  Die 
rœmische  Frage  unter  Pipin  und  Karl  dem  Grossen  (bon).  —  Sauer, 
Die  aeltesten  Lehnsbùcher  der  Herrschaft  Bolanden  (bon).  —  Otto. 
Merkerbuch  der  Stadt  Wiesbaden  (bon).  —  Gramich.  Verfassung  und 
Verwaltung  der  Stadt  Wùrzburg  XIII-XV  Jahrh.  (remarquable).  — 
Czerny.  Die  geistlichen  Geschaeftszweige  im  Mittelalter  (bon). 

64.  —  Deutsche  Rnndschaa.  Bd.  XXXIV,  1883,  janv.-mars.  — 


RBCUBILS  PéjtlODIQUBS.  215 

R.  Pauli.  Les  visées  de  la  maison  de  Hanovre  à  la  couronne  d'Angle- 
terre en  1711  (raconte  la  mission  confiée  parla  cour  de  Hanovre  à  Hans 
Gaspar  de  Bothmer,  envoyé  à  Londres  pour  décider  la  reine  Anne  en 
faveur  de  la  ligue  protestante  de  Hanovre,  en  contreminant  les  influences 
cléricales  qui  la  poussaient  à  se  déclarer  pour  son  frère,  le  fils  de 
Jacques  II).  —  Frensdorfp.  Reinhold  Pauli  ;  notice  nécrologique.  — 
E.  Du  Bois-Reymond.  Frédéric  II  jugé  par  les  écrivains  anglais.  —  La 
dynastie  allemande  en  Roumanie.  =:  Avril.  Righthofen.  Vie  d'un 
fonctionnaire  prussien  (autobiographie  extraite  d'un  ouvrage  que  Tau- 
leur  va  faire  paraître  sur  l'histoire  de  sa  famille  ;  1  ^  article  racontant 
les  tribulations  d'un  fonctionnaire  prussien  de  1830  à  1850). 

55.  —  Preussische  Jahrbacher.  Berlin,  1883,  Bd.  LI,  Heft  2.  — 

Von  der  Brûoqen.  La  situation  agraire  dans  les  provinces  caspiennes 
de  la  Russie  (avec  une  introduction  historique).  —  Jul.  Sghmidt.  Max 
Duncker  (met  en  lumière  les  services  qu'il  a  rendus  aux  études  his- 
toriques). 

56.  —  Aaf  der  Hœhe.  Leipzig  et  Vienne,  1883,  févr.  —  R.  Armand. 
Léon  Gambetta  (sa  biographie  et  son  caractère  ;  l'histoire  ne  verra  en 
lui  que  le  patriote,  et  lui  pardonnera  pour  ce  motif  les  fautes  qu'il  a 
commises),  a  Mars.  M.  Brusgh.  L'idée  d'une  paix  perpétuelle  par  rap- 
port à  la  politique  et  au  droit  des  gens  (l'idée  que  la  guerre  est  un  mal 
inévitable,  fondé  dans  la  nature  môme  de  l'homme,  est  condamnable  ; 
exposé  minutieux  et  intéressant  des  efforts  tentés  pour  établir  la  paix 
perpétuelle  depuis  l'abbé  de  Saint-Pierre  jusqu'à  nos  jours). 

57.  —  Deatsche  Revne.  1883,  janv.  —  ScmjLTZE-DELirzsGH.  Les 
réunions  des  délégués  allemands  en  1862  et  1863  (expose  les  efforts  faits 
en  1862  et  1863  par  le  peuple  lui-même,  et  en  complète  opposition  avec 
le  gouvernement  prussien,  pour  établir  en  Allemagne  une  unité  natio- 
nale. Publie  des  extraits  des  débats  et  des  résolutions  prises  à  Weimar 
et  à  Francfort-su r-le-Mein  dans  les  réunions  des  représentants  des 
chambres  impériales  qui  existaient  alors.  On  y  protesta,  non  contre  la 
situation  prépondérante  de  la  Prusse,  mais  contre  tout  projet  tenté  pour 
mettre  cette  puissance  hors  de  l'Allemagne  ;  leur  but  était  de  faire  de  l'Alle- 
magne une  grande  puissance  sous  rhégémonie  de  la  Prusse).— J.  Bernays. 
Empires  et  époques  (d'après  les  papiers  laissés  par  l'auteur.  Le  monde 
a  connu  jusqu'ici  deux  âges  principaux  :  l'époque  grecque,  de  Périclès 
à  Constantin;  et  l'époque  française,  de  1648  à  1870.  L'époque  allemande 
formera  le  3«  âge  du  monde).  —  E.  Laspeyres.  Les  universités  alle- 
mandes (leur  développement  et  leur  histoire  au  xix«  s.,  d'après  des  don- 
nées statistiques  ;  suite  en  févr.).  =  Févr.  H.  8ghulzb.  L'Autriche  et 
l'Allemagne,  politiquement  séparées,  unies  par  le  droit  des  gens  (déve- 
l()p{)ement  historique  des  rapports  de  l'Autriche  avec  l'Allemagne  depuis 
le»  premiers  temps  du  moyen  âge.  Le  rôle  de  l'Autriche  est  d'être  l'élé- 
ment civilisateur  et  fécondant  pour  des  peuples  nombreux  et  dispersés 
qui,  sans  cela,  auraient  disparu  dans  un  émiettcment  indéfini,  ou 


21$  ÊÊCCtus  riwMi0kitct^. 

^unieai  ^^hiiçiMàMn3t\M.yu\iskJVt). — ILH-oiteil  Piâoe»  tirées  despa^âers 
Uumè$  yv  i«  ^aumniUsr  de  cul^met  pruMco  i.  W.  Lcimiarâ  Vcttre^  tr» 
liiiércxtoUai  eoYOvéïgg  du  çtzartier  (râènl  de  FrBdêriC'-Ooilliixme  II  de 
ï*rusm  peadtfjt  ia  cuDjiagDe  oc^zitre  k  Frssoe  en  1 7  j«i.  «Tec  ûatrcidiictîaiL, 
«OfDOieiiUufe,  et  aree  U  bioçraphie  de  Ix>mb&rd  :  fin  en  marf^-.  —  Kbosef. 
L'o  fMUDpblet  bohémien  ^unUe  le  cier^  utnqniste  des  années  1534- 
!lï$5  (ezifaiu  tiré*  d'un  nu.  tdièqae  ;  l'auteur  ed  misemblablement 
au  paitiua  de«  docUioei  hnsf  ite«  primitives  que  Umcha  U  RefonneL 
^s  Mar».  F«  Dah*.  8ur  i'iiif  foire  des  Français  et  de  leur  lluératore 
(!•  réflexion*  mii  lea  traiu  fondamentaux  du  caractère  des  peuples  romans^ 
et  sur  «on  reflet  dans  la  littérature  française,  de  Sidoine  Apollinaire 
jusqu'à  nos  jours  ;  ^  parle  avec  éloge  de  Thistoire  de  la  littérature  fran- 
çaise par  Eugei^  —  C.  comte  de  CADoaxA.  Une  page  de  rhistoire  con- 
temp^iraine  de  iltalie  <ezpose  le  développement  politique  de  Tltalie  et 
de  son  unité  depuis  1814  ;  met  en  relief  les  services  rendus  par  la  mai- 
son de  Ha  voie;  raconte  en  détail  les  événements  politiques  qui  suivirent 
la  bataille  de  Novarre  en  1849,  et  auxquels  l'auteur  prit  une  grande 
part  en  qualité  de  ministre  piémontais;. 

66.  —  Mord  and  Sud.  Breslau,  1883,  janv.  —  Scherr.  Le  meurtre 
d'un  tsar  (ntcit  détaillé  du  meurtre  d'Ivan  VI  en  1764  ;  ses  motifs,  tirés 
de  la  itituation  intérieure  de  la  Russie  ;  la  culpabilité  de  Catherine  II, 
sans  être  démontrée,  est  très  vraisemblable).  =:  Mars.  G.  Wikter.  La 
catastrophe  de  Wallenstein  (le  nœud  de  la  destinée  de  Wallenstein  se 
trouve  bien  plut/it  dans  la  marche  des  événements  politiques  eux-mêmes, 
et  dans  la  situation  contre  nature  où  il  se  trouvait  à  l'égard  de  Tempe- 
reur,  que  dans  les  intentions  personnelles  de  ceux  qui  entrèrent  dans  le 
C/Oniplot.  I>a  catastrophe  se  produisit  nécessairement  dès  qu'une  pro- 
fonde divr»rj(enco  d'opinion  éclata  entre  Wallenstein  et  Ferdinand  II. 
WallenKU5in  fut  écarté  sans  qu'il  l'eût  mérité  par  aucun  fait  nettement 
(Uiract^îrisé  ;  sa  mort  fut  résolue  avant  môme  qu'il  eût  sérieusement 
songé  à  s'allier  avec  les  Suédois). 

69.  —  K.  Preassisohe  Akademie  der  'Wlssenschaften.  Sitzungs- 
horichte.  1883,  ii*  1.  —  0.  Puchstein.  Rapport  sur  un  voyage  dans  le 
Kourdistiin  (contiiMit  de  nombreuses  indications  sur  les  découvertes  de 
ruines,  sculptures  nt  inKcr.  antiques;  signale  l'importance  toute  parti- 
culière d'un  monument  trouvé  près  de  Bibol  sur  lEuphrate,  et  que  fit 
construire  le  roi  Antiochos  do  Coramagone,  G9-34  av.  J.-G.  ;  publie  les 
tr^s  iuHtructiviîS  inscr.  do  ce  monument).  =  N'  4.  E.  du  Bois-Reymond. 
DiscourH  d'apparat  [)Our  la  féto  anniversaire  de  la  naissance  de  Frédé- 
ric Il  de  PniHHO  (oxposo  eu  détail  les  vicissitudes  des  rapports  entre  la 
PruHse  et  l'Angleterre  sous  Frédéric  II,  les  sympathies  et  les  antipathies 
dont  sa  pornonnu  a  été  l'objet  de  la  part  de  la  nation  anglaise,  depuis 
la  guerre  de  Sept  ans  jusqu'à  nos  jours;  traite  surtout  ici  de  Garlyle). 
—  N*  5.  (i.  Waitz.  Los  Annales  Beriiniani  (pour  remplacer  l'édition 
iuBufUsuuto  qui  se  trouve  au  t.  I  dos  Mon,  Germ.  hist.,  on  prépare  une 


RBCUBILS  PERIODIQUES.  247 

édition  in-8<>  de  ces  Annales,  pour  laquelle  Heller  a  récemment  colla- 
tionné  le  ms.  de  la  bibl.  de  Saint-Omer  n*  706.  Détails  sur  les  particu- 
larités, les  fautes  et  les  lacunes  du  ms.  Pour  l'établissement  d'un  texte 
correct,  sont  encore  entrées  en  ligne  de  compte  des  chroniques  posté- 
rieures qui  procèdent  des  Annales,  puis,  pour  certains  documents  admis 
par  Hincmar  dans  ses  Annales,  une  rédaction  indépendante  de  ces  docu- 
ments, qui  se  trouve  dans  un  des  mss.  parisiens,  B.  N.  n*  4761,  passés 
depuis  dans  la  bibl.  de  lord  Ashburnham). 

60.  —  Zeitschrift  fUr  preassische  Oeschichte  nnd  Landes- 
kande.  Jahrg.  XIX,  n«>»  H-12.  Berlin,  1882.  —  G.  Wintkr.  Les  Etate 
de  la  Marche  brandebourgeoise  à  Tépoque  de  leur  plus  complet  épanouis- 
sement, 1540-1550  (décrit  la  vive  opposition  faite  par  ces  Etats  aux 
demandes  d'argent  de  l'électeur  Joachim  U,  et  les  différends  qui  s'éle- 
vèrent entre  les  prélats  et  les  seigneurs,  d'une  part,  les  villes,  de  l'autre, 
sur  la  quotité  de  l'impôt  afférente  à  chacun  d'eux  ;  l'électeur  finit  par 
établir  un  comité  permanent  formé  de  quatre  délégués  de  chaque 
Kreistag,  et  chargé  de  l'assister  dans  l'administra  lion  ;  publie  le  texte 
ou  l'analyse  de  68  pièces  pour  la  plupart  inédites).  —  G.  Sello.  L'irrup- 
tion des  Uussites  dans  la  Marche  de  Brandebourg  (critique  acérée  des 
récits  qui,  jusqu'ici,  ont  parlé  de  triomphes  remportés  par  le  Brande- 
bourg sur  les  Hussites,  et  qui  n'ont  jamais  existé  ;  montre  comment  les 
historiens  se  sont  trompés  les  uns  les  autres  pour  fausser  l'état  réel  des 
faits  ;  recherche  les  traces  des  sympathies  que  le  hussitisme  a  trouvées 
en  Brandebourg;  raconte  on  détail  la  campagne  entreprise  par  les 
Hussites  en  1432;  une  grande  défaite  qu'ils  auraient  subie  le  23  avril 
1432  près  de  Bernau  n'a  pas  eu  lieu). 

61.  —  Franconia.  Bd.  I,  Rothenburg,  1882;  n*  1.  — G.  R.  Histoire 
de  la  ville  de  Gunzenhausen  sur  l'Altmùhl,  750-1743.  —  N«»  2-3. 
L.  Zapp.  Coup  d'œil  etnographique  dans  et  près  le  Fichtelgebirge  (dis- 
tingue les  éléments  bavarois  et  franconiens  de  la  population).  =:  N<*  5-9. 
Le  comte  Rudolf  de  Stillfried  ;  art.  nécrol.  —  Ghrist.  Le^  retranche- 
ments romains  dans  l'Odenwald  sur  la  frontière  de  l'empire  (rapport 
sur  un  voyage  d'exploration  accompli  pour  rechercher  la  direction  et 
l'extension  du  Limes  romanus;  donne  une  liste  très  détaillée  des  noms 
de  lieu  où  l'un  voit  des  traces  de  monuments  romains).  — Z.  La  justice 
de  l'abbaye  de  Bildhausen  (sur  les  conflits  de  compétence  entre  l'abbaye 
et  les  tribunaux  wurzbourgeois  de  1588-1677).  —  Bossert.  Sources  iné- 
dites sur  l'histoire  de  la  réforme  à  Rothenburg  sur  la  Tauber  (trouvées 
aux  archives  du  cercle  de  Nuremberg).  —  Plaghmann.  Histoire  de  la  ville 
de  Marktbreitet  de  son  conseil  municipal,  1182-1806.  —  Le  règlement 
militaire  de  Rothenburg  en  1411. 

62.  —  Archiv  fûr  Gtoschichte  and  Alterthnmslniiide  von  Ober- 
franken.  Bd.  XV,  Heft  l.  Bayreuth,  1881.  —  Will.  Description  et  his- 
toire du  Fichtelgebirge  (publie  un  ouvrage  composé  en  1692,  et  resté 
jusqu'ici  inédit  :  c  Das  Teutsche  Paradeiss  im  dem  Vortrefflichcn  Fich- 


248  BEGUEILS  PfolODIQUES. 

telberg  t).  —  Uibsgh  et  Egkmayer.  Recherches  étymologiques  et  histo- 
riques sur  le  nom  et  Torigine  de  la  ville  de  Bayreuth  et  de  PÂltenstadt 
(Bayreuth  était  jadis  le  faubourg  de  la  ville  de  Reut,  et  était  dite  en  con- 
séquence «  bei  Reut  »).  —  Âlb.  Sghbnk.  Kulmbuch  à  l'automne  de  1806 
(d'après  un  ms.  du  temps  ;  détails  sur  le  blocus  de  la  forteresse  par  les 
troupes  bavaroises,  sur  la  capitulation  de  la  garnison  prussienne,  sur 
les  charges  militaires  et  les  dangers  courus  par  la  ville  à  cette  époque). 
—  H.  VON  Reitzenstein.  Les  «  Burggûter  »  et  les  «  Freihaeuser  »  à 
Bayreuth  (intéressant  pour  Thistoire,  les  institutions  primitives,  et  les 
familles  de  la  ville;  en  partie  d'après  des  doc.  inédits).  —  Id.  Explica- 
tions de  noms  de  lieu  d'après  les  chartes.  —  Bilabel.  Notices  histo- 
riques sur  le  château  et  le  parc  de  Bayreuth  (depuis  sa  fondation  en 
1758  jusqu'à  nos  jours;  sur  les  princes  qui  habitèrent  le  château). 

63.   —  Zeitschrift  des  hlstor.  Vereins  fflr  Niedersachsen. 

Jahrg.  1882.  —  Meinardus.  Les  sources  de  l'histoire  de  la  ville  de 
Hameln  (sur  l'importante  chronique  de  Johann  de  Pohle  et  ses  sources  ; 
J.  von  Pohle  était  un  historien  érudit  et  soigneux,  qui  utilisa  ses  sources 
avec  prudence  et  habileté.  Publie  la  «  Legenda  de  ordinatione  sancti 
Bonifacii  »  et  la  a  GhronicaecclesiaeHamelensis  t).  —  Mûller.  Fouilles 
exécutées  près  de  Harpstedt  en  Hanovre  (monuments  en  pierre,  tumuli, 
monnaies  romaines,  etc.,  parle  des  campagnes  de  Germanicus).  — 
BoDEMANN.  Les  coufréries  religieuses,  et  en  particulier  les  frères  de  la 
calande  et  les  frères  de  la  cagoule  à  Lunebourg  au  moyen  âge  (publie 
de  nombreuses  chartes  inédites  et  des  listes  de  membres  de  ces  confré- 
ries). —  Id.  Lettres  adressées  au  ministre  hanovrien  A.  Ph.  von  dem 
Bussche  par  l'électrice  Sophie,  la  princesse  héréditaire  Sophie-Dorothée, 
Elisabeth  de  Palatinat,  Leibnitz  et  madame  de  Harling,  de  1677  à  1697 
(d'après  les  archives  patrimoniales  des  comtes  von  dem  Bussche;  la 
plupart  sont  intéressantes  pour  l'histoire  de  la  maison  de  Hanovre,  pour 
la  catastrophe  bien  connue  du  comte  Kœnigsmark,  pour  la  succession 
espagnole,  pour  les  relations  du  Hanovre  avec  l'Autriche,  etc.).  —  Id. 
Le  jugement  de  Leibnitz  sur  la  légalité  de  la  mise  au  ban  de  Tempire 
de  Henri  le  Lion  en  1180  (publie  deux  lettres  de  1716).  —  Koecher. 
Jugements  de  la  duchesse  d'Orléans  Elisabeth-Charlotte  sur  la  princesse 
d'AhlJen  (publie  15  lettres  de  1694  et  1695,  où  la  duchesse  s'exprime 
en  termes  fort  méprisants  sur  la  princesse,  compromise  dans  l'affaire 
Kœnigsmark).  —  Id.  Mémoires  d'Eléonore  von  dem  Knesebeck,  dame 
du  palais  de  la  princesse  d'Ahlden  (publication  de  ces  mémoires  ;  pour 
leur  critique,  voir  Histor.  Zeitsch,  de  Sybel,  nouv.  série,  Bd.  Xll).  — 
Id.  Deux  lettres  de  la  princesse  d'Ahlden  (de  1698,  adressées  à  l'élec- 
teur et  à  l'électrice  de  Hanovre).  —  Meinardus.  L'élément  historique 
de  la  légende  du  Preneur  de  rats  de  Hameln  (cette  légende  bien  connue 
a  son  origine  dans  un  fait  historique  :  l'épidémie  de  danse  frénétique 
qui  éclata  en  1284  à  Hameln  et  à  laquelle  succombèrent  un  grand  nombre 
d'enfants  ;  publie  les  documents  relatifs  à  cet  événement).  —  Herquet. 
L'ordre  de  noblesse  de  la  •  Treue  Freundschafi  »  en  Brunswick  (fondé 


BBGUBILS   PERIODIQUES.  249 

CQ  1731,  il  disparut  en  1744  ;  pablie  les  statuts  et  la  liste  des  membres 
de  l'ordre).  —  Gùnther.  Coutumes  judiciaires  (Weisthùmer)  du  terri- 
toire de  Hildesheim  ;  suite.  —  Bodemann.  Lettres  relatives  à  Thistoire 
de  la  duchesse  Ëléonore,  née  d'Olbreuse  (publie  sa  correspondance  avec 
le  duc  Jean-Frédéric  de  Hanovre,  1664). 

04.  —  Henneberglscher  alterthamaforschender  Vereln.  Ein- 
ladungsschrift  fûrFeier  des  50ja)hrigen  Bestehens  des  Vereins.  Meinen- 
gen,  1882.  —  Jacob.  Les  trouvailles  faites  dans  les  tombeaux  de  l'an- 
cienne principauté  de  Henneberg  (28  tombeaux  ou  groupes  de  tombeaux 
appartenant  à  Tépoque  préhistorique  ont  été  fouillés  jusqu'ici  ;  décrit 
leur  situation,  leur  forme,  leur  modèle  de  construction,  leur  contenu, 
leur  âge).  —  G  robe.  Les  archives  de  la  Société  des  antiquaires  de  Hen- 
neberg (analyse  de  130  chartes  de  1331  à  1782,  d'actes  divers,  de  chro- 
niques). 

05.  —  Zeitschrift  des  Vereins  fur  Thûringische  Geschichte. 

Nouv.  série.  Bd.  HI,  Heft  1-2.  léna,  1882.  —  Devrient.  Les  comédies 
à  la  cour  du  duc  Ernest  le  Pieux  de  Saxe-Gotha  et  Altenbourg  en 
1656-1661  (publie  et  commente  les  pièces  de  théâtre  que  le  duc  faisait 
représenter  dans  des  intentions  de  moralisation  et  d'enseignement;  elles 
caractérisent  son  genre  de  piété). 

66.  —  'Westdentsclie  Zeltschrift  fOr  Geschichte  und  Konst. 

Jabrg.  II,  Heft  1.  Trêves,  1883.  —  Hettner.  Sur  la  civilisation  de  la 
Germanie  et  de  la  Gallia  belgica  (exposition  précise  et  pénétrante  : 
dans  les  champs  décumates  et  dans  la  Germanie,  le  bien-être  ne  cessa 
de  progresser  jusqu'en  280;  à  cette  époque  les  champs  décumates 
furent  perdus,  et  la  propriété  fut  compromise  sur  les  bords  du  Rhin  ; 
la  Gaule  belgique  jouit  encore  pendant  un  siècle  d'une  prospérité  inin- 
terrompue). —  SoLDAN.  Le  cimetière  romain  de  Maria-Munster  près  de 
Worms  (rapport  sur  les  fouilles  qu'on  y  exécuta  en  1882  ;  dessin  des 
urnes  qu'on  y  découvrit).  —  Zurbonsen.  Histoire  de  la  paix  publique 
sur  les  bords  du  Rhin  en  1254  (Paccession  des  villes  du  Rhin  infé- 
rieur et  de  la  Westphalie  à  cette  paix  publique  est  due  à  l'influence 
de  Cologne  ;  cette  paix  a  reçu  l'organisation  que  se  donna  en  1253  la  ligue 
des  villes  formée  à  Werne).  —  Ejken.  Sur  l'histoire  du  taux  lé^l  dans 
les  pays  du  Rhin  inférieur  et  de  la  Westphalie  (le  taux  le  plus  élevé 
fut  de  10  0/0  au  xiii*  s.,  il  descendit  peu  à  peu  au  minimum  de  3  0/0 
qui  fut  atteint  à  l'époque  de  la  Révolution  française).  =  Comptes-ren- 
dus :  Gœrz.  Mittelrheinische  Regesten  (très  bon).  —  Becker,  Das  Necro- 
logium  der  vormaligen  Praemonstratenser-Abtei  Arnstein  an  der  Lalm 
(insuffisant).  —  BilbeL  Dortmunder  Urkundenbuch  (excellent). —  Wen- 
ker.  Sprach-Atlas  von  Nord  und  Mitteldeutschland  (très  bon).  —  Marx. 
Die  Burgkapclle  zu  Ibon  (très  bon).  —  Bergk.  Zur  Geschichte  und  Topo- 
graphie der  Rheinlande  in  rœmischer  Zeit  (remarquable). 

67.  —  Gœrres-Oesellschaft.  Dritte  Vcreinsschrift  fur  1882. 
Cologne,  1882.  —  Tuijm.  Philippe  do  Marnix,  seigneur  de  Sainte-Aide- 


220  RBGITEILS  PJBIODIQUBS. 

gonde  (biographie  détaillée  de  ce  personnage,  d'après  les  sources  ;  d'ac- 
cord avec  Quinet,  Tanteur  voit  en  lui  un  apostat  Nombreux  détails  sur 
la  situation  religieuse  et  politique  des  Pays-Bas  à  1  époque  de  la  rupture 
avec  TEspagne). 

68.  —  Wûrttembergische  ViertelsiJalirshefte  fOr  Ijaiidesge»- 
cbichte.  Jahrg.  Y,  Heft  4.  Stuttgart,  1882.  —  Adam.  Les  archives  des 
Etats  à  Stuttgard  (leur  histoire  depuis  le  règne  du  duc  Ulrich).  —  Bossbrt 
et  Meyer.  Lettres  de  Martin  Frecht,  le  réformateur  d'Ulm,  à  sa  femme 
en  1548  et  1549  (pendant  qu'il  était  en  prison  à  Tépoque  de  Tintérim). 
—  BossERT.  1*  Le  domaine  de  Schiring  près  de  Wangen.  2*  Extraits 
des  actes  judiciaires  de  la  ville  de  Riedlingen.  —  Hohemlohb.  Armoi- 
ries de  la  c  Tunis  Gaesaris  »  à  Monopoli  (armoiries  des  chevaliers  de 
Hobenlobe  près  de  la  porte  qui  donne  sur  le  port  de  cette  ville  de 
Fouille  de  1229  à  1234).  —  Heyd.  Une  charte  inconnue  jusqu'ici  de 
Gœtz  de  Berlichingen  (cette  charte,  rédigée  en  allemand,  se  rapporte  à 
des  demandes  d'argent  adressées  par  ce  chevalier  au  duc  Christophe  de 
Wurtemberg;  elle  est  de  1551).  —  Bûhlbr.  Gharles-^int  à  Kirchberg 
sur  la  Jagst  (publie  le  rapport  de  Vimhaber,  gouverneur  de  Kirchberg, 
sur  les  mesures  de  défense  qu'il  prit  à  l'approche  de  Tempereur,  dans  la 
l'*  année  de  la  guerre  de  Smalcalde;  détails  très  intéressants).  — 
ScHAUFFELE.  Prisouniers  français  à  Hall  au  commencement  du  xvm*  s. 
(c'étaient  des  prisonniers  faits  à  la  bataille  de  Hochstedt;  intéressants 
détails  d'après  les  archives  de  la  ville  de  Hall).  —  Von  Alberti.  Chartes 
relatives  à  un  siège  ignoré  de  Dœrzbach  en  1417.  —  Bossert.  Les  plus 
anciens  seigneurs  de  Weinsberg  (indique  des  seigneurs  possédant 
Weinsberg  sous  Conrad  H).  =  Comptes-rendus  :  Schsffler  et  Brandi. 
Wùrttembergisch-Franken  im  aeltesten  Lehenbuch  des  Bisthums 
Wùrzburg  (remarquable).  —  Vœlter.  Die  Sekte  von  Schwaebisch  Hall 
und  der  Ursprung  der  deutschen  Kaisersage  (très  bon). 


69.  —  Mittheilnnc^n  des  Instituts  fur  CBSterreichische  Ges- 
chichtsforscliiiiii^.  Bd.  IV,  Heft  1.  Innsbruck,  1883.—  Ficker.  Com- 
mentaires sur  l'histoire  impériale  au  xiii«  s.  (1»  sur  la  destinée  des  fils 
du  Hohenstaufen  Manfred  ;  il  n^est  pas  douteux  qu'un  de  ses  fils,  Fré- 
déric, n'ait  réussi  à  s  echapj)er.  2*  Conradin  fut  marié  à  Sophie,  fille  du 
margrave  Frédéric  de  Landsberg.  3*  Alfonse  de  Castille  renonça  à  la 
couronne  impériale,  à  Beaucaire,  sous  la  pression  du  pape).  —  Huber. 
La  chronique  rimée  de  Styrie  et  l'interrègne  autrichien  (examine  quelle 
foi  mérite  cette  chronique  pour  l'espace  compris  entre  l'extinction  des 
Babenbcrg  et  l'avènement  de  Rodolphe  de  Habsbourg;  estime  que  sa 
valeur  au  moins  dans  les  parties  anciennes  est  très  faible).  —  Thode. 
Le  cadavre  romain  de  Tan  1485  (estime  qu'on  ne  peut  nier  la  réalité  de 
la  découverte  qu'on  fit  d'un  cadavre  romain  sur  la  voie  appienne  en 
1485,  et  croit  en  retrouver  des  copies  dans  un  buste  en  cire  du  Musée 
"Wicar  de  Lille,  dans  un  dessin  au  crayon  du  Muséum  Albertinum  de 


BBCUEIL8   P^BIODIQUES.  224 

Vienne,  Tun  et  l'autre  d'auteurs  inconnus).  —  Sickel.  Lems.  du  Liber 
diurnus  aux  archives  du  Vatican.  —  Von  Zallinoer.  Le  serment  des 
Juifs  d'Augsbourg  (publie  une  formule  de  serment,  en  allemand,  du 
xiv«  ou  du  xv«  s.  ;  elle  paraît  une  preuve  à  Tappui  de  ce  fait  que  le 
Schwabenspiegel  a  son  origine  à  Augsbourg).  =  Comptes-rendus  :  Birt. 
Das  antike  Buchwesen  in  seinem  Verha3ltniss  zur  Literatur  (bon).  —  Las- 
chitzer.  Die  Archive  und  Bibliotheken  des  JesuitencoUcgiums  in  Kla- 
genfurt,  zu  Eberndorf  und  zu  Millstadt  (très  bon).  —  Sickel.  Beitrœge 
zur  Diplomatik  unter  der  Regierung  Kaiser  Otto's  I  (remarquable).  — 
Ferrari,  Intorno  ad  un  diploma  dell*  imperatore  Gorrado  il  salico 
deir  anno  1038  (bon).  —  Tumbntt.  Mittolalterliche  Siegelfaelschungen 
in  Westfalen  (bon).  —  Delaville  Le  Roulx.  1*  Notes  sur  des  sceaux  do 
l'ordre  de  Saint- Jean  de  Jérusalem  ;  2*  Des  sceaux  des  prieurs  angla.is 
de  Tordre  de  l'Hôpital  aux  xii«  et  xiii«  siècles  (très  intéressant).  —  Zeu- 
mer,  Formulae  merovingici  et  karolini  aevi  (très  bon).  —  Hirsch.  Die 
Schenkungen  Pippins  und  Karls  des  Grossenftrès  important).  —  Moroni. 
L'invito  d'Eudossia  a  Genserico  (critique  brillante  du  récit  de  Procope). 

—  Brûnneck.  Siciliens  mittelalterliche  Stadtrecte  (très  bon  ;  cf.  Rev.  hist,^ 
XIX,  483).  —  Salvioli.  I  titoli  al  porlatore  nel  diritto  longobardo  (tra- 
vail sans  originalité).  —  Rondoni,  I  più  antichi  frammentidel  costituto 
florentino  raccolti  e  pubblicati  (excellent).  —  Ardinolfi.  Roma  nelF  età 
di  mezzo  (estimable).  —  Endrulat.  Niederrheinische  StsBdtesiegel  des 
XII-XVI  Jahrh  (sans  valeur).  —  Mùller.  Geschichte  der  kœnigl.  Ilaup- 
stadt  Olmiitz  von  den  îeltesten  Zeiten  bis  zur  Gegenwart  (bon).  —  Von 
Zwiedineck-Stidenhorst,  Venetianische  Gesandtschaftsberichte  ûber  die 
bœhmische  Rébellion  (très  bon). 

70.  —  Œsterreichische  Rundschau.  Vienne,  1883.  Jahrg.  I,  Heft  1. 

—  0.  Lenz.  Miknâsa  et  les  ruines  de  Volubilis  au  Maroc  (description 
géographique,  ethnographique  et  historique,  surtout  pour  l'époque 
romaine;  publie  une  inscr.  en  latin).  —  Fournier.  Les  Français  en 
Allemagne  ;  fin  au  n<>  2  (publie  des  lettres  très  intéressantes  d'un  agent 
secret  de  l'Autriche  (fui,  en  1806,  adressait  à  la  cour  de  Vienne  des  rap- 
ports sur  l'opinion  publique  en  Bavière  et  en  Wurtemberg;  elles 
montrent  clairement  la  jalousie  mesquine  des  princes  allemands,  le  jeu 
d'intrigues  de  leurs  ministres,  le  mécontentement  que  l'Allemagne  du 
Sud  nourrissait  en  1806  contre  les  Franchis  à  cause  de  la  lourdeur  des 
impôts,  de  l'avidité  et  de  Forgueil  des  conquérants).  ==  IIeft2.  E.  Schmidt. 
Heinrich  von  Kleist  (biographie;  son  portrait  historique  et  littéraire). 

—  Alex.  VON  Warsuerg.  Un  voyage  à  travers  l'empire  de  Sarpedon 
(description  de  la  Lycie,  en  particulier  des  ruines  archéologiques  et  des 
lieux  les  plus  importants  pour  l'histoire  grecque);  suite  au  n*  3  (détails 
sur  les  fouilles  pratiquées  par  l'expédition  archéologique  autrichienne 
en  Lycie).  =  Heft  3.  Schipper.  La  civilisation  des  Anglo-Saxons  (archi- 
tecture, monuments  ecclésiastiques  et  profanes,  vêtements,  approvision- 
nements, classes  de  la  société,  vie  de  famille,  état  politique  des  anciens 
Anglo-Saxons). 


220  BBGUEILS  PERIODIQUES. 

gonde  (biographie  détaillée  de  ce  personnage,  d'après  les  sources  ;  d'ac- 
cord avec  Quinet,  Fauteur  voit  en  lui  un  apostat.  Nombreux  détails  sur 
la  situation  religieuse  et  politique  des  Pays-Bas  à  l'époque  de  la  rupture 
avec  TEspagne). 

68.  —  Wûrttemberglselie  Viertelfljahrshefte  fttr  Ijandesges- 
chichte.  Jahrg.  Y,  Heft  4.  Stuttgart,  1882.  —  Adam.  Les  archives  des 
Etats  à  Stuttgard  (leur  histoire  depuis  le  règne  du  duc  Ulrich).  —  Bossert 
et  Meyer.  Lettres  de  Martin  Frecht,  le  réformateur  d'Ulm,  à  sa  femme 
en  1548  et  1549  (pendant  qu'il  était  en  prison  à  l'époque  de  l'intérim). 
—  Bossert.  1*  Le  domaine  de  Schiring  près  de  Wangen.  2*  Extraits 
des  actes  judiciaires  de  la  ville  de  Riedlingen.  —  Hohenlohb.  Armoi- 
ries de  la  c  Turris  Gaesaris  »  à  Monopoli  (armoiries  des  chevaliers  de 
Hohenlohe  près  de  la  porte  qui  donne  sur  le  port  de  cette  ville  de 
Fouille  de  1229  à  1234).  —  Hbyd.  Une  charte  inconnue  jusqu'ici  de 
Gœtz  de  Berlichingen  (cette  charte,  rédigée  en  allemand,  se  rapporte  à 
dos  demandes  d'argent  adressées  par  ce  chevalier  au  duc  Christophe  de 
Wurtemberg;  elle  est  de  1551).  —  Bûhler.  Charles-Quint  à  Kirchberg 
sur  la  Jagst  (publie  le  rapport  de  Vimhaber,  gouverneur  de  Kirchberg, 
sur  les  mesures  de  défense  qu'il  prit  à  l'approche  de  l'empereur,  dans  la 
l**"  année  de  la  guerre  de  Smalcalde;  détails  très  intéressants).  — 
ScHAUFFELE.  Prisouniors  français  à  Hall  au  commencement  du  xvm«  s. 
(c'étaient  des  prisonniers  faits  à  la  bataille  de  Hochstedt;  intéressants 
détails  d'après  les  archives  de  la  ville  de  Hall).  —  Von  Alberti.  Chartes 
relatives  à  un  siège  ignoré  de  Dœrzbach  en  1417.  —  Bossert.  Les  plus 
anciens  seigneurs  de  Weinsberg  (indique  des  seigneurs  possédant 
'  Weinsberg  sous  Conrad  II).  =  Comptes-rendus  :  Schwffler  et  BrandL 
Wiirttembergisch-Franken  im  œltesten  Lehenbuch  des  Bisthums 
Wùrzburg  (remarquable).  —  Vœlter.  Die  Sekte  von  Schwaebisch  Hall 
und  der  Ursprung  der  deutschen  Kaisersage  (très  bon). 


69.  —  Mittheilnngen  des  Instituts  fOr  œsterreichische  Ges- 
chichtaforsclmiis.  Bd.  IV,  Heft  1.  Innsbruck,  1883.—  Ficker.  Com- 
mentaires sur  l'histoire  impériale  au  xiii«  s.  (i»  sur  la  destinée  des  fils 
du  Hohenstaufen  Manfred  ;  il  n'est  pas  douteux  qu'un  de  ses  fils,  Fré- 
déric, n'ait  réussi  à  s'échapper.  2*  Conradin  fut  marié  à  Sophie,  fille  du 
margrave  Frédéric  de  Landsberg.  3*  Alfonse  de  Castille  renonça  à  la 
couronne  impériale,  à  Beaucaire,  sous  la  pression  du  pape).  —  Huber. 
La  chronique  rimée  de  Styrie  et  l'interrègne  autrichien  (examine  quelle 
foi  mérite  cette  chronique  pour  l'espace  compris  entre  l'extinction  des 
Babenborg  et  l'avènement  de  Rodolphe  de  Habsbourg;  estime  que  sa 
valeur  au  moins  dans  les  parties  anciennes  est  très  faible).  —  Thode. 
Le  cadavre  romain  de  l'an  1485  (estime  qu'on  ne  peut  nier  la  réalité  de 
la  découverte  qu'on  fit  d'un  cadavre  romain  sur  la  voie  appienne  en 
1485,  et  croit  en  retrouver  des  copies  dans  un  buste  en  cire  du  Musée 
Wicar  de  Lille,  dans  un  dessin  au  crayon  du  Muséum  Albertinum  de 


RECUEILS  P^EIODIQUES.  224 

Vienne,  Tun  et  l'autre  d'auteurs  inconnus).  —  Sickel.  Lems.  du  Liber 
diumus  aux  archives  du  Vatican.  —  Von  Zalltnqer.  Le  serment  des 
Juifs  d'Augsbourg  (publie  une  formule  de  serment,  en  allemand,  du 
xiv«  ou  du  xv«  s.  ;  elle  parait  une  preuve  à  Tappui  de  ce  fait  que  le 
Schwabenspiegel  a  son  origine  à  Augsbourg).  =  Comptes-rendus  :  Birt, 
Das  antike  Buchwesen  in  seinem  Verhaeltniss  zurLiteratur (bon).  —  Ioj- 
chitzer.  Die  Archive  und  Bibliotheken  des  Jesuitencollegiums  in  Kla- 
genfurt,  zu  Ebemdorf  und  zu  Millstadt  (très  bon).  —  Sichel.  Beitraege 
zur  Diplomatik  unter  der  Regierung  Kaiser  Otto's  I  (remarquable).  — 
Ferrari,  Intorno  ad  un  diploma  dell'  imperatore  Gorrado  il  salico 
deir  anno  1038  (bon).  —  Tumbûtt.  Mittelalterliche  Siegelfaelschungen 
in  Westfalen  (bon).  —  Delaville  Le  Roulx.  1*  Notes  sur  des  sceaux  de 
l'ordre  de  Saint-Jean  de  Jérusalem  ;  2*  Des  sceaux  des  prieurs  angltds 
de  l'ordre  de  l'Hôpital  aux  xii«  et  xhi«  siècles  (très  intéressant).  —  Zeu- 
mer,  Formulae  merovingici  et  karolini  aevi  (très  bon).  —  Hirsch,  Die 
Schenkungen  Pippins  und  Karls  des  Grossen  (très  important).  —  Moroni. 
L'invito  d'Ëudossia  a  Genserico  (critique  brillante  du  récit  de  Procope). 
— Brûnneck,  Siciliens  mittelalterliche  Stadtrecte  (très  bon  ;  cf.  Rev,  hist.y 
XIX,  483).  —  Salvioli.  I  titoli  al  porlatore  nel  diritto  longobardo  (tra- 
vail sans  originalité).  —  Rondoni.  I  più  antichi  frammenti  del  costituto 
florentiuo  raccolti  e  pubblicati  (excellent).  —  Ardinolfi,  Homa  nelF  età 
di  mezzo  (estimable).  —  Endrulat.  Niederrheinische  Stœdtesiegel  des 
XII-XVI  Jahrh  (sans  valeur).  —  Millier.  Geschichte  der  kœnigl.  Haup- 
stadt  Olmûtz  von  den  aeltesten  Zeiten  bis  zur  Gegenwart  (bon).  —  Von 
Zwiedineck'Stidenhorst.  Venetianische  Gesandtschaftsberichte  liber  die 
bœhmische  Rébellion  (très  bon). 

70.  —  Œsterreichische  Rundschau.  Vienne,  1883.  Jahrg.  I,  Heft  1. 

—  0.  Lenz.  Miknâsa  et  les  ruines  de  Volubilis  au  Maroc  (description 
géographique,  ethnographique  et  historique,  surtout  pour  l'époque 
romaine;  publie  une  inscr.  en  latin).  —  Fournier.  Les  Français  en 
Allemagne  ;  fin  au  n»  2  (publie  des  lettres  très  intéressantes  d'un  agent 
secret  de  l'Autriche  qui,  en  1806,  adressait  à  la  cour  de  Vienne  des  rap- 
ports sur  l'opinion  publique  en  Bavière  et  en  Wurtemberg;  elles 
montrent  clairement  la  jalousie  mesquine  des  princes  allemands,  le  jeu 
d'intrigues  de  leurs  ministres,  le  mécontentement  que  l'Allemagne  du 
Sud  nourrissait  en  1806  contre  les  Français  à  cause  de  la  lourdeur  des 
impôts,  de  l'avidité  et  de  l'orgueil  des  conquérants).  =  Heft  2.  E.  Schmidt. 
Heinrich  von  Kleist  (biographie;  son  portrait  historique  et  littéraire). 

—  Alex.  VON  Warsberg.  Un  voyage  à  travers  l'empire  de  Sarpedon 
(description  de  la  Lycie,  en  particulier  des  ruines  archéologiques  et  des 
heux  les  plus  importants  pour  l'histoire  grecque);  suite  au  n*  3  (détails 
sur  les  fouilles  pratiquées  par  l'expédition  archéologique  autrichienne 
en  Lycie).  =  Heft  3.  Schippbr.  La  civilisation  des  Anglo-Saxons  (archi- 
tecture, monuments  ecclésiastiques  et  profanes,  vêtements,  approvision- 
nements, classes  de  la  société,  vie  de  famille,  état  politique  des  anciens 
Anglo-Saxons). 


222  RECUEILS  PJBIOOIQUBS. 

71.  —  MIttlieiliiiigeii  der  aathropologlflclieii  OeBellschalt  in 
"Wien.  Nouv.  série,  Bd.  Il,  Heft  2.  Vienne,  1882.  —  Heobr.  Décou- 
verte considérable  de  bronzes  préhistoriques  à  Dux  en  Bobôme  (dessin 
des  objets  trouvés,  pour  la  plupart  des  fibules).  —  Much  (contre  Ficker 
qui,  dans  le  Kosmos^  Jahrg.  V,  Heft  8,  avait  contesté  l'existence  d'une 
période  de  la  pierre  taillée  ;  montre  que,  déjà  à  Tàge  de  la  pierre,  une 
partie  du  travail  était  développée,  fait  qui  permet  de  supposer  un 
assez  haut  degré  de  civilisation  et  une  certaine  organisation  politique). 
—  HcERNEs.  Instruments  en  bois  et  architecture  en  bois  en  Bosnie 
(charrues,  charriots,  moulins,  etc.,  d*une  forme  très  primitive,  et  qui 
rappelle  les  premiers  temps  de  la  civilisation).  —  Rapport  sur  des  décou- 
vertes préhistoriques  en  Hongrie,  en  Bohême,  en  Egypte,  dans  leTyrol, 
etc.  —  Fliqier.  a  quelle  race  appartenaient  les  Etrusques  ?  (parle  des 
travaux  récents  de  Deecke,  Pauli,  Bugge,  Nicolucci,  etc.;  tient  les 
Etrusques  et  les  Rhétiens  et  Euganéens,  apparentés  avec  eux,  pour 
des  peuples  de  race  indo-germanique,  mais  ils  étaient  fort  différents  des 
peuples  italiques  :  ceux-ci  étaient  dolichocéphales,  et  les  Etrusques 
brachycéphales).  —  Senoner.  Rapport  sur  les  discussions  auxquelles 
donna  lieu  l'ethnologie  ancienne  de  Tltalie  au  3*  congrès  international 
de  géographie  tenu  à  Venise.  —  Rapport  sur  les  ouvrages  récents  sur 
Tanthropoiogie. 

72.  — K.  K.  Akademie  der  'Wissenschaften.  Philosophish-histo- 
rische  Classe.  Sitzungsberichte.  Vienne,  1882.  Bd.  CI,  Heft  2.  —  Zra- 
OERLE.  Etudes  critiques  sur  la  3«  décade  de  Tite-Live  (critique  du  texte, 
conjectures  et  explications,  qui  servent  de  complément  à  l'édition  de 
Tite-Live  que  prépare  l'auteur).  —  E.  Steffenhaqbn.  Les  t  Petrinische 
Glossen  »  du  Sachsenspiegel  ;  suite  (les  mss.,  les  particularités  caracté- 
ristiques, les  sources  et  la  valeur  de  ces  gloses).  —  Pfizmaier.  Explication 
de  mots  japonais  inconnus  ou  difficiles. 

73.  —  Szazàdok.  Revue  historique  hongroise,  1882  (Buda-Pest).  — 
I.  Salamon.  La  Pannonie  sous  les  Goths  et  les  Longobards.  —  Mirgse. 
Mémoires  sur  les  derniers  jours  du  roi  Mathias.  —  Szilady.  Trois  poé- 
sies de  troubadours.  —  Abel.  Nos  universités  au  moyen  âge  (compte- 
rendu).  —  SzABO.  Un  dénombrement  à  Koloszvar  (Klausemburg)  en 
1453.—  Les  travaux  de  l'université  de  Gracovie.=:II.  Pulssky.  Joseph  II 
en  Hongrie.  —  Récsey.  Un  épisode  de  la  vie  de  Tékély.  —  Zieqlauer. 
Le  mouvement  politique  et  les  réformes  en  Transylvanie  sous  Joseph  II 
et  Léopold  III  (compte-rendu).  —  Les  Archives  nationales.  =r  III.  Frak- 
NOi.  La  Hongrie  et  la  ligue  de  Gambrai.  — Salamon.  Les  Huns  en  Pan- 
nonie. —  Thaly.  Les  Rakoczy  et  la  famille  d'Arpad.  —  Les  guerres  du 
prince  Eugène  de  Savoie  :  publication  des  Archives  militaires  (compte- 
rendu).  «  IV.  Lanczi.  Szeckènyi,  archevêque  de  Kalocza,  et  la  poli- 
tique nationale  en  Hongrie.  —  Margzaly.  Les  sources  hongroises  dans 
les  archives  étrangères.  —  Kbrèkgyartô.  Ghronologie  de  la  Hongrie. 
—  Hecht,  Les  colonies  lorraines  et  alsaciennes  en  Hongrie  (compte- 


RECUEILS   PERIODIQUES.  223 

rendu).  =  Dbak.  La  vie  de  Fr.  Wesselényi.  —  Fraknoi.  La  Hon- 
grie et  la  ligue  de  Cambrai.  —  Zilahyhiss,  Tékély  et  les  émigrants 
(compte-rendu). 


74.  —  The  Academy.  1883,  10  févr.  —  Bancroft,  The  history  of  the 
Pacific  States  of  America,  t.  I  :  Central  America  1501-30  (très  remar- 
quable). —  Mason,  The  history  of  Norfolk;  I  (faible).  =  17  févr.  Craik, 
The  life  of  Jonathan  Swift  (biographie  exacte  et  complète). —  Durnford, 
A  soldier^s  life  and  work  in  South  Afrika  1872-79  (ce  livre  jette  un 
jour  singulier  sur  les  mœurs  des  colons  anglais  dans  l'Afrique  du  Sud; 
le  colonel  Durford  se  fit  détester  d'eux  et  s'honora  en  prenant  la  défense 
des  indigènes  contre  les  colons).  —  Menendez  Pclayo.  Historia  de  los 
heterodoxos  espafioles,  t.  III  (rauteur  n'a  jamais  rien  écrit  de  plus  vivant 
que  les  premiers  et  les  derniers  chapitres  de  ce  volume.  Considéré  dans 
son  ensemble,  cet  ouvrage,  aujourd'hui  terminé,  est  indispensable  à 
toute  personne  qui  étudie  la  littérature  ecclésiastique  de  TËspagne).  — 
Bigelow,  Molinos,  the  Quietist  (simple  biographie  qui  n'est  pas  toujours 
irréprochable).  —  Waters,  Parish  registers  in  England  (excellent  petit 
livre,  rempli  de  détails  précis  et  muni  de  bonnes  tables).  =  24  févr. 
B,  Smith.  The  life  of  lord  Lawrence  (importante  biographie  d'un  de 
ceux  qui  contribuèrent  le  plus  à  fonder  l'empire  anglais  dans  l'Hin- 
doustan).  —  Hamilton.  Calendar  of  state  papers;  domestic  séries  1640-41 
(très  utile).  —  Conway.  Les  mss.  à  miniatures  de  la  collection  Ash- 
bnrnham.  =  3  mars.  Sir  Ch.  Duffy.  Four  years  of  irish  history  1845-49 
(hi.<^toire  remarquable  de  la  grande  famine  irlandaise).  =  10  mars.  Rule. 
The  life  and  times  of  Saint  Anselm  archbishopofCanterbury  (M.  R.  est 
un  clergyman  qui  s'est  fait  catholique;  il  s'appelait  autrefois  Luther 
Rule,  maintenant  Martin  ;  c'est  plus  qu'un  écrivain  catholique,  c'est  un 
écrivain  papiste  ;  sa  biographie  est  une  hagiographie  faite  avec  cons- 
cience, mais  avec  un  évident  parti-pris.  L'art,  est  de  M.  Freeman  qui, 
attaqué  par  l'auteur,  combat  pro  domo  sua).  =  17  mars.  Cartwright. 
The  Wentworth  papers  1705-39  (utiles  extraits  de  la  correspondance 
des  Wentworth  qui  remplit  100  vol.  au  Brit.  Mus.).  =  24  mars.  Halton 
et  Hervey.  Newfoundland,  the  oldest  british  colony  (beaucoup  d'utiles 
données  statistiques;  livre  pénible  à  lire).  =  31  mars.  Guest.  Origines 
celticae  and  other  contributions  to  the  history  of  Britain  (on  a  eu  tort 
de  publier  le  fragment  de  feu  E.  G.  sur  les  origines  celtiques  ;  l'auteur 
s'y  est  entièrement  fourvoyé). 

75.  — The  Athenaeum.  1883,  17  févr.  —  Craik.  The  life  of  Jonathan 
Swift,  doan  i»f  Saint-Patrick's,  Dublin  (excellent).  =  24  févr.  Th.  Grie- 
singer.  The  Jesuits;  trad.  de  l'allemand  (il  était  inutile  do  traduire  ce 
livre  où  la  polémique  ardente  du  Kulturkampf  tient  plus  de  place  que 
l'histoire).  =  3  mars.  Mackcnsie.  The  history  of  highland  clearances 
(étude  peu  critique  sur  les  expropriations  des  paysans  dans  le  nord  de 
rÉcosse).  =»  10  mars.  B.  Smith.  Life  of  lord  Lawrence  (important  pour 


224  BEGUEILS   PJBIODIQUES. 

l'histoire  de  la  révolte  des  Gipayes  en  1857  ;  écrit  avec  beaucoup  de  soin 
et  de  chaleur).  —  Vibart,  The  military  history  of  the  Madras  engineers 
and  pioneers  (cette  histoire  commence  à  la  prise  de  Madras  en  1746. 
Beaucoup  de  cartes  et  de  plans  accompagnent  ce  remarquable  ouvrage). 
=  17  mars.  The  correspondence  of  Thomas  Carlyle  and  Ralph  W.  Emer- 
son 1834-72  (intéresse  surtout  l'histoire  littéraire).  —  The  free-trade 
speeches  of  tbe  R.  H.  Charles  Pelham  Villiers  (l'auteur  a  été  un  des 
plus  anciens  partisans  du  libre-échange  ;  il  est  entré  à  la  Chambre  des 
Communes  en  1838,  trois  ans  avant  Cobden  ;  ses  discours  sont  aujourd'hui 
autant  de  documents  historiques).  —  Stephen,  A  history  of  the  crimi- 
nal  law  of  England  (sera  d'une  très  grande  utilité  pour  l'historien  comme 
pour  le  légiste).— Foj^er.  Members  of  Parliament,  Scotland  1357-1882  (très 
bien  fait).  =  24  mars.  Duffy.  4  years  of  irish  history  1845-49  (il  aurait 
mieux  valu  pour  la  jeune  Irlande  ne  pas  écrire  son  histoire,  mais  on  ne 
pouvait  trouver  d'historien  aussi  capable  et  aussi  sympathique  que  M.  D.j. 
=  31  mars.  Records  of  the  borough  of  Nottingham  (collection  de  textes 
importants;  le  l^'  vol.  contient  les  chartes  municipales  allant  de  1155 
à  1399).  

76.  —  The  Nation.  1883.  1«''  févr.  —  Creigthon.  The  papacy  during 
the  Reformation  (trop  compact,  mais  exact,  et  très  bien  informé).  — 
Hazen.  History  of  Billerica,  Mass.  (bon).  —  Geddie,  The  russian  empire; 
historical  and  descriptive  (ouvrage  surtout  descriptif).  =  8  févr.  Trollope. 
Lord  Palmerston  (biographie  qui  fait  grand  honneur  au  romancier, 
mais  qui  reste  avant  tout  l'œuvre  d'un  romancier).  =  22  févr.  Morison. 
Macaulay  (la  plus  intéressante  et  la  plus  juste  des  études  qu'on  ait 
encore  publiées  sur  Macaulay).  —  Scott.  The  development  of  constitu- 
tional  liberty  in  the  english  colonies  of  America  (trop  d'abstraction, 
mais  cependant  utile  et  intéressant).  =  l"  mars.  Bolles.  The  financial 
history  of  the  U.-S.  1789-1860  (beaucoup  de  faits  consciencieusement 
recueillis,  mais  mal  distribués  et  mal  présentés;  les  faits  principaux 
disparaissent  sous  l'entassement  des  détails).  =  8  mars.  Parkman.  Les 
Jésuites  dans  le  nord  de  l'Amérique;  trad.  fr.  par  M"»«  la  comtesse  de 
Clermoht-Tonnerre  (la  traductrice  a  pris  avec  son  texte  les  plus  étranges 
libertés;  non  contente  de  supprimer  ou  de  transposer  les  chapitres  de 
l'original,  elle  altère  le  sens  même  de  certains  passages,  et  transforme 
M.  Parkman  en  un  historien  que  tout  bon  catholique  pourra  désormais 
lire  sans  être  choqué  par  le  moindre  petit  mot  défavorable  aux  Jésuites. 
Traduttore,  traditore),  —  Durnford.  A  soldier's  life  and  work  inSouth- 
Africa,  1872-79  (très  intéressant).  —  Lamnan.  Leading  men  of  Japan 
(donne  51  biographies  des  personnages  qui  ont  le  plus  marqué  au  Japon 
dans  les  événements  qui  aboutirent  à  la  révolution  de  1868).  =  15  mars. 
Blunt.  The  reformation  of  the  church  of  England,  vol.  II,  1547-1662 
(consciencieux;  écrit  au  point  de  vue  strictement  anglican). 


77.  —  Archivio  storico  italiano.  T.  XI,  2»  disp.  de  1883.  Le 


BBCUEILS  piSbiodiqces.  225 

Journal  de  Palla  di  Noferi  Strozzi,  1423;  suite.  —  Saltini.  L'éducation 
du  prince  don  Franc,  de'  Médici;  suite  :  documents.  —  Mazzatinti. 
Lettres  politiques  de  V.  Armanni,  de  1642  et  1644  (Vincenzo  Armanni 
fut  secrétaire  du  nonce  Carlo,  des  comtes  Rossetti,  qu'Urbain  VIll 
avait  envoyé  en  Angleterre;  il  assista  aux  débuts  de  la  révolution 
anglaise,  dont  il  prévit  longtemps  à  l'avance  les  extrêmes  conséquences. 
Sa  correspondance  est  importante  pour  l'histoire  de  cette  époque  ;  on 
n'en  publie  ici  qu'une  analyse  sommaire  et  quelques  pièces  in  extenso). 

—  GiORQETTi.  Laurent  de  Médicis,  capitaine-général  de  la  république 
florentine  (nommé  membre  de  la  Balia  en  avril  1513,1e  fils  de  Pierre  II 
eut  bientôt  entre  les  mains,  malgré  sa  jeunesse,  le  gouvernement  de  sa 
patrie;  il  devint  capitaine  le  12  août  1515).  —  Reumont.  Lettres  de 
Polyxène,  reine  de  Sardaigne,  sur  l'abdication  et  Temprisonnement  de 
Victor- Amédée  II  (ces  lettres  sont  en  général  insignifiantes.  La  Société 
littéraire  de  Stuttgard  avait  eu  d'abord  l'intention  de  les  publier,  comme 
celles  de  la  princesse  palatine;  elle  y  a  renoncé  et  elle  a  eu  raison).  ^ 
Bibliographie.  Nani.  Gli  statuti  dell'  anno  1379  di  Amedeo  VI  conte  di 
Savoia  (important).  —  Guglielmotti.  La  squadra  permanente  délia  marina 
romana  ;  storia  dal  1373  al  1644  (forme  le  7*  vol.  d'une  histoire  générale 
de  la-marine  pontificale).  =  A  part.  Les  papiers  Strozzi,  !■*«  série;  suite. 

78.  —  Archivio  veneto.  T.  XXIV,  2«  partie.  —  Simonsfeld.  Au 
sujet  de  Marino  Sanudo  le  Vieux  (trad.  de  l'allemand  par  G.  Soranzo). 

—  CipoLLA.  Mesures  prises  par  le  Conseil  de  Vérone  à  l'occasion  d'un 
débordement  de  l'Adige  en  1757.  —  Bullo.  La  bourgeoisie  de  Gh loggia 
et  la  noblesse  de  ses  anciens  conseils;  suite  et  fin.  —  Giomo.  Les 
rubriques  des  Libri  misti  du  Sénat,  qui  sont  perdus;  suite.  =  Bulletin 
bibliographique.  Monticolo.  La  cronaca  del  diacono  Giovanni  e  la 
storia  politica  di  Vcnezia  sino  al  1009  (important).  —  Papadopoli,  Sulle 
origine  délia  veneta  Zeccha  (remarquable  travail  de  numismatique  ;  en 
étudiant  l'origine  de  la  fabrication  monétaire  à  Venise,  l'auteur  jette  de 
nouvelles  lumières  sur  les  rapports  des  Vénitiens  avec  les  empereurs). 

—  Swiedineck'Sûdenhorst.  Die  Venetianische  Inquisition  (le  meilleur 
travail  qu'on  ait  encore  sur  ce  sujet  ;  mais  il  y  aurait  plus  d'une  cri- 
tique de  détail  à  faire).  —  Manno,  Una  qncstione  famosa  di  storia 
veneta  e  di  morale  politica  (discute  et  apprécie  les  publications  de 
MM.  de  Mas  Latrie,  Lamansky  et  Fulin  sur  l'assassinat  politique  à 
Venise).  —  Feste  date  da  Toscan!  e  Veneziani  in  Gostantinopoli  nel 
carnavale  1524,  narrate  da  C.  Zeno  a  J.  (borner,  12  feb.  (curieux).  — 
D'Ancona.  G.  Casanova  e  le  sue  Memorie  (début  d'un  important  travail 
sur  ce  ctîlèbre  aventurier;  paru  dans  la  Nuova  Antologia^  ce  travail  est 
actuellement  interrompu,  parce  que  l'auteur  est  à  la  recherche  et  sur 
la  piste  de  documents  nouveaux).  —  Giulari.  La  pseudonimia  veronese 
(bon). 

79.  —  Archivio  storico  per  Trieste,  l^Istria  ed  il  Trentino. 

Vol.  II,  fasc.  1.  1883,  janv.  —  B.  Malfatti.  Les  frontières  de  la  prin- 

ReV.    HiSTOR.    XXII.    l^TASC.  If) 


226  RECUEILS   P^BIODIQOBS. 

m 

cipauté  de  Trente.  —  Gipolla.  Le  val  de  Pruviniano  dans  un  diplôme 
de  Bêrenger  I«'.  —  Joppi.  Inventaire  du  Trésor  de  Téglise  patriarcale 
d'Aquilée,  rédigé  en  1408.  —  Ferrai.  P.  P.  Vergerio  le  jeune  à  Padoue. 
—  NovATi.  La  biographie  d'Albcrtino  Mussato  dans  le  De  scriptoribus 
illustribus  de  Secco  Polentone.  —  Cesca.  Deux  documents  relatifs  à 
Marco  Ranfo,  de  Trieste,  1311.  —  Gipolla.  Document  relatif  à  Uberto 
da  Brentonico,  de  1174.  =  Bibliographie  :  Cesca.  La  sollevazione  di 
Gapodistria  nel  1348  (publie  100  doc.  inédits  sur  cet  épisode  de  l'histoire 
distrie).  —  V.  de  Vit.  Dissertazione  sui  Gimbri  e  sulla  via  tenuta  da 
essi  per  calare  in  Italia  (nie  que  les  Gimbres  aient  pénétré  en  Italie 
par  le  Brenner  et  la  vallée  de  l'Adige  ;  on  a  confondu  à  tort  r'Atuiâv  de 
Plutarque  avec  TAdige  ;  c'est  de  la  Tosa  ou  Atosa  dans  le  val  d'Ossola 
qu'il  doit  être  question.  Les  Gimbres  ont  donc  remonté  le  Rhône,  fran- 
chi le  Simplon,  et  c'est  par  là  qu'ils  sont  arrivés  en  Italie  pendant  que 
Gatulus,  retiré  derrière  le  Pô,  attendait  Marins  en  avant  de  Yerceil. 
Gette  dissertation  fait  partie  du  t.  VI  des  Opère  varie  de  V.  de  V.). 

80.  —  Archivio  storico,  artistico,  archeologico  e  letterario 

(de  Gori).  Vol.  IV,  fasc.  1  (6«  année,  1880).  —  Bertolotti.  L'exécution 
capitale  des  frères  Missori  au  xvii*  s.  (on  a  fait  de  ces  Missori  des  héros 
de  roman,  mis  à  mort  pour  s'être  convertis  au  protestantisme  ;  les  pièces 
de  leur  procès  prouvent  au  contraire  que  ce  sont  des  assassins  ;  après 
avoir  blessé  une  première  fois  leur  victime,  qui  parvint  à  guérir,  ils 
l'attaquèrent  à  nouveau,  et  cette  fois  ne  la  manquèrent  pas).  —  Id.  Un 
inventaire  de  pièces  conservées  aux  archives  de  l'Inquisition,  fait 
au  xvi«  s.,  1590-97).  —  In.  Guriosités  historiques  et  artistiques;  suite 
(la  corruption  au  collège  romain,  xvii*  s.  ;  vente  de  la  ville  de  Porto, 
de  sa  juridiction  temporelle  et  des  revenus  de  la  mense  épiscopale, 
contrat  passé  le  12  sept.  1725  ;  etc.).  =  Fasc.  2.  Gori.  Les  principaux 
faits  d  armes  et  les  campements  des  Ostrogoths  conduits  par  Vitigès 
autour  des  murs  de  Rome.  —  Bertolotti.  Exportation  d'objets  d'art  de 
Rome  pour  r Angleterre,  1626-1808.  =  Fasc.  3.  Babtolim.  Un  singulier 
arrèt  du  conseil  approuve  par  Lucrèce  Borgia,  dame  de  Spolète  et  de 
Foligno,  en  1499  (curieux  mode  de  voter  sur  la  proposition  d'un  con- 
seiller de  Trevi  relative  à  la  fabrication  des  tuiles,  briques,  etc.).  —  Ber- 
tolotti. Les  Français  à  Rome  aux  xv«  et  xvi«  siècles  (textes  extraits  des 
archives  criminelles  de  Rome).  —  Id.  Guriosités  historiques  et  artis- 
tiques ;  suite  (procès-verbal  de  la  mort  du  cardinal  Baronius,  d'après  le 
Liber  defunctorum  de  la  paroisse  de  S*«  Marie  et  S«  Grégoire  in  Valli- 
cella  ;  supplique  pour  demander  la  liberté  d'un  prince  Orsini  après  une 
détention  de  20  ans,  1676;  vols  de  livres  à  la  bibliothèque  de  la  Sapienza, 
1678;  demande  de  remise  ou  adoucissement  de  peine  en  faveur  d'un 
très  docte  théologien  condamné  aux  galères  «  per  essere  incorso,  come 
huomo,  nel  pecato  délia  carne,  »  xvii*  siècle,  elc.\  —  Gori.  Les  Borgia 
à  la  Rocca  di  Subiaco.  —  Pibralisi.  Registre  des  fabriques  du  pape 
Alexandre  VI.  =  Fascicule  4.  Bertoloto.  Le  plan  de  Rome  de  Leo- 
nardo  Buffalini  (le  testament  de  Buffalini,  retrouvé,  a  permis  de  jeter 


BECUEILS   PERIODIQUES.  227 

la  lumière  sur  la  biographie  de  ce  graveur  sur  bois).  —  Gori.  Les 
dernières  fouilles  opérées  à  Rome  au  Forum,  à  la  Voie  sacrée  et  à  la 
Farnésine  ;  trésor  découvert  dans  la  tombe  de  Marie,  femme  d'Ilonorius; 
inscriptions  de  Stilicon  et  de  Gordien  ;  de  l'emplacement  véritable  du 
quartier  des  Carènes  ;  tombeau  de  la  gens  Sulpicia.  —  Beltramj.  Les 
droits  de  propriété  sur  les  inventions  mécaniques  et  industrielles  intro- 
duites dans  rÉtat  romain  au  xvi«  et  au  xvn«  s.,  d'après  les  documents 
contemporains.  =  Fasc.  5  (7«  année,  1881).  Gori.  Documents  tirés  de 
TArchivio  Sublacense  (publie  les  chap.  33  et  34  du  Ghronicon  Subla- 
cense,  relatifs  à  Clément  VU  et  au  cardinal  P.  Golonna,  et  4  lettres  de 
Charles-Quint  relatives  à  la  querelle  entre  les  moines  allemands  et  ceux 
du  mont  Cassin  pour  la  possession  des  monastères  de  S.  Scolastique  et 
du  S.  Speco  de  Subiaco,  1522-35  ;  enûn  la  charte  de  donation  faite  à 
leglise  de  Saint-Laurent  de  Subiaco  par  Marsius,  patrice  romain, 
en  369).  —  Bertolotti.  Curiosités  historiques  et  artistiques  ;  suite.  = 
Fasc.  6.  Id.  Notes  contemporaines  sur  les  papes  du  milieu  du  xv«  s.  au 
milieu  du  xvi«,  et  sur  le  sac  de  Rome  en  1527.  —  Gori.  Monuments 
historiques,  artistiques  et  épigraphiques  de  Tivoli.  =  Fasc.  7  (8*  année, 
1882-83).  Gori.  Les  Septa  Julia,  la  basilique  et-le  portique  de  Neptune, 
les  thermes  d'Agrippa  (résume  les  dernières  recherches  et  les  derniers 
résultats  qu'ont  donnés  les  fouilles).  —  Barbier  de  Montault.  Les  docu- 
ments inédits  d'Anagni  du  xn«  s.  (a  Pactum  conventum  inter  dominos  de 
Castro  quod  Turris  vocatur  et  alios  bomincs  suos  eiusdem  castri,  de 
senr'itiis  et  consuetudinibus  que  ipsi  homines  jamdictis  suis  dominis 
facere  et  obscrvare  cum  jure  jurando  promiserunt.  »  Daté  de  l'an  1180 
de  l'incarnation,  20*  année  du  pontiflcat  d'Alexandre  III,  13«  indiction, 
7«  jour  de  février).  —  Rossi.  Prise  et  sac  d'Afile  par  les  insurgés  en  1799. 
—  Gori.  Les  dernières  fouilles  exécutées  à  Rome  (publie  deux  inscr.  : 
Tune,  déjà  connue,  appartient  au  tombeau  de  C.  Menius  Bassus,  que 
Ton  vient  récemment  de  dégager,  l'autre  à  celui  d'un  a  magister  ab 
atmissione  »  (5j*c),  affranchi  de  l'empereur  Marc-Aurèle). 

81.  —  Studl  e  docamenti  di  storia  e  diritto.  4'  année,  fasc.  1, 
janv.-mars  1883.  —  Re.  Statuts  de  la  ville  de  Rome;  fin  de  la  préface; 
suite  du  texte.  La  fin  du  texte  et  les  tables  seront  donnés  dans  le 
fasc.  2. 


82.  —  Indicateur  d^hlstoire  suisse.  Nouvelle  série,  13*  année, 
1882.  —  Th.  DE  Liebenau.  Sur  les  comtes  de  Lenzbourg.  —  A.  Ber- 
NouLLi  et  J.  FiALA.  Notes  sur  la  bataille  de  Sempach.  —  J.  Rourbr. 
Archidiacres  et  commissaires  do  Tévéché  de  Constance.  —  W.  Tobler- 
Meyeb.  Une  lettre  inédite  de  Tschudi.  —  A.  Bernoulli.  Le  manuscrit 
bàlois  do  la  chronique  du  Ropgau.  —  K.  DiE.NOLiKER.  Pourquoi  Melchior 
Russ  n'a  rion  dit  do  l'exploit  de  Winkelried. —  Th.  de  Liebenau.  Démêlé 
de  Pellogrin  de  Hondorf  avec  les  confédérés,  1468.  —  J.  Fiala.  Michel 
d'Eggernstorf,  dernier  abbé  de  Tous-les-Saints ,  à  SchafThouse.  — 
A.  Daguet.  Élection  d'un  avoyer  à  Fribourgen,  1770.  —  Th.  dk  Liebe- 


228  RECUEILS  PIÎRIODIQUES. 

NAu.  Notes  sur  le  couvent  de  Saint-Urbain.  —  J.  Gremaud.  Le  dernier 
des  Biandrate  en  Vallais.  —  A.  Daquet.  Papiers  inédits  du  xvi«  siècle 
(suite).  —  G.  DE  Wyss.  Discours  prononcé  à  Genève,  le  8  août  1882,  à 
l'ouverture  de  la  séance  générale  de  la  Société  générale  d'histoire  suisse. 
—  J.  Teiqe.  Étudiants  suisses  de  Tuniversité  de  Prague  pendant  le  xrv« 
et  le  xv«  s.  —  Th.  de  Liebenau.  Le  duc  Léopold  d'Autriche  à  Willisau, 
1386.  —  Idem.  Falsifications  d'obituaires.  —  G.  Meyer  von  Knonan. 
Conquête  de  Domo  d'Ossola  par  la  Savoie  en  1414.— W.  Gisi.  Mathieu 
Schinner  et  le  conclave  de  1522.  —  Th.  de  Liebenau.  Les  dernières 
'heures  des  Cent  Suisses  à  Paris. — J.  Fiala.  Notices  nécrologiques,  1882. 

83.  —  Mittheilongen  des  historichen  Vereins  des  Kantons 
Sch'wyz.  Heft  I,  Einsiedeln,  1882. —  K.  Styger.  Le  landammann  Die- 
trich  in  der  Halten,  1512-1584.  —  J.-B.  KiELiN.  L'avouerie  de  l'abbaye 
d'Einsiedeln,  1"*  partie. 

84.  —  Mittheilunsen  der  antiquarischen  Gesellschaft  in 
ZOrich.  Ed.  XXI,  Heft  4,  1883.  —  J.-R.  Rahn.  Uéglise  d'Oberwinter- 
thur  et  ses  peintures  murales. 

85.  —  Thurganische  Beitraage  znr  vaterlœndischen  Ges- 
chichte.  Heft  XXII,  1882.  —  J.-G.  Sulzberger.  Contribution  à  This- 
toire  de  l'instruction  publique  en  Thurgovie. 

86. —  Jahrbuch  des  historichen  Vereins  des  Kantons  Glams. 
Heft  XIX,  1882.  —  G.  Heer.  Histoire  de  l'instruction  publique  à  Claris, 
2*  partie. 

87.  — Archiv  des  historichen  Vereins  des  Kantons  Bem. 
Bd.  X,  Heft  3,  1882.  —  A.  Nuschelbr.  Inscriptions  des  cloches  dans  la 
partie  réservée  du  canton  de  Berne  (fragment  d'un  travail  sur  les  cloches 
de  la  Suisse  tout  entière.  Le  présent  recueil  remplit,  à  lui  seul,  160  pages; 
la  première  section  renferme,  dans  l'ordre  alphabétique  des  paroisses, 
les  inscriptions  de  638  cloches;  la  deuxième  réunit,  dans  quelques 
rubriques  générales,  les  résultats  de  cette  laborieuse  enquête). 

88.  —  Mémoires  et  documents  pobiiés  par  la  Société  d^his- 
toire  et  d^archéologie  de  Genève.  2*  série,  t.  I,  1882  (la  3«  livraison 
du  t.  XX  de  la  1"»  série  paraîtra  ultérieurement).  —  A.  Sarasin.  Obi- 
tuaire  de  l'église  cathédrale  de  Saint-Pierre  de  Genève  (document 
important,  publié  pour  la  première  fois,  quoiqu'il  fût  depuis  longtemps 
connu  à  Genève.  L'éditeur  y  a  joint  une  introduction,  des  notes  et  un 
index  qui  en  facilitent  singulièrement  l'usage). 

89.  —  Bolletino  storico  délia  Svizzera  italiana.  1882,  n*  12.  — 
MoTTA.  Des  personnages  célèbres  qui  passèrent  le  Saint-Gothard  aux 
temps  anciens  et  modernes;  suite.  —  Liste  des  archiprôtres  de  Bellin- 
zona.  —  Documents  et  régestes  suisses  de  1578,  tirés  des  archives 
milanaises.  —  L'imprimerie  Agnelli  à  Lugano,  1476-1799.  =  1883,  n*  1. 
Droits  de  cité  milanaise  accordés  à  divers  habitants  du  canton  suisse  au 
xv«  s.  =  No  2.  Sur  l'histoire  de  Castel  S.  Pietro  (trad.  de  l'allemand  du 
D' Alf.  Pioda). 


CHROl^IQUB  ST   BIBLIOGRAPHIE.  229 


CHRONIQUE  ET  BIBLIOGRAPHIE. 


France.  —  Le  Congrès  annuel  des  Sociétés  savantes  s'est  réuni 
comme  de  coutume  à  la  Sorbonne  pendant  la  semaine  de  Pâques 
(27-30  mars);  il  comprend  actuellement  cinq  sections  :  histoire  et 
philologie,  archéologie,  sciences  économiques  et  sociales,  sciences 
naturelles  et  géographiques,  sciences  mathématiques,  physiques, 
chimiques  et  météorologiques.  Dans  la  Section  d'histoire  (président, 
M.  L.  Delisle),  nous  signalerons  les  lectures  suivantes  :  Lemurb. 
Sur  un  ms.  du  xv*  s.,  contenant  les  statuts  de  la  corporation  des  tisse- 
rands à  Goutances.  —  Ducrogq.  Sur  un  mémoire  ms.  du  comte  de 
Boulainvilliers,  imprimé,  avec  quelques  changements,  dans  le  Détail  de 
la  France.  —  M.  d'Aussy.  Sur  les  t  Cœurs  navrés,  •  conjuration  qui  se 
forma,  en  1573,  entre  les  ministres  protestants  de  la  Rochelle.  — Abbé 
PoTTiER.  Statistique  des  villes  neuves  et  bastides  dans  le  département 
de  Tam-et-Garonne.  —  M.  de  Lagrèze  soulève  à  nouveau,  mais  sans  y 
apporter  de  documents  inédits,  la  question  du  mariage  secret  de  Jeanne 
d^Albret  avec  le  comte  de  Goyon.  —  J.  Roman.  Des  routes  suivies  par 
les  pèlerinages  à  travers  les  Alpes,  et  des  maisons  hospitalières  qui  se 
trouvaient  sur  ces  routes;  il  y  en  a  70  dans  le  département  des  Hautes- 
Alpes,  à  une  distance  moyenne  de  quatre  kilom.  et  demi.  —  Durieux. 
Sur  un  document  relatif  aux  corps  de  métiers  avant  le  xvi*  s.,  trouvé 
aux  archives  de  Cambrai;  un  autre  ms.,  conservé  aux  mêmes  archives, 
fait  connaître  les  règlements  de  police  appliqués  depuis  1406  aux  arti- 
sans et  marchands  de  cette  ville.  —  Castonnet- Desfosses.  Pondichéry 
au  xvn*  s.,  d'après  de  nombreux  documents  inédits.  —  Abbé  Range. 
Vingt  lettres  inédites  de  Fénelon  à  la  chanoinosse  de  Remiromont  ;  les 
dix  premières  relatives  à  un  procès  que  cette  dame  (Marie-Christine, 
princesse  de  Salon)  soutenait  à  Paris,  1693-95;  les  autres,  1700-10,  sont 
des  lettres  de  direction.  —  Laval.  Sur  l'Université  d'Avignon.  — 
RorcHARD.  Histoire  des  petites  écoles  en  Bourbonnais  avant  1789.  — 
Mauqiolo.  Statistique  de  l'enseignement  primaire  avant  1789  et  1833  ;  ses 
recherches  ont  porté  jusqu'ici  sur  260  cantons  et  4,432  communes; 
4,134  avaient  une  école  avant  89.  —  M.  Rioollot.  L'instruction 
publique  à  Vendôme  avant  la  Révolution.  —  Demaison.  Cahier  de 
doléances  rédigé  en  1424  par  les  bourgeois  de  Reims  pendant  l'occupa- 
tion anglaise.  —  Morev.  Situation  des  Juifs  dans  la  Franche-Comté 
au  XIV*  s.  =  Section  darchéologie  (président,  M.  Henri  Martin).  Borrel. 
Les  in.scriptions  latines  de  la  Tarentaise,  arrond.  de  Moutiers;  elles 
sont  au  nombre  de  30,  dont  26  proviennent  d'Aimé,  deux  de  la  Côte- 


230  CHBONIQUB   ET   BIBLI06BAPHIB. 

d'Aimé,  une  de  Villette,  une  de  Bourg -Saint -Maurice;  il  con- 
cernent des  empereurs,  5  des  procurateurs  impériaux,  2  des  divi- 
nités (  parmi  lesquelles  sont  mentionnées  des  Matronae  )  ;  6  sont 
funéraires;  Fauteur  propose  une  interprétation  nouvelle  de  celle  de 
Bourg-Saint-Maurice,  qui  est  la  plus  importante,  et  qui  se  rapporte  à 
Tempereur  L.  Verus.  —  R.  P.  de  la  Croix.  Les  fouilles  de  Sanxay  ; 
description  du  temple,  des  thermes,  du  théâtre,  des  hôtelleries.  Dans 
ce  théâtre,  on  a  trouvé  les  restes  nombreux  d'une  grande  inscription  ; 
mais  ils  n'ont  pu  être  encore  ni  rassemblés  ni  déchiffrés.  La  destination 
de  cet  ensemble  considérable  de  bâtiments  (le  temple  et  son  péribole 
pouvaient  contenir  8,000  personnes)  ne  peut  ôtre  encore  fixée  avec  pré- 
cision. Le  R.  P.  de  la  Croix  incline  à  croire  que  ce  fut  un  lieu  de  réu- 
nion politique  pour  le  peuple  des  Pictons. 

Le  Congrès  a  été  clos,  le  samedi  31  mars,  par  un  discours  très  élevé 
da  ministre  de  l'instruction  publique.  Après  avoir  rendu  un  juste 
hommage  aux  travaux  des  Sociétés  savantes,  il  a  fait  ressortir  avec 
beaucoup  de  force  et  un  grand  bon  sens  l'importance  du  rôle  joué  dans 
notre  démocratie  par  renseignement  supérieur.  «  Dans  une  société 
laborieuse  et  égalitaire  comme  la  nôtre,  a-t-il  dit,  renseignemeQt  supé- 
rieur n'est  pas  le  superflu,  c'est  le  nécessaire  !  C'est  le  tronc  puissant 
dont  la  sève  alimente  l'enseignement  primaire  et  l'enseignement  secon- 
daire ;  ceux-ci  n'en  sont  que  des  émanations,  ils  ne  sont  que  des  vulga- 
risateurs qui  font  passer  dans  la  masse  quelques-uns  des  résultats 
acquis,  mais  il  n'ont  pas  le  pouvoir  de  créer  la  science  ;  la  science  se 
crée,  se  développe,  la  méthode  prend  naissance,  où?  Dans  l'enseigne- 
ment supérieur  et  dans  toutes  les  institutions  qui  s'y  rattachent.  L'en- 
seignement supérieur,  dans  une  société  républicaine,  remplit  encore  un 
autre  office,  et  non  moins  important.  Non  seulement  il  élève  les  âmes, 
mais  il  discipline  les  esprits. 

«  L'esprit  scientifique,  se  propageant  de  proche  en  proche,  peut  seul 
tempérer  et  assouplir  ce  penchant  vers  l'absolu,  vers  la  chimère,  qui  est 
recueil  des  démocraties  souveraines. 

«  L'esprit  scientifique,  pénétrant  la  société  peu  à  peu,  descendant  de 
l'enseignement  supérieur  dans  les  deux  autres  ordres  d'enseignement, 
est  véritablement  la  seule  digue  à  opposer  à  l'esprit  d'utopie  et  d'er- 
reur, si  prêt,  quand  il  est  abandonné  à  lui-même,  quand  il  n'est  pas 
réglé  et  éclairé  par  la  science,  à  devenir  l'esprit  de  désordre  et  d'anarchie^ .  » 

1 .  Nous  avons  emprunté  cet  extrait  au  journal  le  Temps,  auquel  nous  avons 
aussi  emprunté  l'analyse  que  nous  donnons  des  lectures  faites  au  Congrès. 

Le  discours  du  ministre  confirme  officiellement  une  bonne  nouvelle  :  on  sait 
que  la  riche  bibliothèque  de  mss.  possédée  par  lord  Ashburham  a  été  mise  en 
vente  et  offerte  an  British  Muséum.  Deux  des  fonds  qui  composent  cette  collec- 
tion, le  fonds  Libri  et  le  fonds  Barrois,  sont  en  grande  partie  composés  de  mss. 
provenant  de  bibliothèques  françaises;  ces  mss.  ont  été  soustraits  à  nos  dépôts 
publics,  plusieurs,  et  les  plus  importants,  par  le  trop  fameux  Libri.  L'admi- 
nistrateur général,  M.  L.  Oelisle,  a  lu  à  l'Académie,  puis  publié,  dans  le  Temps 


CHBONIQUE   ET    BIBLIOGRAPHIB.  23\ 

—  La  Revue  historique  de  Béarn  et  de  la  Navarre,  dont  nous  avons 
annoncé  précédemment  le  premier  numéro,  a  cessé  de  paraître.  La 
place,  laissée  libre  par  la  disparition  de  son  directeur  en  chef,  vient 
d'être  prise  par  la  Revue  des  Basses-Pyrénées  et  des  iMndes,  publiée  sous 
le  patronage  de  MM.  Tamizey  de  I^rroquo,  V.  Lespy,  S.  Soulicc,  etc. 
Elle  paraîtra  par  fascicules  mensuels,  au  prix  do  20  fr.  par  an. 

—  La  Revue  numismatique  va  reparaître  chez  Rollin  et  Peuardent, 
80US  la  direction  de  MM.  An.  de  Barthélémy,  Schlumberger  et  Babelon. 

—  Nous  avons  annoncé  précédemment,  XX,  p.  219,  la  notice  de 
M.  Hellot  sur  un  ms.  de  Rouen,  qui  renferme  une  chronique  composée 
d'après  G.  de  Nangis.  Il  convient  d'y  ajouter  qu'à  partir  do  l'an  1318, 
cette  chronique  s'écarte  entièrement  de  son  modèle,  et  qu'elle  devient 
une  source  nouvelle  pour  l'histoire  des  règnes  de  Philippe  le  Long, 
Charles  le  Bel  et  Philippe  de  Valois. 

—  Sous  le  titre  de  Ciialon^sur-Sa^me  pittoresque  et  démoli,  M.  Jules 
Ghevrier  a  publié  chez  Quantin  un  ouvrage  de  grand  luxe,  contenant 
50  pi.  à  l'eau-forte  et  une  centaine  de  dessins  dans  le  texte. 

—  Nos  collaborateurs,  MM.  Alf.  Leroux,  Ém.  Molinibr  et  Ant. 
Thomas,  annoncent  la  publication  de  documents  historiques  bas-latins, 
provençaux  et  français  concernant  principalement  la  Marche  et  le 
Limousin  (obituaires,  inscriptions,  bulles  et  chartes,  statuts  ecclésias- 
tiques, etc.);  ils  annoncent  comme  devant  paraître  en  premier  lieu  des 
documents  provenant  des  archives  départementales  et  hospitalières  de 
la  Haute- Vienne  (sur  l'inventaire  de  ce  fonds,  voy.  Rev.  hist,,  XX,  137), 
l'obituaire  de  Saint- Martial  de  Limoges,  le  registre  consulaire  de 
Rochechouart,  du  xv«  s.,  la  chronique  inédite  d'un  notaire  de  Pierre- 
Buffîère,  du  xv«  s.,  le  mémoire  de  M.  de  Bernage  sur  la  généralité  do 
Limoges  (1G98),  etc.  Nous  souhaitons  bon  succès  à  leur  courageuse 
entreprise.  —  Sur  l'histoire  de  ces  mômes  régions,  on  annonce  en 
outre  un  important  chartrier  de  Limoges,  remontant  au  xiii*  s.,  le  car- 
tulairo  d'Aureil,  que  M.  de  Senneville  doit  bientôt  publier,  celui  de 
Saint-Ëtienne  de  Limoges,  reconstitué  par  M.  R.  de  Lasteyrie,  les 

du  25  férr.  (et  à  part),  un  important  mémoire  sur  les  très  anciens  mst,  du 
fonds  Libri  dans  les  collections  d' A shburham  place  ;  il  y  prouve,  avec  la  der- 
nière évidence,  la  provenance  plus  que  suspecte  de  ces  mss.,  dont  certains  sont 
des  raretés  paléographiques  du  plus  haut  intérêt.  Le  British  Muséum  a,  dès  le 
premier  jour,  très  noblement  reconnu  le  droit  de  préemption  du  gouvernement 
français  A  l'égard  de  ces  mss.  volés  ;  des  négociations,  entamées  avec  les 
trustées  de  la  grande  bibliothèque  anglaise,  ont  abouti  :  deux  cents  mss.,  dont 
M.  Delisle  a  pu  avec  une  science  consommée  reconstituer  l'histoire,  ont  été 
mis  à  part  et  doirent  élre  adjugés  au  gouvernement  français  au  prix  de 
60U,(K)0  fr.  Toute  cette  affaire  fait  le  plus  grand  honneur  à  la  science  et  à  l'ha- 
bileté de  M.  Delisle,  cl  nous  nous  associons  aux  applaudissements  prolongés 
qui,  dans  la  Sorbonne,  ont  accueilli  l'annonce  faite  par  le  ministre  que  M.  De- 
lisle était  nommé  commandeur  de  la  Légiun  d'honneur. 


232  CHRONIQUE  ET   BIBLIOGRAPHIE. 

Mémoires  historiques  de  Bullat,  vicaire  de  Saint-Martial  à  la  fin  du 
XVIII*  s.,  des  documents  relatifs  à  Tabbaye  de  Solignac,  etc. 

—  M.  L.  Lanier  vient  de  publier  (Eug.  Belin)  le  premier  volume 
d'un  Choix  de  lectures  de  géographie,  conçu  d'après  un  plan  nouveau  et 
destiné  à  rendre  de  grands  services  à  notre  enseignement  classique. 
Pour  chaque  pays,  l'auteur  donne  d'abord  un  résumé  géographique  et 
historique  très  rapide,  mais  très  substantiel,  puis  viennent  les  extraits 
et  analyses  empruntés  aux  auteurs  les  plus  récents;  à  la  suite,  et  c'est 
Pinnovation  la  plus  importante,  est  donnée  une  bibliographie  très 
complète  de  tous  les  ouvrages  ou  articles  de  revue  parus  en  France 
dans  ces  vingt  dernières  années.  On  regrette  cependant  que  M.  L.  se 
soit  entièrement  abstenu  de  citer  au  moins  les  principaux  ouvrages 
étrangers;  c'est  une  omission  volontaire  qu'il  sera  facile  de  réparer 
dans  la  prochaine  édition.  Le  vol.  déjà  paru  se  rapporte  à  V Amérique; 
il  est  des  plus  attachants  ;  l'historien  y  trouvera  son  profit  autant  que 
le  géographe,  car  c'est  la  vie  môme  des  peuples  modernes  que  l'auteur 
s'est  efforcé  de  nous  peindre  d  après  les  récits  des  savants  ou  des  voya- 
geurs les  plus  autorisés  ;  il  y  a  pleinement  réussi.  Cinq  autres  volumes 
seront  consacrés  aux  régions  polaires,  à  la  France,  à  l'Europe,  à 
l'Afrique,  à  l'Asie  et  à  i'Océanie. 

—  M.  H.  Galli  vient  de  publier  le  Journal  d'un  officier  de  Varmée 
d^ Egypte  (Charpentier).  Ce  sont  des  notes  du  capitaine  Vertray,  mises 
en  ordre  et  rédigées.  Sans  rien  renfermer  de  très  nouveau,  ces  notes 
ont  cependant  de  la  vie  et  du  piquant.  On  voudrait  pourtant  savoir 
dans  quelle  mesure  l'éditeur  a  remanié  et  complété  les  notes  qui  lui 
étaient  fournies. 

—  M.  H.  BoRDiER,  malgré  l'activité  avec  laquelle  il  mène  à  bien  la 
grande  entreprise  de  la  refonte  de  la  France  Protestante,  a  trouvé  encore 
le  temps  d'achever  un  travail  important  pour  l'histoire  de  l'art  et  pour 
celle  de  la  paléographie,  la  Description  des  peintures  et  autres  ornements 
contenus  dans  les  mss.  grecs  de  la  Bibliothèque  nationale  (Champion,  in-4', 
l"*®  liv.).  L'ouvrage  comprendra  4  livraisons  à  7  fr.  50  chaque.  Dans  une 
introduction,  M.  Bornier  donne  le  catalogue  des  mss.  contenant  des  orne- 
ments, et  analyse  le  caractère  des  sujets  auxquels  on  rapporte  ces  orne- 
ments. Si  les  sujets  bibliques  intéressent  l'histoire  religieuse,  l'historien 
trouvera  encore  à  glaner  parmi  les  sujets  familiers  ou  les  portraits. 

—  Nous  signalerons  deux  volumes  qui,  sans  parler  de  leur  valeur 
littéraine,  sont  des  documents  pour  l'histoire  contemporaine  :  le  second 
vol.  des  Souvenirs  littéraires  de  M.  Maxime  Du  Camp  (Hachette),  qui 
comprend  toute  l'époque  de  l'Empire,  et  où  l'historien  remarquera 
surtout  ce  qui  concerne  la  Revue  des  Deux-Mondes  et  le  Journal  des 
Débats,  deux  des  puissances  de  l'époque;  et  leîV«  vol.  de  la  Correspond 
dance  de  G.  Sand  (Lévy),  qui  comprend  les  dix  années  de  1854  à  1863. 
Sans  avoir  l'intérêt  des  lettres  du  t.  III,  relatives  à  la  révolution  de  48, 
on  trouvera  dans  celles-Kîi  bien  des  traits  utiles  pour  l'histoire  du  second 
empire,  surtout  dans  les  lettres  à  Barbes  et  au  prince  Napoléon. 


GHRONIQUB  ET   BIBLIOORAPHIB.  233 

—  Dans  une  brochure  intitulée  :  Les  Vols  d'Autographes  et  les  Archives 
du  Ministère  de  la  Marine  (Picard),  M.  J.  Flammbrmont  vient  d'appeler 
de  nouveau  l'attention  dn  monde  savant  sur  la  déplorable  incurie  qui 
règne  dans  cet  important  dépôt.  Non  seulement  il  n'y  a  pas  d'inven- 
taire, mais  les  documents  ne  sont  ni  foliotés  ni  estampillés,  et  le9  chefs 
actuels  des  archives  s'opposent  à  toute  amélioration  dans  ce  système 
aussi  blâmable  au  point  de  vue  administratif  qu'au  point  de  vue  scien- 
tiûque.  MM.  Cloué  et  Gougeard  avaient  entrepris  de  porter  remède  à 
cet  état  de  choses,  mais  M.  Jauréguiberry  s'est  hâté  d'entraver  les 
réformes  promises  par  ses  prédécesseurs.  Au  Ministère  de  la  guerre  les 
archives  sont  du  moins  bien  classées  et  bien  inventoriées,  grâce  aux 
soins  de  M.  Rousset  (qui  depuis,  victime  de  rancunes  politiques,  a  été 
écarté  d'un  dépôt  auquel  il  avait  rendu  de  si  éminents  services)  ;  mais 
il  y  a  d'autres  inconvénients  ;  elles  sont  presque  inabordables.  C'est  le 
ministre  seul  qui  autorise  les  savants  à  y  travailler;  il  faut  dire  exac- 
tement quelles  pièces  on  veut  consulter  et,  à  moins  d'être  particulière- 
ment recommandé,  on  ne  peut  rien  obtenir.  Ce  système  est  doublement 
absurde,  il  gêne  les  travailleurs  et  il  oblige  le  ministre  à  prendre  une 
responsabilité  pour  des  choses  sur  lesquelles  il  est  nécessairement 
incompétent.  L'expérience  faite  aux  Affaires  étrangères  a  montré  quel 
est  le  seul  système  sensé  :  confier  les  archives  à  un  bureau  historique 
composé  d'hommes  compétents;  placer  à  côté  d'eux  une  commission 
chargée  de  partager  avec  eux  la  responsabilité  des  communications  au 
public;  faire  un  règlement  qui  détermine  ce  qui  doit  être  communiqué. 
Tout  travailleur  sérieux  doit  être  sûr  de  pouvoir  obtenir  communication 
de  tous  les  documents  qu'un  intérêt  d'État  n'oblige  pas  à  garder  secrets. 

LiTRss  NOUVEAUX.  —  HisToiRB  LOCALE.  —  À.  Petit.  Notes  historiques  sur 
rorigiae,  les  seigneurs,  le  tief  et  le  bourg  de  Damyille,  Eure.  Evreux,  Ilérissey. 

—  Tardieu.  La  ville  gallo-romaine  de  Beauclair,  Puy-de-Dôme.  Clermont- 
Ferrand,  l'auteur.  —  Prarond.  La  topographie  historique  et  archéologique 
d'Abbeville.  Abbeville,  Prévost;  Paris,  Dumoulin.  —  Vicomte  de  Broc. 
Notice  sur  les  seigneurs  et  le  château  de  Turbilly  en  Anjou.  Le  Mans, 
Monnoyer.  —  Desmaze.  La  Picardie.  Saint- Quentin ,  Leroux.  —  Abbé 
Guélon.  Histoire  de  La  Sauvetot-Rosille,  chef -lieu  d'une  commanderie 
de  Saint- Jean  de  Jérusalem  en  Auvergne.  Clermont-Ferrand,  Thibaud.  — 
0.  Bled.  Un  épisode  des  élections  échevinales  de  Saint-Omcr,  1704-67.  Saint- 
Orner,  impr.  d'Homont.  —  Charvériat,  Politique  d'Urbain  VllI  pendant  la 
guerre  de  Trente  ans,  1623-44  (Acad.  des  Sciences  de  Lyon.  Mémoires,  t.  XXll). 

—  E.de  Salve.  Le  pape  Benoît  Xlil  et  le  cardinal  Martin  de  Salva  à  Avignon 
(extrait  de  la  Revue  Sextienne).  — -  Ledieu.  Histoire  de  la  ville  de  Roye  (extrait 
de  c  la  Picardie  »).  —  Maxe-Werly,  Collection  des  monuments  épigraphiques 
en  Barrois.  Cham|>ion.  —  V,  de  Valons.  Recherche  des  usurpateurs  des  titres 
de  noblesse  dans  la  généralité  de  Lyon,  1696-1718.  Lyon,  Brun.  —  Bordas. 
Histoire  du  comté  de  Dunois  ;  t.  H.  Cbâteaudun,  impr.  Lecesne.  —  Storeili. 
Notice  historiffuc  et  archéologique  sur  le  château  de  Chaumont-sur-Loire.  Ras- 
chet.  —  Tamizey  de  Larroque.  Les  vieux  papiers  du  château  de  Cauzac,  1592- 
1627.  Agen,  impr.  Lenthéric.  ^  A.  de  Barrai,  Les  chroniques  de  l'histoire  de 
France  :  légendes  carlovingiennes.  Tours,  Cattier.  -^  C.  de  Beaurepaire.  Notes 


234  GHRO?IIQUE   ET   BIBLIOGRAPHIE. 

historiques  et  archéologiques  coaceraant  le  département  de  la  Seine-Inférieure 
et  spécialement  la  ville  de  Rouen.  Rouen,  impr.  Cagniard.  —  Courbe.  Prome- 
nades historiques  à  travers  les  rues  de  Nancy  au  xvui*  siècle,  à  l'époque  révo- 
lutionnaire et  de  nos  jours.  Nancy,  impr.  Gébhart.  —  Huet.  Histoire  de  Gondé- 
sur-Noireau  ;  ses  seigneurs,  son  industrie.  Caen,  Le  Blanc-Hardel.  —  Docu- 
ments concernant  l'histoire  du  village  de  Beaucourt  et  environs.  Montbéliard, 
impr.  Barbier.  —  Moulinet.  Tableaux  généalogiques  de  la  maison  de  La  Tour- 
du-Pin,  dressés  en  1788,  continués  jusqu'à  nos  jours.  Paris,  1880,  in-f^.  — 
À.  Périer,  Histoire  abrégée  du  Dauphiné  de  1626  à  1826  ;  fait  partie  d'un  recueil 
de  Documents  relatifs  à  l'histoire  politique,  littéraire  du  Dauphiné,  réunis  par 
un  bibliophile  dauphinois  (£.  Chape),  l*'  fasc.  Grenoble,  Allier,  1881,  gr.  in-8*, 
yui-120  p.  —  J.'J.'A.  Pilot.  Les  maisons  fortes  du  Dauphiné.  Ibid.  In-8*,  160  p. 
(font  partie  de  la  Bibliothèque  historique  du  Dauphiné).  —  À,  de  Rochoi. 
Aymond  I*%  général  de  La  Calotte.  Valence,  Céas.  —  Àudouy.  Notice  histo- 
rique sur  le  cardinal  de  Tenein.  Lyon.  —  F.  Valleniin.  Les  Alpes  Cottiennes  et 
Graies;  géographie  gallo-romaine.  Champion.  —  Piollet.  Etude  historique  sur 
Geoffroy  Caries,  président  du  parlement  de  Grenoble  et  du  sénat  de  Milan.  Gre- 
noble, Baratier  et  Dardelet.  —  C^  de  Balincourt  Histoire  de  la  maison  de 
Gênas,  originaire  du  Dauphiné,  et  de  quelques  autres  familles  du  Languedoc 
qui  lui  étaient  alliées,  1260-1867.  Epinal,  Bruyères-Melun.  —  Baron  de  Ros- 
taing.  Armoiries  des  comtes  de  Forez  de  la  1*^  race.  Montbrison,  Huguet.  — 
Abbé  P.  Guillaume,  Recherches  historiques  sur  les  Hautes-Alpes,  2*  partie. 
Gap,  Jouglard. 

HiSToms  RBUGIBUSB.  —  Abbé  L.  Servières.  Saint  Fleuret,  é?éque  de  Cler- 
mont  et  patron  d'Estaing.  Rodez,  Garrère.  —  Toustain  de  Billy.  Histoire  ecclé- 
siastique du  diocèse  de  Coutances;  t.  II.  Rouen,  Métérie.  —  Abbé  Deladreue. 
Histoire  de  Tabbaye  de  Lannoy,  ordre  de  CIteaux.  Beanvais,  Père.  —  GuiUo' 
Un  de  Corson.  Pouillé  historique  de  l'archevêché  de  Rennes;  t.  III.  Rennes, 
Fougeray;  Paris,  Hatton.  —  Guigue.  La  fundation  du  monasteyre  des  Cèles- 
tins  de  Lyon,  depuis  l'an  1407  jusques  en  l'an  1537,  par  frère  Cl.  Berchier, 
dépositaire  dudit  couvent.  Lyon,  Georg.  —  Nadal.  Essai  sur  les  origines  monas- 
tiques dans  le  diocèse  de  Valence.  Valence,  Céas.  -r-  Id.  L'abbaye  royale  de 
Saint-Jean-l'ETangéiiste  de  Soyous  ;  ibid.  —  J.-J,  Pilot.  La  chartreuse  de  Pré- 
mol  près  Uriage.  Grenoble,  Drevet.  —  Roman.  Origine  des  églises  des  Hautes- 
Alpes.  Grenoble,  Allier.  —  Abbé  Blaln,  Sainte  Marguerite,  vierge  et  martyre, 
avec  une  notion  sur  le  pèlerinage  de  Combovin.  Grenoble,  Vincent  et  Perroux. 
—  Abbé  Mortel.  Le  culte  de  la  sainte  Vierge  à  Marsanne.  Grenoble,  Baratier 
et  Dardelet. 

Documents.  —  Baron  de  Testa,  Recueil  des  traités  de  la  Porte  ottomane 
depuis  1526  jusqu'à  nos  jours  ;  t.  V.  Muzard.  —  Rendu,  Inventaire  analytique 
des  chartes  des  xi*,  xii*  et  xiii'  siècles  de  l'abbaye  de  Saint-Quentin  de  Beau- 
vais.  Beauvais,  Père.  —  Tillette  de  Clermont-Tonnerre.  Documents  inédits 
sur  Abbeville  et  le  Ponthieu,  xvii*-xviii'  s.  Abbeville,  Prévost.  —  L.  Barthé- 
lémy. Inventaire  chronologique  et  analytique  des  chartes  de  la  maison  de  Baux. 
Marseille,  Barlatier-Fessat.  —  V.  de  Beauville.  Recueil  de  documents  inédits 
concernant  la  Picardie,  4*  et  5*  parties.  Paris,  impr.  nat.  —  Leuridan.  Inven- 
taire sommaire  des  archives  communales,  antérieures  à  1790,  de  la  commune 
de  Linsellcs,  Nord.  —  Merlet.  Cartulaire  de  l'abbaye  de  la  Sainte-Trinité  de 
Tiron;  t.  1",  fasc.  2  (Soc.  archéol.  d'Eure-et-Loir).  —  J.  C.  Marris.  Monaco; 
pièces  historiques  et  traités  (Soc.  des  lettres,  arts  et  sciences  de  Nice).  —  Lettres 
de  Louis  XIV  au  card.  de  Bouillon,  publiées  par  l'abbé  Verlaque.  Impr.  nat.  (t.  IV 


CHRO?IIQUB   ET   BIBLIOGRAPHIE.  235 

des  Mélanges  historiques  de  Documents  inédits).  —  Testoire^Lafayette  et 
V.  Durand.  Archives  du  château  de  Feugerolles  :  comprornis,  sentence  arbi- 
trale et  accord  entre  les  seigneurs  de  Feugerolles  et  de  Malmont,  1312,  1314, 
1324.  Saint-Étienne  (extrait  des  Mémoires  de  la  Diana,  1882).  —  G.  Dumay. 
Etat  militaire  et  féodal  des  bailliages  d'Autun,  Montcenis,  Bourbon-Lancy  et 
Sémur-en-Brionnois,  en  1484.  Autun  (Extrait  des  Mémoires  de  la  Soc.  éduenne, 
t.  XI). 

Belgique.  —  Le  général  Eenens,  dont  les  Conspirations  militaires 
d^  1831  ont  fait  tant  de  bruit,  est  mort  en  janvier  dernier  à  Bruxelles; 
il  était  âgé  de  78  ans. 

—  Nous  avons  annoncé  en  1882  le  premier  volume  du  grand  ouvrage 
de  feu  M.  le  professeur  Edmond  Poullet,  de  Louvain  :  Histoire  politique 
nationale.  Origines,  développements  et  transformations  des  institutions 
dans  les  anciens  Pays-Bas  (Louvain,  Ch.  Peeters).  L'auteur  a  laissé  ina- 
chevé cet  excellent  ouvrage.  Cependant  une  partie  du  manuscrit  existe 
heureusement,  et  Téditeur  a  publié  à  la  fin  du  mois  de  décembre  der- 
nier les  272  premières  pages  du  tome  H.  Elles  embrassent  la  période 
communale  du  xiv*  siècle  et  la  période  de  formation  monarchique 
du  xv«,  jusqu'aux  chartes  d'inauguration  arrachées  à  Marie  de  Bour- 
gogne en  1477. 

—  M.  Ferdinand  Vanderhaeohen,  bibliothécaire  de  l'Université  do 
Gand,  poursuit  avec  activité  son  admirable  Bihliotheca  belgica  (Gand, 
Vuylsteke  et  Vyt),  avec  la  précieuse  collaboration  de  MM.  Arnold  et 
Vandon  Berghe.  Les  livraisons  XXIX  à  XXXII  contiennent  Simon 
Stevin  et  Baudaert,  ainsi  que  des  suppléments  pour  Gommines,  Bus- 
becq,  etc. 

—  Le  père  jésuite  P.  Ch.  de  Smedt,  le  savant  boUandiste,  vient  de 
réunir  en  un  volume,  sous  le  titre  de  Principes  de  la  critique  historique 
(Liège,  Société  bibliogr.  belge),  les  remarquables  dissertations  qu'il 
avait  publiées  en  1869  et  1870  dans  les  Études  religieuses  de  Paris. 

—  M.  Kkrvyn  de  Lettenhove  vient  de  faire  paraître  la  première  partie 
d'un  recueil  varié  de  Documents  inédits  relatifs  à  l'histoire  du  XVI*  s, 
(Bruxelles,  llayez).  Ils  sont  tirés  des  dépôts  de  Bruxelles,  la  Haye, 
Londres,  Paris,  Simancas  et  Saint-Pétersbourg.  Le  m^me  a  fait  récem- 
ment une  lecture  à  l'Académie  royale  de  Bruxelles,  où  il  prétend  éta- 
blir la  préméditation  de  la  Saint-Barthélémy  à  l'entrevue  de  Bayonne 
en  1565. 

—  M.  Godefroid  Kurth,  professeur  à  l'Université  de  Liège,  dans  ses 
Origines  de  la  ville  de  Liège  (Liège,  Grandmont  Donders),  passe  en  revue 
les  premiers  siècles  de  la  vieille  cité  épiscopale  et  présente  l'ôtymo- 
logie  nouvelle  de  vicus  Lendicus  pour  Lcodium  et  Legia. 

—  M.  Jules  Lameere,  procureur  général  près  la  Cour  d'appel  de 
Gand,  a  consacré  une  étude  importante  aux  «  Communes  vérités  »  dans 
le  droit  flamand  (Brulles,  Alliance  typographique). 

—  M.  Alph.  DE  Vlamtnck,  dans  sa  monographie  sur  Les  Aduatiques, 
les  Ménapiens  et  leurs  voisins  (Gand,  Eug.  Vanderhaeghen),  s'eflbrœ  do 


236  GIIB0!fIQ1IB  ET  BIBLIOORAPHIB. 

déterminer  la  position  géographique  de  ces  peuples  à  Tépoque  de  Jules 
César. 

—  M.  Frans  de  Potter  commence  la  publication  d'un  grand  ouvrage 
(en  flamand)  sur  Thistoire  de  la  ville  de  Gand.  La  première  livraison 
comprend  une  revue  des  sources  consultées  et  des  monographies 
publiées  sur  Gand  depuis  le  xvi«  s.  jusqu'à  nos  jours,  ainsi  que  le  com- 
mencement de  Thistoire  de  la  cité  des  Arteveldes.  {Geschiedenis  der 
gemeenten  der  prov.  Oost,  Vlaanderm,-Gent,  Gand,  Annoot-Braeckman.) 

—  Le  Bulletin  de  la  Société  liégeoise  de  littérature  wallonne  (tome  VI) 
contient  un  recueil  de  chansons  politiques,  épigrammes,  etc.,  en  fran- 
çais et  en  wallon,  relatifs  à  la  révolution  liégeoise  de  1789  et  à  l'inva- 
sion française.  Cette  collection  est  l'œuvre  de  M.  A.  Bon  y  (environ. 
400  p.  in-S'»).  Le  tome  IV  contient  du  môme  un  mémoire  couronné  sur 
les  noms  de  famille  de  la  région  liégeoisç  (2«  partie) . 

—  M.  KuNziGER,  professeur  à  l'athénée  d'Arlon,  adonné  une  seconde 
édition,  remaniée  et  augmentée,  de  son  bon  résumé  de  la  révolution 
des  Pays-Bas  contre  Philippe  II,  sous  le  titre  un  peu  bruyant  de  Nos 
luttes  contre  l'intolérance  et  le  despotisme  au  IVI*  siècle  (Verviers,  biblio- 
thèque Gilon,  60  cent,  le  vol.). 

—  M.  Julien  Schaar  a  publié  le  2<»  et  dernier  fascicule  de  son  Essai 
sur  la  législation  économique  de  la  Belgique  de  1830  d  1880,  qui  fait 
partie  de  la  collection  publiée  sous  la  rubrique  patriotique  :  Cinquante 
ans  de  liberté  (Bruxelles,  Weissenbruch). 

—  M.  Joseph  Demarteau  a  publié  dans  la  Revue  générale  (Bruxelles, 
et  à  part)  une  étude  sur  la  célèbre  Théroigne  de  Méricourt,  d'après  des 
documents  inédits. 

Allemagne.  —  Le  12  janvier  dernier  est  mort  à  son  château  de 
Fahnenburg  près  de  Dusseldorf,  à  l'âge  de  78  ans,  Ant.  Fahnen,  un  des 
écrivains  les  plus  féconds  dans  le  domaine  de  l'histoire  des  pays 
rhénans  et  westphaliens.  Parmi  ses  nombreux  ouvrages,  nous  signale- 
rons :  Geschichte  des  Carneval  (Cologne,  1854);  Geschichte  der  kœlnischen, 
jûlischen  und  bergischen  Geschlechter  (ibid.^  1848);  Geschichte  der  Grafs^ 
chaft  und  freien  Reichsstadt  Dortmund  (1854)  ;  Geschichte  der  Dynasten, 
Freiherrn  und  Grafen  von  Bocholtz  (1856)  ;  Chroniken  und  Urkun- 
denbûcher  hervorragender  Geschlechter,  Stifter  und  Klœster  (1861); 
Geschichte  der  westphxlischen  Geschlechter  (1858);  Geschichte  der  Fûrsten 
zu  Salm,  mit  Urkundenbuch  (1858)  ;  Forschungen  auf  dem  Gebiete  der 
rheinischen  und  westphalischen  Geschichte  (5  vol.,  1864-75);  Livland 
(Dusseldorf,  1875)  ;  Denkmale  und  Ahnentafeln  in  Rheinland  und  West- 
falen  (ibid,,  1876),  etc. 

—  On  annonce  encore  la  mort,  à  Francfort-su r-le-Mein,  du  D^  Emil 
Bremtano,  qui  composa  de  nombreux  écrits  sur  l'emplacement  de  l'an- 
cienne Troie,  où  il  attaquait  très  vivement  Schliemann  (10  mars);  de 
M.  Haueisen,  directeur  de  la  bibliothèque  municipale,  âgé  de  73  ans 
(30  janv.);  à  Munich,  du  D'  Cari  Meyer  von  Mayerfels,  auteur  d'un 


CHRONIQUE   BT   BIBLIOGEiPHIB.  237 

ouvrage  considérable  sur  la  héraldique  (8  févr.);  à  Hambourg,  de 
M.  E.  W.  Fischer,  à  qui  i'oD  doit  les  si  utiles  Zeittafeln  der  rœmischen 
Geschichte  f23  janv.)  ;  à  Fribourg-en-Brisgau,  de  l'archiviste  D'  Bader, 
auteur  de  nombreux  travaux  sur  Thistoire  de  l'Allemagne  du  sud-ouest, 
d'une  histoire  du  grand-duché  de  Bade,  d'une  histoire  laissée  inachevée 
de  Fribourg,  autrefois  directeur  de  la  revue  Badenia,  etc.  (7  févr.)  ;  à 
Tubingue,  du  prof.  Ad.  von  Kellbr,  auteur  d'un  ouvrage  sur  les 
anciennes  légendes  poétiques  de  la  France  (2«  édit.  en  1876)  et  de  nom- 
breux écrits  sur  l'histoire  de  la  littérature,  de  la  mythologie  et  de  la 
civilisation  (13  mars);  à  Halle,  du  D**  G.  WrrrE,  professeur  de  droit  à 
l'Université,  un  de  ceux  qui  se  sont  le  plus  occupés  de  Dante.  On  cite 
de  lui  sa  traduction  de  Dante  en  allemand  (Berlin,  1865),  ses  Dante^ 
forschungen  (2  vol.,  1869-78),  son  édition  du  plus  ancien  commentaire 
sur  Dante  par  ser  Graziolo  de  Bologne.  Mort  à  83  ans,  c'est  à  14  ans 
qu'il  avait  obtenu  le  titre  de  docteur.  Sa  riche  bibliothèque  et  tous  ses 
manuscrits,  relatifs  à  l'étude  de  Dante,  ont  été  légués  à  la  bibliothèque 
de  Strasbourg. 

—  On  annonce  la  mort  de  M.  J.  Marquardt,  le  collaborateur  bien 
connu  de  Mommsen  pour  le  grand  ouvrage  sur  les  antiquités  romaines; 
il  est  décédé  le  30  nov.  dernier,  à  l'âge  de  70  ans. 

—  M.  Gh.  Samwer,  collaborateur  de  M.  J.  Hopf  pour  le  Nouveau 
recueil  général  des  traités,  est  mort  à  Gotha  le  8  nov.,  âgé  de  63  ans. 

—  M.  le  D^*  Ed.  Heydenreigh  a  été  nommé  docent  pour  l'histoire  à 
la  Berg-Akademie  de  Freiberg.  —  M.  le  D^*  Klein,  docent  pour  la  phi- 
logie  et  l'histoire  ancienne  à  l'Université  de  Bonn,  a  été  nommé  pro- 
fesseur. 

—  La  bibliothèque  de  la  cour  et  de  l'État  de  Munich  a  reçu  en  legs 
les  papiers  du  D»  Pruner-Bey,  mort  à  Pise  le  29  sept.  1882;  ils  forment 
treize  forts  vol.  in-fol.  contenant  les  recherches  de  l'auteur  sur  l'an- 
thropologie, l'histoire  des  idées  et  des  mœurs  et  l'ethnographie,  des 
ébauches  sur  des  dialectes  peu  connus,  etc. 

—  L'Université  de  Munich  promet  un  prix  de  3,000  m.  pour  la 
meilleure  histoire  de  la  gravure  et  de  la  sculpture  sur  bois  en  Alle- 
magne; terme  :  le  1«' janv.  1886.. 

—  Le  13  févr.  dernier  s'est  constituée  à  Magdebourg  une  Société 
pour  l'histoire  de  la  réforme.  Son  but  est  •  de  rendre  accessibles  au 
grand  public  les  résultats  les  plus  assurés  des  études  sur  l'origine  de 
l'église  évangélique,  sur  les  personnes  et  les  faits  de  la  réforme  et  sur 
leur  action  dans  tous  les  domaines  de  la  vie  populaire  ;  »  elle  espère  y 
parvenir  en  publiant  de  petits  ouvrages  historiques  mis  à  la  portée  de 
tout  le  monde  et  d'un  prix  modéré,  de  façon  a  être  largement  répandus. 
A  la  tète  de  cette  Société  se  trouvent  les  prof.  Kasstlin,  Kolde,  Kawerau, 
Riggenbach,  etc. 

—  On  assure  que  le  cardinal  Hbrgbnrgether  songe  à  publier  les 
registres  du  pape  Léon  X.  Si  cette  nouvelle  était  confirmée,  elle  serait 
accueillie  avec  joie  par  le  public  savant. 


238  CHRONIQUE   ET   BIBLIOGRAPHIE . 

—  Le  volume  de  mélanges  historiques  {Histarische  Untersuchungen)^ 
publié  pour  célébrer  la  vingt-cinquième  année  du  professorat  de 
M.  Arnold  Sghaefeb  aux  Universités  de  Greifswald  et  de  Bonn,  com- 
prend entre  autres  les  mémoires  suivants  :  Niese,  sur  l'hist.  de  Selon  et 
de  son  temps  ;  Loeschke,  la  mort  de  Phidias  et  la  chronologie  du  Zeus 
olympien;  Fbllner,  les  helléniques  de  Xénophon;  Ad.  Baubr,  des 
idées  que  se  faisaient  les  anciens  sur  la  crue  annuelle  du  Nil;  Soltau, 
Taediles  plebis,  sa  signification  et  son  importance;  H.  J.  Mùller, 
Omesa  ;  Sonnenburo,  Thistorien  Tanusius  ;  Panzer,  la  conquête  de  la 
Bretagne  par  les  Romains  ;  Hachtmann,  la  Germanie  de  Tacite;  Asbach, 
histoire  du  consulat  sous  l'empire  romain;  Kreutzeb,  sources  de  l'his- 
toire de  Septime-Sévère  ;  Philippi,  reconstruction  de  la  carte  du  monde 
d'Agrippa;  Volz,  le  combat  de  Pollentia;  Auleb,  Victor  de  Vita; 
G.  de  Boor,  la  chronique  universelle  de  Georgios  Monachos  ;  ëwald, 
le  registre  de  Grégoire  VII;  Hasse,  l'avènement  de  Frédéric  I»'  Bar- 
berousse;  Tannert,  de  la  part  prise  par  le  duc  Henri  de  Bavière  à 
Télection  impériale  de  1257  ;  Hoffmann,  la  paix  de  Wordingborg  et  la 
liberté  du  Sund  (Bonn,  Strauss,  in-8<»;  prix  :  13  m.  50). 

—  Le  Verein  fur  deutsche  Literatur,  fondé  en  1873  sous  le  protectorat 
du  grand -duc  Charles-Alexandre  de  Saxe  et  du  prince  Georges  de 
Prusse,  institue  3  prix  de  4,000,  3,000  et  2,000  marcs  pour  les  trois 
meilleurs  travaux  sur  Thistoire  de  TAUemagne  ou  de  la  c  Gultur- 
geschichte;  »  ces  travaux  devront  être  originaux,  comprendre  de  20  à 
23  feuilles  d'impression,  mais  conçus  et  écrits  de  façon  à  intéresser, 
non  les  érudits  spéciaux,  mai?  le  grand  public.  Terme  utile  :  le  1^  oct. 
1883;  le  jugement  sera  rendu  le  31  déc. 

—  La  librairie  Duncker  et  Humblot  (Leipzig)  va  publier  une  nou- 
velle édition  très  remaniée  de  la  vie  de  Laurent  le  Magnifique,  par 
M.  de  Reumont. 

Livres  nouveaux.  —  Histoire  oiNÂRALE.  —  Cetro,  Ueber  eine  Reformations- 
schrift  des  XVen  Jahrh.  Danzig,  Bertling.  —  Prowe,  Nicolaas  Coppernicus. 
Bd.  I  :  das  Leben.  Berlin,  Weidemann.  —  Muth.  Die  Beurkundung  und  Publi- 
kation  der  deutschen  Koenigswahlen  bis  zum  Ende  des  XVen  Jahrh.  Gœt- 
tingue,  Vandenhœck.  —  Kohler.  Beitraege  zur  germaniscben  Privatrechtsges- 
chichte.  1*'  fasc.  :  Urkunden  aus  den  Antichi  archivi  der  Biblioteca  communale 
von  Verona.  Wurzbourg,  Stahel.  —  Kolde,  Analecta  Lutherana  :  Gotha,  Perthes. 
—  G.  von  Buchwald.  Bischof-  und  Furstenurkunden  des  XII  a.  XIII  Jahrb. 
Rostock,  Werther.  —  Priitwitz  et  Gaffron.  Verzeichniss  gedruckter  Familien- 
geschichten  Deutschlands  und  der  angrenzenden  Lœndcr.  Berlin,  Stargardt.  — 
Aus  den  Papieren  des  Ministers  Th.  von  Schœn,  3*  partie.  Berlin,  Simion.  — 
DelbrUck,  Das  Leben  des  Feldmarscballs  Grafen  Neithard  von  Gneisenau;  2  vol. 
Berlin,  Reimer.  —  Schwemer.  Innocenz  III  und  die  deutsche  Kirche  1198-1208. 
Strasbourg,  Trûbner.  —  Ladewig.  Poppo  von  Slablo,  und  die  Klotterreformen 
anter  den  erslen  Saliern.  Berlin,  Puttkammer. 

Histoire  locale.  —  Mehlis,  Studien  zur  œltesten  Geschichte  der  Rheinlande. 
6*  part.  Leipzig,  Duncker  et  Humblot.  —  Huesing.  Der  Kampf  um  die  katol. 
Religion  im  Bislhume  Miinster,  nach  der  Vertreibung  der  Wiedertœufer  1535- 


CHRONIQUE  ET  BIBLIOGRAPHIE.  239 

85.  Munster,  Regensberg.  —  FrofUng.  Die  beiden  Frankfurter  Chroniken  des 
Johannes  La  tomes  und  ihre  QÛellen.  Gkettingue,  Vandenbœck.  —  Knothe.  Ges- 
chichte  des  Tuchmacherhaiidwerks  in  der  Oberlausitz  bis  Anfang  des  XVllen 
Jahrh.  Dresde,  Burdacb.  —  K,  von  Richtofen.  Untcrsucbungen  iiber  fricsisc.be 
Rechtsgescbicbte.  2'  partie.  Berlin,  Besser.  —  /.  Richier,  Die  Cbronicken  Ber- 
tbolds  und  Bernolds.  Cologne,  Du  Mont  Scbauberg.  —  Horawitz.  Frankfurter 
Rabbinen  ;  1,  1200-1614.  Francfort-sur-Mein,  JdBger.  —  Speyer.  Die  aeltesten  Cre- 
dit-und  Wechselbanken  in  Frankfurt  1402-3.  Ihid.— Ley.  Die  Kœlniscbe  Kircben- 
gescbicbte.  2*  part.  Cologne,  A bn.— ffâ^A/^aum.  Mittbeilungen  ausdem  Stadt- 
arcbiv  von  Kœln.  Cologne,  Du  Mont  Scbauberg.  —  Bodetnann.  Die  œlterea 
Zunflurkunden  der  Stadt  Liineburg.  Hanovre,  Habn.  —  Schnedermann.  Zur 
Gescbicbte  der  Emder  Riistkammer.  Emden,  Haynel.  —  Âlberti,  Urkunden  zur 
Gescbicbte  der  Stadt  Scbleiz  im  Mittel  alter.  Scbleiz,  Baumann. 

HiSTOiRB  ÉTRANGÈRE.  —  Stcffcn.  Die  Laudwirtbscbaft  bei  der  altamerikaais- 
cben  Kulturvœlkern.  Leipzig,  Duncker  et  Humblot.  —  Buch.  Die  Wotjœken, 
eine  elbnol.  Studie.  Stuttgart,  Cotta.  —  ConraU  Das  Florentiner  Recbtsbucb  ; 
ein  System  rœm.  Privatrecbts  aus  der  Glossatorenzeit.  Berlin,  Weidmann. 

Antiquité.  —  Huhfeldt.  De  capitoliis  imperii  romani.  Berlin ,  Weid- 
mann. —  Jordan.  Symbolae  ad  bistoriam  religionum  italioarum.  Kœnigsberg, 
llartung.  —  Waldmann.  Der  Bernstein  im  Altertbum.  Berlin  ,  Friedlœnder. 
—  Sauppe,  Commentatio  de  Atbeniensium  ratione  suiTragia  in  judiciis 
ferendi.  Gœttingue,  Dietericb.  —  StUrenburg.  De  Romanorum  cladibus  Trasu- 
mena  et  Cannensi.  Leipzig,  Hinricbs.  —  Buschmann.  Bilder  aus  dem  alter 
Rom.  Leipzig,  Teubner.  —  Brugsch.  Tbesaurus  inscriptionum  aegypliacarum, 
1'*  partie.  Leipzig,  liinricbs.  —  Krauss.  Agrikola  und  Germania  des  Tacitus; 
iibersetzt.  Stuttgart,  Metzler.  —  Schiller,  Gescbicbte  der  rœmiscben  Kaiserzeit, 
t.  L  Gotba,  Pertbes.  ~  Krieg.  Grundriss  der  rœmiscben  Alterlbiiiuer,  2*  édit. 
Fribourg-en-B.,  Herder. —  Stolze,  Persepolis;  die  acbaBroenidiscben  und  Sassani- 
discben  Denkmaeler  und  Inscbriflen.  Berlin,  Asber,  in-foL  —  Kuntze.  Rœmiscbe 
Bilder  aus  alter  und  neuer  Zeit.  Leipzig,  Naumann. 

Antriche-Hongrie.  —  Le  20  févr.  dernier,  est  mort  à  Vienne  M.  le 
D'  Ed.  Freiherr  von  Sacken,  directeur  du  Cabinet  impérial  des  mon- 
naies et  antiquités;  il  avait  58  ans.  C'était  un  écrivain  distingué  en 
matière  d'archéologie,  d'histoire  de  l'art  et  d'histoire  primitive;  on  lui 
doit  d'excellentes  descriptions  des  trouvailles  faites  en  Autriche  relati- 
vement à  l'histoire  préhistorique  et  romaine,  ainsi  que  des  publications 
soignées  sur  les  collections  impériales  de  monnaies,  bronzes,  sculp- 
tures, etc.,  qui  se  trouvent  à  Vienne.  On  a  aussi  de  lui  un  Compendium 
der  HeraUlik  und  Arcfiiteklur^Gesckichte. 

—  Le  prof.  Kaltenrrunner  et  le  D'  Fanta  ont  été  chargés  par  le 
gouvernement  autrichien  de  faire,  aux  archives  du  Vatican,  des 
recherches  sur  les  rapports  de  Rodolphe  de  Habsbourg  et  d'Albert  !«■ 
avec  la  curie  romaine;  la  publication  des  pièces  nombreuses  qu'ils  ont 
trouvées  ne  se  fera  pas  attendre. 

—  H  va  paraître  à  Trente  un  Archivio  Trentino,  à  raison  de  6  fasc. 
par  an  ;  il  contiendra  à  la  fois  des  mémoires  sur  T histoire  et  sur  les 
sciences  physiques. 

—  Sous  ce  titre  :  Historische  Skixzen  aus  GEsierreich  Ungarn,  M.  G. 


240  GtfROHIQUE  ET  BIBLIOGEiPHIB. 

WoLP  vient  de  publier  à  Vienne  (librairie  Alfred  Hœlder)  un  volume 
de  mélanges  fort  intéressants  pour  Tbistoire  anecdotique  de  l'Autricbe. 
M.  Wolf  a  recueilli  dans  les  archives  de  Vienne,  de  Berlin  et  de  Dresde 
de  nombreux  détails  sur  la  vie  publique  et  privée  des  Autrichiens;  il 
en  a  extrait  des  feuilletons  publiés  dans  la  Presse,  la  Neue  freie  Presse, 
le  Tagblatt,  TAllgemeine  Zeitung,  etc.  Ce  sont  ces  feuilletons  aujour- 
d'hui réunis  qui  constituent  le  présent  volume.  M.  Wolf  les  a  groupés 
sous  six  rubriques  :  Instruction  publique.  —  Questions  ecclésiastiques 
et  confessionnelles.  —  Militaria  Josefina  (épisodes  du  règne  de  Joseph  II). 
—  Viennensia-Miscellanea.  —  Ce  recueil  échappe  nécessairement  à 
l'analyse.  Il  est  d'ailleurs  d'une  lecture  curieuse  et  agréable. 

Livres  noutbaux.  —  Rohde.  Die  Mûnzen  des  Kaisers  Aarelianus,  seiner 
Frau  Severina  und  der  Fiirstin  Palmyra.  Vienne,  Helf.  ~~  Finaly.  Der  altrœ- 
miscbe  Kalender.  Budapest,  Kilian.  —  ZobL  Vincenz  Casser,  Fûrstbischof  von 
Brixen  in  seinem  Leben  and  Wirken.  Briien,  Weger.  —  SmeU,  Wien  in  and 
aus  der  Tûrken-Bedrœngniss  1529-1683.  Vienne,  Gk)ttlieb.  —  Pauly,  Salviani 
presbyteri  Massiliensis  opéra  omnia  (forme  le  t.  VllI  du  Corpus  scriptoram  eccle- 
siasticorum).  Vienne,  Gerold.  —  Jxger,  Geschichte  der  Landstœndischen  Ver- 
fassung  TirolSy  t.  III.  Innsbruck,  Wagner. 

Grande-Bretagne.  —  Nous  avons  le  re^et  d'annoncer  la  mort  de 
M.  John  Richard  Green,  Fauteur  si  distingué  de  la  Short  history  of  the 
englisch  people,  décédé  à  Menton  en  mars  dernier,  à  l'âge  de  45  ans. 
Cette  «  brève  histoire,  »  dont  le  succès  fut  si  éclatant,  il  l'avait,  on  le 
sait,  reprise,  élargie,  au  point  d'en  faire,  en  4  gros  volumes,  une  his- 
toire complète  du  peuple  anglais  (cf.  Rev.  hist.,  IX,  199;  XI,  395); 
enfin,  dans  ces  derniers  temps,  il  avait  repris  cette  œuvre  de  toute  sa 
vie  au  début  même  et  publié  sur  les  origines  de  l'histoire  anglaise  un 
volume  que  nous  avons  annoncé  en  son  temps,  et  sur  lequel  nous 
reviendrons  :  The  making  of  England  (Macmillan).  Brillant  écrivain, 
M.  Green  était  aussi  un  causeur  charmant;  sa  conversation  était  très 
suggestive.  Les  études  historiques  le  passionnaient;  il  rêvait  de  leur 
donner  en  Angleterre  une  plus  grande  impulsion  en  leur  créant  un 
centre  de  direction  sous  forme  d'une  Société  historique,  et  un  instru- 
ment d'informations  analogue  à  notre  Revue,  Une  santé  toujours  chan- 
celante l'empêcha  de  réaliser  ce  double  projet;  une  maladie  qui  ne 
pardonne  pas  vient  de  l'emporter  prématurément  avant  qu'il  ait  même 
pu  mettre  la  dernière  main  à  ses  travaux  personnels. 

—  M.  T.  E.  ScRUTTON  a  été  nommé  professeur  de  droit  constitution- 
nel et  d'histoire  au  collège  de  l'Université,  Londres,  et  M.  Al.  Henry, 
professeur  de  jurisprudence  et  de  droit  hindou. 

—  M.  Oscar  Browning  est  chargé  de  publier  pour  la  Camden  Society 
un  mémoire  politique  du  duc  de  Leeds  sur  les  négociations  pour  les 
changements  de  ministère  en  1792  et  1793.  £n  publiant  des  documents 
sur  une  période  plus  rapprochée  de  nous,  la  Société  espère  gagner  bon 
nombre  de  souscripteurs,  dont  elle  a  le  plus  grand  besoin. 


CHRONIQUB  ET  BIBLIOGRAPHIt.  244 

—  M.  F.-E.  Warren  va  prochainement  publier  (Giarendon  Press, 
Oxford)  le  Missel  de  Lcofric,  un  des  principaux  trésors  de  la  Bodléienne 
au  point  do  vue  liturgique  et  paléographiquo.  Il  contient  aussi  des 
notes  d'un  réel  intérêt  historique,  des  actes  (raffranchissement,  des 
lettres  de  personnages  distingués,  des  notes  relatives  à  l'histoire 
ancienne  de  l'abbaye  d'Exeter  et  des  diocèses  de  Devon  et  de  Gor- 
nouailles  {Âcademy,  17  févr.  1883). 

—  M.  A. -H.  MiLLAR  prépare  une  histoire  de  Robroy  d'après  des 
documents  originaux. 

—  Le  9*  rapport  de  la  /?.  Commission  of  historical  mss.  sera  présenté 
au  Parlement  anglais  avant  la  tin  de  la  session  courante.  Il  contiendra 
la  mise  des  rapports  précédents  sur  les  documents  de  la  Chambre  des 
Lords  et  sur  les  papiers  de  famille  du  marquis  d'Ormonde,  et  en  outre 
une  analyse  des  collections  appartenant  aux  comtes  de  Devon,  Lcices- 
ter,  Pembroke,  Manvers,  à  MM.  Ghandos  Pole-Gell,  A  If.  Morison, 
Stopford  Sackville  de  Drayton  House,  etc.;  en  Angleterre,  à  lord 
Elphinstone,  à  sir  Dalyell,  à  sir  A.  Grant,  etc.;  en  Ecosse,  au  duc  do 
Leiuster,  au  marquis  de  Drogheda,  etc.;  en  Irlande,  une  description 
des  archives  anciennes  des  cathédrales  de  Saint-Paul,  Ganterbury  et 
Garlisle,  et  des  corporations  de  Ganterbury,  Garlisle,  Ipswich,  Ply- 
mouth,  Wisbeach,  Great  Yarmouth,  etc.  {Academy,  24  mars  1883). 

—  M.  L.  Gomme,  dans  VAthenaeum  du  3  mars,  p.  278,  donne  d'inté- 
ressants détails  sur  la  façon  dont  est  encore  réglée  aujourd'hui  la  pro- 
priété commune  de  la  terre  dans  la  «  corporation  «  irlandaise  de  Kells 
au  comté  de  Meath  ;  cette  localité  reçut  sa  première  charte  d'incorpora- 
tion sous  Richard  I»'. 

—  Une  société  se  forme  en  Angleterre  pour  continuer  la  publication, 
depuis  longtemps  interrompue,  des  plus  anciens  rôles  de  la  Pipe  ;  ces 
rôles,  où  sont  enregistrés  les  principaux  revenus  de  la  couronne,  ont 
une  importance  historique  toute  particulière.  On  souscrit  chez  M.  Graens- 
treet,  16,  Montpelier  road,  Peckham  (Londres),  au  prix  annuel  de 
une  guinée  ;  on  recevra  environ  2  vol.  par  an. 

—  I^  collection  du  maître  des  rôles  vient  de  s'enrichir  de  plusieurs 
volumes  :  le  t.  VIII  du  Polychronicon  Ranulphi  Higden,  monaehi 
Cestrensis,  avec  la  traduction  anglaise  de  John  Trevisa  et  d'un  auteur 
anonyme  du  xv«  s.,  publié  par  M.  J.-R.  Lumby;  ce  volume  termine  le 
texte  de  Higden  ;  il  contient  le  livre  7,  chap.  xix-44,  comprenant  l'es- 
pace compris  entre  1143  et  1347;  —  le  t.  VI  de  Mathieu  Paris,  conte- 
nant les  Additamenta  ;  —  le  t.  VI  des  Materials  for  the  history  of  Thomas 
Becket,  comprenant  les  lettres  227  à  530;  deux  volumes  restent  à 
paraître;  ils  contiendront  les  témoignages  contemporains  relatifs  à  l'ar- 
chevêque de  Ganterbury;  —  le  t.  X  du  Calendar  of  State  papers, 
Domestic  séries,  1655-56,  publ.  par  M»*  Green. 

—  Le  t.  VIII  du  Camden  Miscellany,  mis  en  distribution  pour  l'exer- 
cice 1882-83,  contient  :  1»  4  lettres  de  lord  Wentworth,  depuis  comte 

ReV.    HiSTOR.    XXII.  1"  FASC.  16 


242  CHRONIQUE  ET  BIBLIOGRAPHIE. 

de  Strafford,  avec  un  poème  sur  sa  maladie,  publiées  par  8.-R.  Gardi- 
ner;  2»  des  pièces  relatives  à  la  culpabilité  de  lord  Savile,  publ.  par 
Gartwright;  3*  une  négociation  secrète  avec  Charles  I<",  publ.  par 
Mn»«8.-R.  Gardiner;  4'  un  mémoire  de  M»*  de  Motteville  sur  la  vie  de 
Henriette-Marie,  publ.  par  G.  Hanotaux;  S*»  des  lettres  adressées  au 
comte  de  Lauderdale,  publ.  par  0.  Airy  ;  6»  des  lettres  originales  du 
duc  de  Monmouth,  publ.  par  sir  G.  Duckett;  V  la  correspondance  de 
la  famille  de  Haddock,  publ.  par  E.  Maunde  Thompson;  8<>  des  lettres 
de  Thompson,  publ.  par  Gartwright. 

—  La  Society  for  promoting  Christian  knowledge  publie  avec  activité 
un  grand  nombre  de  petits  ouvrages  de  vulgarisation,  parmi  lesquels  il 
s'en  trouve  de  très  remarquables.  Plusieurs  d'entre  eux  font  partie  de 
diverses  collections  où  ils  paraissent  dans  le  môme  format  et  au  môme 
prix.  A  la  série  de  V  c  Histoire  ancienne  d'après  les  monuments  »  (à 
2  sh.),  appartiennent:  Assyria,  from  the  earliest  times  to  the  fall of Nine- 
veh,  par  le  célèbre  George  Smith;  The  history  of  Bahylonia,  publiée 
d'après  les  papiers  du  môme  érudit  par  M.  Sayge  ;  Egypt  from  the  earliest 
times  to  B.  C.  300,  par  M.  Birgh  ;  Greek  cities  and  islands  ofAsia  Minor, 
par  M.  W.  Vaux  ;  Persia,  from  the  earliest  period  to  the  arab  conquest, 
par  le  môme  ;  Sinai,  from  the  fourth  egyptian  dynasty  to  the  présent  time, 
par  M.  H.  Spencer  Palmer.  —  Trois  autres  séries  sont  consacrées  aux 
«  Systèmes  des  religions  non  chrétiennes  i  (in-8**,  à  2  sh.  6  d.),  au 
a  monde  payen  et  saint  Paul  i ,  aux  c  Principales  philosophies  de  l'an- 
tiquité »  ;  nous  n'avons  pas  à  y  insister  autrement.  Nous  ne  pouvons 
qu'annoncer,  sans  en  avoir  pris  connaissance,  celle  des  c  Pères  de 
l'Église  pour  les  lecteurs  anglais  »  (in-8®,  à  2  sh.),  où  saint  Léon,  Gré- 
goire le  Grand,  saint  Ambroise,  saint  Augustin,  saint  Basile  le  Grand, 
saint  Jérôme,  Bède  le  Vénérable  ont  chacun  leur  biographie.  —  La 
série  des  «  Histoires  diocésaines  i  de  l'Angleterre  comprend  déjà?  vol.  : 
Canterbury,  par  M.  Robert  G.  Jenkins,  1880  ;  York,  par  M.  George 
Ornsby  (s.  d.)  ;  Oxford,  par  le  rév.  Edw.  Marshall,  1882  ;  Durham,  par 
M.  J.  L.  Low,  1881  ;  Peterborough,  par  M.  Ayliffe  Poole  (s.  d.)  ;  Selsey- 
Chichester,  par  M.  W.  Stephens,  1881  ;  Salisbury,  par  M.  W.  Henry 
Jones,  1880.  Ce  n'était  pas  chose  facile  de  faire  tenir  en  un  mince 
volume  toute  l'histoire  d'un  diocèse,  il  fallait  éviter  un  double  écueil  : 
celui  de  donner  une  liste  fastidieuse  de  prélats,  et  celui  de  confondre 

0 

l'histoire  de  chaque  diocèse  avec  l'histoire  générale  de  l'Eglise  ou  môme 
du  royaume  d'Angleterre.  Les  divers  auteurs  y  ont  en  général  assez 
bien  réussi.  L'histoire  de  Durham  n'est  guère  cependant  qu'une  série  de 
biographies  des  prélats  qui  gouvernèrent  le  diocèse,  un  des  plus  impor- 
tants de  l'Angleterre,  puisque  l'évoque  était  en  môme  temps  comte 
palatin  (jusqu'en  1836)  ;  York  et  Canterbury,  par  leur  situation  de  sièges 
métropolitains,  étaient  nécessairement  môles  aux  affaires  générales  de 
l'Église,  le  dernier  surtout  ;  son  historien  M.  Jenkins  a  su,  sans  sortir 
du  diocèse  proprement  dit,  écrire  un  livre  intéressant.  Pour  Oxford  et 
Peterborough,  diocèses  qui  datent  seulement  de  la  Réforme,  les  auteurs 


CHRONIQUE  ET   BIBLIOGRAPHIE.  243 

ont  fait  plus  que  Thistoire  du  diocèse  en  retraçant  celle  de  l'abbaye  de 
Saint-Benoît  (à  Peterborough)  et  des  églises  des  comtés  d'Oxford,  Berks 
et  Buckingham  avant  et  depuis  le  xvi«  s.  Une  remarque  générale  à  pro- 
pos de  ces  petits  livres,  c'est  qu'ils  sont  écrits  au  point  de  vue  anglican, 
épiscopal,  pour  ainsi  dire  ;  cVst  avec  un  respect  voisin  parfois  de  l'atten- 
drissement que  ces  membres  du  clergé  protestant  parlent  de  l'ancienne 
Église,  racontent  les  destructions  ordonnées  par  Henri  VIII,  protestent 
contre  les  excès  commis  par  les  puritains.  L'Eglise  d'Angleterre,  «  que 
n'a  pas  fondée  Henri  VIII  »  (Peterborough,  p.  39),  leur  présente  le  con- 
solant spectacle  d'une  longue  continuité,  d'une  tradition  sans  rupture 
(Cantorbury,  p.  253,  etc.).  Le  ton  est  d'ailleurs  toujours  modéré,  l'éru- 
dition suffisante,  sans  pédantisme.  Quand  cette  série  sera  terminée,  elle 
présentera  un  tableau  assez  fidèle  en  somme,  et,  malgré  des  répétitions 
peut-être  inévitables,  attachant  de  l'Église  d'Angleterre  dans  son  déve- 
loppement historique.  —  La  •  Conversion  de  l'Occident  »  est  racontée 
par  l'histoire  des  grandes  familles  de  peuples  européennes  :  The  Celts, 
the  English,  ihe  Northmen,  the  Slavs,  tous  les  4  par  le  Rév.  Maclear  ; 
the  Continental  Teutons,  par  le  très  rév.  Ch.  Merivale  (coll.  à  2  sh.)  —  La 
série  dite  •  Bibliothèque  du  foyer  •  (home  librarj*)  est  destinée  à  illus- 
trer l'histoire  de  l'Église,  et  à  servir  t  surtout,  mais  non  exclusivement, 
de  lecture  pour  le  dimanche  »  ;  il  est  donc  à  craindre  que  les  livres  qui 
la  composent  ne  soient  pour  la  plupart  des  livres  d'é<lification  ;  plusieurs 
sont  cependant  des  ouvrages  strictement  historiques  :  Military  religious 
orders  of  the  middle  âges,  par  le  Rév.  F.  G.  Woodhouse  ;  Constanttne 
the  greet,  par  le  Rév.  E.  L.  Cutts  ;  Judaea  and  her  rulers  from  Nebu- 
chadnezzar  to  Vespasian,  par  M.  Bramston,  est  l'histoire  sainte  comme 
nous  l'entendons,  écrite  au  point  de  vue  de  la  tradition;  les  découvertes 
récentes  de  l'assyriologie  et  de  l'égyptologie  n'y  ont  pas  été  utilisées. 
The  Church  in  Roman  Gaul,  par  M.  Richard  T.  Smith,  est  décri»^  sur- 
tout au  point  de  vue  dogmatique  ;  l'auteur  donne  trop  de  place  aux 
disputes  theologiques,  pas  assez  à  l'organisation  de  l'Église  franque  ;  il 
passe  si  rapidement  sur  la  conversion  de  Clovis,  qu'on  s'en  douterait  à 
peine  ;  enfin  son  livre  manque  de  conclusion  ;  on  ne  sait  pourquoi  il 
s'arrête  avec  S.  Gaesaire  plutôt  qu'avec  un  autre.  La  plupart  de  ces 
lacunes  sont  comblées  dans  le  livre  de  M.  Cutts,  Charlemagne  ;  en  réa- 
lité l'histoire  du  grand  empereur  n'occupe  que  la  seconde  moitié  du 
volume  (chap.  xiv-xxiv)  ;  le  véritable  titre  eût  été  :  Histoire  de  l'Église 
de  Gaule  sous  les  Francs  jusqu'à  la  mort  de  Charlemagne.  Tel  qu'il  est, 
cet  ouvrage  est  infiniment  supérieur  au  précédent  ;  sans  apporter  ni 
idée  nouvelle  ni  fait  nouveau,  il  résume  avec  clarté  et  avec  justesse  les 
grands  faits  de  cette  longue  histoire.  Mistlav,  or  the  conversion  of  Pome- 
rania  in  the  Xlith  cent.,  est  une  réédition  du  livre  publié  en  1853  par 
le  très  révérend  Robert  Milman,  évéque  de  Calcutta,  aujourd'hui  décédé  ; 
nous  n'y  insisterons  pas  autrement.  La  biographie  de  /.  Huss,  par 
M.  Whatislaw,  est  un  livre  doiit  il  faut  tenir  compte  :  c'est  un  excel- 
lent résumé  des  travaux  récents  des  historiens  tchèi]ues,  surtout  de 


244  CHROinQUB  et  bibliographib. 

Palacky  ;  mais  l'auteur  ne  parait  pas  connaître  la  thèse  de  M.  Denis, 
qu'il  n'est  plus  permis  d'ignorer,  quand  on  traite  de  Huss  et  des  hus- 
sites  (le  livre,  le  seul  de  la  série  qui  soit  daté,  est  de  1882).  Quoi  qu'il 
en  soit,  cette  biographie,  d'une  érudition  sûre,  est  en  outre  d'une  lecture 
très  attachante.  —  Une  dernière  série  a  été  ouverte  tout  récemment 
pour  l'histoire  ancienne  de  la  Bretagne  (Early  Britain).  Deux  ouvrages 
ont  déjà  paru  :  Celttc  Britain,  par  M.  J.  Rhys,  et  Anglo-^saxon  Britain, 
par  M.  Grant  Allen.  Ces  deux  petits  ouvrages  doivent  être  mis  à  une 
place  tout  à  fait  à  part  dans  l'œuvre  volumineuse  de  la  Société  :  à  vrai 
dire,  ce  ne  sont  plus  là  des  œuvres  de  vulgarisation,  mais  des  travaux 
vraiment  originaux  ;  la  science  qui  s'y  dissimule  y  est  profonde  et  du 
meilleur  aloi  ;  celui  de  M.  G.  Allen  surtout  est  très  suggestif;  il  montre 
tout  ce  que  l'histoire  primitive  des  Anglo-Saxons  a  d'incertain  ;  il 
reconstitue,  d'après  les  recherches  ethnographiques  et  anthropologiques 
les  plus  récentes,  la  formation  de  la  population  anglaise  ;  si  à  la  place 
des  légendes  qu'il  renverse  il  met  parfois  des  hypothèses,  il  a  du  moins 
l'art  de  les  rendre  vraisemblables.  De  pareils  livres  sont  l'honneur  d'une 
collection. 

Livres  nouveaux.  —  Bisset.  A  short  history  of  the  englisch  parliament;  t.  II. 
Londres,  William  et  Norgate.  ~  Owen.  A  history  of  England  and  Wales,  from 
the  Roman  to  the  Norman  conquest  ;  nouv.  édit.  Londres,  GL  Philip.  —  Bar- 
raws,  The  life  of  Edward,  Cord  Hawke,  first  cord  of  Adminalty  1766-71.  Londres, 
Allen. 

Etats-Unis.  —  M.  G.  Washington  Greene,  professeur  d'histoire  à 
Brown  University,  puis  à  Cornell  University,  est  décédé  le  2  février 
dernier  à  East  Greenwich,  sa  ville  natale,  à  l'âge  de  72  ans.  Il  était 
petit-fils  de  Nathanael  Greene,  général  américain  pendant  la  guerre  de 
l'Indépendance,  et  il  en  écrivit  la  vie  en  trois  volumes,  dont  le  dernier 
parut  en  1871  ;  c'est  un  modèle  d'histoire  biographique.  Revenu  aux 
Etats-Unis  après  avoir  été  pendant  plusieurs  années  consul  à  Rome 
(1837-45),  il  publia,  outre  la  biographie  de  son  grand-père,  divers 
ouvrages  historiques  d'une  grande  valeur  :  des  Historical  studies  rela- 
tives surtout  au  génie  et  à  la  littérature  italienne  (1850)  ;  History  and 
geography  of  the  midle  âges  (1851);  Historical  view  of  the  american 
révolution  (1863).  Il  songeait  en  dernier  lieu  à  écrire  la  biographie  de 
Longfellow,  avec  lequel  il  était  lié  d'une  chaude  amitié  {The  Nation ^ 
8  févr.). 

—  M.  Bancroft  vient  de  publier  le  l»'  vol.  de  la  3«  édition  de  son 
History  of  the  United  States  (Appleton)  ;  cette  nouvelle  édition  est  forte- 
ment remaniée  :  elle  comprendra  six  volumes  au  lieu  des  douze  de 
l'édition  dite  du  Centenaire  ;  plusieurs  chapitres  qui  faisaient  hors- 
d'œuvre  ont  été  supprimés;  la  plupart  des  autres  ont  été  subdivisés  : 
des  18  chapitres  que  contenaient  les  deux  premiers  volumes  de  l'édition 
du  Centenaire,  on  en  a  formé  38.  Ces  changements  sont  une  sérieuse 
amélioration  do  l'ouvrage  primitif. 

—  Le  il*  des  Index  publics  par  M.  W.-M.  Gris^^old  (Bangor,  Maine) 


CHtOlfIQUE  ET  BIBLIOGRAPHIE.  245 

est  c  ii  gênerai  index  to  ihe  Gontemporary  review,  ihe  Fortnightly  review, 
and  the  Nineteenth  century;  »  il  remplit  36  pages  et  comprend  les 
années  1865  à  1882.  M.  Griswold  entreprend  ainsi  toute  une  série  d'in- 
dex, dont  la  collection  sera  certainement  fort  précieuse. 

LiYRBB  NOirvBAUX.  —  Heffley.  Biography  of  the  father  of  stenography  : 
M.  T.  Tiro.  Brooklyn.  —  P.  Hood.  0.  Cromwell  ;  his  life,  times,  battlefields 
and  contemporaries.  Funk  et  Wagnalls.  —  Topelius.  Times  of  Gustaf-Adolf  ; 
from  the  swedish.  Chicago,  Jansen  et  C'*.  —  Beardsley.  History  of  the  episco- 
pal  church  in  Connecticut,  4*  édit.  Boston,  Houghthn,  MiiTlin  et  C*.  —  Mac 
Master.  History  of  the  people  of  the  United  States  ;  vol.  I.  New  York,  Appleton. 

Italie.  —  On  annonce  la  mort  d'Antonio  BARACcm,  décédé  le  20  sept. 
1882  à  Venise;  c'était  un  des  plus  actifs  archivistes  employés  à  TAr- 
chivio  notarile  deFrari;  —  dlgnazio  Zbntt,  décédé  le  16  déc.;  il  était 
directeur  de  la  bibliothèque  communale  de  Vérone.  Il  avait  publié  des 
Blementi  di  bibliografla  (1872),  un  Elenco  dei  doni  pervenuti  alla  hiblio^ 
teca  di  Verona^  1864-75,  un  mémoire  sur  /  santi  martiri  Fermo  et  Rustico 
in  Verona,  etc. 

—  La  A.  Deputazione  di  storia  patria  pour  la  Toscane,  les  Marches  et 
rOmbrie  a  décidé,  après  avoir  terminé  le  Codice  diplomatico  OrvietanOy 
de  publier  le  Libro  di  MontaperU\  ou  Libro  delV  Arbia,  qui  contient  le 
registre  des  délibérations  des  capitaines  de  l'armée  Qorentine  dans  les 
deux  expéditions  contre  Sienne  en  1260,  et  une  collection  de  documents 
relatifs  à  l'histoire  de  la  Stamperia  orientale  des  Médicis.  Les  éditeurs 
seront,  pour  le  premier  ouvrage,  M.  Gesare  Paoli,  et,  pour  le  second, 
M.  Baltini. 

—  \jBLR,Accademiadiscienze,  /«^(«readarttdeLucquesapubliélet.  XXI 
de  ses  Atli  (Lucques,  Giusti,  1882).  Il  contient  entre  autres  mémoires  : 
une  étude  sur  les  rapports  de  Fr.  Pétrarque  avec  Pise,  par  M.  Pagano 
Paoanini;  quatre  documents  de  l'époque  consulaire,  1170-1184,  publiés 
par  M.  S.  BoNOi;  un  essai  sur  Francesco  Maria  Fiorentini  et  sur  ses 
contemporains  à  Lucques,  par  M.  Giov.  Sforza  ;  un  discours  suf  les 
Mécènes  de  Lucques  au  xvi*  s.,  par  M.  G.  Sardi. 

—  Un  décret  du  ministère  de  l'Instruction  publique,  du  8  avril  1880, 
a  fondé  des  prix  en  faveur  des  professeurs  de  l'enseignement  secon- 
daire; sur  le  rapport  de  M.  Luhbroso,  l'Académie  royale  des  Liucei  a 
décerné  (16  déc.  1882)  des  prix  de  3,000  l.  à  M.  Monticolo,  la  Chronaca 
del  diacono  Giovanni  e  la  storia  politica  di  Venezia  sine  al  1009  ;  M.  Ga- 
lahti,  /  Tedeschi  sub  versante  méridionale  délie  Alpi  ;  M.  Fornari,  Studi 
sopra  A .  terra  e  Marcantonis  Desantis, 

—  La  même  Académie  a  remis  au  concours,  pour  le  prix  Gerson  da 
Gunha,  une  étude  sur  les  relations  anciennes  et  modernes  de  l'Italie 
avec  rinde.  Les  mémoires  devront  être  remis  au  président  avant  le 
31  mars  1884  (1,000  fr.  en  or).  —  La  municipalité  de  Sassoierrato  a 
mis  à  la  disposition  de  l'Académie  une  somme  de  5,000  l.  pour  le  meil- 
leur mémoire  sur  Bartolo  de  Sassoferrato,  son  temps  et  ses  doctrines. 


246  CHRONIQUE   ET   BIBLIOGRAPHIE. 

—  Enfin  3  prix  d'une  valeur  totale  de  9,000 1.  seront  décernés  aux  meil- 
leurs travaux  historiques.  Terme,  le  30  avril  1885. 

—  Dans  un  opuscule  intitulé  Statuti  antichi  inediti  e  statuti  recenti 
del  ordine  supremo  délia  SS.  Annunziata  (Torino,  Candeletti,  1882,  in-4o, 
82  p.),  M.  Gaudenzio  Glaretta  expose  brièvement  l'histoire  de  cet  ordre 
de  chevalerie,  Tun  des  plus  anciens  de  l'Europe,  fondé  en  1362  par 
Amédée  VI,  comte  de  Savoie.  Ce  ne  fut  qu'au  xvi«  siècle,  sous  Charles  ni, 
que  l'ordre  prit  définitivement  le  nom  d'Ordre  de  VAnnonciade  :  à  l'ori- 
gine ce  n'était  que  l'ordre  du  Collier.  Le  nombre  des  membres  fut  porté 
de  quinze  à  vingt  par  le  même  Charles  III,  qui  modifia  aussi  la  forme 
du  collier.  De  fort  simple  qu'il  était,  il  devint  un  enchevêtrement  de 
nœuds  et  de  roses  accompagné  de  la  fameuse  devise  FERT,  jusqu'ici 
inexpliquée,  et  d'un  médaillon  représentant  l'Annonciation;  tous  ces 
détails,  en  apparence  bien  petits,  présentent  au  point  de  vue  iconogra- 
phique un  certain  intérêt.  Ce  sont  les  statuts  rédigés  en  1518  par 
Charles  III  dont  M.  C.  donne  le  texte;  ces  statuts,  dont  plusieurs  dis- 
positions rappellent  le  fameux  ordre  de  l'Etoile,  fondé  par  Jean  le  Bon^ 
sont  en  français.  On  trouvera  à  la  tin  de  l'ouvrage  un  acte  de  1785  con- 
férant le  titre  d'historiographe  de  l'ordre  à  Vittorio-Emanuele  Cigna- 
Santiet  enfin  les  derniers  statuts  promulgués  en  1869. 

Livres  nouvbaux.  —  Ghelti.  Storia  délia  independenza  italiana.  Turin,  Lœs- 
cher.  —  Favaro,  Galileo  Galileidelo  studio  di  Padova.  Florence,  Le  Monnier. 

—  Magenta,  I  Visconti  e  gli  Sforza  nel  castello  di  Pavia,  e  loro  attinenze  con 
la  certosa  e  la  storica  cittadina.  Milan,  Hœpli.  —  Motta.  J.  Sanseverino,  feu- 
datarii  di  Lugano  e  Balerna  1434-84  (extraits  de  la  Soc.  stor.  per  la  prov.  di 
Gomo).  —  Vaccaroux.  Le  pertuis  du  Viso,  étude  historique  d'après  des  docu- 
ments inédits  du  xv*  s.  Turin,  Casanova.  —  Cugnoni.  Documenti  Chigiani 
concerncnti  F.  Peretti  (Sisto  V).  Rome,  tip.  Forzani  (extrait  de  l'Arch.  di  Roma). 

—  Comparetti  et  de  Petra,  La  villa  Ercolanese  dei  Pisoni,  suoi  monument!  e 
la  sua  biblioteca.  Turin,  Lœscher.  —  Ottolenghi,  La  vita  e  i  tempi  di  G.  Pro- 
vana  di  Collegno,  avec  le  Journal  du  siège  de  Navarin,  1825,  pub.  pour  la  pre- 
mière fois  ;  ibid.  —  Cardon.  Svolgimento  storico  délia  costituzione  inglese, 
vol.  1;  ibid.  —  Landucci.  Diario  fiorentino  1450-1516,  continuato  da  un  ano- 
nimo  fino  al  1542,  pub.  p.  J.  Del  Radia.  Florence,  Sansoni.  —  Calvi.  Famiglie 
notabili  milanesi;  disp.  11  (Borri,  Bolognini,  Landriani).  Milan,  Vallardi.  — 
Cecconi.  La  storia  di  Castelfidardo  dalla  prima  origine  del  castello  a  lutta  la 
prima  età  del  sec.  xvi.  Osimo,  Quercetti.  —  Sigismando  dei  conti  da  Foli- 
gno.  Le  storie  dei  suoi  tempi  1475-1510,  2  vol.  Florence,  Barbera. 

Espagne.  —  M.  Antonio  Maria  Fabié  a  lu,  dans  la  séance  publique 
annuelle  de  l'Adadémie  royale  d'Histoire,  un  discours  sur  Rodrigue  de 
Villandrando,  comte  de  Ribadeo.  A  l'aide  de  documents  nouveaux,  il 
rectifie  certains  points  de  la  biographie  que  M.  Jules  Quicherat  nous  a 
donnée  de  ce  hardi  capitaine.  Il  fixe  la  date  de  sa  mort  qui  doit  être 
placée  entre  le  15  avril  et  le  12  juin  1448. 

Danemark.  —  Le  docteur  Kristian  Erslev  vient  d'être  nommé  pro- 
fesseur d'histoire  à  l'université  de  Copenhague. 

—  Le  directeur  des  archives  royales  de  Copenhague,  C.  F.  Wegener, 


GHROIflQUB   ET  BIBLIOGRAPHIB.  247 

vient  de  donner  sa  démission  ;  M.  Â.  D.  Jorqensen  a  été  nommé  à  sa 
place. 

—  Notre  correspondant  M.  Steenstrup  nous  annonce  qu'il  vient  de 
paraître  doux  nouveaux  fascicules  (vol.  1,  p.  2;  vol.  II,  p.  1)  du  livre 
de  M.  NiELSEN  sur  l'histoire  de  Copenhague,  dont  il  a  été  rendu  compte 
dans  notre  dernier  numéro  (vol.  XXI,  p.  419-21);  ils  prouvent  d'une 
manière  encore  plus  favorable  la  profondeur  des  études  de  M.  Nielsen 
et  son  activité  infatigable  pour  l'histoire  de  la  ville. 

Pologne.  —  M.  le  D'  Jos.  Szujski,  professeur  d'histoire  polonaise  à 
l'université  de  Cracovie,  est  mort  dans  cette  ville  le  7  févr.  dernier.  — 
Le  10  févr.,  est  mort  à  Varsovie,  à  l'âge  de  90  ans,  l'historien  Waclaw 
Alex.  Maciejowski. 

—  M.  BoBRZYNSKi  a  publié,  chez  Friedlein  à  Cracovie,  un  vol.  intitulé  : 
Acta  expeditionum  bellicarum  palatinatus  Calissiensis  ei  Pomaniensis  in 
Valachos  et  Tarcos  U97-98. 

Roumanie.  —  M.  Gregor  G.  Tocflescu  commence  à  Bucarest  la 
publication  d'une  Revista  pentre  Istorie,  Archéologie  zi  Filologie.,  qui 
doit  paraître  par  fasc.  trimestriels  de  12  à  15  feuilles,  accompagnées  de 
fac-similés  et  de  planches. 

Suisse.  —  La  direction  des  archives  fédérales  vient  de  publier  le 
tome  I"  d'un  Inventaire  sommaire  des  documents  relatifs  à  l  histoire  de 
Suisse  conservés  dans  les  archives  et  bibliothèques  de  Paris  (Berne,  impr. 
Gollin,  un  vol.  in-8'  de  xii  et  471  p.).  Cet  inventaire,  dressé  avec  le 
plus  grand  soin  par  M.  lo  D'  Ed.  Rott,  est  destiné  à  donner  aux  histo- 
riens suisses  un  aperçu  du  champ  nouveau  qui  s'ouvre  à  leurs  inves- 
tigations, et  à  faciliter  la  tâche  des  copistes  actuellement  occupés  à  réu- 
nir, pour  les  archives  fédérales,  les  pièces  éparses  de  la  correspondance 
échangée  entre  les  ambassadeurs  de  France  en  Suisse  et  leur  gouver- 
nement. Le  tome  I"  embrasse  les  années  1444-1610. 

—  M.  le  D'  J.  Strickler  vient  de  publier  la  1"  livraison  du  tome  V 
de  son  Aktensammlung  zur  Schweizerischcn  Refonnationsgeschichte,  qui 
doit  renfermer,  avec  un  certain  nombre  de  documents  complémentaires 
(1529-1532),  la  table  des  matières  de  ce  grand  recueil.  La  2*  livraison 
paraîtra  au  commencement  de  l'année  prochaine. 

—  M.  A. -P.  DE  Seqesser  vient  de  publier  les  tomes  III  et  IV  de  son 
ouvrage  sur  Louis  Pfyffer  et  son  temps  (Berne,  Wys,  496  et  374  p.).  Ces 
deux  volumes  ont  pour  sous-titre  :  Die  Zeit  der  Ligue  in  Frankreich  und 
in  dcr  Schweiz^  1585-1594;  ils  sont,  comme  les  précédents,  consacrés 
aux  affaires  de  France  autant  qu'à  celles  de  la  ConftHlôration  suisse.  — 
L'Appendice  du  tome  IV  renferme,  en  outre,  sur  l'entrevue  de  Iteyonne 
de  1565,  uno  dissertation  fort  instructive  (p.  309-324)  qui  montre  à  quel 
point  M.  Combes  s'est  trompé  lorsqu'il  a  voulu  tirer  à  toute  force  du 
côté  de  la  Saint-Barthélémy  les  documents  découverts  par  lui  dans  les 
archives  de  Simancas.  L'entrevue  de  Bayonne  n'avait  point  été  pro- 
vo(iuée  par  Catherine  de  Médicis  dans  une  intention  politique,  et  le 
remedio  dont  il  est  parlé  dans  la  lettre  de  Philippe  II  au  cardinal  Pacheco 


248  CHRONIQUE  ET  BIBLIOGRAPHIB. 

doit  s'entendre  soit  de  Tabrogation  de  Tédit  d'Âmboise,  soit  de  pour- 
suites juridiques  à  exercer  contre  cinq  ou  six  des  chefs  réformés.  La 
seule  donnée  nouvelle  que  les  pièces  publiées  par  M.  Combes  fournissent 
à  rhistoire  c'est  la  promesse  que  Catherine  aurait  faite  de  prendre, 
aussitôt  après  son  retour,  les  mesures  nécessaires  pour  remettre  en 
ordre  les  choses  de  la  religion.  Encore  faut-il  ajouter  que  cette  pro- 
messe assez  vague  n*a  été,  en  aucune  façon,  réalisée  par  la  reine. 

—  M.  le  professeur  Ch.  Le  Fort  vient  de  publier  le  mémoire  sur 
VEmancipation  politique  de  Genève  et  les  premières  relations  de  cette  ville 
avec  les  cités  suisses,  qu^l  avait  présenté,  le  8  août  dernier,  à  la  Société 
générale  d'histoire  suisse  (Genève,  impr.  Fick,  brochure  in-8*  de  48  p.). 
C'est  une  excellente  page  d'histoire,  où  l'auteur  a  réussi  à  caractériser 
d'une  façon  plus  nette  qu'on  ne  l'avait  fait  jusqu'à  présent  les  phases 
de  la  lutte  soutenue  par  les  citoyens  de  Genève,  avec  l'aide  de  Fribourg 
et  de  Berne,  contre  les  prétentions  et  les  empiétements  du  duc  de  Savoie. 

—  La  librairie  H.  Georg  a  mis  en  vente  la  2*  édition  de  l'ouvrage  de 
M.  Du  Bois  Melly  :  Les  mœurs  genevoises  de  1700  à  1760,  d'après  tous  les 
documents  officiels  (organisation  politique,  religieuse  et  judiciaire  ;  com- 
merce et  industrie;  vie  privée;  divertissements  et  fêtes  publiques  ; 
impôts;  écoles  et  institutions  de  bienfaisance,  etc.). 

Lxv&BS  NOUVEAUX.  —  J.  Àmiet,  Der  Mûnzforscher  Andréas  Morellias  von 
Bern.  Berne,  Haller.  —  BemouilU,  Basel  im  Kriege  mit  Oesterrich  1445-49. 
Baie,  Desloff.  —  Meyer-Kraus.  Wappenbuch  der  Stadt  Basel;  ibid.  —  MoUa, 
Documenli  e  regesti  svizzeri  del  1478,  tratti  dagli  archivi  railanesi.  Baie,  Georg. 

Mexique.  —  De  très  importantes  découvertes  archéologiques  ont  été 
faites  près  de  Mitla,  village  mexicain  situé  à  20  ou  30  milles  d'Oajaca 
dans  le  plateau  de  Mixtecopan  ;  on  y  a  trouvé  des  restes  considérables 
de  palais  et  de  tombeaux  anciens,  et  l'on  dit  qu'ils  sont  exceptionnelle- 
ment remarquables,  en  ce  que  le  toit  y  est  soutenu  par  des  colonnes, 
système  de  construction  propre  au  district  de  Mexico,  où  ils  ont  été 
trouvés.  Ces  ruines  ont  été  étudiées  par  M.  Emil  Herbruqer  et  photo- 
graphiées, mais  il  n'a  pu  obtenir  l'autorisation  d'entreprendre  des  fouilles 
dans  l'endroit.  L'explorateur  et  les  Indiens  de  sa  suite  se  sont  pendant 
quelque  temps  servis  des  tombeaux  comme  de  chambres  à  coucher  ; 
plus  tard,  les  Indiens  refusèrent  d'y  dormir,  sous  prétexte  qu'ils  étaient 
hantés.  L'explorateur  prépare  sur  ce  sujet  un  grand  ouvrage  illustré  de 
nombreux  dessins  d'après  des  photographies. 


Erratum  du  dernier  numéro. 

P.  404.  Titre  de  l'art,,  au  lieu  de  :  Greeks  writers,  lire  :  Greek  writers. 

P.  419.  Titre  de  l'art,  y  au  lieu  de  :  Aavene,  lire  :  A  arène. 

P.  420,  1.  20.  Au  lieu  de  :  kos  godt  Folk,    lire  :  hos. 

P.  486,  1.    6.  Au  lieu  de  :  et  le  Faucigny,  lire  :  et  la  partie  da  Genevois. 


L'un  des  propriétafyeS'-gérantSf  G.  Monod. 


Nogent-le-Rotrou,  imprimerie  DÀursLEY-GouvsRNBUR. 


ETUDE 


SUR 


LIMMUNITÉ  MÉROVINGIENNE 


I. 

Il  y  a  deux  raisons  pour  étudier  de  près  Timmunité  méro- 
vingienne. L'une  est  qu'elle  jette  un  grand  jour  sur  les  institu- 
tions et  les  habitudes  de  Tépoque;  l'autre  est  qu'elle  annonce  et 
prépare  le  régime  féodal  des  époques  suivantes. 

Quelques  mots  d'abord  sur  nos  documents.  Aucun  écrivain  du 
temps,  pas  même  Grégoire  de  Tours,  ne  parle  de  l'immunité.  A 
peine  le  mot  apparait-il  quelquefois,  sans  aucune  explication  qui 
nous  éclaire.  Elle  est  mentionnée  dans  les  actes  du  concile  d'Or- 
léans de  511 S  dans  un  édit  de  l'un  des  rois  qui  ont  porté  le  nom 
de  Clotaire*,  dans  une  lettre  de  l'évêque  Rauracius  qui  est  de  la 
première  moitié  du  vu*  siècle^.  Ce  serait  assez  pour  attester  que 
la  concession  d'immunité  est  ancienne;  ce  n'est  pas  assez  pour 
nous  apprendre  en  quoi  consistait  l'immunité.  Mais  nous  possé- 
dons les  actes  eux-mêmes,  c'est-à-dire  les  diplômes  qui  ont  été 
écrits  par  l'ordre  des  rois  francs  et  signés  de  leur  main.  Ces 
diplômes,  en  même  temps  qu'ils  confèrent  l'immunité,  la  défi- 

1.  Concilium  Aarelianense,  c.  5  (Mansi,  YIII,  p.  352;  Labbe,  IV,  1405)  : 
agronim  Tel  clericoruin  immunitate  concessa. 

2.  Chlotarii  constitution  c.  1 1  (Pertz,  Leges^  I>  P-  3  ;  Boretius,  Capitularia,  p.  18)  : 
Ecclesiae  Tel  clericiâ...  qui  immunitatem  meruerant.  Sirmond  a  attriboé  cet 
édit  à  Clotaire  I*',  à  cause  du  mot  germani  qui  se  trouve  dans  ce  même  article. 
Waitz  et  Boretius  préfèrent  l'attribuer  à  Clotaire  II,  et  il  est  Traisemblable 
qu'ils  ont  raison.  Seulement,  la  raison  qu'ils  donnent,  à  savoir  que  le  grand- 
père  de  Clotaire  I*'  étant  païen  n'a  pu  donner  d'immunités  à  des  églises,  est 
une  de  ces  raisons  à  priori  qui  ont  peu  de  valeur  historique.  Childéric,  sans 
être  chrétien,  a  bien  pu  traiter  avec  des  évéques. 

3.  Epistola  Rauracii,  Nivernensis  episc.  ad  Desiderium  (dom  Bouquet,  IV, 
44)  :  Sicut  et  immunitas  noslra  ex  hoc  conlinet.  ^  Vita  S.  Balthildis,  9,  dans 
les  Acia  SS,  ord.  S,  Benedicti,  II,  780  :  eis  emanitates  concessit. 

Rev.  HisTon.  XXII.  2«  fasc.  17 


250  FCSTEL  DE  COULÀRGES. 

nissent  en  termes  très  nets  et  en  énumèrent  minutieusement  les 
effets  * . 

Ces  documents  nous  paraissent  devoir  être  rangés  en  deux 
catégories,  suivant  qu'ils  précèdent  ou  suivent  Tavènement  de 
Dagobert  I^. 

En  premier  lieu,  nous  avons  un  diplôme  qui  est  attribué  à 
Clovis  et  qui  paraît  daté  de  497*.  On  y  lit  que  le  roi  franc 
fait  donation  d'une  terre  à  Jean ,  fondateur  du  monastère  de 
Réomé^,  et  la  suite  de  l'acte  montre  qu'une  pleine  immunité  est 
accordée  à  lui  et  à  ses  successeurs  sur  cette  terre.  Si  l'authenticité 
de  cet  acte  était  certaine,  nous  pourrions  saisir  dès  le  temps  de 
Clovis  tous  les  caractères  de  l'immunité  mérovingienne;  mais  le 
texte  du  diplôme  porte  des  marques  trop  visibles  d'interpolations 
d'une  époque  postérieure^.  Il  n'est  probablement  qu'une  copie 
altérée  et  allongée  d'un  ancien  diplôme'^.  Clovis  a  accordé  l'im- 
munité, mais  non  pas  sous  cette  forme.  Nous  inclinons  même  à 
croire  que  deux  actes  s'y  trouvent  réunis,  l'un  qui  est  une  charte 
de  mainbour,  l'autre  qui  est  une  charte  d'immunité,  et  que  ces 

1.  Nous  nous  sommes  servi  de  l'édition  de  Pardessus,  Diplomata,  chartae, 
epistolae,  legeSy  1843-1849,  édition  qui  reste  encore  la  meilleure  après  la  publi- 
cation des  Diplomata  par  K.  Pertz,  dans  les  Monumenta  Germaniae,  1872.  — 
Pour  les  diplômes  qui  sont  aux  Archives  nationales,  le  texte  en  est  dans  Tardif, 
Monuments  historiques,  cartons  des  rois.  —  Sur  plusieurs  de  ces  diplômes  il 
faut  lire  Th.  Sickel,  Beitratge  zur  Diplomatik,  dans  les  comptes-rendus  des 
séances  de  l'académie  de  Vienne,  juillet  1864,  p.  175  et  suiv. 

2.  Diplomata,  n*  58,  t.  1,  p.  30. 

3.  Reomaus,  dans  le  pagus  Tornodorcnsis  (Cf.  Grégoire  de  Tours,  De  gloria 
confessorum,  87).  Ce  pagus  ne  faisait  pas  partie,  comme  on  l'a  dit,  du  royaume 
des  Burgondes  ;  d'après  VHistoria  epitomata,  c.  19,  il  était  du  territoire  de 
Clovis  dès  493.  Ainsi  tombe  l'une  des  objections  qu'on  a  faites  contre  la  sincé- 
rité de  ce  diplôme. 

4.  Par  exemple,  il  est  inadmissible  que  Clovis  ait  compté  les  àbhates  parmi 
les  dignitaires  de  son  temps  et  les  ait  mis  à  côté  des  évêques  ;  cf.  concile  d'Or- 
léans de  511,  can.  7  et  19.  —  Clovis  n'a  pas  pu  écrire  propter  meritum  ianti 

patroni peculiarem  patronum  nostrum^  dominum  Jokannem,  Jean  n'étant 

pas  encore  un  saint  au  moment  où  la  concession  de  terre  lui  était  faite.  — 
Le  petit  monastère  de  Jean  ne  possédait  pas  encore  les  vicos  et  les  villas 
dont  il  est  parlé  dans  Tacte.  —  Les  expressions  ptimo  sutjugationis  Gallorum 
anno  sont  tout  à  fait  inusitées  et  elles  s'expliquent  d'autant  moins  que  Clovis 
savait  parfaitement  qu'il  n'avait  pas  conquis  la  Gaule  d'un  seul  coup  ni  à 
une  date  précise.  —  Voyez  Junghans,  Childéricet  Chlodovech,  trad.  G.  Monod, 
p.  145. 

5.  C'est  l'opinion  de  Bréquigny  et  de  Pardessus;  je  la  crois  plus  juste  et 
plus  sage  que  celle  de  Junghans  qui  rejette  absolument  ce  diplôme  comme 
n'ayant  aucune  valeur. 


KTUDË  sra  L'iMMUXITé  MÉROVINGIEXXE.  254 

deux  actes  ont  été  réunis  et  mal  fondus  ensemble  par  un  succes- 
seur assez  éloigné  du  premier  concessionnaire.  Nous  ne  regar- 
dons pas  ce  diplôme  comme  une  pièce  absolument  fausse^  mais 
comme  une  pièce  très  remaniée  et  en  tout  cas  très  postérieure  à 
la  date  qui  y  est  inscrite.  Nous  nous  en  servirons,  mais  comme 
s'il  était  un  acte  du  vii«  siècle,  et  nous  y  chercherons  ce  qu'était 
l'immunité,  non  pas  au  temps  de  Clovis,  mais  deux  siècles  après 
lui. 

Nous  ne  parlons  pas  du  diplôme  que  Clovis  aurait  donné 
au  monastère  de  Saint-Pierre-le-Vif  de  Sens  *  ;  il  est  univer- 
sellement regardé  comme  apocryphe.  Une  lettre  du  même  roi, 
dont  l'authenticité  est  généralement  admise,  nous  montre  Clovis 
donnant  un  domaine  à  Euspice  et  à  Maximin,  et  assurant  en 
même  temps  à  ce  domaine  une  exemption  perpétuelle  des  impôts*. 
Ce  n'est  pas  encore  là  l'immunité  complète,  telle  que  nous  la 
verrons  tout  à  l'heure;  mais  ce  qui  est  assez  curieux,  c'est  que 
nous  possédons  en  même  temps  deux  diplômes  relatifs  à  la  même 
concession  et  attribués  au  même  prince^,  qui  sont  plus  longs 
que  la  lettre  originale,  et  où  les  privilèges  de  l'immunité  sont 
bien  plus  étendus.  Le  monastère  n'est  plus  seulement  exempté 
des  impôts  ;  il  est  affranchi  de  toute  autorité  civile  et  ecclésias- 
tique. Ne  pouvons-nous  pas  croire  que  ces  diplômes  sont  des 
copies  postérieures  dans  lesquelles  les  successeurs  des  premiers 
concessionnaires  ont  inséré  ce  qu'ils  ont  pu?  La  concession  se 
serait  ainsi  développée  de  copie  en  copie. 

Des  fils  et  des  petits-fils  de  Clovis  nous  possédons  quatre 
diplômes  qui  touchent  à  notre  sujet  :  deux  de  Childebert  P'  et  un 
de  Chilpéric  en  faveur  du  monastère  d'Anisola,  et  un  de  Clo- 
taire  I*^  qui  confirme  celui  que  Clovis  avait  accordé  au  monas- 
tère de  Réomé.  Ces  actes  passent  généralement  pour  authentiques, 
sauf  quelques  points  de  forme.  Mais  nous  devons  faire  observer 

1.  Diplamata,  édit.  Pardessos,  n*  04;  édit.  Pertz,  Spurki,  n*  2.  Il  contient, 
à  la  tin,  la  formule  de  pleine  immunité. 

2.  Diplomata^  édit.  Pardessus,  n*  87  :  Absque  tributo,  naulo  et  exactione.  — 
II  faut  observer  que  cet  acte  se  distingue  de  tous  ceux  qui  concernent  l'immu- 
nité, en  ce  qu'il  est  sous  forme  de  lettre  adressée  aux  concussionnaires.  Il  faut 
ajouter  que  le  mot  immunitas  ne  s'y  trouve  pas.  Enfin,  les  deux  concession- 
naires sont  placés  sous  la  tuitio  d'un  év^ue,  ce  qui  est  C4)ntraire  à  toutes  les 
chartes  d'immunité  que  nous  connaissons.  Cette  lettre  ne  peut  donc  pas  être 
prise  comme  type. 

3.  Diplomata,  édit.  Pardessus,  n"  88  et  89. 


252  FDSTBL  DE  COCLANGËS. 

qu'ils  sont  plutôt  des  diplômes  de  mainbour  que  des  diplômes 
d'immunité,  bien  que  la  clause  essentielle  de  l'immunité  s'y  trouve 
comprise.  Nous  pourrons  nous  en  servir;  mais  ils  ne  suffiraient 
pas  à  nous  éclairer.  Ainsi,  depuis  Clovis  jusqu'à  la  fin  du 
vf  siècle,  les  documents  sont  peu  nombreux,  peu  précis  et  peu 
sûrs.  Ils  laissent  bien  voir  que  l'immunité  existait  déjà,  mais  ils 
ne  permettent  pas  d'affirmer  qu'elle  allât  plus  loin  que  l'exemp- 
tion des  impôts. 

Cette  dernière  remarque  est  confirmée  par  la  lecture  de  Flodoard  ; 
ce  chroniqueur  écrivait  au  x*  siècle  ;  mais  il  avait  dans  les  mains 
des  diplômes  qui  remontaient  beaucoup  plus  haut.  Or,  quand  il 
parle  de  l'immunité  accordée  par  Clovis  à  l'église  de  Reims,  il 
est  visible  qu'il  n'y  voit  qu'une  exemption  des  impôts  * .  Il  en  est 
de  même  quand  il  parle  du  diplôme  accordé  à  la  même  église  par 
Childebert  II*,  et  ce  n'est  que  plus  tard,  en  parlant  d'un  évêque 
du  vu^  siècle,  qu'il  décrit  une  inmiunité  plus  étendue. 

Dès  le  vii«  siècle,  en  effet,  les  diplômes  abondent,  et  l'immu- 
nité s'y  présente  dans  son  développement  complet  et  avec  tous  les 
caractères  qu'elle  conservera  pendant  six  siècles. 

Un  grand  nombre  de  ces  diplômes  sont  attribués  à  Dago- 
bert  P'  ;  nous  citerons  seulement  celui  de  627  en  faveur  de  l'église 
de  Worms^,  celui  de  632  pour  l'église  de  Trèves^  celui  de  635 
pour  les  matricularii  de  l'abbaye  de  Saint-Denis^,  celui  de  635 
en  faveur  du  monastère  de  Rebais,  dans  le  diocèse  de  Meaux^, 


1.  Flodoard,  HisL  eccles.  remensis,  II,  n  :  A  tempore  domni  Remigii  et  Clo- 
do?ei  régis,  ab  omni  functiooum  publicanim  jogo  liberrima  exsUtit. 

2.  Id.,  ibid.,  Il,  2  :  Praesul  Egidius  apud  regiain  •  majestatem  immanitatis 
praeceptum  ecclesiae  suae  obtinuil  ut  ab  omni  fiscali  functione  vel  mutilatione 
haberetur  immunis. 

3.  Diplomata,  n*  242.  L'autbenticité  en  est  contestée,  sans  preuTes  tout  à  fait 
conraincantes,  du  moins  eu  ce  qui  concerne  le  fond. —  M.  Pertz  le  range  parmi 
les  Spuria.  On  sait  que  Pardessus  a  inséré  dans  son  recueil,  et  à  leur  date,  les 
diplômes  contestés,  et  même  les  diplômes  reconnus  faux  ;  et  il  a  eu  raison.  Un 
acte  altéré,  interpolé,  remanié  peut  être  fort  utile  à  l'bistorien.  On  peut  tirer 
quelques  lumières  même  d*un  acte  entièrement  contrefait,  surtout  si  l'on  peut 
ilistinguer  à  quelle  date  il  a  été  fabriqué,  et  à  la  condition  qu'on  applique  les 
renseignements  qui  s*y  trouvent,  non  à  la  date  qui  y  est  inscrite,  mais  à  la  date 
où  l'acte  a  été  fait. 

4.  Diplomaiaf  n*  258. 

5.  Dipiomata^  n*  268.  La  signification  d'immunité  ressort  de  l'emploi  des 
mots  aUsque  introitu  judécum  que  nous  expliquerons  plus  loin. 

C.  Dipiomata,  n*  270.  Comparez  à  ce  diplùme,  qui  accorde  l'immunité  cinle. 


éruDC  SUR  L'nmumTis  MéROvnrGiENXE.  253 

celui  que  le  même  prince  a  donné  à  l'abbaye  de  Saint-Denis 
entre  631  et  637*. 

Nous  trouvons  ensuite  deux  diplômes  deClovis  II,  l'un  pour  le 
monastère  de  Saint-Maur,  l'autre  pour  le  monastère  de  Saint- 
Denis*;  deux  diplômes  de  Clotaire  III  en  faveur  de  l'abbaye  de 
Corbie^;  quatre  de  Childéric  II  pour  les  monastères  de  Sénones, 
de  Montier-en-Der,  de  Saint-Grégoire  en  Alsace,  et  pour  l'église 
de  Spire^  ;  cinq  de  Thierri  III  pour  les  monastères  d'Anisola,  de 
Saint-Denis,  de  Saint-Bertin,  d'Ebersmunter  en  Alsace,  de  Mon- 
tier-en-Der^  ;  deux  de  Clovis  III  pour  Anisola  et  pour  Saint- 
Bertin  ^  ;  deux  de  Childebert  III  dont  le  texte  original  se  trouve 
aux  Archives  nationales,  l'un  en  faveur  du  monastère  de  Saint- 
Maur',  l'autre  en  faveur  deceluideTussonval*;  quatre  du  même 
prince  en  faveur  de  Saint-Serge  d'Angers,  des  églises  de  Vienne 
et  du  Mans^,  et  d'un  couvent  de  femmes  à  Argenteuil  *®  ;  deux  de 
Dagobert  III  en  faveur  du  monastère  d'Anisola  et  de  l'église  du 


deux  bulles  de  Jean  IV  et  de  Martin  1**  qui  accordent  l'immunité  ecclésias- 
tique au  même  monastère  (Diplomata,  n**  302  et  311). 

1.  Nous  avons  trois  textes  de  ce  diplôme  :  deux  dans  un  cartulaire  de  Saint- 
Denis,  qui  est  du  XIV*  siècle  (Bibliothèque  nationale,  lat.,  5415),  et  un  troi- 
sième aux  Archives  nationales,  K,  1,  7.  Celui-ci  est  semblable  au  premier 
texte  du  cartulaire  ;  le  second  texte  du  cartulaire  est  sensiblement  diflTërent  des 
deux  autres.  D'ailleurs,  celui  qu'on  a  aux  archives  n'est  pas  l'original,  il  n'est 
qu'une  copie  du  ix*  siècle.  Pardessus,  Pertz  et  Sickcl  sont  d'accord  pour  penser 
que  le  diplôme,  dans  quelque  texte  qu'on  le  lise,  est  faux.  Il  faut  entendre 
qu'il  est  faux  dans  la  forme  où  il  nous  est  parvenu,  c'est-à-dire  qu'il  est  tout 
au  plus  une  copie  altérée  d'un  diplôme  vrai.  On  a  dit  que  Clovis  II  était 
l'auteur  de  la  première  immunité  accordée  à  Saint-Denis  ;  mais  cela  ne  ressort 
pas  des  documents.  —  On  trouvera  le  premier  texte  du  cartulaire  dans  les 
Diplamaia  de  Pardessus,  n*  282  ;  le  deuxième  texte  au  n*  281,  et  le  texte  des 
archives  dans  les  Monuments  historiques  de  Tardif,  p.  7-8. 

2.  Diplomata,  n-  291  et  322. 

3.  Diplotnata,  n**  336  et  337. 

4.  Diptomata,  n-  341,  367,  368,  et  Additamenta,  t.  II,  p.  424. 

5.  Diplomata,  n-  372,  397,  400,  402,  403. 

6.  Diplomata,  n"  417  et  428. 

7.  Archives  nationales,  K,  3,  12*.  Il  a  été  publié  par  Bordier,  dans  la  BibliO" 
thèque  de  C École  des  chartes,  1849,  p.  59,  et  par  Tardif,  Monwnents  histo- 
riqueSy  cartons  des  rois,  n*  41,  p.  34.  Il  a  été  inséré  dans  les  Diplomata  de 
K.  Pertz,  p.  .64. 

8.  Archives  nationales,  K,  3, 10;  Diplomata,  éd.  Pardessus,  n*  436.  Ce  diplôme 
confirme  un  diplôme  antérieur  de  Thierri  III. 

9.  Diplomata,  n**  444,  445,  463. 

10.  Diplomata,  n*  441.  Ce  diplôme  présente  une  forme  particulière,  et  l'immu* 
nité  y  est,  on  le  comprend,  moins  étendue  que  dans  les  autres.  L'appendice  de 


254  FOSTEL  OB  C0DU3IGES. 

Mans  *;  un  de  Chilpéric  II  en  faveur  de  l'abbaye  de  Saint-Denis, 
dont  l'original  se  trouve  aux  archives*  ;  un  autre  du  même  prince 
en  faveur  du  monastère  de  Saint-Bertin  ^  ;  quatre  de  Thierri  IV 
pour  Saint-Bertin,  pour  Anisola,  pour  le  couvent  de  Maurmuns- 
ter,  près  de  Saverne,  et  pour  celui  de  Murbach^  ;  un  de  Childè- 
ric  III  pour  Saint-Bertin 5,  et  enfin  un  de  Pépin,  agissant  encore 
comme  maire  du  palais,  en  faveur  de  l'église  de  Mâcon  ^. 

Tous  ces  diplômes  ne  sont  pas  d'une  authenticité  également 
certaine.  Pour  un  très  petit  nombre  seulement  nous  possédons  les 
originaux  ;  pour  quelques  autres,  des  copies  du  ix°  ou  du  x*  siècle. 
Le  plus  grand  nombre  s'est  trouvé  dans  des  cartulaires  d'époque 
postérieure  où  ils  ont  pu  être  altérés  par  les  copistes.  Mais  quand 
même  nous  ne  posséderions  que  les  deux  diplômes  originaux  de 
Childebert  III  et  celui  de  Chilpéric  II  qui  sont  aux  archives 
nationales,  ce  serait  assez  de  ces  trois  documents  irréfutables 
pour  nous  faire  connaître  l'immunité  mérovingienne.  Or,  les 
autres  diplômes  ressemblent  fort  à  ces  trois-là  et  contiennent  pres- 
que toujours  les  mêmes  clauses.  On  peut  contester  certaines  dates 
et  certaines  signatures;  on  peut  soupçonner  çà  et  là  quelques 
lignes  ;  mais  tous  ces  diplômes  forment  un  ensemble  dont  la  valeur 
historique  n'est  pas  contestable^. 

L'énumération  que  nous  venons  de  faire  donne  lieu  à  une  autre 
remarque.  Ce  grand  nombre  de  diplômes  d'immunité  qui  ont 
échappé  à  la  destruction  permet  de  juger  de  la  multitude  de  con- 
cessions de  cette  nature  qui  ont  été  obtenues  des  rois  mérovin- 
giens. Tous  les  rois  semblent  en  avoir  accordé.  L'immunité  ne 
date  pas  de  la  décadence  des  Mérovingiens  ;  elle  est  à  peu  près 

Marculfe,  n»  44  (Rozièrc,  n*  23;  Zeamer,  p.  200-201),  présente  aussi  une  immu- 
nité accordée  à  un  couvent  de  femmes. 

1.  Diplomata,  n"  482,  486. 

2.  Arciiives  nationales,  K,  3,  17;  Tardif,  Monuments  hisforiques,  p.  38-30; 
Diplomatùy  n*  495. 

3.  Eitrait  du  cartulaire  rédigé  par  le  moine  Folquin  au  x*  siècle.  Guérard, 
Cartulaire  de  Saint-Bertin,  p.  27.  Diplomata,  n*>  507. 

4.  Diplomata,  n"  515,  522,  531,  542. 

5.  Diplomata,  n*  570. 

6.  Diplomata,  n*  5C8. 

7.  Flodoard  a  eu  sous  les  yeux  d'anciens  dipl<>mes  d'immunité  :  Quorum 
adhuc  regalium  monumenta  praeceptionum  in  archivo  eccleiiae  conservantur. 
Il  ne  les  a  pas  insérés  dans  son  histoire  :  mais  il  en  a  résumé  le  contenu  {Hist. 
eccl.  remensiSy  II,  ii);  or,  son  résumé  concorde  pleinement  avec  les  diplômes 
que  nous  avons. 


éTUDE  SUR  l'immcnit)^  mi(rovingienne.  255 

aussi  ancienne  que  la  monarchie  franque.  Elle  n'a  pas  été  arra- 
chée à  la  faiblesse  de  quelques  princes  ;  c'est  de  Dagobert  P', 
c'est-à-dire  du  plus  puissant  et  du  plus  absolu  des  rois,  que 
nous  avons  le  plus  grand  nombre  de  diplômes.  En  un  mot, 
la  concession  d'immunité  n'est  pas  un  acte  exceptionnel  et  anor- 
mal ;  c'est  un  acte  très  ordinaire  et  très  régulier  dans  l'adminis- 
tration mérovingienne. 

Il  y  a  lieu  de  penser  qu'il  en  existait  des  formules  officielles  et 
des  modèles  constants,  comme  pour  tous  les  autres  actes,  dans  les 
bureaux  du  palais,  scrinia  palatii.  Nous  le  reconnaissons  à 
l'unité  de  style  de  presque  tous  ces  diplômes.  Qu'ils  soient  écrits 
en  Austrasie  ou  en  Neustrie,  c'est  toujours  le  même  langage,  la 
même  phraséologie  soignée  et  arrêtée,  c'est  surtout  le  même  fond. 

Nous  n'avons  pas  ce  formulaire  de  la  chancellerie  royale.  Mais 
le  moine  Marculfe  a  composé,  au  vu*  siècle,  un  recueil  des  for- 
mules qui  étaient  employées  soit  au  tribunal  du  palais,  soit  dans  les 
tribunaux  des  comtes,  in  palatio  aut  in  pago.  Parmi  les  pre- 
mières, il  en  insère  six  qui  sont  des  formules  d'immunité  *.  Ces  for- 
mules, que  Marculfe  a  copiées  sur  un  grand  nombre  d'actes,  ont 
la  même  valeur  que  les  diplômes  eux-mêmes  dont  elles  sont 
l'image,  et  elles  se  trouvent  en  effet  conformes,  dans  tous  leurs 
traits  essentiels,  aux  diplômes  royaux  que  nous  citions  tout  à 
l'heure. 

Tels  sont  nos  documents.  Insuffisants  pour  le  vi*  siècle,  ils 
sont  pour  le  vu*  très  nombreux.  Ds  sont,  dans  leur  ensemble, 
authentiques  et  presque  officiels.  Toutefois,  nous  devons  faire 
observer  que  tous  ces  documents  sont  d'une  seule  nature  et  d'une 
seule  sorte.  Or,  l'historien  n'est  vraiment  maître  d'un  sujet  que 
lorsqu'il  possède  sur  ce  sujet  des  documents  de  nature  diverse.  Il 
lui  faut  des  sources  divergentes  et  parfois  opposées.  Cela  est  sur- 
tout vrai  pour  celui  qui  étudie  les  institutions  ;  il  a  besoin  de  docu- 

1.  Marculfe,  I,  3  (édit.  de  Rozière,  tS59,  n*  16;  édit.  Zeamcr,  dans  les  Monu- 
menta  Gtrmaniae,  in-4%  1882,  p.  43);  cette  fonnule  porte  pour  titre  Emuni- 
tas  regia.  —  Marculfe,  I,  4  (Rozière,  20;  Zeumer,  p.  44),  Confirmatio  de  cmu- 
nitate.  —  Marculfe,  I,  14  (Rozière,  n*  147;  Zeumer,  p.  52).  —  Marculfe,  I,  17 
(Rozière,  n*  152  ;  Zeumer,  p.  54),  Confinnatio  ad  seculares  viros.  —  La  formule  1, 
16,  contient  aussi  mention  d'immunité.  La  formule  I,  2,  concerne  à  la  fois  l'im- 
munité vis-à-vis  de  l'évéque  et  l'immunité  vis-à-vis  des  pouvoirs  civils.  —  Enfin 
TAppendix  ad  Marculfum,  44  (Rozière,  n*  23;  Zeumer,  p.  200),  renferme  aussi 
une  concession  d'immunité  ;  mais  elle  est  probablement  d'âge  caroUngien  ;  cf. 
formules  de  Lindeobrog,  n*>  8. 


256  FUSTEL   DE  COULAKGBS. 

ments  qui  le  renseignent  sur  l'état  légal,  et  d'autres  documents 
qui  lui  laissent  voir  l'état  réel ,  avec  toutes  les  diversités  et  les 
nuances  de  l'application.  Voyez  quelles  idées  fausses  quelques- 
uns  se  font  de  la  société  firanque  quand  ils  la  jugent  d'après  les 
seuls  textes  législatifs.  Si  l'on  veut  connaître  les  différentes  faces 
d'une  même  société,  d'une  même  institution,  il  faut  faire  sortir  la 
lumière  des  documents  les  plus  contradictoires.  C'est  pourquoi 
nous  voudrions  posséder,  à  côté  des  diplômes  et  des  formules  qui 
nous  présentent  les  formes  légales  de  l'immunité,  quelques  phrases 
d'historiens  ou  d'annalistes,  quelques  lettres,  quelques  anecdotes 
qui  nous  fissent  voir  ce  qu'elle  était  dans  la  pratique.  C'est  l'ab- 
sence de  textes  de  cette  nature  qui  fait  la  difficulté  du  sujet  et  la 
limite  de  notre  étude  *. 

II. 

Avant  d'entrer  dans  l'étude  directe  de  l'immunité,  il  est 
utile  de  jeter  un  coup  d'œil  sur  le  gouvernement  des  rois  Francs 
et  leur  administration.  On  y  verra  au  milieu  de  quelles  circons- 
tances l'immunité  s'est  produite,  et  l'on  y  discernera  peut-être  les 
causes  qui  l'ont  engendrée. 

Le  gouvernement  des  successeurs  de  Clovis  était  la  monarchie 
absolue.  La  royauté  était  héréditaire  et  se  partageait  entre  les  fils 
comme  un  domaine.  Les  nombreux  écrits  qui  dépeignent  la  vie 
du  temps  ne  nous  montrent  jamais  rien  qui  ressemble  à  des 
assemblées  nationales.  Nous  y  voyons  souvent  des  guerriers 
réunis,  mais  nous  n'y  voyons  jamais  un  peuple  qui  délibère.  La 
royauté  franque  était  sans  limites  légales. 

Le  roi  réunissait  dans  ses  mains  tous  les  pouvoirs.  Il  était  le 
juge  suprême  de  tous  les  hommes  du  royaume,  sans  distinction 


1.  Parmi  les  traTaux  modernes  nous  citerons  :  Pardessus,  Loi  salique, 
p.  588  et  suiv.  —  Lehueron,  Institutions  carolingiennes,  p.  245-252.  —  Rotti, 
Geschichte  des  Beneficialwesens,  1850,  p.  118-119.  —  Zœpfl,  Deutsche  Rechts- 
geschichte,  1872,  t.  II,  p.  223-228.  —  Zœpfl,  AlterthUmery  1860,  t.  I,  p.  39-54. 
—  Waitz,  Deutsche  Verfassungsgeschichte,  t.  Il,  p.  634-645  de  la  seconde  édi- 
tion. —  Th.  Sickel,  Beitrxge  zur  Diplomatik,  III,  dans  les  Sitzungsberichte 
de  l'académie  de  Vienne,  18C4,  juillet,  pages  175  et  suiv.  —  Tout  récemment, 
M.  Prost  a  publié  dans  la  Revue  historique  du  droit  français  et  étranger  une 
étude  sur  l'immunité,  étude  sérieuse,  mais  où  beaucoup  d'affîrmatioVis  nous 
paraissent  inexactes.  Il  s'est  d'ailleurs  peu  occupé  de  la  période  méro?in- 
gienne  qui  fait  l'objet  spécial  de  notre  traTail. 


ETUDE  SUR  L'iMMUXIli  MBROVIlfGIEIfXE.  257 

de  races.  Entouré  de  hauts  fonctionnaires  du  palais,  il  vidait  les 
procès  et  punissait  les  crimes*.  Il  condamnait  à  la  prison,  à  la 
confiscation  des  biens,  à  la  mort*.  On  le  voit  même  assez  souvent 
frapper  de  mort  un  accusé,  gaulois  ou  franc,  sans  aucune  forme  de 
jugement,  et  aucune  protestation  n'indique  qu'on  crût  qu'il  outre- 
passait son  droit  ^.  Soit  que,  comme  Chilpéric,  «  il  multipliât  les 
condamnations  afin  de  s'enrichir  par  la  confiscation  des  biens 
des  condamnés,  »  soit  que,  comme  Dagobert,  «  il  jugeât  avec  tant 
d'équité  qu'il  frappait  les  grands  de  terreur  et  remplissait  les 
pauvres  de  joie  ^  »  dans  l'un  et  l'autre  cas  il  était  le  grand  juge 
du  royaume. 

Il  percevait  des  impôts  et  en  fixait  lui-même  le  chiffre*,  sans 
que  nous  voyions  jamais  qu'un  peuple  fût  consulté  sur  cette 
matière.  Il  commandait  l'armée  et  ordonnait  à  son  gré  les  levées 
militaires.  Tous  les  sujets,  sans  distinction  de  races,  prenaient  les 
armes  sur  son  ordre  et  se  portaient  où  il  voulait^.  Il  faisait  à 
son  gré  la  guerre  ou  la  paix,  obligé  sans  doute  de  plaire  h  ses 
guerriers  et  surtout  de  satisfaire  leur  cupidité,  mais  n'ayant 
jamais  à  consulter  une  nation  ou  une  assemblée  sur  la  guerre  à 
entreprendre  ou  le  traité  à  conclure. 

1.  Voyez  les  nombreux  arrêts  rendus  par  le  roi,  ou  en  son  nom,  dans  les 
Diplomata,  n-  331,  332,  334,  349,  394,  429,  431,  434,  440,  473,  etc.  —  Marculfe, 
1,  25  :  Cui  Dominus  regendi  coram  commitUt,  cunctorum  jurgia  diligent!  exa- 
minatione  rimari  oportet.  Ergo  cum  nos  in  palalio  nostro  ad  universorum  cau- 
sas audiendas  cum  pluribus  optimalibus  nostris,  rcferendariis,  domesticis, 
senisc^lcis,  cubiculariis  et  comité  palatii  resideremus...  —  Cf.  Grégoire  de 
Tours,  H.  Fr.,  VII,  23;  Vita  S.  Rigomeri,  dans  dom  Bouquet,  III,  427;  Vita 
S.  Proijecti,  dans  les  Acta  SS.  Ord.  S.  Benedicti,  II,  644. 

2.  Vita  S.  Eligiif  I,  31  :  Omnia  humana  corpora  quae  régis  severitate  perima- 
bantur.  —  Vita  S.  Radegundis,  c.  8  :  Si  quis  pro  culpa  criminali,  ut  assolet,  a 
rege  deputabatur  interfici. 

3.  Grégoire  de  Tours,  H.  F)r.,  VIIl,  11  :  Rex  jussit  Boanlum  gladio  percuti.  — 
Id.,  VIll,  36  :  Magnoyaldus,  causis  occultis,  ex  jussu  régis  interficitur.  —  Id., 
IV,  13;  V,  5;  V,  17;  V,  48;  VIII,  44;  IX,  8;  IX,  9-10;  X,  27.  -  Frédégairc, 
Chronique,  43  :  Chlotarius  pacem  sectatus  multos  inique  agentes  gladio  Iruci- 
davit.  Id.,  44,  52,  54. 

4.  Grégoire  de  Tours,  VI,  46.  Frédégaire,  Chronique,  57. 

5.  Grégoire  de  Tours,  V,  29  :  Chilpericus  rex  descriptiones  noras  et  graves  in 
umui  regno  suo  fieri  jussit.  —  Id.,  VII,  15  :  Multos  de  Francis  publico  tributo 
subegit.  ^  Id.,  IV,  2;  V,  35;  IX,  30;  X,  7.  Dans  ce  résumé  nécessairement 
très  court,  nous  laissons  de  côtelés  questions  controversées;  elles  feront  l'ob- 
jet d'autres  études. 

C.  Grégoire  de  Tours,  V,  27;  VI,  31  ;  VII,  24;  VIII,  18;  VIII,  30;  IX,  12; 
IX,  18;  IX,  31  ;  X,  3.  —  Frédégairc,  Chronique,  38,  74,  78,  87.  —  Lex  Ripua- 
rioruro,  LXV. 


258  FIJSTEL  DE  COULilVGES. 

Telle  fut  la  royauté  méroyingienne  jusqu'à  la  an.  Même  sous 
les  rois  que  depuis  on  a  appelés,  à  tort  ou  à  raison ,  les  rois  fainéants, 
la  royauté  ne  fut  pas  moins  absolue.  Il  y  eut  plus  de  désordres, 
plus  d'ambitions  autour  du  trône,  plus  de  révoltes  ;  il  n'y  eut  pas 
plus  de  liberté.  On  fît  et  l'on  défit  des  rois  dans  des  guerres 
civiles;  nul  ne  paraît  avoir  songé  à  fonder  des  institutions  libres 
ou  à  amoindrir  légalement  la  royauté. 

Pour  se  faire  obéir  dans  les  provinces,  cette  royauté  avait  à  sa 
disposition  tout  un  corps  administratif  qu'elle  tenait  de  l'empire 
romain.  Loin  de  le  supprimer,  elle  le  développa.  Elle  augmenta 
le  nombre  des  agents  du  pouvoir.  Elle  eut  ses  duces  et  ses 
comités  y  à  peu  près  comme  l'empire;  elle  eut  de  plus  des  vica- 
rii,  des  tribuni,  des  centenarii^.  Cela  fit  un  réseau  qui  cou- 
vrit tout  le  royaume  et  qui  rendit  la  royauté  présente  dans  les 
moindres  cantons.  Les  ducs  et  les  comtes  étaient  nommés  par  le 
roi,  et  pouvaient  être  révoqués  par  lui  *.  Les  vicaires,  tribuns  et 


1 .  Ce  n'est  pas  ici  le  lieu  d'entrer  dans  le  détail  de  l'administration  mérovin- 
gienne. Snrles  vicarii^  lesprincipanx  textes  sont:  Grégoire  de  Tours,  Hisi.y  VIII, 
23  ;  X,  5;  Marculfe,  1,  6  (Rozière,  n*>  477);  addUtam.  ad  Marc,  Zeumer,  p.  111 
(Rozière,  n*  10)  ;  formules  de  Rozière,  n"  460  bis,  499,  502  bis,  886,  on  Mer- 
kelianae  dans  Zeumer,  pages  252-259  ;  Bignonianx,  13,  dans  Zeumer,  p.  232, 
dans  Rozière,  n*  502  ;  Appendix  ad  MarctUfum,  3,  dans  Zeumer,  p.  212,  dans 
Rozière,  n*  472  ;  Diplomata,  éd.  Pardessus,  n**  340  et  532.  —  Sur  le  tribunus^ 
terme  vague  qui  répondait  peut-être  à  des  attributions  assez  diverses,  voir 
Grégoire  de  Tours,  Hist.,  VII,  23  ;  X,  21  ;  Miracula  Martini,  1,  40  ;  De  glo- 
ria  confessorum,  41.  Vita  Columbani,  34,  35,  36,*  dans  les  Acta  SS.  ord.  s. 
Benedictiy  II,  20;  Vita  GermatU  a  Fortunato,  62,  68;  Vita  Radegundis,  38; 
Fortunati  carmina,  VII,  16  ;  Viia  Dalmatii,  dans  Bouquet,  III,  420  ;  Vita 
Gallif  dans  Pertz,  Script.,  II,  p.  12  et  la  note  ;  Diplomata,  n*>  230,  pages  208 
et  214,  n"  543,  page  355.  —  Sur  les  centenarii,  voir  :  Childeberti  decretiOf  9; 
CfdotarH  decretio,  16;  Lex  salica,  44  et  46,  éd.  Behrend,  p.  57  et  60;  Vita 
Eligii,  II,  60;  Vita  Salvii,  dans  Bouquet,  III,  647;  Lex  Aldmannorum,  36; 
Diplomata,  t.  II,  p.  432  et  475.  —  M.  Sohm,  Reichs  und  Gerichts  Verfas- 
sung,  p.  215-219,  237,  a  essayé  d'établir  l'identité  entre  le  vicarius,  le  tribunus, 
le  centenarius  ;  mais  ses  raisonnements  nous  semblent  peu  sûrs  et  il  ne  s'ap- 
puie pas  sur  des  textes  ;  il  y  a  même  des  textes  qui  sont  formellement  opposés 
à  sa  théorie. 

2.  Pour  la  nomination  des  ducs  et  comtes  par  le  roi,  voyez  :  Grégoire  de 
Tours,  HUt.,  IV,  40  ;  IV,  42  ;  V,  49  ;  VIII,  18  ;  Vita  Desiderii  cat.  cp.,  I  ; 
Vita  Licinii,  dans  Bouquet,  III,  486  ;  et  surtout  la  formule  de  Marculfe,  I,  8, 
Rozière,  n*  7.  —  Pour  leur  révocation,  voyez  des  exemples  dans  Grégoire  de 
Tours,  Hist.,  IV,  24  ;  IV,  44  ;  V,  14  ;  V,  48  ;  VIII,  18  ;  IX,  7  ;  IX,  14.  —  Nous 
ne  parlons  pas  ici  des  nUtsi  a  latere,  missi  regales,  missi  discurrentes,  parce 
qu'il  ne  sera  pas  question  d'eux,  sauf  une  exception,  dans  nos  diplômes  d'im- 
munité. 


KTLDE  SDR  L'iMMUXITÉ  MBROVnTGIENIVE.  259 

centeniers  paraissent  avoir  été  nommés  par  les  comtes,  dont  ils 
étaient  les  délégués*.  Les  ducs  et  les  comtes  recevaient  directe- 
ment les  ordres  du  roi  ;  les  vicaires  et  centeniers  recevaient  les 
ordres  du  comte  *.  Tous  représentaient  l'autorité  royale  vis-à-vis 
des  populations. 

Le  terme  général,  dont  on  désignait  les  membres  de  cette  vaste 
hiérarchie  administrative,  était  celui  de  judices.  Ce  terme  venait 
de  Tempire  romain  où  il  avait  désigné  les  gouverneurs  des  pro- 
vinces. Il  resta  usité  dans  toute  la  période  mérovingienne.  Quand 
nous  rencontrons  le  moi  judex  dans  les  lois  ou  dans  les  textes 
historiques,  il  ne  faut  pas  croire  qu'il  s'agisse  simplement  d'un 
magistrat  de  l'ordre  judiciaire,  moins  encore  d'un  homme  privé 
qui  serait  investi  temporairement  du  droit  déjuger.  Le  judex  est 
un  duc,  un  comte,  un  vicarius  ou  un  centenier,  c'est-à-dire  un 
agent  de  l'administration  ^.  Les  textes  l'appellent  souvent  judex 


i.  L'opinion  contraire  a  été  soutenue,  surtout  en  ce  qui  concerne  le  ce^ite- 
natius  ou  iunginus,  par  Waitz,  Deutsche  Verfcusungsgeschichte,  t.  Il,  p.  36 
de  la  2*  édition  ;  Schulte,  Hist.  du  droit  et  des  inst.  de  V Allemagne,  trad. 
Foumier,  p.  115;  Tbonissen,  l'Organisation  Judiciaire  de  la  loi  salique,  pages 
56-60  de  la  2*  édition.  Je  ne  puis  pas  partager  cette  opinion.  Sur  le  sens  des 
mots  electi  cenienarii  du  décret  de  Clotaire,  Toyez  l'explication  ingénieuse  et 
que  je  crois  vraie  de  M.  Sohm,  Reichs  und  Gerichts  Verf.,  p.  188-189  et  241. 
—  Il  n'y  a  aucun  texte  qui  présente  le  centenier  comme  c  un  élu  du  peuple,  » 
comme  a  un  chef  populaire.  »  On  le  voit,  au  contraire,  figurer  sur  la  liste  des 
fonctionnaires  et  agents  royaux  :  Ille  rex...  ducibus,  comitibus,  domesUcis, 
vicariis,  centenariis,  vel  (et)  omnibus  agentibus  nostris  {Appendix  ad  Marcul' 
fum,  45,  Rozière,  n'  31,  Zeumer,  p.  301)  ;  Ille  rex...  ducibus,  comitibus,  viga- 
riis,  centenariis  vel  omnibus  agentibus  (Rozière,  n*  10,  Zeumer,  p.  111);  Ille 
rex...  magnificis  viris  ducibus,  comitibus,  vigariis,  centenariis  seu  vassos  nos- 
tros  Tel  omnes  missos  nostros  discurrentis  {App.  ad  Marc,,  35,  Rozière,  n*  23, 
Zeumer,  cartx  senonicXy  p.  200).  On  compte  le  centenier  parmi  les  ministe- 
riales  régis  (1*'  capitulaire  de  802,  c.  40)  ou  encore  parmi  les  ministri  comi- 
tum  (concile  de  Châlon  de  813,  c.  21).  Je  crois  que  les  centeniers  sont  com- 
pris dans  les  qiu>scunque  per  regtonem  sitd  commissam  {comités)  instituuntf 
dont  il  est  parlé  dans  la  prxceptio  Guntramni,  édit.  Boretius,  p.  12.  Ils  sont 
compris  aussi,  à  notre  avis,  parmi  les  juniores  comitum  dont  il  sera  question 
très  souvent  dans  nos  diplômes. 

2.  Voir  sur  ce  point  une  curieuse  formule  d'ordre  adressé  par  le  comte  au 
vicariuSf  dans  le  recueil  de  Rozière,  n*  886,  ou  dans  Zeumer,  p.  259. 

3.  Le  plus  souvent,  dans  la  langue  du  vi*  et  du  yii*  siècle,  le  terme  judex 
s'applique  spécialement  au  comte.  Judex  hoc  est  comes  aut  grafio  (Capit.  ad^ 
dita  legisalicXy  dans  Pcrtz,  Leges,  t.  II,  p.  3,  Behrend,  p.  91,  Merkel,  p.  36). 
Judicem  liscalem  quem  comitcm  vocant  (Lex  Ripuaria,  53).  In  cujuslibet  judi- 
cis  pago  (Decreiio  Chiideberti,  4).  Dans  l'édit  de  Contran  {CapUularia,  éd. 
Boretius,  p.  12),  le  mot  judices  désigne  visiblement  les  comtes,  puisqu'il  est 


260  F0STBL  DE  COULANGES. 

publions,  ce  qui  ne  signifie  pas  autre  chose  que  juge  royal  ou 
agent  royal  * .  Les  rois  disent  indifféremment  judices  publici 
OMJudices  nostri*.  Les  mêmes  hommes  sont  désignés  par  les 
mots  agentes  nostri,  nos  agents,  les  agents  du  roi  ^,  de  même 
que  les  évêques  ont  leurs  agents  ou  intendants,  agentes  episco- 
porum,  de  même  que  les  riches  propriétaires  ont  leurs  agents  qui 
administrent  leurs  domaines,  agentes  potentum^.  Ces  termes, 
appliqués  aux  ducs,  comtes  et  centeniers  mérovingiens,  corres- 


dit  qu'Us  ont  une  regio  sibi  commUsa  et  qu'ils  nomment  des  vicarii.  Dans 
Grégoire  de  Tours,  HisL,  YI,  8,  le  même  personnage  est  appelé  judex  et 
cornes  ;  ailleurs,  IV,  47,  le  comte  d'Auvergne  est  appelé  judex;  le  comte  de 
Poitiers,  Macco,  est  qualifié  tantôt  eomeSf  tantôt  judex  (X,  15)  ;  de  même,  dans 
les  Vita  Patrum,  VIII,  9.  Le  judex  loci  dont  le  même  écrivain  parle  (IV,  18 
et  V,  50)  est  le  comte  de  Tours  dans  un  cas,  le  comte  de  Bourges  dans  l'autre. 
Le  judex  civitatU  dans  la  Vita  s,  Lupi  CabUlonensiSj  c.  7,  est  le  comte  de 
Chàlon.  Voyez  d'autres  exemples  dans  Fortunatus,  Carm.,  X,  22.  VitaAlbini, 
16  ;  Vita  Fidoliy  18  ;  Vita  Walarid,  8  ;  Vita  DesiderU  Viennensis,  6.  Quel- 
quefois aussi  le  terme  judex  a  un  sens  plus  général  et  s'applique  à  tous  les 
agents  de  l'administration  ;  cenlenarium  aut  quemlibet  judicem  {Decreiio  ChU" 
debertiy  9);  in  prœceptionibus  quas  rex  ad  judices  pro  suis  utilitatibus  dirige- 
bat  (Grégoire  de  Tours,  HUt.,  VI,  46). 

1.  Dans  la  langue  mérovingienne,  le  mot  publicus  se  dit  de  tout  ce  qui 
appartient  au  roi.  Villa  publica  est  un  domaine  royal.  Persona  publica,  dans 
redit  de  Clotaire  II,  art.  5,  est  un  homme  ou  une  femme  appartenant  au  roi. 
Publica  functio  est  l'impôt  qui  est  payé  au  roi  (Grégoire  de  Tours,  Hist.,  V, 
27).  Sacellum  publicum  est  le  trésor  royal  {Diplomatay  n"  433).  ServiUum 
publicum  signifie  le  service  du  roi  (Grégoire  de  Tours,  Hist.^  III,  15).  De  même 
l'expression  judices  publici,  qui  revient  très  fréquemment  chez  les  écrivains  et 
dans  les  diplômes,  signifie  les  agents  et  ofliciers  du  roi.  Elle  est  synonyme  de 
judex  fiscalis  que  l'on  rencontre  dans  la  Lex  Ripuaria  et  qui  désigne  visible- 
ment le  comte.  Elle  s'oppose  tantôt  à  judices  privatif  tantôt  à  judices  eccle^ 
siastici  qui  sont  les  agents  des  grands  propriétaires  ou  des  évêques. 

2.  Voyez  un  diplôme  de  683,  n»  402,  où  les  mots  a  judicibus  nostris  tiennent 
la  place  qu'occupent  dans  les  diplômes  semblables  les  mots  a  judicibus  publicis, 

3.  Clericis  nullam  requirant  agentes  publici  functionem  (Constitutio  Chio- 
tarii,  cil;  Boretius,  Capitularia,  p.  19).  —  Chlotarius  rex  omnibus  agentibus 
tam  praesentibus  quam  futuris  {Diplomata,  n»  337;  cf.  n"  258,  264,  270,  279, 
281,  285,  etc.).  —  Chilpericus  mittit  nuntios  comitibus  ducibusque  et  reliquis 
agentibus  (Grégoire  de  Tours,  H,  Fr.,  VI,  19).  —  111e  Rex  omnibus  agentibus 
(Marcuife,  I,  11).  —  Judices  vel  agentes  nostri  (Diplomata,  n»  319).  —  De 
même  le  mot  actio  désigne  une  fonction  administrative  :  Marculfe,  I,  8  ;  Gré- 
goire de  Tours,  VIII,  12  ;  Concile  de  Paris  de  614,  c.  15  ;  pour  dire  destituer 
un  comte  on  disait  removere  ab  actione  (Grégoire,  V,  48)  ;  lui  continuer  sa 
fonction  se  disait  renovare  actionem  (Id.,  IV,  42). 

4.  Edictum  Chlotarii,  c.  20  :  Agentes  episcoporum  aut  potentum;  dans 
l'art.  15  du  même  édit  (Boretius,  p.  22),  les  agentes  ecclesiarum  seu  potentum 
sont  opposés  aux  agentes  publici  qui  sont  visiblement  les  fonctionnaires  du  roi. 


lilUDE  SUR  L'niMUNITé  MBBOYINGIBNNE.  264 

pondent  exactement  à  Texpression  d'officiers  du  roi  qu'employait 
le  xvn^  siècle.  Dans  notre  langue  actuelle  le  mot  qui  s'approche 
le  plus  pour  le  sens  du  terme  judices  de  la  langue  mérovin- 
gienne, est  celui  de  fonctionnaires. 

Ces  hommes  étaient  chargés  d'administrer  les  cités  et  les 
cantons,  au  nom  du  roi  et  pour  son  service.  Ce  qu'on  enten- 
dait alors  par  administration,  ce  n'était  pas  le  soin  de  veiller 
sur  les  intérêts  moraux  ou  matériels  des  populations,  d'entretenir 
des  routes  ou  des  écoles.  L'administration,  judiciaria  potestas  *, 
comprenait  la  police,  la  justice*,  la  perception  des  impôts',  la 
levée  et  le  commandement  des  soldats*.  Tout  cela  était  réuni 
dans  les  mains  du  même  fonctionnaire.  Dans  la  circonscription 
que  le  roi  lui  confiait,  il  était  à  la  fois  l'administrateur,  le  juge, 
le  receveur  des  impôts  et  le  chef  militaire.  Dans  chacune  de  ces 
attributions,  il  agissait  à  sa  guise  et  comme  maître,  n'ayant  de 
comptes  à  rendre  qu'au  roi.  Les  documents  ne  montrent  jamais 
qu'il  existât  à  côté  de  lui  aucun  pouvoir  légal  pour  restreindre 
son  autorité  ou  contrôler  ses  actes.  Nous  apercevons  bien  que 
dans  la  pratique  il  avait  besoin  de  ménager  les  grands  proprié- 
taires du  canton  et  surtout  les  évoques;  mais  nous  n'apercevons 
jamais  qu'il  y  eût  rien  à  côté  de  lui  qui  ressemblât  à  une  assem- 
blée provinciale  ou  cantonale.  Contre  ses  actes  arbitraires,  la 
population  n'avait  qu'une  ressource,  le  recours  au  roi;  mais  on 
conçoit  que  cette  ressource  ne  fut  permise  qu'aux  plus  grands  et 
aux  plus  riches;  d'autant  plus  qu'une  foule  d'exemples  nous 
donnent  à  penser  que  pour  obtenir  d'être  jugé  par  le  roi,  il  fallait 
avant  toute  chose  lui  offrir  des  présents  '*.  Le  duc,  le  comte,  le 
centenier  pouvait  donc  être  un  petit  tyran  local.  Il  pouvait  oppri- 
mer comme  juge,  opprimer  comme  receveur  des  impôts,  opprimer 
conune  chef  militaire®.  L'omnipotence  du  comte  était  d'autant 

1.  Dans  la  langue  mérovingienne,  les  moi%  jwUckaria  poteUas  s'appliquent  à 
toute  fonction  publique  conférée  par  le  roi  :  Ducibus,  comitibus,  seu  quacum- 
que  judiciaria  potestate  praeditis  {Diplomata,  n**  306  et  paaim), 

^.  Grégoire  de  Tours,  H.  Fr.,  V,  49;  VI,  8;  VIII,  18. 

3.  Marculfe,  I,  8  (Rozière,  n»  7).  Gr^oire  de  Tours,  H.  Fr.,  VII,  23;  X,  7; 
X,  21  ;  De  gloria  confess.,  41.  —  Diplôme  de  Chilpéric  II  aux  Archives  natio- 
nales, K  3,  18,  Tardif,  n*  47  :  Ubicumque  teioneus,  portaticus,  vel  rellquae 
redibuliones  a  judicibus  publicis  exigitur. 

4.  Grégoire  de  Tours,  VI,  19;  VII,  29;  X,  3. 

5.  Grégoire  de  Tours,  H.  Fr.,  IV,  47;  VIII,  43;  X,  21.  Vita  S.  Rigomeri, 
dans  dom  Bouquet,  III,  427. 

G.  Il  pouvait  surtout  abuser  de  l'amende  appelée  hériban.  Voyez  quelques 


262  FUSTEL  DE  COULINGES. 

plus  grande  que  tous  les  foDctionnaires  inférieurs  étaient  choisis 
par  lui  et  par  conséquent  à  sa  dévotion.  C'est  ce  qui  ressort  bien 
de  cette  prescription  du  roi  Gontran  qui  défend  aux  comtes  «  de 
choisir  pour  vicaires  ou  de  déléguer  dans  les  diverses  parties  du 
comté  des  hommes  qui,  par  vénalité,  soient  de  connivence  avec 
les  malfaiteurs  * .  » 

Quant  aux  comtes  eux-mêmes,  leur  cupidité  était  pour  ainsi 
dire  excusable.  Ils  avaient  acheté,  le  plus  souvent,  leur  fonction 
au  roi^.  Comme  d'ailleurs  ils  ne  recevaient  aucun  traitement,  et 
qu'ils  n'avaient,  pour  s'enrichir  et  pour  entretenir  leur  nom- 
breuse suite,  qu'une  part  des  amendes  judiciaires  et  des  produits 
fiscaux,  ils  avaient  intérêt  à  ce  que  la  justice  fût  très  sévère,  les 
impôts  très  lourds,  le  service  militaire  très  rigoureux.  Tous  les 
abus  de  pouvoir  étaient  pour  eux  des  profits. 

On  peut  voir  dans  Grégoire  de  Tours  une  série  de  traits  qui 
montrent  l'avidité  et  la  violence  de  presque  tous  ces  personnages, 
à  qui  les  évêques  seuls  osaient  tenir  tête  ^.  Nous  avons  une  lettre 
d'un  évêque  qui  redoute  pour  ses  terres  et  pour  ses  esclaves  «  les 
déprédations  des  fonctionnaires  ^  »  Ce  que  les  rois  eux-mêmes 
pensaient  d'eux,  nous  pouvons  le  lire  dans  leurs  ordonnances. 
Clotaire  P'  parle  du  comte  «  qui  condamne  injustement^.  » 
Gontran  croit  nécessaire  de  prescrire  à  ses  comtes  «  de  ne  rendre 
que  de  justes  jugements,  »  et  il  craint  que  leurs  vicaires  «  ne 
prêtent  la  main  aux  criminels  et  ne  s'enrichissent  de  dépouilles 
injustes^.  »  Un  autre  roi  menace  de  la  peine  de  mort  les  fonction- 


exemples  dans  Grégoire  de  Tours,  H,  Fr,,  V,  27  ;  VII,  42.  Cf.  Lex  Ripuaria,  65  ; 
Diplomata,  t.  If,  p.  233. 

1.  Gunlcbramni  praeceptio,  dans  Boretius,  Capitul.y  p.  12.  Pertz,  Leges^  I,  3. 
Cf.  Gapitulaire  de  884  :  cornes  praecipiat  suo  Ticecomiti  suisquc  centenariis. 
Concile  de  Chalon  de  813,  c.  21  :  Comités...  ministros  quos  vicarios  et  ccnte- 
narios  vocant,  justos  habere  debent.  —  Sur  la  subordination  du  vicarius  au 
comte,  voy.  Rozière,  n»  886;  Zeumer,  p.  259. 

2.  Grégoire  de  Tours,  H.  Fr,,  IV,  42;  VIII,  18. 

3.  Grégoire  de  Tours,  H.  Fr.,  III,  16;  IV,  40;  V,  48,  VIII,  43,  etc. 

4.  Epistola  Rauracii  episcopi  ad  Desiderium  (Bouquet,  IV,  44)  :  Ut  de  judi- 
cum  infestatione  liceat  eis  vivere  cum  quiète. 

5.  Constitutio  Chlotarii,  6  :  Si  judex  aliquem  contra  legem  injuste  damnave- 
rit,  in  nostri  absentia  ab  episcopis  castigetur  (édit.  Boretius,  p.  19}. 

6.  Guntramni  edictum  (Boretius,  Capitul.,  p.  12)  :  GuncU  judices  jusla 
studeant  dare  judicia  ;  non  vicarios  aut  quoscumque  de  laterc  suo  per  regionem 
sibi  commissam  instituere  praesumant  qui  malis  operibus  consentiendo  venali- 
tatem  exerceant,  aut  iniqua  quibuscumque  spolia  inferre  praesumant. 


éTUDE  SUR  L'omUNITé  MlfROYnGIEXXE.  263 

naires  qui,  par  cupidité,  relâcheraient  les  coupables ^  Dans 
leurs  diplômes,  on  voit  sans  cesse  les  rois  défendre  à  leurs  agents 
de  dérober*,  d'usurper  la  terre  d'autrui^,  de  susciter  d'injustes 
procès^  D'après  ce  que  les  rois  pensaient  de  leurs  propres  offi- 
ciers, nous  pouvons  juger  ce  qu'en  pensaient  les  peuples. 

En  résumé,  puissance  absolue  et  illimitée  du  roi  dans  le 
royaume,  du  fonctionnaire  dans  sa  circonscription,  nulle  borne 
légale  ni  pour  l'un  ni  pour  l'autre,  nul  droit  assuré  aux  popula- 
tions contre  leurs  gouvernants  à  tout  degré,  le  fonctionnaire 
apparaissant  aux  hommes,  non  comme  un  protecteur,  mais 
comme  un  spoliateur  qui  ne  peut  s'enrichir  qu'à  leurs  dépens, 
voilà  les  faits  qui  précèdent  et  entourent  l'immunité,  qui  peut- 
être  l'engendrent.  C'est  de  ce  milieu  qu'elle  surgit.  Nous  recon- 
naîtrons, en  effet,  dans  la  suite  de  cette  étude,  que  ce  privilège 
personnel  ne  pouvait  naître  que  dans  un  régime  où  les  libertés 
publiques  faisaient  défaut. 

m. 

Le  plus  sûr  moyen  de  nous  faire  une  idée  exacte  de  l'immu- 
nité est  d'analyser  l'un  des  documents  qui  la  définissent  de  la 
façon  la  plus  complète.  Prenons  la  formule  qui,  dans  le  recueil 
de  Marculfe,  porte  le  n®  3.  On  peut  la  regarder  comme  le  type  le 
plus  usité  de  ce  genre  de  concession  au  vu®  siècle. 

En  voici  d'abord  le  préambule  :  «  Nous  croyons  donner  à 
notre  autorité  royale  toute  sa  grandeur,  si  nous  accordons,  d'une 
intention  bienveillante,  aux  églises  —  ou  à  toute  personne  —  les 
bienfaits  qui  leur  conviennent,  et  si,  avec  l'aide  de  Dieu,  nous 
en  faisons  un  écrit  qui  assure  la  durée  de  nos  faveurs.  Nous  fai- 
sons donc  savoir  à  votre  zèle  que,  sur  la  demande  de  l'homme 
apostolique,  seigneur  un  tel,  évêque  de  telle  église,  nous  lui 
avons  accordé,  en  vue  de  notre  récompense  éternelle,  la  faveur 
suivante  ^.  »  Ce  préambule  n'est  pas  sans  importance,  et  il  faut 
l'étudier  presque  mot  par  mot. 

1.  Decretio  Childeberti,  art.  7  (édit.  Boretias,  p.  17). 

2.  Ut  nulli  judicuro  licentia  sit  aliquid  defraudare  (Diplomata,  n*  270). 

3.  Diplomata,  n-  111,  341, 372,  531. 

4.  Nullam  calumniam  generare  praesumatis  [ibidenit  n*  441). 

5.  Marculfe,  1, 3  (Rozière,  n*  16  ;  Zeumer,  p.  43)  :  Maximum  regiii  nostri  augere 
crcdimus  mouimcntum,  si  bénéficia  opportuna  toica  ecclesiarum,  aut  cui  Tolueris 


264  FUSTBL  DE  GOULANGES. 

«  Nous  croyons.  »  C'est  manifestemeût  le  roi  qui  parle.  Tous 
nos  diplômes,  en  effet,  commencent  par  le  nom  du  roi  et  par  ses 
deux  titres  officiels,  Rex  Francorum,  vir  illtister.  Il  est  digne 
de  remarque  que  tous  les  diplômes  d'immunité  émanent  du  roi 
directement,  et  du  roi  seul.  Jamais  l'immunité  n'est  accordée  par 
un  duc  ni  par  un  comte.  Elle  est  exclusivement  un  acte  royal.  Il 
n'est  jamais  dit  non  plus  qu'elle  soit  concédée  sur  l'initiative  ou 
le  conseil  d'un  de  ces  hauts  fonctionnaires.  Le  consentement  des 
grands  de  la  cour,  qui  semble  nécessaire  pour  d'autres  actes, 
n'est  jamais  mentionné  dans  ceux-ci  ^  Le  roi  est  le  seul  auteur 
de  la  concession. 

Nous  remarquons,  en  second  lieu,  que  cette  concession  se 
produit  toujours  sous  la  forme  d'un  acte  officiel.  Elle  ne  se  feiit 
pas  verbalement  ou  par  simple  lettre.  L'acte  est  une  véritable 
ordonnance  royale.  On  l'appelle  une  auctoritas  ou  uxiprœcep^ 
tum^.  Ne  supposons  pas  que  cet  acte  soit  rédigé  par  l'évêque 
intéressé,  apporté  tout  fait  par  lui,  présenté  par  lui  à  la  signa- 
ture royale.  Il  est  rédigé  dans  les  bureaux  du  palais,  et  présenté 
au  roi  par  le  référendaire,  qui  y  appose  son  nom  comme  pour  en 
conserver  la  responsabilité  3.  Puis  il  est  signé  du  roi  et  scellé  de 
l'anneau  royal  comme  tout  autre  décrets 

dicere,  beniTola  deliberatione  concedimus  ac,  Domino  protegente,  stabiliter 
perdurare  conscribimus.  Igitur  noverit  soUertia  vestra  nos  ad  petitionem  apos- 
tolico  yiro  domino  illo,  illius  urbis  episcopo,  talem  pro  aeternam  retributionem 
beneficium  visi  fuimus  concessisse  ut... 

1.  Quelques  actes  portent  plusieurs  signatures  d'éTéques  on  de  comtes;  mais 
ces  actes  ne  sont  pas  parmi  les  plus  authentiques. 

2.  Praesens  auctoritas  (Marculfe,  I,  3).  —  Haec  auctoritas  (Marculfe,  I,  4). 
—  Ut  haec  auctoritas  firmiorem  habeat  vigorem  (Diplôme  de  528,  n**  111).  — 
Per  propriam  nostram  auctoritatem  (Dipl.  de  637,  n*  281).  —  Huic  nostrae 
auctoritatis  decreto  (Dipl.  de  661,  n*  341).  —Hac  auctoritate  concedimus  (Dipl. 
de  683,  n»  402).  —  Per  praesentem  praeceptum  (Dipl.  de  546,  n»  144).  —  Prae- 
ccptum  decreti  nostri  (Dipl.  de  635,  n*  270).  —  Per  hoc  praeceptum  decerni- 
mus  (Dipl.  de  682,  n*  400).  —  Per  hune  praeceptum  jubemus  (Dipl.  de  710, 
n*  495).  —  Per  praesente  praeceptione  decernimus  urdenandum  (Dipl.  de  Chil- 
debert  111,  aux  Archives  nationales,  Tardif,  Monum.  historiques,  n*  41). 

3.  Nordebertus  obtulit  (Dipl.  de  Childebert  III  pour  Tussonval)  ;  Sygobaldus 
jussus  obtulit  (Dipl.  de  Childebert  III  pour  Saint-Maur);  Actulius  jussus  optulit 
(Dipl.  de  Chilpéric  II  pour  Saint-Denis);  Chrodebertus  recognovit  (Dipl.  de 
Chilpéric  II  pour  le  même  monastère).  Archives  nationales,  K  3,  10;  K3,  12'; 
K  3,  17;  K  3,  18. 

4.  Marculfe,  I,  3  :  Et  ut  praesens  auctoritas  tam  praesentis  quam  futuris 
temporibus  inviolata  permaneat,  manus  nostrae  subscriplionibus  infra  roborare 
decrevimus.  Cette  phrase  se  retrouve  dans  presque  tous  les  diplômes. 


irvDE  SUR  l'immunité  mérovingienne.  265 

«  Si  nous  accordons,  d'une  intention  bienveillante,  des  bien- 
faits aux  églises.  »  Cette  phrase  de  la  formule  n'est  pas  un  pur 
ornement,  une  élégance  de  chancellerie.  Elle  a,  à  notre  avis,  une 
grande  importance.  Elle  signifie  que  la  concession  est  absolument 
bénévole  de  la  part  du  roi.  On  peut  voir,  en  effet,  dans  tous  les 
diplômes,  que  l'immunité  n'est  jamais  présentée  comme  un  droit 
des  églises.  Elle  est  toujours  une  faveur,  beneficiwnK  Elle 
émane  de  la  seule  bonté  du  roi,  ex  nostra  mdulgentia,  ex 
noslra  munificentia^ ,  Les  rédacteurs  des  actes  multiplient  a 
dessein  les  expressions  qui  marquent  l'initiative  propre  du  roi  et 
sa  volonté  d'accorder  un  bienfait  3.  Souvent  le  roi  donne  comme 
motif  de  ce  bienfait  sa  piété  ou  le  soin  de  son  salut  ^  Il  écrit,  par 
exemple  :  €  Pensant  au  salut  de  notre  àme  et  à  la  récompense 
éternelle,  nous  avons  décidé^.  »  Ces  phrases  sont  là,  à  notre 
avis,  pour  signifier  que  le  roi  agit  de  son  plein  gré,  sans  pres- 
sion ni  obligation  d'aucune  sorte,  surtout  sans  aucun  motif 
d'ordre  temporel.  L'immunité  n'est  toujours,  d'après  la  formule 
acceptée  de  tous,  qu'une  faveur. 

Aussi  lisons-nous,  deux  lignes  plus  loin,  dans  la  formule  de 
Marculfe  :  «  A  la  demande  de  tel  évêque,  nous  avons  accordé.  )► 
Il  faut  bien  que  ce  mot  «  demande  >  ait  eu  une  grande  impor- 
tance, car  nous  le  trouvons  dans  tous  les  diplômes*.  Nous  saisis- 

1.  Ce  terme  beneficiumy  qui  est  dans  la  fonnule  de  Marculfe,  se  retrouve 
dans  presque  tous  les  diplômes  d'immunité  :  Taie  nos  praestitisse  beneticium 
(Diplôme  de  660,  n*  337)  ;  taie  beneficium  concessimus  ut  (Diplôme  de  682, 
no  400);  ipsa  bénéficia  conccssa  (Diplôme  de  718,  n*  507).  Quand  le  mot  hene- 
/icium  ne  se  trouve  pas,  il  y  a  un  synonyme;  les  termes  indulsimus,  indultum 
reviennent  sans  cesse. 

2.  Diplômes  de  635,  n-  270;  de  661,  n*  341,  etc. 

3.  Gratanti  animo  nos  praestitisse  (Diplôme  de  516,  n*  144);  libenti  aoimo 
(Dipl.  de  528,  n*  111);  nos  promptissima  voluntate  concessisse  (Dipl.  de  637, 
n*  281);  plena  et  intégra  voluntate  visi  fuimus  concessisse  (Dipl.  de  673,  n*368). 

4.  Marculfe,  I,  3,  in  fine  :  Quod  nos  propter  nomen  Domini  et  animae  nostrae 
remedium  indulsimus. 

5.  Diplôme  de  G27,  n*  242  :  De  remedio  animae  nostrae  et  de  futura  retribu- 
lione  cogitantes.  —  Diplôme  de  632,  n*  258  :  Pro  divini  cultus  amore  et  ani- 
mae nostrae  remedio.  —  Diplôme  de  705,  n»  463  :  Pro  coclesti  amore  vel  pro 
aetema  retributione. 

6.  CujuH  |>etilloncra  (Diplôme  de  528,  n*  111).  —  Si  petitionibus  sacerdotum 
(Dipl.  de  539,  n*  136;  Dipl.  de  673,  n-  368:  Dipl.  de  683,  n»  402;  Dipl.  de  692, 
n*  428:  Dipl.  de  696,  n*  430;  Dipl.  de  724,  n*531).  —  Sacerdotum  rcctis  petitio- 
nibus annuentes  (Dipl.  de  632,  n*  258).  —  Inter  cacteras  petitiones  (Dipl.  de 
037,  n-  281  ;  Dipl.  de  635,  n*  270;  Dipl.  de  061,  n-  341  :  Dipl.  de  716,  n*  495). 
—  IIujus  viri  sancti  petitione  suscepta  (Dipl.  de  601,  n*  341). 

Rev.  Histor.  XXU.  "!•  fasc.  18 


266  FUSTEL  DE  COULANGES. 

sons  encore  ici  l'un  des  caractères  de  la  concession  d'immunité  : 
il  faut  qu'elle  ait  été  réellement  et  expressément  demandée  par  le 
concessionnaire,  et  le  diplôme  ne  manque  pas  de  constater  que 
cette  condition  a  été  remplie  ^  Ainsi  Childebert  P^  écrit  que 
Cariléphus,  premier  abbé  de  Saint-Calais,  lui  a  adressé  une 
demande,  postulavit^.  Dagobert  écrit  que  Tévêque  Modoald  lui 
a  adressé  une  prière,  deprecatus  fuit,  ou  que  l'abbé  Aigulfe  a 
supplié  sa  bonté  royale,  clementiam  regni  nostri  suppli- 
caviP.  Au  siècle  suivant,  Chilpéric  II  se  sert  encore  des  mêmes 
expressions^.  Quelquefois  on  ajoute  que  la  demande  a  été  faite 
«  humblement  5.  » 

La  règle  ordinaire  était  que  la  demande  fût  adressée  par  le 
pétitionnaire  en  personne  ;  ainsi  l'évêque  ou  l'abbé  devait  se  pré- 
senter lui-même  devant  le  roi®.  Pourtant,  il  n'est  pas  sans 
exemple  que  l'évêque  ou  l'abbé  transmît  sa  demande  par  des 
envoyés^.  Cette  obligation  de  se  présenter  en  solliciteur  devant 
le  roi,  ou  tout  au  moins  de  lui  envoyer  une  supplique,  me  paraît 
digne  d'attention.  Menus  détails,  dira-t-on  peut-être,  et  pures 
formes;  mais  c'est  l'ensemble  de  ces  détails  et  de  ces  formes  qui 
nous  donnera  l'explication  de  l'immunité. 

«  Si  nous  accordons  des  bienfaits  aux  églises  —  ou  à  toute 

1.  Magnoaldus  abba  peliit  celsitudinem  nostram  ut  (Diplôme  de  696,  n**436). 
—  Quod  poposcitis,  quia  digna  est  petitio  et  postulatio  vestra  (Dipl.  de  697, 
n"  444).  —  Nosprecibus  tanti  viri  aurem  accommodantes  (Dipl.  de  673,  n*  367). 

2.  Diplôme  de  528,  n-  lll. 

3.  Diplôme  de  632,  n«  258  :  Praesul  Modoaldus  deprecatus  fuit  sublimita- 

tem  nostram  ut —  Diplôme  de  637,  n*  281  :  Aigulfus  abba  clementiam  regni 

nostri  supplicavit.  —  Diplôme  de  674,  n«  372  :  Siviardus  abba  supplex  clemen- 
tiae  regni  nostri  expetiit  ut 

4.  Diplôme  de  716,  n°  495  :  Chillardus  abbas  de  basilica  peculiaris  patroni 
nostri  Dionysii  clementiae  regni  nostri  supplicavit. 

5.  Amandus  episcopus  bumiliter  petiit  (Diplôme  de  637,  n"  280).  —  Humili- 
ter  deprecatus  est  (Diplôme  de  638,  n*  291). 

6.  Diplôme  de  638,  n"  291  :  Blidegisilum  nostrae  sublimitatis  praesentiam 
advenisse.  —  Diplôme  de  691,  n»  417  :  Venerabilis  vir  Bertinus  abba...  ad 
nostram  accessit  praesentiam.  —  Diplôme  de  705^  n*  463  :  Venerabilis  vir  Théo- 
debertus  abba  ad  nostram  accessit  praesentiam  et  clementiae  regni  nostri  sug- 

gessit  ut —  Diplôme  de  7Z1,  n«  515  :  Venerabilis  vir  Erkembodus  abba  ad 

nostram  accedens  praesentiam.  —  Diplôme  de  743,  n°  599  :  Episcopus  Dubanus 
ad  nos  venit. 

7.  Diplôme  de  546,  n*  144  :  Daumerus  abba,  missa  petitione,  clementiae 
regni  nostri  suggessit.  —  Diplôme  de  562,  n"  168  :  Gallus  abba,  missa  peti- 
tione. —  Diplôme  de  692,  n*  428  :  Ibbolenus  abba  per  missos  clementiae  regni 
nostri  detulit  in  Dotitiam. 


^TCDB  SUR  l'immunitiî  mebotingieniie.  267 

personne,  aut  cui  volueris  dicere.  »  Ces  derniers  mots  forment 
dans  le  texte  de  Marculfe  une  parenthèse.  Comme  il  écrit  une 
formule  qui  doit  pouvoir  s'appliquer  à  plusieurs  sortes  de  conces- 
sionnaires, il  avertit  son  lecteur  ou  le  praticien  pour  lequel  il 
écrit  que  le  mot  églises  devra  être  remplacé  par  un  autre  terme, 
si  ce  n'est  pas  une  église  qui  est  concessionnaire.  Cette  paren- 
thèse de  Marculfe  est  significative;  elle  marque  que  la  concession 
pouvait  être  faite  à  des  personnes  de  toute  sorte,  cui  volueris. 

Il  est  vrai  que  tous  les  diplômes  d'immunité  qui  nous  sont  par- 
venus des  Mérovingiens  s'appliquent  à  des  évêchés  ou  à  des 
monastères.  Il  n'en  faut  pas  conclure  que  la  concession  n'ait 
jamais  été  faite  à  des  laïques.  L'église  savait  garder  ses  chartes 
et  les  faisait  renouveler  à  chaque  génération;  les  grandes 
familles  laïques  gardaient  moins  bien  les  leurs,  et  d'ailleurs  ces 
familles  se  sont  éteintes.  Ce  qui  prouve  que  l'immunité  pouvait 
être  accordée  à  d'autres  qu'à  des  clercs,  c'est  que  nous  trouvons 
dans  le  recueil  de  Marculfe  la  formule  de  l'immunité  accordée  à 
un  laïque  ^  L'acte  est  rédigé  avec  moins  de  détails  que  lorsqu'il 
s'agit  d'une  église  ;  mais  les  traits  essentiels  et  caractéristiques 
de  l'immunité  s'y  rencontrent.  Nous  avons  aussi  la  formule  de 
renouvellement  d'immunité  en  faveur  des  laïques,  ad  seculares 
viroSy  et  nous  pouvons  remarquer  qu'elle  est  exactement  sur  le 
même  type  que  les  formules  de  renouvellement  qui  concernent 
l'église*.  La  différence  la  plus  notable  est  que  le  roi  donne  pour 
motif  de  son  bienfait,  non  plus  sa  piété  et  le  salut  de  son  âme, 
mais  la  fidélité  du  concessionnaire  ^. 

Quelques  autres  documents  confirment  ces  deux  formules.  Dans 
la  Vie  de  saint  Eloi,  écrite  par  un  contemporain  qui  était  fort  au 
courant  des  usages  de  la  cour  mérovingienne,  nous  voyons  que 

1.  Marculfe,  I,  14  (Rozière,  n*  147;  Zeumer,  p.  52).  Dans  celte  formule  il 
s'agit  d'une  donation  de  terre  avec  immunité.  L'immunité  est  bien  marquée 
par  ces  mots  :  in  intégra  emunitate,  absque  tUlius  introitu  judicum  de  quas- 
libet  cauias  freda  exigendum. 

2.  Marculfe,  I,  17  (Rozière,  n*  152).  La  phrase  si  peîitionilms  fidelium  rem- 
place  la  phrase  ordinaire  si  peiitionibus  sacerdotum.  La  requête  du  conces- 
sionnaire est  mentionnée  dans  les  mêmes  termes  :  Illustris  Tir  ille  clementiae 
regni  nostri  suggessit...  petiit  ut.  La  faveur  toute  bénérole  du  roi  est  marquée 
dans  les  mêmes  formes  :  Cujus  petitionem  gratanti  animo  nos  praestitissa 
cognoscile.  L*acte  s'appelle  aussi  une  auctoriitis. 

3.  Pro  fidei  suae  respectu  (ibidem).  Une  autre  différence  est  que  l'immunité 
ne  s'étend  pas,  comme  pour  les  églises,  à  tous  les  domaines  qui  seront  acquis 
à  l'avenir. 


268  FUSTEL  DE  COULANGES. 

rimmuDité  fut  accordée  à  un  domaine  de  ce  personnage,  alors 
qu'il  était  encore  laïque  ^  Dans  un  acte  de  donation  fait  par 
Harégarius  et  sa  femme  Truda,  nous  lisons  que  le  domaine  de 
ces  deux  laïques  jouissait  d'une  pleine  et  entière  immunité*.  Plus 
tard,  au  ix®  siècle,  nous  verrons  des  diplômes  d'immunité  qui 
sont  accordés,  non  plus  seulement  à  de  grands  seigneurs  pro- 
priétaires, mais  à  des  marchands  et  même  à  des  Juifs.  On  doit 
donc  admettre  que  l'immunité  n'était  pas  réservée  aux  églises  et 
aux  abbayes.  Elle  pouvait  être  accordée  à  toute  classe  de 
personne. 

«  Nous  faisons  savoir  à  votre  zèle,  noverit  solertia  vestra.  » 
Ces  mots  de  la  formule  de  Marculfe  sont  ceux  dont  les  rois  se 
servaient  quand  ils  s'adressaient  à  leurs  fonctionnaires.  Nous 
retrouvons  les  mêmes  termes  ou  des  termes  analogues  dans  tous 
les  diplômes.  Dans  la  langue  de  ce  temps,  on  disait  au  roi  : 
Vestra  Sublimitas,  Vestra  Gloria,  aux  évêques,  Vestra 
Sanctitas,  aux  fonctionnaires  du  premier  rang,  Vestra  Magni- 
tudOy  aux  fonctionnaires  du  second  ordre,  Vestra  Industria, 
Vestra  Solertia  y  Vestra  Vtilitas.  Ces  trois  mots  de  la  formule 
de  Marculfe  nous  indiquent  donc  que  la  lettre  royale  est  adressée 
à  des  fonctionnaires  publics.  Cela  est  d'ailleurs  conjBj:*mé  par  les 
mots  non  prœsumatis  qui  se  trouvent  plus  loin.  Il  en  est  ainsi 
de  tous  nos  diplômes.  La  plupart  ont  encore  la  phrase  initiale 
que  Marculfe  a  omise  :  «  Un  tel,  roi  des  Francs,  aux  ducs, 
comtes,  vicaires,  centeniers,  et  à  tous  nos  agents  3.  »  Dans  les 

1.  Vita  S.  Ëligii  ab  Audoeoo,  1,  15.  —  De  même  nous  remarquons  dans  le 
diplôme  292  que  Blidégisile  est  simple  diacre  et  que  c'est  comme  particulier 
qu'il  reçoit,  avec  une  terre,  le  privilège  d'immunité. 

2.  Diplomata,  n"*  108  :  Gharta  Haregarii  et  Trudae  conjugis...  nuUas  functio- 
nes,  vel  exactiones,  neque  exsquisita  et  lauda  convivia,  neque  gratiosa  vel 
insidiosa  munuscula,  neque  caballorum  pastus  atque  paravereda  vel  angaria 
aut  in  quodcunque  funcUonis  titulum  judiciaria  potestate  dici  potest...  sub 
intégra  emunitate  sicut  a  nobis  hucusque  possessa  est.  —  Il  y  a  dans  Marculfe 
une  formule  de  donation  de  magna  re,  c'est-à-dire  d'un  grand  domaine,  à  un 
monastère  ou  à  une  église,  et  nous  y  lisons  que  le  donateur,  lequel  est  cer- 
tainement un  laïque,  cède  sa  terre,  remota  officialium  publicorum  omnium 
potestate,  sub  intégra  immunitate,  sicut  a  me  possessa  est  (Marculfe,  11,  1  ; 
Rozière,  n"  571,  p.  720;  Zeumer,  p.  72).  Cette  formule  donne  à  penser  que 
l'immunité  accordée  à  la  terre  d'un  laïque  n'était  pas  rare. 

3.  Clilotarius  rex  Francorum  vir  illustris  omnibus  episcopis  et  illustribus 
viris  ducibus,  comitibus,  domesticis,  vicariis,  grafionibus,  centenariis  Tel  (et) 
omnibus  junioribus  nostris  (Diplôme  de  539,  n*  136).—  Dagobertus...  ducibus, 
comitibus,  domesticis,  et  omnibus  agentibus  (Diplôme  de  632,  n*  258).  —  llil- 


KTUDE  SUR   l'immunité   MÉROVINGIEISNE.  2<>t) 

diplômes  où  cette  phrase  a  été  omise  par  les  copistes  ou  a  dis- 
paru, on  rencontre  dans  le  texte  les  mots  cognoscat  magni- 
tudo  seu  utilitas  vestra  qui  indiquent  clairement  que  le  roi 
s'adresse  à  ses  fonctionnaires  ^  Il  est  digne  de  remarque  que  le 
roi,  quand  il  accorde  l'immunité  à  un  personnage,  n'adresse 
jamais  sa  lettre  à  ce  personnage.  Il  parle  toujours,  comme  dans 
toute  ordonnance  royale,  aux  agents  de  son  administration*.  Il 
est  vrai  que  c'est  au  concessionnaire  que  l'exemplaire  original 
était  remis^;  il  n'est  pas  bien  sûr  que  des  copies  en  fussent 
envoyées  aux  ducs  et  aux  comtes  ;  je  doute  même  qu'on  en  con- 
servât copie  dans  les  archives  du  roi^  Il  n'en  est  pas  moins  vrai 
que  la  concession  d'immunité  avait  toujours  la  forme,  non  d'une 
lettre  adressée  au  privilégié,  mais  d'un  ordre  prescrit  aux  fonc- 
tionnaires royaux;  et  nous  verrons  aussi  que  c'étaient  eux  que 
l'acte  visait. 

Nous  avons  encore  à  faire  une  remarque  sur  cette  phrase  de 
la  formule  de  Marculfe  :  «  A  la  demande  de  l'homme  apostolique, 

dericus  vins  illastribus  ducibus  seu  comitibus  (Dipl.  de  6C5,  t.  II,  p.  424).  — 
Quelquefois  le  roi  emploie  la  formule  plus  courte  omnibus  agentilms  (DIpl.  de 
t)60,  n-  337;  de  692,  n*  428;  de  705,  n-  463;  de  712,  n"  482).  —  Parfois  laclc 
myal  est  adressé  à  un  seul  duc  ou  comte;  c'est  que  les  domaines  sur  lesf|uels 
on  accorde  l'immunité  sont  situés  dans  un  seul  duché  ou  comté  (Dipl.  de  635, 
n*  208;  do  638,  n*  291)  ;  autrement  le  roi  s'adresse  à  tous  les  fonctionnaires  du 
royaume,  au  moins  à  tous  ceux  dans  le  ressort  desquels  l'immuniste  possède 
des  biens,  in  quorum  actionilnu  habet  (Dipl.  de  721,  n*  515;  de  743,  n*  570). 
—  Souvent  le  diplAme  est  adressé  aux  évéques  en  même  temps  qu'aux  comten; 
dauA  re  cas,  il  s'agit  ordinairement  de  monastères,  lesquels  avaient  à  se  pré» 
munir  autant  contre  les  évéques  que  contre  les  officiers  du  roi. 

1.  Cognoscat  magnitudo  seu  utilitas  veslra  {Diplomata,  n*'  281,  337,  368,  402, 
163,  495,  etc.).  —  Cognoscat  industria  vestra  (n*  268).  —  Cognoscat  strenuitas 
vestra  (n*  336).  —  Cognoscat  magnitudo  seu  industria  vestra  (n*  337).  —  Voyez 
encnie  les  n**  U4,  400,  441,  463.  —  Deux  ou  trois  fois,  ces  mots  mêmes  ont 
disparu,  mais  on  trouve  alors  le  mot  cognoscite,  qui  ne  peut  se  rapporter  qu'aux 
agents  du  roi. 

2.  Je  ne  vois  d'exception  à  cette  règle  que  la  lettre  de  Clovis  à  EutfMce  et  à 
Maximin  (Diplomatay  n*  87).  Il  y  a  aussi  une  lettre  de  Childebert  III  adressée 
a  l'abbé  Ephibius;  mais  cette  pièce,  fort  différente  de  tous  nos  diplômes,  etX 
jugée  très  suspecte  par  Pardessus.  Sauf  ces  deux  cas,  t^mte  concession  d'im- 
munité est  adressée  aux  fonctionnaires  royaux. 

3.  Ideo  bas  litteras  nostra  manu  firmatas  domino  Johanni  dedimus  (Diplôme 
de  i97,  n*  58).  —  Litteras  meas  mea  manu  firmatas  eidem  dedimus  (Dipl.  de 
743,  n-  499) 

i.  Si  les  rois  avaient  ganlé  la  copie  on  la  minute,  il  n'aurait  pas  été  néces- 
saire que  les  concessionnaires  représentassent  l'original  à  chaque  changement 
de  règne,  ainsi  que  nous  le  voyons  dans  les  diplômes  de  confirmation. 


270  FUSTEL   DE  COULANGES. 

seigneur  un  tel,  éveque  de  telle  église,  nous  avons  accordé  la 
faveur  suivante.  »  On  reconnaît  bien  ici  que  la  concession  est 
donnée  nommément  à  Tévêque.  Elle  s'applique,  il  est  vrai,  à 
toutes  les  terres  et  domaines  appartenant  à  son  église.  Mais  ce 
n'est  pas  la  terre  d'église  qui  obtient  l'immunité,  c'est  l'évêque. 
Si  ces  terres  deviennent  privilégiées,  ce  n'est  pas  parce  qu'elles 
sont  des  biens  ecclésiastiques,  mais  seulement  parce  que  l'évêque, 
qui  en  est  le  propriétaire  légal,  a  adressé  une  prière  et  a  sollicité 
une  faveur.  Ce  trait  ne  doit  pas  être  négligé.  Nous  le  rencon- 
trons dans  tous  nos  diplômes  sans  exception.  Dans  toute  conces- 
sion d'immunité,  nous  trouvons  un  nom  propre,  nom  d'évêque 
ou  d'abbé,  et  c'est  toujours  sur  ce  nom  que  porte  la  concession. 
Il  n'y  a  jamais  d'immunité  collective.  L'immunité  n'est  jamais 
accordée  à  l'ensemble  des  biens  ecclésiastiques  ^,  ni  même  à  plu- 
sieurs églises  par  le  même  diplôme,  ni  à  plusieurs  monastères  à 
la  fois,  ni  à  une  classe  d'hommes,  ni  à  une  race,  ni  à  une  région. 
Elle  est  toujours  accordée  à  une  personne,  et  il  faut  toujours  que 
cette  personne  soit  nommée  dans  l'acte. 

L'immunité  avait  ainsi  le  caractère  d'une  faveur  tout  indivi- 
duelle. Était-elle  viagère  ou  perpétuelle,  c'est  ce  qu'il  est  assez 
difficile  d'établir.  D'une  part,  les  diplômes  sont  remplis  d'expres- 
sions qui  impliquent  la  perpétuité.  «  Nous  voulons  que  notre 
bienfait  profite  à  toujours  à  cette  église*.  »  <  Nous  voulons  que 
notre  décret  dure  à  perpétuité,  dans  toute  la  suite  des  rois  qui 
nous  succéderont^.  »  Presque  toujours  on  ajoute  au  nom  de 
l'évêque  les  mots  «  et  ses  successeurs.  »  On  écrit  encore  que  les 
avantages  de  l'immunité  s'étendront  aux  domaines  que  l'église 
ou  le  monastère  acquerra  dans  l'avenir ^  Que  serait  cette  clause 
si  la  concession  ne  devait  pas  durer  toujours? 

1.  L'article  XI  de  la  Constitutio  ChlotarU  ne  Tise  que  les  églises  et  les  clercs 
qui  ont  obtenu  l'immunité,  qui  immunilatem  meruerunL 

2.  Ecclesiae  proficiat  in  perpetuum  (Marculfe^  1,  3). 

3.  Quod  perpetualiter  mansurum  esse  jubemus  (Marculfe,  I,  14).  —  Hoc  in 
perpeluo  volumus  esse  mansurum  (jD(p^>77mto,  n»*  400,  436,  441, 486,  496,  etc.).— 
Hoc  perenniter  maneat  inconvulsum  (Marculfe,  I,  4).  —  Tarn  nobis  praesenti- 
bus  quam  per  tcmpora  snccedentibus  regibus  {Diplomaiaf  n*  341).  —  Tarn  nos- 
tris  quam  futuris  temporibus  (n"  367,  402,  403,  etc.). 

4.  Marculfe,  I,  3  :  In  villabns  ecclesiae  quas  modcrno  tempore  habere  vide- 
tur  Tcl  quas  deinceps  in  jure  ipsius  sancti  loci  voluerit  divina  pielasampliare. 
—  Diplôme  de  673,  n*  367  :  Quod  ad  praesens  in  quibuslibet  locis  possidere 
vidcntur,  seu  quod  adhuc  inantea  a  christianis  hominibns  fuerit  additum  vel 
condonatum.  —  Cf.  n"  258,  270,  281,  403,  etc. 


ÉTrOE  SUR  L'iMMUmié  M^ROVnGIENXE.  274 

Mais,  d'autre  part,  la  série  des  diplômes  nous  montre  que  Ton 
Éaisait  renouveler  Tacte  à  chaque  génération.  Était-ce  une  obli- 
gation stricte,  on  ne  saurait  le  dire;  c'était  certainement  un 
usage.  L'immunité  accordée  au  premier  fondateur  du  monastère 
de  Saint-Bertin  a  été  renouvelée  huit  fois  en  l'espace  d'un  siècle*. 
Or,  les  nombreux  diplômes  confirmatifs  que  nous  possédons, 
ainsi  que  les  formules  qu'en  donne  Marculfe  *,  montrent  par  leur 
teneur  qu'il  ne  s'agissait  pas  d'une  pure  formalité,  que  les  rois 
ne  se  croyaient  pas  obligés  de  renouveler  la  concession,  qu'ils 
exigeaient  qu'on  leur  adressât  une  nouvelle  demande  et  qu'ils 
s'exprimaient  comme  s'ils  accordaient  une  nouvelle  faveur^.  Ainsi 
l'abbé  Bertin  eut  à  demander  quatre  fois  l'immunité,  parce  qu'il 
vécut  sous  quatre  rois  ;  son  successeur  Erkembod  l'obtint  une 
première  fois  de  Chilpéric  II  en  718,  et  dut  la  demander,  à  trois 
ans  d'intervalle,  à  Thierri  IV  ;  d'où  l'on  peut  conclure,  à  ce  qu'il 
semble,  que  la  concession,  pour  être  valable,  devait  être  renou- 
velée à  la  mort  du  roi  qui  l'avait  accordée.  Une  remarque  en 
sens  contraire  peut  être  faite  sur  les  chartes  du  monastère 
d'Anisola;  on  y  voit  le  même  roi,  Childebert  I®',  accorder  succes- 
sivement deux  diplômes  d'immunité^;  c'est  qu'il  y  a  eu  deux 
abbés,  Cariléphus  d'abord,  puis  Daumerus.  D'où  il  semble  natu- 
i^el  de  conclure  que  le  privilège  avait  besoin  d'être  renouvelé, 
non  seulement  à  la  mort  du  roi  qui  l'avait  signé,  mais  aussi  à  la 
mort  du  concessionnaire  qui  l'avait  reçu. 

Ainsi,  d'une  part,  l'acte  contient  des  termes  qui  indiquent  que 


1 .  Le  premier  diplôme  a  été  donné  par  Clovis  II  ;  nous  ne  l'avons  |»lus,  mais 
il  est  cité  dans  un  diplôme  de  691  où  il  est  dit  qu'il  en  a  été  donné  lecture 
(voyez  le  Cartulaire  de  Saint-Bertin,  p.  35).  Le  second  diplôme  est  de  662  ;  il  est 
dans  les  Diplomata,  n*  343,  ot  dans  Guérard,  Cart.  de  Saint-Bertin,  p.  20; 
c'est  proprement  une  autorisation  d'échange  de  terres;  mais  la  clause  d'im- 
munité s'y  trouve  à  la  lin.  Puis  la  concession  a  été  renouvelée  par  Childéric  II, 
dont  nous  n'avons  plus  le  diplôme,  par  Thierri  III  {DiplomatOy  n*  400;  Cartu- 
lairey  p.  27):  et  elle  l'a  été  successivement  par  Clovis  III,  Childebert  111,  Chil- 
péric II,  Thierri  IV  et  Childéric  111  {Diphmaia,  n"  417,  507,  515,  580;  Cartu- 
taire,  p.  34,  42,  47,  51). 

2.  Marculfe,  I,  4;  I,  17. 

3.  Voyez  particulièrement  les  diplômes  de  632,  n*  258,  et  de  691,  n*  417. 

4.  Diplôme  de  528,  n'  111  ;  Diplôme  de  540,  n'  144.  —  Pardessus  croit  que 
les  deux  diplômes  sont  authentiques;  Sickel  conteste  le  premier  à  cause  de 
quelques  mots  et  de  quelques  formes  qui  ne  lui  paraissent  pas  être  de  cette 
époque  (Sickel,  Beitrœge  zur  Diplomaiik,  dans  les  comptes-rendus  de  l'acadé- 
mie de  Vienne,  juillet  1864,  p.  188). 


272  FUSTEL   DE   GOILANGES. 

la  concession  est  perpétuelle;  d'autre  part,  on  demande  sans 
cesse  le  renouvellement  de  la  concession,  comme  si  elle  était  via- 
gère. Cette  contradiction  n'étonnera  pas  ceux  qui  sont  familiers 
avec  l'époque  mérovingienne.  Le  roi  qui  accorde  veut  que  son 
bienfait  dure  à  perpétuité;  mais  le  roi  qui  le  suit  tient  à  marquer 
que  l'immunité  ne  dure  que  parce  qu'il  la  renouvelle.  D'après  la 
lettre  des  diplômes,  l'immunité  est  perpétuelle  ;  d'après  la  pra- 
tique, il  semble  bien  qu'elle  soit  révocable.  Il  est  vrai  que  nous 
ne  voyons  pas  souvent  que  le  roi  reprenne  la  concession  faite 
par  ses  prédécesseurs  <  ;  mais  à  voir  le  soin  des  évêques  et  des 
abbés  à  faire  renouveler  les  diplômes,  on  reconnaît  que  l'idée  qui 
régnait  dans  les  esprits  était  qu'il  pouvait  la  reprendre.  La  rai- 
son de  cela  s'aperçoit  bien  si  l'on  fait  attention  à  la  teneur  des 
diplômes.  Nous  n'y  lisons  pas  que  la  concession  ait  été  accordée 
parce  que  les  terres  sont  des  terres  d'église  ;  cette  raison  n'est 
jamais  donnée  ;  elle  a  été  accordée  uniquement  parce  qu'elles 
appartiennent  à  tel  évêque  ou  à  tel  abbé  qui  a  personnellement 
demandé  la  concession.  L'immunité  est  par  essence  une  faveur, 
un  benefidum  ;  elle  vient  après  une  requête,  petitio,  preces, 
qui  a  été  personnelle  ;  il  semble  naturel  aux  hommes  qu'elle  soit 
personnelle  aussi.  Que  la  personne  meure,  on  se  demande  aussi- 
tôt si  la  faveur  se  continue;  on  doute;  et  dans  le  doute  on  renou- 
velle la  requête,  et  le  roi  renouvelle  la  faveur.  Il  n'est  pas 
inutile  de  signaler  ces  idées  et  ces  pratiques  ;  elles  sont  un  des 
traits  caractéristiques  des  mœurs  du  temps,  et  elles  ne  sont  pas 
sans  rapport  avec  les  idées  féodales  qui  commencent  déjà  à 
poindre  dans  les  esprits. 

Nous  en  avons  fini  avec  le  préambule  de  la  formule  de  Mar- 
culfe.  Nous  y  avons  déjà  saisi  quelques-uns  des  caractères  de 
l'immunité.  1**  Elle  est  un  acte  exclusivement  royal.  2®  Elle  doit 
émaner  de  la  libre  volonté  du  roi,  que  le  concessionnaire  a  du 
préalablement  solliciter.  3^  Elle  se  produit  sous  la  forme  d'une 
onlonnance,  que  le  roi  adresse,  non  au  concessionnaire,  mais 
aux  fonctionnaires  et  agents  de  son  administration.  4?  Elle  n'est 
jamais  accordée  collectivement  à  un  clergé,  à  une  caste,  à  une 


1 .  Je  n'en  connais  d'autre  exemple  que  celui  que  donne  Grégoire  de  Tours  en 
]>arlant  de  Chilpéric  (Vf,  46)  :  ipsas  patris  sui  praeceptiones  saepe  calcavit. 
L'ensemble  de  la  phrase  indique  qu'il  s'agit  de  praeceptiones  in  ecclesias  cons- 
criptae,  c'est-à-dire  Traiseroblablement  de  diplômes  d'immunité. 


ÉTCDE  SCR  L'iirirrNITé  MÉROyiNGIE?f:<ïE.  273 

classe;  elle  est  toujours  le  privilège  d'une  personne,  soit  que 
cette  personne  représente  un  évêché  ou  un  monastère,  soit  qu'il 
ne  s'agisse  que  d'un  individu  laïque.  5**  Cette  concession  conserve 
toujours  la  forme  d'un  pur  bienfait,  et  n'est  perpétuelle  que  par 
le  renouvellement  qu'on  en  fait  à  chaque  décès  du  concédant  ou 
du  concessionnaire;  l'inununité  ne  devient  jamais  un  droit. 

Tels  sont  les  caractères,  pour  ainsi  dire,  extérieurs  de  l'immu- 
nité. Nous  pouvons  chercher  maintenant  quels  en  étaient  les 
caractères  intimes,  en  quoi  elle  consistait,  de  quels  privilèges 
et  de  quels  avantages  elle  se  composait. 

IV. 

Voici  la  suite  de  la  formule  donnée  par  Marculfe*  :  <  La 
faveur  que  nous  accordons  est  telle  que,  dans  les  domaines  de 
l'église  de  cet  évêque,  tant  dans  ceux  qu'elle  possède  aujourd'hui 
que  dans  ceux  que  la  bonté  divine  lui  fera  acquérir  dans  la  suite, 
aucun  fonctionnaire  public  ne  se  permette  d'entrer,  soit  pour 
entendre  les  procès,  soit  pour  exiger  les  freda,  de  quelque 
source  qu'ils  viennent,  mais  que  cela  appartienne  &  l'évèque  et  à 
ses  successeurs  en  toute  propriété.  Nous  ordonnons  en  consé- 
quence que  ni  vous,  ni  vos  subordonnés*,  ni  ceux  qui  viendront 
après  vous,  ni  aucune  personne  revêtue  d'une  fonction  publique, 
vous  n'entriez  jamais  dans  les  domaines  de  cette  église,  en 

1.  Marculfc,  I,  3  (Rozière,  n*  16)  :  ...  taie  beneficiura  ut  in  villabuft  ecclesiae 
doinni  illius  qaas  inoderno  tempore  aut  nostro  aut  cujuftlibet  munere  habere 
\idotur,velqaasdeince|»s  in  jureipsius  sancti  loci  Toiueritdivinapietasainpliare, 
nullus  judex  publicus  ad  causas  audiendo  aut  freda  undiquc  exigendum  non 
praesumat  ingrcdere:  sed  boc  ipse  pontifex  vel  successores  ejus,  propter 
noinen  Domini,  sub  intograo  emunitatis  nomine  valeant  dominare. 

2.  Nous  traduisons  ainsi  les  mots  yuniores  vestri.  Dans  la  langue  niônmn- 
^ienne,  senior  signifie  le  supérieur,  junior  l'inférieur.  Junhres  s'appliquait 
particulièrement  aux  agents  inférieurs  de  l'administration.  Voici  des  exemples  : 
(Milotarius  rex  ducibus,  comitibus,  doraesticis,  Ticariis,  grafionibus,  centena- 
riis,  vel  omnibus  junioribus  nostris  {Diplomatay  n*  136).  —  Theodoricus  rex 
viris  illustribus,  gravionibus,  seu  et  omnibus  agentibus  vel  junioribus  eorum 
(ibidem,  n*  515).  —  Dans  le  Diplùme,  n*  402,  les  mots  junioribus  veUris  sont 
remplacés  |>ar  subdiiis  veslris,  ce  qui  signihe  littéralement  vos  sulmrdonnés, 
l«>s  agents  sous  vos  ordres.  Nous  avons  vu  en  effet  plus  haut  que  les  vicaires 
et  les  centeniers  n'étaient  que  les  subordonnés  et  les  agents  des  comtes.  Juniores 
était  donc  synonyme  de  subditi.  —  Dans  Grégoire  de  Tours,  V,  V,  les  mots 
junioribus  erclesiae  désignent  les  serviteurs  d'une  église,  ceux  qu'on  ap|>elle 
ailleurs  homines  ecclesiae.  De  même  dans  le  1*'  concile  de  Paris,  can.  4. 


274  FUSTEL   DE  COOLANGES. 

quelque  endroit  de  notre  royaume  qu'ils  soient  situés,  ni  pour 
entendre  les  procès,  ni  pour  percevoir  les  amendes.  Nous  vous 
défendons  d'oser  y  exiger  le  droit  de  gîte  et  les  prestations,  ainsi 
que  d'y  saisir  des  répondants*.  » 

Dans  cette  page  où  chaque  mot  a  son  importance,  il  y  a  deux 
lignes  qui  dominent  tout  le  reste,  et  dont  il  faut  parler  d'abord  : 
4c  Nous  accordons  qu'aucun  fonctionnaire  public  ne  se  permette 
d'entrer  sur  ces  terres...  Nous  vous  défendons,  à  vous,  nos 
agents,  de  mettre  le  pied  sur  ces  domaines.  »  C'est  ici  que  se 
trouve  le  trait  principal  et  ce  qui  fait  le  fond  de  l'immunité. 
Toutes  les  autres  clauses  peuvent  être  supprimées  ou  sous-enten- 
dues, et  elles  le  sont  en  effet  dans  beaucoup  de  diplômes  ;  mais  la 
clause  qui  interdit  aux  fonctionnaires  l'entrée  du  domaine  se 
trouve  dans  tous  nos  actes.  Il  n'y  a  pas  d'immunité  sans  elle. 

Cette  interdiction  est  exprimée  dans  les  chartes  sous  deux 
formes  légèrement  différentes.  Tantôt  le  roi  emploie  la  forme 
indirecte  et  dit  qu'aucun  agent  de  l'ordre  administratif,  nullus 
judeœ  publicUSj  neque  quUïbet  judiciaria  potestate  accinc- 
tics,  n'entrera  sur  les  domaines  privilégiés*.  Tantôt  il  emploie  la 
forme  directe,  et  s'adressant  à  ses  ducs  et  à  ses  comtes,  il  leur 
dit  :  «  Ni  vous  ni  vos  agents,  neque  vos  neque  juniores  vestri, 
vous  n'entrerez  sur  ces  domaines^.  »  Nous  trouvons  la  première 
forme  dans  dix-sept  de  nos  diplômes,  la  seconde  dans  vingt- 
deux.  Toutes  les  deux  expriment  la  même  chose  avec  la  même 
netteté  et  la  même  force  :  non  prœsumatis  ingredi  ;  nullus 
judeœ  publicus  ingredi  audeat  ;  judices  publiai  non  habeant 
introitum^. 


1.  Statuenles  ergout  neque  vos  neque  juniores  neque  successores  Testri  nec 
nulla  publica  judiciaria  potestas  quoque  tempore  in  villas...  aut  ad  audiendas 
altercationes  ingredere,  aut  freda  de  quaslibet  causas  cxigerc,  nec  mansiones 
aut  paratas  vel  fidejussores  tollere  non  praesumatis. 

2.Diplomata,  n-  242,  258,  270,  291,  336,  341,  357,  436,  402,  403,  444,  487, 
507,  515,  542,  570,  n»  4  des  Additamenia.  Comparez  Marcnlfe,  I,  2  :  Nulla 
judiciaria  potestas  nec  praesens  nec  succidi va  ibidem  non  praesumat  ingredere. 

3.  Diplomala,  n"  58,  111,  144,  168,  281,  3G8,  372,  400,  402,  428,  436,  441, 
463,  482,  486,  491,  495,  522,  531,  568,  599.  —  Les  deux  formes  sont  employées 
concurremment  dans  la  formule  de  Marculfe  et  dans  plusieurs  diplômes,  par 
exemple  dans  celui  de  Ghildebert  III  pour  Saint-Maur-des-Fossés  qui  est  aux 
Archives  nationales. 

4.  In  illas  possessiones  nulla  unquam  judiciaria  potestas  praesumat  ingredi 
(Diplôme  de  661,  n"  341).  —  Ut  nullus  judex  publicus  vel  quilibet  judiciaria 
potestate  accinctus  in  villas  ipsius  monasterii  nuUum  debuissel  habere  introi- 


KTUDE  SIR  l'immunité  MÉROVINGIENNE.  275 

Il  arrive  qudquefois  que  le  rédacteur  du  diplôme  Tabrège  et 
omette  tous  les  détails  que  nous  avons  vus  dans  la  formule  de 
Marculfe.  Il  se  contente  alors  d'écrire  que  telle  église,  tel  monas- 
tère, ou  tel  laïque  possédera  ses  domaines  en  pleine  immunité, 
sans  que  les  oflSciers  royaux  y  puissent  entrer,  absque  introitu 
judicum.  Toute  l'immunité  est  comprise  dans  ces  trois  mots*. 

Quelques  érudits  ont  pensé  que  les  rois,  en  accordant  l'immu- 
nité, renonçaient  pour  eux-mêmes  à  touteautorité  sur  les  domaines 
de  rimmuniste.  Pour  appuyer  cette  doctrine,  on  a  dit  que  les 
diplômes  portaient,  non  pas  neque  vos  neque  juniores  aut  stio- 
cessoy^es  v  est  ri,  mais  neque  nos  neque  juniores  aut  suo- 
cessores  nostri.  Il  est  visible  que  ce  seul  changement  de  trois 
lettres  transforme  le  sens  de  la  phrase  et  même  du  diplôme  tout 
entier.  Dans  un  cas,  l'interdiction  s'adresse  seulement  aux  agents 
du  roi;  dans  l'autre,  le  roi  s'interdit  à  lui-même  l'entrée  des 
terres  privilégiées.  M.  Boutaric,  dans  un  essai  trop  rapide  sur 
les  origines  du  régime  féodal,  cite,  en  effet,  une  charte  où  se 
lisent  les  mots  nos  et  nostri,  et  il  en  conclut  que  les  rois  renon- 
çaient à  toute  autorité*. 

Il  est  regrettable  que  M.  Boutaric  ait  choisi  pour  type  de  l'im- 
munité la  seule  charte  où  les  mots  nos  et  nostri  se  rencontrent, 
et  sans  nous  avertir  qu'elle  soit  la  seule.  Dans  toutes  les  autres, 
ce  sont  les  mots  ro5  et  vestri  que  l'on  trouve^.  D'ailleurs,  ce 

tam  (appendix  ad  Marculfum,  44).  —  NuUus  judex  publicas  ibidem  introi- 
tu tn  nec  iogressum  habere  debcrct  (Diplôme  de  696,  n*  436,  aax  Archives  natio- 
nales, K  3,  10).  —  Par  un  acte  de  659,  Clotaire  III  donne  au  monastère  de 
Corbie  dix  domaines  et  il  ajoute  :  NuUus  de  judicibus  ncc  ad  ipsum  monaste- 
rium  nec  in  curtes  suas  praesumat  ingredi,  sed  pars  ipsius  monasterii  vel  omnis 
congregalio  ibi  consistent  absque  introitu  judicum  sub  intégra  iromunitate  pos- 
sidere  valeat  Tel  dominare  {Diplomata,  n*  336). 

1.  Diplôme  de  635,  n»  268:  Diplôme  de  681,  n*  399  :  Sub  emunitaUs  nomine 
absque  inlroilu  judicum.  —  Marculfe,  I,  4;  I,  14;  I,  17.  —  Quelques  diplômes 
(n**  367  et  403)  portent  a^s^u^  interdictu  judicum  ;  il  y  a  apparence  que  inier- 
dictu  est  |>onr  introitu. 

2.  Boutaric,  De  Vorigine  et  de  l'établissement  du  régime  féodal^  dans  la 
Hetue  des  questions  historiques,  1875,  tirage  à  part,  p.  45-50.  Le  diplôme  qu*il 
rite  est  celui  qui  fut  donné  par  Dagobert  I^  à  l'abbaye  de  Saint-Denis,  entre 
r>31  et  637,  dont  une  copie  se  trouve  aux  Archives  nationales  (K,  1,  7;  cf. 
Diplomata,  n*  282). 

3.  Dans  les  deux  diplômes  en  faveur  de  Réomé,  tous  les  deux  fort 
suspects,  on  trouve  les  mots  nos  nostrique  successores;  mais  il  faut  noter 
que  la  phrase  n'est  pas  la  même  que  dans  les  autres  diplômes  ;  il  s'agit 
d'une  concession  de  terre,  et  le  roi  dit  que  ni  lui  ni  ses  successeurs  ne 


276  FCSTEL  DE  COILI.^GES. 

diplôme  de  Dagobert  P*"  est  suspect  ;  l'exemplaire  qu'on  en  pos- 
sède aux  Archives  nationales  n'est  qu'une  copie,  et  cette  copie 
n'est  pas  antérieure  au  ix®  siècle.  Ajoutons  que,  de  cette  même 
charte  de  Dagobert  en  faveur  de  l'abbaye  de  Saint-Denis,  nous 
avons  deux  textes  légèrement  différents  ;  Pardessus  les  a  insérés 
tous  les  deux  dans  son  recueil,  en  nous  prévenant  que  le  premier 
est  suspect  et  le  second  plus  suspect  encore  * .  Or,  le  premier 
porte  neque  vos  neque  successores  vestri,  et  c'est  seulement  le 
second  qui  porte  nos  et  nostri.  Quel  fond  peut-on  faire  sur  un 
document  de  si  peu  d'authenticité,  quand  tous  les  autres  docu- 
ments lui  sont  contraires  ?  On  a  aux  Archives  nationales  quatre 
diplômes  d'immunité,  qui  ne  sont  pas  des  copies,  mais  qui  sont, 
paraît-il,  les  originaux  eux-mêmes*  ;  tous  les  quatre  portent  les 
mots  vos  et  vestri,  et  ce  sont  eux  aussi  que  nous  lisons  dans  tous 
les  autres  diplômes  comme  dans  les  formules  de  MarcuKe  ^.  Ce 
qui  est  d'ailleurs  décisif,  c'est  que  la  moitié  des  diplômes  emploient 
la  forme  indirecte,  nullus  judeœ  puJbUcus,  ce  qui  ne  permet 
aucune  contestation  ^ 

reprendront  cette  terre  ;  ce  n'est  pas  là  Timmanité.  De  même  Clotaire  I*'  s'in- 
terdit le  droit  de  lever  des  contributions,  nec  nos  nec  pitblici  jvdicet  requUi- 
Hones  requiramus.  L'immunité  n'est  pas  là.  Dans  les  40  diplômes  et  les  4  for- 
mules où  (t  l'entrée  •  est  interdite,  ce  sont  les  mots  vos  et  vestri  qui  se 
lisent,  et  ils  s'adressent  aux  ducs  et  aux  comtes.  —  Il  est  vrai  que  dans  un 
diplôme  de  660  donné  par  Clotaire  III  à  l'abbaye  de  Corbie  (n*  337),  on  lit  nos 
et  nostri;  mais  il  faut  faire  attention  que  le  verbe  de  cette  phrase  est  prae- 
sumatis;  cette  seconde  personne  du  pluriel  suppose  pour  sujet  vos  et  vestri; 
il  est  donc  très  probable  que  nos  et  nostri  sont  une  faute  du  copiste. 

1.  Voyez  Pardessus,  Diplomata,  prolégomènes,  p.  55.  H  a  tiré  ces  deux 
copies  d'un  manuscrit  de  la  Bibliothèque  nationale,  n*  5415.  —  K.  Pertz  range 
ce  diplôme  parmi  les  spuria^  et  il  n'est  pas  attaqué  sur  ce  point  par  Sickel 
dans  la  critique  (pie  ce  savant  a  faite  de  son  édition,  Berlin,  1873. 

2.  Archives  nationales,  K  3,  10;  K  3,  12»;  K  3,  17;  K  3,  18.  Tardif,  Cartons 
des  roiSy  u»*  37,  41,  46,  47. 

3.  Comparer  d'autres  formules  analogues,  relaUves  à  la  mainbour  royale^  où 
on  lit  :  nec  vos  nec  juniores  aut  successores  vestri  (Marculfe,  I,  24  ;  Rozièro, 
9);  nullus  ex  vobis  (Lindenbrog,  38;  Rozière,  10);  neque  vos  (Lindenbrog,  177; 
Rozière,  11);  nullus  ex  vobis  sive  ex  junioribus  vestris  (Rozière,  12);  jube- 
mus  ut  nullus  vestrum  (Rozière,  13);  concessirous  ut  neque  vos  neque  juniores 
atque  successores  vestri  (app.  ad  Marc,  31  ;  Rozière,  38). 

4.  Nous  avons  à  faire  une  remarque  sur  les  mots  neque  successores  vestri. 
On  s'étonne  au  premier  abord  que  le  roi,  s'adressant  à  ses  comtes,  leur  dise  : 
vos  successeurs,  et  cela  s'éloigne  fort  de  nos  idées.  Mais  il  faut  songer  1*  que 
les  fonctionnaires  mérovingiens  étaient  fréquemment  déplacés  ;  2*  qu'ils  n'étaient 
pas  solidaires  entre  eux.  Un  comte  aurait  donc  pu  alléguer  que  le  diplôme  ne 
s'adressait  pas  à  lui,  puisqu'il  n'était  pas  comte  à  la  date  qui  y  était  inscrite. 


ÉTUDE  SUR  L'lBnnJ!IITK  BIÉROVÎ?ICIBN\E.  277 

Cette  discussion  pourra  paraître  peu  utile.  Pour  les  hommes 
de  nos  jours,  il  est  assez  indifférent  que  l'interdiction  concerne  le 
roi,  ou  qu'elle  concerne  les  agents  du  roi;  ce  serait  la  même 
chose  aujourd'hui.  C'étaient  deux  choses  fort  différentes,  et  nous 
le  constaterons  plus  loin ,  pour  les  hommes  du  vu"  ou  du  vni''  siècle. 
Or,  l'intelligence  historique  consiste  à  comprendre  ces  différences 
d'idées,  et  l'exactitude  à  les  signaler. 

Le  sens  de  l'immunité  n'est  donc  pas  que  le  roi  s'interdit  à  lui- 
même  l'entrée  des  domaines  du  concessionnaire,  mais  qu'il  l'in- 
terdit à  ses  ducs,  comtes  et  autres  agents  de  son  administration*. 
Elle  a  pour  effet  de  soustraire  les  domaines  privilégiés,  non  pas 
précisément  à  l'autorité  royale,  mais  à  l'autorité  de  tous  les  offi- 
ciers royaux.  C'est  contre  ceux-ci  qu'elle  est  faite*.  Assurer 
Timmuniste  contre  eux  est  la  grande  préoccupation  qui  paraît 
régner  dans  l'esprit  des  auteurs  des  diplômes  :  «  nous  ne  voulons 
pas,  disent-ils,  qu'aucun  fonctionnaire  public  soit  contraire  à  ce 
que  nous  accordons '.  »  «  Nous  ne  voulons  pas  qu'aucun  fonc- 
tionnaire fasse  obstacle  ou  mette  empêchement  à  notre  bienfaits  » 
<  Nous  ne  voulons  pas  que  cette  église  ait  à  redouter  aucune 
oppression,  aucun  procès  injuste,  aucune  usurpation  de  la  part 
de  nos  officiers^.  >  Cela  est  répété  sous  toutes  les  formes.  La 


Cela  était  surtout  ?rai  quand  le  diplôme  était  spécialement  adressé  A  tel  duc 
ou  à  tel  comte  désigné  par  son  nom,  comme  cela  est  dans  plusieurs  diplômes. 
11  était  donc  de  toute  nécessité  qu'un  mot  indiquât  qu'en  cas  de  changement, 
le  successeur  serait  lié  aussi  bien  que  l'était  le  titulaire  actuel. 

1.  Flodoard  résume  cette  clause  des  diplômes  qu'il  ayait  sous  les  yeux,  on 
ces  termes  :  ut  nullus  judex  publicus  in  ipsas  terras  auderet  ingredi  {Hùti. 
eccl.  rem, y  II,  11). 

'2.  Ut  de  judicum  infestationc,  sicut  immunitas  nostra  continet,  llceat  eis 
vivere  cum  quiète  (Epistola  Rauracii  ep.,  dom  Bouquet,  IV,  U). 

3.  Jubemus  ut  neque  vos  neque  juniores  seu  successores  vestri  ex  hoc  c^n- 
trarii  non  existatis  (Diplôme  de  673,  n*  368). 

4.  Ut  nullam  refragationem,  nullum  impedimentum  a  judicibus  publicis  per- 
timescant  {Diplomata,  n-  417,  486,  507,  515,  570). 

5.  Ut  nuUi  judicum  licentia  sit  aliquid  dcfraudarc  (n*  270).  —  Nullus  judi- 
cum audcat...  sibi  usuri>are  (n*  341).  —  Nec  de  rébus  monasterii  abstrahere 
nec  minuere  praesumatis  (n*  59f)).  —  Ut  neque  vos  netfue  juniores  vestri... 
aliquid  de  rébus  monasterii  minuere  cogitetis  aut  in  aliquo  molesli  esse  veli- 
lis  (n*  111).  —  Nec  nullam  ralumniam  generarc  non  praesumatis  (n*  441).  — 
Jubemus  ut  nullus  vestrùm  eos  de  qualibet  causa  injuste  calumniari  praesu- 
mat  (Formules,  édit.  de  Rozière,  n*  13).  —  Ut  neque  vos  neque  juniores  vestri 
homines  injuriari  praesumatis  (Dipl.  de  72i,  n*  531).  —  Ut  neque  vos...  inquio- 
tare  et  depravare  nec  de  rébus  abstrahere  praesumatis  (Dipl.  de  748,  n*  5'.I9). 


278  FUSTEL   DE  COUUIfGBS. 

méfiance  du  roi  à  l'égard  de  ses  fonctionnaires  perce  dans 
toutes  nos  chartes.  Pour  être  plus  sûr  qu'ils  n'opprimeront  pas, 
il  leur  interdit  toute  action.  Pour  être  certain  qu'ils  n'agiront 
pas,  il  leur  interdit  jusqu'à  l'accès  et  l'entrée  des  maisons, 
terres,  champs  et  domaines  du  privilégié.  L'immunité  ne  se 
borne  pas  à  donner  quelque  sécurité  et  quelque  droit  vis-à-vis 
du  fonctionnaire  royal  ;  elle  écarte  et  exclut  le  fonctionnaire  * , 


V. 


Après  avoir  signalé  le  point  capital  de  la  formule  d'immu- 
nité, nous  reprenons  dans  le  détail  l'analyse  de  cette  formule. 
Nous  y  verrons  quels  étaient  les  pouvoirs  d'un  officier  du  roi,  et 
quelle  était  l'étendue  d'une  immunité  qui  consistait  à  être  sous- 
trait à  ces  pouvoirs. 

«  Le  fonctionnaire  public,  est-il  dit,  n'entrera  sur  aucun  des 
domaines  de  l'immuniste  pour  entendre  les  procès.  »  Voilà  le 
point  qui  est  marqué  le  premier  dans  les  formules  et  dans  tous 
les  diplômes.  Les  expressions  employées  sont  très  claires  ;  la  for- 
mule dit  ad  causas  audiendas  *  et  plus  loin  elle  emploie  comme 
synonjrmes  les  mots  ad  audiendas  altercationes .  La  première 
des  deux  expressions  était  la  plus  usitée  ;  nous  la  trouvons  dans 

—  ut  nuUi  jodicum  licentia  sit...  iniquiter  defraudare  aut  suis  usibus  usur- 
pare  (Marculfe,  I,  2). 

1.  L'exclusion  est  quelquefois  prononcée  même  contre  les  missi  ex  palaiio 
discurrentes.  Cependant,  je  ne  trouve  cette  exclusion  que  dans  trois  diplômes 
(n*"  144,  168,  172).  Encore  faut-il  noter  que  ces  trois  diplômes  appartiennent 
au  môme  monastère,  celui  d'Anisola,  et  ne  forment,  en  quelque  sorte,  qu'un 
seul  document.  Je  voudrais  trouver  d'autres  textes  avant  d'affirmer  que  les 
missiy  les  missi  a  latere  régis,  représentants  directs  du  roi,  fussent  exclus, 
comme  les  comtes  et  les  centeniers,  des  domaines  immunistes.  —  11  n'est  pas 
de  notre  sujet  de  parler  de  l'immunité  ecclésiastique  par  laquelle  un  monas- 
tère était  afixanchi  de  Tautorité  de  l'évèque.  Les  principaux  documents  sur  ce 
sujet  sont  :  1*  Bulles  des  papes  Jean  IV  et  Martin  1*';  lettres  de  Grégoire  le 
Grand,  VllI,  12;  IX,  3;  XIII,  8;  2*  Lettres  et  chartes  d'évéques  dans  les 
Diplomata,  n-  172,  201,  221,  320,  333,335,  344,345,  391,  401,  512;  3-  Lettres 
ou  diplômes  des  rois,  particulièrement  pour  le  monastère  de  Rebais  (n*  270), 
et  pour  le  monastère  de  Stavelot  (n"  575)  ;  4**  Formules  de  Marculfe,  I,  1  ;  I,  2 
(Rozière,  n"*  574  et  575).  —  Le  formulaire  de  ces  immunités  ecclésiastiques  res- 
semble en  plusieurs  points  à  celui  des  immunités  civiles;  elles  consistent 
essentiellement  à  écarter  l'évèque  et  à  lui  interdire  c  l'entrée,  •  sauf  certains 
cas  déterminés  dans  l'acte. 

2.  Marculfe,  I,  3  (Rozière,  n*  16);  appendix  ad  Marc,  44. 


ETCDE  SIR   l'immunité   Ml^ROTINGIENNE.  279 

25  de  nos  diplômes*.  Deux  autres  emploient  les  mots  ad  judi- 
candum,  ad  agendum^,  qui  sont  visiblement  synonymes.  Il  y 
en  a  trois  qui  expriment  la  même  idée  par  le  mot  condemnay^e^. 

On  sait  par  une  série  d'autres  documents  que  les  ducs  et  les 
comtes,  représentants  du  roi,  ainsi  que  leurs  subordonnés,  vicaires 
et  centeniers,  rendaient  la  justice  aussi  bien  au  civil  qu'au  cri- 
minels C*est  l'exercice  de  ce  pouvoir  judiciaire  qui  leur  est  inter- 
dit par  la  charte  d'immunité. 

Ici  se  pose  naturellement  une  question  :  Est-il  possible  que 
l'immunité  exempte  le  concessionnaire  de  toute  juridiction  et  fasse 
disparaître  pour  lui  toute  justice  publique?  Quelques  érudits  ont 
reculé  devant  cette  conclusion,  qui  choque  en  effet  toutes  les 
idées  modernes.  Tout  récemment,  M.  Prost  a  essayé  de  ce  pas- 
sage de  nos  diplômes  une  autre  explication^.  Suivant  lui,  l'ex- 
pression audire  causas  ne  signifie  pas  juger  ;  elle  signifie  seu- 
lement écouter  les  débats  ;  elle  s'applique  à  un  comte  ou  à  un 
centenier  qui  «  tiendrait  les  plaids,  >  et  qui  présiderait  un  tribu- 
nal populaire  dont  il  ne  ferait  qu'exécuter  la  décision.  Partant 
de  là,  M.  Prost  croit  que  la  charte  d'immunité  interdit  seulement 
au  comte  de  «  tenir  le  plaid,  >  c'est-à-dire  de  réunir  le  peuple 
dans  l'intérieur  des  domaines  privilégiés  ;  elle  ne  lui  interdit  pas 

t.  Diplomaia,  éd.  Pardessus,  n-  58,  242,  258,  270,  281,  291,  336,  3U,  367, 
403,  417,  428,  436,  482,  486,  487,  495,  507,  515,  522,  542,  568,  570,  599. 
Joignez-y  le  diplôme  de  Childeberl  III  en  faveur  de  saint  Maur.  —  Je  ne  Tois 
l'expression  ad  audiendas  altercationes  que  dans  un  diplôme  de  743,  n*  568, 
et  dans  la  formule  de  Marculfe. 

2.  Diplôme  de  697,  n"  44 &  ;  diplôme  de  705,  n*  4G3.  Les  mots  ad  agendum 
se  trouvent  aussi  dans  la  formule  de  Marculfe,  I,  4,  et  ils  y  occupent  exacte- 
ment la  miMne  place  que  les  mots  causas  audiendas  occupaient  dans  I,  3. 

3.  Non  condemnare  praesumatis  (Diplôme  de  546,  n*  144;  de  67i,  n*  372: 
de  72),  n*  531).  La  m^me  expression  se  trouve  dans  la  formule  de  Lindenbmg, 
177  (Rozière,  n-  11). 

4.  (Grégoire  de  Tours,  //.  /Ir.,  VIII,  18  :  Oundobaldus  comitatum  Meldensem 
acripiens,  ingressus  urbem,  causarum  aotionem  agere  roepit;  exindo  dum 
pa^uiii  urbis  in  hoc  offirio  circumiret...  —  Id.,  VIII,  12  :  Ad  discutiendas 
causas  Ratharius  quasi  dux  dirigitur.  —  Cf.  Fortunati  carminaf  \\\,  5.  —  La 
loi  des  Ripuaires,  art.  88,  énuinère  tous  ceux  qui  rendent  la  justice  :  major- 
domus,  domesticus,  comes,  grafio.  —  Exemjdes  de  jugements  rendus  par  le 
comte  jugeant  directement  et  prononçant  souverainement  :  (îrégoire  de  Tours, 
Hist.y  IV,  44;  VI,  H;  De  gloHa  conffssorumy  101  ;  De  gloria  martyrum^  73; 
Miracula  Martini,  III,  53;  Vitae  patrum,  VII,  0.  Cf.  Vita  Walarici  dans  les 
Acta.  SS.  ord.  S.  Benedicti,  H,  81;  Vita  Amandi,  ibidem,  II,  714. 

5.  Aug.  Prost,  L'immunité,  dans  la  Nouvelle  Revue  historique  du  Droit,  mars 
1882,  p.  137  et  sui?. 


280  FDSTEL  DE  COULANGES. 

de  réunir  le  plaid  en  dehors  et  à  côté  de  ces  domaines  et  d*y 
appeler  l'immuniste  ou  ses  honames  pour  juger  leurs  procès  et 
punir  leurs  délits.  D'après  cette  interprétation,  la  juridiction  du 
comte  resterait  entière  ;  seulement ,  elle  ne  s'exercerait  qu'à 
distance.  Tout  le  privilège  se  bornerait  à  n'avoir  pas  le  juge 
chez  soi. 

Les  textes  ne  justifient  pas  cette  interprétation.  Les  diplômes 
et  les  formules  n'ont  pas  un  mot  qui  implique  que  les  habitants 
du  domaine  devront  se  rendre  au  tribunal  du  comte.  Non  seule- 
ment cela  n'est  jamais  dit,  mais  nous  verrons  tout  à  l'heure  cer- 
taines clauses  de  nos  diplômes  qui  empêchent  le  comte  d'appeler 
devant  lui  les  hommes  du  domaine.  A  quoi  eût-il  servi  d'ailleurs 
à  l'immuniste  d'être  exempté  d'avoir  le  juge  chez  lui,  s'il  eût  été 
tenu  d'aller  se  présenter  devant  ce  même  juge  et  de  lui  amener 
ses  hommes  ? 

Nous  ferons  remarquer  aussi  que,  dans  la  langue  mérovin- 
gienne, l'expression  audire  causas  signifie  juger.  Elle  se  dit 
de  celui  qui,  après  avoir  entendu  les  débats,  décide  et  prononce. 
Les  textes  ne  laissent  aucun  doute  sur  ce  point  ^  Aussi  nos 
diplômes  emploient-ils  quelquefois  comme  terme  synonyme  le  mot 
judicare  ou  le  mot  condemnare. 

Observons  enfin  que  nos  formules  et  nos  diplômes  d'immunité 
ne  parlent  pas  une  seule  fois  de  plaids.  Us  ne  disent  pas  au 
comte  :  vous  ne  réunirez  pas  le  peuple.  Ils  ne  disent  pas  au 
peuple  :  vous  ne  vous  assemblerez  pas.  Ils  disent,  s'adressant  au 
comte  :  ni  vous  ni  vos  agents,  vous  n'entrerez  pour  juger  sur  ces 
domaines.  Toutes  ces  chartes,  qui  pourtant  appartiennent  à  tous 
les  règnes  et  à  toutes  les  provinces  de  l'État  franc,  n'ont  pas  un 
seul  mot  sur  le  plaid  populaire.  Elles  ne  le  connaissent  pas.  Le 
seul  juge  qu'elles  connaissent  est  le  comte,  ou  bien  son  vicaire 
et  ses  centeniers. 

C'est  donc  ce  droit  de  juger,  et  de  juger  seul,  qui  est  enlevé 
au  comte  par  l'immunité.  Flodoard,  qui  avait  sous  les  yeux 
les  vieux  diplômes   accordés   à  l'église   de   Reims,   exprime 

1 .  Ainsi  le  roi  dit  en  tête  de  ses  arrêts  judiciaires  :  Cum  nos  ad  universo- 
rum  causas  audiendas  in  Palatio  nostro  resideremus.  —  Cf.  lex  Alamanno- 
rum,  41  :  nullus  causas  audire  praesumal  nisi  qui  a  duce  judex  constitutus  est 
ut  causas  judicet.  ~~  Déjà  dans  la  langue  des  jurisconsultes  romains,  causam 
audire  signifiait  juger;  on  peut  voir  des  exemples  décela  au  code  Justinien,  1, 
4,  8;  1,  4,  13;  111,24,3,  etc. 


^TDDB  SUR  l'immunité  MiROVINGlENNB.  284 

cette  clause  de  la  manière  la  plus  nette  quand  il  dit  qu'ils  inter- 
disaient aux  fonctionnaires  royaux  d'entrer  sur  les  terres  de 
cette  église  et  de  faire  des  jugements,  judicia  facere  * . 

Mais  il  faut  nous  demander  s'il  s'agit  de  toute  espèce  de 
jugements.  Remarquons  d'abord  que,  si  la  juridiction  du  comte 
est  supprimée,  celle  du  roi  ne  Test  pas.  On  conçoit  en  effet 
que,  lorsque  l'évêque,  l'abbé  ou  le  simple  laïque  s'est  présenté 
devant  le  prince  et  lui  a  demandé,  plus  ou  moins  humble- 
ment, l'immunité,  il  ne  lui  demandait  certainement  pas  d'être 
exempté  de  sa  justice.  Ni  le  solliciteur  ni  le  roi  n'entendaient 
qu'il  Ait  question  de  cela.  L'évêque  demandait  au  roi  d'être  sous- 
trait à  l'autorité  du  comte  ;  rien  de  plus.  Si  le  roi  avait  renoncé 
à  son  propre  droit  de  justice,  il  l'aurait  écrit  dans  la  charte, 
comme  il  y  écrit  quelquefois  qu'il  renonce  à  l'impôt.  Il  ne  parle, 
au  contraire,  que  de  la  juridiction  du  comte  et  des  subordon- 
nés du  comte,  neque  vos  neque  juniores  vestri.  Mais  il  ne 
s'interdit  pas  à  lui-même  d'entrer  sur  la  terre  de  l'immuniste 
pour  le  juger,  lui  ou  ses  hommes.  Encore  moins  s'interdit-il 
d'appeler  l'immuniste  ou  ses  hommes  devant  son  propre  tribu- 
nal, le  tribunal  du  Palais. 

Aussi  voyons-nous  dans  Grégoire  de  Tours  et  Frédégaire  que 
des  évêques  et  des  abbés  étaient  jugés  par  le  roi  ou  portaient  leurs 
procès  devant  lui.  Cette  vérité  apparaît  encore  mieux  dans  la 
série  des  diplômes  judiciaires.  Nous  avons  aussi  des  formules 
mérovingiennes  où  nous  voyons  un  évêque  mandé  au  tribunal 
du  roi';  plus  que  cela  :  un  évêque,  si  l'un  de  ses  clercs  est 
accusé  d'un  délit  et  refuse  satisfaction ,  est  tenu  à  le  faire  con- 
duire de  force  au  tribunal  royaP.  Il  faut  donc  admettre  que  le 
maintien  de  la  juridiction  royale  était  sous-entendu  dans  les 
chartes  d'immunité,  et,  si  l'on  ne  prenait  pas  la  peine  de  l'expri- 
mer, c'est  qu'il  n'entrait  dans  l'esprit  de  personne  de  supj)rimer 
cette  juridiction*. 

t.  ut  nullus  judex  publicus  audcret  ingredi  ut  quaelibet  judicia  praesumeret 
(Flodoard,  Hi$t.  rememis  eccl.,  II,  11):  ut  nullus  judex  publicus  in  terra<i 
ipsius  ecclesiae  auderet  ingredi  vel  quaelibet  judicia  facere  (Ibidem,  II,  17). 

2.  Marculfe,  I,  26  (Zeumer,  p.  59). 

3.  Marculfe,  1,  27. 

\.  Nous  pouvons  citer  comme  exemple  l'église  de  Reims  qui,  au  temps  de 
l'éTéque  Nivard  (6S0-670),  chargeait  un  de  ses  prêtres  de  soutenir  ses  procès 
devant  le  roi,  causas  apud  regiam  majestatem  pro  rébus  eccletkuUcis  rtl 

Rev.  HisTon.  XXII.  2«  fapc.  19 


282  FUSTBL  DE  COCLANGES. 

Il  y  a  même  plusieurs  diplômes  où  Ton  voit  que  la  justice  de 
l'État  est  expressément  maintenue.  Le  roi  s'exprime  ainsi  :  «  S'il 
s'élève  contre  le  monastère  ou  contre  les  hommes  de  Tabbé 
quelque  procès  dont  le  jugement  par  le  comte  ou  par  ses  subor- 
donnés serait  trop  préjudiciable  au  monastère,  le  procès  sera 
porté  devant  nous,  et  c'est  par  nous  que  la  sentence  sera  ren- 
due*. »  On  voit  bien  dans  ce  texte  que  la  juridiction  même  du 
comte  n'était  pas  absolument  supprimée.  Si  un  procès  était 
intenté  au  monastère  immuniste ,  c'était  le  comte  qui  était 
d'abord  saisi  de  l'affaire.  Il  en  était  le  juge  naturel,  à  moins  que 
le  monastère,  alléguant  que  cela  lui  était  <  trop  préjudiciable,  )> 
ne  voulût  porter  l'affaire  devant  le  roi.  L'abbé  n'échappait  donc 
pas  à  la  justice  publique  ;  son  privilège  se  bornait  à  être  jugé, 
s'il  le  voulait,  par  le  roi  au  lieu  de  l'être  par  le  comte. 

Il  faut  nous  tenir  au  texte  littéral  des  diplômes.  Ils  ne  disent 
pas  :  «  Le  juge  royal  ne  jugera  jamais  ni  l'abbé  ni  ses  hommes.  > 
Cette  manière  de  s'exprimer  ne  se  rencontre  jamais.  Ils  disent, 
ce  qui  n'est  pas  la  même  chose  :  «  Le  juge  royal  n'entrera  pas 
dans  les  domaines  de  l'abbé  ou  de  l'évêque  pour  rendre  la  jus- 
tice. »  Ne  dépassons  pas  nos  textes  ;  ils  ne  parlent  que  de  la 
justice  qui  serait  à  rendre  dans  l'intérieur  du  domaine.  Ils  ne 
veulent  pas  dire  que  l'immuniste  et  ses  hommes  échappent, 
pour  toutes  sortes  de  procès  et  de  délits,  à  la  justice  du  comte. 
Si  un  étranger  porte  plainte  contre  l'évêque  ou  contre  un  de 
ses  hommes,  si  un  procès  s'élève,  si,  par  exemple,  il  y  a  con- 
testation entre  un  laïque  et  l'évêque  pour  la  possession  d'une 


colonorum  legibus  agere;  et  pourtant  l'église  de  Reims  possédait  déjà  au  inoins 
deux  diplômes  d'immunité  (Flodoard,  Hist.  eccl.  rem.,  II,  10). 

1.  Diplùme  de  56*2,  n'  168;  de  674,  n*  372  :  Si  aliquas  causas  advcrsus  ipsum 
monasterium  aut  mitio  ipsius  abbatis  ortas  fuerint,  quas  a  vobis  vel  junioribus 
vestris  absque  eoruminiquo  dispendio  terminatas  non  fucrint...  in  praesentiam 
nostraro  serventur  et  ibidem  finitivam  sententiam  debeant  accipere.  —  Diplôme 
de  748,  n"  599  :  Si  laies  causae  advcrsus  Dubanum  abbatem  aut  homines  suos 
ortae  fuerint,  quae  in  pago  absque  suo  ini(iuo  dispendio  rerte  detinitae  non 
fuerint,  jubemus  ut  sint  suspensae  vel  reservatae  et  poslea  per  nos  pro  lege 
et  justilia  finitivas  accipiant  sentenlias.  —  Marculfe,  1,  24  (Rozière,  n°  9)  :  Si 
aliquas  causas  adversus  euro  vel  suo  mitio  surrexerint,  quas  in  pago  absque 
ejus  grave  dispendio  definitas  non  fuerint,  in  nostri  praesentia  rcserventur.  — 
Cf.  Formules  de  Lindenbrog,  n"  38  (Rozière,  n*  10).  —  Les  diplômes  et  les  for- 
mules que  nous  citons  ici  concernent  plutôt  la  roainbour  que  l'immunité; 
mais  nous  verrons  plus  loin  quel  lieu  il  y  avait  entre  les  deux  choses. 


ÉTUDE   SCR   l'immunité   MÉROVINGIENNE.  1283 

terre  S  ou  si  un  laïque  se  plaint  qu'un  clerc  de  l'évêque  ait  lait 
violence  à  un  de  ses  serfs*,  le  débat  est  porté  devant  le  comte  ou 
devant  le  roi.  Ainsi  les  textes  marquent  bien  que  dans  tout 
conflit  entre  un  homme  du  domaine  et  un  étranger,  la  juridiction 
publique  subsiste.  Dès  lors,  quels  peuvent  être  les  cas  où  cette 
juridiction  disparaît?  A  quelles  affaires  pense  le  rédacteur  du 
diplôme  quand  il  dit  que  le  juge  royal  n'entrera  pas  dans  le 
domaine  pour  les  juger?  Il  nous  semble  que  ce  sont  les  affaires 
où  les  deux  parties  appartiennent  également  au  domaine  privi- 
légié ;  il  ne  se  peut  agir  que  des  procès  issus  sur  le  domaine  lui- 
môme  ou  des  délits  qui  y  ont  été  commis. 

On  sait  bien  qu'il  existait  sur  chacun  de  ces  grands  domaines 
toute  une  population  mêlée  de  serfs,  d'affranchis,  d'hommes 
libres.  On  ne  doutera  pas  que  dans  cette  i)opulation  d'origine 
diverse,  d'intérêts  inégaux  et  discordants,  il  n'y  eût  des  procès, 
des  conflits,  des  délits  et  des  crimes.  C'est  le  jugement  de  toutes 
ces  affaires  intérieures  qui,  suivant  nous,  est  interdit  au  comte. 
A  cela  se  réduit,  si  nous  ne  nous  trompons,  le  privilège  de 
l'immuniste  en  matière  de  justice  ;  mais  nous  montrei\)ns  plus 
loin  la  grande  importance  de  ce  privilège  et  les  conséquences  qu'il 
a  produites. 


VI. 


A  la  défense  de  juger,  l'immunité  ajoute  l'interdiction  de 
percevoir  les  freda^.  On  sait  que  presque  tous  les  jugements 
alwuti.ssaient  à  un  fredum^.  Notre  mot  amende  rend  imparfai- 
tement ce  mot  de  la  langue  mérovingienne;  car  il  y  a  grande 
apparence  que  l'idée  qui  s'y  attachait  s'éloignait  assez  de  celle 
que  notre  esprit  moderne  attache  au  mot  amende.  Les  honmies 
considéraient  que,  dans  tout  crime  ou  délit,  il  y  avait  deux  jHîr- 


1.  C'est  II*  cas  spécifié  dans  la  formule  de  Marciilfe,  I,  26. 

2.  C'est  le  cas  spécifié  dans  la  fonnule  de  Marciilfe,  I,  27. 

3  Nullus  judex  publicus...  aiit  ad  freda  exi^^enduin...  ingredi  praesumat 
(Marculfe,  I,  3;  id.,  I,  4  ;  Diplomata,  n-  58,  212,  2:»8,  270,  2U1,  33G,  3(i7,  368, 
40-2,  403,  417,  428,  436,  463.  482,  486,  i87,  495,  507,  515,  522,  542,  et  le 
diplôme  de  Cliildebert  III  en  faveur  de  Saint-Maur. 

4.  De  quaslibet  causas  freda  exigendum  (Marculfe,  I,  14;  I,  17).  -~  De  i|ua- 
libet  causa  freda  exilât  (Lex  Kii»uar.,  80). 


284  FUSTEL   DE  COULANGES. 

sonnes  lésées,  la  victime  d'abord,  ensuite  le  roi,  dont  le  criminel 
avait  enfreint  la  volonté  et  violé  les  lois.  Il  fallait  donc  com- 
poser avec  le  roi  comme  avec  la  famille  de  la  victime.  Il  y  avait 
ainsi  deux  compositions,  en  quelque  sorte,  Tune  payée  à  la 
victime,  l'autre  payée  au  roi.  C'est  cette  seconde  partie  de  la 
composition  que  Ton  appelait  fredum,  Grégoire  de  Tours 
indique  nettement  que  c'est  ainsi  que  le  fredum  était  compris 
par  les  hommes  de  son  temps*.  Même  dans  beaucoup  de  procès 
civils,  l'intervention  du  magistrat  donnait  lieu  au  payement 
d'un  fredum'^.  Dans  la  pratique  ordinaire,  il  semble  bien  que  le 
fredum  était  le  prix  dont  le  juge,  c'est-à-dire  le  roi  ou  le  comte, 
faisait  payer  sa  juridiction  ^,  Ce  revenu  faisait  partie  du  droit  de 
justice,  et  nous  pouvons  même  penser  que,  pour  beaucoup  de 
fonctionnaires,  il  en  était  la  partie  principale.  En  ôtant  au  comte 
le  droit  de  juger  sur  les  domaines  privilégiés,  il  semble  qu'il  ne  fût 
pas  nécessaire  d'ajouter  qu'on  lui  enlevait  du  même  coup  le  droit 
d'y  percevoir  les  freda  ;  pourtant  les  rédacteurs  des  diplômes 
n'ont  pas  jugé  inutile  d'avertir  le  fonctionnaire  que  ce  n'était  pas 


1.  Grégoire  de  Tours,  miracviaS.  Martini,  l\,  26  :  Affirmavit  rex  quosdam 
ex  his  qui  absolut!  fucrant  (il  s'agit  de  quelques  condamnés  qui  avaient  été 
délivrés  de  leurs  fers)  ad  se  venisse  atque  compositionem  fisco  debitaro,  quam 
illi  fredum  vocanl,  a  se  fuisse  eis  induUam.  —  Id.,  //.  Fr.,  VI,  23  :  Jubet  rex 
omnes  custodias  relaxari,  vinctos  absolvi,  compositionesque  negligentium  iisco 
débitas  non  exigi.— Dans  la  lex  Salica,  XIII,  freius  n'a  pas  d'autre  sens  que  celui 
de  composition;  mais  c'est  qu'il  s'agit  d'un  cas  où  le  roi  est  la  partie  lésée,  et 
alors  la  composition  et  le  fredum  se  confondent.  —  Voyez  sur  le  fredum  la 
decretio  Chlotarii,  art.  16,  éd.  Boretius,  p.  7;  lex  Baiuwar.f  I,  6,  7,  9;  IX,  14  ; 
XIII,  2,  3.  —  Nous  ne  pouvons  pas  admettre  l'opinion  de  M.  Prost  qui  croit 
que  le  fredum  était  payé  au  roi  par  la  victime  elle-même  ou  par  sa  famille 
(page  144). 

2.  Cela  ressort  du  titre  50  de  la  lex  Salica  ;  cf.  lex  Alamannorum,  XXXVI,  3  ; 
lex  Baiuwar.,  XIII,  2  et  XIII,  3.  Diplôme  de  693,  n«  431  :  £i  fuit  judicatum  ut 
in  exfaido  et  fredo  soUdos  15  pro  hac  causa  fidem  facere  deberet. 

3.  Voyez  lex  Wisigothorum,  II,  1,  25  :  Judex  pro  labore  suo  et  pro  judicata 
causa  et  légitime  deliberata...  —  Lex  Baiuwariorum,  II,  15  (Pertz)  ou  II,  16 
(Baluze)  :  Judex  partcm  suam  accipiat  de  causa  quam  judicavit.  —  Le  fredum 
parait  avoir  été,  le  plus  souvent,  le  tiers  de  la  composition  :  duas  partes  ille 
cujus  causa  est  ad  se  revocel,  tcrtiam  partem  ad  se  grafio  fredum  rccoUiget 
(Lex  salica,  50);  cf.  capitulaire  de  801,  c.  24  (Pertz,  p.  86)  :  tertiam  partem 
fisco  tribuat.  Mais  nous  ne  savons  pas  quelle  était  la  proportion  entre  la  part 
du  roi  et  la  part  du  comte.  La  loi  des  Bavarois  fixe  la  part  du  juge  à  un 
neuvième  de  la  composition  totale;  celle  des  Visigoths  à  un  vingtième  seu- 
lement. 


^TIDC  SUR    l'iMMUMTK   MÉR()YI1G1EN>E.  285 

seulement  la  justice  qui  lui  était  enlevée,  mais  aussi  les  profits  de 
la  justice*. 

La  charte  d'immunité  défend  aussi  au  fonctionnaire  royal  «  de 
saisir  des  répondants,  tollere  fidejicssorcs^.  »  Pour  comprendre 
le  sens  de  cette  interdiction,  il  est  nécessaire  de  jeter  un  coup 
d'œil  sur  quelques  procédés  de  la  police  judiciaire  des  Méro- 
vingiens. 

Quand  un  homme  était  accusé  d'un  crime  ou  d'un  délit  que  le 
comte  devait  juger  dans  son  mallus,  il  pouvait  rester  libre  jus- 
qu'au jour  du  jugement,  a  la  condition  de  fournir  des  répon- 
dants, si  fidojussores  habuerït^.  Les  répondants  d'un  accusé 
étaient  garants  de  sa  comparution  en  justice'*.  Quand  le  jour  du 
jugement  était  arrivé,  il  était  d'usage,  sinon  de  règle,  qu'ils  le 
conduisissent  eux-mêmes  au  tribunal  du  comte  ^. 

Il  en  était  de  même  quand  il  s'agissait  du  tribunal  du  roi. 
L'homme  qui  était  sommé  d'y  comparaître  pouvait  rester  libre 
jusqu'au  jour  fixé,  en  donnant  des  répondants,  datis  fidejusso- 
ynbus^;  puis,  au  jour  du  jugement,  il  était  amené  devant  le  roi 
par  ces  répondants  eux-mêmes'. 

1.  L-n  <liplôm6  porte  injusta  freda  toUendum  (Dipl.  de  (>38,  n*  291);  mai»  je 
ne  trouve  le  mot  injusta  dans  aucun  autre;  et  d'ailleurs  ce  diplùme  est  très 
susjiect  (Voyez  Pardessus,  Prolégom.,  p.  73).  Nous  devons  donc  penser,  con- 
formément à  tout  l'ensemble  des  documents,  que  ce  ne  sont  pas  seulement  les 
freda  illégaux,  mais  bien  tous  les  freda  qui  sont  interdits  aux  fonctionnaires 
royaux  sur  les  terres  d'immunité. 

2.  Neque  ad  fidejussores  tollendos  (Marculfe,  I,  3;  1,  4;  DiplomatOy  n**  258, 
281,  291,  3G7,  403,  417,  4G3.  486,  495,  507,  515,  522,  568). 

3.  Voyez  une  anecdote  racontée  i»ar  Grégoire  de  Tours  (IV,  44)  où  l'historien 
cite  comme  contraire  A  l'usage  qu'un  duc  ait  fait  mettre  en  prison  un  prévenu 
qui  demandait  à  rester  libre  daiis  fidejussoribus.  Il  cite  ailleurs  (VI,  12)  une 
femme  quoe^  datis  fidejussoribus  j  Tolosam  dirigitur.  —  Cf.  CapHularia 
Caroli  Calvi,  XLV,  3  (Baluze,  CapUul.y\\,^%))  :  Comprehensus,  si  fidejussores 
iiabere  i>otuerit,  per  fidejussores  ad  mallum  adducatur;  si  fidejussores  haberc 
non  potuerit.  a  ininistris  comitis  custodiatur  et  ad  mallum  perducatur. 

\.  Pérard,  Instrumenta  hisi.  hurgundicae.  p.  35  :  Dédit  Maurinus  fidejus- 
sorem,  nomine  Autardo,  de  sua  presentia. 

5.  Per  fidejussores  ad  mallum  adducatur  (Capit.  Caroli  Calvi,  XLV,  3). 

6.  Orêgoire  de  Tours,  Hist.,  VIII,  43  :  Antestius  vero,  acceptis  fidejussoribus 
ab  episco|M)  ut  in  praesentia  régis  adesset.  —  Id.,  ibidem  :  datis  fidejussoribus  de 
praesentia  sua  ante  regem.  —  Id.,  VIII,  7  :  Cautiones  et  fidejussores  de«lenjnt 
ut  decimo  Kalendas  mensis  noni  ad  synodum  convenirent.  —  Id.,  VI,  \\  : 
multi  tamen  eorum  per  idoneos  fidejussores  dimissi  ad  regem  jussi  sunt 
ambiilare. 

7.  Si  fidejussores  habuerint  qui  eos  in  praesentia  régis  addur^nt  (Capitul. 


286  FCTSTEL   DE  COCLA^TGES. 

L'importance  de  ces  répondants  se  devine  bien  si  Ton  songe 
que  les  crimes  et  les  délits  étaient  punis,  le  plus  souvent,  par  la 
composition  et  le  fredum.  Presque  toute  justice  se  résolvait  en 
argent.  D'après  ces  usages  et  d'après  les  conceptions  que  les 
hommes  se  faisaient  de  la  justice,  l'accusé  était  regardé  pré- 
ventivement comme  un  débiteur.  Il  suivait  de  là  que  les  répon- 
dants étaient  regardés  comme  les  cautions  d'une  dette.  Si  l'ac- 
cusé s'échappait  avant  le  jugement,  ils  étaient  responsables  sur 
leurs  biens  propres.  C'est  pour  cela  apparemment  qu'ils  se  char- 
geaient de  conduire  le  prévenu  au  tribunal  du  comte,  et  même  au 
tribunal  du  roi,  fallût-il  traverser  la  Gaule  entière.  Leur  intérêt 
propre  les  y  engageait. 

Il  faut  remarquer  que,  si  l'accusé  possédait  des  biens  fonciers 
d'une  valeur  suffisante,  on  n'exigeait  pas  qu'il  présentât  des 
fidejussores  ;  on  l'exigeait  s'il  n'avait  pas  de  biens  fonciers  ou 
s'il  en  possédait  trop  peu*.  Cette  règle  nous  montre  assez  claire- 
ment ridée  qu'on  se  faisait  du  fidejussor;  c'était  un  homme 
qui  offrait  sa  propre  fortune  en  garantie  pour  un  accusé  dont  la 
fortune  était  insuffisante. 

Le  fidejussor  ne  répondait  pas  seulement  de  la  présence  de 
l'accusé  au  tribunal;  il  répondait  aussi  de  l'exécution  du  juge- 
ment, c'est-à-dire  du  paiement  intégral  de  la  composition  et  de 
l'amende*.  C'est  pour  cela  qu'on  voulait  que  ces  répondants 

(le  793,  arl.  6,  dans  Baluzc,  1,  542).  —  De  his  qui  Icgem  ser?are  contcinnunt, 
ut  per  iidcjuftsores  in  pracsentiain  régis  deducantur  (CapUularia  y  livre  III, 
arl.  34;  livre  VI,  art.  219).  Per  fidejussores  àd  praesentiam  régis  perducatur 
(Gapitul.  Caroli  Calvi,  XIV,  4  ;  Raluze,  II,  65). 

1.  Cela  ressort  de  deux  textes  un  peu  postérieurs  à  l'époque  qui  nous 
occupe;  mais  la  rè^le  est  certainement  ancienne.  Per  fidejussores,  si  res  et 
mancipia  in  illo  comitatu  non  habet,  ad  praesentiam  nostram  adducatur 
(Capitul.  Caroli  Caivi,  XXXVI,  23;  Baluzc,  II,  185).  -  Si  liber  homo  de  furlo 
accusatus  fuerit  et  res  proprias  habuerit,  in  roallo  ad  praesentiam  comitis  se 
adhramiat,  et,  si  res  non  habct,  lidejussores  donet  qui  eum  adhramire  et  in 
placitum  adduci  faciant  (Capilulaire  de  819,  c.  15;  Baluze,  I,  603). 

2.  On  a  en  effet  plusieurs  exemples  où  les  /id^ussores  sont  donnés,  non  pas 
pour  la  comparution  en  justice,  mais  pour  l'exécution  de  l'arrêt.  Ainsi,  dans 
Grégoire  de  Tours,  H,  /V.,  IX,  8,  Childebert  dit  :  vcniat  coram  nobis  et  datis 
fidejussoribus  in  praesentia  patrui  mei,  quidquid  illius  judicium  decreverit, 
ex8c<iuamur.  —  De  même  dans  le  De  gloria  confessorumf  71  :  Convenilur 
episcopus  datisque  fidejussoribus  in  praesentia  re-gis  adsistit  ;  si  l'évéque  donne 
des  fidejussores,  c'est  pour  assurer  le  payement  de  l'amende  de  300  aurei  dont 
il  va  élre  frappé.  —  La  formule  de  Sinnond,  n*  32  (Rozière,  n*  465),  nous 
montre  deux  accusés  pi>ur  lesquels  la  peine  de  mort  est  commuée  en  une  com- 


ETUDE  SrR  l'iMHDNITB   MéROYINGIENNB.  287 

fussent  credibiles,  idonei,  firmissimiK  Par  ces  épithètes  nous 
devons  entendre,  non  la  moralité  des  répondants,  mais  leur  sol- 
vabilité. On  tenait  à  ce  qu'ils  fussent  cautions  solvables. 

Gardons-nous  bien  d'attribuer  aux  hommes  de  ce  temps  des 
idées  qu'ils  n'avaient  pas.  En  pratiquant  la  fidejussio,  ils  ne 
songeaient  pas  à  assurer  la  liberté  ;  ils  n'avaient  pas  dans  l'esprit 
de  supprimer  l'emprisonnement  préventif,  dont  nous  savons 
qu'ils  usaient  largement.  Ils  ne  voyaient  en  elle  qu'une  assu- 
rance de  paiement.  Aussi  était-elle  pratiquée  dans  l'intérêt  de 
l'administration,  et  non  pas  dans  l'intérêt  des  accusés.  Grâce  à 
ces  répondants,  l'accusé  se  voyait  entouré  de  surveillants  qui 
étaient  intéressés  à  ce  qu'il  ne  s'échappât  pas,  et  qui  ne  man- 
quaient guère  de  mettre  la  main  sur  sa  personne  pour  sauver 
leurs  propres  biens.  Les  répondants,  de  leur  coté,  avaient  une 
lourde  charge  ;  ils  se  voyaient  obligés  à  de  nombreuses  démarches, 
à  des  pertes  de  temps,  à  des  dépenses,  surtout  s'il  fallait  aller 
jusqu'au  roi  ;  et,  ce  qui  était  pis  encore,  ils  étaient  menacés,  en 
cas  de  condamnation,  d'avoir  à  payer  pour  le  condamné.  Si  l'on 
songe  à  quel  taux  exorbitant  les  rois  mérovingiens  portèrent  les 
compositions  et  les  freda^  on  devinera  qu'il  était  fort  dangereux 
d'être  fîdejussor.  L'administration  seule  se  trouvait  bien  de 
cette  pratique  ;  car  elle  était  sûre  que  les  prévenus  seraient  bien 
gardés,  sûre  aussi  que  ses  freda  lui  seraient  intégralement  payés. 

Le  moyen  était  bon  ;  le  gouvernement  mérovingien  en  abusa. 
Non  seulement  il  permit  aux  accusés  d'offrir  des  répondants 
volontaires  afin  de  rester  libres,  mais  il  en  vint  à  obliger  des 
hommes  à  être  répondants  malgré  eux  et  malgré  les  accusés.  Ce 
fait  étrange  s'aperçoit  à  la  lecture  de  quelques  textes.  Ainsi, 
nous  voyons  dans  Grégoire  de  Tours  un  duc  arrêter  un  évêque 
et  le  faire  conduire  immédiatement  devant  le  roi  ;  et  en  même 
temps  ce  duc  cherche  lui-même  et  requiert  des  fidejussores  '.  Il 
ne  se  peut  agir  ici  de  cautions  volontaires  que  Tévêque  offrirait 

position;  ils  donnent  immédiatement  un  fidtiiuuor  pour  garantir  le  paye- 
ment :  Hdejussorem  pro  solidis  obligaTemnt. 

1.  Per  idoneos  (idejussores  (Grégoire  de  Tours,  VI,  It).  —  Per  ûrmissimos 
fidejussores  (Capitul.  de  873;  Baluze,  II,  228).  — Per  credibiles  fidejussores 
ante  nos  Tcnire  pennittatur  (Capit.  de  882;  Baluze,  II,  281)).  Cf.  Papianus,  XI, 
3,  dans  Pcrtz,  Leges,  t.  III,  p.  G04  :  Fidejussoreiii  idoneum  donet  qui  quid 
fuerit  judicatum  se  permittat  implere. 

2.  Grégoire  de  Tours,  H.  Fr.,  VIII,  12  :  Ratherius  quasi  dux  a  parte  régis 
dirigitur...  Episcopum  vallat,  fidejussores  requirit,et  ad  praesentiam  régis  dirigit. 


288  FHSTEL  DE  COULANGES. 

pour  rester  libre  ;  car  il  n'est  pas  libre,  et  tout  au  contraire  on  le 
meneau  roi  «  sous  bonne  garde*.  »  Il  s'agit  de  cautions  que  l'au- 
torité choisit  elle-même  pour  répondre  sur  leurs  biens  de  tout  ce 
que  le  jugement  pourra  prononcer  contre  Tévêque.  Ailleurs,  nous 
voyons  un  envoyé  du  roi  qui  arrête  deux  accusés  en  prenant  des 
fidejiLSSOres  et  qui  les  envoie  au  tribunal  du  roi*.  Une  autre 
fois,  c'est  un  évêque  que  l'on  veut  obliger  à  comparaître  à  ce 
même  tribunal;  un  envoyé  du  palais  prend  des  fidejitssores  qui, 
de  l'Auvergne,  amènent  l'évêque  jusqu'à  Trêves^.  On  reconnaît 
dans  ces  exemples  que  le  fide)ttsso7''  n'est  plus  ce  répondant  que 
l'accusé  présentait  pour  rester  libre;  il  est  au  contraire  un 
homme  choisi  par  l'autorité  pour  amener  l'accusé  au  jugement  et 
assurer  l'exécution  de  l'arrêt. 

De  même  dans  une  formule  mérovingienne,  nous  voyons  que 
le  roi  prescrit  à  un  évêque,  dans  le  cas  où  un  clerc  de  son  église 
serait  coupable  d'un  délit,  de  l'envoyer  au  tribunal  du  roi  per 
fidejussores  positos,  c'est-à-dire  par  des  répondants,  qui  ne 
sont  pas  choisis  assurément  par  l'accusé,  mais  qui  lui  sont  assi- 
gnés^  Dans  une  autre  formule,  le  roi  prescrit  à  ses  comtes  de 
faire  justice  d'un  coupable  ;  «  et  si  vous  ne  pouvez  faire  justice, 
saisissez  des  fidejussores  et  faites-le  conduire  devant  notre  tri- 
bunal'^. »  Ailleurs  encore  le  roi  dit  à  ses  comtes  :  «  Si  un  brigand 
poursuivi  dans  un  comté  se  réfugie  dans  un  autre  comté,  le  comte, 
dans  le  ressort  duquel  il  s'est  réfugié,  le  contraindra  per  fide- 
jussores à  revenir  dans  le  comté  où  il  doit  être  jugé  ^.  » 

1.  M.,  ibidem  :  cum  ad  praeseotiam  régis  sub  ardua  custodia  duc^retur. 

2.  Vila  S.  Rigomeri,  dans  doni  Bouquet,  III,  427  :  roissus  de  Palalio  ut 
Rigomerum  et  puellam  per  fidejussores  coltigaret  ut  ad  Palatium  pergerent. 

3.  Vita  S.  PraejccU.  c.  10,  11,  dans  les  Acta  SS.  ordinis  S.  Benedicti,  II, 
p.  643^4  :  missos  ex  latere  dirigit  qui  euni  per  fidejussores  nuntiarent  et  in 
auli  régis  facerent  praesentari...  Depromit  quo  modo  per  fidejussores  venisset. 

4.  Marrulfe,  I,  "21  :  Indiculus  ad  episcopum...  Ipsum  abk>atero  aut  clericuni 
praeseiitaliter  constringalis  qualiter  banc  causam  legaliter  studeat  emendare; 
eerte  si  noiuerit,  ipso  illo  per  fidejussores  positos  ad  nostram  studeatis  diri- 
gere  praesentiaro.  —  Cf.  Capitulaire  de  756  (Baluze,  I,  178}  :  Tune  cornes 
ipsam  personam  per  fidejussiHts  positam  ante  re^em  fariat  Tenire. 

5.  Marculfe,  I,  ^8  :  Ule  rei  illo  comiti...  Constringator  qnaliter  banc  causai» 
studeat  emendare:  rerte  si  noluerit,  ...  tultîs  fidejussoribus  ad  nostram  diri- 
gère  faeiatis  praesentiam.  —  Cf.  Le\  Rii»uanonim.  XXXII.  4  :  Judex  fidejus- 
sores ei  exigat  ut  se  ante  regem  repraesentet.  ~  Praeceptum  Cbildeberti  I 
;Ri>i«tius,  p.  ^>  :  datis  fidejussoribus  non  aliter  discedant  nisi  in  nostris  obtn- 
tibiis  praesententur, 

tv  Si  Utrx>  de  uno  comitatu  in   alium  comîtatum  fu^erit.  cornes  in  cujos 


KTKDË  SUR  l'immunité   MKROVnCIENNE.  280 

Ainsi  l'usage  s'est  établi  de  «  saisir  »  des  fidejussores.  Ces 
répondants  font  une  sorte  d'office  de  police,  et  même  quelque 
chose  de  plus,  puisqu'ils  répondent  de  la  pleine  exécution  de  la 
sentence.  L'autorité  publique,  ayant  affaire  à  un  accusé,  ne  se 
contente  pas  de  s'emparer  de  sa  personne  ;  elle  met  la  main  sur 
des  répondants,  afin  d'être  bien  certaine  que  ni  l'accusé  ni 
l'amende  ne  lui  échapperont. 

C'est  là  ce  que  nos  diplômes  appellent  tollere  fidejussores. 
Il  y  a  sur  cette  pratique  un  texte  qui,  bien  qu'il  soit  postérieur  à 
l'époque  qui  nous  occupe,  mérite  d'être  cité.  On  y  voit  des 
évêques  se  plaindre  «  d'une  coutume  oppressive  qui  s'est  établie; 
les  comtes  et  juges  royaux  obligent  par  force  les  prêtres  à  venir 
à  leurs  plaids;  ils  les  saisissent  comme  répondants,  aussi  bien 
que  s'ils  étaient  des  laïques  * .  >  On  devine  aisément  ce  qu'il  y 
avait  de  cruel  pour  des  hommes  qui  étaient  occupés  ou  de  leur 
sacerdoce,  ou  de  leur  travail,  ou  de  leur  culture,  à  être  ainsi 
mis  en  réquisition  et  enlevés  à  leur  foyer,  pour  arrêter  un  accusé, 
pour  le  garder,  pour  le  conduire  au  tribunal  ;  on  devine  surtout 
quelles  pouvaient  être  les  conséquences  de  cette  responsabilité,  et 
combien  d'hommes  elle  conduisait  à  la  ruine.  L'immunité,  en 
interdisant  au  fonctionnaire  royal  de  saisir  des  répondants  dans 
l'intérieur  du  domaine,  accordait  donc  un  privilège  précieux. 

Mais  voici  la  conséquence.  Cette  saisie  des  répondants  était  le 
principal  moyen  de  police  judiciaire.  Supprimez-la,  il  n'y  a  plus 
de  justice.  Le  comte  ne  pourra  plus  obliger  Thabitant  du  domaine 
privilégié  à  comparaître  à  son  tribunal.  S'il  prononce  un  juge- 
ment contre  cet  homme,  il  n'aura  plus  la  garantie  du  payement 
de  l'amende.  Ainsi,  la  clause  qui  défend  au  comte  de  saisir  des 
répondants  équivaut  pour  lui  à  la  défense  de  juger.  Déjà  on  lui 
a  interdit  de  faire  aucun  acte  judiciaire  dans  les  limites  du 
domaine  privilégié;  maintenant  on  lui  6te  le  moyen  d'ap|)eler  à 
lui  les  hommes  de  ce  domaine  et  de  les  juger  dans  son  plaid,  à 
moins  qu'ils  n'y  viennent  volontairement. 

coinitatuin  fugit  per  fidejussores  coDStriii(^t  ut,  velit  nolit,  illuc  revcniat  et  ibi 
inalum  emendet  ubi  iUud  perpetravit  (Capitul.  Caroli  GaWi,  XLV,  1,  dans 
Baluze,  II,  227). 

1.  In  sua  parochia  gra?issima  ÎDcreTÎt  consuetudo  quod  comités  atque  judices 
seu  ministri  iltoruin,  sac^rdotes  Doiiiini  sive  reliquos  ecclesiac  ministros  ad 
placitum  suum  ducerc  et  fidejussores  tollere  atque  eos  more  laicoruni  distrin- 
gère  |»raesumant  (Diplôme  de  Gbarles  le  Simple  dans  les  Historiens  de  France, 
t.  IX,  p.  479). 


290        F.  DE  COULAXGES.  —  KTCJDE  SUR  h'iMUUmié  MBROVIPÎGIENI^E. 

Quelques  diplômes  ajoutent  encore  une  interdiction  qui  est  for- 
mulée en  ces  termes  :  «  Neque  ad  homines  distringendos^.  » 
Ce  mot  distïHngere^  dans  la  langue  mérovingienne,  s'entend  de 
toute  espèce  de  contrainte,  aussi  bien  de  la  contrainte  par  corps* 
que  de  la  contrainte  par  saisie  des  biens  ^.  Il  désigne  spécialement 
la  contrainte  pour  exécution  des  arrêts  de  justice  ^  C'est  tout 
cela  qui  est  interdit  à  TofBcier  royal.  Par  conséquent,  si  l'un  des 
hommes  de  l'immunité  est  accusé  d'un  crime  ou  d'un  délit,  le 
comte  ne  pourra  ni  se  saisir  de  sa  personne  ni  mettre  la  main 
sur  ses  biens.  Il  n'aura  donc  pas  le  moyen  d'exécuter  son 
jugement. 

En  résumé,  grâce  à  cette  série  de  précautions  que  le  roi  prend 
contre  son  propre  agent,  celui-ci  n'a  plus  aucune  juridiction  sur 
les  hommes  du  domaine  privilégié,  et  toute  action  judiciaire  sur 
eux  lui  est  devenue  impossible. 

FUSTEL  DE   COULANGES. 

{Sera  continué.  ) 

1.  Diptomata,  n"  242,  258,  291,  417,  507,  515.  —  Marculfe,  I,  4  :  neque 
homines  ipsiu  ecclesiac  de  quaslibet  causas  distringendum.  —  Diplôme  de 
Childebert  III  en  faveur  de  Saint-Maur  :  nec  homines  lam  ingenuos  quam  ser- 
vicntes  distringendum. 

2.  Ad  latrones  distringendos  {CapittUaria,  III,  87;  Baluze,  I,  770).  — Siquis 
contompserit,  romes  eum  distringerc  facial  (Gapit.  de  756,  art.  3;  Baluze, 
I,  178). 

3.  rt  vcniant  ad  mallum,  per  res  et  mancipia  et  mobile  distrinj^antur  (Capit. 
do  873,  art.  3;  Raluze,  II,  228).  —  Si  jussa  facere  neglexerint,  licentiam  eos 
distringendi  comitibus  permiltimus  per  ipsas  res  (Capit.  de  812;  Baluze,  1.  547). 

A.  nie  rei  illi  comiti.  Jubemus  ut...  Tohis  distringentibus  memoratus  ille 
imrtibus  istius  ooiiiponerc  et  satisfacere  non  recusct  (Formule  de  Sirmond,  33, 
Rozière,  n"  445,  Zeumer,  p.  155). 


JEAN  DE  SERRES 

mSTORIOGRAPlIE  DU  ROI 

SA  VIE  ET  SES  ÉCRITS 

DIAPRÉS  DES  DOCUMENTS  INÉDITS 

1540-1598. 


Le  nom  de  Jean  de  Serres  a  presque  entièrement  disparu  dans 
rillustration  de  son  frère  aîné,  Olivier  de  Serres,  le  patriarche 
de  Tagriculture  moderne.  Il  mérite  pourtant  quelque  attention. 

Olivier  a  eu  la  bonne  fortune  d'écrire  en  français^  et  dans  un 
style  plein  d'abandon  et  de  charme,  un  livre  savant  et  pratique 
sur  un  sujet  éternellement  jeune  et  intéressant.  Honoré  de  l'es- 
time de  Henri  IV,  il  fit  paraître  de  son  vivant  jusqu'à  huit  édi- 
tions de  son  Théâtre  (t agriculture  et  mesnage  des  champs. 
Et  si,  après  avoir  joui  encore  pendant  un  demi-siècle  d'une 
grande  célébrité*,  cet  ouvrage  est  tombé  en  discrédit  dans  notre 
patrie,  c'est  que  la  science  rurale  elle-même  avait  été  aban- 
donnée ;  et  il  a  suffi  que  cette  science  fût  remise  en  honneur  à  la 
fin  du  siècle  dernier,  pour  que  le  grand  agronome,  admiré  d'ail- 
leurs par  les  nations  étrangères,  reprît  chez  nous  le  rang  qu'il 
n'aurait  jamais  dû  perdre.  Depuis  la  fondation  de  la  Société 
nationale  d'agriculture,  en  1761,  et  surtout  depuis  la  réimpres- 
sion de  son  immortel  ouvrage,  en  1804  (2  vol.  in-4^),  sa 
renommée  a  pris  un  nouvel  essor  ;  et  aujourd'hui  les  médailles 
décernées  par  cette  Société  aux  lauréats  des  concours  portent 
son  effigie*.  On  lui  a  même  érigé  deux  statues  :  Tune,  le  29  août 

t.  Il  y  eut  encore  onze  ou  douze  éditions  juivqu'en  1G75. 

2.  Cette  décision  fut  prise  en  pleine  Restauration,  en  1811).  Le  portrait  ori- 
ginal (aquarelle  sur  vélin)  d'Olivier  de  Serres,  qui  a  servi  de  modèle,  fut  peint, 
en  1599,  par  son  fils  Daniel,  avocat  à  Villeneuve-de-Berg,  et  se  consenre  reli- 
gieuseraent  au  domaine  du  Pradel  dont  le  grand  agronome  était  seigneur,  et 
qui  est  à  quatre  kilomètres  de  Villeneuve. 


292  CE.    DAEDTER. 

1858,  à  côté  de  la  maison  qu'il  possédait  à  Villeneuve-de-Berg, 
et  l'autre,  plus  récemment,  le  2  mai  1882,  à  Aubenas,  en  pré- 
sence de  l'illustre  M.  Pasteur. 

Tout  autre  a  été  la  destinée  littéraire  de  Jean  de  Serres.  Comme 
théologien,  philosophe,  controversiste,  poète,  et  surtout  comme 
historien,  il  eut  de  son  vivant  une  grande  notoriété,  avant  même 
que  son  frère  eût  publié  une  seule  ligne  de  son  Théâtre  dCagri-- 
culture.  Il  avait  aussi,  durant  les  troubles,  joué  un  rôle  dans 
les  affaires  politiques  de  son  temps,  ayant  servi  de  négociateur 
entre  les  chefs  du  parti  protestant  et  les  églises  réformées,  soit 
dans  l'intérieur  du  royaume,  soit  au  dehors.  Mais  après  sa  mort, 
le  silence  se  fit  bientôt  autour  de  l'homme  et  de  ses  œuvres. 

A  ce  silence  il  y  a  plusieurs  causes.  Ce  n'est  pas  que  le  meilleur 
de  ses  ouvrages  :  Commentaires  sur  l'état  de  la  religion  et 
de  la  République  dans  le  royaume  de  France,  ait  reçu  un 
mauvais  accueil  :  nous  verrons  au  contraire  qu'il  eut  le  plus 
grand  succès;  les  historiens  les  plus  impartiaux,  J.-A.  de  Thou 
en  particulier,  lui  ont  fait  de  continuels  emprunts. 

La  première  cause,  tout  extérieure,  de  cette  défaveur  a  été  la 
langue  dans  laquelle  ces  Commentaires  sont  écrits.  Le  latin  était 
alors  la  langue  universelle;  et  comme  l'auteur  a  voulu  raconter 
l'histoire  de  nos  guerres  civiles  surtout  en  vue  des  étrangers  qui 
lui  en  avaient  exprimé  le  désir,  il  a  dû  se  servir  de  la  langue  de 
Cicéron,  qu'il  maniait  du  reste,  comme  tous  les  lettrés  du 
xvi*'  siècle,  avec  une  grande  aisance.  Mais  sa  popularité  en  a 
beaucoup  souffert. 

La  seconde  cause,  plus  profonde,  a  été  la  méfiance  qu'il  a 
soulevée  contre  lui  chez  la  grande  majorité  des  protestants  et  des 
catholiques  de  l'époque,  par  son  projet  de  rapprochement  entre 
les' deux  religions.  Ce  projet  auquel  s'intéressait  Henri  IV,  et  qui 
prit  un  instant  les  proportions  d'un  événement  national,  est  très 
peu  connu  dans  ses  détails  et  ses  diverses  péripéties  ;  il  souleva 
contre  lui  les  consistoires,  les  colloques  et  les  synodes,  gardiens 
jaloux  de  la  loi  exclusive  et  de  la  discipline  rigide  établies  par 
Calvin,  et  même  provoqua  des  manifestations  hostiles  de  la  part 
des  églises  réformées  du  dehors.  J.  de  Serres  n'eut  pour  lui  que 
quelques  personnages  des  deux  communions,  magistrats  ou 
nobles  du  parti-  des  politiques,  dont  la  passion  religieuse  était 
tempérée  par  un  patriotisme  clairvoyant.  Ceux-là  eurent  à  déplo- 
rer sa  mort  au  moment  où  ils  se  flattaient  de  lui  voir  mettre  au 


JEAN   DE   SERRES.  293 

jour  un  grand  ouvrage  qu'il  préparait  sur  ce  sujet  délicat.  Il  ne 
put  en  donner  au  public  que  l'esquisse  ou  le  programme  dans  de 
petits  livrets  imprimés  ou  manuscrits.  Le  vieux  cri  payen  :  Vœ 
victis!  fut  poussé  contre  ce  vaincu  de  la  tolérance;  la  calomnie 
s'attacha  à  ses  intentions  ;  et  quoiqu'il  se  fût  défendu  victorieu- 
sement et  avec  une  certaine  fierté  dans  les  assemblées  synodales, 
sa  mémoire  resta  suspecte,  et  ses  ouvrages  antérieurs,  d'allure 
j)ourtant  très  huguenote,  ont  eu  malheureusement  à  souffrir  de 
cette  suspicion. 

Et  puis,  il  faut  bien  le  dire,  son  style  français  ou  latin  n'a 
point  cet  éclat  ni  cette  originalité  primesautière  qui  étaient  alors 
des  qualités  assez  comnmnes,  et  qui  après  avoir  attiré  l'attention 
des  contemporains  s'imposent  à  la  postérité.  Dans  les  diverses 
voies  où  il  s'est  engagé,  notre  auteur  n'a  jamais  pu,  comme  on 
l'a  dit,  «  atteindre  les  sommets*  ;  >  il  ne  s'est  placé  qu'au  second 
rang. 

Et  si,  depuis  que  les  méfiances  d'un  autre  âge  se  sont  éteintes, 
la  réparation  n'est  pas  encore  venue  pour  lui,  il  faut  en  chercher 
la  raison  dans  l'extrême  rareté  de  son  principal  ouvrage.  La 
plupart  de  ceux  qui  en  parlent  ne  l'ont  jamais  lu,  et  ils  ne 
peuvent  que  reproduire  les  jugements  formulés  par  l'esprit  de 
parti. 

Notre  ambition  serait  donc  de  remettre  en  lumière  cet  historien 
consciencieux  et  bien  renseigné,  qui  fut  aussi  un  ami  du  bien 
public.  Une  foule  de  documents  inédits  que  nous  avons  pu  tirer  les 
uns  il  près  les  autres  et  jour  après  jour  de  la  poudre  des  archives 
ou  des  bibliothèques  publiques,  et  aussi  de  précieux  renseigne- 
ments qui  nous  ont  été  gracieusement  communiqués*,  nous  ont 
rendu  cette  tàclie  facile,  en  dissipant  peu  à  peu  l'obscurité  qui  en- 
veloppait la  vie,  les  écrits  et  les  projets  de  notre  historiographe. 

Cette  obscurité  était  à  peu  près  complète.  «  On  dirait  qu'un 
voile  épais  couvre  tout  ce  qui  est  arrivé  à  cet  homme,  >  a  écrit 
Sénebier  en  commençant  la  notice  qu'il  a  consacrée  à  J.  de 

1.  A.  de  Gallior,  J.  de  Serres,  historiographe  de  France.  Lyon,  libr.  anc. 
d'Aiii;.  Brun,  1873,  p.  9,  in-8'  de  20  pages. 

2.  Nous  nous  faisons  un  devoir  de  remercier  ici  MM.  Théodore  Claparède, 
Louis  et  Théophile  Dufour,  Grivel,  de  Genève,  Henri  Rordier,  J.-A.  Barrai,  de 
Paris,  llerniinjard,  Ërnesl  Chavannes,  de  Lausanne,  E.  Arnaud,  de  Crest,  Ana- 
U)le  de  Gallier,  de  Tain,  Charles  Sagnier,  D'  Puech,  Alph.  Dumas,  de  Nfmes, 
qui  ont  bien  voulu  nous  fournir  des  extraits  de  documents,  des  indications 
ou  des  notes. 


294  Cfl.    DAEBIBE. 

Serre»*.  Et  le  savant  bibliothécaire  genevois  avait  raison.  Bayle, 
si  curieux  pourtant  et  si  chercheur,  se  plaignait  dans  ses  lettres 
de  n'avoir  trouvé  personne  qui  pût  lui  dire  s'il  était  le  même  que 
SerranuSf  le  traducteur  de  Platon.  Chauffepié,  le  P.  Lelong, 
Nicéron,  Prosper  Marchand  même  n'étaient  guère  parvenus  à 
lever  le  voile  :  leurs  notices  sont  confuses,  pleines  d'erreurs  et 
aussi  très  incomplètes.  Ménard  cite  quelques  faits  concernant  de 
Seri-es  alors  que  celui-ci  était  pasteur  dans  l'église  de  Nîmes*; 
mais  il  se  tait  sur  tout  le  reste.  Sénebier  soulève  bien  un  coin  du 
«  voile  épais  »  dont  il  parle  ;  ainsi  il  est  le  premier  à  faire  con- 
naître un  incident  fâcheux  qui  mit  an  au  ministère  de  notre 
historien  dans  l'église  de  Genève  ;  mais  il  ignore  presque  tous  les 
autres  événcîments  de  sa  vie.  U  a  même  induit  en  erreur  tous  les 
biographes  qui  sont  venus  après  lui,  en  écrivant  que  J.  de  Serres 
<  se  retira  h  Lausanne  pour  échapper  à  la  persécution  excitée 
contiv  les  protestants  de  France  sous  Charles  IX,  >  et  qu'il 
«  le  dit  lui-même  dans  la  dédicace  du  troisième  volume  de  son 
Platon.  »  Nous  verrons  qu'il  dit  tout  autre  chose,  et  même  le 
contraire,  et  qu'il  était  ^i  Suisse  bien  longtemps  avant  le  règne 
du  successeur  de  François  II. 

Depuis  Sénebier,  l'obscurité  n'a  guère  été  dissipée.  A.  Borrel, 
grAce  aux  registres  du  consistoire  de  Nimes  qu'il  avait  en  main, 
a  pu  ajouter  quelques  faits  nouveaux  à  cette  biographie  ;  mais  il 
est  oncon>  bien  incomplet  ;  et  de  plus  il  se  lais:>e,  comme  bien 
d*autivs,  ôgaivr  par  Agrippa  dWubignè,  quand  il  prétend  que 
de  SiTivs  fut  a^nvaincu  de  malversation  et  qu'il  abjura  le  pro- 
tt^îitantisnu»*.  Lt\  lUofffHtphie  universelle  de  Michaud  ne  fait 
que  ivpi\Hluiiv  les  inexactitudes  de  ses  devanciers;  elle  fait  en 
outiv  étudier  la  thtvlosrie  h  J.  de  Serres  en  France ^  Haas: 
èjvaissit  encon>  le  voile  qui  tvuvn?  notre  historien,  en  mettant  sur 
le  ivmpte  de  ^mï  jviv  (qui  s'appelait  [H>urtant  Jacques  et  non 
J«\in  ^  et  qui  ne  fut  jaitt;ùs  pasteur^  des  faits  qui  lui  5*.^nt  arrives 

I*  îr:.  i^î^  :^î.^  ^*t.  ^îsV  ^4. 

X  ii0S  dfi  ^fhsit  de  Xt«M«L  Nî»e*.  IS5C.  jv  l  >îh\ 


JEAN    DE  SERR8S.  295 

h  lui-même*.  Enfin  Y  Encyclopédie  de  Herzog  ne  connaît  pas 
notre  personnage  ;  à  l'article  Serranus  Joannes  il  y  a  cette 
simple  ligne  :  «  C'est  le  pseudonyme  de  François  Lambert  d'Avi- 
gnon. »  Cela  est  vrai,  Lambert  a  porté  ce  surnom  en  Alle- 
magne*. La  publication  d'outre-Rhin  ignore  donc  notre  J.  de 
Serres,  qui  mérite  cependant  d'être  connu  presque  autant  que  le 
réformateur  de  la  Hesse. 

Grâce  k  quelques  points  de  repère  indiscutables  fournis  par 
des  documents  officiels  jusqu'ici  ignorés,  mal  compris  ou  négli- 
gés, nous  avons  pu  nous  orienter  sur  cette  route  obscure. 

Jean  de  Serres  nous  apprend  lui-même,  dans  une  dédicace, 
que  «  jeune  enfant  >  (puer)  il  a  étudié  à  Lausanne,  et  que,  «  aussi 
loin  que  peuvent  remonter  ses  souvenirs^,  >  il  se  souvient  avec 
gratitude  de  ce  que  les  magistrats  de  la  république  de  Wevne  ont 
fait  pour  lui.  Il  rappelle  que  Jérôme  Manuel,  «  homme  très  cul- 
tivé, une  des  plus  grandes  lumières  de  la  république,  »  était 
«  alors  bailli  de  Lausanne  »  {Lausannœ  tum  prœfectus).  Or, 
ce  Manuel  a  exercé  cette  charge  du  mois  de  septembre  1553  à  la 
Saint-Michel  (29  septembre)  1557^ 

C'est  donc  à  Lausanne  que  J.  de  Serres  a  fait  ses  études  clas- 
siques. Et  comme  il  est  né  vers  1540,  peut-être  faut-il  croire 
qu'il  était  dans  cette  ville  avant  1553,  car  les  premiers  souvenirs 
d'un  enfant  remontent  plus  haut  que  l'âge  de  treize  ans.  Quoi 
qu'il  en  soit,  il  a  passé  la  frontière  pour  échapper  à  la  persécu- 
tion, soit  après  les  massacres  des  Vaudois  de  Provence  par  le 

fois,  rroyoDft-nuuft,  dans  les  Jugements  sur  la  noblesse  de  Languedoc  (p.  32 i 
de  la  "1'  partie  du  t.  I"  des  Pièces  fugitives  pour  servir  à  Ikiil.  deFrance)^  a 
été  reproduite  par  tous  les  historiographes,  et  a  été  ellc-inéine  la  cause  d'autres 
erreurs  plus  grayes.  L'acte  notarié,  qui  date  de  1569,  doit  faire  évidemment 
autorité  à  cet  égard.  J.  de  Serres  savait  le  prénom  de  sou  |)ére  mieux  que  ne 
le  savaient,  un  siècle  plus  tard.  les  descendants  d'Olivier,  quand  ils  fournirent 
à  M.  de  Bezons,  intendant  du  Languedoc,  les  notes  généalogiques  qui  tirent 
maintenir  les  Serres  du  Pradel  dans  leur  noblesse.  Au  reste,  ces  Jugements 
publiés  par  le  marquis  d*Aubais  et  Ménard,  dans  leur  ouvrage  de  IT.VJ,  pré- 
sentent une  inexactitude  inconcevable  qui  nous  donne  le  droit  de  ne  pas  tou- 
jours les  croire  sur  parole,  car  «  l'historiographe  du  roi  i  nous  est  donné 
comme  »  (ils  w  d'Olivier,  alors  qu'il  était  son  frère  cadet  (Ibid.). 

1.  /r.  prot.,  t.  IX,  p.  256. 

2.  Ilerminjard,  Correspondance  des  Rt^formateurs^  t.  I,  p.  116. 

3.  a  Quoad  longissimè  |H)test  mens  mea  respicere  spatium  praeteriti  tem- 
poris,  et  pueritiae  memoriam  recordari  ultimam.,.  i  (Kpître  dédie,  aux 
magistrats  de  la  rép.  de  Berne  dans  le  t.  111  de  la  trad.  de  Platon,  VtlS.) 

4.  Archives  cantonales,  comptes  des  baillis  de  Lausanne  pour  MM.  de  lierue. 


296  CH.    DIRDIBR. 

baron  d'Oppède,  soit  après  l'odieux  édit  de  Châteaubriant  qui 
pouvait  faire  craindre  de  nouvelles  exécutions  générales.  Et  il 
n'eut  aucun  danger  à  courir  lors  de  la  Saint-Barthélémy,  car  il 
n'était  pas  encore  rentré  dans  sa  patrie  à  cette  époque. 

Il  nous  l'apprend  encore  lui-même  dans  cette  précieuse  dédi- 
cace aux  Bernois  du  t.  III  de  son  Platon ^  à  laquelle  nous  avons 
fait  tout  à  l'heure  allusion.  En  rappelant  le  souvenir  de  «  cette 
nuit  désastreuse  dans  laquelle  sa  patrie  en  délire  se  déchira  avec 
fureur  ses  propres  entrailles*,  »  il  ne  se  met  pas  personnellement 
en  cause  ;  il  dit  au  contraire  qu'en  outre  de  la  gratitude  par- 
ticulière qu'il  doit  à  la  république  de  Berne  pour  les  bienfaits 
dont  il  a  été  jadis  comblé  par  elle,  comme  personne  privée, 
lors  de  son  arrivée  à  Lausanne,  il  ne  peut  oublier  tout  ce  qu'elle 
a  fait  pour  la  France  entière  en  faveur  des  réchappes  du  mas- 
sacre, ni  les  ambassades  qu'elle  a  envoyées  à  la  cour,  durant  les 
guerres  de  religion,  pour  ramener  la  paix*.  Le  danger  pour  lui, 
après  quatorze  ans  passés  hors  de  Lausanne  (nous  verrons  que 
ce  fut  à  Genève,  de  1559  à  la  fin  de  1572),  aurait  été  d'avoir  k 
rentrer  dans  sa  patrie  au  lendemain  de  la  nuit  terrible  ;  il  aurait 
été  certainement  enveloppé  dans  cette  effroyable  tempête.  Mais 
cette  éventualité  menaçante  ne  se  présenta  pas  pour  lui.  En  quit- 
tant Genève,  à  la  suite  d'une  fâcheuse  mésaventure  qui  compro- 
mit un  instant  son  avenir,  il  fut  accueilli  avec  empressement  et 
affection  par  les  magistrats  du  pays  de  Vaud,  «  non  comme  un 
étranger,  mais  comme  un  combourgeois.  »  Il  fut  ainsi  sauvé  par 
eux  du  péril  qui  l'attendait,  et  il  leur  en  4émoigna  avec  effusion 
toute  sa  reconnaissance^. 

Cette  discussion  sur  le  texte  de  cette  dédicace  nous  a  paru 
nécessaire  pour  asseoir  la  biographie  de  Jean  de  Serres  sur  une 
base  vraie  et  solide.  Nous  comprenons  du  reste  qu'on  se  soit 


1.  «  Feralis  illius  noctis  quâ  insaniens  patria  in  propria  ?iscera  debacchata 

est.  > 

2.  «  At  praeter  privatas  mihi  peculiaresque  has  rationes  accedit  quoqxie 
communis  patriae  obligation  etc.  » 

3.  «  At  quum  posi  annos  quatiLordecim  me  varia  emensum  discrimina  (ce 
dernier  mot  doit  se  traduire  par  épreuves,  traverses  et  non  par  dangers),  Deus 
ad  vos  me  reduxisset,  haud  me  ut  peregrinum  gravissimis  temporibus  mets, 
opportunissimè  eicepistis...  sed  ut  penè  civem  vestrum  amplexi  estis  ;  quum 
ea  tempestas  quae  in  patriam  meam  universam  inundabat,  me  quoqi^  pecu- 
liariter  involutare  videretur  (remarquons  ce  futur  conditionnel)  faToreni 
auxiliumque  vestrum  mihi  clementer  obtulistis,  etc.  » 


JEAN   DE  SERRBS.  297 

mépris  jusqu'à  présent  sur  le  sens  de  ce  texte,  parce  qu'on  igno- 
rait certains  incidents  désagréables  de  la  vie  de  l'auteur,  et  que 
celui-ci  n'a  voulu  faire  allusion  à  ces  incidents  qu'en  termes 
discrets  et  intentionnellement  vagues.  Rien  ne  l'obligeait,  en 
effet,  à  faire  au  grand  public  la  confidence  de  ses  ennuis  per- 
sonnels. 

Essayons  maintenant  de  tracer  les  lignes  principales  de  sa  vie 
et  de  ses  œuvi'es,  en  nous  attachant  avant  tout,  sinon  d'une 
manière  exclusive,  à  ce  qui  entre  plus  particulièrement  dans  le 
cadre  de  cette  Revue. 

I. 

VILLENEUVE-DE-BERO.    PREMffiR   SEJOUR   A    lAUSANNE.    GENEVE. 

1540-octobre  1572. 

Jean  de  Serres  naquit,  vers  1540,  aux  environs  de  Villeneuve- 
de-Berg*,  évidemment  au  Pradel,  domaine  paternel  qui  ne  fut 
érigé  que  plus  tard  en  fief  par  suite  de  l'illustration  d'Olivier, 
car  dans  le  contrat  de  mariage  de  notre  historien,  en  1569,  le 
père  est  simplement  qualifié  de  «  bourgeys  de  Villeneuf\'e  en 
Vivarays.  »  Sa  mère  s'appelait  Louise  de  Léris  (ou  Lheris).  En 
outre  du  célèbre  agronome,  qui  fut  l'aîné  de  la  famille  et  seigneur 
du  Pradel,  il  y  eut  un  troisième  fils,  Raymond,  qui  est  appelé 
par  Dorthès,  dans  son  Eloge  d'Olivier,  «  seigneur  de  Lauriol,  en 
Dauphiné.  »  Toutefois,  dans  le  contrat  de  mariage  de  Jeanne  de 
Serres,  fille  de  Jean,  avec  Salomon  de  Mercz,  passé  à  Loriol,  le 
8  octobre  1611,  dans  la  maison  de  Raymond,  celui-ci  n'est  pas 
indiqué  comme  seigneur  du  lieu.  S'il  avait  eu  cette  noblesse,  le 
notaire  n'aurait  pas  négligé  ce  détail  alors  important.  Le  pané- 
gyriste a  voulu  donner  ce  qualificatif  au  frère  de  son  héros  par 
pure  politesse*. 

Quant  aux  ascendants  des  Serres,  ils  étaient,  d'après  l'opi- 
nion jusqu'ici  accréditée,  originaires  du  Vivarais.  Un  document 
du  xiv®  siècle  retrouvé  sur  les  lieux  par  l'abbé  Mollier  prouve  la 
présence  du  grand-i)ère  et  du  père  d'Olivier  et  de  Jean  à  Ville- 

1.  t  VtH  (Ic  ViUcneufvcMlc-Bcrc,  »  dit  un  mémoire  autographe  de  son  gendre 
Salomon  de  Merez,  cité  par  M.  de  Gallier  (/.  de  Serres,  p.  17)- 

2.  Ibid.y  p.  6. 

HeV.  IllSTOR.  XXn.   2«  FASC.  20 


298  CH.    DiRDtER. 

neuve-de-Berg*.  D'un  autre  côté,  on  pourrait  induire  de  quelques 
renseignements  fournis  par  Prosper  Marchand*  que  la  Tour-de- 
Serres,  près  d'Orange,  qui  sera,  nous  le  verrons,  «  le  bien  prin- 
cipal »  de  notre  historien,  aurait  été  le  berceau  de  la  famille; 
ce  serait  dans  tous  les  cas  d'une  branche  aînée  dont  le  chef  se 
serait  appelé  François^. 

Après  avoir  fait  ses  études  classiques  à  Lausanne,  jusqu'à  la 
fin  de  1558  ou  au  commencement  de  1559,  J.  de  Serres  alla  à 
Genève  pour  suivre  un  cours  de  théologie.  Il  nous  dit  lui-même 
dans  répître  au  lecteur  du  t.  I  de  son  Platon  qu'il  s'était  con- 
sacré «  dès  l'âge  le  plus  tendre  »  {ab  ineunte  œtate)  au  service 
de  réglise  de  Dieu.  Il  fit  partie  de  la  première  fournée  d'étudiants 
qui,  en  1559,  peuplèrent  la  nouvelle  académie  fondée  par  Calvin. 
Il  est  inscrit  sur  le  livre  du  recteur  :  Joannes  Serranus  Viva- 
riensis*.  Il  avait  alors  dix-neuf  ans.  Ses  études  théologiques 
terminées,  il  fut  bientôt  élu,  en  juin  1566,  «  pédagogue  desenfants 
en  l'hospital  ^,  »  place  modeste  qu'il  échangea  au  mois  de  juillet 
contre  celle  de  Jussy,  quand  le  ministre  de  cette  église  de  cam- 
pagne, Jean  Pinault,  passa  à  la  ville. 

Au  printemps  de  Tannée  suivante,  le  vendredi  après  Pâques 
1567,  «  il  partit  pour  aller  en  son  pays  pour  donner  ordre  à 
quelques  siennes  affaires  particulières*.  >  Ces  congés  reviennent 
fréquemment  et  nous  les  signalons  ici,  parce  qu'ils  aident  à  com- 
prendre un  fait  qui  sans  cela  serait  inexplicable,  à  savoir  que  le 
pasteur  réfugié  ait  pu  connaître  à  fond  et  en  détail  les  divers  évé- 
nements qui  se  déroulaient  loin  de  lui  dans  sa  patrie.  Avec  son 
esprit  investigateur  et  sa  passion  pour  Tétude,  il  aura  mis  à 
profit  ces  loisirs  qu'il  se  ménageait  très  souvent,  trop  souvent 
au  gré  des  églises  qu'il  desservait. 

Il  se  maria,  le  lundi  25  avril  1569,  avec  Marguerite,  fille  de 
feu  Pierre  Godary  '  et  de  IJernardine  Richier.  Cette  famille,  qui 

t.  Recherches  hist.  sur  VUlen.'de-Berg,  Avignon,  1866,  p.  206. 

2.  Dict,  hist.y  t.  ll«  p.  213. 

3.  De  Gallior,  /.  de  Serres,  p.  5. 

4.  Catalogue  des  Étudiants  de  l'Académie  de  Genève,  de  1559  à  1850. 
GenvHo,  J.-G.  Fick.  ISlU).  p.  3. 

5.  Archives  de  la  Coiu|Kignie  des  Pasteurs  de  GenèTC,  reg.  B. 

6.  Ibid. 

7.  Ce  nom  de  Giniary  esl  écril  de  diverses  manières  dans  les  documents 
que  nous  avons  consultés  :  Godarri,  Godani,  Godavi,  Godari.  Nous  donnons  la 
vraie  orthivgraphe  d'après  une  signature  autographe  de  Marguerite  Godary  qui 
se  trouve  au  bas  d  une  redonniissance  faite  par  J.  de  Serres  à  sa  femme 
(minute  du  notaire  de  Mme»,  Sabatier,  datée  du  ï  mai  1583}. 


JEAN   DE  SERRES.  299 

s'était  réfugiée  à  Genève  pour  cause  de  religion*,  était  originaire 
de  Saint-Mihiel  en  Lorraine.  Le  mariage  fut  bénit  dans  la  cathé- 
drale de  Saint-Pierre,  «  au  sermon  de  six  heures,  »  par  le 
ministre  Nicolas  Colladon  *. 

I^  contrat  de  mariage  avait  été  passé,  le  26  mars  1569,  par 
«  Jehan  Ragueau,  notaire  public  et  bourgeys  de  Genève,  »  «  en 
la  maison  de  Jean  d'Alamont,  bourgeys  de  Genève,  »  qui  était, 
comme  la  famille  de  la  fiancée,  du  pays  de  Lorraine'. 

Trois  semaines  avant  la  célébration  du  mariage,  le  consistoire 
s'était  disciplina  irement  enquis  de  ce  projet  d'union  «  pour  le 
bas  aage  qu'on  prétend  la  dicte  fille  pouvoir  estre.  >  La  mère  et 
la  fille  avaient  dû  comparaître  devant  le  vénérable  corps.  «  La 
dicte  Bernardine,  lisons-nous  dans  le  procès-verbal  de  ce  jour,  a 
dict  sa  fille  pouvoir  estre  aagée  de  quatorze  ans,  si  elle  avoit 
atteint  le  premier  dimanche  de  juillet  prochain  ;  >  et  sur  les 
observations  du  consistoire  qu'elle  était  bien  j)ressée  de  marier  sa 
fille,  la  mère  déclara  que  «  combien  qu'elle  l'heust  promise  à 
présent  elle  heust  bien  préféré  de  la  garder  encore  ung  an  ou 
deux  n'heust  esté  le  bon  party  qui  luy  est  survenu  présentement, 
lequel  elle  n'a  osé  laisser  passer.  Sur  ce  que  dessus,  combien  que 
la  dicte  fille  soit  de  petite  et  debille  stature,  estant  néanmoins 

1.  Pierre  Godary  fut  rorii  bourgeois  de  Oenève  gratis,  le  8  mai  1559,  f  A 
cause  des  services  qu'il  peut  rendre  |H)ur  les  fortifications,  o  Ailleurs,  il  est  dit 
qu'  c  il  est  homme  ingénieux  pour  les  forteresses,  et  est  venu  icy  pour  la 
parole  de  Dieu  •  (Amédée  Roget,  Hist  du  peuple  de  Genève,  t.  V,  p.  55Î).  Son 
beau-ptïrc,  Ligier  ou  Léger  Ricbier,  célèbre  sculpteur  lorrain,  s'était  aussi 
n*liré  à  Genève  |>our  cause  de  religion,  et  il  y  mourut  deux  ans  avant  le  mariage 
de  sa  |>etite-(ille  avec  J.  de  Serres.  Il  y  a  dans  les  minutes  de  J.  Ragueau, 
notaire,  t.  IX,  p.  539,  aux  archives  de  Genève,  à  la  date  du  23  septembre  t567, 
un  acte  de  partage  de  ses  biens,  sis  à  Saint-Mibiel,  en  Barrois,  et  de  sommes 
])Iacées  à  Genève,  entre  sa  veuve,  Marguerite  Royer  et  ses  deux  enfants,  Gérard 
et  Bernardine.  C«  grand  artiste,  dont  on  s'occupe  beaucoup  à  cette  heure,  est 
une  des  gloires  du  protestantisme  français. 

2.  Reg.  des  mariages  du  Saint-Pierre,  vol.  1558-1571. 

3.  Arch.  de  Genève,  iiiinutes  de  J.  Ragueau,  t.  XI,  p.  232.  Nous  pouvons 
ainsi  rectifier  une  erreur  commise  par  un  des  gendres  de  J.  de  Serres,  Salo- 
mon  de  Merez,  dans  un  Mémoire  publié  par  M.  de  Gallier  (p.  17).  D'après  ce 
Mémoire  f  le  mariage  aurait  eu  lieu  i  à  Losane,  le  2G*  mars  15G9.  »  Otte  date 
est  celle  du  contrat,  non  du  mariage,  et  c'est  à  Genève  que  contrat  et  mariage 
ont  eu  lieu.  I^  jeune  é|N»use  apporta  on  dot  «  la  somme  de  quinze  centz 
esculz  en  deniers  faisant  la  somme  de  troys  mille  sept  centz  cinquante  Uvres 
tournons  et  en  meubles  cent  escutz.  i  La  mère  devait  garder  l'argent  en 
payant  l'intérêt  jusqu'à  ce  que  ré|K)ux  eût  de  quoi  représenter  et  garantir  la 
dot.  1^  somme  de  trois  mille  francs  était  due  à  celui-ci  «  par  son  frère  The* 
ritier  »  (Olivier  de  Si»rres). 


300  CH.    DARDIEn. 

parvenue  à  Taage  susdict  on  a  renvoyé  les  parties  à  nos  très 
Hon.  Seigneurs,  qui  sont  priés  les  ouir  de  ce  chef  et  après  avoir 
considéré  lefaict  en  faire  telle  vuidance  que  leurs  prudences  sau- 
ront trop  mieulx  congnoistre  et  estre  expédient*.  »  Le  conseil 
autorisa  le  mariage,  la  loi  ne  s'y  opposant  point.  Au  reste,  la 
jeune  épouse  grandit  et  se  fortifia  devant  Dieu  et  devant  les 
hommes,  pour  le  bonheur  de  son  époux,  car  elle  lui  donna  neuf 
enfants*. 

Quelques  mois  après  son  mariage,  J.  de  Serres  éprouva  une 
singulière  difficulté,  unique  peut-être  dans  son  genre.  Il  était 
allé  en  ville,  où  sévissait  la  peste  ;  ses  ouailles  de  «  Fonsonay  > 
(Foncenay,  alors  annexe  de  Jussy)  ne  voulurent  point,  par 
crainte  de  la  contagion ,  qu'il  allât  leur  prêcher.  Le  pasteur , 
embarrassé ,   demanda  au  conseil  ce   qu'il  devait  faire.  Sur 

1.  Reg.  du  consist.  de  Genève,  extraits  Cramer,  autogr.,  in-4%  p.  160.  — 
Nous  trouvons  dans  la  minute  du  contrat  la  confirmation  de  la  f  petite  et 
debille  stature  >  de  Marguerite  dont  parle  le  registre  du  consistoire.  Sa  mère 
a  gardé  entre  ses  mains,  depuis  la  mort  du  père,  «  la  somme  de  douze  centz 
esculz  en  deniers  prenant  chascung  escut  pour  cinquante  soiz  tournoys,  •  qui 
était  une  partie  du  a  bien  et  fond  paternel.  »  Et  en  rendant  compte  de  la  ges- 
tion de  cette  somme,  elle  ajoute  :  f  Et  ce  depuys  neuf  ans  ou  environ  pen- 
dant lequel  temps  elle  a  nourry  et  entretenu  sa  dicte  fille,  mesmes  pour  ce 
qu'elle  estoyt  de  petite  complexion  et  souvent  mallade  a  extraordinairement 
frayé  grandz  deniers  aux  médecins  et  apothicaires  dont  toutesfoys  elle  n'a 
heue  aucung  mémoire  ou  registre  pour  n'avoir  tousiours  heu  la  commodité 
d'ung  cler.  » 

2.  Nous  donnons  ici,  en  la  complétant  d'après  les  registres  du  consistoire 
et  ceux  de  l'état  civil  de  Nîmes  et  aussi  un  mot  d'une  lettre  inédite  de  Serres, 
la  liste  de  ces  neuf  enfants,  que  nous  trouvons  dans  l'opuscule  de  M.  de  Gai- 
lier,  p.  14  : 

1*  Marie,  déjà  morte  en  1612,  épousa  Louis  Giraud; 

2**  Suzanne,  épousa  Salomon  Faure  ou  du  Faure  ; 

3**  Jeanne,  née  sans  doute  à  Villeneuve-de-Berg  en  décembre  1579  (Reg.  du 
consist.  de  N.,  t.  III,  p.  85),  épousa  Salomon  de  Merez  en  1011; 

4*  Bonne,  baptisée  à  Nîmes  le  24  mai  1581,  épousa  à  Loriol  Claude  de  Cliou  ; 

5*>  Isabeau,  baptisée  à  Nîmes  le  2  octobre  1582,  épousa  Jacques  Pissis, 
notaire  et  procureur  à  Crest; 

6*"  Catherine,  sans  alliance  ; 

7*  Gabrielle,  épousa  Jean  Cuchet,  docteur  en  théologie  à  Châteaudouble  ; 

8*  Jean,  né  sans  doute  en  octobre  1589  (Reg.  consist.,  t.  V,  p.  284),  inscrit 
comme  étudiant  en  théologie  à  Genève  {Livre  du  Recteur ,  p.  82)  :  Johannes 
Serranus  Auransionensis  (d'Orange)  fUius  lohannis  Serrani  hùtoriographi 
regii,  die  23  aprilis  1616; 

9*  Théodore,  né  avant  le  mois  de  juillet  1594,  car  le  25  de  ce  mois,  de 
Serres  écrit  à  Th.  de  Bèze  :  «  Et  mesme  mon  petit  Théodore  qu'on  appelle 
vostre  fiUeul,  s'il  savoit  parler,  vous  en  diroit  autant  »  (Bibl.  nat.,  collect. 
Dupuy,  t.  CIV,  f.  132).  U  mourut  à  Nîmes  le  3  janvier  1610. 


JEAN   DE  SERRES.  301 

quoi  ce  dernier  arrête  <  qu'on  en  ayt  avis  des  ministres*.  > 

Dans  cette  même  année  1569,  il  se  mit  à  la  composition  de  son 
premier  ouvrage,  qui  devait  jeter  un  si  grand  lustre  sur  son  nom, 
et  qui  est  aujourd'hui  pour  nous  la  meilleure  et  la  plus  intéres- 
sante partie  de  son  bagage  littéraire  :  Commentariorum  de 
statu  Religionis  et  reipublicœ  in  Regno  Galliœ  I.  Partis^ 
Libri  II L  Regibus  Henrico  secundo  ad  illius  quidem 
regni  finem,  Francisco  secundo,  et  Carolo  Nono.  Reco- 
gniti  et  plensque  in  locis  emendati,  Excusum  anno  salu- 
tis  1572.  Nous  donnons  le  titre  de  la  seconde  édition.  La 
première  a  dû  paraître  Tannée  précédente,  mais  nous  n'avons  pu 
jusqu'à  présent  nous  en  assurer  de  visu;  car  si  les  cinq  parties 
de  ces  Commentait^es  sont  rarissimes,  la  première  édition  de  la 
première  partie  est  introuvable*.  Dans  tous  les  cas,  la  deuxième 
partie  et  la  troisième  ont  paru  pour  la  première  fois  en  1571, 
puisque  les  deux  volumes  qui  portent  cette  date  et  que  nous 
avons  vus  à  la  bibliothèque  du  protestantisme  français,  place 
Vendôme,  à  Paris,  ne  disent  pas  que  ce  soit  une  édition  nouvelle, 
revue  et  corrigée,  ce  que  les  auteurs  même  anonymes  ne 
manquent  jamais  d'indiquer. 

Chacun  de  ces  trois  volumes  ou  parties  est  divisé  en  trois 
livres.  Le  premier  volume  va  du  mois  de  septembre  1557  (sur- 
prise et  massacre  de  l'assemblée  des  protestants  à  Paris  dans  la 
rue  Saint-Jacques)  à  l'édit  de  janvier  1562.  Le  dernier  tiers  du 
volume  est  consacré  au  colloque  de  Poissy. 

Le  second  volume  raconte  la  première  guerre  civile.  Il  va  de 
redit  de  janvier  1562  k  l'édit  de  mars  15^3  et  au  supplice  de 
Poltrot  de  Méré,  assassin  de  Fr.  de  Guise. 

Le  troisième  volume  va  du  printemps  de  1563  au  mois 
d'août  1570  et  contient  le  récit  de  la  seconde  et  de  la  troisième 
guerre  civile. 


1.  \\ù%.  du  conseil  (lo  Genève,  5  août  1569. 

2.  Nous  croyons  que  rêdition  princc|)8  du  premier  volume  ou  première 
partie  n'est  pas  de  1570,  comme  le  dit  Bninet  {Manuel  du  libraire,  II,  187), 
mais  de  1571.  entre  autres  raisons  parcelle-ci;  l'auteur  lui-même,  dans  la  qua- 
trième édition  de  ce  volume,  dit  :  c  Cet  opuscule  a  dépassé  num  attente;  je 
croyais  qu'il  ne  durerait  ((u'un  jour,  et  \oilà  la  septième  année  qu*il  est  sorti 
de  son  berceau  u  {seplimus  annus  a  suis  incunatmlis  ridet  adhuc  supersti- 
tem).  La  (fuatrième  édition  étant  de  1577,  la  première  dtmt  il  parle  doit  donc 
être  de  1571.  Au  reste,  il  fallait  bien  au  moins  deux  ans  complets  à  l'auteur 
|HMir  prendre  toutes  les  informations  et  recueillir  tous  les  documeots  histo- 
riques dont  il  a  rempli  son  ouvrage. 


302  CH.    DARDIËR. 

Le  tome  quatrième  ou  la  quatrième  partie  conteDant  les 
livres  X,  XI  et  XII  parut  en  1575,  et  va  du  terrible  hiver 
de  1570-71  à  la  mort  de  Charles  IX,  30  mai  1574. 

Cinq  ans  plus  tard,  la  cinquième  partie  ou  cinquième  tome 
comprenant  les  livres  XIII,  XIV  et  XV  sortit  des  presses  de 
Jean  Jucundus  de  Leyde,  1580.  Ce  volume  va  de  la  mort  de 
Charles  IX  à  l'édit  du  6  mai  1576. 

Le  dernier  volume  est  le  seul  qui  indique  le  lieu  d'impression. 
Tous  les  autres  se  taisent  à  cet  égard.  Mais  les  trois  premiers 
durent  paraître  à  Genève  et  le  quatrième  à  Lausanne. 

L'auteur  n'a  mis  son  nom  à  aucun  de  ces  volumes  ;  toutefois 
l'hésitation  n'est  pas  permise.  Brunet  prétend^  que  «  la  première 
partie  de  cet  ouvrage  curieux  est  une  traduction  des  Commen- 
taires de  V estât  de  la  religion^  de  Pierre  de  la  Place.  »  C'est 
une  erreur*.  Et  il  ajoute  que  «  les  autres  volumes  sont  attribués 
à  Jean  de  Serres.  »  Nous  devons  être  plus  affirmatif  sur  ce  der- 
nier point.  Les  quinze  livres  de  nos  Commentaires  sont  incon- 
testablement de  notre  historiographe  ;  il  en  a  revendiqué  haute- 
ment la  paternité  dans  un  ouvrage  qu'il  a  signé  de  son  nom. 
Dans  la  préface  sous  forme  d'épître  aux  Français  qu'il  mit  eu 
tête  de  son  Inventaire  général  de  Vhist,  de  France^  et  qui 
fut  écrite  en  1595  (c'est  du  moins  la  date  du  «  Privilège  du  Roy  » 
qui  fut  signé  à  Lyon  le  13  de  septembre  de  cette  année),  il  dit  : 
«  Il  y  a  vingt  et  six  ans  environ  (donc  en  1569)  qu'on  me 
poussa  fort  jeune  sur  le  théâtre,  pour  y  faire  voir  l'histoire  de 
nos  malheurs.  Le  désir  des  nations  estrangeres  enfanta  ce  des- 
sein, curieuses  de  sçavoir  le  particulier  récit  de  ces  tragédies.  A 
raison  de  quoi  je  presentay  ce  coup  d'essay  en  latin,  pour  estre 
entendu  par  les  estrangers.  Je  le  tenois  pour  avorton,  et  estimois 
sa  mort  à  fort  petite  perte.  Le  succez  neantmoins  en  a  esté  plus 
grand  que  mon  projet.  Car  ayant  esté  caressé  par  le  public  outre 
son  mérite,  il  s'est  tellement  acreu  que  d'un  livre  en  voila  quinze, 
et  mesme  refaits  par  diverses  impressions.  Et  à  mesure  que  l'en- 
fant s'est  augmenté,  aussi  son  père  a  eu  diverses  commoditez  de 
lui  faire  du  bien.  » 

Il  est  donc  bien  l'auteur,  le  «  père  »  des  quinze  livres  des 

1.  Man.  duHhr,,  II,  187. 

2.  J.-A.  de  Thou,  dans  son  Hist.  univ.y  indique  parmi  Jcs  sources  où  il  a 
puisé  :  Johannes  Serranus  et  P.  de  la  Place,  preuTe  que  ces  deux  auteurs 
aTaient  publié  des  ouvrages  qu'il  savait  distincts. 


JEi\   DE  SEKEES.  303 

Commentaires.  Si  la  première  partie  avait  été  une  simple  tra- 
duction de  l'ouvrage  de  Pierre  de  la  Place,  c'aurait  été  une 
insigne  maladresse  de  no  pas  le  dire,  car  il  n'aurait  pu  le  cacher 
longtemps  au  public.  Il  suffit,  d'ailleurs,  de  confronter  quelques 
lignes  des  deux  opuscules  pour  voir  que  l'un  n'est  pas  du  tout 
une  traduction  de  l'autre.  Ce  qui  nous  parait  vrai,  c'est  que  J.  de 
Serres  a  eu  sous  les  yeux,  pour  composer  son  premier  volume, 
les  Commentaires  de  La  Place,  dont  deux  éditions  avaient  paru 
en  1505.  Et  il  y  fait,  croyons-nous,  allusion  dans  la  Praefatio 
ad  leciorem  de  la  quatrième  édition  de  son  ouvrage  (1577)  : 
«  A  part,  dit-il,  certains  écrits  nés  des  circonstances  mêmes,  et 
certains  Commentaires  en  français,  rien,  que  je  sache,  n'a  été 
publié,  et  j'ai  écrit  de  manière  à  être  compris  de  tous*.  »  Il  y  a 
des  pages  entières  qui  sont  identiques,  cela  est  vrai,  mais  ce 
sont  des  documents  officiels,  requêtes,  arrêtés  ou  disœurs,  qu'il 
fallait  reproduire  textuellement  sous  peine  d'infidélité  :  ainsi  le 
discours  de  Th.  de  Bêze  au  colloque  de  Poissy  (p.  128-141)  et  sa 
réponse  au  cardinal  de  Lorraine  (p.  148-163).  Il  y  a  pourtant 
dans  le  récit  de  ce  colloque  quelques  détails  qui  ne  se  tnjuvent 
pas  dans  l'ouvrage  de  La  Plaoe. 

J.  de  Serres  a  eu  certainement  d'autres  sources  à  sa  di«p>sition. 
Lesquelles?  Nous  avons  intérêt  à  le  rechercher,  car  un  historien 
n'a  de  valeur  que  par  les  d^xruments  qu'il  a  pu  œnsult/;r,  Ir» 
informations  qu'il  a  prises,  \f>  mf>i*;les  dont  il  .s'est  inspiré,  l'es- 
prit enfin  qu'il  a  apporté  à  la  mi-se  en  œuvre  de  ces  rens^'igne- 
ments. 

Disons  d'abord  qu'il  a  pris  j<iur  guide  le  plus  célèbre  de  tous 
les  historiens  prot^tants  du  wt  siècle.  Slei^lan,  qu'il  ap[Kflle 
avec  raison  <  vir  dc^-tissimus  >  et  dont  les  CoynmerUarii  de 
statu  religionis  et  reipuhlicae  Carolo  V  caesare  excitaient 
une  admiration  uL-vervrlle.  Il  commence  T^m  hist/^ir»?  au  [Kjint 
précis  où  son  illu.%tre  uï<A^\^  l'avait  laLsjséie.  a  savoir  en  1557  ;  et 
il  semble  s'être  emparer  dj  litre  de  .v>n  fj\i\rà'^h,  fK>ur  marquer 
qu'il  suivra  la  mérr-^  rr^tb-yie. 

Nous  ne  mettoLs  pa.»  e:.  doute  que  J.  de  .Serr*î»  n'ait  eu  en 
main  YHist.  des  Ma*  t*/r$  de  Crespin,  dor,t  cinq  êriitions  (leH 

f.  €  Prêter  «irn  *^n;U  q*»**l*î*i  4  r*:  tt*U  HjU,  *-i  q'iOt4am  fjailiro  «^r- 
moM^  comment  fanion  mi.:  'f\j4  ki/utt*  t/ru^n^tutn  ^-lUI  rn*  îU  <onw  rij»- 
tam  ot  àb  otB^iibu*  f^^taf.\z'iMr  isULiiiJ   |-f/**jt  »    ;•  ^-^it  ,  !",  t.  I,  f'  ij  r. 


304  CH.    DiRDIER. 

deux  premières  et  la  cinquième  en  français  »  la  troisième  et  la 
quatrième  en  latin)  étaient  déjà  sorties  de  presse,  à  Genève,  du 
vivant  de  l'auteur,  le  célèbre  imprimeur-libraire  :  1554,  1555, 
1556,  1560,  1570.  On  pourrait  sans  peine  indiquer  les  emprunts 
divers  qu'il  a  faits  à  cet  ouvrage.  Et  il  faut  convenir  qu'il  ne 
pouvait  mieux  trouver  en  fait  d'exactitude  et  d'indépendance; 
car  le  Martyrologe^  suivant  le  témoignage  de  La  Faye,  dans 
sa  Vie  de  Bèze,  a  été  composé  avec  le  plus  grand  soin,  un  tra- 
vail incroyable  et  une  bonne  foi  extrême.  Et  ce  témoignage  d'un 
contemporain  est  confirmé  par  les  découvertes  qui,  depuis  la 
renaissance  des  études  historiques,  sont  faites  chaque  jour  dans 
les  diverses  archives  d'État  où  sont  déposés  les  documents  officiels. 

J.  de  Serres  a  pu  également  utiliser  les  deux  opuscules  de  Th. 
de  Bèze,  qui  avaient  paru  à  Genève  en  1561  :  Les  harangues 
de  Bèze  faites  au  colloque  de  Poissi,  et  Ce  qui  a  été  pro- 
posé au  colloque  de  Poissipar  Th.  de  Bèze.  I^s  pièces  qu'il 
y  trouvait  étaient  d'une  authenticité  indiscutable. 

A  quelles  autres  sources  écrites  notre  historiographe  a-t-il 
puisé?  —  Pour  les  éditions  de  son  ouvrage  autres  que  la  première, 
nous  croyons  pouvoir  indiquer  les  Mémoires  de  la  troisième 
guerre  civile  et  les  derniers  troubles  de  la  France, 
C /taries  IX  régnant,  composés  en  quatre  livres  contenant 
les  causes  y  occasions,  ouverture  et  poursuite  d'icelle  guerre, 
Marc,  XIII,  7.  1571,  481  pages  in-l2,  plus  4  pages  d'indice*. 
C'est  probablement  un  des  écrits  auxquels  il  fait  allusion  dans 
l'épître  dédicatoire  de  l'édition  de  1575  de  son  t.  III,  et  qu'il 
avoue  «  avec  ingénuité  >  avoir  mis  largement  à  contribution  *. 

Ces  Mémoires  lui  sont  généralement  attribués,  mais  à  tort. 
S'il  en  avait  été  l'auteur,  il  l'aurait  dit,  en  particulier  dans  la 
préface  de  son  Inventaire  (1597).  Il  n'aurait  eu  alors  aucun 
motif  sérieux  de  garder  l'anonyme,  puisqu'il  avouait  la  paternité 
des  quinze  livres  de  ses  Commentaires,  qui  sont  pourtant  écrits, 


1.  Un  exemplaire  de  ces  Mémoires  se  tn>uTe,  à  noire  connaissance,  à  la  bibl. 
lie  la  place  Vendôme,  et  un  autre  à  la  bibl.  publ.  de  GenèTe,  sauf  le  titre  qui 
manque.  Ils  ont  été  reproduits  à  la  tin  du  t.  111  dos  Mémoires  de  lestai  de 
lYance  sous  Charles  Heufviesmet  èdit.  de  1578,  dite  en  gros  caractères,  Mei- 
delbourg.  II.  Wolf  ;  il  y  a  une  autre  édition,  de  la  même  année  1578,  en  petits 
caractères,  qui  iie  les  retmnluit  pas. 

'2.  c  .\ccedit  etiam  aliorum  quorumdam  scriptorum  coUatio.  ex  quibus  ali- 
quid  utilitatis  nos  n^iHuiâsse  ingénue  fètemur.  » 


JEAN   DK  SERRES.  305 

comme  les  Mémoires,  dans  un  esprit  très  sjmipathique  aux 
réformés.  Nous  savons,  d'ailleurs,  qu'il  a  écrit  en  latin  sur  le 
désir  des  étrangers  ;  pourquoi  alors  aurait-il  écrit  des  Mémoires 
en  français? 

Les  meilleures  et  les  plus  récentes  de  ses  informations,  et  il  le 
dit  lui-même  dans  les  préfaces  des  diverses  éditions  de  son 
ouvrage,  il  les  a  recueillies  de  la  bouche  de  ceux  qui  avaient  vu 
de  leurs  yeux  les  événements  dont  il  avait  à  donner  le  récit. 
Genève  et  Lausanne  étaient  des  centres  où  aboutissaient  toutes 
les  nouvelles  qui  intéressaient  les  églises  réformées  de  France; 
c'est  dans  leurs  murs  surtout  que  les  réfugiés  affluaient  de  tous 
les  points  du  royaume*  ;  et  le  futur  historien  était  parfaitement 
placé  pour  apprendre  de  ces  «  témoins  oculaires  >  une  foule  de 
détails  authentiques  concernant  les  diverses  provinces,  mieux 
peut-être  que  s'il  n'avait  pas  été  «  exilé  sur  la  terre  étrangère.  » 
Aussi  avait- il  le  droit  de  dire  :  «  Nous  pouvons  affirmer 
loyalement  que  nous  n'avons  rien  écrit  qui  ne  soit  l'exacte 
vérité*.  » 

Et  dans  la  préface  de  la  quatrième  édition,  de  1577,  l'auteur 
répète  en  les  soulignant  ces  mêmes  déclarations.  «  Quant  à  nous, 
dit-il,  nous  attestons  et  confirmons  que  nous  avons  écrit  en  toute 
vérité,  simplicité  et  candeur,  sans  aucun  esprit  de  parti.  Ce  n'est 
point  sur  de  simples  rumeurs  que  nous  avons  recueilli  les  faits 
rapportés,  mais  sur  des  preuves  certaines  ;  aussi  ne  craignons- 
nous  pas  d'en  appeler  au  témoignage  de  ceux  qui  ont  vu  ces 
choses  de  leurs  yeux  et  qui  sont  encore  vivants'.  » 


1.  A  Genève,  les  Français  étaient  si  nombreux  qu'on  se  serait  cru  n  au 
milieu  de  la  France,  »  dit  un  de  ces  réfugiés,  Lambert  Daneau  :  c  II  le  Galli 
inter  Gallos  tanquam  m  média  ipsa  GalHa,  multi  antea  nobis  mutuo  noti, 
versemur  i  (Lettre  k  Zanrhius,  datée  de  Genève  9  mars  1577  :  P.  de  Félioe, 
Lamh.  Daneau). 

2.  «  Hoc  quideni  sanctè  |K)ssumus  affirmarc,  nihil  nos  scriptis  mandasse, 
quod  à  v«'rilate  alienum  esset.  Collatis  tamen  cum  iis  bominibus,  qui  illarum 
reruni  ferè  fuissent  avt/jTCTai.  sermonibus,  et  in  iis  quidoin  ipsis  rébus  quibus 
nos  in  pere^rino  solo  exules  minime  interfuissemus,  fatemur  in  ipsarum  renim 
rouimemoratione  inultas  circumstancias  rerum,  lemporum,  personarum,  facto- 
rum,  dictonimque  ila  notasse,  ut  nova  haec  editio  superiori  multô  sanè  sit 
anteponenda  o  (t.  111,  tô7r>  :  Chrisliano  et  veritatis  studioso  lectori). 

2.  «  De  nobis  testamur  et  confirmamus,  nos  omnia  verè,  simpliciter,  can- 
dide, nullo  prorsum  partium  praejudicio  perscripsisse  :  et  ea  quidcro  quae 
non  rumoribus  collecta,  sed  certissimis  argumentis  explorata  sunt  :  ut  eos 
qui  adhuc  supersunt,   rerum  istarum    quas    describimus,    oculatos  testes, 


306  CH.    DARDIER. 

Il  ne  se  flatte  pas  d'écrire  une  histoire  complète  (justam)  de 
rétat  de  la  religion  en  France  :  le  moment  n'est  pas  encore  venu, 
dit-il;  les  événements  sont  trop  récents  et  ils  n'ont  pas  déroulé 
toutes  leurs  conséquences.  Son  ambition  a  été  d'en  donner  une 
simple  esquisse  (oxoYpaç^av).  D'habiles  gens  viendront  plus  tard 
qui  feront  cette  œuvre.  Pour  lui,  il  veut  fournir  des  matériaux  à 
ces  futurs  historiens,  et  aussi  offrir  aux  étrangers  qui  déplorent 
nos  malheurs^  une  idée  des  grandes  choses  qui  se  sont  passées  dans 
sa  patrie.  Son  ambition  a  été  pleinement  satisfaite  sous  ce  double 
rapport. 

Il  ne  cache  point  ses  sympathies  pour  les  «  Fidèles  >  qui  à  l'ori- 
gine étaient,  dit-il,  cruellement  persécutés  par  cet  unique  motif 
qu'ils  préféraient  la  véritable  et  pure  doctrine  de  l'évangile  renais- 
sant aux  vieilles  traditions  des  hommes*.  Quand,  à  bout  de 
patience,  ils  prennent  les  armes  pour  défendre  leur  liberté  que  des 
édits  royaux  leur  avaient  octroyée,  il  repousse  avec  vivacité  le 
reproche  qu'on  leur  adressait  d'être  séditieux  et  rebelles.  «  Et 
d'où  partent  ces  accusations?  s'écrie-t-il,  de  ceux  qui,  abusant 
du  nom  et  de  l'autorité  du  roi  dans  l'intérêt  de  leur  tjrannie, 
voudraient  anéantir  la  majesté  royale  elle-même  ;  et  parce  qu'ils 
en  sont  empêchés  par  les  Fidèles,  ils  vomissent  contre  eux  pour 
ces  prétendus  forfaits  tout  le  venin  de  leur  haine...  Les  vrais 
rebelles  sont  ceux  qui,  prenant  faussement  le  nom  et  l'autorité  des 
princes  et  violant  effrontément  toute  justice,  persécutent  l'Église, 
s'efforcent  d'éteindre  l'Evangile,  et  à  la  manière  des  géants  font 
à  Dieu  une  guerre  furieuse^.  » 

Ces  lignes  sont  sévères,  mais  elles  s'expliquent  par  la  date  de 
leur  composition  :  c'était  peu  de  temps  après  la  Saint-Barthélémy, 
et  alors  que  la  Ligue,  fomentée  par  le  pape  et  par  le  roi  d'Es- 
pagne, songeait  à  enfermer  Henri  III  dans  un  monastère-  et  à 
mettre  la  couronne  sur  la  tête  du  duc  de  Guise.  Ce  n'étaient  pas 


ipsumque  adeô  tempus,  non  dubitemus  appellare  i  {Praef.  ad  lectorem,  1577, 
l.  I,  f»  iij  vo). 

1.  c  Peregrinarum  nationum  hominibus  yicem  nostram  dolentibus  >  {ibid., 
f*  iij  r). 

2.  «  Ea  tantum  de  causa  quod  nascenlis  Erangelii  germanarn  puramque  doc- 
trinam  inveteralis  hominum  commentis  anteponant  i  {Ibid,), 

3.  a  Itaque  crimina  ab  illis  opponuntur  qui  Régis  Majestatem  maxime  exlinc- 
tam  vellent  :  et  quod  a  Fidelibus  fuerint  impedili,  omne  suorum  odiorum 
virus  in  illos  confictis  criminibus  cvomunt...  gigantumque  more  cum  Deo 
furiose  beUigerantur  i  (Ibid.). 


J£A>    DE   SERRES.  307 

seulement  les  protestants  qui  pensaient  comme  notre  auteur, 
c'était  le  grand  parti  national  des  Politiques. 

J.  de  Serres  a  répondu  d'avance  à  une  objection  qu'il  prévoyait, 
à  savoir  qu'il  aurait  dû  narrer  les  faits  purement  et  simplement, 
avec  indifférence  (azaOû;),  sans  un  mot  de  louange  ou  de  blâme, 
(^tte  manière  d'écrire  l'histoire  ne  lui  plaisait  point,  et  elle  n'était 
guère  possible,  il  faut  l'avouer,  alors  qu'on  était  encore  sous  le 
coup  des  premières  émotions.  Tout  ce  que  peut  demander  le  lec^ 
teur  le  plus  exigeant,  c'est  que  l'auteur  ait  une  exacte  connais- 
sance des  événements  qu'il  raconte;  or  J.  de  Serres  n'a  rien 
négligé  pour  l'avoir  aussi  exacte  que  possible  ;  il  l'a  cherchée  soit 
dans  les  actes  publics,  soit  dans  les  lettres  de  ceux  qui  ont  joué 
quelque  rôle  et  dont  il  a  en  main,  dit-il,  les  autographes,  soit 
dans  leurs  discours  et  déclarations  ;  il  a  d'ailleurs  été  lui-même 
en  position  de  voir  bien  des  choses  et  il  les  a  notées  avec  soin  * . 

Aussi,  d'une  édition  à  l'autre,  ses  Commentaires  sont-ils 
enrichis  de  faits  nouveaux  et  de  documents  qu'il  n'avait  pu  d'abord 
i*ecueillir.  «  Pour  ne  pas  abuser  de  ta  patience,  dit-il  au  lecteur, 
je  n'ai  pas  voulu  te  présenter  cette  quatrième  édition  négligée 
(iTTijjiiXYjTov)  et  sans  aucune  augmentation.  Si  tu  en  retires  quelque 
utilité,  j'en  rendrai  grâce  à  Dieu,  et  m'estimerai  bien  payé  de  ma 
I)eine'.  » 

Il  a,  d'ailleurs,  la  plus  haute  idée  de  la  charge  et  des  devoirs 
de  l'historien.  Il  fait  de  celui-ci  le  ministre  et  la  trompette  de  la 
Providence  divine^.  «  L'histoire,  dit-il,  non  seulement  dresse  la 
liste  des  accusations  contre  les  impies  et  en  consacre  l'éternel 
souvenir,  mais  encore  elle  les  traîne  bon  gré  mal  gré  devant  le 
tribunal  de  Dieu.  Que  peut-il  y  avoir  de  plus  amer  pour  les  cou- 
pables, que  d'avoir  à  redouter  les  sévères  arrêts  de  leur  juge  ?  La 
véridique  histoire  doit  donc  s'attendre  à  soulever  des  haines; 
mais  Dieu  suscitera  toujours  des  ministres  de  sa  vérité.  Que  si  les 
Néron,  les  Caligula,  les  Commode,  les  Héliogabale  et  les  autres 
monstres  n'ont  pu,  dans  leur  cruelle  et  impuissante  fureur,  emi)è- 
cher  les  libres  jugements  et  les  libres  paroles  de  ceux  de  leurs  cour- 


1.  c  Kx  artis  publiri»  vel  ex  litcris  gerentium  (quortim  autographa  pênes 
nos  habemus),  vel  ex  ipsoruin  illorum  ore  et  sernionibus,  Yel  ex  iis  ipsis,  quâe 
ipsi  vidiinus  et  notavimus  »  {Praef,,  1580,  t.  V). 

2.  T.  I,  1577,  f-j  V. 

3.  «  Libertatem  historiae,  quam  Divinae  Providentiae  mioistram  et  (ubam 
apjiellare  debemus  »  (t.  V,  1580). 


308  CH.    DARDIER. 

tisans  qu'ils  n'avaient  pas  tués,  est-ce  donc  aujourd'hui  que  dans 
l'église  de  Dieu  et  pour  juger  les  forfaits  des  ennemis  de  la  vérité, 
la  pointe  des  jugements  des  hommes  pieux  sera  émoussée  et  leur 
bouche  fermée  ?»  Il  parlera  donc  hardiment  ;  il  mettra  en  lumière 
ce  qu'il  a  appris  d'une  manière  sûre.  «  Le  seul  moyen  de  venger 
les  victimes  n'est-il  pas  de  flétrir  la  cruauté  et  l'injustice  des  bour- 
reaux* ?  » 

Il  faut  donc  s'attendre  à  voir  dans  les  Commentaires  bien  des 
lignes  où  l'on  sent  que  la  plume  a  tremblé  dans  la  main  de  l'au- 
teur. Mais  comme  il  s'attache  scrupuleusement  à  ne  dire  que  la 
vérité,  cette  émotion  donne  à  son  récit  une  chaleur  qui  se  commu- 
nique et  qui  n'est  pas  sans  une  certaine  éloquence. 

Pour  se  faire  une  juste  idée  de  sa  manière,  qu'on  lise  les  pages 
qui  racontent  le  massacre  de  la  Saint-Barthélémy.  Elles  se 
trouvent  dans  le  tome  IV  (f.  28-45),  qui  parut  en  1575*,  assez 
près  de  l'événement  pour  que  l'auteur  ait  été  un  des  premiers  à 
donner  les  détails  de  cette  nuit  terrible.  C'est  là  que  la  plupart 
des  historiens  postérieurs  ont  puisé,  largement  et  avec  confiance. 
Aujourd'hui  ces  derniers  sont  cités,  qui  pourtant  n'ont  été  que 
les  copistes,  et  l'original  est  oublié.  Nous  voudrions  bien  réparer 
cette  injustice  ;  mais  ici  comment  faire  rendre  à  César  ce  qui  est 
à  César  ?  Il  faudrait  entreprendre  une  nouvelle  édition  des  Com- 
mentaireSy  ou  mieux  encore  en  publier  une  bonne  traduction. 
C'est  le  vœu  émis  récemment  par  M.  de  Gallier,  président  de  la 
Société  d'histoire  et  de  statistique  de  la  Drôme  ;  celui-ci  toutefois 
relève  avec  raison  la  difficulté  d'une  œuvre  semblable  3. 

Notre  historien  ne  se  demande  pas  si  la  Saint-Barthélémy  a 
été  préméditée  ou  non  :  cette  question  ne  se  posait  pas  pour  les 

1.  Ibid. 

2.  Nous  avons  eu  eo  main  la  seconde  édition  du  t.  IV,  1577,  qui  csl  à  la 
bibl.  publ.  de  Genève.  Ce  tome  présentait,  comme  les  quatre  autres  de  cet 
ouvrage,  cette  particularité  remarquable,  qu'il  n'avait  jamais  été  coupé,  par 
conséquent  jamais  lu,  chose  rare  pour  un  livre  vieux  de  trois  siècles,  mais 
qui  prouve  dans  quel  oubli  notre  historiographe  est  tombé.  Il  y  a,  à  la  même 
bibliothèque,  les  quatre  premiers  volumes  d'un  second  exemplaire,  mais  de 
diverses  éditions,  comme  c'est  du  reste  le  cas  pour  l'exemplaire  complet. 

3.  0  II  serait  à  désirer  qu'un  érudit  entreprit  une  nouvelle  édition  de  ce 
livre,  devenu  d'une  extrême  rareté,  malgré  les  réimpressions  contemporaines 
de  quelques-unes  de  ses  parties.  Mieux  vaudrait  encore,  pour  le  mettre  à  la 
portée  de  tous,  une  bonne  traduction,  que  rendrait  fort  difficile,  il  est  vrai,  la 
forme  latine  un  peu  arbitraire  des  noms  de  personne  et  de  lieu  »  (A.  de  Gal- 
lier, /.  de  SerreSj  p.  7). 


JEAN   DE   SERRES.  309 

contemporains,  tellement  la  préméditation  était  évidente  à  leurs 
yeux.  Pour  lui,  même  avant  l'entrevue  de  Bayonne  (1565), 
Catherine  et  le  duc  d'Albe  s'étaient  déjà  entendus  pour  arriver  à 
la  destruction  du  protestantisme,  et  les  massacres  du  mois 
d'août  1572  ne  furent  que  l'exécution  du  complot*. 

Les  trois  premières  parties  des  Commentaires  avaient  été 
favorablement  accueillies  par  le  public.  Encouragé  par  son  succès 
même  à  poursuivre  ses  recherches,  l'auteur  se  voyait  à  regret 
retenu  à  Jussy  par  ses  fonctions  pastorales.  Les  congés  qu'on  lui 
accorde  assez  souvent  ne  lui  suffisent  plus  ;  il  veut  rompre  et  non 
simplement  dénouer  de  temps  en  temps  les  liens  qui  le  retiennent 
dans  sa  cure  de  campagne.  Et  à  cette  occasion  il  lui  advint  cette 
aventure  à  laquelle  nous  avons  fait  précédemment  allusion,  et 
qui  le  fit  revenir  précipitamment  à  Lausanne.  Nous  transcrivons 
ici,  en  les  abrégeant,  les  procès- verbaux  de  quelques  séances  de 
la  Compagnie  des  pasteurs  de  Genève*. 

Le  15  août  1572,  il  fait  demander  par  Th.  de  Bèze  un  congé 
de  six  semaines  ;  il  faut  qu'il  parte  ;  il  a,  dit-il,  des  «  fascheries  >►  ; 
sa  belle-mère  est  malade  ;  lui-même  l'a  été  ;  des  affaires  pressantes 
l'appellent  dans  sa  patrie.  Il  y  avait  quelque  chose  de  vrai  dans 
ces  raisons;  mais  en  réalité  il  estimait,  d'après  un  propos  de  lui 
rapporté  par  un  de  ses  collègues,  «  qu'il  avoit  assez  traîné  la 
chamie  d'avoir  esté  six  ans  à  Jussy,  >  et  il  veut  reconquérir  sa 
liberté  en  se  démettant  d'une  charge  qu'il  ne  saurait  plus  remplir 
«  avec  joie.  >  Il  est  sommé  de  venir  lui-même  s'expliquer  devant 
la  Compagnie,  le  vendredi  29  août.  Et  là,  *  il  insiste  jusqu'au 
bout,  disant  qu'il  estoit  pour  en  devenir  fol  si  on  le  laissoit  là  plus 
longuement.  »  A  toutes  ses  supplications,  ses  instances,  ses  col- 
lègues répondent  avec  une  certaine  dui'eté  :  que  s'il  a  été  malade, 
c'était  un  jugement  de  Dieu  qui  «  luy  avoit  envoyé  cette  maladie 
pour  l'advertir  et  pour  manifestement  le  détourner  de  son  méchant 
et  lâche  propos,  pour  l'amener  à  amendement  ;  >  et  que  si  sa  belle- 
mère  n'avait  pas  de  santé  et  <  se  vouloit  remuer,  »  il  la  laissât 


1.  c  Con(irmati  veri)  hune  in  inoduin  focderis  istius  ad  Religiosorum  niioaro, 
effecta  posl  apparuerunt  »  (l.  III,  f*  Cl,  cdit  de  1575).  —  Celle  quesUon  de  la 
prémédilalion  a  été  agilée  de  nos  jours,  et  nous  semble  résolue  dans  le  sens 
do  l'affinnative  par  les  travaux  de  MM.  Henri  Bordier,  Wuttke,  Arlon, 
Wijono,  Baumgarten^  Combes,  P.  de  Félice  et  Jules  Doinel  (BuUeiin  du  Prot. 
fr.y  n-  du  15  juin  1882). 

2.  Reg.  B. 


340  CH.    DARDIBR. 

partir,  attendu  «  qu'il  ne  Tavoit  pas  espousée.  >  Le  pauvre  pas- 
teur, froissé,  vexé  de  cette  obstination  à  le  retenir  malgré  lui, 
perd  un  instant  la  tête.  Il  avait  dit  à  Cujas,  l'illustre  légiste,  alors 
à  Valence,  qu'il  serait  dans  cette  ville  à  la  fin  du  mois  d'août,  et 
il  prend  ses  mesures  pour  que  cette  promesse  se  réalise.  Il  fait 
emballer  secrètement  ses  meubles  et  ses  livres  et  les  fait  transpor- 
ter au  delà  du  Ponlr-d'Arve,  qui  était  alors  la  frontière  de  la 
petite  république.  Il  aurait  pu,  convenons-en,  trouver  un  moyen 
moins  brutal  de  briser  sa  chaîne.  Il  fiit  sévèrement  puni  de  cette 
inconvenance.  La  Compagnie,  le  trouvant  «  mal  affectionné  à  sa 
charge  »  et  «  en  grande  variété  de  propos,  »  l'accusa  «  d'ingra- 
titude et  avarice.  »  Rapport  est  fait  à  Messieurs  du  Conseil,  qui 
interrogent  le  prévenu,  le  samedi  30  août,  et  l'envoient  en  prison 
«  pour  l'ouyr  puis  après  plus  amplement  ;  »  il  est  en  outre  sus- 
pendu du  ministère  et  de  la  cène  par  la  Compagnie. 

On  doit  comprendre  qu'après  une  telle  mésaventure  il  ait  été 
heureux  de  revenir  à  Lausanne. 

II. 

SECOND   SÉJOUR  A  LAUSANNE.    FIN  DE    1572   A    LA   FIN   DE   1578. 

Les  préparatifs  de  départ  durent  se  faire  même  en  grande  hâte, 
car  il  emporta  par  mégarde  le  livre  des  baptêmes  de  son  église 
de  Jussy  :  il  fallut  le  lui  redemander  par  lettre,  à  la  fin  de 
novembre  1572.  En  exprimant,  dans  la  dédicace  du  t.  III  de  son 
Platon,  toute  sa  gratitude  à  Messieurs  de  Berne  pour  leur  gra- 
cieux accueil,  il  ne  s'est  pas  senti  disposé  à  dire  urbi  et  orbi 
pour  quel  motif  il  revenait  auprès  d'eux  après  quatorze  ans  d'ab- 
sence. Il  nous  semble  même,  en  un  certain  endroit,  avoir  voulu 
dépister  les  indiscrets,  car  il  a  l'air  de  se  mettre  sur  la  même 
ligne  que  les  réchappes  de  la  Saint-Barthélémy  qui  arrivaient  à 
Lausanne  en  même  temps  que  lui.  «  Quand,  par  la  volonté 
insondable,  mais  toujours  juste  de  Dieu,  les  temps  néfastes  arri- 
vèrent où,  après  la  dispersion  de  nos  églises,  un  grand  nombre 
de  fidèles  cherchèrent  un  refuge  auprès  des  nations  étrangères, 
moi  aussi,  dit-il,  avec  ma  famille ,  je  me  retirai  à  Lausanne 
au  sein  de  votre  répubUque,  comme  dans  un  port  assuré,  et  je  fus 
accueilli  par  vous  avec  la  plus  grande  humanité.  Là,  après 
m'être  remis  peu  à  peu  de  cette  épouvantable  consternation  qui 


JEAN   DE   SERRES.  dH 

frappait  tous  mes  frères,  fêlais  cependant  moi-même  tour- 
menté par  d'incroyables  chagrins,  et  je  ne  voyais  luire  aucun 
espoir  d'une  situation  meilleure.  Comme  après  une  grave  maladie, 
mes  forces  étaient  abattues  ;  il  ne  s'offrait  à  moi  aucun  genre 
d'études  qui  pût  m'assurer  le  repos;  et  je  cherchais  anxieusement 
de  divers  côtés  comment  j'emploierais  mes  loisirs,  ne  sachant  k 
quoi  m'arrêter.  Dieu  me  fournit  alors  une  occasion  qui  me  tint 
occupé  deux  années  durant  à  l'étude  de  la  philosophie  de  Platon. 
Ce  fut  pour  moi  une  grande  volupté  et  un  adoucissement  aua^ 
préoccupations  de  diverse  nature  qui  m'avaient  assailli*.  > 

Cette  occasion  providentielle  qui  s'offrit  à  lui  d'étudier  Platon 
fut  sa  nomination  par  Messieurs  de  Berne  à  la  place  de  principal 
du  collège  de  Lausanne  et  régent  de  première*.  Et  il  put  leur  dire 
que  c'était  <  chez  eux,  c'est-à-dire  avec  leur  aide,  dans  un  de  leurs 
édifices  publics,  et  sous  les  auspices  et  les  conseils  de  leurs  hommes 
de  lettres,  que  son  œuvre  avait  été  conçue  et  poursuivie 3.  >► 

Il  voyait  alors  dans  l'intimité  Biaise  Marcuard,  qui  fut  de  1573 
à  1576  professeur  de  philosophie  à  l'académie  de  Lausanne,  et 
qui,  depuis  1570,  donnait  aussi  par  intérim  des  leçons  de  théolo- 
gie ^  Ce  professeur  eut  connaissance  par  hasard  des  notes  que  de 
Serres  avait  mises  autrefois  au  Phédon  de  Platon  pour  son  propre 
usage,  et  il  l'encouragea  fortement  non  seulement  a  poursuivre 
ces  annotations  pour  les  autres  livres  du  disciple  de  Socrate,  mais 

1.  c  ...  Non  sino  magna  Yoluptatc,  magni  laboris  contentioncni  variorumque 
negotiorum  in  me  ingruentium  taedia  teniente  occupatum  detinucrit  •  (Plat., 
t.  III,  ij). 

2.  Archives  cantonales  vaudoiscs,  t.  II  des  Kirchen  und  Académie  Gescha^fle. 
De  Serres  succéda,  comnie  principal,  à  Ch.  Vemet,  min.  de  château  d'Oex, 
qui  avait  été  nommé  le  8  novembre  1570.  Nous  verrons  qu'il  se  démit  de  sa 
charge  le  17  février  1578. 

3.  «  Quippe  qui  (foetus)  apud  vos,  id  est  praesidio  vestro,  restris  in  aedibus, 
vestrorumque  homioum  aus{)iciis  atque  consiliis,  natus  sit  atque  educatus  > 
[Plat.,  l.  III,  ij  V). 

4.  RI.  Marcuard,  de  Paverne,  avait  succédé,  eo  1559,  comme  principal  du 
collège  [Schulmeister)y  à  Fr.  Uerald,  qui  avait  succédé  lui-même  à  Mathuriu 
Cordier.  H  parait  avoir  rempli  sa  charge  jusqu'en  15Gi.  De  156i  à  157G,  il  fut 
«  maître  des  douze  enfans  de  Messieurs  de  Berne,  »  titre  qui,  dès  156*2,  se  con- 
fond avec  celui  de  profetsor  artium.  Ce  dernier  litre,  dès  lors,  prévaut  seul. 
C'est  ce  <|u'on  appelait  le  professeur  de  philoso{)hie.  Ses  prédécesseurs  avaient 
été  :  Caelius  Secundus  Curio,  Zebcdaeus,  Quintin  le  Boiteux,  Kustache  du 
Quesnoy,  Jean  Tagault,  Béat  Comte.  Il  prit  ctmgé  le  7  mars  157G  pour  aller  au 
collège  de  Berne,  et  dut  mourir  l'année  suivante,  car  de  Serres,  dans  la  dédi- 
cace du  t.  IIl  de  son  Ptaton,  datée  du  1*'  octobre  1577,  |>arle  de  sa  mort 
récente. 


Si2  CH.    DARDIER. 

encore  à  préparer  une  traduction  nouvelle  de  ses  œuvres  U  De 
nouveaux  encouragements  lui  furent  donnés  par  quelques  hommes 
de  lettres  auxquels  il  avait  communiqué  ses  premiers  cahiers. 
Après  un  dur  labeur,  Tœuvre  entière  fut  parachevée  et  sortit  des 
presses  de  l'illustre  imprimeur  de  Genève,  Henri  Etienne*.  Les 
caractères  grecs  et  latins  sont  d'une  admirable  pureté  et  d'une 
«  magnificence  royale.  >  L'imprimeur  en  donne  la  raison  dans 
son  épître  «  lectori  (ptXoTrXaxévi  »  :  «  Il  fallait  bien,  dit-il,  faire 
cet  honneur  au  roi  des  philosophes  3.  »  Le  t.  I  est  dédié  à  la  reine 
Elisabeth  d'Angleterre  ;  le  t.  II,  au  roi  d'Ecosse,  Jacques  VI, 
sur  le  conseil  de  Th.  de  Bèze;  le  t.  III,  «  Inclytis  Bet^natum 
reipublicae  consulibus,  » 

Le  latin  de  notre  traducteur  est  élégant  ;  la  phrase  se  déroule 
avec  une  ampleur  toute  cicéronienne.  Mais  la  pensée  de  Platon 
n'est  pas  toujours  serrée  d'assez  près.  Cette  nouvelle  traduction 
ne  parvint  pas  à  faire  oublier  celle  de  Marsile  Ficin  (1491),  qui 
jouissait  alors  d'une  grande  réputation.  Elle  peut  encore  cepen- 
dant, au  témoignage  du  P.  Lami,  être  consultée  avec  fruit  pour 
les  sommaires  très  bien  faits  de  la  doctrine  du  philosophe  grec 
que  de  Serres  a  mis  dans  son  ouvrage,  et  aussi  pour  les  discussions 
critiques  du  texte  dont  H.  Etienne  l'a  illustrée.  Th.  de  Bèze  en 
faisait  le  plus  grand  cas;  il  lui  a  consacré  une  pièce  de  vers  latins 
dont  voici  le  dernier  distique  (il  y  en  a  treize)  : 

Nos  igitur  tibi  multa,  Plato,  debemus  :  at  ipsum 
Debemus,  fateor,  tibi  nos,  Serrane,  Platonem. 

A  l'occasion  de  l'impression  de  cet  ouvrage  et  quand  il  s'agit 
sans  doute  de  régler  les  comptes,  il  y  eut  débat  entre  le  traduc- 
teur et  l'imprimeur.  Celui-ci,  dont  le  caractère  était  assez  difficile, 
au  témoignage  même  de  son  gendre,  le  placide  et  véridique  Isaac 
Casaubon^  avait  écrit  à  J.  de  Serres  «  une  lettre  par  laquelle  il 

\,md. 

2.  lUatwvo;  otuotvTa  ta  (twJ;6(16voi.  Plaionis  opéra  quae  extant  omnia,  etc. 
3  magnifiques  yoI.  in-fol.  I^  page  a  deux  colonnes  :  dans  l'une  le  grec,  dans 
l'autre  le  latin.  A  l'exemplaire  qui  est  à  la  Bibl.  nat.  de  Paris,  il  y  a  des  filets 
rouges  à  chaque  page. 

3.  c  Régis  phiiosophorum  libris  emendandis  regiam  quamdam  (ut  ita  dicam) 
magnificentiain  adhibuerain  »  (t.  1). 

4.  Dans  une  lettre  que  Casaubon  écrit  à  J.  de  Serres,  de  Genève,  IV  kal. 
jun.  (29  mai)  1504,  il  dit  au  sujet  de  son  beau-père  :  Quem  ego  nec  amare 
saiis,  nec  odisse  possum.  Is.  Casauboni  Kpistolae,  édit.  de  Rotterdam,  1709, 
|Kige  570. 


JEAN   DE  SERRES.  343 

le  chargoit  d'estre  indigne  du  ministère,  d'estre  perfide  et  autres 
tels  oultrages*.  »  De  Serres  porta  plainte  dans  la  séance  de  la 
Compagnie  du  vendredi  24  octobre  1578.  Le  lendemain  Fun  et 
l'autre  sont  appelés  devant  le  vénérable  corps;  leur  affaire  est 
examinée;  l'imprimeur  est  reconnu  coupable;  il  avoue  lui-même 
sa  faute  et  prie  de  Serres  de  lui  pardonner.  La  réconciliation  a 
lieu;  la  lettre  injurieuse  est  déchirée  le  lundi  27  du  même  mois, 
et  une  note  est  transcrite  au  registre  comme  attestation  de  l'hono- 
rabilité du  traducteur. 

Tout  en  travaillant  à  cette  traduction  et  à  des  éditions  revues 
et  augmentées  des  parties  déjà  publiées  de  ses  Commentaires ^ 
J.  de  Serres  mit  sous  presse,  comme  pour  se  délasser,  une  traduc- 
tion en  vers  grecs  des  psaumes  latins  de  Buchanan,  dont  une  édi- 
tion se  trouve  à  la  Bibl.  nat.  A.  1403*.  L'épître  dédicatoire, 
datée  de  Lausanne,  kal.  aug.  (l°''août)  1575,  est  adressée  au  bailli 
de  Lausanne,  Jérôme  Manuel,  qui  l'avait  jadis  si  bien  accueilli, 
alors  que  la  persécution  allumée  en  France  l'avait  forcé  à  se 
réfugier  en  Suisse^.  Le  latin  de  Buchanan  est  sur  une  page,  la 
page  de  gauche,  et  le  grec  de  Serres  sur  la  page  de  droite.  Ce  tra- 
vail se  distingue,  de  l'aveu  de  tous,  par  une  grande  élégance  et 
une  singulière  pureté  de  style,  que  l'auteur  avait  su  prendre  sans 
doute  au  philosophe  grec  dans  son  conunerce  journalier  avec  lui. 
Une  seconde  édition  parut  en  1580  (Genève),  in-12. 

m. 

NIMES. 

1579-31  octobre  1589. 

Tous  ces  ouvrages,  accueillis  avec  honneur  parle  public  lettré, 
attirèrent  les  regards  sur  J.  de  Serres,  et  le  firent  appeler  à  Nîmes 
par  le  conseil  ordinaire  et  extraordinaire  de  la  maison  de  ville 

1.  Arr.h.  de  la  Compagnie,  reg.  B. 

2.  Psalmorum  Davidis  aliquot  metaphrcuis  graeca  Joannis  Serranif 
adjuncta  è  regione  paraphrasi  laiina  G.  Buchananif  Precationes  ejusdem 
graecoladnae,  quae  ad  singulorum  Psalmorum  argumenlum  sunt  accommo' 
datae.  Anno  157ô,  Excudebat  Uenr,  Stephantu  (GenèTe),  in-12  de  157  p. 

3.  c  Quuin  miserae  incendia  patriae  me  illufttrisft.  reip.  reslrae  ftiaum  perfu- 
gium  adduxerint.  » 

Uev.  Histor.  XXIL  2«  pasc.  2i 


3H  CH.    DARDIGR. 

qui  avait  à  cœur  le  relèvement  de  son  collège.  Le  traité  fut  passé 
le  3  septembre  1578.  Le  consistoire  de  cette  église  s'était  empressé, 
même  avant  ce  jour,  d'attacher  à  son  service  un  homme  de  cette 
valeur;  il  l'avait  nommé  pasteur  et  professeur  dans  la  séance  du 
27  août  ;  et  le  28  janvier  1579,  il  le  chargea  «  de  faire  par 
semaine  deux  leçons  en  théologie  et  deux  leçons  en  philosophie*.» 

En  arrivant  dans  la  cité  languedocienne,  le  nouvel  élu  remit 
au  consistoire  un  témoignage  d'honorabilité  et  d'afiection  en  sa 
faveur,  écrit  de  la  main  de  Th.  de  Bèze  au  nom  de  ses  anciens 
collègues  de  Genève  :  «  Nostre  frère,  y  est-il  dit,  s'est  pleine- 
ment et  à  contentement  reconcilié  à  cest'  église,  et  nommeement 
a  tellement  satisfaict  à  nostre  Compagnie,  que  nous  l'avons  des 
lors  embrassé  comme  frère,  comme  aussi  il  départ  d'avec  nous  en 
ceste  union  et  fraternité,  priants  le  Seigneur  qu'il  bénie  son  œuvre 
entre  les  mains  d'iceluy  jusques  à  vous  en  foire  sentir  et  perce- 
voir tant  en  vostre  église  en  général  qu'en  vostre  escole  aultant 
de  fruict  que  nous  vous  en  desirons  et  en  espérons  aussi*.  » 

Nous  n'avons  pas  à  parler  longuement  dans  cette  Revue  de 
son  séjour  à  Nîmes  et  du  bien  qu'il  fit  à  l'église  et  au  collège^. 
Notons  seulement  quelques  points  qui  sont  d'un  intérêt  plus 
général. 

Quelques  semaines  après  son  installation  définitive,  il  dota  la 
cité  de  la  première  imprimerie  qu'il  y  ait  eu  dans  ses  murs.  Le 
traité  passé  par  les  consuls  avec  Sébastien  Jaqui,  du  diocèse 
d'Embrun,  fut  signé  en  sa  présence  à  l'hôtel  de  ville,  le  24  fé- 
vrier 1579  ^ 

Cet  établissement  toutefois  ne  fut  pas  assez  vite  installé  pour 
que  de  Serres  lui  remît  un  manuscrit  déjà  prêt  pour  l'impression. 
Le  manuscrit  fut  envoyé  à  Genève  et  imprimé  par  Pierre  Saint- 
André.  C'est  un  commentaire  en  latin  sur  le  livre  de  VEcclé- 
siaste,  dont  il  se  flatte  de  rattacher  toutes  les  déclarations  à  une 


1.  Reg.  du  consist.  de  N.,  t.  III,  fol.  35  et  G7. 

2.  Bibl.  publ.  de  Genève,  portef.  197aa2,  lettre  inédite  datée  de  Genève, 
21  novembre  1578;  c  Th.  de  Besze  au  nom  et  par  Tadvis  de  la  Compagnie.  » 

3.  Le  collège  ne  marcha  pas  si  bien  après  lui.  Des  plaintes  sont  portées 
contre  Jean  Rulman  et  Chrétien  Pistorius  qui,  depuis  le  dépari  de  J.  de  Serres, 
négligent  leurs  fonctions  et  commettent  toutes  sortes  d'injustices  dans  les  pro- 
motions des  élèves.  Les  consuls  nomment  une  commission  pour  remédier  A 
ces  abus.  Le  pasteur  Jean  Moynier  est  contirmé  comme  recteur  (Re^.  commu- 
nal de  N.,  L.  13). 

4.  Ibid. 


JEAN   DE  SERRES.  345 

unité  supérieure,  à  savoir  le  souverain  bien*.  Pour  lui,  l'écrivain 
sacré  qu'il  croit  être  Salomon  a  voulu  établir  :  1®  ce  que  le  bon- 
heur n'est  pas  ;  2®  ce  qu'il  est  ;  3*  l'usage  qu'on  doit  faire  de  cette 
notion  du  bonheur. 

Il  réorganisa  l'université  et  collège  dont  il  était  le  recteur; 
et  s'inspirant  de  ce  qu'il  avait  vu  à  Genève  et  à  Lausanne,  il 
publia  de  remarquables  statuts  qui  font  de  lui  le  digne  successeur 
de  Claude  Baduel,  et  qui  nous  disent  dans  les  plus  minutieux 
détails  la  manière  dont  les  jeunes  gens  d'alors  étaient  élevés*. 

Nous  ne  pouvons  que  mentionner  les  <  Quatre  Antijésuites  > 
qu'il  publia  successivement  de  1582  à  1586,  soit  en  latin,  soit  en 
français,  contre  les  Jésuites  de  Toumon  et  leur  défenseur  Jean 
Hay,  Écossais.  Nous  n'avons  pas  surtout  à  intervenir  dans  le 
débat.  Disons  seulement  que  dans  cette  controverse,  parfois  très 
vive,  le  champion  du  protestantisme  fut  soutenu  et  encouragé  par 
ses  coreligionnaires^.  Il  est,  du  reste,  très  fort  dans  l'attaque, 
quand  il  montre  les  erreurs,  les  abus,  les  superstitions  du  catho- 
licisme ;  mais  il  nous  a  paru  moins  heureux  dans  la  défense,  quand 
il  cherche  à  établir  le  bien  fondé  de  certains  dogmes  calvinistes. 
Dans  la  position  qu'il  occupait  au  collège  et  dans  l'église  de  Nîmes 
et  avec  la  notoriété  dont  il  jouissait,  il  ne  pouvait  évidemment 
décliner  l'honneur  de  défendre  le  drapeau  réformé.  Mais  il  faut 
regretter  que  cette  nécessité  lui  ait  été  imposée  par  les  circons- 
tances et  qu'il  ait  ainsi  éparpillé  ses  forces  sur  une  foule  de  sujets. 
Nous  aurions  préféré  qu'on  lui  eût  laissé  le  temps  nécessaire  pour 
se  livrer  tout  entier  aux  études  historiques,  pour  lesquelles  il  nous 
semble  avoir  eu  des  aptitudes  particulières. 

Sa  position  matérielle  à  Nîmes  n'était  pas  très  brillante.  Sa 
famille,  déjà  nombreuse,  s'accroissait  assez  régulièrement,  et 
comme  ses  gages  de  pasteur  et  professeur  étaient  fort  modiques, 
et  que,  dans  ces  temps  de  troubles  et  de  misère  générale,  le  con- 
sistoire lui  en  faisait  souvent  attendre  le  paiement,  il  se  plaint 

1.  /.  Serrant  Commentarius  in  Sotomonis  Ecclesiasten.  Genève,  1580, 
\02  p.  pet.  in-8'.  Nouv.  édil.,  1588;  Irail.  en  anglais.  Lood.,  1585. 

2.  Academiae  nemausensis  Leges,  ad  optimarum  academiarum  exemptât^ 
etc.  i\emauM,  158*2,  32  fT.  in-8*.  Dédicace  à  Henri  III.  Un  bel  exemplaire  c  Sx 
dono  domini  Serrani  huiuA  academiae  rectoris  »  se  trouve  à  la  bibl.  publ. 
de  Nfmcs. 

3.  Les  synodes  d'Anduze  (mars  1583,  avril  1595)  et  le  consistoire  de  Ntmet 
(7  so]>tembrc  1583)  trouvent  bon  qu'il  réponde  aux  Jésuites,  et  ils  le  remer- 
cient de  la  manière  dont  il  a  rempli  cette  tâche. 


d46  CH.    DARDIBR. 

plus  d'une  fois  de  l'impossibilité  où  il  se  trouve  de  vivre  dans  la 
cité  avec  son  «  grand  mesnage,  vu  le  peu  de  moyens  que  l'église 
lui  donne  ;  »  et  il  demande  qu'on  lui  permette  d'accepter  la  voca- 
tion que  lui  adressent  d'autres  églises,  Villeneuve-de-Berg, 
Orange*,  ou  bien  «  luy  fere  obtenir  payement  de  ses  gaiges.  » 
Le  consistoire  s'empresse  de  lui  donner  satisfaction  en  parlant 
aux  consuls,  et  il  peut  ainsi  le  retenir  à  son  service,  «  vu  le  fruict 
qu'il  a  apporté  en  ceste  ville,  est-il  dit,  et  combien  il  y  est  chéri 
par  l'église,  et  quel  mal  son  absence  nous  apporteroit*.  » 

Souvent,  toutefois,  c'était  pour  un  motif  plus  sérieux  que  de 
Serres  demandait  congé  au  consistoire  :  il  était  appelé  à  remplir 
quelque  mission  politique,  soit  auprès  des  églises  réformées,  soit 
auprès  des  chefs  du  parti  protestant,  Condé  et  Henri  de  Navarre. 
Ces  princes  en  particulier  avaient  en  lui  la  plus  grande  confiance  ; 
ils  connaissaient  son  dévouement,  son  habileté,  sa  répugnance  à 
se  porter  aux  extrêmes;  et  volontiers  les  églises  l'envoyaient 
auprès  d'eux  comme  persona  grata. 

C'est  ainsi  qu'au  mois  d'octobre  1579  les  églises  de  Languedoc 
le  députèrent  au  roi  de  Navarre  pour  «  faire  entendre  les  affaires  » 
à  celui-ci  ;  et  le  roi  l'envoya  à  son  tour  au  maréchal  de  Montmo- 
rency, en  écrivant  à  ce  dernier  la  lettre  missive  suivante  : 
*  ...  J'ay  trouvé  ses  discours  tendans  du  tout  à  moyenner  une 
bonne  paix  et  assoupir  et  esteindre  tous  différens  et  dissentions. 
Qui  est  cause  que  je  le  renvois  vers  vous,  pour  les  vous  reciter, 
comme  il  sçaura  bien  faire,  s'il  vous  plaist  l'ouïr.  Dont  je  vous 
prie,  mon  cousin,  et  luy  octroyer  les  passe-ports  qui  luy  sont 
nécessaires,  pour  aller,  venir  et  s'employer  en  une  si  saincte 
légation  3.  » 

Quelques  mois  plus  tard,  alors  qu'on  était  à  la  veille  de  la 
guerre  dite  des  Amoureux,  Henri  de  Navarre  voulut  s'assurer 
de  l'appui  des  protestants  de  la  sénéchaussée  de  Nîmes,  et  une 
assemblée  politique  se  tint  à  Sommières,  qui  discuta  la  question 

1.  Ce  n'étaient  pas  seulement  ces  églises  qui  réclamaient  le  ministère  du 
pasteur  de  Ntmes;  il  était  aussi  demandé  par  l'Université  d'Orthez,  pour  rem- 
placer Montambert,  comme  nous  l'apprend  une  lettre  de  L.  Daneau  récemment 
publiée.  Et  dans  cette  lettre  écrite  d'Orlhez,  le  19  février  1585,  Daneau  l'ap- 
pelle f  notre  de  Serres  •  :  a  De  Justo  Lipsio  etiam  hue  evocando  agi  tu  r,  item 
Serrano  nostro  ut  in  locum  Montamberii  succédât  t  (P.  de  Félice,  L,  Daneau, 
page  378). 

2.  Séance  du  9  mai  1582,  Reg.  consist.,  t.  III,  fol.  327. 

3.  4  novembre.  Recueil  de  Lettres  miss,  de  Henri  IV,  t.  I,  p.  256. 


JEAN   DE  SERRES.  347 

(le  Topportunité  de  la  reprise  des  armes.  Jean  de  Serres  était  pré- 
sent et  parla,  selon  le  désir  du  prince,  pour  l'affirmative.  Mais  il 
rencontra  des  difficultés  inattendues  ;  avant  de  se  prononcer  défi- 
nitivement, les  députés  voulurent  savoir  si  la  guerre  était  abso- 
lument nécessaire  et  si  telle  était  bien  l'intention  du  roi  de 
Navarre.  Ils  ne  savaient  pas  que  la  reine  Marguerite  et  les  dames 
de  la  petite  cour  de  Nérac  poussaient  à  la  guerre,  et  que  Henri, 
suivant  docilement  cette  impulsion  féminine,  avait  déjà  donné  des 
ordres  pour  que  de  nombreuses  troupes  fussent  prêtes  et  *  cin- 
quante milliers  de  pouldre  >  aussi  :  «  J'en  ay  à  faire,  avait-il 
écritàSaint-Genyès,  et  j'aydesjàadvisé  où  il  les  fault  employer*.  » 
La  guerre  recommença,  en  effet,  vers  la  fin  d'avril.  De  Serres 
rend  compte  en  ces  termes  de  la  décision  prise  à  l'assemblée  de 
Sommières  : 

Sire, 

Je  donnay  ad  vis  dernièrement  à  Votre  Majesté  des  difflcultez  qui 
sont  aux  affaires  de  ce  pays,  prévoyant  ce  qu'est  advenu  en  ceste 
assemblée  de  Sommières  en  la  convocation  de  laquelle,  sy  on  eut 
suivy  un  autre  ordre  (comme  méritoit  bien  ung  affaire  de  si  grande 
conséquence)  on  en  eust  eu  ung  meilleur  et  plus  agréable  succès. 
J'ay  esté  tesmoing  et  spectateur  de  ce  qui  est  intervenu  en  ceste  ville, 
à  laquelle  toute  la  senechaucée  a  accoustumé  de  se  conformer.  Sire, 
je  vous  suis  fidèle  serviteur  et  ne  cèderay  jamais  à  homme  du  monde 
en  cette  dévotion  et  intégrité.  Cecy  n'est  advenu  pour  disputer  s'il 
falloit  promptement  obéir  à  Vostro  Majesté  ou  pour  ne  vouloir  gaie- 
ment courir  la  fortune  en  laquelle  vous  vous  embarquez  pour  la 
commune  conservation  des  Esgliscs  de  Dieu,  mais  pour  le  désir  qu'ont 
le^  gens  de  bien  d'estre  informez  de  vostre  volonté,  et  mesme  en 
une  chose  d'une  si  grande  importance.  Il  n'y  a  peuple,  en  toute  la 
France,  qui  vous  soit  dédyé  que  cestuy-cy  et  de  qui  Vostre  Majesté 
puisse  tirer  plus  prompte  et  plus  fidèle  obéissance  :  Ayant  si  souvent 
senly  les  efforts  de  la  guerre,  il  ne  se  voudroit  précipiter  et  mesmcs 
sur  la  récolte,  qui  luy  est  un  subject  de  crainte  et  d'espérance.  Comme 
il  aymc  et  embrasse  la  paix,  aussi  il  se  resoult  à  la  guerre  quand  la 
légitime  auctorité  luy  en  déclare  la  nécessité,  comme  il  vous  apperra 
en  cest  affaire  si  tost  que  vostre  intention  luy  sera  expressément 
déclarée.  C'est  l'humeur  de  ce  peuple  qu'estant  las  des  fatigues  et 
calamités  passées,  doibt  cstre  dextrement  manyé.  S'il  y  a  quelqu'ung 
qu'interprète  autrement  les  procédures,  la  vérité  fera  preuve  d'elle 

1.  Ibid.,  p.  274. 


348  CH.    DARDIER. 

mesme  par  le  succès.  De  ma  part,  Sire,  je  ne  souscriprois  jamais  à 
choses  qui  préjudiciast  à  vostre  service,  à  Thumble  dévotion  et  fidé- 
lité duquel  se  rapporte  très  bien  Tamour  et  le  respect  que  nous  deb- 
vons  à  TEsglise  de  Dieu  et  à  la  patrye. 

Si  par  grand  effect  je  ne  vous  peux  déclarer  ceste  mesme  volonté 
et  résolution,  au  moins  j'espère.  Sire,  moyennant  l'aide  de  Dieu, 
d'en  laisser  quelque  tesmoignage  par  escript,  qui  ayant  pour  recom- 
mandable  subject  vos  louables  et  vertueuses  actions,  consacre  vostre 
nom  à  la  postérité.  —  Je  prie  Dieu  qu'il  vous  en  veuille  de  plus  en 
plus  enrichir  et  les  fasse  vallolr  en  Taduancement  de  sa  gloire  et 
repos  de  son  Esgliso,  accompagnant,  Sire,  vos  sainctes  entreprinses 
d'une  saincte  et  heureuse  prospérité.  —  De  Nysmes,  ce  xvi™*  jour 
d'apvril  4  580. 

De  Vostre  Majesté  le  très  humble  et  très  obéyssant  serviteur, 

Jehan  de  Serres  * . 

Et  au-dessus  :  Au  Roy  de  Navarre. 

A  la  fin  de  cette  année  1580,  une  nouvelle  mission  est  confiée 
à  Jean  de  Serres  :  il  est  prié  par  le  prince  de  Condé  d'aller  en 
Vivarais  «  pour  les  affaires  des  églises;  >  et  un  congé  de  quinze 
jours  lui  est  accordé  «  avec  toutesfois  bonne  escorte  qu'on  luy 
fera  audit  voyage  pour  la  surté  de  sa  personne,  attendu  le 
temps*.  » 

Quand  il  s'agit,  en  1583,  de  rendre  les  villes  qui,  par  Tédit  de 
Poitiers  (septembre  1577,  art.  59),  avaient  été  <  baillées  en  garde 
aux  protestants  pour  le  temps  et  le  terme  de  six  ans,  »  le  roi  de 
Navarre  aurait  voulu  qu'on  les  rendît  à  l'expiration  du  terme. 
Le  gros  du  parti  s'y  opposait,  se  méfiant  de  la  cour.  Le  prince 
eut  donc  recours  au  crédit  de  J.  de  Serres  pour  que  les  villes 
fussent  restituées  au  moment  convenu.  Il  lui  fit  écrire,  le 
18  juin  1583,  de  Nérac,  par  le  sieur  de  Beaumont  une  lettre  dont 
nous  relevons  les  lignes  suivantes  :  «  Comme  de  chose  bien  impor- 
tante, je  vous  prie  d'avoir  souvenance  de  ce  qui  concerne  le  temps 
de  la  reddition  des  villes  ;  j'en  escris  à  Messieurs  les  consuls  de 
Castres,  Montpellier,  Nismes  et  Uzès,  et  encores  que  le  fait  leur 
soit  recommandé,  je  crains  toutesfois  qu'ils  auront  besoin  de 


1.  Cette  lettre,  inédite,  se  trouve  dans  les  manuscrits  de  la  bibliothèque  de 
Toulouse,  manuscrit  10,  volume  B,  pièce  u*  29.  Elle  nous  a  été  signalée  par 
M.  J.  Roman,  et  nous  en  devons  la  copie  à  M.  Charles  Pradel  :  nous  sommes 
henreux  de  les  remercier  l'un  et  l'autre  de  leur  obligeance. 

2.  Reg.  consist.  de  N.,  t.  III,  fol.  156. 


JEiX   DE   SERRES.  349 

vostre  sollicitation  à  quoy  il  vous  plairra  vous  employer  * .  >  Mal- 
gré sa  <  sollicitation,  »  de  Serres  échoua  dans  cette  circonstance  : 
on  sait  que  le  parti  protestant  obtint  prolongation  du  terme  «  pour 
autres  années.  » 

Dans  un  jour  de  danger,  le  26  avril  1584,  à  la  nouvelle  qu'une 
armée  nombreuse  venant  du  côté  de  Lyon  se  dirigeait  vers  le 
Languedoc,  le  conseil  de  ville  de  Nîmes  prit  ses  mesures  de  défense, 
et  confia  à  de  Serres  le  soin  de  faire  un  amas  de  salpêtre  en  aussi 
grande  quantité  qu'il  sera  possible*. 

Au  commencement  de  1589,  le  duc  de  Montmorency  agissant 
au  nom  du  roi  de  Navarre  le  chargea,  conjointement  avec  le  sieur 
Sarrasin,  de  faire  passer  en  Allemagne,  par  les  mains  de  Th.  de 
Bèze,  la  somme  de  20,000  écus,  sans  doute  pour  payer  ou  recru- 
ter des  reîtres.  Sur  le  conseil  du  réformateur,  cette  somme  fut 
convertie  en  soie,  en  drap  <  cadisses  >  et  en  blé,  pour  qu'elle  lui 
parv'înt  plus  facilement  à  Genève.  Il  est  parlé  de  cette  commis- 
sion dans  la  séance  du  12  avril  1589^,  parce  qu'un  marchand 
de  Nîmes,  nommé  Jean-Pierre  Posterle,  qui  avait  été  chargé  de 
négocier  l'affaire,  eut  un  différend  à  ce  sujet  avec  le  pasteur  et 
Sarrasin,  qui  l'accusèrent  de  n'avoir  pas  exactement  rempli  les 
conditions  du  contrat.  Après  examen,  le  consistoire  donna  tort  à 
Posterle;  et  comme  celui-ci  proférait  par  la  ville  «  des  oultrages 
et  aultres  parolles  indignes  >  contre  de  Serres,  il  fut  censuré  et 
menaa»  d'être  suspendu  de  la  cène  (18  mai  1589).  Ce  pénible 
débat  revint  quelquefois  en  consistoire  (29  avril  1592,  1*"' juin 
1591).  Des  arbitres  furent  nommés.  Le  synode  national  de  Mon- 
tauban  (juin  1594)  fut  aussi  appelé  à  s'en  occuper  et  réclama 
vivement  que  les  comptes  fussent  rendus^  Enfin  dans  la  séance 
du  consistoire  du  21  février  1596,  tout  est  en  règle  et  les  comptes 
sont  «  mis  au  cofl're  pour  la  descharge  dudit  sieur  de  Serres*.  » 

Nous  trouvons  aussi  dans  nos  vieux  registres  deux  autres  inci- 
dents désagréables  dont  J.  de  Serres  sortit  avec  honneur,  mais 
qui  prouvent  qu'il  était  en  suspicion  auprès  des  exaltés  du  parti 
protestant.  Nous  devons  en  dire  un  mot. 

1.  Lettre  inédite.  Arch.  commun,  de  Nfmes,  D.  3,  n*  145. 

1,  Re^.  commun.,  L.  12,  fol.  189. 

iî.  Reg.  consist.,  t.  V,  fol.  lii. 

1.  .\ymou,  Syn.  nni.,  1,  187.  Seulement,  par  suite  d'une  mauvaise  lecture, 
Aymon  a  transformé  Posterle  en  Fusera!  C'est  du  reste  son  habitude  d'estro- 
pier les  noms  propres. 

5.  Reg.  consist.,  t.  VI,  fol.  33. 


320  CH.    DARDIER. 


IV: 


ORANGE. 


Fin  de  1589-1598. 


Après  la  mort  de  Henri  III,  le  combat  d'Arqués  et  l'accès  au 
trône  ouvert  au  Béarnais,  le  colloque  de  Sommières  (26  octobre 
1589)  choisit  J.  de  Serres  comme  député  «  pour  un  voiage  à  la 
cour  pour  aller  saluer  le  roy  de  son  adveneraent  à  la  couronne, 
au  nom  des  Eglises.  >  Les  églises  voisines,  en  particulier  celle 
de  Montpellier,  se  plaignirent  vivement  que  cette  assemblée  syno- 
dale se  fût  occupée  d'  «  ung  affaire  purement  civil  et  politic  et 
non  ecclésiastique  ou  pour  le  moins  mixte.  »  Le  consistoire  de 
Nîmes,  à  l'insu  duquel  cette  nomination  avait  été  faite,  désavoua 
avec  quelque  solennité  son  pasteur  et  aussi  l'un  de  ses  diacres, 
nommé  Bosquier,  qui  était  dans  le  même  cas.  Dans  les  pages  con- 
sacrées à  cette  affaire*  on  remarque  un  vif  dépit  contre  de  Serres, 
dont  le  caractère  moyenneur  n'inspirait  pas  une  grande  confiance. 
C'était  le  moment  où  les  seigneurs  catholiques  insistaient  auprès 
du  roi  pour  qu'il  abjurât  ;  et  les  protestants  désiraient  que  les 
intérêts  du  parti  fussent  défendus  par  quelqu'un  de  plus  décidé, 
de  plus  ferme.  Et  pour  montrer  mieux  encore  que  par  un  simple 
désaveu  combien  déplaisait  la  nomination  faite  par  le  colloque  de 
Sommières,  le  consistoire  prend  le  pasteur  au  mot  et  accepte 
définitivement  la  démission  qui  avait  été  plusieurs  fois  offerte  ;  il 
fut  arrêté  <  d'ung  commun  advis  et  consentement,  qu'il  lui  sera 
escript  qu'il  prenne  en  bonne  part  que  on  acquiesse  et  condes- 
cande  aux  instances  et  tant  réitérées  réquisitions  par  luy  faictes 
advant  son  dernier  retour  de  luy  donner  son  conged  pour  servir 
alheurs  où  il  sera  appelle  »  (31  octobre  1589).  —  U  alla  desser- 
vir l'église  d'Orange. 

L'autre  incident  fut  plus  grave.  Dans  la  séance  du  consistoire 
de  Nîmes  du  l*"*  septembre  1591,  il  fut  donné  lecture  d'une  lettre 
du  consistoire  de  Montpellier,  du  26  août  précédent,  qui  accusait 
J.  de  Serres  d'avoir  mal  versé  dans  «  l'administration  des  deniers 
donnés  pour  le  service  de  Dieu,  et,  pour  couvrir  le  trafic  et  abus, 

1.  Reg.  coasist.,  t.  V,  foL  291-299. 


JEAN  DE  SERRES.  324 

d*avoir  parjuré.  »  «  Ce  sera  en  vain,  ajoutait  la  lettre,  qu'on 
appellera  les  particuliers  au  consistoire  pour  dances,  mascarades, 
excès  d'accoustremens,  juremens  et  blasphèmes,  vu  que  les  par- 
jures en  la  personne  des  ministres  y  sont  tollerés  sans  que  la  cen- 
sure portée  par  la  discipline  y  aye  esté  observée.  »  La  lettre  rap- 
pelait que  le  synode  tenu  à  Sauve  quelques  jours  auparavant 
(le  13  août)  avait  arrêté  «  que  M.  de  Serres  confesseroyt  parti- 
culièrement avec  humilité,  et  sellon  Taduis  d'aulcuns  les  genoux 
à  terre  en  plaine  assemblée  d'avoir  offencé  Dieu  par  ses  parjures 
et  par  aultres  moyens.  »  Rien  de  cela  n'a  été  fait.  Bien  au  con- 
traire, «  on  l'a  député  pour  aller  en  cour  au  nom  des  églises  de 
ce  Languedoc  ;  on  luy  a  bailhé  des  blancz  signes  au  roy,  à  M.  de 
la  Noue,  M.  de  Chastillon,  M.  de  Plessis,  M.  du  Fain  et  à  Mes- 
sieurs les  ministres  de  la  maison  du  roy,  qui  seront  remplis  par 
ledict  M.  de  Serres  seul  et  selon  son  intention,  ce  que  nous  esti- 
mons ne  debvoir  estre  souffert*.  »  Le  9  septembre,  un  pasteur  de 
Montpellier,  nommé  Payan,  arrive  à  Nîmes  pour  souligner  en 
quelque  sorte  les  violentes  récriminations  de  la  lettre  de  son  con- 
sistoire. Le  consistoire  de  Nîmes  agit  avec  sagesse  :  il  renvoya 
l'affaire  à  un  prochain  synode,  refusant  «  de  faire  aulcune  plainte 
ny  parler  »  contre  le  prévenu  *  en  considération  qu'il  a  esté  leur 
pasteur  et  ministre,  et  défendant  aulcune  information  contre  lui 
en  la  ville  sans  l'autorisation  dudit  synode*.  >  Il  consentit  seule- 
ment à  ce  que  les  blancs-seings  fussent  retirés  de  ses  mains  jus- 
qu'à la  décision  officielle. 

Comme  l'accusation  persistait,  de  Serres  se  rendit  au  synode 
d'Anduze  en  avril  1595;  il  dit  «  estre  venu  à  la  Compagnie  pour 
le  debvoir  de  bienséance  et  pour  rendre  compte  à  la  Compagnie 
du  maniement  de  l'argent  qu'il  a  de  l'église,  qui  sont  deniers  du 
roy,  et  les  deniers  qui  se  lèvent  par  collectes  sont  proprement 
deniers  des  églises.  Et  de  ceux  qu'il  a  en  maniement  estans  du 
roy,  il  en  a  ses  quittances  et  a  en  main  pappiers  de  sa  justifica- 
tion qu'il  a  exhibez  à  la  Compagnie^.  » 

Le  synode  national  de  Saumur  (juin  1596)  ne  croyait  pas  à  sa 
culpabilité,  car  il  le  substitua  «  suivant  l'avis  de  la  province  »  à 
Daniel  Chamier  sur  la  liste  des  vingt  et  un  pasteurs  parmi  lesquels 

l./Wrf.,  t.  V,foI.  719-723. 

2.  Ibid.,  fol.  733. 

3.  Syn.  prov.  du  Bat-Lançtiêdoe  et  Cevennes,  Bibl.  nat.,  fondit  fr.  8669,  dont 
une  copie  a  été  faite  par  M.  L.  Auzière  pour  la  Bibl.  du  Prot.  fr.,  p.  464. 


322  GH.    DIRDIER. 

on  devait  en  choisir  douze  c  pour  entrer  en  conférence  avec  ceux 
de  l'Eglise  romaine.  >  Il  le  chargea  aussi  d'écrire  aux  églises  de 
Provence  «  pour  les  consoler  dans  leur  affliction  >  et  «  aux  fibres 
pasteurs  de  l'église  de  Metz  sur  le  conseil  qu'ils  demandent  tou- 
chant les  habits  dissolus.  »  Il  lui  confia  également  la  mission 
délicate  de  répondre  aux  écrits  du  ministre  apostat  Pierre  Cayet, 
de  rile-de-France,  qui  avait  été  déposé  et  qui  s*était  mis  à  atta- 
quer les  protestants  de  concert  avec  le  cordelier  Fr.  Feu-Ardent*. 

L'église  de  Nîmes,  qui,  dans  un  moment  de  mauvaise  humeur, 
avait  accepté  la  démission  de  J.  de  Serres,  lui  garda  néanmoins 
un  fond  de  gratitude  et  d'estime.  La  preuve  en  fut  donnée  au  mois 
de  juillet  1592,  quand  on  sut  qu'il  avait  été  pris  près  de  Nyons 
par  les  ligueurs,  au  moment  où  il  négociait  «  certaines  choses 
entre  les  églises  du  Dauphiné  et  celles  de  Provence  et  de  Langue- 
doc. »  Une  procuration  oflBcielle  qu'il  avait  sur  lui  servit  de  pré- 
texte à  son  arrestation.  Il  fut  mené  à  Apt  en  Provence.  «  On  lui 
disoit,  a  écrit  le  biographe  du  magistrat  catholique  qui  s'intéressa 
à  lui,  qu'il  estoit  prisonnier  de  guerre,  et  on  luy  demandoit  ran- 
çon. Il  n'estoit  riche  qu'en  monnoye  de  Parnasse  qui  n'est  de  mise 
que  chez  les  vertueux*.  » 

Quand  cette  triste  nouvelle  parvint  à  Nîmes,  l'émotion  fut  géné- 
rale et  profonde.  Le  consistoire,  dans  sa  séance  du  29  juillet  1592, 
«  conclud  qu'il  sera  faict  prières  pour  luy  aux  prières  de  l'Eglise, 
que  Dieu  le  vuelle  deslivrer  de  sa  captivité,  et  d'escrire  à  sa 
femme  une  lettre  de  consolation  et  de  luy  présenter  tout  ce  que 
ceste  église  pourra  fere  pour  luy^.  »  Dix  mois  plus  tard,  le  mal- 
heureux n'était  pas  encore  délivré  ;  et  le  synode  tenu  à  Uzès,  le 
5  mai  1593,  s'empressa  d'arrêter  «  que  la  Compagnie  s'employera 
par  tous  moyens  possibles  tant  envers  Sa  Majesté  que  la  grandeur 
de  Mgr  de  Montmorenci  et  tous  autres  qu'il  appartiendra,  pour 


1.  Aymon,  Syn,  nat.,  I,  196,  200,  207,  209.  —  Agr.  d'Aubigné  a  donc  eu  lort, 
dans  son  Hist.  univ.,  liv.  IV,  ch.  xi,  et  liv.  V,  ch.  ii,  d'accoler  le  nom  de 
Serres  à  celui  de  Cayet  sur  la  liste  des  «  révoltés.  »  Dans  cette  circonstance  et 
dans  quelques  autres,  nous  le  verrons  (t.  I,  p.  5;  t.  II,  p.  355-6,  édlt.  de  1616- 
1620),  le  grand  satirique  a  agi  par  dépit  et  rancune  en  prodiguant  les  insinua- 
tions malveillantes  à  l'adresse  d'un  homme  dont  le  crime  à  ses  yeux  était 
d'avoir  en  politique  et  en  religion  des  tendances  modérées  et  pacificatrices. 

2.  Vie  d'Artus  Prunier  de  Saint-André ^  d'après  un  manuscrit  inédit  de 
Nicolas  Chorier  (écrit  vers  1682),  publié  par  Alfred  Vellot.  Paris,  A.  Picard, 
1880,  p.  104. 

3.  Reg.  consist.,  t.  VI,  fol.  86. 


JEilf   DE   SERRES.  323 

luy  fere  ayder  au  payement  de  sa  rançon  *.  »  Il  ne  sortit  de  pri- 
son que  vers  la  fin  de  l'année  1593*. 

Ce  fut  évidemment  pendant  sa  détention  qu'un  ligueur  (Bar- 
rillon  qui  l'arrêta  ^  ou  tout  autre)  lui  vola  les  «  dix  mille  écus  » 
dont  il  sollicita  la  restitution  du  roi  lui-même  et  que  rappelle  par 
deux  fois  d'Aubigné  avec  une  malveillance  évidente*.  «  Il  n'estoit 
pas  raisonnable,  écrit-il  à  Théod.  deBèze,  que  je  fusse  pire  qu'in- 
fidèle, en  méprisant  neuf  pauvres  enfans  et  laissant  leur  bien  à 
un  brigant,  qu'il  m'avoit  ravi,  lorsque  j'estois  en  voyage  pour  le 
service  et  par  le  mandement  des  églises.  Si  Dieu  m'a  donné  grâce 
envers  le  roy  pour  me  rendre  justice  et  m'a  donné  accès  envers 
plusieurs  pour  porter  la  vérité  librement  ne  leur  estant  odieux, 
ce  n'est  pas  pour  quitter  la  defence  d'icelle  vérité.  Je  loue  mon 
Dieu  qui  m'a  fait  la  grâce  de  me  joindre  (la  copie  porte  :  faindre) 
à  son  œuvre  à  toutes  occasions  qui  s'en  sont  présentées  et  m'a 
doublé  la  volonté  à  son  service^.  »  Cette  restitution,  dont  il 
remercie  publiquement  Henri  IV  dans  l'épître  dédicatoire  de  son 
Inventaire^ j  a  pourtant  fait  accuser  J.  de  Serres  de  s'être  vendu 
à  la  cour  et  d'avoir  apostasie. 

Le  moment  serait  venu,  si  nous  suivions  rigoureusement  l'ordre 
chronologique,  de  parler  de  son  projet  d'accord  entre  les  deux 
religions.  Mais  avant  d'aborder  ce  sujet,  nous  voulons  épuiser  ce 
qui  nous  reste  à  dire  sur  ses  travaux  historiques. 


1.  Syn.  prov.  du  Bas- Languedoc,  Bibl.  du  Prot.  fr.,  p.  428. 

2.  c  Pour  se  tirer  de  la  misère  où  il  estoit,  il  implora  la  protection  du  prési- 
dent (A.  P.  de  Saint-André);  et  Lesdiguières  mesme  le  demanda  jHiur  luy; 
(liraud,  l'un  des  secrétaires,  n'espargna  ny  prières,  ny  soins  envers  l'un  et 
l'autre  pour  do  Serres  <|u'il  nomme  son  père  dans  ses  lettres.  Mais  ce  malheu- 
reux fut  traduit  d'Apt  à  Aix,  ce  qui  rendit  sa  délivrance  plus  difficile.  Néant- 
moins  le  président  ne  s'estant  pas  rebuté  des  difficultés,  elle  luy  fut  enûn 
accordée.  On  le  remit  au  président,  zélé  protecteur  des  lettres  ■  {Vie  de  Saint- 
André,  p.  lOi). 

3.  Vie  de  Saint-André,  p.  104. 

4.  Hist.  Univ.,  t   11,  p.  85;  t.  III,  p.  200. 

5.  Lettre  inédite,  datée  de  Montpellier,  17  aoi\t  1597.  Bibl.  nat.,  collect. 
Dupuy,  t.  104,  fol.  135,  copie. 

G.  «  Ce  mien  droict  victorieusement  maintenu  par  vous,  Sire,  et  Messei- 
;;neurs  de  vostre  conseil,  tesmoigne  à  tout  le  monde  combien  vous  désirez 
qu'un  chacun  vive  en  seurté  et  paii  sous  l'obéissance  de  vos  commandemens. 
Mais  en  ceste  cx)mmune  obligation,  la  particulière  que  j'ai  à  vostre  équité  et 
clémence,  embrase  en  mon  âme  une  plus  ardente  affection  de  voiier  le  reste  de 
ma  pénible  carrière  au  service  de  Vostre  Majesté  •  {Inventaire  général,  etc., 
édit.  de  ICOO,  t.  I,  p.  7  de  i'épitre  (non  paginée). 


324  CH.    DiRDIER. 

Son  Inventaire  parut  en  1597'.  Ce  court  résumé  de  l'histoire 
de  France  devait  embrasser  nos  annales  «  depuis  Pharamond 
jusqu'au  règne  de  Henri  IV.  »  Mais  l'auteur,  sur  le  conseil  de 
«  doctes  amis,  »  offrit  le  commencenient  de  son  œuvre  «  comme 
un  échantillon  de  toute  la  pièce.  »  Avant  de  pousser  plus  loin 
que  Charles  VI,  il  voulut  savoir  quel  accueil  serait  fait  à  cet 
«  échantillon.  »  Il  comprenait  que  le  récit  d'événements  si  trou- 
Wés,  dont  on  n'était  pas  encore  sorti,  provoquerait  des  apprécia- 
tions différentes.  Il  exprime  cette  idée  dans  des  termes  qui  méritent 
d'être  cités  :  «  Et  mesme,  dit-il,  m'embarquantde  terre  ferme  en 
la  mer  tempestueuse,  qui  ne  me  peut  estre  qu'effroiable  et  par  le 
sentiment  de  ma  foiblesse  et  par  l'appréhension  des  divers  juge- 
mens  comme  de  âus  et  de  reâus  de  l'Océan,  je  n'ay  eu  le  coeur  de 
bazarder  pour  ce  voiage,  tout  ce  petit  modeÛe.  Aille  donc  ce  pre- 
mier fardeau  le  premier,  et  coure  la  risque,  pour  recognoistre 
sur  les  empors  le  cours  du  marché  :  afin  que  par  son  succez  je  me 
résolve  avec  moins  de  danger  à  l'embarquement  de  mon  reste, 
qui  attendra  cependant  sur  la  rade  le  vent  de  vostre  favorable 
contentement*.  > 

La  mort  l'empêcha  d'achever  son  œuvre.  Nous  savons,  depuis 
la  publication  d'un  récent  ouvrage,  qu'il  <  avait  commencé  la 
vie  de  Louis  XP.  »  Nous  pouvons  donc  lui  attribuer  désormais 
avec  certitude  le  résumé  de  la  période  qui  va  de  1422  à  1461.  Et 
pour  le  reste,  il  est  probable  que  son  premier  continuateur'  a  pu 

1.  Inventaire  géntral  de  l'kist.  de  France,  illustré  par  la  conférence  de 
l'Église  et  de  l'Empire.  Paris,  1S9T,  chez  A.  Saugrain  et  G.  des  Rues,  rue 
Saint-Jean-dc-B  eau  vais,  avec  <  Pririlege  du  Aof ,  u  daté  de  Lyon  13  septembre 
tâ95.  2  vol.  iD-l6i  le  iiremier,  de  640  jiages,  s'arrête  à  Loui»  IX,  1227;  le 
second,  A  Charles  VI,  1421.  L'édition  princeps  est  rarissime  :  nous  ea  avoas  vu 
le  premier  volume  i  la  Bibl.  du  Prot.  fr, 

2.  Préface  sons  Tonne  d'Epltre  aux  Français,  non  psg. 

3.  Vie  de  Saint-André,  p.  146.  C'est  pour  cela  uns  doule  que  dans  l'édition 
de  1600,  il  y  a,  après  le  règne  de  Charles  VII,  1461,  au  milieu  du  1.  II,  UM 
pagination  nouvelle  avec  ces  mots  sur  un  feuillet  blanc  :  t  Suite  de  l'Inventaire 
général  de  l'histoire  de  France.  ■  Ce  qui  précide  est  l'œavre  de  i.  de  Serre*. 
Le  reste  est  fait  d'après  ses  notes. 

4.  Le  premier  continuateor  de   l'/nt  re  ae   fui  pas   le  niini-stre 
Hontlyard,  sieur  de  Melleray  en  Bunce.       is  l'un  des  lils  du  mlnislre, 
donnons  raison  sur  ce  point  i  Pn       t  baod  contre  Uum  IFr.  prot.,  t.  IX, 
267,  et  vil,  491).  Le  père,  réfngié  k      rnn,  fat  d'abord  n'*-    """mï  ministre 
à  Draillans,  le  12  août  15M,  pais       tà57.  iCiligny;"-  'tinBji 
Tier  1563;  car  son  nom.  Écrit  •                   'O  ofSdel 
semble  une  déformation  de                           "     «-*•  - 


JEAN   DE  SERRES.  325 

utiliser  les  notes  plus  ou  moins  complètes  que  l'auteur  avait  lais- 
sées dans  son  cabinet,  et  qui  ne  furent  pas  sans  doute  retirées  des 
mains  de  ses  héritiers,  comme  le  furent  tant  d'autres  de  ses  manus- 
crits par  Tordre  du  synode  national  de  Montpellier  (1598). 

Le  succès  de  VInventaire  fut  immense,  et  il  était  mérité. 
C'était  un  incontestable  progrès  sur  les  compilations  indigestes 
ou  infidèles  de  Robert  Gaguin  (f  1501)  et  de  François  de  Belle- 
forest  (f  1583) .  Pour  la  première  fois,  les  faits  sont  présentés  dans 
l'ordre  chronologique,  avec  clarté  et  méthode.  Cet  ouvrage  ne 
sera  éclipsé  que  bien  plus  tard  par  V Abrégé  chronologique  de 
Mézeray  (f  1683). 

Nous  avons  déjà  dit,  à  propos  de  ses  Commentaires^  à  quelles 
sources  il  avait  puisé.  Nous  devons  pourtant  citer  ici  les  Ugnes 
qui  se  trouvent  à  ce  sujet  dans  la  préface  de  son  dernier  ouvrage 
historique  :  c  J'ay  soigneusement  recerché  la  vérité  en  beaucoup 
de  bons  livres...  J'ai  puisé  fidèlement  des  sources  de  mesme  que 
ceux  qui  m'ont  devancé...  Dieu  m'ayant  fait  survivre  pour  estre 
tesmoin  de  très  grandes  choses,  non  seulement  comme  l'un  de 
mes  patriotes,  pour  regarder  du  port  le  danger  :  mais  par  les 
conmiunes  tempestes  m'ayant  embarqué  en  haute  mer.  Car  estant 
emploie  en  grandes  affaires  et  dedans  et  dehors  le  royaume,  j'ai 
eu  l'honneur  d'entrer  aux  cabinets  des  Rois  et  des  Princes,  de 
manier  les  actes  publiques  des  provinces,  et  communiquer  avec 
les  chefs  des  partis,  pour  apprendre  de  leur  bouche  mesmes,  et 
d'autres  qui  sous  eux  avoient  l'autorité  et  l'entremise,  au  vray 
tout  ce  qui  s'est  passé.  Ainsi  pouvant  rendre  raison  de  beaucoup 
de  choses  pour  les  avoir  veues,  aussi  je  peux  dire  qu'il  y  en  a 
bien  peu  dont  je  n'en  puisse  donner  conte  par  les  produits  et  ins- 


qui  avaient  été  reçus  bourgeois  graUs,  eu  1559,  en  même  temps  que  lui.  Ce 
fut  l'un  de  ces  fils  qui  continua  VInventaire  y  le  même  sans  doute  qui, 
d^  1580  à  1620,  a  publié  plusieurs  ouvrages,  entre  autres,  en  1602,  les  Méta~ 
tnorphases  ou  VÂne  d'or  d'Apulée,  VInventaire  fut  d'abord  continué  jusqu'à 
la  mort  de  Henri  111,  en  1589,  puis  jusqu'à  la  paix  de  Vervins,  en  1598  (Paris, 
1600,  chez  Saugrain  et  des  Rues,  rue  Saint-Jean-de-Latran,  aux  Deux- Vipères, 
3  vol.  in-8*).  Une  autre  édit.  :  1608,4  vol.  in-8*.  Paris,  chez  Matth.  Guillemot 
et  P.  Mettayer,  va  jusqu'au  14  septembre  1606,  baptême  des  enfants  de 
Henri  IV,  Louis,  Elisabeth  et  Christine.  La  dernière  édition,  la  19*,  croyons- 
nous,  est  de  1660  (Paris,  2  vol.  in-fol.).  —  L'Inventaire  fut  traduit  en  latin 
par  l'Espagnol  Cassiodore  de  Reina  (Francfort,  1612,  in-4*).  La  traduction  fut 
continuée  depuis,  jusqu'à  Louis  XIH,  et  impr.  dans  la  même  ville  de  Franc- 
fort, 1625,  in-fol.  Il  y  eut  aussi  deux  trad.  angl.  Lond.,  1611  et  1624. 


326  CH.    DA&DIER. 

tructions  des  deux  partis.  J'adjouterai  à  ceste  commodité  la  dévo- 
tion particulière  qui  a  tousjours  tenu  mon  esprit  bandé  à  ce  soin, 
de  recueillir  tout  ce  qui  se  faisoit  lorsque  la  nécessité  des  affaires 
me  portoit  aux  négociations  :  et  le  bon  succez  de  ce  mien  désir, 
qui  a  si  bien  rencontré  que  et  les  grands  et  les  petits  m'ont  favo- 
rablement départi  tout  ce  qui  me  pouvoit  estre  utile  à  ce  sujet. 
D'où  est  advenu  que  j'ai  fait  un  juste  amas  de  toute  la  matière, 
qui  peut  solidement  suffire  pour  bastir  une  parfaite  histoire  depuis 
le  commencement  des  troubles  jusqu'à  maintenant.  » 

Notre  historiographe  s'adressait,  en  effet,  à  tous  les  person- 
nages qui  pouvaient  le  renseigner  exactement.  Nous  verrons  qu'il 
avait  interrogé  à  cet  égard  le  premier  président  des  parlements 
de  Provence  et  de  Dauphiné,  A.  P.  de  Saint- André,  qui  avait 
pu  connaître  le  fond  de  bien  des  choses.  Etienne  Pasquier  nous 
apprend  dans  sa  correspondance  avec  J.  de  Serres  qu'il  encou- 
ragea celui-ci  à  poursuivre  son  dessein,  tout  en  lui  montrant  les 
diflScultés  de  l'œuvre.  <  On  m'a  dict,  lui  écrit-il  en  1594,  que 
travaillez  sur  l'histoire  de  nos  troubles  :  je  loiie  vostre  intention. 
L'entreprise  est  grande,  mais  infiniment  chatouilleuse  :  car  il  est 
fort  malaisé  qu'au  milieu  de  nos  guerres  civiles,  un  homme  soit 
composé  d'un  esprit  si  calme  qu'il  ne  suive  ou  l'un  ou  l'autre 
party.  »  Il  le  renvoie  à  des  lettres  qu'il  avait  déjà  publiées  sur  ce 
sujet  en  1568  :  «  Cela  vous  pourra  servir  d'un  crayon  quereves- 
tirez  d'enrichissements  ;  »  et  il  s'en  remet  «  à  la  diligence  et  fidé- 
lité »  de  sa  plume.  Dans  une  nouvelle  lettre  du  l®*"  janvier  1595, 
il  lui  fait  une  recommandation  dont  notre  historien  n'avait  pas 
précisément  besoin,  puisqu'il  avait  écrit  ses  Commentaires  dans 
cet  esprit,  mais  qui  prouve  la  hauteur  pliilosophique  et  religieuse 
du  point  de  vue  auquel  se  plaçaient  les  hommes  sérieux  de  cette 
époque.  «  Puisqu'avez  entrepris  notre  histoire,  lui  dit-il,  si  les 
prières  d'un  amy  tiennent  lieu  de  commandement  dessus  nous, 
je  vous  supplie  de  ne  séparer  les  affaires  d'estat  d'avec  les  juge- 
mens  de  Dieu  ;  comme  font  un  tas  de  corrompus  courtisants,  qui 
n'ont  autre  religion  en  leurs  âmes,  que  celle  qui  despend  de  leurs 
commoditez  et  profits.  Je  souhaite  que  soyez  un  Philippe  de  Com- 
mines  au  milieu  de  nous.  »  Et  après  avoir,  <  par  forme  d'avant- 
jeu,  dit  l'observation  >  qu'il  avait  faite  <  sur  nos  calamitez  et 
misères,  >  il  termine  ainsi  :  «  Croyez  qu'en  tout  cela  il  y  a  de 
grands  et  très  exprès  jugemens  de  Dieu,  que  vous  sçaurez  bien 
employer  en  déployant  vostre  plume  et  vostre  papier  sur  ce  sub- 


JEAN   DE  SERRES.  327 

ject.  Quant  à  moy,  je  ne  pense  point  que  depuis  mil  ans,  il  y  ait 
histoire  jJus  admirable  que  la  nostre*.  » 

Au  reste,  c'est  un  pur  sentiment  de  patriotisme  qui  l'a  porté  h 
écrire  cette  histoire.  Il  veut  que  la  connaissance  du  passé  apprenne 
à  chacun  à  mieux  comprendre  et  à  mieux  remplir  ses  devoirs  de 
citoyen.  Et  rappelant  la  plainte  de  Thucydide,  «  l'un  des  princi- 
paux ouvriers  de  l'histoire,  »  il  dit  que  <  c'est  une  grande  honte 
que  les  François  soient  estrangers  en  France.  » 

M.  de  Gallier'  a  relevé  avec  raison  le  passage  de  YInventaire 
relatif  à  la  conversion  de  Clovis.  On  y  voit  la  préoccupation  dont 
alors  était  obsédé  l'esprit  de  l'auteur,  et  le  prix  qu'il  attachait  à 
l'unité  de  religion  dans  le  royaume.  «  Geste  publique  profession 
de  la  chrestienté,  dit-il,  acquit  entièrement  tous  les  cœurs  des 
Gaulois  à  Clovis,  acheva  la  concorde  et  union  entre  eux  et  les 
François,  la  domination  desquels  estant  mal  aisée  s'apprivoisa 
et  s'affermit  par  le  lien  de  la  religion  et  jeta  le  fondement  à  l'en- 
tière grandeur  de  ceste  Royauté...  Les  Gaulois,  ne  servant  plus 
à  regret  les  François  victorieux,  qui  s'estoient  laissez  vaincre  à 
la  vérité,  et  ayans  une  foy  et  une  loy  commune,  ne  pouvoient 
que  souhaiter  le  bien  de  leur  commune  patrie.  Tant  peut  la  reli- 
gion pour  unir  les  cœurs  dans  l'Estat^.  » 

J.  de  SeiTes  a  été  accusé,  par  d'Aubigné  entre  autres,  d'avoir 
été  du  nombre  de  ces  «  ministres  avaricieux  et  affamez  >  qu'on 
<  pratiqua  pour  oster  au  Roi  l'horreur  qu'il  avoit  du  siège  de 
Rome,  et  pour  rendre  moindres  les  diferens  des  religions^  »  Notre 
historiographe  a  été  calomnié  à  cet  égard  par  d'Aubigné,  qui 
était  parmi  les  intransigeants  du  parti  protestant.  Aucune  preuve 
n'existe  qu'il  ait  conseillé  au  roi  de  faire  «  le  saut  périlleux.  »  Il 
croyait  seulement,  et  il  a  pu  le  dire,  qu'on  pouvait  faire  son  salut 
dans  l'Kglise  romaine  ;  il  se  séparait  en  cela  de  la  généralité  de 
ses  coreligionnaires,  qui  ne  lui  pardonnèrent  pas  cette  tolérance; 
mais  où  était  le  mal  ?  La  conversion  du  Warnais  a  dû  être  pour 
lui  ce  qu  elle  a  été  pour  le  prince,  une  mesure  politique  qui  devait 
i^endre  la  paix  au  royaume.  Et  la  page  de  l'Inventaire  où  se 
trouve  le  récit  de  la  comédie  de  Saint-Denis,  du  25  juillet  1593, 
exprime  bien  sa  pensée  à  cet  égard  :  «  Mais  voici  un  grand  coup 

1.  Œuvres  dCEslienne  Pasquier.  Ainsterd.,  1723,  in-fol.,  t.  II,  col.  4i5-454. 

2.  /.  de  Serres  y  p.  9. 

3.  Inrentaire,  cdit.  do  ICOO.  t.  I,  p.  71-2. 
\,  Hist.  univ.,  t.  III,  1620,  p.  2ÎK). 


328  GH.   DARDIBR.   —  JEAN  DE  SERRES. 

qui  par  son  esclat  destruit  ce  tiers  parti  par  lequel  plusieurs 
catholiques  estoient  desja  prêts  de  poulser  le  royaume  en  nou- 
velles combustions  ;  et  couppe  broche  tant  à  ceux  qui  font  scru- 
pule de  combattre  sous  les  enseignes  d'un  roy  d'autre  religion 
que  la  leur,  comme  aux  autres  qui  dès  si  long  temps  voilent  de 
ceste  spécieuse  couverture  la  continuation  de  leurs  mutineries  et 
révoltes*.  » 

D'Aubigné  a  dit  un  mot  de  ce  dernier  ouvrage  de  notre  histo- 
rien et  nous  devons  le  consigner  ici  :  «  Je  ne  mets  point,  dit-il, 
V Inventaire  de  Serres  en  ce  rang  (les  perles  de  notre  âge),  quoi- 
que docte  et  éloquent,  puisqu'il  s'est  contenté  du  labeur  et  de 
l'honneur  que  porte  Y  Inventaire^.  »  D'Aubigné  ignorait-il  que 
J.  de  Serres  avait  publié  un  grand  nombre  d'autres  écrits,  ou  fei- 
gnait-il de  l'ignorer  ?  Dans  tous  les  cas,  le  propos  est  étrange. 

Gh.  Dardier. 
{Sera  continué.) 

1.  Inventaire,  édit.  de  1600,  t.  III,  p.  1854.  Le  t.  II  a  une  nouvelle  pagination 
après  la  page  305,  et  cette  pagination  se  continue  dans  tout  le  t.  III. 

2.  Hisl.  Univ.,  t.  I,  1616,  p.  5. 


LES 


IDÉES   POLITIQUES   DE    MIRABEAU 


{Suite.) 


III. 


LA    REPRESENTATION    NATIONALE. 

L'Assemblée  représentative.  —  L'Assemblée  constituante, 
—  U Assemblée  législative,  — Ses  rapports  avec  le  Pou- 
voir exécutif  et  le  Pouvoir  judiciaire,  —  Son  organisa- 
tion. —  Unité  de  V Assemblée. 

La  nation  est  la  source  de  tous  les  pouvoirs.  Comme  elle  ne 
peut  les  exercer  par  elle-même,  elle  les  remet  aux  mains  d'un 
mandataire  héréditaire  et  d'un  corps  élu  par  elle.  Ce  corps,  qui  la 
repr(»sente  directement,  n'est  autre  que  l'Assemblée  nationale. 
I^  droit  national  de  la  représentation,  Mirabeau  le  revendique 
de  toutes  ses  forces  dans  ses  premiers  écrits  comme  dans  ses  der- 
niers discours.  Il  nie  qu'il  y  ait  liberté  publique  dans  l'État 
où  les  citoyens  ne  participent  point  au  pouvoir  «  par  la  délé- 
gation d'un  corps  de  représentants  chaque  année  librement 
élus  par  la  plus  grande  partie  de  la  nation,  sagement  restreints 
par  leurs  instructions...  et  sujets  au  contrôle  de  leurs  consti- 
tuants*. —  Que  la  nation  reçoive  une  représentation  juste,  sage, 
proportionna»  entn»  les  divers  membres  de  l'Ktat,  propre  aux 
grands  effets  qui  en  doivent  n?sulter,  la  confiance  la  plus  respec- 
tueuse s'y  attachera . . .  l'esprit  du  siècle  passera  tout  entier  dans  les 
délibérationsd'uneassemblée  pareille*.  »  Pour  arriver  à  la  création 
d'un  corps  national  représentatif,  Mirabeau  salue  avec  enthou- 

1.  lettres  de  cachet,  r.  1.  |».  *2(W. 
'2.  Lettres  à  Mauritton,  \k  431  et  435. 

HkV.    IIlSTOR.    XXII.    2«   FASi:.  'il 


330  F.    DBCICB. 

siasme  la  réunion  des  notables  ;  il  réclame  celle  des  états  généraux  ^ 
Avant  qu'ils  aient  été  convoqués,  il  blâme  la  peur  ridicule  que  Ton  a 
de  «  recourir  à  la  nation  pour  constituer  la  nation*.  >  Quand  ils 
sont  convoqués,  il  s'écrie  que  «  c'est  un  pas  d'un  siècle  que  la 
nation  a  fait  en  vingt-quatre  heures...  Ah  !  mon  ami,  écrit-il  à 
Mauvillon,  vous  verrez  quelle  nation  ce  sera  que  celle-ci  le 
jour  où  elle  sera  constituée  et  le  jour  aussi  où  le  talent  sera  une 
puissance.  J'espère  qu'à  cette  époque  vous  entendrez  favorable- 
ment parler  de  votre  ami^.  »  Quand  l'Assemblée  est  constituée, 
il  en  soutient  la  légitimité  dans  son  journal^  dans  ses  discours^, 
dans  ses  notes  à  la  cour.  «  Une  Convention  nationale^  dit-il  à 
Louis  XVI,  peut  seule  régénérer  la  France^.  » 

Cette  assemblée  doit  être  permanente  et  nombreuse,  car  ses 
occupations  sont  multiples  et  la  surveillance  qu'elle  doit  exercer 
sur  les  affaires  est  le  contrepoids  indispensable  du  pouvoir  royaP. 
Ses  membres  ne  sont  en  fonctions  que  pour  un  temps  limité  et  elle 
doit  être  périodiquement  élue*.  Ce  retour  successif  des  élections 
forme  l'esprit  public  sans  coûter  beaucoup  à  l'État^.  Les  députés 
peuvent  être  pris  aussi  bien  dans  le  clergé  et  la  noblesse  que  dans 
les  communes*^.  Quant  au  renouvellement  de  ce  corps,  Mirabeau, 
d'abord  indécis,  admet  qu'il  ait  lieu  tous  les  trois  ans.  Une  légis- 
lature de  longue  durée  lui  semble  préférable,  à  condition  toute- 
fois que  le  roi  jouisse  du  droit  de  dissolution  ;  des  élections  trop 
fréquentes,  remarque-t-il,  fatiguent  le  peuple.  «  Il  faut  rendre 
la  liberté  même  douce  et  légère.  C'est  une  plante  difficile  à  culti- 
ver; une  main  discrète  l'arrose  avec  ménagement,  une  main 
imprudente  l'inonde  et  la  fait  périr".  »  Leur  mandat  rempli,  les 
députés  peuvent-ils  poser  de  nouveau  leur  candidature?  Mira- 

1.  Ibid.,p.  173,  178,  189,  194,  198  et  292. 

2.  Lettres  à  MauvUlon,  p.  296  (23  novembre  1787). 

3.  Ibid.,  p.  372. 

4.  Courrier  de  Provence,  w  43,  p.  5,  v.  VII,  p.  355  et  445. 

5.  Moniteur,  Discours  du  19  septembre  1789  et  du  17  février  1790. 
G.  Corr.  Mirabeau-La  Marck,  v.  I,  p.  37. 

7.  Courrier  de  Provence  du  8  juillet  1789.  Archives  parlementaires,  p.  540. 
L'Assemblée  doit  contenir  720  députés  élus  au  2*  degré.  Moniteur,  Discours 
du  10  novembre  1789. 

8.  Courrier  de  Provence,  v.  VII,  p.  151  (4  septembre  1789).  Corr.  Mirabeau- 
La  Marck,  v.  Il,  p.  225  et  430. 

9.  Courrier  de  Provence,  n»  35,  p.  17. 

10.  Ibid.,  n»  35,  p.  17  et  18.  Archives  parlementaires,  p.  540. 

11.  Courtier  de  Provence  du  12  septembre  89,  p.  20. 


LES   IDÉES   POLITIQUES   DE   MIRlBEiC.  331 

beau  varie  sur  cette  question.  Tantôt  il  admet  la  réélection  à 
laquelle  il  est  intéressé*,  tantôt  il  la  rejette  dans  des  moments  de 
dépit  contre  F  Assemblée*. 

Bien  que  la  France  tende  à  la  décentralisation  et  que  les  dépu- 
tés ne  puissent  être  élus  hors  des  départements  où  se  tmuvent 
leurs  domiciles  3,  ils  ne  doivent  pas  se  considérer  comme  les 
ambassadeur  de  provinces  différentes,  mais  comme  les  représen- 
tants du  royaume  en  générale  <  Cliacun  des  membres  de  l'Assem- 
blée n'est  pas  seulement  le  député  immédiat  de  ceux  qui  l'ont  élu, 
mais  le  représentant  médiat  delà  nation^.  >  L'Assemblée  exprime 
le  vœu  national  par  la  majorité  de  ses  membres,  comme  la  nation 
le  ferait  elle-même^.  Les  députés  doivent,  d'une  façon  générale, 
se  conformer  aux  instructions  de  leurs  commettants'',  et  sont 
même  tenus  de  rendre  leurs  comptes  après  la  législature*.  Maison 
ne  les  soumet  point  h  des  mandats  impératifs^.  Lorsque  l'Assemblée 
a  exprimé  son  vœu,  avant  même  qu'il  soit  sanctionné  par  le  roi, 
tous  les  députés  ont  le  devoir  de  l'appuyer*^.  Le  respect  du  vote  de 
la  majorité,  le  respect  du  vote  des  députés  en  général  sont  les  con- 
ditions d'existence  de  l'Assemblée.  Mirabeau  remet  à  l'ordre  ceux 
qui  ne  l'observent  pas,  que  ce  soit  un  représentant  du  roi",  un 
parlement  prétendant  enregistrer  les  décrets  de  l'Assemblée",  ou 
une  municipalité  assez  hardie  pour  vouloir  influer  sur  ses  votes*^. 
Pour  assurer  l'indépendance  des  députés,  ils  sont  déclarés  invio- 
lables et  le  pouvoir  exécutif  ne  peut  les  poursuivre". 

Les  membres  de  l'Assemblée  nationale,  députés  et  représentants 
temporairesetélectifsdu  i)euple,  sont  réunis  dans  unedouble  inten- 
tion :  1"  ils  constituent  :  2"  ils  légifèrent.  Ils  constituent  d'al)onl. 

1.  Moniteur.  Discouri»  du  19  septembre  89. 
'2.  Corr.  Mirabeau-La  Han'k,  v.  II,  p.  451. 
'.\.  Ibid.y  y.  11,  p.  151. 

I.  Courrier  de  Provence^  n"  5i,  p.  10. 

5.  Courrier  de  Provence,  n*  54,  p.  13  et  14. 
(j.  Ibid.y  V.  VIIl,  p.  2î. 

7.  Lettres  de  cachet,  ▼.  1,  p.  218.  Cf.  Thiers,  v.  I,  p.  7'2. 

8.  Corr.  Mirabeau-La  Marck,  v.  Il,  p.  46C. 
1).  Moniteur.  Discours  du  8  juillet  1789. 

10.  làid.  Discours  du  2  juillet  178'J.  Courrier  de  Provence,  v.  VIII,  p.  2*. 

II.  Moniteur.  Disc^iurs  du  24  juillet  1789. 

12.  Courrier  de  Piovence,  n^  20,  p.  1. 

13.  Moniteur.  Discours  du  10  septembre  1789. 

14.  /frirf.  Discours  tlu  22  juin  et  du  5  octobre  1789.  Courrier  de  Provence, 
II"  'M),  p.  G 


332  F.    DECRUE. 

Dans  ce  cas,  ils  sont  appelés,  au  nom  du  peuple,  à  lui  donner  le 
régime  gouvernemental  qui  lui  convient.  A  eux  appartient  le 
droit  exclusif  de  faire  ou  de  réformer  la  constitution  du  pays  * . 
Car  ils  représentent  le  peuple,  et  le  peuple  seul  se  constitue  à  sa 
guise,  sans  prendre  l'avis  du  monarque*.  Ce  droit  est  éternel  et, 
selon  Mirabeau,  a  été  éternellement  exercé  chez  les  Francs  et  chez 
les  peuples  du  Nord  en  généraP.  Confondant  ce  qui  a  été,  ce  qui 
est  et  ce  qui  doit  être,  notre  auteur  expose  les  principes  qui  pré- 
sident à  toute  législation,  soit  constitution.  C'est  d'abord  la  loi  de 
la  nature,  puis  les  lumières  delà  raison  et  l'intérêt  de  l'humanité, 
que  sanctionnent  enfin  le  vœu  et  le  consentement  général  du 
peuple  ^  Il  soutient  que  la  loi  obligatoire  n'est  et  ne  peut  être 
jamais  que  l'expression  fidèle  du  droit  naturel  revêtu  de  cette 
sanction^.  C'est  beaucoup  dire  :  c'est  laisser  entendre  qu'à  une 
loi  injuste  on  ne  doit  pas  obéissance^. 

Quand  elle  agit  comme  constituante,  l'Assemblée  nationale 
décrète  souverainement  sans  attendre  la  sanction  royale''.  «  Ce 
veto  ne  saurait  s'exercer  quand  il  s'agit  de  créer  la  Constitution  ; 
je  ne  conçois  pas,  ajoute  Mirabeau,  comment  on  pourrait  dispu- 
ter à  un  peuple  le  droit  de  se  donner  à  lui-même  la  constitution  par 
laquelle  il  lui  plaît  d'être  gouverné  désormais*.  »  Cette  constitu- 
tion n'est  donc  pas  une  charte  accordée  par  le  roi,  ou  même  con- 
venue avec  lui  ;  c'est  un  statut  que  le  peuple,  par  l'organe  de  ses 
élus,  s'impose  à  lui-même,  à  son  roi.  Ce  dernier  ne  peut  s'y  sous- 
traire, sous  peine  d'être  privé  de  son  rang^.  L'Assemblée  natio- 
nale, ou  Corps  législatif  permanent,  a  toujours  qualité  pour  cons- 


1.  Corr.  Mirabeau-La  Marck,  v.  II,  p.  440-441. 

2.  Avis  aux  Ilessois  et  Réponse  aux  conseils  de  la  raison,  dans  les  (Eurres 
de  Mirabeau f  Paris,  1821,  iii-8-,  v.  V,  p.  5  cl  22.  Lettres  de  cachet,  y.  I,  p.  202 
et  293. 

3.  Lettres  de  cachet,  v.  1,  p.  207.  Les  auteurs  sur  lesquels  s'appuie  Mirabeau 
S4>nt  César  et  Tacite  d'une  part,  Blackstone  et  Huinc  de  l'autre. 

4.  Iàid.y  V.  I,  p.  25  et  45. 

5.  Ibid.,  ▼.  1,  p.  82. 

0.  C'est  la  raison  pour  laquelle  Mirabeau  déclare  qu'il  refusera  obéissance 
t\  une  loi  contre  les  émigrés,  c  Je  jure  de  n'y  obéir  jamais,  »  dit-il  en 
pleine  assemblée. 

7.  Moniteur.  Discours  du  14  septembre  1789.  Archives  parlementaires , 
p.  G3G  et  r>37.  Courrier  de  Provence,  n»  41. 

8.  Moniteur.  Discours  du  l"^  septembre  1789.  Archives  parlementaires, 
p.  538.  Courrier  de  Provence,  n'  31,  p.  8. 

9.  Corr.  Mirabeau-La  Marck,  ^.  1.    p.  371.  Nt)lc  du  15  m'tobre  1789. 


Li:S   IDÉES   l'OLITIQLES    liK   MIRASKAF.  333 

litiier'.  lAi  Courrier  de  Provence  combat  lo  projet  do  Sièyès 
qui  veut  au  contraire  convoquer,  h  cert<iines  époques,  des  assem- 
blées nationales  extraordinaires,  dites  Conx'.eniioiis,  pour  refainî 
<'n  entier  la  Constitution.  Un  ouvrage  si  prestement  achevé  ne 
jnanquerait  pas  d'être  incomplet*.  Chaque  législature  au  contraire 
a  le  droit  de  réformer  Tœuvre  de  celle  qui  Ta  précédée.  Aucune 
assemblée  ne  peut  être  vérificatrice  d'elle-même  et  la  constitution 
qu'elle  fait  n'est  jamais  que  provisoire,  tant  qu'elle  n'a  pas  été 
sanctionnée  par  la  Chambre  suivante^. 

I/Assemblée  du  reste  n'est  toutcvpuissante  que  lorsqu'elle  s'oc- 
cupe de  constitution.  Or  <  la  Constitution  n'existe  réellement  que 
dans  la  manière  dont  les  pouvoirs  nationaux  sont  distribués  et 
organisés  dans  les  divers  agents  auxquels  la  nation  en  a  confié 
l'exercice.  Ainsi  l'on  ne  doit  réputer  constitutionnels  en  ce  sens 
que  les  décrets  relatifs  à  cette  grande  Constitution  ^  >  Parler 
ainsi,  c'est  jirévenir  les  prétentions  de  l'Assemblée  et  chercher 
à  les  restreindre.  Il  y  a  cependant  deux  actes  que  Mirabeau 
classe  constamment  dans  le  domaine  amstituant  :  les  arretc'»s  qui 
abolissent  le  régime  féodaP  et  le  veto.  Ici  il  soutient  le  pou- 
voir constituant  de  l'Assemblée  dans  un  sens  favorable  à  la 
royauté.  <  Si  le  roi,  dit-il,  refuse  le  veto  absolu,  l'Assemblée  ne 
doit  pas  moins  le  lui  accorder,  pour  peu  qu'elle  reconnaisse  le 
droit  de  suspendre  les  actes  du  Corps  législatif  utile  à  la  liberté 
de  la  nation^'.  »  C'est  de  constitution  qu'il  s'agit  et  l'Assemblée 
(»st  seule  compétente  en  cette  matière. 

Non  seulement  l'Assemblée  constitue  souverainement,  mais 
c'est  elle  seule  que  concerne  le  vote  annuel  de  l'impôt'.  «  Ce  droit 
national  législatif,  ce  droit  national  de  la  représcuitation,  ce  droit 
national  de  l'impôt  sont  les  droits  inaliénables  et  imprescriptibles 
des  hommes  et  des  peuples *•.  >  Le  trésor  de  l'Etat  est  mis  ainsi 
sous  la  haute  surveillance  de  l'.Assemblée.  Le  vote  des  impôts, 


I    lhid,y  \.  H.  |).  \M}y  437  et  iJO. 
•*'.  Courrier  de  Provence,  n"  34,  p.  '21. 
:i.  Corr,  Miraheau-La  Marrk,  v.  I,  p.  380. 
4.  Courrier  de  I>rovence,  v.  Vil,  n«  132,  p.  m.  IG  avril  ITîXK 
.').  Moniteur.   I)i<tcours  du   li  septembre  1780.  Archives  jtarlemeHiaires, 
p.  130  et  137. 
<>.  Ibtd.,  p.  (JOiK  Courrier  de  Provence^  n»  lO^,  p.  7. 

7.  Lettres  de  cachet^  v.  I,  p.  108.  Lettres  à  Mauvillon,  p.  437.  Corr.  Mira- 
boau-La  Mank,  ▼.  Il,  p.  2*25.  Moniteur,  DiRCour»  du  1"  octobre  178ÎI 

8.  Lettres  à  Mauvillon.  p.  437  (8  novembre  1788). 


334  F.    DI^CRCE. 

rémission  des  emprunts,  l'institution  du  papier-monnaie  sont  uni- 
quement de  son  ressorte  En  outre,  afin  de  rester  à  Tabri  des  ten- 
tatives royales,  le  Corps  législatif  fixe  chaque  année  le  nombre 
des  troupes  nécessaires  au  pays^.  Cet  impôt,  ces  troupes,  il  peut 
les  refuser  aux  ministres  et  il  possède  ainsi  un  moyen  puissant 
de  leur  faire  respecter  sa  volonté. 

Le  vote  de  la  Constitution,  celui  de  l'impôt,  celui  de  Tarmée 
relèvent  exclusivement  de  l'Assemblée.  Mais  le  pouvoir  législatif 
est  aussi  l'attribut  spécial  de  ce  corps,  qui  prend  de  ce  fait  la  qua- 
lification particulière  de  Corps  législatif.  L'Assemblée  prépare 
et  discute  les  lois 3.  Si  elle  possède  la  toute-puissance  en  qualité 
de  corps  constituant,  comme  corps  législatif  elle  est  limitée  dans 
ses  attributions.  Les  députés,  en  effet,  peuvent  être  facilement  ame- 
nés à  abuser  de  leur  pouvoir,  puisqu'ils  paralysent  le  gouverne- 
ment en  lui  refusant  l'impôt  et  l'armée,  ou  même  en  ne  les  votant 
que  pour  un  terme  fort  court.  Rien  ne  les  empêchera  de  s'éterni- 
ser, de  s'attribuer  la  partie  de  pouvoir  exécutif  qui  dispose  des 
emplois  et  des  grâces  et  de  former  une  nouvelle  aristocratie.  Il 
leur  sera  facile  de  comploter  dans  leurs  séances  secrètes  et  d'arri- 
ver à  la  tyrannie  ^  Même  avec  d'excellentes  intentions,  l'Assem- 
blée peut  proposer  de  mauvaises  lois;  elle  peut  faire  mal,  elle 
peut  vouloir  le  mal.  De  là  la  nécessité  de  mettre  un  frein  à  ses 
volontés. 

Ce  frein,  c'est  le  veto  royal.  Dans  son  origine,  le  pouvoir  légis- 
latif est  unique  et  appartient  à  la  nation  ;  mais,  dans  son  exer- 
cice, il  est  divisé  en  deux  parties.  Le  droit  de  proposer  est  délé- 
gué parla  nation  à  l'Assemblée  ;  le  droit  de  sanctionner  est  délégué 
par  la  nation  au  roi^.  Une  loi,  sans  sanction,  ne  saurait  exister. 
On  distingue  Y  acte  législatif  de  la  Ipi,  en  ce  que  l'acte  légis- 
latif, voté  par  les  députés,  ne  devient  loi  que  lorsqu'il  est  sanc- 
tionné par  le  roi^.  Pour  balancer  l'importance  des  votes  de 
l'Assemblée,  Mirabeau  songeait  à  établir  encore  un  autre  contre- 


1.  Moniteur.  Discours  du  10  octobre  1789.  Courrier  de  Provence,  n»  48,  p.  13 
et  14. 

2.  Lettres  de  cachet,  v.  I,  p.  208. 

3.  Lettres  à  Mauvillon,  p.  437. 

4.  Moniteur.  Discours  du  14,  du  20  el  du  22  mai  1789.  Archives  parlemen- 
taires, p.  539  et  ss.  Moniteur.  Discours  du  1*'  septembre  1789. 

5.  Courrier  de  Provence,  n*  du  23  septembre  1789,  p.  30. 
G.  Ibid.,  n»  34,  p.  G  et  7.  Archives  parlementaires,  p.  538. 


LES  IDÉES   POLITIQUES   DE   MIBABBÀU.  335 

poids.  Comme  nous  l'avons  vu,  il  accordait  au  roi  le  droit  de 
dissoudre  l'Assemblée,  droit  sans  lequel  le  veto  avait  peu  d'effi- 
cacité*. Cette  dissolution,  immédiatement  suivie  de  la  convoca- 
tion d'une  nouvelle  chambre,  pour  laquelle  le  peuple  pourrait  réé- 
lire les  mêmes  députés*,  constitue  à  juste  titre  ce  que  Mirabeau 
nomme  l'appel  au  peuple. 

L'Assemblée  ne  doit  pas  se  mêler  directement  du  gouverne- 
ment. 4f  S'agit-il  de  faire  la  loi  ?  Cette  expression  de  la  volonté 
publique  appartient  au  pouvoir  législatif,  et  la  surveillance  au 
monarque.  S'agit-il  au  contraire  de  l'exécution  ?  C'est  ici  le  lot 
d'un  seul,  l'action  de  la  royauté,  et  la  surveillance  appartient  au 
Corps  législatif'.  »  Plusieurs  délégués  font  la  loi,  un  seul  l'exé- 
cute. Si  le  pouvoir  législatif  empiète  sur  le  pouvoir  exécutif,  il 
trompe  le  peuple  ^  et  fait  tomber  l'Etat  dans  l'anarchie^.  L'Assem- 
blée n'en  contrôle  pas  moins  la  marche  des  afiaires.  Elle  veille  à 
la  liberté,  à  la  sauvegarde  de  ses  membres*,  ainsi  qu'à  l'indé- 
pendance des  assemblées  élémentaires  qui  concourent  à  sa  forma- 
tion '.  Si  les  mesures  de  police  ne  sont  pas  de  son  ressort,  si  elle  n'a 
qualité  ni  pour  juger  ni  pour  faire  grâce*,  elle  peut  en  revanche 
poursuivre  et  accuser®.  Si  elle  ne  nomme  pas  les  ministres,  elle 
peut  du  moins,  par  ses  votes,  exprimer  la  défiance  qu'ils  lui  ins- 
pirent et  exiger  leur  renvoi*^.  Ce  privilège  lui  permet  ainsi  de 
s'ingérer  dans  le  gouvernement.  En  somme,  pour  résumer  les 
rapports  qui  lient  l'Assemblée  au  gouvernement,  on  peut  remar- 
quer que  Mirabeau  demande  un  pouvoir  exécutif  très  fort,  con- 
trôlant le  pouvoir  législatif,  et  un  pouvoir  législatif  très  fort  con- 
trôlant le  pouvoir  exécutif**. 


1.  ArehiveM  parlementa  ires  ^  p.  530  et  541. 

*2.  Moniteur.  Discours  du  1"  septembre  1789.  Courrier  de  Provence,  n"  35, 
p.  13.  Corr.  Mirabetu-La  Marck,  y.  II,  p.  438. 

3.  Corr.  Mirabeau-La  Marck,  v.  II,  p.  443. 

4.  Ibid.,  V.  II,  p.  430. 

5.  Ibid.,  V.  II,  p.  443. 

6.  Moniteur.  Discours  du  26  août  1789. 

7.  Ibid.  Discours  du  24  août  1789.  Archives  parlementaires,  p.  486.  Courrier 
de  Provence,  n«  32,  p.  16. 

8.  Ibid.,  n*  15,  p.  10,  et  n-  du  25  juillet  1789. 

9.  Moniteur.  Discours  du  31  juillet  1789.  Archives  parlementaires,  p.  311. 

10.  Courrier  de  Provence,  n»  19  et  n»  74,  p.  17. 

U.  c  Se  maintenant  l'un  l'autre,  ils  s'empêchent  mutuellement  de  nuire  à 
l'État.  »  Courrier  de  Provence,  n*  34,  p.  20. 


336  F.    DECRUE. 

Quelque  partisan  qu'il  soit  en  théorie  de  la  séparation  des  trois 
pouvoirs,  Mirabeau,  dans  la  pratique,  n'établit  pas  entre  eux  des 
limites  infranchissables.  Le  pouvoir  exécutif  et  le  pouvoir  légis- 
latif se  pénètrent  l'un  l'autre.  H  en  est  un  peu  de  même  pour  le 
pouvoir  législatif  et  le  pouvoir  judiciaire.  Sans  doute,  on  le  répé- 
tera tout  à  l'heure,  Mirabeau  s'oppose,  en  principe,  à  ce  que 
l'Assemblée  informe  ou  juge.  Il  sera  toujours  diflBcile,  remarque- 
t>-il,  de  concevoir  que  la  liberté  puisse  être  assurée  quand  le  Corps 
législatif  intervient  dans  les  jugements*.  C'est  le  motif  pour  lequel 
il  rejette  le  projet  de  Robespierre  de  faire  de  l'Assemblée  une  cour 
de  cassation'.  Cependant,  il  arrive  que,  selon  l'occasion,  Mira- 
beau néglige  la  célèbre  division  des  trois  pouvoirs,  et  accorde  à 
l'Assemblée  quelque  autorité  en  matière  judiciaire.  Elle  doit  ven- 
ger la  nation  des  outrages,  dit-il,  et  punir  dans  certains  cas^. 
Elle  forme  donc  une  haute  cour  de  justice  politique  et  la  cour  de 
cassation  lui  est  subordonnée^  En  cas  de  violation  de  la  Consti- 
tution, quel  que  soit  le  coupable,  c'est  à  l'Assemblée  qu'il  faut 
recourir.  «  Tout  fonctionnaire  public,  fût-il  le  roi,  s'il  se  trouve 
interrompu  dans  l'exercice  de  ses  pouvoirs  par  un  crime  de  lèse- 
nation,  doit  le  dénoncer  aux  représentants  de  la  nation,  qui 
seuls  ont  le  droit  d'en  demander  vengeance^.  >  L'Assemblée 
exerce  ainsi ,  même  sur  l'ordre  judiciaire ,  une  surveillance 
générale.  Ce  privilège,  qui  l'assimile  à  une  sorte  d'Aréo- 
page, de  Chambre  des  lords,  lui  convient  d'autant  mieux 
qu'elle  représente  plus  directement  le  peuple  souverain.  Ce 
n'est  pas  tout.  Poussant  encore  plus  loin  les  concessions,  le 
Courrier  de  Provence  accorde  à  chacun  des  membres  du 
Corps  législatif  le  rôle  d'un  procureur-général,  d'un  accusateur 
public.  Il  encourage  les  dénonciations  politiques.  Il  redit  le  mot 
de  Cicéron  :  <  Accusatores  multos  esse  in  civitate  utile  esf^.  — 
Que  ne  ressuscite-t-on,  s'écrie-t-il,  les  accusations  publiques  des 
Grecs  et  des  llomains''?  »  Cesycophantisme  convient  à  une  époque 


1.  Moniteur.  Discours  du  0  janvier  1790.  Archives  parle nienta ires j  p.  311. 

2.  Courrier  de  Provence,  v.  VUl,  p.  3i0  à  343. 

3.  Moniteur.  Discours  du  9  janvier  1790. 

4.  Courrier  de  Provence,  v.  VUl,  p.  363. 

5.  Courrier  de  Provence,  v.  XI,  p.  208. 

6.  Courrier  de  Provence,  v.  IX,  p.  233. 

7.  Jbid,,  V.  IX,  p.  480. 


I.KS    IDÉKS    roLITlQlES   DK   ^IRABKAl  .  337 

soupçonneuse  et  révolutionnaire.  «  Ne  punissez  pas  la  calomnie, 
s'écrie  un  rédacteur  du  Courrier  de  Provence^  ce  serait  Caire 
peur  à  la  presse*  !  >  Mirabeau  n'a  garde  de  contredire  son  journal 
sur  ce  point.  Poussé  par  ses  haines  personnelles,  il  ne  se  fait  faute 
de  dénoncer  ses  ennemis'  et  de  réclamer  le  droit  de  délation  pour 
ses  collègues  comme  pour  lui-même. 

Mirabeau  prête  une  grande  attention  à  l'organisation  du  corps 
représentatif  et  à  Tonlre  intérieur  des  séances.  Il  critique  souvent 
la  tenue  des  députés,  leur  incapacité,  leurs  discours  académiques 
pleins  d'un  pathos  classique,  dont  il  n'est  pas  exempt  lui-même.  Il 
leur  reproche  ces  éloges,  ces  remerciements  empreints  d'une  flatte- 
rie courtisanesque  à  l'égard  du  peuple.  Il  veut  remédier  au  désordre 
des  séances,  bien  qu'il  s'y  trouve  comme  dans  son  élément.  Sem- 
blable à  Démosthène,  il  aimait  à  couvrir  de  sa  voix  le  bruit  de 
la  tempête.  Il  n'en  approuve  pas  moins  le  droit  de  censure  que  l' As- 
sembU'îe  exerce  sur  ses  membres;  il  demande  qu'il  s'étende  jusqu'à 
l'exclusion  absolue  pour  toute  la  durée  de  la  législature,  mais  non 
au-delà^.  Il  propose,  pour  vérifier  un  vote,  d'observer  la  pluraliti'î 
simple.  Enfin  il  regrette  que  l'Assemblée  répartisse  son  travail 
entre  des  C077iités,  que  nous  appellerions  aujourd'hui  commis- 
sions. Il  ne  s'y  rend  jamais^  Il  leur  reproche  d'usurper  l'autorité 
dos  ministres.  Mais  ce  n'est  pas  son  véritable  grief.  Ces  comités 
demandaient  des  conseillers  calmes  et  froids  qui  exposassent  leurs 
raisons  avec  poids  et  mesure.  Rien  n'était  plus  contraire  à 
l'éloquence  brillante  de  Mirabeau  dont  le  souflle  puissant  soule- 
vait des  milliers  d'auditeurs. 

(''est  peut-être  pour  ce  dernier  motif  que  Mirabeau  finit  par 
repousser  la  coexistence  de  deux  chambres.  Dumont  prétend 
qu'à  l'origine  il  était  favorable  à  la  dualité.  «  Tous  deux, 
dit-il  en  parlant  de  Mirabeau  et  de  Sieyès,  sentaient  bien  qu'une 
assi^nbléo  unique  n'avait  aucun  régulateur**.  >  Il  raconte  que  le 
grand  orateur  lui  dit,  la  dernière  fois  qu'il  le  vit  :  €  Ah  !  mon 
ami,  que  nous  avions  raison,  quand  nous  avons  voulu,  dès  le 
commencement,  empêcher  les  communes  de  se  déclarer  assemblée 


\./bid.,  V.  IX,  p.  40i. 

l.  Ainsi  le  garde  des  sceaux  Barentin,  les  ministres  Saint-Priest  et  La  Luzerne. 

3.  Courrier  de  Provence,  \.  VI,  p.  110. 

ï.  Corr.  Mirabeau-La  Marrk,  v.  I,  \k  382-383. 

5.  Dufnont,  p.  148. 


338  F.    DECRCE. 

nationale  ;  c'est  là  Torigine  du  mal  :  depuis  qu'ils  ont  emporté 
cette  victoire,  ils  n*ont  cessé  de  s'en  montrer  indignes.  Ils  ont 
voulu  gouverner  le  roi  au  lieu  de  gouverner  par  lui  :  mais  bien- 
tôt ce  ne  sera  plus  ni  eux  ni  lui  qui  gouverneront  ;  une  vile  fac- 
tion les  dominera  tous  et  couvrira  la  France  d'horreur*.  » 

•  Quelle  que  soit  cette  déclaration,  on  peut  croire  que  Mirabeau 
n'a  jamais  eu  d'idées  bien  arrêtées  sur  cette  question.  Dans  ses 
lettres  à  Mauvillon,  comme  dans  ses  premiers  discours  à  l'Assem- 
blée, il  s'oppose  aux  distinctions  des  ordres,  il  insiste  pour  que 
les  états  généraux  se  vérifient  et  délibèrent  en  commun'.  Sans 
doute  ^  il  a  des  velléités  d'admettre  deux  chambres  comme 
en  Angleterre.  <<  Il  s'est  opposé,  dit  Dumont,  au  décret  qui  détrui- 
sit les  ordres  et  les  fondit  dans  l'Assemblée  nationale^.  »  Il  pro- 
posait aux  députés  du  tiers  état  de  prendre  le  titre  élastique  de 
Représentants  du  Peuple  français  y  titre  qui  pouvait  convenir 
aussi  aux  députés  des  trois  ordres,  s'ils  se  réunissaient  en  com- 
mun ^  Les  discours  que  Mirabeau  prononça  à  cette  occasion 
étaient  équivoques,  mais  il  voyait  dans  cette  équivoque  une 
mesure  de  précaution.  «  Nous  nous  sommes  constitués,  écrit-il 
à  Mauvillon,  en  Assemblée  nationale  sur  le  refus  réitéré  des 
deux  ordres  de  se  réunir  à  nous  et  de  vérifier  leurs  pouvoirs  en 
commun.  Ce  n'était  pas  mon  avis.  Ma  motion  était  de  nous 
déclarer  Représentants  du  Peuple  français,  c'est-à-dire  ce 
que  nous  sommes  incontestablement,  ce  que  personne  ne  peut 
nous  empêcher  d'être,  et  ce  mot  à  tiroir,  ce  mot  vraiment  magique 
qui  se  prêtait  à  tout,  qui  n'alarmait  personne,  réduisait  à  des 
termes  bien  simples  le  grand  procès^.  »  Ainsi  Mirabeau  se  pose, 
non  comme  un  conservateur,  mais  comme  un  conseiller  prudent 
qui,  bornant  ses  désirs,  en  ajourne  la  réalisation.  M.  Henri 
Martin  lui  reproche  «  ce  moment  d'hésitation  et  de  défail- 
lance^. > 


1.  Duinont,  p.  267. 

2.  Lettres  à  MauriUoH,  p.  431  ^8  novembre  88),  p.  445  (25  décembre  88),  p.  464 
(mai  89).  Moniteur.  Discours  des  15  et  16  juin  1789. 

a.  Dumont,  p.  268. 

4.  Moniteur.  Discours  des  15  et  16  juin  1789.  Courrier  de  Provence,  n*  10, 
p.  13  et  17. 

5.  Lettres  à  MauviUon,  p.  468  (16  juin  1789). 

6.  Histoire  de  ta  Rèt'oiutiony  v.  1,  p.  49. 


I.KS   IDÉKS   i*OIJriQ(i|ù^    1>E   HIRABEll.  33tl 

O*  moment  dure  peu.  Bientôt  Mirabeau  se  déclare  partisan 
(rune  seule  assemblée.  Son  journal  attaque  violemment  le  système 
anglais*  et  appuie  ceux  qui  s'opposent  à  la  création  d'un  sénat*. 
Il  reconnaît  toutefois  que  le  Corps  législatif,  ne  se  divisant  pas 
en  deux  chambres,  doit  être  composé  avec  des  précautions  plus 
grandes^.  A  la  tribune,  Mirabeau  s'explique  encore  :  «  Il  veut 
deux  chambres  si  elles  sont  deux  sections  d'une  seule,  mais  il 
n'en  veut  pas  deux,  si  leur  origine  doit  différer  et  si  l'une  d'elles 
doit  avoir  un  veto  sur  l'autre  ^  > 

Sans  repousser  l'idée  de  deux  corps,  tous  deux  élus  par  le 
peuple  pour  travaillera  la  confection  des  lois,  il  n'entend  pas  que 
l'un  d'eux  soit  privilégié.  Il  déteste  trop  la  noblesse,  qui  l'a 
repoussé,  pour  en  faire  une  pairie  héréditaire.  D'ailleurs,  dans  sa 
sagesse  politique,  il  reconnaît  les  difficultés  qui  empêchent  en  89  de 
fonner  un  sénat.  Appellera-t-on  les  privilégiés?  Dans  ce  cas,  il 
ne  fallait  pas  abolir  la  distinction  des  onlres.  Appellera-t-on  la 
minorité  libérale  de  la  noblesse?  (^est  dans  cette  crainte  que  les 
ultraroyalistes  se  réunirent  aux  démocrates  pour  rejeter  le  projet 
d'une  chambre  haute.  Les  nécessités  de  sa  popularité  s'ajoutant 
alors  à  ses  sentiments  propres,  Mirabeau  ne  voulut  pas  d'une 
division  du  Corps  législatif.  Il  n'en  parle  pas  dans  ses  notes  à  la 
cour^.  A  la  fin  de  sa  vie,  il  est  possible  que,  dépité  contre  l'As- 
semblée, mécontent  de  son  œu^Te ,  il  ait  regretté  sa  formation 
on  chambre  unique,  souveraine  et  sans  contnMe  :  Dumont  et 
Malouet  l'attestent **.  Toutefois  on  ne  saurait  accorder  une  con- 
fiance absolue  au  témoignage  d'hommes  qui  citent  de  mémoire. 
(Juoi  qu'il  en  soit,  M.  Thiers  dit  excellemment  que  Mirabeau 
repoussa  deux  chambres  ^  non  point  par  conviction,  mais  par 
la  connaissance  de  leur  impossibilité  actuelle  et  par  haine  de 
l'aristocratie".  * 


i    Lettres  aux  commettants ^  ii*  du  15  juin  80  (nigne  S.). 

l.  Courrier  de  Provence ^  n*  «lu  4  neptembre  89. 

3.  Ibid,,  n«  49,  p.  2i. 

S  Moniteur.  Discours  du  9  septembre  89.  Cf.  La  Fayellc,  Mémoires^  v.  IV, 
p.  4'2. 

5.  Corr.  avec  La  Marck,  t.  I,  p.  103  et  20,"). 

<).  Maltmet,  v.  II,  p.  13. 

7.  Thi(>rs,  v,  I,  p.  139.  Nouh  nous  faisons  un  devoir  de  terminer  ce  chapitre 
cil  recommandant  la  lecture  du  dernier  ouvrage  de  M.  Aulard  sur  tes  Orateurs 
de  la  Constituante,  Paris,  1882. 


340  F.    DECRUE. 


IV. 


LE   POUVOIR  JUDICIAIRE. 


Division  des  pouvoirs,  —  Abolition  des  Parlements.  — 

Création  du  jury. 

C'est  surtout  quand  Tordre  judiciaire  est  en  jeu  que  Mirabeau 
se  montre,  en  principe,  partisan  de  la  division  des  pouvoirs.  Bien 
qu'ils  dérivent  tous  du  peuple  * ,  la  Constitution  doit  tendre  à  les 
rendre  de  plus  en  plus  distincts.  «  L'Europe  presque  tout  entière, 
dit  Mirabeau,  a  vu  crouler,  sous  le  faix  de  la  réunion  des  trois 
pouvoirs,  la  liberté  politique  et  civile*.  —  Partout  où  les  fonc- 
tions de  la  justice  et  celles  de  l'administration  sont  réunies  dans 
les  mêmes  mains,  la  liberté  n'est  que  nominale^.  » 

La  France  avait  trop  souffert  de  l'immixtion  des  ministres  dans 
les  tribunaux,  pour  la  tolérer  plus  longtemps.  Mirabeau  lui-même, 
victime  de  l'arbitraire  ministériel,  entend,  à  proprement  parler, 
par  despotisme,  le  procédé  expéditif  avec  lequell'Etat  se  débar- 
rassait, sans  procès,  des  individus  qui  le  gênaient.  Poussant  plus 
loin  la  confusion  des  termes,  il  désigne  souvent  sous  le  nom  de 
loi  la  Constitution,  comme  si  la  Constitution  ne  tendait  qu'à  une 
seule  fin,  établir  une  loi  propre  à  garantir  les  accusés  du  despo- 
tisme ministériels  II  voit  dans  la  réforme  judiciaire  le  but  prin- 
cipal de  la  Révolution.  Mais  le  travail  qu'il  y  consacre  est  plus 
une  œuvre  de  destruction  qu'une  création.  Dans  ses  premiers 
ouvrages'',  il  proteste  avec  persistance  contre  le  régime  dont  il 
a  souffert  ;  mais  quand  l'Assemblée  s'occupe  de  reconstituer  la 
justice,  il  ne  prend  que  rarement  la  parole. 

Il  condamne  en  général  toute  l'ancienne  organisation  judiciaii'e. 
Il  en  critique  les  lois  multiples  et  contradictoires,  en  particulier 


1.  Moniteur.  Discours  du  IG  juillet  1789.  Archives  parlementaires,  p.  l\3. 

2.  Lettres  de  cachet,  v.  I,  p.  147. 

3.  Courrier  de  Provence,  n*  76,  p.  13. 

4.  Lettres  de  cachet,  y.  U,  p.  107. 

5.  L'Essai  sur  le  despotisme,  de  1775;  les  Lettres  de  cachet,  de  1778. 


LES   IDÉES   POLITIQUES    DE   MIRABEAU.  341 

les  lois  criminelles  ^  La  pénalité  disproportionnée  qui  traite  sur 
le  même  pied  les  libertins  et  les  scélérats  lui  semble  odieuse'.  Il 
réclame  l'abolition  de  la  torture^  et  de  la  i)eine  de  mort^  (Jes 
usages  viennent,  selon  lui,  du  droit  romain.  11  préfère  au  droit 
romain  le  droit  germanique  et  récuse  enfin  celui-ci  :  à  dire 
vrai,  il  ne  connaissait  ni  Tun  ni  l'autre.  C'est  surtout  œntn* 
la  justice  sommaire  du  gouvernement  et  contre  les  arrestations 
arbitraires  et  secrètes  qu'il  proteste.  Il  va  jusqu'à  dire  :  «  I^es 
attentats  solennels  qui  réveillent  le  courage  dont  le  despotisme 
a  tout  à  craindre  sont  infiniment  moins  redoutables  que  les 
emprisonnements  illégaux'*.  »  La  raison  d'Etat  ne  j)ermet  pas  de 
suspendre  la  liberté  des  citoyens*^.  C'est  au  nom  de  cette  raison 
d'Etat  qu'ont  été  créées  les  lettres  de  cachet  qui  soustraient  le 
coupable  à  la  justice'.  A  ceux  qui  lui  objectent  que,  par  cela 
même,  elles  sauvent  l'honneur  des  familles  :  «  Depuis  quand, 
ivpond  Mirabeau,  la  noted'infamie  n'est-elle  plus  j)ersoniielle**  ?  » 
Pour  intéresser  les  grands  à  la  suppression  des  lettres  de  cachot, 
il  remarque  que  ce  sont  eux  surtout  qu'elles  menacent^  :  elles 
sont  en  efiet  une  punition  aristocratique.  Mirabeau  poussa  l'As- 
semblée à  les  abolir  et  proposa  en  même  temps  une  indemnité  pour 
ceux  qui  avaient  été  détenus  sans  être  coupables  ou  même  accu- 
sés*". Il  n'attaqua  pas  avec  moins  de  vigueur  les  prévôtés  mili- 
taires, tribunaux  où  le  pouvoir  ministériel  intervenait  le  plus 
directement". 

Fidèle  aux  principes,  il  prenait  a  tâche  d'écarter  du  pouvoir 
judiciaire,  non  seulement  le  roi,  mais  encore  l'Assemblée.  En  thèse 
f^énérale,  il  revendiquait  pour  la  justice  une  indépendance  abso- 
lue. Ayant  fait  table  rase  de  tous  les  éléments  étranpei's  qui 

I.  IMtrcs  de  cachet,  v.  Il,  p.  ]IH. 
L  Ibid.,  V.  I,  I».  2:)S-261. 

3.  Ibid.,  V.  I,  I».  327. 

\.  Ibid.,  V.  I,  p.  i>9. 

5.  Ibid,,  V.  I.  p.  IXM)!. 

G.  Ibid.,  V.  1,  p.  2()8. 

7.  Lettres  de  cachet ,  v.  I,  p.  335. 

H.  Ibid  ,  V.  I,  p.  3iîK 

9.  Ibid.,  Y.  ï,  p.  249  et  323. 

10.  Courrier  de  Provence,  ▼.  VI,  p.  28;  v.  VU,  p.  32-31.  Malouet.  Mémoires, 
V.  Il,  p.  13. 

II.  Moniteur.  Discours  contre  le  pré? «H  IkmrnUHac,  du  5  et  du  21  ooreiubre. 
du  8  d<^ciMnhn;  1789,  du  2(>  et  du  'M\  janvier  1790.  Courrier  dt*  Procence,  irG2. 
p.  IG  «•!  19;  n-  71,  p.  G  vi  9;  ii«  7G,  p.  18  ;  v.  il,  p.  021. 


342  F.   DECRUE. 

pouvaient  la  corrompre,  il  Tétudia  dans  son  organisation  même. 
Avant  1789,  elle  avait  pour  agents  principaux  les  parlements. 

Après  avoir  rendu  un  bref  hommage  à  leur  rôle  de  défenseurs 
de  la  liberté  publique*,  Mirabeau  reconnaît  leurs  fautes  et  leurs 
usurpations*.  Dans  leur  dernière  lutte  avec  la  royauté,  il  refuse 
cependant  de  se  joindre  au  ministre  pour  les  combattre.  Il  aurait 
perdu,  en  le  faisant,  la  faveur  populaire.  A  son  avis,  «  la  guerre 
ne  doit  leur  être  faite  qu'en  présence  de  la  nation  :  là  et  seule- 
ment là,  ils  peuvent  et  doivent  être  circonscrits  dans  leur  carac- 
tère de  ministres  de  la  justice  ;  leur  ambition  usurpatrice  est  due 
à  la  détresse  publique,  mais,  lorsque  l'Assemblée  nationale  nous 
aura  tirés  de  la  détresse,  les  corps  judiciaires  seront  un  hors- 
d'œuvredansla  Constitution  nationale^.  >  Une  fois  à  l'Assemblée, 
Mirabeau  tient  parole.  Il  prépare  ses  attaques  contre  les  parle- 
ments qui  alors  ont  perdu  .leur  popularité  ;  ce  ne  sont  plus  que 
des  corps  conservateurs  qui  se  mêlent  sans  raison  des  affaires 
publiques.  La  France  ne  peut  tolérer  la  prépondérance  qu'ils 
s'attribuent  au  moment  de  la  réunion  des  états  générauxS  non 
plus  que  leur  prétention  d'enregistrer,  de  retarder  et  même  d'em- 
pêcher les  décrets  de  l'Assemblée^.  «  Il  est  impossible  de  relever 
l'empire  écrasé  par  trois  siècles  d'abus,  s'écrie  Mirabeau,  si  des 
corps  auxquels  il  faudra  bien  apprendre  qu'ils  ne  sont  rien  dans 
l'Etat,  viennent  lutter  contre  la  volonté  publique  dont  nous 
sommes  les  organes^.  > 

Enfin  il  démasque  contre  eux  toutes  ses  batteries.  «  Après 
s'être  placés  eux-mêmes,  dit-il,  entre  le  monarque  et  les  sujets 
pour  asservir  le  peuple  en  dominant  le  prince,  ils  ont  joué,  menacé, 
trahi  tour  à  tour  l'un  et  l'autre  au  gré  de  leurs  vues  ambitieuses 
et  retardé  de  plusieurs  siècles  le  jour  de  la  raison  et  de  la  liberté. . . 
En  prétendant  défendre  les  peuples  par  leurs  remontrances,  ils 
n'avaient  jamais  eu  en  vue  que  de  défendre  leur  intérêt  particu- 
lier... Tout  cet  ordre  judiciaire  enfin  faisait  partie  de  notre  droit 
public  quand  nous  n'avions  pas  de  droit  public.  Maintenant  le 
peuple  gouverne;  les  parlements  n'ont  plus  de  décrets  h  sanc- 


1.  Lettres  de  cachet,  v.  I,  p.  330. 

2.  Ihid.y  p.  326. 

3.  Dénonciation  de  Vagiotage,  suite  (1788),  p.  73-74. 

4.  Lettres  à  Mauvillon,  p.  435. 

5.  Courrier  de  Provence,  n-  14,  p.  15  ;  n"  61,  n»  62,  p.  19. 

6.  Moniteur.  Discours  du  5  novcmbro  1789. 


LES  IDI^ES   POLITIQUES  DB  MIBABEir.  343 

tionner  et  leurs  protestations  doivent  être  punies  d'une  manière 
exemplaire*.  >  Mirabeau  exige  leur  suppression.  Tant  qu'ils  sub- 
sisteront, l'autorité  ne  se  coalitionnera  jamais  de  bonne  foi  avec 
le  peuple*  ;  leur  chute  est  un  triomphe  même  pour  la  monarchie  3. 
Telle  est  l'œuvre  de  destruction  de  Mirabeau.  La  reconstitution 
de  la  justice  l'inquiète  peu.  Il  la  tient  cependant  pour  la  source 
unique  de  la  liberté  ou  de  la  servitude  civile ^  En  général,  son 
journal  conseille  d'adopter  toutes  les  lois  anglaises  sur  la  matière^. 
Pour  lui,  il  réclame  d'abord  un  code  formel  ;  il  en  ferait  un  au 
besoin.  La  procédure  et  la  pénalité  doivent  s'y  trouver  claire- 
ment déterminées  et  fondées  sur  la  raison  et  l'équité.  Sous  l'an- 
cienne monarchie,  Mirabeau  trouvait  dans  la  longueur  des  forma- 
lités une  sorte  de  sauvegarde  pour  l'innocent  :  le  temps  pouvait 
dissiper  les  préjugés,  calmer  les  passions,  amener  la  vérité^.  Mais 
depuis  que  la  nouvelle  organisation  consacre  l'élection  des  juges 
par  le  peuple,  la  justice  doit  être  plus  prompte'.  A  cet  effet  les 
juges,  choisis  avec  soin,  seront  nombreux  et  payés  avec  le  revenu 
public^  Le  détenu  sera  interrogé  dans  les  vingt-quatre  heures*; 
l'accusé,  en  voie  de  procès,  sera  élargi  *®.  Le  délit  ne  sera  constaté 
qu'après  une  sérieuse  instruction  juridique".  La  peine  sera  indi- 
quée parla  loi,  décernée  et  reçue  publiquement".  Plus  d'arresta- 
tion mystérieuse,  plus  de  justice  secrète,  plus  d'exécution  à  huis 
clos.  D'ailleurs  Mirabeau  s'oppose  à  la  peine  de  mort*'.  Il  propose 
même  que  le  condamné  puisse  choisir,  s'il  le  faut,  entre  l'exécution 
de  la  peine  capitale  et  la  prison  perpétuelle  ". 


1.  Moniteur.  Discours  contre  la  Chambre  des  vacations  de  Rennes,  du  9  jan- 
vier 1790. 

2.  Corr.  Mirabeau-U  Marck,  v.  I,  p.  37G  et  429. 

3.  Ibid.y  V.  II,  p.  74  et  75,  414  à  501  (notes  8  et  45  du  3  juillet  et  du  23  dé- 
cembre 1790). 

4.  Lettres  de  cachet,  v.  1,  p.  222. 

5.  Courrier  de  Provence,  v.  VII.  p.  223,  268;  v.  VIII,  p.  351. 

6.  Lettres  de  cachet  y  v.  I,  p.  333. 

7.  Lettre  à  Frédéric-Guillaume,  p.  420.  Corr.  Mirabeau-La   Marck,   v.  Il, 
p.  225. 

8.  Lettre  à  Frëde'ric^uillaume,  p.  420. 

9.  Courrier  de  Provence,  n»  62,  p.  14  et  15. 

10.  Jbid.,  V.  VI,  p.  609. 

11.  Uttres  de  cachet,  v.  ï,  p.  211,  257,  319  et  3i1. 

12.  Ibid.,  V.  1,  p.  120,  256  et  257. 

13.  Ibid.,  V.  1,  p.  29. 

n.  Courrier  de  Provence,  v.  VI,  p.  00:» 


344  F.    DECHUE.    —    LES  IDÉES   POLÎTIQUES  DE  HIRABBAU. 

L'institution  du  jury  réalisait  les  vœux  de  Mirabeau.  Il  a 
toujours  admiré  le  jugement  par  pairs  ou  parjurés.  Il  regret- 
tait qu'il  eût  été  abandonné  sous  la  monarchie  et  il  en  demanda 
le  rétablissement*.  Il  applaudit  aux  mesures  prises  en  Angle- 
terre pour  obtenir  l'unanimité  des  votes  du  jury';  il  approuve  de 
même  la  latitude  laissée  à  l'inculpé  pour  récuser  les  jurés^.  Les 
rédacteurs  du  Courrier  les  veulent  partout^  mais  ils  les  trouvent 
surtout  nécessaires  dans  l'instruction  criminelle^.  Ils  aspirent 
enfin  au  moment  où  la  loi  sera  si  simple  que  l'art  du  jurisconsulte 
deviendra  superflu  <^. 

La  nouvelle  organisation  judiciaire  décrétée  par  l'Assemblée 
ne  satisfit  point  Mirabeau.  Le  Courrier  redoutait  cette  nouvelle 
aristocratie  qu'elle  avait  créée.  La  hiérarchie  des  tribunaux  de 
districts  et  de  départements  lui  paraissait  trop  compliquée,  trop 
capable  de  corruption'.  Il  reprochait  à  l'Assemblée  d'avoir  mis 
de  la  précipitation  à  réformer  la  justice*.  Mirabeau,  dont  les 
vues  ne  diffèrent  jamais  complètement  de  celles  de  son  journal, 
craignait  aussi  que  la  Constitution  ne  fût  menacée  par  cette  réor- 
ganisation et  ne  croyait  pas  que  le  nouvel  ordre  de  choses  pût 
durer ^.  Il  ne  devait  s'en  prendre  qu'à  lui-même.  Il  n'avait  pas 
assez  fait  sentir  son  influence  dans  cette  partie  de  la  Constitution. 

F.  Décrue. 
{Sera  continué,) 

1 .  Lettres  de  cachet,  v .  II,  p.  183. 
'2.  Ibid.y  V.  II,  p.  190. 

3.  Jbid.y  V.  II,  p.  193. 

4.  Courrier  de  Provence,  v.  VIII,  p.  64. 

5.  lettres  de  cachet,  v.  II,  p.  197. 

(>.  Courrier  de  Provence,  v.  XI,  p.  321-323;  v.  XII,  p.  511. 

7.  Courrier  de  Provence,  n-  82,  p.  10;  v.  VI,  p.  120. 

8.  Ibid.,  Y.  VII,  p.  145  et  liG. 

0.  Corr.  Mirabeau-La  Marck,  v.  Il,  p.  211  el  212. 


MÉLANGES  ET  DOCUMENTS 


EXCIDIUM  MONTISFORTINI 


A.    D.    MDLVII. 

Par  décret  du  roi  Victor-Emmanuel,  en  date  du  49  février  4873, 
la  ville  de  Monteforlino,  province  de  Rome,  circondario  de  Vellelri, 
changea  de  nom,  et  prit  celui  d'Arlena  de*  Volsci.  Il  est  douteux  que 
là  fût  TArtena  des  légendes  romaines;  mais  comme  il  y  a  une  autre 
ville  de  Monteforlino  dans  les  Marches,  on  eut  un  prétexte  pour 
changer.  (Vest  la  mode  depuis  \  870  dans  les  communes  du  pays 
romain ,  et  que  d'heureux  encore  à  faire,  rien  qu'avec  les  cinquante- 
trois  noms  antiques  que  Pline  ne  savait  plus  où  placer  I 

1^20  juillet  4870,  l^Sindaco  (maire)  d'Artena,  M.  César  Tom- 
masi,  passant  dans  un  bois  situé  sur  la  commune,  était  frappé  d'une 
décharge  de  coups  de  fusil  tirés  par  des  mains  inconnues,  et  expirait 
quelques  jours  après.  A  la  suite  de  ce  meurtre,  le  Municipe  fut  dis- 
sous, un  délégué  de  la  sûreté  publique  et  un  inspecteur  de  police  de 
première  classe  vinrent  s'établir  dans  le  pays,  la  brigade  des  carabi- 
niers royaux  y  fut  doublée,  et  une  section  de  soldats,  commandée 
par  un  ofHcier,  vint  l'occuper  militairement,  (les  mesures  n'empê- 
chèrent point  qu'on  tirât  sur  l'adjoint  qui  fit  fonctions  de  syndic  à 
la  place  du  mort;  et  le  poste  est  demeuré  vacant  jusqu'en  jan- 
vier 4  8S4. 

Aujourd'hui,  la  paix  est  rétablie.  Artena  possède  un  syndic;  les 
soldats  sont  partis  et  aussi  l'inspecteur  do  police;  et  la  brigade  su|>- 
plémentaire  a  été  transportée  à  Giulianello,  pour  la  sûreté  des  routes 
qui  passent  sous  Artena,  Rocca-Massima  et  Cori.  Mais  le  bruit  fait 
dans  Tarrondissement  (Kir  des  événements  si  récents  encore  n'est 
pas  tout  à  fait  assoupi  *.  On  se  rappelle  (]ue  les  pa|)es  aussi  eurent  à 
foire  avec  Monteforlino-,  et  c'est  une  opinion  répandue  dans  la  con- 

1.  Des  faits  de  nature  analogue  sont  Teous  depuis  le  réveiller;  c'est  une 
longue  fi'uvre  que  de  transformer  un  peuple.  —  Janv.  1883. 

ReV.   niSTOR.    XXII.   2«   FA8C.  23 


346  iriLANGES  ET  DOG0ME!VTS. 

Irée  que,  sous  Pie  IX  encore,  il  exista  un  projet  pour  la  destruction 
de  cette  ville,  dont  la  population  eût  été  transplantée  dans  d'autres 
communes  de  TEtat  romain. 

Je  connais  Montefortino.  J'ai  parcouru  son  territoire  ;  et,  conduit 
par  mes  études  dans  les  montagnes  qui  s'élèvent  au-dessus,  j'ai  dû  y 
résider  quelque  temps.  C'est  une  bourgade  de  quatre  à  cinq  mille  âmes, 
située  sur  un  promontoire  des  monts  Lepini,  au-dessus  de  la  vallée  du 
Sacco,  en  face  de  Yalmontone,  Cavi,  Palliano  et  Palestrine.  Le  pays 
est  perché  sur  une  série  de  corniches  le  long  d'un  rocher  fort  abrupt; 
partout  où  il  n'est  pas  à  pic,  il  y  a  des  maisons  ;  les  rues  sont  des 
escaliers;  il  faut  une  heure  pour  monter  de  la  première  maison  du 
pays  en  bas  à  la  porte  d'en  haut.  Les  hommes  d'Artena  sont  assez 
robustes,  intelligents  et  hardis;  ils  ont  conservé  l'habitude  des 
embuscades  et  des  attaques  à  main  armée  ;  nulle  part  les  guet-apens 
et  les  coups  de  fusil  ne  sont  aussi  fréquents  ;  les  carabiniers  sont  sur 
les  dents  à  force  d'en  poursuivre  les  auteurs  insaisissables;  les  gens 
des  pays  voisins  disent  qu'aller  de  ce  côté  c'est  se  jeter  «  in  bocca  al 
lupo.  »  Les  femmes  sont  vigoureuses,  d'un  type  local  prononcé, 
avec  la  flgure  plutôt  large  que  haute,  les  yeux  longs,  le  nez  grand  ei 
courbé,  la  taille  moyenne,  les  formes  moins  lourdes  que  chez  les 
campagnardes  des  environs  de  Rome.  Le  territoire  est  étendu,  mal- 
sain dans  la  vallée,  salubre  dans  la  montagne,  fertile  partout  et  propre 
à  des  cultures  très  variées.  Artena  sera  un  pays  riche  quand  son 
agriculture  aura  progressé.  Cela  ne  paraît  pas  une  cité  à  détruire. 

Je  ne  sais  ce  qu'il  y  a  de  vrai  dans  le  projet  prêté  aux  papes.  Mais 
j'ai  rencontré  en  revanche  l'histoire  d'une  vraie  destruction  de  Mon- 
tefortino, dont  le  souvenir  et  les  traces  subsistent  encore'.  La  voici 
telle  que  la  racontent  des  documents  que  je  donnerai  plus  loin. 

L 

Le  premier  acte  de  la  rupture  entre  Paul  IV  CarafFa  et  Philippe  II, 
roi  d'Kspagne,  fut  un  coup  porté  par  le  pape  à  la  famille  Colonna. 
11  fil  emprisonner  Camille,  priva  Marc-Antoine  et  son  père  Ascagne 
de  toutes  leurs  dignités  et  do  leurs  biens  dans  la  campagne  romaine, 
les  excommunia,  et  investit  de  leurs  dépouilles,  avec  le  titre  de  duc 
de  Paliauo,  sou  neveu  Jean  Caraffa,  comte  de  Montorio.  Alors  com- 
mença la  guerre  qui  ensanglanta  1  Etal  de  TEglise,  et  qu'avait 
annoncée  dès  le  29  mars  de  cette  aimée  A  556  une  comète  effrayante 
qui  dura  jusqu'à  la  mi-avril.  Les  Impériaux,  les  Espagnols,  com- 

1.  Nibby,  Dini.,  t.  H,  s.  t.  Arimui^  en  parie  en  une  ligne. 


KXCrDItJM  MONTISrORTI?n.  347 

mandés  par  le  duc  d'Albe,  envaliircnt  les  Etals  du  pape,  et  Montc- 
forlino,  fief  des  Colonna,  ftit  une  des  premières  places  qu'ils  occu- 
pèrent. Mais  le  pape,  grâce  à  des  efforts  extraordinaires  et  au  secours 
des  Français  conduits  par  le  duc  de  Guise,  reprit  la  plupart  des  villes 
et  châteaux  dont  ils  s'étaient  emparés.  Montefortino  néanmoins  tenait 
toujours  pour  le  parti  contraire. 

Après  que  François  Colonna,  do  la  ligne  des  seigneurs  de  Préneste, 
partisan  du  pape,  eut  repris  Cavi  pour  TEglise,  ce  fut  à  Montefortino 
que  la  garnison  se  retira.  Mais  bientôt,  comme  les  vivres  y  étaient 
rares,  le  capitaine  qui  était  dans  la  place,  François  Brancacci,  se  retira 
avec  ses  hommes.  Toutefois  le^  habitants,  bien  que  contenus  par  les 
forces  de  Jules  Orsini  et  de  François  Colonna,  ne  laissèrent  pas  de 
harceler  leurs  voisins  fidèles  au  pape,  et  de  piller  sans  relâche  à 
droite  et  à  gauche. 

Cependant  les  affaires  du  pape  allaient  mieux.  11  avait  repris  Ostie, 
il  songea  à  en  finir  avec  Montefortino.  Sur  Tordre  du  duc  de  Paliano, 
Jules  Orsini,  capitaine  du  pape,  et  François  (jolonna  sortent  de  Rome 
avec  3,000  fantassins  italiens,  deux  compagnies  de  vétérans  alle- 
mands et  la  cavalerie  ponlincale,  et  se  dirigent  sur  Montefortino. 

Depuis  le  jour  où,  ayant  prétendu  gêner  la  marche  de  Charles  VIII 
sur  Naples,  elle  avait  fait  connaissance  avec  Tartillerie  des  Français, 
celte  petite  ville,  suivant  la  fortune  de  ses  seigneurs,  avait  eu  unn 
histoire  assez  agitée.  En  ^527,  lorsque  Clément  VII,  vengeant  le  sac 
de  Rome  sur  Pompée  iiOlonna  et  sa  ftimille,  lança  sur  leurs  terres 
les  Itandes  Noires  de  Luc  Antoine  de  Fermo  et  de  Baptiste  Farina, 
Montefortino  fut  pris,  et,  sur  Tordre  du  pape,  brûlé.  En  1543,  Paul  III 
s'en  emiKira,  dépouillant  Ascagne  Colonna  :  elle  fut  rendue  par 
Jules  III;  mais  le  château  avait  été  démoli  en  grande  partie.  Toute- 
fois, après  chacun  de  ces  orages,  le  pays  se  relevait  rapidement;  les 
Colonna  rebiitissaient  et  fortifiaient  plus  solidement  la  position, 
déjà  très  forte  par  elle-même.  Celte  fois-ci  Marc-Antoine  Tarait  lar- 
gement approvisionnée;  il  avait  remplacé  Brancacci  par  un  autre 
aipitiine,  Jean  Antoine  de  Plaisance,  avec  une  compagnie  de  ses 
hommes,  et,  pour  rassurer  les  habitants,  lui  avait  adjoint,  sur  leur 
demande,  Jean  Ceccolella. 

Aussi  la  place  fit-elle  une  défense  acharnée.  A  chaque  instant  la 
g!irnison  sortait  et  iniligeait  à  Tennemi  des  pertes  considérables  : 
I^irmi  les  morts  furent  (iocco  Conti,  fils  du  seigneur  de  Valmontone, 
et  le  capitiine  Georges  de  Terni.  Les  assaillants  n'étaient  pas  moins 
furieux  :  on  les  entendait  menacer  de  mettre  le  feu  à  la  ville;  [Kirmi 
eux  se  trouvaient  beaucoup  d^habitants  des  pays  voisins  venus  pour 
se  venger  des  injures  reçues  et  pour  avoir  part  au  pillage.  Néanmoins 


348  MELANGES  ET  DOCUMEUTTS» 

les  murs  tenaient  bon,  et  il  fallut  envoyer  à  Rome  chercher  de  Par- 
tillerie  pour  les  battre.  Sept  canons  tirèrent  pendant  deux  jours,  puis 
Tassant  fut  donné.  U  Ait  sanglant;  Roger  Meroch,  colonel  des  Alle- 
mands, reçut  une  blessure  au  bras  gauche;  mais  la  brèche  fut  occu- 
pée :  la  plupart  de  ses  défenseurs  sautèrent  en  bas  des  murs  et 
8*enfuirent;  quelques-uns  furent  pris,  les  vainqueurs  les  désar- 
mèrent et  s'en  amusèrent  quelque  temps,  puis  les  tuèrent. 

Cependant,  la  discorde  s'étant  mise  entre  les  soldats  et  les  habi- 
tants et  la  résistance  étant  impossible,  chacun  traita  de  son  côté. 
Les  soldats  obtinrent  de  sortir  tambours  battants  et  enseignes 
déployées,  et  se  retirèrent  à  Anagni;  les  habitants,  abandonnés  à 
eux-mêmes,  se  rendirent  à  discrétion.  Déjà  la  ville  était  au  pillage  : 
les  Allemands  vengeaient  la  blessure  de  leur  chef;  les  hommes  des 
pays  voisins  entrés  avec  eux  couraient  partout,  tuant  tous  ceux  qu*ils 
trouvaient,  demandant  compte  du  sang  de  leurs  amis  et  de  leurs 
proches  et  de  tout  le  mal  que  leur  avaient  fait  les  gens  de  Montefor- 
tino.  Les  chefs  étaient  impuissants  à  arrêter  le  tumulte. 

A  la  fln,  Jules  Orsini  réussit  à  mettre  un  peu  d'ordre.  Il  promit 
que  tous  auraient  leur  part  :  les  capitaines,  ayant  pris  chacun  son 
logement,  partagèrent  la  ville  entre  les  diverses  compagnies,  et  le 
pillage  se  fit  méthodiquement. 

Tout  à  coup,  sans  qu'on  ait  pu  savoir  s'il  ilit  allumé  par  le  hasard 
ou  par  la  main  des  saccageurs,  le  feu  prend  à  la  maison  où  étaient 
logés  les  capitaines  allemands,  et,  poussé  par  un  vent  violent,  enve- 
loppe promptement  toute  la  ville.  Les  femmes  s'étaient  réfugiées 
avec  leurs  enfants,  pour  éviter  la  fureur  du  soldat,  dans  l'église  de 
Saint-Etienne.  L'incendie  vient  les  y  trouver.  Plusieurs  ont  le  cou- 
rage de  sortir,  et  courent  à  une  maison  voisine,  où  logeait  Cencio 
Capizucca,  l'un  des  capitaines  du  pape  :  il  a  pitié  d'elles,  les  accueille, 
et  les  défend  contre  les  vainqueurs.  Mais  à  peine  y  sont-elles  que 
l'incendie  les  y  poursuit,  et  il  faut  les  faire  descendre  le  long  des 
murs  pour  les  soustraire  à  son  atteinte.  Celles  qui  étaient  restées 
dans  l'église  s'étaient  réunies  dans  la  chapelle  Saint-Pierre,  qui  avait 
une  voûte  très  solide,  et  où  elles  croyaient  que  le  feu  ne  viendrait 
point.  Mais  leur  attente  fut  trompée.  Après  être  restée  longtemps 
intacte  au  milieu  de  l'embrasement  général,  la  chapelle  fut  tout  d'un 
coup  remplie  d'une  flamme  épouvantable,  et  toutes  furent  brûlées  en 
un  clin  d'oeil. 

Montefortino  et  son  territoire  furent  pillés  le  mieux  que  l'on  put. 
Les  canons  qui  l'avaient  défendu  furent  portés  à  Pagliano.  Puis 
les  soldats  se  retirèrent,  emportant  tout  ce  qui  pouvait  s'em- 
porter; les  paysans,  et  surtout  ceux  de  Yalmontone,  comme  plus 


EXCIDIUM  MOXTISFOBTmi.  349 

voisins  et  plus  ennemis  que  les  autres,  se  chargèrent  de  butin. 

Lorsque  Paul  IV  apprit  le  succès  remporté  par  ses  armes,  il  res- 
sentit une  vivo  joie,  car  il  était  grandement  irrité  contre  les  gens  de 
Monteforlino.  Peu  de  temps  après  le  départ  de  François  Rrancacci  et 
avant  que  Jules  Orsini  se  présentât  devant  leurs  murs,  ils  avaient 
mis  le  comble  à  sa  colère  par  Tentreprisc  que  voici. 

Il  y  avait  à  Vellelri  une  garnison  assez  forte,  commandée  par 
François  Villa,  de  Ferrare.  Les  gens  de  Monteforlino  lui  firent  dire 
secrètement  qu'ils  voulaient  se  réconcilier  avec  le  pape,  et  convinrent 
avec  lui  qu'il  leur  enverrait  un  secours,  et  qu'eux  tueraient  en  tra- 
hison la  garnison  espagnole  pour  mettre  la  ville  entre  ses  mains. 
Au  jour  dit,  deux  cents  hommes  d'infanterie  et  une  compagnie  de 
cavaliers  appartenant  à  un  Orsini  s'acheminèrent  vers  Monteforlino. 
Mais,  quand  ils  furent  aux  confins  du  territoire  véliterne,  près  de 
la  fontaine  dite  Acqua  del  Papa,  tandis  qu'ils  cheminaient  sur  une 
antique  voie  romaine  qui  traverse  des  bois  propres  aux  trahisons,  ils 
tombèrent  dans  une  embuscade  que  leurs  prétendus  alliés  leur 
avaient  tendue,  et  il  n'en  réchappa  pas  mémo  un  tambour. 

Plein  de  ressentiment  depuis  cette  afiaire,  poussé  par  son  neveu 
le  duc  de  Palliano,  par  les  Orsini,  par  les  gens  des  pays  voisins  et 
par  sa  haine  contre  les  Colonna,  le  pape  résolut  de  faire  une  exécu- 
tion exemplaire.  Montefortino  fut  condamnée  à  périr.  Le  pape  n'en 
parlait  jamais  sans  s'écrier  qu'il  eût  voulu  qu'avec  leur  église  fussent 
brûlés  leurs  derniers  descendants-,  et  il  cherchait  seulement  un 
homme  capable  d'exécuter  dignement  sa  vengeance,  dont  il  avait 
confié  le  soin  au  cardinal  Tiaratra,  son  neveu. 

Cet  homme  se  trouva  dans  la  personne  d'un  jurisconsulte  asculan, 
Didier  Guidone,  depuis  longtemps  connu  du  pape,  et  estimé  de  lui 
pour  son  expérience  et  sa  sagesse.  Le  24  avril  ^557,  des  lettres 
patentes  du  cardinal  Carafl'a  lui  donnèrent  «  commission  expresse  et 
pleine  autorité  et  pouvoir  de  jeter  par  terre  Montefortino,  et  de  prendre 
possession  de  la  ville  et  du  territoire  au  nom  de  la  (ihambre  Apos- 
toli([ue  ',  >  et  le  27  du  même  mois,  un  bref  du  pape,  conçu  dans  les 
termes  les  plus  élogieux  \)o\xv  messire  Didier,  l'investit  de  l'autorito 
de  commissaire  du  Saint-Siège,  enjoignant  à  tous  damoiseaux, 
l)arons,  feudataires  et  autres  seigneurs  temporels,  communautés  de 
villes,  terres,  châteaux  et  i>ays  voisins  de  Montefortino,  comme  aussi 
à  tous  particuliers  et  à  tous  soldats  à  pied  et  à  cheval  servant  à  la 
solde  (lu  Saint-Siège,  de  lui  prêter  obéissance,  aide,  assistance,  con- 
seil et  appui,  et  de  lui  fournir  hommes  et  secours  autant  qu'il  le 
jugerait  nécessaire,  à  peine  d'encourir  le  mécontentement  du  Saint- 
Père  et  d'être  punis  à  son  gré. 


350  MIÎLANGBS  ET  DOCUMEIITS. 

Muni  de  ces  pouvoirs,  messire  Didier  tira  des  garnisons  des  villes 
voisines  un  nombre  respectable  de  fantassins  et  de  cavaliers,  fit 
venir  de  tous  les  pays  à  20  milles  à  la  ronde  environ  4,000  personnes, 
et,  partant  de  Valmontone,  entra  sur  les  terres  de  Montefortino. 
C'était  le  2  mai  i  557. 

Son  premier  acte  fut  de  s'emparer  de  la  seigneurie  au  nom  de  la 
Chambre  Apostolique.  U  s'arrêta  dans  une  vigne,  et,  en  présence  de 
son  chancelier,  Jérôme  Feragallo,  de  Gesena,  notaire,  et  de  trois 
témoins,  il  prit  en  main  quelques  mottes  de  terre  et  quelques 
branches  d'arbre,  et  déclara  prendre,  au  nom  de  Sa  Sainteté  et  de  la 
Révérende  Chambre  Apostolique,  possession  réelle,  corporelle  et 
actuelle  du  sol  et  du  territoire,  des  fruits,  revenus  et  profits,  pour 
les  percevoir,  lever  et  conserver  en  vertu  des  pouvoirs  à  lui  conférés 
par  le  Saint  Père.  Acte  en  fut  dressé,  et  l'expédition  s'achemina  vers 
la  ville  que  son  nouveau  maître  condamnait  à  périr. 

Montefortino  était  abandonné.  Les  hommes  s'étaient  enfuis  :  les 
uns  se  cachaient  de  leur  mieux  dans  les  villes  ou  chez  les  personnes 
qui  avaient  consenti  aies  recevoir;  les  autres  couraient  la  campagne, 
vivant  comme  des  bêtes  fauves  sur  les  monts  et  dans  les  forêts  -, 
quelques-uns  rôdaient  encore  autour  des  ruines  de  leur  pays.  On  les 
poursuivait  avec  diligence.  Ceux  qui  possédaient  quelque  chose  hors 
du  territoire  de  Montefortino  le  voyaient  frappé  de  confiscation,  et 
tous  ceux  que  l'on  prenait  ou  dont  l'eiistence  était  signalée  étaient 
jugés  et  condamnés  à  mort.  Les  juges  de  Velletri  étaient  particuliè- 
rement sévères.  Ils  faisaient  payer  cher  aux  fligitifs  tout  le  bétail 
qu'ils  avaient  enlevé  aux  gens  de  leur  ville,  les  rançons  énormes 
qu'ils  avaient  exigées  des  malheureux  enlevés  sur  les  chemins,  et 
toutes  les  violences  commises  au  mépris  des  commandements  de 
Notre  Seigneur,  de  tout  droit  civil  et  canonique,  des  bonnes  mœurs, 
des  relations  de  voisinage  et  du  devoir  des  sujets  de  la  sainte  Eglise 
romaine. 

Mais  ces  rigueurs  ne  suffisaient  pas.  Les  poursuites  individuelles 
sont  un  moyen  lent  et  incommode.  Aussi  messire  Didier,  le  7  mai  i  557, 
publia-t-il  un  ban  de  proscription  générale  contre  tous  les  hommes 
de  Montefortino.  Après  avoir  rappelé  la  mauvaise  vie  publique  et 
.privée  des  gens  de  Montefortino  depuis  de  longues  années  et  toutes 
les  offenses  faites  par  eux  aux  papes  et  à  l'Église,  il  annonçait  que 
le  Saint  Père,  afln  que  leur  châtiment  servît  d'exemple  à  tous,  afln 
que  la  paix  fût  rendue  à  la  contrée  et  que  Montefortino  ne  fût  plus 
un  nid  et  un  repaire  de  misérables,  de  brigands  et  do  rebelles,  avait 
déterminé  de  le  détruire  complètement  et  de  frapper  tous  les  habi- 
tants de  la  peine  capitale.  En  conséquence,  disait  le  ban,  tous  les 


EXCIDIUM  SIONTISFOETni.  351 

hommes  du  ci-devant  Monteforlino,  comme  rebelles  notoires,  sont 
déclarés  passibles  du  dernier  supplice  et  de  la  conflscation  de  leurs 
biens;  il  est  permis  à  toute  personne  de  les  ofTenser  sans  encourir 
de  châtiment;  il  est  expressément  défendu  à  tous  seigneurs,  barons, 
feudataires,  officiers,  ministres,  communes  et  particuliers  de  les  tolé- 
rer ni  recevoir,  de  leur  prêter  aide  ni  faveur,  à  peine  d'encourir  le 
châtiment  applicable  à  qui  tolère,  recèle  ou  favorise  les  rebelles 
contre  le  Saint-Siège;  il  est  ordonné  au  contraire  à  chacune  des  per- 
sonnes susdites  et  à  tous  leurs  officiers  de  faire  toute  diligence  pos- 
sible pour  mettre  la  main  sur  les  hommes  du  ci-devant  Montefortino 
et  en  faire  immédiatement  justice,  à  peine  d'encourir  le  mécontente- 
ment du  Saint-Père;  chacun  est  averti  que  de  toutes  ces  choses  il 
sera  fait  une  exacte  recherche,  et  que  ({uiconque  n'aura  pas  obéi  sera 
châtié  sévèrement  et  sans  aucun  égard.  Le  ban  fut  adressé  à  26  villes 
ou  pays  des  environs  qui  étaient  au  pouvoir  du  pape. 

Ainsi  fut  réglé  le  sort  du  territoire  de  Montefortino  et  celui  de  la 
population.  Il  restait  à  détruire  la  ville. 

Didier  Guidonc,  montant  au  tribunal  qui  existait  sur  la  place, 
donna  connaissance  aux  hommes  rassemblés  par  lui  de  la  condam- 
nation qui  la  frappait.  Depuis  tant  et  tant  d'années,  les  hommes  de 
la  communauté  de  Montefortino  ont  commis  tant  de  fautes  graves, 
tant  de  crimes,  tant  d'excès  énormes,  que,  par  une  si  antique  habi- 
tude de  mal  faire,  ils  sont  devenus  incorrigibles;  voleurs,  brigands, 
homicides  et  assassins,  ils  dépouillaient  quiconque  passait  à  leur 
portée  ;  la  tolérance  que  Ton  a  eue  pour  eux  n'a  fait  que  les  engager 
davantage  hors  du  chemin  de  la  justice  et  de  l'honneur;  elle  a  été  un 
mal  pour  les  populations  voisines,  qui  demeuraient  dans  la  crainte, 
et  dont  la  vie  et  les  biens  étaient  perpétuellement  en  péril  ;  elle  Ta 
été  aussi  pour  tout  le  monde,  car  on  ne  pouvait  plus  passer  dans  la 
cx)ntrée  sans  être  dévalisé.  Dernièrement,  oubliant  le  châtiment  trop 
doux  de  leur  rébellion  contre  Clément  VII,  d'heureuse  mémoire,  les- 
dits  hommes  et  commune  ont,  dans  la  présente  guerre,  où  l'on  cher- 
chait à  abattre  notre  saint  père  et  seigneur,  l'autorité  du  vicaire  de 
Dieu  sur  la  terre  et  le  Saint-Siège  apostolique,  fait  acte  de  rébellion  : 
ils  ont  passé  dans  le  i)arti  d'ennemis  déclarés,  ils  ont  pris  les  armes, 
ils  ont  reçu  dans  leurs  murs  une  garnison  de  troupes  ennemies,  ils 
se  sont  fortifiés,  ils  ont  pillé,  fait  des  prisonniers,  dérolié,  tué,  assas- 
siné, manifestant  [mr  actes  et  paroles  leurs  sentiments  d'obstination, 
de  révolte  et  de  perfidie;  de  plus,  bien  qu'ils  fussent  ipso  jure  excom- 
muniés, ils  ont,  poussés  par  l'esprit  diabolique  et  méprisant  l'auto- 
rité du  légitime  vicaire  de  Dieu,  osé  assister  aux  divins  offices:  enfin 
ils  ont  persévéré  jusqu'à  ce  que  leur  ville  îdi  assiégée,  battue  par  le 


352  MéUIfGBS  ET  DOCUnilTS. 

canon^  prise  d'assaut,  mise  à  sac  et  brûlée.  C'est  pourquoi  le  Saint* 
Père,  désirant  délivrer  cette  province  de  Campagne  d'un  fléau  infect 
et  contagieux,  et  faire  un  exemple  salutaire,  par  un  juste  jugement 
a  décidé  :  que  tous  les  habitants,  comme  rebelles  notoires,  seraient 
déclarés  passibles  du  dernier  supplice,  et,  comme  tels,  bannis  ;  que 
leurs  biens  seraient  confisqués  ;  qu'il  serait  pris  possession  du  terri- 
toire  pour  la  Révérende  Chambre  Apostolique  :  toutes  choses  qui  ont 
été  faites;  et  enfin  que  la  ville  et  château  seraient  démolis  et  rasés 
au  niveau  du  sol.  «  Soldats  et  provinciaux  rassemblés  ici,  dit  messire 
Didier,  dépêchons  !  Allez,  renversez  et  démolissez.  » 

C'est  toujours  une  chose  qui  fait  peine,  quels  qu'en  soient  d'ailleurs 
les  motifs,  que  d'abattre  l'habitation  d'un  homme.  Qu'est-ce  quand 
il  s'agit  d'une  ville  ?  Aussi  beaucoup  des  démolisseurs  allaient  lente- 
ment en  besogne,  et  travaillaient  à  contre-cœur,  pris  d'une  pitié 
inattendue  pour  Montefortino,  qui  n'avait  fait  dans  sa  révolte  qu'o- 
béir aux  Colonna,  ses  seigneurs.  Messire  Didier  s'en  aperçut  :  «  Que 
veut  dire  cette  lenteur?  s'écria-t-il.  Oubliez-vous  tout  ce  qu'ont  feit 
ceux  d'ici  ?  Ne  se  sont-ils  pas  révoltés  pendant  que  Paul  III  envoyait 
ses  troupes  contre  Palliano  ?  N'ont-ils  pas  fait  de  même  contre  Clé- 
ment Vn  tandis  qu'il  était  écrasé  par  les  forces  impériales  ?  Jusqu'à 
Charles  VIII,  roi  de  France,  qu'ils  ont  combattu  tandis  quMl  passait 
en  ami  près  de  leur  ville  î  Qu'on  ne  dise  pas  qu'ils  n'ont  fait  que 
suivre  leurs  seigneurs.  Quand  votre  seigneur  vous  opprime,  à  qui 
recourez-vous  ?  A  celui  qui  vous  l'a  donné  pour  maître,  au  Saint- 
Père,  seigneur  des  seigneurs.  Et  Ton  obéirait  au  seigneur  qui  va  le 
combattre  !  L'autorité  du  Saint-Père  serait  supérieure  quand  c'est 
votre  intérêt  qu'elle  le  soit,  et  celle  du  seigneur  primerait  quand  il 
vous  ordonne  la  révolte.  Allons  !  Cette  journée-ci  vous  fera  honneur, 
quand  on  verra  par  vos  mains  rendue  déserte  et  désolée  la  terre  de 
ceux  qui  tant  de  fois  ont  offensé  les  souverains  pontifes  quand  leur 
devoir  était  de  les  défendre.  » 

Il  paraît  que  ces  arguments-là  faisaient  impression  sur  tout  ce 
monde.  On  y  répondit  par  des  acclamations ,  et  l'on  se  mit  avec 
ardeur  au  travail . 

La  démolition  dura  quatre  jours.  Le  ^3  mai,  tout  étant  fini,  mes- 
sire Didier  réunit  son  monde  sur  la  place,  monta  au  tribunal,  et 
s'assit  sur  le  siège  de  pierre,  avec  maître  Jérôme  Feragallo  près  de 
lui.  Il  exposa  alors  le  reste  de  sa  commission  :  le  lieu  où  fut  Monte- 
fortino sera  traité  comme  rebelle,  pour  avoir  été  le  berceau  et  la 
retraite  de  tant  de  voleurs,  de  meurtriers,  d'assassins,  de  larrons  et 
de  révoltés  ;  il  faut  croire,  à  la  persistance  de  tous  les  habitants  dans 
leur  mauvaise  vie,  que  la  terre  elle-même  y  est  pour  quelque  chose; 


EXCIDU'M  MORTISFORTni.  353 

pour  le  rendre  donc  inhabitable  et  qu'il  reste  éternellement  désolé, 
il  sera  labouré,  et  Ton  y  sèmera  du  sel,  emblème  et  source  de  stéri- 
lité. Alors,  sur  Tordre  du  commissaire  papal,  un  homme  de  Val- 
montone,  ayant  attelé  ses  bœufs,  laboura  la  place  et  tous  les  endroits 
qui  n'étaient  pas  trop  à  pic  pour  que  la  charrue  pût  y  atteindre-,  un 
homme  de  Palestrine  y  sema  le  sel.  Quand  ce  fut  fait,  messire  Didier 
déclara  remplacement  du  ci-devant  Montefortino  désormais  et  pour 
toujours  inhabitable,  avec  défense  à  qui  que  ce  fût  d'y  résider,  d'y 
t)âtir,  de  réparer  les  constructions  démolies,  à  peine  du  crime  de 
lèse-majesté.  Puis  il  commanda  à  maître  Jérôme  de  faire  un  acte  de 
ce  qu'il  avait  vu. 

Ce  qui  restait  de  la  population,  c'est-à-dire  quelques  vieillards,  les 
enfants  et  des  femmes,  s'était  enfui  à  rapproche  de  rex|)édition 
dévastatrice.  Mais  à  peine  Didier  Guidone  et  son  monde  furent-ils 
|)artis,  que  des  hommes  revinrent  autour  des  ruines,  vivant  de  ce 
((u'ils  pouvaient  dérober.  Le  pape  le  sut.  II  apprit  ainsi  que  le  palais 
de  la  cour  et  le  massif  du  glacis  du  château  subsistaient  encore,  mes- 
sire  Didier  s'étant  excusé  de  ne  les  avoir  pas  jetés  par  terre  sur  le 
nombre  insuflisaiit  de  travailleurs  que  lui  avaient  donnés  les  pays 
voisins.  Il  fut  mécontent,  et  d'ailleurs  il  entendait  que  le  territoire 
fût  conservé  et  administré  pour  le  mieux  de  ses  intérêts.  Aussi,  dès 
le  20  du  même  mois,  le  cardinal  (iarafTa  donna-t-il  en  son  nom  do 
nouvelles  lettres  au  même  commissaire  pour  se  rendre  à  Montefor- 
tino. H  lui  était  enjoint  de  donner  à  forfait  à  un  maître  maçon  l'en- 
treprise de  démolir  ce  qui  restait  debout  dans  la  ville,  aux  frais  des 
communes  voisines,  d'aifermer  |)our  un  an  auxdites  communes  les 
revenus  du  territoire,  et  de  |)oursuivre  avec  toute  rigueur  l'exécution 
de  la  sentence  contre  les  txinnis.  Quatre  de  ceux-ci,  qui  étaient  entre 
les  mains  du  lieutenant  de  Velletri ,  devaient  être  conduits  sous 
bonne  escorte  sur  l'emplacement  de  leur  patrie,  et  exécutés  là  pour 
Texemple. 

Otte  fois,  outre  son  autorité  ordinaire,  Didier  Guidone  était  investi 
du  pouvoir  de  ])rocéder  etiam  manu  regia  envers  et  contre  tous,  de 
citer,  poursuivre,  c/)ndamnery  exécuter,  imposer,  gracier  commu- 
nautés et  |)articuliers,  et  de  se  faire  oliéir  eliam  manu  armata.  I^r 
le  fait,  les  communautés  de  plusieurs  villes  voisines,  ayant  recueilli 
environ  300  vieillards,  femmes  et  enfants  de  la  cité  <]étruite,  fun;nt 
INmrsuivies  |M)ur  crime  de  réiiellion.  Les  hommes  qui  furent  pris  et 
emprisonnés  à  Velletri  fuix'nt  pendus,  bien  que  messire  Didier  eût 
<iemandé  qu'on  leur  fit  grâce.  I^iul  IV  fut  impitoyable. 

Après  celte  seconde  visite  des  ministres  de  sa  colère,  il  ne  resta  de 
Montefortino  qu'une  montagne  couverte  de  décombres,  sur  lesquels 


354  HtfUUGES  ET  DOGUMElfTS. 

rodaient  des  chiens  pleurant  leurs  maitres  et  des  chats  affamés  cher- 
chant le  foyer  qui  les  avait  nourris. 

II. 

Les  détails  de  cet  épisode  du  pontificat  de  Paul  IV  sont  contenus 
dans  un  manuscrit  de  Tannée  4747,  conservé  au  municipe  d'Artena. 
il  a  pour  titre  :  Notizie  htoriche  délia  terra  di  Montefortino;  et 
son  auteur  est  un  médecin  du  pays,  Etienne  Serangeli,  qui  a  vécu  de 
4650  à  4725.  G^est  un  gros  livre  dans  lequel  Fauteur,  avec  une 
patience  et  une  exactitude  extrêmes,  a  réuni  tout  ce  qu'il  a  pu  trou^ 
ver  sur  l'histoire  de  sa  ville  natale,  compilant  les  passages  des 
auteurs  anciens  et  modernes  qui  en  parlent  et  tirant  des  documents 
locaux  tout  ce  qui  lui  parait  intéressant.  11  a  donné  à  ses  chapitres 
la  forme  de  lettres  à  D.  Marc-Antoine  Borghese,  prince  de  Rossano 
et  seigneur  de  Montefortino.  La  douzième  est  intitulée  :  «  Del  seconda 
eecidio  e  totale  desolazione  délia  Terra  di  Montefortino  e  sua  Rocca, 
d'prdine  di  Papa  Paolo  /F,  e  da'  Caraffeschi.  »  Elle  m'a  fourni  la 
substance  de  la  narration  qui  précède. 

Dans  cette  lettre,  Fauteur  donne  les  récits  faits  par  divers  historiens 
de  la  prise  et  de  l'incendie  de  sa  patrie.  D  transcrit  ceux  d'Alessandro 
d'Andréa*,  de  Mambrino  Roseo*,  de  Gio.  NicoL  Doglioni',  et  d'Al- 
berto Lazaro^.  Mais  tous  ces  écrivains,  après  avoir  dit  conmient  la 
ville  fut  prise  d'assaut  et  brûlée,  ne  s'occupent  plus  d'elle,  pressés 
qu'ils  sont  de  suivre  la  guerre  :  aucun  ne  raconte  sa  condamnation 
et  sa  destruction  juridique. 

Heureusement  Serangeli  a  eu  entre  les  mains,  —  il  y  a  de  longues 
années,  dit-iP,  —  un  cahier  contenant  toutes  les  pièces  qui  con- 
cernent la  destruction  des  ville  et  château  de  Montefortino,  accompa- 
gnées d'une  relation  en  latin  de  Texécution  elle-même.  Il  a  pris  la 
peine  de  transcrire  tout  cela,  et  il  le  donne  in  extenso  dams  sa  lettre. 

Le  récit,  qui  a  45  pages,  porte  pour  titre  celui  de  cet  article  :  Exci- 
dium  Montisfortini.  Il  n'est  pas  Fœuvre  d'un  témoin  oculaire  :  mais 
il  est  certainement  voisin  des  faits,  et  Fauteur  a  du  connaître  des 
personnes  qui  les  a\*aient  vus  :  il  y  a  dans  sa  narration  des  détails 
d'impression  qu'il  n'aurait  pas  inventés  lui-même.  coDune  par  exemple 
celui  par  lequel  notre  récit  se  termine.  Il  parait  avoir  travaillé 

1.  Guem  delU  Câmpagna  di  Roina,  n^goùàm.  2. 

:^.  Agçion.  «U*  IstorU  del  mondo  del  TârcagnoU,  p.  3.  lib.  6. 

3.  Comp.  Istor.  Uut.,  p.  ô. 

4.  Par.  2,  mot.  19. 

5.  M$.  Serangeli,  p.  1013. 


EXCIDirX   MO^fTISFORTniU  355 

sur  les  pièces  que  son  récit  accompagnait  dans  le  vieux  manuscrit 
dont  parle  Serangeli  :  il  les  suit  exactement,  cl  on  les  sont  parfois  «î 
travers  sa  prose.  Cependant  je  ne  suis  pas  sûr  que  son  travail  ait  élé 
fait  uniquement  pour  servir  de  préface  au  recueil  des  documents  ori- 
ginaux :  bien  que  le  préambule  n^annonce  qu*un  récit  de  la  destruc- 
tion de  Montefortino,  la  fin  semble  appeler  une  continuation,  comme 
si  Tensemble  était  un  morceau  détaché  d'une  histoire  de  la  guerre. 
On  trouvera  peut-être  aussi  que  les  faits  généraux  de  cette  guerre, 
particulièrement  ceux  qui  concernent  Rome,  tiennent  là  un  \)vx\  trop 
de  place  :  à  moins  (ju'on  ne  veuille  admettre  que  Fauteur  soit  un 
contemporain  (jui  se  laisse  naturellement  entraîner  i)ar  des  souve- 
nirs tout  frais.  L'auteur  aura  pu  être  un  Romain  en  position  <le  con- 
naître les  pièces,  qui  par  curiosité  en  aura  fait  un  recueil  et  se  sera 
diverti  à  écrire,  dans  un  style  où  la  rhétorique  de  son  temps  s'est 
fait  place,  ce  qu'il  aura  appris  là  et  ailleurs.  Il  n'est  |xis  de  Montefor- 
lino  :  il  suffit  de  voir  qu'il  n'a  que  des  malédictions  pour  celte  ville, 
et  qu'il  parle  de  toute  Taffaire  à  peu  près  comme  Teùt  foit  Paul  iV.  Je 
note  aussi  1  éloge  qu'il  fait  de  la  fidélité  d'Anagni.  Quoi  qu'il  en  soit, 
il  est  plus  complet  que  les  historiens  généraux  de  la  guerre;  dans  la 
première  partie,  il  les  corrige  et  permet  de  choisir  là  où  ils  diffèrent  ; 
dans  la  seconde,  il  raconte  des  faits  que  l'on  ne  trouve  pas  chez  eux  ^ 
Voici  la  copie  de  Serangeli  : 

EXGIDIUM  M0NTI8F0RTINI. 

Oppidum  est  ditionis  Romanae  in  Latio  Monsfortinus,  quod  pruceros 
familiao  Culuniniae  agnoscit  dominos.  Hoc,  ubi  opos  ooruni  procella 
t('mporum  jactatao  sunt,  novis  rébus  8tudore  adeoque  discrimina  coii- 
t^mnoro  persovoravit  ut  quicumquo  a  Pontiliribus  dcsciverint  facib^ 
sceloro  ac  furoro  superarint.  Quam  quidem  corte  ob  superbiam  impc- 
riiquedospoctum  quo  pacte  id  doleri  oimrtuit  re  altius  ropotita  iiiferius 
oxponam. 

Vcrtcbatur  annus  a  Christo  nato  1550,  l'aulo  Quarto  patria  Nea|>oli- 


1.  Je  n'avais  ni  le  temps  ni  les  moyens  de  m'assurer  par  des  recherches  que 
le  récit  fût  vraiment  indéfn^ndant  et  inédit.  En  tout  cas  il  sera  peu  ctmnu, 
cl  il  accompagne  si  natureUement  les  pièces,  curieuses  |»ar  elles-m^nies,  que  je 
n'hésite  |»as  à  le  présenter  avec  elles  cximme  le  fait  Serangeli.  Car  ce  n'est  pas 
en  Afrique  que  je  puis  maintenant  chercher  à  découvrir  sa  provenance.  Je 
n'ai  pas  voulu  non  plus  corriger  les  nombreuses  fautes  dues,  soit  à  l'auteur, 
>oit  plutôt  à  ce  que  Serangeli,  en  mettant  au  net  son  ooTrage  à  l'âge  de  67  ans, 
n'a  pas  bien  relu  sa  copie  ;  la  plupart  d'ailleurs  sautent  tellement  aux  yeux 
qu  elles  ne  pcuTent  arrêter  la  lecture.  —  Alger,  1883. 


356  VJUNGBS  R  DOCUMENTS. 

tano  snmmo  Pontifice,  arseratque  huic  a  Philippo  hujus  nominis 
secundo  Hispaniarum  rege  illatum  bellum,  quo  supra  annum  aperto 
marte  decertatum  est.  Nam  mutuis  odio  ac  simultate  estuans  Rez  ob 
eversos  bonis  oppidisque  in  Latio  Golumnios,  Marcam  Antonium, 
gentis  ejus  principenr,  extorrem  ezceperat,  exercituique  a  prorege  Nea^ 
polis,  duce 'ut  nuncupatur  Albae,  comparato  per  honorifica  praerogativa 
ductorem  adjunxerat. 

8ub  ipsum  belli  initium,  copiisab  utrisque  summa  diligentia  accinctis, 
cum  Pontifez  Carolo  Cardinale  Garafa  nepote  in  Gallias  misso  cum 
Henrico  rege  icisset  foedus,  ab  insula  Gymae  tum  in  potestatem  Galli 
reducta  pedites  Aquitani  ad  duo  millia  transmissi  ;  simulque  ab  agro 
Senensi,  ubi  aliquot  adversis  praeliis  Galli  sub  imperio  Pétri  Strozzae 
cum  Hispanis  Cosmoque  Florentiae  duce  dimicaverant,  veterani  regii 
ad  Urbem  auzilio  proficiscebantur.  Neque  interea  videre  segnius  Pon- 
tificis  bellum  gerere  quam  propulsare  quoad  dux  Guisius  ab  Henrico 
missus  cum  equitatu  gravis  armaturae  probe  instructo  peditibusque 
Helvetiis  et  Gallis,  liberaturus  quemadmodum  assererat  Pontificem  ac 
Urbem,  adesset,  ûnesque  Neapolitani  regni  ingrederetur.  Enimvero, 
auxiliari  hoc  exercitu  e  Gallia  nondum  habito,  Germanum  peditem 
mari  Infero  trircmibus  ad  Gayetam  expositum  Proregi  castra  comple- 
visse  rumor  certus  attulerat  :  quibus  ille  motis  quanta  potuit  celeritate 
Hernicos  Volscosque  fere  omnes  subegit,  Latioque  terrorem  incussit 
maximum. 

Quaecumquc  intérim  in  ofGcio  et  fide  manserunt  civitates  atque 
oppida,  Anagniorum  exemplo,  non  modo  incensos  hostili  manu  spec- 
tando  agros  non  terrefacta  sunt,  sed  extrema  pati  potius  quam  ea  for- 
midaro  maluerunt.  Incolae  tamen  Montisfortini,  inauditae  bomines 
tcmeritatis  et  audaciae,  singulari  perfidia  praediti,  ultro  bostem  accer- 
sivere,  quotidianisque  postmodum  una  cum  eo  latrociniis  debacchati, 
obscssis  itineribus  haud  modica  Rci  Romanae  jactura,  quamdiu  licuit 
in  suis  tcctis  comités  ei  ac  bcnefîcos  praebuere. 

Notam  banc  insigniem  haud  multo  post  ausi  majore  facinore  detur- 
pare,  velle  se  hospitia  Hibernorum  prodere  ad  hune  ferme  modum 
simularunt. 

Velitrao  praesidio  satis  valide  ûrmatae  crant,  nec  dum  ibi,  an  te 
Ostiao  arcem  expugnatam  noque  post  vallum  ad  Ostiam  Hispanorum 
armis  munitum  relictum,  munitiones  fuerant  attentatae,  quod  tune 
tomporis  Alvae  dux  contra  ducem  Guisium  juxta  conflucntem  Truenti 
ad  mare  Suporum  se  contulerat.  Hoc  ad  praesidium  in  locum  iniquum 
dolo  cxtrahendum  insidiisquo  opprimendum  rebelles  animum  valde 
adjiciunt.  Et,  cum  lictis  rumoribus  Staticcorum  onere  se  impensae 
gravâtes  divulgassent,  Velitras  ad  praefectum  Franciscum  Villam  Fer- 
rarionscm  nuntios  mittunt,  moncntes  ut  oppidanorum  saluti  eatur  con- 
sultum  ;  occasionom  in  gratia  cum  Pontifice  redeundi  sibi  nequaquam 
defuturam;  quod  si  suppetias  ferre  velit,  modo  aliqua  sibi  militum 
manus  ad  diem  praesto  sit,  bostem  quam  primum  inter  domesticos 


EXaDIUM  VOXTÎSFORn!ff.  357 

parietes  obtruncatos,  seque  in  potostatem  Ecclesiao  vindicatos  iri  acci- 
piot.  Quod  ubi  saepius  affîrmassont,  nacti  fidom  quam  boUi  tompore 
rci  bcDO  gcrcndae  spes  postulabat  improbis,  qua  su])petiac  afforent  certa 
demum  constituta  est  dios.  Postea  vero  quam  ducontos  peditcs  unaquo 
equitum  turma  sub  signis  advenire  certiorcs  facti  sunt,  longe  aliam 
coQsilii  rationem  ineunt  priusquam  in  colluquium  cum  Pr^fecto  ivis- 
sent,  initam  nibilo  sccius  immutant.  Oppidanus  igitur  cum  milite 
extra  moenia  tuto  loco  in  insidiis  collocatus  advenientes  Vclitris 
armatos,  licet  non  nibil,  ut  accidit,  suspicionis,  adoritur,  oquitemquo 
in  poditem  difficili  admodum  loco  impingit.  Orta  itaquo.  de  improvise 
trepidantium  direptione  ac  caede,  perpauci  qua  forte  saluti  via  patcfacta 
est  fuga  evadunt. 

At  hoc  singularc  genus  pertidiae  Deum  hominesquc  subito  ad  ultio- 
nem  provocasse  quis  dubitet?  Ut  primum  namquo  Hispanus  cxci- 
piendo  hostem  Gallum  cis  Truentum  detontus  est,  impio  huic  goneri 
scelerum  poenas  brcvi  difleri  fas  pcrsuasit,  tantoquo  doindc  anlore  ani- 
morum  contra  facinorosos  saeviri  caeptum  fuit  ut  suprcma  eorum  sors 
et  supra  quatonus  dici  possit  acerba  calamitas  nusquam  gentium  a 
quoque  quod  acceperim  deplorata  est. 

Sod  antequam  statuta  eos  clades  subsequerotur,  quod  Ilispanorum 
militum  haud  contemnenda  pars  intra  munimcntum  ad  Ostiam  com- 
mcatum  mari  importari  Urbi  adhuc  prohibebat,  contra  illud  oppugnandi 
causa  minora  castra  c  regione  Tiberis  Gunt,  perductisquo  ultra  ripam 
in  obliquum  aggcribus  post  arccm  Ostiac  recuperatam,  Petro  Strozzae 
féliciter  omnino  conatus  cessit.  Etenim  Ilispani,  propugnationom  dcs- 
porantcs,  pacti  deditionem  nec  décora  conditione  abirc  permissi;  miles 
deinde  Gallus  imiKHiimentis  potitus,  commeatus  vero  pcr  pontiticios 
quaestorcs  est  publicatus.  Tormouta  aenea  indc  ablata,  vallo  solo 
aequato,  Romao  sub  lladriani  Mole  ad  victoriam  ostendondam  visonda 
populo  in  parte  Pontis  oxtroma  trans  flumen  Ducis  statuorunt.  Qua 
quidom  in  ro  nihil  accidisso  visum  est  momorabilius  quam  pilac  ferreae 
crassioris  ignea  vi  tormento  aoneo  emissae  perfracti  aggeris  ictus,  a 
quo  impulsi  lapilli  Strozzae,  dum  inter  suam  hostis  munitioni  ajtpro- 
pinquarct,  labrum  oris  superius  percussum  foedc  cruentavorunt  :  huic 
gcniini  dentés  elisi.  Pedituni  etiam  praefectus  Aquitanus,  nomine 
Monlicuch  filius,  sclopi  quom  vocant  pila  plumbea  secundum  renés  suf- 
fossus,  exanimis  concidit.  Primo  jam  vere  appetente,  Vicovarium,  quod 
deditionem  fecerat  quingentorumque  praesidio  Ilispanorum  teneliatur, 
propterea  quod  propius  hostium  fines  commodi us  eorum  res  adjuvabat, 
castra  mota.  Ko  ad  demoliendum  muros  tormenta  aenea  ingontis  pon- 
deris  advocta  sunt  :  quorum  ut  concussio  apparuit,  irruentes  eo  loci  iu 
proximo  oppugnatores  fumo  per  mane  involutos  pauli  momonto  (angusto 
enim  spacio  propugnabatur)  Hispani  sustiuuere;  asrensu  murorum 
superato  resistentes  cedunt  aguntque;  circumventi  ab  equitibus  qui 
parle  ex  aliifua  moenibus  evaserant;  promiscue  miles  oppidanusquo 
ferro  absumitur.  Oppidum  extemplo  direptum;  foeminis  et  iropuberi* 


358  Ml^LAI^GEâ  ET  DOCUMENTS. 

bus  jus  belli  abstinuit.  Qui  inter  ea  ad  arcem  confugerant,  vivi  capti, 
Rui  redimendi  facultate  impetrata,  ad  suos  incolumes  revertere. 

Quae  reliqua  erat  ad  perfidiam  Montisfortini  vindicandam  magnopere 
necessaria  expeditio  Julio  Ursino  peditum  Romanae  Ecclesiae  univers 
sorum  ductori  demandatur,  attributo  et  ad  hoc  Francisco  Columnio 
Praene8tis.domino.  Quorum  aroborum  virtute  etsi  non  nihil  latrocinan- 
tibus  repressum  erat  insolentiae,  illi  tamen  propinquis  interdum  insul- 
tare  atque  ex  occulte  praedas  avertere  non  desinebant. 

Verumenimvero  situ  haud  mediocriter  munito  interdiuque  ac  noctu 
excubitoribus  acriter  custodito  summa  dies  adveniebat.  Nam  simul 
atque  vi  tormentorum  propugnacula  quati  caepta  sunt  murisque  agmen 
admotum,  anceps  orta  est  pugna,  qua  foris  assaltu  urgentes  aliqui 
ceciderunt,  Rugeriusque  Meroch  Germanorum  peditum  tribunus  in 
sinistro  brachio  vulnus  accepit,  quod  mira  suorum  animes  acerbitate 
inflammarat;  signe  denique  date  armati  intro  impetu  irruperunt  :  unde 
alio  compulsi  hostes  atque  oppidani  saltu  se  ad  ima  proripere  nihil  mora- 
bantur.  Itaque  in  aperta  dilapsi  avii  fuga  anhelantes  tutos  se  loco  reci- 
piunt;  pubères  numéro  exiguos  miles  Italus  itemque  externus  armis 
nudatos  ludibris  habuit,  iracundeque  prostravit.  Victores,  utpote  qui 
vel  crebris  antea  praeliis  vel  latrociniis  fuerant  lacessiti,  vel  amicos 
scu  consanguineos  amissos  reddi  exposcerent  raptaque  répétèrent,  ut 
quodque  limen  cadavera  oppleverant,  immanitatem  rabiemque  osten- 
tantes  erumpebant  :  extrême  itaque  res  loco  erat,  nec  sanguine  quidem, 
nedum  praeda,  exsatiari  miles  est  visus,  Germanus  praecipue,  coi 
vulnerati  ducis  ultio  cordi  extiterat.  8ane  vero  Ursinus  et  Columnius 
insanis  animis  modum  imponere  maturant,  ac  tum  precibus  tum  minis 
sedare  furibundos  et  concursantes  festinant. 

Rationem  se  omnium  pro  cujusque  meritis  in  praeda  dividenda,  ne 
haiic  distraherent,  cohortibus  et  praefectis  habiturum  pollicitus  Ursi- 
nus tantisper  dum  iras  moderatur,  foeminarum  puerorumque  qui  cogi 
trépide  potuit  numorus  in  aedem  sacram  contrahi  confestim  curât. 
Multa  illuc  aetas  imbecillis  ad  aras  Divum  effigies  amplexum  iacrima-  * 
tumque  vicissim  tam  suam  quaeque  quam  communem  patriae  paren- 
tumque  calamitatem  confluxerat.  Coorta  autem  alibi  repente  flamma, 
incertum  forte  an  de  industria,  ubi  scilicet  Germanorum  peditum  duces 
remorabantur,  quam  spe  depopulandi  dejectum  cuncta  igni  consumere 
"voluisse  existimarunt.  Aedem  circumquaque  magna  ventorum  com- 
pulsa vis  corripuit,  concremataque  corpora  miruminmodum  exanimavit. 

Oppidum  simul  et  agrum  late  vastatum,  vacuum  deinde  cultoribus, 
rébus  quaecumque  repertae  sunt  asportatis,  milites  deseruere,  sua  quis- 
que  signa  sequuti.  Haec  multo  post  caeteribus  in  rébus,  quas  alii,  si 
opère  praemium  arbitrât!  fuerint,  scriptis  memorabunt,  huic  belle  usui 
fuere. 

His  Romae  nunciatis,  mira  Paulum  Pontificem,  qui  durum  illud 
rebollium  genus  inexpiabili  fuerat  execratione  detestatus,  laetitia  inces- 
sit.  Appetentior  enim  quam  satis  esset  belli  videbatur  atque  vindictao. 


BXCIDfUM  MOTTISFORTIXI.  35^ 

Idcirco  non  modo  incendium  innocuis  non  pcpercisse  sacraquc  et  pro- 
phana  abolivisse  Montefortino  non  aegre  patiebatur  (quippe  gAnti 
nefandae  id  mali  vel  perpotua  nepotum  posteritato  convenir^  saopius 
clamitans),  sed  oppidiomninodelendi  irreparabilitcrquc  dcsolandi,  pro- 
fugos  inquircndi,  agro  omnes  et  morto  multandi  concilium  capit. 

Quaerebatur  non  indiligenter  quisnam  in  hoc  perûciendo  praesens 
jubcusquc  constantia  atque  auctoritato,  a  contcrminis  rcgionibus  ac 
frcquenti  circum  municipio  cum  fabris  colunisque  advocata  et  coacta 
manu,  severo  accuratcque  navarct  oporam.  Et  qiiamquam  notae  probi- 
tatis  viri  rorumque  expericntiae  non  ignari  mento  Pauli  observaban- 
tur,  unius  dnmtaxat,  cujus  alias  consuetudine  perspectaque  pnidentia 
fuorat  obiectatuSf  designatio  haeret  animo.  Itaque  Desiderium  Guido- 
uem  Asculanum  jure  consultum  cum  primis  eligit;  et,  cum  ei  mandata 
ad  quamcumque  animadversioncm  honorifico  quo  poUebat  sormono 
dcdissct,  summa  homincm  cum  facultate  in  Latium  coutinuo  dciegavit. 

Is,  primo  adventu,  ex  pracsidiis  partim  Labicano  partim  Volitrig 
equitum  peditumquo  haud  contemnendum  numorum  convocari,  doindo 
ab  unoqnoquo  circum  se  viginti  millia  passuum  eito  oppido  cives  et 
colonos  ad  quatuor  mille  adesse  jubet.  Ëodemque  roomcnto  et  apud 
Ilernicos  et  Volscos  omnique  in  Latio  Montefortino  ejoctos  perpétue 
exilio  damnatos  ediciens,  morte  si  capiantur  haud  socus  quam  agro  in 
praesentia  multandos  déclarât.  Tune  agri  squallorem  intuitus  scribam 
ciens  Feragallum  cognomento,  Gaesenatensem,  juxtaquo  testes  Veliter- 
nos,  his  astantibus,  illius  possessionem  Fisci  nomine  approhendit. 

Hinc  ad  desolandum  rebelle  oppidum  conversus,  pro  suggesto  lapidée, 
plateam  despiciens,  in  cencioue  hujusmodi  verba  facit  :  Bi  quis  vestrum, 
Municipes,  aut  militum  qui  adsunt,  forte  existimat  satis  esse  poe- 
narum  do  rebellium  perfidia  hactenus  exhaustum ,  miraturquc  ita 
cxacerbatam  Principis  iram  ut  praeterquam  <]uod  natale  sohim  deseri 
a  scelcstis  nec  uUo  unquam  tempère  repeti  jusscrit  infâme  etiam  atque 
ob  solitudinem  posteritati  inaccessum  volit  relinqui,  vidoat  profocto  ne 
a  rationibus  Heipublicae  communi  cum  pernicie  longe  aberret.  £a 
siquidem  nullius  manu  in  terris  rectae  sunt  quin  huic  a  summo  reruni 
Opitice  ac  Parente  traditae  et  commeudatae  sint  :  quod  si  caeteris  hoc 
arbitrandum  est  in  potestatibus,  quanto  magis  in  hac  quae  por  saecula 
Servatoris  Ghristi  summum  sacerdotium  apud  mortales  in  sufTectis 
ipsi  Vicariis  prepagavit.  Quisquis  igitur  prophane  hujus  detrectavit 
im{)eria,  haec  dum  despicit,  is  et  labi  optât  fundamenta  Heipublicae, 
is  evertere  ditionem  at({ue  ipsi  I)eo  procul  dubio  repugnare  cunctaquc 
suo  arbitratu  turlmre  censondus  est.  Quaenam  ergo  poena  tantao  uequi- 
tiae,  tanquam  infandae  audaciae,  satis  digne  videri  poterit  constituta? 
Kaque  etiam  iis  couveniaut  secures  ({ui  ex  subjectis,  quemadmodum 
hi  oppidani,  apertt^.  se  hostes  proft^si  sunt?  Mortem,  mihi  crédite,  quae 
aerumnarum  est  liuis,  tali  hominum  generi  mereus  supplicium  exacte 
futuram  inticias  ibitis  :  quando  et  eorum  execratas  animas  apud  infères 
crudelitatis  poenao  manent  :  quarum  cruciatus  evitare   malus  quis 


360  iriLANGES  ET  DOCUMENTS. 

potesty  quis  vero  damnatus,  nisi  acerrime  inconsolabiliterqne  perferre? 
Quoniam  vero  telluris  sub  coelo  nonnulla  est  insita  vis  ut  alicubi  boni, 
mali  alicubi  natura  proveniant ,  compertum  est  haec  oppidi  solo  qui 
ortum  duxerint  neque  homines  semper  habitos,  neque  semel  ad  defec- 
tionem  fuisse  accinctos.  Id  loci  ingeuium  abominatus  Pontifex  inbabi- 
tabilem  eum  et  aedificiis  murisque  subactis  brutorum,  baud  hominum, 
receptacula  fore  statuit.  Quocirca  tu,  qui  boves  aratro  junxisti,  Labice 
bubuice,  plateam  banc  lateribus  munitam  perscindito.  Tu  quidem, 
advena  Yelitris  colone,  sale  hic  sulcis  mandato,  tellure  bac  perpetuo 
detestata  sterilitas  inarescat,  neque  uUi  in  ea  mortales  sata  legant. 
Utque  inexpiati  domicilia  hic  amplius  ne  instaurent,  sed  profugi  cir- 
cumvagentur,  ne  conctemini,  quicumque  adestis,  desolationi  incum- 
bere  :  agite,  demolimini,  subvertitel 

Obriguere  coutinuo satione  salis  sequuta  dirum  illud  omen  infe- 

cunditatis  ferri  animantibus  estu  perborrescente.  Atque  hic  Desiderius 
'  (videbatur  enim  prae  moerore  fere  cunctis  torpere  manus)  :  «  Et  quid, 
inquit,  moramini,  coloni?  Meministis,  ne  percensere  vestrum  aliquem, 
quot  ab  hoc  loci  manaverint  in  Pontifîcum  pectora  irarum  causae? 
Hune  a  Paulo  III,  cum  Palianum  oppugnatum  mitteret,  defecisse  cogno- 
vistis  :  quod  haud  secus  in  Glementem  VII  perpetrare  non  poenituerat 
victoriis  Garoli  V  Imperatoris  depressum.  Garolo  etiam  Gallorum 
régi  Vin  quondam  bac  pacato  agmine  pertranseunti  majores  horum 
negocium  facessere  ausos  méritas  temeritatis  poenas  luisse  memoriae 
praeditum  est.  NuUa  profecto  subjectis  justa  fuere  arma  in  Principes 
quorum  voluntate  fuerint  tutelaribus  dominis  commendati.  An  si  sub- 
jecti,  tutelae  nomine,  injuria  aut  ignominia  sint  affecti,  demittent 
animum,  idque  lugere  perseverabunt  infortunii?  Vel  potius  eo  huma- 
nitatcm  jusque  postulatum  confugient  unde  sui  dominatum,  nihilo 
détériore  conditione,  minores  domini  sint  consecuti?  Injustum  quippc, 
sicuti  cvenerit,  censebitur  judicari  nos  merito  hostes  ab  iis  quorum 
hostes  jure  ipsi  persequi  debeamus  :  perinde  ac  si  illis  injuriis  vclimus 
afûci  quorum  opéra  atque  auctoritate  injuria  levandi  simus.  Quare 
hujus  diei  et  loci  memoria  cxultare  vos  olim  deceat,  cum  hic  omnia 
late  horrida,  sentibus  oblita,  nullis  obtrita  callibus  invisentur,  manuum- 
que  vestrarum  feratur  laus  incolarum  domicilii  desolatio  quod  Roma- 
norum  Pontiûcum  Rem  despicatui  habuerit,  illamque  quavis  tempestatc 
damno  affecerit  quam  contra  conatu  omni  servare  debebat.  » 

Acclamatum  hue  acriter  orationi  fuit,  atque  illico  demoliri  caeptum. 
Quatriduum  vestigia  tantum  oppidi  superavere,  uti  assueti  Laribus 
canes  die  nocteque  ululatibus  et  querulae  fêles  escas  illecebrasque 
heriles  misère  revestigare  iuspexisses. 

Inquisita  postmodum  fuerunt  et  de  rebellionis  rea  municipia  circum- 
posita  quae  senes  puerosque  et  feminas  post  eam  fugam  ccc  numéro 
rccepissent,  neque  in  alterutros  est  animadversum.  Proposita  autem 
quaestione  de  pluribus  profugis  interceptis  et  Velitris  in  custodiam  tra- 
ditis,  de  bis  tantum  suspendio  sumptum  est  supplicium,  quod  ne  erga 


BXCIDIVM   MONnSFORTIin.  S64 

hos  quidem  Desiderio  deprecante  Pauli  severitas  ad  misericordiam 
deflexit  :  usque  adeo  laesum  iri  temere  majestatem  suam  indignabatur 
gravateque  ferebat. 

Post  haec  Palianum  tutari  praesidio,  id  modo  lacessantibus  Golum- 
niis  modo  UispaniSf  ac  trans  Tnientum  castra  fieri  in  primis  duci 
Guisio  Caraffiisque  Pauli  rem  bcllicam  administrantibus  cura  fuit  :  quae 
ubi  innotuit  ea  sic  aestate  anni  moly  ut  narrabitur  se  ipsa  palam  fecit. 

Serangeli  donne  ensuite  les  pièces  du  procès  d'un  des  hommes  de 
Montefortino  qui  furent  condamnés  avant  le  ban  de  proscription 
générale.  Il  s'agit  d'un  certain  Constantin  di  Gassandra,  contumax. 
Les  curieux  documents  de  cette  alTaire  furent  trouvés  par  Serangeli 
dans  les  papiers  de  ses  descendants.  Il  les  a  donnés,  en  abrégeant 
légèrement  tout  ce  qui  est  formalité  pure. 

ENQUÊTE  SUR  LE  FAIT  DE  CONSTANTIN  DI  GASSANDRA, 

DE  MONTEFORTINO. 

Haec  est  quaedam  inquisitio  quae  fit  et  fieri  intenditur  per  Rev<>nn 
et  Eximium  J.  iTTDoctorem  DRum  Franciscum  ab  Angelo,  Patavinum, 
m™»  et  Rev™»  Dfti  Gardinalis  Belley  civitatis  Vellelrarum  protectoris  et 
perpetui  gubematoris  auditorem,  et  commissarium  in  dicta  civitato,  et 

suo ofticio,  auctoritate  et  balia,  contra  et  ad  versus  Gonstantinum 

Gassandram  de  Montefortino,  inimicum  Sanctae  Romanae  Ecclesiae, 
rebellem,  in  eo,  de  eo  et  super  eo  quod,  fama  publica  praecedente  et 
clamosa  insinuatione  referente,  non  quidem  a  malevolis  et  suspectis, 
sed  potius  a  veridicis  et  fido  dignis  hominibus  et  personis,  non  semel 
tantum,  sed  saepc  et  saepius  ad  aures  et  notitiam  praefati  Rev<u  Dfli 
Gommissarii  auditu  rclatuque  pervenit,  ctiam  per  modum  notorii,  qua- 
liter,  in  hoc  praesenti  anno  1556,  et  proximis  mcnsibus  Augusti,  Sep- 
tembris,  Octobris  et  Novombris,  cum  praefatus  inquisitus,  rebellis 
praedictus,  una  cum  omnibus  aliis  hominibus  dicti  castri  ut  supra 
rebellibus,  sciret  exercitum  Imperialcm  essct  inimicum  et  rebellem 
dictae  Sanctae  Sedis  Apostolicae,  multos  milites  dicti  cxercitus  sic 
rebellis,  tam  équestres  quam  pédestres,  eorum  sponte,  alacri  facie  et 
sine  aliqua  vi  in  dicto  castro  et  corum  domibus  receptavit  et  hospitatus 
fuit,  providcndo  de  vietu  eisdem  et  aliis  rébus  necessariis;  de  praedictis 
non  coutentus  una  cum  aliis  praedictis,  sed  malis  pessima  addendo 
uua  cum  praedictis  hominibus  notoriis  rebellibus  quamplures  praedas 
in  variis  et  diversis  gencribus  animalium,  hominum  et  personarum 
dictae  civitatis,  ncc  non  quamplures  homines  dictae  civitatis,  captivos 
fecit  et  facere  procuravit,  exigendo  et  depraedando  et  exigi  procurando 
ab  istis  impossibiles  tallias  pro  eorum  liberatione,  et  multas  alias  vio- 
lentias  contra  civitatem  praefatam  et  ejus  cives  fecit  et  fieri  procuravit, 

ReV.   HiSTOR.    XXil.  2«  FA8G.  24 


862  iriLilfGBS  BT  DOGUMBirrS. 

praeter  et  contra  mentem  SS™^  D.  N.  et  ejus  sacras  ordinationes  ac 
formam  juris  tam  canonici  quam  civilis  ac  bonos  et  laudabiles  mores 
convicinandi  et  vivendi  et  subditorum  S.  R.  Ëcclesiae.  De  quibus  sic 
facinoribus,  rebns  Illma>D.  Dux  S....,  tune  temporis  generalis  exercitus 
S.  Sedis  hic  Yellitris  existons,  volons  eumdem  Gonstantinum  juxta 
multari,  habens  notitiam  qaaliter  habebat  hic  in  civitate  quamdam 
quantitatem  grani  ascendentem  ad  summam  rubiorum  vigintiquinque 
vol  circa  et  unam  domum  in  contrada  8.  Martini  juxta  res  Jo.  Antonii 
Sellarii,  res  haeredum  Quintii  Vulpis  et  alios  fines,  et  granum  et  domum 
praedicta  confiscavit,  et  ipsum  Gonstantinum  bonis  praedictis  privavit, 
tanquam  inimicum  et  rebellem  ut  supra.  Et  praedicta  omni  meliori 
modo  super  quibus  omnibus  et  singulis  inchoata,  facta  et  formata  fuit 
dicta  inquisitio  sub  die  29  Novembris  1556. 

SBNTÇNGE  OB  MORT  CONTRE  LB  MÊME. 

In Dei  nomine,  amen.  Nos  Franciscus  ab  Angelo,  Patavinus,  I.  U.  D., 
Ill">  et  Rev°»»  Dfti  GardinalisBelIey  civitatisVilletrarumprotectorisguber- 
natoris  auditor,  et  commissarius  in  civitate  praefata  sedentes  pro  Tri- 
bunali,  cognoscentes  et  cognoscere  volentes  de  et  super  inquisitione  per 
nos  formata  contra  Gonstantinum  Gassandram  de  Montefortino,  inimicum 
et  Sanctae  Sedis  Apostolicae  rebellem,  causis  et  rationibusprout  in  dicta  : 
nnde,  visa  dicta  inquisitione  et  testibus  super  ea  examinatis,  visis  tribas 
citationibus  contra  eum  factis  ad  respondendum  super  ex  tribus  diversis 
vicibus,  et  tribus  ad  Gatenam  more  solito  per  Ber.  m  :  ut  retulit,  visa 
postmodum  citatione  de  dicto  Gonstantino  ad  videndum  se  diffîdari 
similiter  ad  Gatenam  per  dictum  m.  ut  retulit,  visa  dif&datione  de  eo 
facta  per  loca  solita  per  eumdem  Ber.  m.  et  publicam  personam  dictae 
civitatis  similiter  ut  retulit,  et  prout  in  inquisitione  praedicta  latius 
continetur,  habita  tamen  absentia  pro  praesentia,  contumaciaet  confes- 
sione,  visa  demum  citatione  de  dicto  Gonstantino  ad  sententiam  et 
pro  bac  die  et  hora  ad  hune  locum  et  ad  banc  nostram  sententiam 
videndam  et  audiendam  per  praedictum  m.  prout  retulit  ad  Gatenam 
citasse,  et  omnibus  aliis  visis  et  mature  consideratis  quae  in  praemis- 
sis  et  circa  ea  videnda  et  consideranda  fuerunt  et  sunt;  Ghristi  nomine 
invocato,  talem  in  dicta  causa  sententiam  damus  et  proferimus,  in  his 
scriptis  et  in  hune  modum  et  formam  :  Videlicet  quia  dicimus,  sen- 
tentiamus,  pronunciamus  et  declaramus  praedictum  Gonstantinum  de 
Montefortino  aliosque  de  dicto  loco,  et  incidisse  in  poenam  rebellionis, 
et  ideo,  tanquam  rebellem,  quoad  Gonstantinum,  condemnandum  fore 
et  esse,  prout  per  hanc  nostram  diffinitivam  sententiam  condemnamus, 
in  poenam  capitis  necnon  ad  confiscationem  omnium  bonorum  suorum, 
dictaque  sua  bona  tam  mobilia  quam  stabilia  et  sese  moventia,  Fiscoque 
praefati  Rev™»  Dfti  fuisse  applicanda  et  incorporanda  prout  applicamus 
et  incorporamus,  ad  libitum  nostrum  subhastanda  et  vendenda,  et  de 
pretio  praedlcto  seu  praedictis  ad  libitum  praedicti  Rev»^  et  111°*^  Dfti 


EXCIDirM   llO!«TISFORTl?n.  363 

disponondum  :  adeo  quod  non  sit  ipsi  aniplius  loco  defensionis,  onim  ap- 
pellatione  postposita,  et  quod  nomo  pro  oo  loquatur,  tanquam  rebelle, 
mandantes.  Et  ita  dicimus,  sententiamus,  pronunciamus,  condemnamus, 
confiscamus,  applicamus  et  incorporari  niandamus  onini  meliori  modd. 
Ita  est.  Franciscus  ab  Angelo,  Auditor  et  Gommissarius.  Ijita,  data, 
scripta,  lecta,  et  sub  Die  9  Decembris  1556,  praesentibus  D.  Antonio 
Bistonzio  et  Joanne ,  Veliitranis,  testibus. 

ENVOI   EN   POSSESSION    DE   LA   MAISON   DUDIT  CONSTANTIN,   CONFISQUÉE. 

Indictione  14,  Die  16  Decembris  1556,  ex  commissione  et  mandate 
Rev.  et  Eximii  J.  U.  Dort.  Dni  Francisci  ab  Angelo,  Patavini,  III™»  et 
Rev"»'  Dfti  Cardinalis  Belley  civitatis  Villetranim  protectoris  et  perpetui 
gubernatoris  in  civitate  praedicta  auditoris  et  commissarii,  committitur 
Tibi,  eiocutori  Curiae  dictae  civitatis,  quatenus  tradas  et  in  actualem 
et  corporalem  possessionem  ponas  et  immittas  D.  Marcum  Antoniiim 
Lutii,  liscalem  et  procuratorem  dicti  Rev™»  Dfli,  de  domo  Gonstantini 
Cassandrae  de  Montefortino,  rebellis  et  Sanctae  Sedis  A])ostoiicae  ini- 
mici,  sita  in  civitate  praedicta  et  in  contrada  Sancti  Martini,  juxta  res 
Joannis  Antonii  Sellarii,  res  haeredum  Quintii  Vulpis  et  alios  Gnes, 
Fisco  praefati  Rev"»  confiscata,  vigore  seutentiae  latac  per  praefatum 
Rev.  D.  Auditorem,  scriptae  manu  mei,  Notarii.  In  quorum  fidem 
data.  Vespasianus  notarius,  de  mandato. 

Le  recueil  des  documents  relatifs  à  la  destruction  de  la  ville  com- 
prend six  pièces,  qui  me  paraissent  d'un  grand  intérêt.  C*esl  le  j)ro- 
cès  et  la  condamnation  à  mort  d'une  cité  et  de  son  peuple,  par  un 
pape,  au  xvi''  siècle,  (^es  pièces  m'ont  servi  à  dégager  le  récit  de 
l'anonyme  des  enjolivements  de  sa  rhétorique  pour  y  substituer  le 
détail  vrai.  Je  les  rangeriii  ici  suivant  Tordre  chronologique. 

LETTRES  PATENTES  DU  CARDINAL  CARAFFA 

A  DIDIER  GUIDONI 

POUR   LA   DÉMOLITION    DK   MONTEFORTINO. 

Noi,  Don  Carlo  canlinal  Caraiïa.  Volendo  Nostro  Signore  che  délia 
ribollione  commessa  dalla  G)mmunità  et  huominidi  Montefttrtino  verso 
Hua  Reatudinoequesta  Santa  Sede  si  faccia  quella  rigoro.«a  ot  esemplar 
dimostra/.ione  cbo  si  ronviene,  ci  ha  dato online  et  espressa  commissione 
che  dobbiamo  niandare  a  d*  (^astello  di  Montefortino  un  Cominiss^irio 
che  lodebbi,  subito,  senza  ddazionealcuna,  far  gettare  per  terra  o  spia- 
nare  tutto,  si  corne  ricerca  un  tanto  énorme  ecresso  peri>etrato  da  loru  : 
e,  confidandosi  Noi  nella  suflicienzaefededi  MesserDesiderioOuidoni, 
per  l'autoritcà  dataci  daSua  Reatitudine  lo  eleggiamo  et  deputiaino  rom- 
mis«ario  a  taie  elTetto  :  dandoii  commissione  espressa  e  piena  autoritn 


304  MELANGES  ET  DOGUMBflTS. 

e  potestà  di  gettare  per  terra  detto  castello,  e  pigliar  il  possesso  di  esso 
e  del  suo  territorio  per  la  Reverenda  Caméra  Apostolica  ;  commandando 
a  tutti  li  Baroni,  Signori,  Gittà,  Terre  e  Gastelli  circonvicini,  che,  ad 
ogni  richiesta  di  esso  Messer  Desiderio,  debbano  darli  tutto  quelle  ajato 
e  favore,  e  tutta  quella  quantité  di  guastatori  che  li  sarà  richiesta  da 
Lui,  sotto  pena  délia  disgrazia  di  Sua  Beatitudine  e  arbitrio  nostro  ;  et 
il  medesimo  comandiamo  a  tutti  li  soldati  tanto  a  piede  quanto  a  cavallo 
che  sono  ai  servizio  di  Sua  Santità.  Et  in  fede  habbiamo  fatta  fare  la 
présente,  la  quale  sara  sottoscritta  di  nostra  propria  mano  e  sigillata 
col  nostro  solito  sigillé.  Dato  in  Roma  alli  24  d'Aprile  1557.  Il  Cardinal 
Garaffa.  Luogo  ^  del  sigillo.  Alessandro  Marzi,  segretario. 

BREF  DE  PAUL  IV 

POUR  LA  DESTRUCTION   DE  MONTEFORTINO  ET  LA   PRISE  DE  POSSESSION 

DE  SON   TERRITOIRE. 

Dilecto  filio  Desiderio  Guidono  de  Asculo,  utriusque  Juris  Doctori, 
Commissario  nostro.  Locus  ^  annuli  Piscatoris.  Paulus  Papa  Quartus. 
Dilecte  fili,  Salutem  et  Apostolicam  Benedictionem.  Yolentes  quod 
scelus  per  Universitatem  et  homines  castri  nostri  Montisfortini  ad  ver- 
sus hanc  Sanctam  Sedem  ab  ea  ad  illius  hostes  deficiendo  et  rebellando 
temere  commissum  poena  exemplari  et  gravitate  sceleris  condigne  vin- 
dicetur  et  puniatur,  Te,  de  cujus  ûde  ac  diligentia  ad  plénum  confidi- 
mus,  Nostrum  et  dictae  Sedis  Gommissarium  ad  Gastrum  ipsum  peni- 
tus  diruendum  et  solo  aequandum,  ac  illius  soli  et  universi  territorii 
corporalem,  realem  et  actualem  possessionem  Nostro  et  Camerae  nostrae 
Apostolicae  nomine  capiendum  et  apprehendendum,  necnon  eorumdem 
soli  et  territorii  fructus,  redditus  et  proventus  percipieudum,  exigen- 
dum  et  levandum,  ac  pro  eadem  Gamera  conservandum,  et  ad  prae- 
missa  omnia  suiïïcientem  ministrorum  et  ofGcialium  et  operariorum 
numerum  deputandum,  alias  juxta  patentium  literarum  dilecti  filii  et 
secundum  carnem  nepotis  nostri  Garoli  Sancti  Viti  in  Macello  Marty- 
rum  Diaconi  Cardinalis  Garafifae  nuncupati  super  hoc  confectarum  con- 
tinentiam  et  tenorem,  Apostolica  auctoritate  per  praesentes  consti- 
tuimus  et  deputamus  :  dantes  Tibi  plenam,  liberam  et  omnimodam 
facultatem  et  potestatem  mandandi  omnibus  et  singulis  Domicellis, 
Baronibus,  Feudatariis  et  aliis  Dominis  temporalibus,  ac  Communita- 
tibus  Givitatum  et  Universitatibus  Terrarum,  Gastrorum  et  Locorum 
eidem  Castro  Montisfortini  convicinorum,  necnon  hujusmodi  particula- 
ribus  personis  et  quibusvis  militibus  nostra  et  ejusdem  Sedis  stipendia 
merentibus,  sub  indignationis  nostrae  et  aliis  arbitrii  nostri  poenis,  ut 
Tibi  in  praemissis  omnibus  et  totalibus  eorum  exequutione  pareant, 
faveant  et  assistant,  ac,  expedierit  seu  et  indigere  illis  signifîcaveris, 
auxilium,  consilium  et  favorem  praestent,  in  contrarium  facientibus 
non  obstantibus  quibuscumque.  Datum  Romae,  apud  Sanctum  Petrum, 
Die  27  Aprilis  1527,  Pontificatus  nostri  anno  secundo.  Joannes  Barengus, 


EXCIDIUM  MO.^TIâFORTni.  365 

PRISE  DE  POSSESSION  DU  TERRITOIRE  DE  MONTEFORTINO 

AU  NOM  DE  LA  REY.  CHAMBRE  APOSTOLIQUE. 

In  Dei  nomine,  amen.  Per  hoc  praesons  publicum  instrumentum 
cunctis  patcat  evidcnter  et  sit  notum  quod,  anno  a  Nativitate  ejusdem 
Domini  1557,  Indictione  dccimaquinta,  Die  secunda  mensis  Maii,  Pon- 
tificatus  Sanctissimi  in  Gliristo  Patri»  et  Domini  nostri  Domini  Pauli 
divina  providentia  Papae  Quarti  anno  secundo,  coram  circumspectis 
viris  Domino  Gentile  de  Annibalis  Joanne  Baptista  Magistri  Pauli 
et  Jo  :  Baptista  Magistri  Jacobi  Prosperi  de  Valle  Montonis  ad  infra- 
scripta  habitis  et  rogatis  testibus,  in  praesentia  mei  Notarii  publici  cons- 
litutus  Magni6cus  Dominus  Desiderius  Guido,  laycus,  Asculanus, 
utriusque  Juris  Doctor  et  Sanctissimi  Domini  Nostri  Gommissarius  ad 
infrascripta  prout  de  dicta  commissione  mihi  coustitit  per  literas  Apos- 
tolicas  in  forma  brcvis  expeditas  sub  Datum  Romae  apud  Sanctum 
Potrum  Die  27  Aprilis  Pontificatus  anno  secundo  ac  patentes  lUustris- 
simi  et  Reverendissimi  Gardinalis  Garaffae  sub  Data  Romae  Die 
24  Aprilis  1557,  existens  in  tcrritorio  castri  Montisfortini  Gampaniae, 
subtus  dictum  castrum,  in  quadam  possessionc  vineata  versus  terram 
Vallismontoni,  dixitetexposuitquod,cum  ob  nuper  commissam  rebel- 
lionem  per  homines  et  Gommunitatem  dicti  castri  Montisfortini  contra 
Buam  Beatitudinem  Sanctamque  Sedem  Apostolicam  ab  eis  rebellando 
et  manifestis  eorumdem  iniroicis  adhaerendo  dicta  Gommunitas  et  par- 
ticu lares  inciderint  ob  laosam  Majestatem  in  poenam  desolationis  castri 
et  omnium  et  cujuscumque  bonorum  con6scationem  Reverendae  Game- 
rae  Apostolicae  applicandorum,  et  vigore  dictarum  Literarum  Aposto- 
licarum  habere  in  commissis  totius  dicti  soli  et  territorii  memorati 
castri  realem,  corporalem  ot  actualem  accipere  possessionem  pro  Sua 
Sanctitate  Reverendaque  Gamora  Apostolica  dictisque  nominibus  illius 
fructus,  redditus  et  proventus  exigendi,  levandi  ot  conservandi  ;  volens- 
que  quae  in  commissis  habet  exequi,  totius  dicti  soli  et  territorii 
realem,  actualem ,  corporalem  possessionem  juriumquo  pertinentiarum 
pracdictarum  cepit,  nomine  contradicente.  Per  cxistentiam  in  dicto 
territorio  insignemque  verae  et  realis  adeptae  possessionis  hujusmodi, 
memoratus  Dominus  Desiderius  varias  et  divcrsas  torrae  glebas  manu 
propria  et  varies  arboruni  ramunculos  et  frondes  accepit.  Super  quibus 
omnibus  et  singulis  praemissis,  memoratus  Dominus  Gommissarius 
sibi  ac  pro  omni  interesse  Reverendae  Gamerae  Apostolicae,  in  fidem 
et  testimonium  praemissorum  omnium  et  singulorum,  a  me  Notario 
publico  infrascripto  hoc  unum  praesens  nec  plura  publicum  seu  publica 
instrumentum  et  instrumenta  hujusmodi  captae  possessionis  fieri  requi- 
si  vit  et  mandavit.  Acta  fuerunt  haec  in  supradicta  Gampaniao  provin- 
cia,  in  territorio  dicti  castri  Montisfortini,  subtus  dictum  castrum,  in 
supradicta  possessions  vineata,  in  praesentia  supradictorum  testium  ad 
haec  specialiter  habitorum,  vocatorum  et  rogatorum  ac  mei  notarii 


366  HI^LiTVGES  ET  DOCUMENTS. 

publici  rogati,  supradictis  anno,  millesimo,  indictione,  die  et  pontifi- 
catu.  Et  quia  ego  Hieronymus  Feragallus,  laycus,  Gesenas,  publions 
Apostolica  et  Imperiali  autoritate  notarius  ac  praefati  Magnifici  Domini 
Commissarii  cancellarius,  praemissis  omnibus  et  singulis  dum  sicut 
praemittitur  fièrent  et  agerentur  una  cum  praenominatis  testibus  prae- 
sens  interfui,  eaque  omnia  et  singula  hic  fieri  vidi  et  audivi,  ideo  hoc 
praesens  publicum  instrumentum  manu  mea  scriptum,  ex  inde  confeci, 
scripsi,  publicavi,  et  in  hanc  publicam  formam  redegi,  nomen  signum- 
que  meum  in  fidem  et  testimonium  praemissonim  omnium  et  singulo- 
rum  apposui,  rogatus  et  requisitus.  Loco  ^  signi.  Signum  quo  utor 
ego  Hieronymus  supradictus. 

BAN  CONDAMNANT  A  MORT 

TOUS     LES    HOMMES     DE    MO  NTEFORTINO. 

Desiderio  Guidone,  d'Ascoli,  dottore  nelF  una  e  Taltra  Legge,  e 
Commissario  di  Nostro  Signore. 

È  notorio  e  manifesto  ad  ogni  personna,  da  molti  e  molti  anni  in  qua, 
]a  mala  vita  universale  degli  huomini  di  Montefortino  in  publico  et  in 
privato,  e  quanto  sempre  siano  stati  ribelli  et  inimici  deiii  Sommi  Pon- 
tifici  e  di  Santa  Ghiesa,  et  in  particolare  in  questa  guerra,  ribcllando 
da  Sua  Santità  e  Santa  Sede,  aderendo  aile  parti  inimiche,  predando 
li  convicini  sudditi  fedeli,  robbando,  assassinando,  fortiticando  il  Gas- 
tello,  ricevendo  soldati  inimici  por  loro  ajuto  e  difesa,  con  fraude  et 
inganni  sotto  colore  di  ubbidienza  svaligiando,  facendo  prigioni  et 
ammazzando  li  soldati  di  Sua  Santità,  aspettando  finalmente  il  campo, 
Tartigliera  e  la  batteria.  Per  il  che,  non  essendo  si  grave  pena  quale  in 
publico  et  in  privato  non  meritino  maggiore,  et  accio  che  il  loro  cas- 
tigo  sia  exempio  a  tutti,  Nostro  Signore  Paolo  per  divina  providenzia 
Papa  Quarto,  volendo  provedere  alla  quiète  di  questi  paesi  e  servizio 
délia  Santa  Sede,  accio  che  questo  castello  di  Montefortino  non  habbia 
da  essere  più  nido  e  ricetto  de'  tristi,  ladroni  e  ribelli,  ha  determinato 
che  totalmente  si  scarichi  a  ruine,  e  che  di  tutto  il  territorio  e  de'  béni 
de'  privati,  per  la  loro  notoria  ribellione,  se  ne  pigli  il  possesso  per  la 
Reverenda  Gamera  Apostolica,  corne  si  è  fatto,  e  che  tutti  li  huomini 
del  detto  castello  già  nominato  Montefortino  si  bandissero  délia  vita  : 
et  a  fare  questo  ha  dato  a  Noi  ampia  autorité  di  poter  ordinare,  com- 
mandare  a  tutti  Baroni,  Feudatarii,  Soldati  a  piedi  et  a  cavallo,  Gomu- 
nità  et  Particolari.  E  volendo  Noi  eseguire  la  mente  di  Sua  Beatitudine, 
per  il  présente  Bando  si  dichiarano  tutti  gli  detti  huomini  dcl  già 
Montefortino,  come  notorii  ribelli,  essere  incorsi  nella  pena  dell'  ultimo 
supplicio  e  di  conûscazione  di  tutti  loro  béni,  e  che  sia  lecito  ad  ogni 
persona,  senza  pena,  di  offenderli;  e  si  comanda  espressamente  a  tutti 
i  Signori,  Baroni,  Feudatarii,  Ofûciali,  Ministri,  Gommunità  e  Parti- 
colari sudditi  médiate  et  immédiate  a  Sua  Santità  e  Santa  Sede,  che 


EXCIDinM  MOlfTlSrOKTIRI.  307 

non  ardischino  ne  presumino  tolcrare,  riccttare  detti  huoraini  del  già 
Montefortino,  ne  darli  ajuto  o  favore  :  sotte  la  pena  nelle  quale  incor- 
rono  quelli  che  tolerano,  o  ricettano,  o  favoriscano  li  rebelli  délia  Santa 
Sede;  anzi  si  commanda  a  ciascheduno  di  essi  et  a  tutti  loro  offiziali 
che  debbano  usare  ogni  possibile  diligenza  d'haverli  nelle  mani  et  eae- 
guire  la  débita  giustizia,  sotto  pena  délia  disgrazia  di  Sua  Santità  :  aver- 
tendo  ogni  uno  cbe  ne  farà  diligente  inquisizione,  e  quelli  cbe  non 
obbediranno  si  castigaranno  severamente  e  senza  rispetto.  In  fede  Data 
nel  castello  già  nominato  Montefortino  li  7  di  Maggio  1557. 

£  Voi,  Gommunità  infrascritte,  farote  registrare  il  présente  bando,  e 
lo  farete  publicare  secondo  il  solito,  e  con  la  fede  délia  publicazione  lo 
restituirete  al  présente  latore,  al  quale  farete  le  spese.  Desiderio  Gai- 
done,  Gommissario.  Luogo  ^  del  sigillé. 

Rocca  de'  Massimi,  Gori,  Gisterna,  Sermoneta,  Pipemo,  Sezza,  Segni, 
Velletri,  Gività  Lavinia,  Genzano,  Nemo,  Riccia,  Albano,  Marino, 
Rocca  di  Papa,  Rocca  Priore,  Monte  Gompatri,  Frascati,  Pellestrina, 
Gavi,  Rocca  di  Gavi,  Genazzano,  Palliano,  Gapranica,  Valle  Montone, 
Castel  Gandolfo,  Girolamo  Feragallo,  Gancelliere,  de  mandate. 

PROGÈS-VERBAL 

CONSTATANT  LA   DÉMOLITION   DE  MONTEFORTINO,   LB  LABOUR  EXÉCUTÉ 

ET  LE   SEL   SEMÉ   SUR   LA   PLACE. 

In  Dei  Omnipotentis  nomine,  omnium  rerum  justi  Judicis.  Vos, 
Magister  Antonius  de  Givita  de  Velletro,  Antonius  Sanctis  Pistilucci 
de  Garpineto,  ac  Magister  Antonius  Gasella  de  Garona,  incola  dictae 
civitatis  Velletranae,  estote  testes,  et  ego  Hieronymus  Feragallus  de 
Gesena,  Imperiali  ac  Apostolica  aucteritate  notarius,  ad  perpetuam 
memoriam  et  pro  omni  interesse  Reverandae  Gamcrae  Apostolicae  ero- 
gatus,  qualiter  bodie,  qui  est  dies  13  instantis  mensis  Mail  de  anne 
Domini  1557,  indictiene  vero  15,  PontiGcatus  Sanctissimi  Domini 
Nostri  Domini  Pauli  divina  providentia  Papae  Quarti  anno  secundo, 
hic  intus  castrum  Mentisfortini  in  provincia  Gampaniae,  in  platea 
prope  portam  Guriae  rcspicientem  versus  Orientem  et  alia  sua  notoria 
latera,  MagniGcus  Dominus  Desiderius  Guide,  laycos,  Asculanus, 
utriusque  Juris  docter,  Familiaris  Sanctissimi  Domini  Nostri,  uti  est 
videre  per  literas  Apostolicas  in  forma  Brevis  expeditas  ac  literas  paten- 
tes lllustrissimi  et  Révérend issimi  Gardinalis  GarafTae,  reducens  ad  sui 
memoriam  graves  culpas,  delicta,  excessus  énormes,  tum  publiées,  tum 
privâtes,  heminum  et  Gemmunitatis  istius  castri  Montisfertini  a  tôt  et 
tantis  annis  infra,  et  quod  ob  eorumdem  antiquatam  cons^uetudinem 
peccandi  taliter  essent  efTecti  incorrigibiles,  quod  uti  publici  fures, 
latrones,  homicidae  ac  assassini  quemlibet  ebvium  habentes  depraeda- 
bant,  et  prepterea  non  selum  eorumdem  teleratio  fuit  in  causa  ut  ipsi 
penitus  transgrederentur  viam  justi  et  honesti,  sed  et  convicinis  popu- 


368  ItiLiNGES  ET  DOCUMENTS. 

lis  fuit  damnum,  quininio  universis,  cum  omnes  praetereuntes  per 
istam  regionem  derobarentur  et  in  maximo  vitae  et  bononim  timoré 
ac  periculo  ab  eisdem  detinerentur,  ultimo,  oblivioni  mandando  clemen- 
tem  poenam  passam  ob  praecedentem  rebellionem  factam  erga  felicis 
recordationis  Glementem  septimum  ac  Sanctam  Sedem  Apostolicam, 
noviter,  in  isto  exorto  bello  in  quo  quaerebatur  opprimi  Sanctissimus 
Dominas  Noster,  auctoritas  Vicarii  Dei  in  terris  Sanctaque  Sedes  Apos- 
tolica,  uti  est  publicum  et  notorium,  dicti  homines  et  Gommunitas 
dicti  castri  Montisfortini,  rebellando  ab  obedientia  Sanctissimi  Domini 
Nostri  Papae  Sanctaeque  Sedis  Apostolicae,  deficiendo  ad  manifestos 
inimicos,  perfide  arma  ceperunt,  recipiendo  intus  dictum  castrum  ini- 
micorum  Sanctissimi  Domini  Nostri  praesidium,  muniendo,  praedando 
varios  captivos  fecerunt,  derobaverunt,  occiderunt,  assassinarunt,  verbis 
ac  factis  aperiendo  eorumdem  obstinatum,  rebeliem  ac  perfidum  ani- 
mum,  propterea,  licet  essent  ipso  jure  excommunicati,  tamen,  diabolico 
spiritu  inducti  in  vilipendium  legitimi  Vicarii  Dei  in  terris  Sedisqae 
Apostolicae,  celebrationi  divinorum  ofûciorum  interfuerunt,  et  ûnaliter, 
bellicam  expugnationem  exspectando  ac  bellica  tormenta  eorumdemque 
explosiones,  cum  fuerit  tandem  a  Pontificiis  militibus,  duce  Illustris- 
simo  Dopiino  Julio  Ursino,  istum  castrum  expugnatum  et  captum  ac 
juste  expositum  praedae  et  igni,  Sanctissimus  Dominus  Noster,  cupiens 
liberare  istam  provinciam  Gampaniae  ab  hujusmodi  putrida  et  conta- 
giosa  peste,  et  ut  in  exemphim  aliorum  transeat,  justo  judicio  voluit 
quod  omnes  istius  castri,  tanquam  publici  et  notorii  rebelles  Ipsius 
Sanctaeque  Matris  Ecclesiae,  in  poenam  ultimi  supplicii  declararent 
ipsos  incursos  fore,  et  pro  talibus  bannirentur,  bonaque  eorumdem 
omnium  Fisco  adjicerentur  totiusque  dicti  castri  terri torii  pro  Reve- 
renda  Gamera  Apostolica  possessio  caperetur,  demolireturque  ac  solo 
aequaretur  dictum  castrum,  prout  et  haec  omnia  exequuta  fuerunt  per 
ipsum  Dominum  Gommissarium  ;  Volensque  dictus  Magnificus  Domi- 
nus Desiderius  Guido,  commissarius  ut  supra,  residuum  suae  commis- 
sionis  exe^ui,  prout  et  de  jure  convenit  de  loco  tamen  rebelli,  nido 
ac  receptaculo  et  tantorum  furum,  homicidarum,  assassinorum,  latro- 
num  et  rebellium  et,  ut  credere  potest  etiam  pro  continuata  in  Castro 
isto  omnium  habitantium  mala  vita,  quibus  tellus  ista  forsan  conferens 
tantae  perfidiae  et  malignitatis  instrumentum  praebebat,  pro  reddendo 
igitur  loco  et  Castro  isto  inhabitabili  ac  deserto,  et  ut  in  futurum  per- 
petuis  temporibus  nemini  liceat  absque  nota  Laesae  Majestatis  in  eo 
habitare,  noviter  aedificare,  demolita  resarcire,  uti  castrum  juste  aratro 
subjiciendum  et  ut  fiât  stérile  intendit,  ut  ipsum  solum  aretur,  ac  in 
eo  sal  seratur,  quod  sicut  seminatum  non  producit  fructus,  quinimo 
desiccando  confort  ad  sterilitatem,  pariterque  propterea  intendit  decla- 
rare  ac  reddere  hoc  dictum  castrum  sub  nomine  Montisfortini  olim 
appellatum  inhabitabile  ac  desertum,  sterileque  facere  habitationum  et 
hominum  :  pro  quorum  exequutione  praecipit  et  mandat  Petro  Zacca- 
rello  de  Vallemontone,  praesenti  et  intelligenti,  ut,  cum  aratro  quem 


EXCIDim   XOTTISFOlTI^ri.  369 

ad  boves  paratum  ligatum  habot,  ai^t  istam  platoam  supra  latoratam 
cacteraque  loca,  pariterquo  praecipit  et  mandat  Menico  Francisci  de 
Praenestino  quod,  sal  in  manibus  paratum  habens,  in  platea  ista  et 
aliis  locis  sic  aratis  scrat,  cum  alibi  ob  loca  saxosa  id  fieri  nequeat  : 
qui  Petrus,  voiens  obediro  mandatis  supradicti  Domini  CSommissarii, 
in  praesentia  mei  Notarii  ac  Testium  supradictorum,  ad  jugum  ligatis 
})obu8  et  aratro,  dictam  plateam  pluribus  et  diversis  sulcis  aravit;  quo 
facto,  voiens  et  ipse  Ilenricus  pariter  obedire  mandato  sibi  facto,  in 
praesentia  ut  supra,  sal  quod  paratum  babebat  in  manibus  sévit  in 
dicta  platea  sic  arata.Tum  supradictusDominusGommissarius,  ponens 
se  ad  sedendum  pro  Tribunali  in  dicta  platea  in  uno  sedile  saxoo,  in 
praesentia  mei  Notarii  et  Testium  praedictorum,  ob  praedictam  porfi- 
diam  et  notariam  rebellionem,declaravitcastrum  hoc,  olim  sub  nomine 
Montisfortini  appellatum,  inhabitabile  prorsus  ac  desertum  omni  futuro 
tempore,  praecipitque  mihi  Notario  ut  de  praedictis  omnibus  et  sin- 
gulis  rébus  per  me  rogatis  unum  vel  plura  ad  perpetuam  rei  memo- 
riam  conficiam  instrumenta.  Âctum  ut  supra.  Et  quia  ego  Hienmyinus 
Feragallus,  Gaesenas,  publicus  Apostolica  et  Imperiali  auctoritate  nota- 
rius  ac  praefati  Magnifici  Domini  Gommissarii  cancellarius,  praedictis 
omnibus  et  singulis  dum  sic  ut  praemittitur  agerentur  et  Gèrent  inter- 
fui  et  praesens  fui  et  ea  rogatus  scribere  scripsi,  idcirco,  in  praemisso- 
rum  omnium  et  singulorum  fidem  et  testimonium,  ad  perpetuam  rei 
memoriam,  de  eis  hocpublicum  et  authenticum  instrumentum  confeci, 
scripsi,  publicavi,  parendo  mandatis  ut  supra  mihi  factis,  nomenquo 
cum  signo  meo  apposui.  Loco  ^  signi.  Signum  quo  utor  ego  Iliero- 
nymus  Feragallus  praefatus. 

œMMISSION  DU  CARDINAL  CARAFFA 

POUR  LA  DESTRUCTION  DES  RESTES  DE  MONTEPORTINO ,  LA  PERCEPTION  DES 
Ri^: VENUS  DU  TERRITOIRE  ET  L'eXKCLTION  DE  LA  SENTENCE  CONTRE  LES 
HABITANTS. 

Don  Carlo  cardinal  CarafTa.  K  piacciuto  a  Nostro  Signore  che,  secondo 
la  commissione  data  a  Voi,  Me.<tser  Desiderio  Guidone,  habbiate  fatto 
desolare,  per  la  sua  notoria  rebellione,  il  castello  di  Montefortino  di  Cam- 
pagna,  et,  acciô  resti  inabitabile,  che  ci  habiate  fatto  seminare  il  saie, 
e  dichiarati  tutti  gli  huomini  d'esso  essere  incorsi  in  pona  deir  ultime 
supplicio  e  confiscazione  di  tutti  i  loro  béni,  e  di  tutto  il  torritorio  di 
esso  castello  con  li  frutti  di  esso  ne  habbiate  preso  il  possesso  per  la 
Reverenda  Caméra  Apostolica  :  e  perché  Sua  Sautità  intende  che  vi 
resta  a  scaricare  il  Palazzo  délia  Corte  et  il  massiccio  délia  scarpa  delta 
Rocca  con  qualche  altra  cosetta  appresso,  e  questo  esser  causato  dal 
poco  numéro  doUi  guastatori,  li  quali  non  sono  stati  mandati  dalli  popoli 
convicini  secondo  la  roquisizionc  et  online  nostro,  c  che  parimentc  i 
frutti  di  quel  territorio  non  si  possono  custodire  benc  no  farno  ritratto 


370  iriLÂNfiBS  ET  IK)GU]IBirrS« 

per  la  Reverenda  Caméra  Apostolica,  Sua  Santità  vuole  che  Voi  ritor* 
niate  là,  e  diate  quello  che  vi  resta  da  scaricare  a  cottomo  a  qualche 
maestro,  e  a  questa  spesa  ci  facciate  contribuire  tutte  le  sopradette  corn* 
munità  vicine  al  detto  castello  dodici  o  quindici  miglia,  sottoposte  a  Sua 
Santità  médiate  vel  immédiate,  seconde  la  tasse  che  da  Voi,  come 
informato,  si  farà,  procedendo  a  questo  con  la  débita  considerazione. 
Vuole  ancora  che  li  frutti  del  detto  territorio,  H  diate  a  cottomo  per 
un'  anno  a  quelle  communità  convicine  per  quella  somma  che  vi  parera 
e  glie  ne  fate  contratto,  acciô  in  un  medesimo  tempo  la  Reverenda 
Caméra  per  questa  via  venga  a  godere  il  suo  et  si  tolghi  commodità  a 
quelli  perfidi  banniti  di  non  poter  partecipare  di  quelli  frutti,  perché  è 
da  credere  che  le  délie  Communità  li  faranno  diligentemente  dalli  loco 
huomini  custodire.  Nostro  signore  ancora  vuole  che  la  dichiarazione  da 
Voi  fatta  nelli  bandi  che  li  huomini  di  detto  castello  per  ladetta  ribel- 
lione  siano  incorsi  in  pena  delF  ultime  supplicie  con  ogni  diligenza  si 
eseguino,  senza  rispetto  alcuno,  universalmente  ;  et  in  particolare  che 
quelli  quattro  prigioni  che  havete  fatto  consegnare  al  Luogotenente  di 
Yelletri,  costandovi  che  in  questa  guerra  si  siano  ritrovati  insieme 
con  gli  altri  dentro  detto  castello,  li  facciate  con  buona  custodia  condurre 
al  detto  luogo,  et  a  terrore  degli  altri  che  vanno  vagando  d'interne  e 
robbando,  ne  facciate  eseguir  la  giustizia  :  dandovi  ampla  autorità  di 
poter  procedere  etiam  manu  regia  per  esecuzione  di  questa  vostra  com- 
missione,  e  di  citare,  processare,  condamnare,  eseguire,  imponere, 
graziare  tutte  communità,  particolari  di  esse,  médiate  vel  immédiate 
subjette  a  Sua  Santità  e  Santa  Sede,  che  vi  fossero  obbedienti,  e  di  poter 
commandare  a  tutti  li  Signori,  Feudatarii,  OfQciali,  Soldati  a  piedi  et 
a  cavallo  che  in  quanto  concerne  la  sudetta  commissione  Yi  assistano, 
accompagnino,  diano  ajutoe  favore;  et  in  caso  che  alcuno  nonobedisca 
li  vostri  ordini,  etiam  manu  armata  costringano  quelli  tali  air  intiera 
obbedienza,  secondo  che  da  Voi  li  sarà  richiesto  et  ordinato,  sotto  pena 
délia  disgrazia  di  Sua  Santità  et  altre  pêne  da  imporsi  da  Voi,  non 
estante  qualsivoglia  cosa  in  contrario.  Et  in  Me  habbiamo  fatta  fare  la 
présente,  la  quale  sarà  sottoscritta  di  nostra  propria  mano,  sigillata  dal 
nostro  solito  sigillé.  Data  in  Roma  li  20  di  Maggio  1557.  Il  Cardinal 
Caraffa.  Luogo  ^  del  sigillé.  Andréa  Sacchetti,  segretario. 

Serangeli  sert  de  guide  au  milieu  de  ces  documents.  Il  a  contrôlé 
l'exactitude  topographique  du  récit  de  l'anonyme  ;  il  nous  aide  à 
choisir  lorsque  les  historiens  dont  il  transcrit  des  passages  diffèrent 
sur  quelques  détails.  Il  en  ajoute  même  quelques-uns.  C'est  lui  qui 
a  établi  que  l'église  où  ont  péri  les  femmes  était,  non  l'église  princi- 
pale, mais  celle  de  Saint-Etienne  ;  c'est  lui  qui  a  déterminé  le  lieu 
où  les  troupes  venant  de  Velletri  tombèrent  dans  une  embuscade. 

Il  est  naturellement  très  patriote.  C'est  avec  douleur  qu'il  raconte 
la  destruction  de  son  pays,  coupable  seulement,  selon  lui,  de  fldélité 


EXCÎDIUX  HONTISFOETI?!!.  371 

envers  ses  seigneurs,  el  la  persécution  subie  par  ses  compalriotes 
pour  ce  qu'il  appelle  leur  prétendue  rébellion.  Et  c'est  avec  joie  qu'il 
montre  comment,  du  vivant  même  do  Paul  IV,  Montefortino  com- 
mença à  renaître. 

* 

Les  bannis  en  effet  échappèrent  presque  tous  à  cette  condamnation 
prononcée  contre  une  population  tout  entière.  Les  uns  trouvèrent 
asile  dans  des  pays  voisins  ou  éloignés;  d'autres  gagnèrent  les  terres 
occupées  par  les  ennemis  du  pape-,  beaucoup  vécurent  en  iKindits 
dans  les  montagnes  des  Lepini  ;  un  grand  nombre  alla  rejoindre  les 
bandes  de  Marc-Antoine  Golonna  qui  continuait  la  guerre,  prenant 
villes  et  châteaux,  et  promenant  partout  le  pillage,  le  massacre,  le 
viol  et  l'incendie.  Ils  trouvèrent  dans  cette  campagne  une  satisfaction 
douce  à  leur  cœur  :  Marc-Antoine  ayant  pris  Yalmontone,  les  gens 
do  Montefortino,  qui  étaient  venus  à  son  camp  en  grand  nombre,  y 
mirent  le  feu;  tout  le  pays  brûla. 

Cependant  la  paix  se  conclut  à  Cavi^  le  2\  novembre  ;  et  parmi  les 
articles  se  trouva  une  restitution  réciproque  des  canons,  prisonniers, 
biens,  dignités,  terres,  en  un  mot  de  tout  ce  que  1  on  s'était  enlevé 
de  part  et  d'autre.  Marc-Antoine  Colonna  fut,  il  est  vrai,  excepté  du 
pardon;  mais  Montefortino  appartenait  à  d'autres  membres  de  la 
famille,  aux  filles  de  Jules  Golonna.  A  peine  la  paix  fut-elle  procla- 
mée que  ce  qui  restait  de  ses  habitants  commença  à  y  revenir,  la 
ville  sortit  rapidement  de  ses  ruines  et  la  communauté  se  reforma. 
Serangeli  donne  un  monument  curieux  de  cette  rapide  renaissance. 
(Vcst  une  supplique  des  gens  de  Montefortino  aux  trois  dames  dudit 
lieu,  de  l'année  -1559,  avec  la  réponse  article  par  article.  On  y  verra 
ce  que  ce  peuple  demandait,  et  ce  qui,  dans  les  coutumes  du  temps, 
pouvait  lui  être  accordé  par  de  sages  seigneurs,  pour  rebâtir  sa  ville, 
remettre  en  vigueur  ses  lois,  rétablir  le  culte  et  les  églises,  et  répcirer 
le  mieux  possible  les  pertes  qu'il  avait  subies.  Ces  deux  pièces  sont, 
à  mon  avis,  les  plus  intéressantes  de  toutes. 

SUPPLIQUE 
DU  PEUPLE  DE  MONTEFORTINO  AUX  DAMES  DUDIT  LIEU, 

HÉRITIÈRES   DE  Jl LES  COLONNA. 

Illustrissimo  Signoro, 

Li  Contcstabili,  Massari  et  Univorsitâ  di  Montefurtino,  f)er  le  dis- 
fattioni,  iacendio  e  iribulatiuni  patute,  supplicano  le  S.  8.  V.  V.  111b* 
li  Yoglino,  como  fonte  di  misericordia,  per  sovventiono  c  restaurazione 
dcllo  cosc  guaate  e  pcrdute,  farli  grazia  délie  infra«tcritto  co5G. 


372  lliLANGES  ET  DOCUMENTS. 

In  primo,  per  recuperare  le  Reliquie  che  sono  state  portate  al  Mon- 
cône,  per  rescotere  li  calici,  pianete,  funicelle,  piviali,  camisi  et  altre 
cose  délia  chiesa  necessarie  al  celebrare  li  divini  officij,  ci  voglino  far 
grazia  delli  denari  délia  gabella  di  quest'  anno  del  59,  et  per  ajutarci  a 
comperare  una  campana  di  poco  prezzo,  acciô  se  intenda  quando  si  vuole 
celebrare  Messa  e  li  divini  officij. 

Item,  che  le  8.  S.  V.  V.  Ill"»  ce  voglino  recuperare  li  statuti  nostri, 
quali  sono  in  Roma,  e  li  tiene  M'  Joan  Domenico  Jaconello  di  Pelles- 
trina,  che  abita  vicino  aile  Scale  d'Araceii,  e  commettere  al  Yicario 
ce  li  osservi  insieme  colle  nostre  consuetudini  per  li  tempi  passati 
osservate. 

Item,  che  li  huomini  délia  Terra  possino,  per  uso  loro  e  refare  le 
case,  fare  legnami,  scandole,  travi,  tavole,  botti  et  altre  cose  necessarie, 
con  notificare  perô  alli  Fattori  délie  S.  S.  V.  V.  Ill™«  lo  che  voleno  fare. 

Item,  ordinare  al  Yicario  che  notifichi  per  bando  publico  tutti  Mastri 
di  legname  debbiano  far  scandole,  travi  e  tutte  sorte  di  legnami  per  il 
prezzi  antiqui,  e,  facendoli  ad  opéra  o  giornata,  si  intenda  al  prezzo 
che  si  costumava  avanti  la  guerra,  e  non  debbiano  mancare  di  servira 
detti  prezzi. 

Item,  che  li  poveri  huomini  che  anno  fatti  legnami  e  cacciatone  alcun 
pezzo  fuor  di  territorio  per  li  gran  bisogni  e  nécessita  délia  Terra  e  per 
restituire  denari  a  chi  ce  li  ha  prestati  per  pagare  le  loro  taglie  che 
anco  ve  ne  sono  assai  in  debito,  per  questa  volta  e  per  il  passato  insino 
al  di  d'oggi  li  sia  perdonato  et  fatto  grazia,  con  commettere  al  Yicario 
che  non  li  molesti  per  tal  causa. 

Item,  che  tutti  Galcarari  presenti  e  futuri,  mentre  la  terra  évidente- 
mente  si  vede  essere  in  nécessita  di  calce,  non  debbiano  venderla  a  per- 
sone  forastiere  se  primo  non  sarà  accommodata  la  Terra,  et  alli  huo- 
mini délia  Terra  la  debbiano  vendere  il  rubbio  quindici  bajocchi  si  corne 
per  il  passato,  et  essendovi  calce  soperchia  la  possino  vendere  a  foras- 
tieri  per  li  prezzi  che  ne  trovano,  con  questo  che  non  la  possano  tenere 
alli  huomini  délia  Terra  per  vendere  alli  forastieri  per  lo  prezzo  già 
detto. 

Item,  perché  si  è  fatto  in  le  terre  convicine  che  sono  state  disfatte 
con  Noi  che  in  lo  restituire  délie  doti  per  tante  femmine  vidue  che  sono 
remasto  et  huomini  vi  se  usi  certa  considerazione,  se  supplicano  le 
S.  S.  Y.  Y.  Ill™«  voglino  consultare  questa  cosa  con  li  loro  Magnifici 
Auditori,  et  interporvi  un  decreto  che,  come  se  hanno  dette  dote  a  res- 
tituire, havendo  considerazione  a  quelli  hanno  lasciati  figliuoli  e  che 
non  li  hanno  lassati,  a  chi  son  remasti  stabili  et  a  chi  non  e  restato 
niente,  e  come  tutte  le  dote  di  questa  Terra  si  son  date  in  panni  e  rami, 
e  non  in  danari  e  stabili. 

Item,  che  le  8.  S.  V.  Y.  Ill™«  voglino  commettere  al  8ignor  Yicario 
che  da  parte  délie  S.  8.  Y.  Y.  Ill™«  voglia  scrivere  al  Yescovo  di  8egm 
faccia  retornare  tutti  li  Preti  di  questa  Terra  sono  fuora  ad  offiziare  li 
loco  benehzij,  sotto  pena  di  privazione  de*  benehcij. 


KxciDiim  MoifnsFORTmi.  373 

Ghe  per  substentatione  delli  Poveri  possa  il  Vicario,  insieme  con  Noi 
al  tri  Officiali,  prorogare  lo  mettere  delli  porci  et  altre  bestie  per  la 
spiga  e  per  la  torre  insino  a  Santa  Maria  d'Agosto ,  acciô  li  Poveri 
habbino  tempo  a  raccoglierla. 

Item,  cbe  li  Officiali,  insieme  col  Signor  Vicario,  possino  refare  le 
misure  del  grano,  vino  et  oglio,  corne  erano  prima  overo  alla  Romana, 
a  loro  e  del  Popolo  beneplacito. 

Ghe  Messer  Marc'  Antonio  Rosato,  vicario  passato  in  questa  Terra 
avanti  la  gnerra  e  durante  la  guerra,  debbia  tornere  al  sindacato,  dar 
conto  del  taglione  rescosso  per  lui,  del  grano  ha  bavuto  délia  Gommu- 
nità,  di  sessantadue  scadi  d'oro  levati  al  convento  nostro  di  Santo 
Arcangelo  con  uno  sacco  di  panni  di  esso  convento,  quindici  rubbia  di 
grano  délia  chiesa  di  Santa  Groce,  del  grano  e  danari  levati  a  partico- 
lari,  8i  corne  pretendono,  indebitamente,  e  di  tutte  cose  per  lui  ammi- 
nistrate  durante  lo  ofEcio  suo. 

E  facendoce  le  S.  S.  V.  V.  lU»*  queste  grazie,  li  ne  restaremo  con 
obligo  perpétue,  e  pregaremo  Nostro  Signore  Iddio  per  la  LfOro  esalta- 
tione  e  longa  vita,  quale  nostro  Signore  Iddio. 

RÉPONSE   0E8  TROIS   DAMES. 

Vista  la  présente  supplicatione,  per  provedere  a  ciuscano  delli  capi 
notati  in  essa  per  lo  cbe  tocca  a  Noi,  decretamo  e  providemo  al  modo 
che  segue. 

Al  primo  Gapo,  ne  contentiamo  relassare  la  parte  che  tocca  a  ciasche 
una  di  Noi  acciô  si  possano  riscotere  le  Reliquie  e  fare  il  reste  che 
bisogna  per  scrvizio  délia  Ghiesa;  et  in  virtù  di  questa  ordiniamo  ail* 
Affittatore  délia  Gabella  che  glie  lo  debbia  consigniare,  et  alli  Fattori 
che  ci  consentano,  ma  volemo  che  li  denari  li  recevano  li  Gontestabili 
con  polisa  loro,  e  che  ne  diano  conto. 

Al  seconde  Gapo,  se  risponde  che  ne  contentiamo  ricuperarc  li  Sta- 
tu ti,  et  ordiniamo  che  venghi  qui  da  Noi  uno  delli  Gontestabili,  che 
se  li  darà  quelle  bisognerà  per  questo  efTetto. 

Al  terzo  Gapo,  volemo  si  osservi  quelle  è  stato  ordinato,  cioè  che 
quelli  che  hanno  del  privito  loro  se  ne  servano  per  li  loro  bisogni,  e 
quelli  che  non  ne  hanno  o  che  li  manchi  del  dette  loro  privito,  volemo 
che  li  Fattori  li  accomodino  di  quelli  legnami  che  veramente  li  faranno 
bisogno,  0  de'  arbori  in  terra,  overo,  quando  non  ve  ne  siano,  in  luogo 
dove  faccino  manco  danno  alla  Selva,  e  questo  se  intenda  con  licenza 
di  tutti  li  Fattori. 

Al  quarto  Gapo,  per  essere  ogoi  cosa  accresciuta  di  prezzo,  non  è  bene 
che  corra  il  prezzo  medesimo  che  correva  avanti  la  guerra,  ma  volemo 
che  il  Vicario,  con  intervento  delli  Gontestabili  e  Fattori  nostri  et  altri 
officiali  délia  Terra,  ponano  li  prezzi  a  tatti  li  lavori  delli  legnami,  e 
seconde  quelli  si  debbiano  pagare. 


374  MÉLANGES  ET  DOCUMENTS. 

Al  quinto  Gapo,  volemo  che  il  Yicario  segua  li  ordiai  datili  di  efte- 
guire  contra  quelli  hanno  fatto  il  danno,  e  che  lî  processati  debbano 
supplicare  a  Noi,  acciô,  intesa  la  qualité  dei  danno  e  délia  persona  che 
rha  fatto,  se  possi  provedere. 

Al  sesto  Gapo,  si  ha  la  medesina  considerazione  che  al  capo  quarto, 
eperô  volemo  che  lo  dette  Yicario,  Gontestabili,  Fattori  etaltri  offiziali 
faccino  il  prezzo  alla  calcina  seconde  parera  di  dovere,  e  che  li  Galcararl 
debbiano  prima  accomodare  li  Gittadini,  pagandola  per  lo  detto  prezzo, 
e  poi  li  Forastieri,  quando  gliene  avanzi. 

Al  Gapo  settimo,  perché  è  cosa  di  molta  considerazione  et  ancora 
non  siamo  ben  risolute  di  quelle  si  ha  da  osservare  intomo  a  tal  caso, 
\olemo  che  si  sopraseda  insino  che  consultamente  lo  possiamo  prove- 
dere, il  che  si  farà  con  ogni  diligenza,  e  frà  tanto  non  volemo  che  si 
procéda,  ne  che  si  innovi  cosa  alcuna. 

Ali'  ottavo  Gapo,  considerato  che  li  Preti  absenti  si  potriano  ddere 
che  tornando  alla  Terra  di  présente  non  vi  haveriano  da  vivere,  ne  scri- 
veremo  aile  ricolte  che  Monsignore  di  Segni  li  faccia  retornare,  e  fra 
tanto  ne  rimettemo  alli  ordini  di  Nostro  Signore. 

Al  nono  Gapo,  ne  contentiamo  che  li  porci  si  tardino  a  ponere  alla 
spiga  per  insino  a  Santa  Maria  d'Agosto,  acciô  li  Poveri  si  possano 
commodamente  provedere,  et  da  mô  per  ail'  ora  lo  ordinamo,  e  com- 
metemo  alli  nostri  Fattori  che  cosi  lo  debbiano  osservare. 

Al  Gapo  decimo,  volemo  e  cosi  ordiniamo  al  Vicario,  Fattori  et  offi- 
ciali  che  debbiano  aggiustare  tutte  le  misure  cosi  corne  erano  avant!  la 
guerra  e  non  altrimente. 

E  a  Tultimo  Gapo,  di  provedere  che  Marc'  Antonio  Rosato  venghi  a 
dare  il  sue  sindacato,  e  dar  razione  e  conto  di  quanto  giustamente  si 
pretenda  contre  di  lui,  e  per  insino  che  bavera  dato  detto  conto  e  sin- 
dacato  volemo  e  cosi  ordiniamo  al  Vicario  che  debbia  sequestrare,  in 
nome  délia  Gorte,  tutto  lo  grano  et  altro  che  detto  Marc*  Antonio  hâve 
da  ricuperare  a  Montefortino. 

E  lo  predetto  volemo  che  si  osservi  inviolabilmente,  e  perô  ordiniamo 
al  Vicario  et  alli  Fattori  et  altri  a  chi  tocca  che  effettualmente  lo  debbia 
complire. 

Datum  Romae  vu  Aprilis  1559.  La  sfortunata  Vittoria  Golonna. 
Virginia  Golonna  de  Maximi.  Tutia  Golonna  de  Mattei.  Luogo  ^  del 
sigillo. 

Grâce  à  ces  mesures,  à  la  paix,  et  aux  efTorts  des  habitants,  aidés 
par  une  situation  qui  leur  permettait  au  besoin  de  se  défendre, 
Montefortino  se  refit.  Mais  encore  aujourd'hui  il  garde  les  traces  de 
la  dévastation  qu'il  a  subie.  La  tête  de  montagne  qui  portait  le  châ- 
teau est  nue  et  déserte  -,  on  voit  seulement  sur  ses  flancs  les  restes 
du  soubassement  de  la  forteresse.  Les  maisons  du  pays  sont  en  géné- 
ral mal  construites  :  on  voit  que  c'est  un  travail  hâtif,  un  provisoire 
qui  a  duré.  Des  traces  de  l'incendie  s'aperçoivent  en  quelques  endroits. 


EXCIDIUM  MOimSFORTIin.  375 

Serangeli  les  a  vues  sur  Téglise  où  lUrenl  brûlées  les  femmes.  Enfin, 
dans  le  haut  de  la  ville,  certaines  constructions  modernes  sont  encore 
portées  sur  des  débris  anciens. 

Avec  quelle  joie  Serangeli^  après  cette  ruine  de  sa  patrie,  met  en 
regard  de  sa  rapide  renaissance  la  chute  des  Garafla  et  la  mort  du 
cardinal  I  Quoique  ce  soit  hors  de  son  sujet,  il  y  consacre  un  récit 
spécial,  dans  un  long  supplément  à  cette  douzième  lettre,  déjà  si 
longue. 

Les  manuscrits  de  Serangeli  sont  tous  inédits.  Ils  sont  nombreux. 
Outre  les  Notizie  di  Montefortino^  un  autre  volume  semblable  existe 
au  Municipe,  avec  le  titre  de  Selva  genealogica  (4708)  :  c'est  This- 
toire  complète  de  toutes  les  fkmilles  des  seigneurs  et  habitants  de 
Hontefortino.  Au  couvent  des  Franciscains  de  Santa  Maria  del  Gesù, 
près  d'Artena,  se  conservent  les  brouillons  de  ces  deux  ouvrages, 
diverses  pièces  originales  et  un  grand  nombre  de  manuscrits  du 
même  auteur.  Il  y  a  de  tout,  des  poésies  et  des  pièces  de  théâtre,  des 
écrits  politiques  et  de  la  médecine,  des  curiosités  surtout,  et  beau- 
coup d'histoire.  Dans  ce  dernier  ordre  d'idées,  on  voit  un  homme 
qui,  dans  sa  petite  ville,  recueillait  tout  ce  qui  pouvait  lui  parvenir 
d'intéressant  :  beaucoup  d'histoire  contemporaine,  beaucoup  de 
documents  transcrits,  des  notices  sur  des  personnages  célèbres 
comme  Mazarin  et  Alberoni,  des  prophéties,  des  discussions.  La  plus 
grande  partie  de  tout  cela  est  copiée  ailleurs,  ou  compilée  sans  ori- 
ginalité; mais  il  y  a  des  choses  intéressantes.  Ce  médecin  drama- 
turge avait  un  goût  particulier  pour  les  aventures,  pour  les  histoires 
terribles.  Il  a  des  volumes  remplis  de  crimes,  duels,  prisons,  récils 
tragiques,  meurtres,  exécutions,  brigandages,  viols,  sodomies,  ven- 
geances, assassinats,  affaires  étranges,  presque  toutes  plus  ou  moins 
connues  :  ce  sont  les  carnets  mis  au  net  d'un  amateur  de  causes 
célèbres. 

Comme  il  arrive  souvent,  avec  tous  ces  instincts  féroces,  Etienne 
Serangeli  était  le  meilleur  homme  du  monde.  U  laissa  tout  son  bien 
en  mourant  pour  fonder  une  institution  qui  fait  bénir  son  nom  dans 
sa  ville  natale  :  on  y  élève  gratuitement  les  filles  pauvres,  et  chaque 
année  on  en  dote  deux.  Celui  qui  a  conservé  à  Montefortino  les  sou- 
venirs d'un  passé  peu  angélique  a  montré  par  lui-même  qu'on  y 
connaissait  en  même  temps,  comme  on  les  retrouverait  encore,  la 
piété,  la  bonté  et  le  travail. 

M.  R.  DB  La  BLA.*fCH»K. 


BULLETIN   fflSTORIQUE 


FRANCE. 


Documents.  —  Les  personnes  versées  dans  Thistoire  de  la  France 
méridionale  savent  le  rôle  considérable  qu'ont  joué  dans  ce  pays  les 
Alaman,  les  Lautrec,  les  Lévis  dans  le  Languedoc  au  moyen  âge. 
Publier  de  nouveaux  documents  sur  ces  grandes  familles,  c'est  ajou* 
ter  à  ce  que  nous  apprend  sur  Thistoire  politique  et  administrative 
du  pays  le  grand  ouvrage  de  D.  Vaissète  ;  aussi  saura-t-on  le  meil- 
leur gré  à  MM.  Edm.  Cabié  et  L.  Mazbns  d'avoir  publié,  sous  le  titre 
de  Garlulaire  des  Alaman^  un  grand  nombre  d'actes  du  xiii*"  et  du 
xfv«  s.  Ces  actes  ont  été  reproduits  d'après  d'anciennes  copies  conser- 
vées, soit  sous  forme  de  registres  (Cartulaire  des  Alaman,  de  4235 
à  4304  ;  Cahier  des  Lévis  et  Procédures  de  Cabanes,  de  4296  à  4337), 
soit  sous  forme  d^expéditions  authentiques,  la  plupart  sur  parchemin; 
ils  se  trouvent  tous  aujourd'hui  dans  l'étude  de  M^  L.  Mazens, 
notaire  à  Lasgralsses  (Tarn),  où  ils  sont  arrivés  à  l'époque  de  la  Révo- 
lution ;  ils  sont  rédigés  le  plus  souvent  en  latin,  plusieurs  le  sont  en 
langue  vulgaire.  Quelques-uns  avaient  déjà  été  publiés.  De  ceux-ci 
M.  (iabié  se  contente  de  donner  l'analyse  avec  des  variantes  lorsqu'il 
y  a  lieu;  les  autres,  il  les  a,  ou  longuement  résumés,  ou  reproduits  in 
extenso.  On  ne  voit  pas  bien  d'ailleurs  la  méthode  qu'il  a  suivie  ; 
pourquoi  n'a-t-il  pas  toujours  publié  intégralement  les  pièces  iné- 
diles au  lieu  de  nous  donner,  comme  c'est  trop  souvent  le  cas,  des 
tronçons  du  texte  rattachés  les  uns  aux  autres  par  le  fil  d'une  prolixe 
analyse  ?  Dans  le  détail,  on  pourra  signaler  des  traces  fréquentes 
d'inexpérience,  mais  Tcnsemble  constitue  un  travail  très  méritoire, 
et  fournit  bon  nombre  de  faits  intéressants  pour  l'histoire  du  pays 
albigeois  pendant  le  siècle  qui  suivit  la  Croisade. 

1.  Un  cartulaire  et  divers  actes  des  Alamanj  des  de  Lautrec  (sic)  et  des  de 
Lévis  (sic),  seigneurs  de  Castelnau-de-Bonafous,  Villeneuve-sur-  Vère,  Labas- 
tide-de-LéviSj  Graulhet,  Puybegon,  Rabastens  en  Albigeois;  — Saint-Sulpice, 
Azas,  Montastruc,  Corbarieu  en  Toulousain  y  —  et  Lafox  en  Agenais.  Tou- 
louse, Marqucstc  et  Salis  ;  Albi,  Tranier  ;  Paris,  Alph.  Picard,  cxxyiii  et  235  p., 
in- 8%  Prix  :  6  fr. 


FRANCS.  377 

Le  premier  devoir  pour  l'érudil  qui  publie  un  texte  historique, 
c'est  de  nous  renseigner  sur  sa  provenance  et  de  nous  éclairer  sur  sa 
valeur.  M.  Cabié  Ta  fait  dans  sa  préface  ;  M.  Ed.  Cunitz  Ta  oublié 
dans  la  nouvelle  édition  qu'il  vient  de  publier,  en  collaboration  avec 
feu  M.  G.  BiUM,  de  VHistoire  ecclésiastique  des  Églises  réformées  au 
royaume  de  France  (Fischltacher).  Tout  le  monde  n'est  pas  obligé  de 
savoir  qu'il  s'agit  ici  de  l'œuvre  de  Th.  de  Bèze  publiée  à  Anvers 
en  4  580.  Pas  un  mot  de  préface  -,  le  nom  de  l'auteur  n'est  peut-être 
pas  cité  une  fois  dans  tout  le  cours  du  volume  ;  rien  sur  les  sources 
de  l'ouvrage,  sur  les  circonstances  où  il  a  été  écrit,  sur  son  impor- 
tance historique  et  littéraire,  sur  les  éditions  qui  ont  précédé  celle-ci. 
(iCtte  édition  nouvelle  aura  trois  volumes  ;  la  préface  que  nous  récla- 
mons paraîtra-t-elle  avec  le  dernier  ?  Nous  le  voulons  espérer,  mais 
nous  n'en  savons  rien.  A  défaut  de  préface,  les  savants  éditeurs  ont 
du  moins  multiplié  les  notes  au  bas  des  pages  *,  elles  sont  sobres, 
précises,  au  courant  des  derniers  travaux  relatifs  à  Thistoire  de  la 
Réforme  en  Allemagne  et  en  France.  Ajoutons  que  le  volume  est 
admirablement  imprimé  chez  Heitz,  à  Strasbourg,  et  qu'il  inaugure 
dignement  la  réimpression  des  Classiques  du  protestantisme  aux  xvi«, 
xni«  et  xTiii*  siècles,  publiée  sous  le  patronage  de  la  Société  de  l'his- 
toire du  protestantisme  français. 

La  Société  de  l'histoire  de  Paris  et  de  l'Ile-de-France  a  mis  en  dis- 
tribution le  1. 1  du  Journal  des  guerres  civiles  de  Dubuisson-Aubenay, 
4648-4652,  publié  par  M.  Gustave  Saigb  (Champion).  Une  excellente 
notice  préliminaire  nous  renseigne  sur  l'auteur  peu  connu  de  ce  Jour- 
nal ;  il  s'appelait  Franrois-Nicolas  Baudot,  seigneur  du  Buisson  et 
d'Ambenay  (Eure)  ;  il  appartenait  à  une  ancienne  famille  normande 
qui  était  arrivée  à  la  noblesse  au  xvi^  siècle,  et  qu'on  trouve  au 
ivii*  alliée  aux  riches  maisons  des  1^  Yieuville,  des  Nouant,  des 
Puisieux.  Il  naquit  après  4500,  voyagea  de  bonne  heure,  et  visita 
ritalie,  les  Pays-Bas,  une  partie  de  l'Allemagne,  la  Bohème,  la 
Hongrie;  attaché  à  la  personne  de  Jean  d'Estampes-Yalençay,  il 
assista  aux  négociations  de  la  diète  de  Ratisbonne  (4630)  et  de  la 
paix  de  Mantoue  (4634);  il  joua  un  rôle  actif  en  Valteline 
et  dans  l'armée  de  Rohan  (4637);  il  prit  part  au  siège  d'Arras 
en  4640.  Revenu  à  Paris  en  4642,  il  entra  dans  la  maison  de  du 
Plessis-Guénégaud ,  qu'il  ne  devait  plus  quitter  ;  en  4649  il  fut 
nommé  maître  d'h6tel  ordinaire  du  roi  ;  il  mourut  peu  de  temps 
après,  le  4*^  octobre  4652.  C'était  un  lettré,  curieux  d'archéologie 
et  d'histoire,  en  rapport  avec  les  principaux  érudits  de  son  temps, 
Peircsc,  Chapelain,  Henri  de  Valois,  Ménage,  etc.  Ses  notes  et  ses 
mémoires  forment  aujourd'hui  50  volumes  ou  portefeuilles  conservés 
Rev.  Histor.  XXII.  2«  FABC.  25 


378  BULLETIN  HISTORIQUE. 

à  la  bibliothèque  Mazarine.  De  même  qu'en  voyage  il  notait  soigneu- 
sement tout  ce  qui  piquait  sa  curiosité  très  éveillée,  de  même  il  entre- 
prit, dans  son  Journal,  de  noter  tous  les  événements,  grands  ou  petits, 
qui  s'accomplissaient  au  jour  le  jour  à  Paris  pendant  la  Fronde  : 
émeutes  dans  la  rue,  discussions  dans  le  Parlement,  prix  des  denrées, 
bruits  vrais  ou  faux,  il  enregistre  tout  en  style  de  greffier  impas- 
sible et  impartial.'  Du  Plessis-Guénégaud,  chez  lequel  il  vivait,  était 
alors  à  la  tète  de  la  maison  du  roi  ;  François  de  Guénégaud,  3^  frère 
du  secrétaire  d'État,  était  président  au  Parlement  ;  la  marquise  de  la 
Ferté-Imbault,  sœur  de  M"*  du  Plessis,  était  première  dame  d'honneur 
de  Marguerite  de  Lorraine,  femme  de  Gaston  d^Orléans.  Dans  un 
pareil  milieu,  Dubuisson-Aubenay  ne  pouvait  manquer  d'avoir  des 
informations  rapides  et  de  première  main,  aussi  son  Journal  a-t-il 
une  réelle  valeur  ;  malheureusement  il  est  incomplet  :  le  manuscrit 
original  a  été  brûlé  en  4874,  avec  les  papiers  de  M.  Alph.  Feillet  ; 
d^une  copie  contemporaine  en  six  volumes  qui  était  à  la  Mazarine, 
deux  volumes  ont  disparu  ;  les  patientes  recherches  de  M.  Saige  n'ont 
pu  réussir  à  combler  une  lacune,  qui  subsiste  du  V  mars  au  34  déc. 
4649  ;  c'est,  il  est  vrai,  Tépoque  la  moins  intéressante  de  la  Fronde. 
Quant  aux  épisodes  dramatiques  de  4648,  aux  intrigues  de  4650-54, 
à  la  guerre  civile  de  4652,  il  ne  faut  pas  s'attendre  à  trouver  dans 
Dubuisson  beaucoup  de  nouveau  ;  mais  il  nous  apprend  nombre  de 
menus  faits  précieux  surtout  comme  éléments  de  contrôle  :  Dubuisson 
est  le  commentaire  perpétuel  de  Retz  qu'en  plus  d'une  circonstance 
il  redresse  et  complète. 

Le  Journal  des  guerres  civiles  intéresse  l'histoire  des  révolutions 
parisiennes,  et  par  conséquent  celle  de  la  France  en  général,  les 
Négociations  du  comte  d'Avaux  importent  à  l'histoire  de  la  diplo- 
matie française  à  la  fin  du  xvn®  s.,  et  par  conséquent  aussi  à  celle  de 
l'Europe.  Nous  avons  déjà  annoncé  le  4®'"  vol.  de  cette  publication 
habilement  conduite  par  notre  collaborateur  M.  J.-A.  Wijnnb,  pro- 
fesseur d'histoire  à  l'Université  d'Utrecht^  Deux  nouveaux  volumes 
viennent  de  paraître  ;  ils  contiennent  les  dépêches  d'Avaux  à  Torcy 
du  2  janvier  4 697  au  46  août  4698.  En  dehors  des  renseignements 
fournis  par  notre  ambassadeur  sur  l'élection  de  Pologne,  les  intrigues 
du  Danemark,  les  efforts  faits  pour  entraîner  la  Suède  dans  une 
alliance  contre  la  France  à  la  veille  de  l'ouverture  de  la  succession 


1.  Négociations  de  M,  le  comte  d'Avaux ^  ambassadeur  extraordinaire  à  la 
cour  de  Suède  pendant  les  années  1693, 1697, 1698.  T.  II  (1882)  et  III,  l'*  partie 
(1883).  Forment  les  n'*'  34  et  35  des  Werken  van  het  historisch  Genootsckap 
gevestigd  te  Utrecht,  nouT.  série.  Utrecht,  Keraink  et  fils.  Cf.  Rev,  hist.  XK,  380. 


FRAFTCE.  379 

espagnole,  les  projets  du  Isar  Pierre  I*%  qui  commencenl  à  causer 
de  grands  soucis  au  gouvcrnemenl  suédois,  on  lira  avec  intérêt  les 
lettres  relatives  à  la  mort  de  (iharles  XI,  à  rétablissement  d'une 
régence,  au  coup  d'État  pacifique  qui  donna  le  pouvoir  absolu  à 
(iharles  XII,  le  ^8  nov.  ^697  (II,  310),  au  caractère  du  jeune  roi 
(in,  450).  On  a  déjà  noté  ici  même  (XI,  454)  combien  est  juste  le 
portrait  que  Voltaire  trace  de  Charles  XII  ;  les  lettres  d'Avaux  vien- 
nent confirmer  cette  appréciation  d'une  manière  remarquable.  «  Ce 
prince,  écrit-il  au  lendemain  du  coup  d'État  (III,  452),  a  témoigné 
beaucoup  d'esprit  et  de  jugement  pendant  le  cours  de  sa  tutelle, 
aimant  à  parler  d*afi*aires  et  en  parlant  bien.  Il  semble  à  cette  heure 
que  ce  soit  un  autre  homme.  A  peine  aucun  sénateur  luy  peut-il 
arracher  une  parole;  il  écoute  tout  ce  qu'on  luy  dit-,  mais  il  ne 
répond  pas  un  mot...  Il  est  ferme  dans  ses  résolutions  ;  on  peut  dire 
qu'il  est  opiniâtre,  et  même  que  c'est  assez  qu'on  luy  propose  une 
chose  pour  luy  faire  faire  le  contraire,  surtout  quand  c'est  des  gens 
qu'il  croit  qu'ils  le  veulent  gouverner...  Il  luy  est  arrivé  plus  d'une 
fois,  depuis  qu'il  est  roy,  de  casser  les  vitres  de  sa  chambre,  de  jetter 
des  guéridons,  des  chandeliers  d'argent  et  autres  choses  par  les 
fenêtres...  »  Contenu  et  bien  dirigé,  Charles  XII  avait  assez  de  qua- 
lités pour  devenir  un  bon  roi  ;  maître  absolu  de  la  Suède  à  seize  ans, 
il  resta  ce  qu'il  était  :  un  caractère  fantasque  et  une  intelligence  mal 
ériuilibréc.  Une  ambition  désordonnée  et  le  funeste  exemple  do 
Louis  XIV  que  Charles  XII  prenait  pour  modèle  (il,  380,  III,  456, 
etc.)  firent  de  cet  enfant  terrible  le  fléau  de  l'Europe  septentrionale. 
M.  Charles  Heurt  a  publié  (chez  Charavay)  253  lettres  de  Condorcet 
et  de  Turgot*,  la  plupart  inédites.  Elles  sont  comprises  entre  les 
années  1770  et  1779.  Celte  correspondance  se  divise  naturellement 
en  trois  parties,  suivant  qu'elle  a  été  échangée  avant,  pendant  ou 
après  le  ministère  de  Turgot.  Les  lettres  de  la  première  série  n'of- 
frent pas  un  très  vif  intérêt-,  les  faits  qu'elles  contiennent  sont 
le  plus  souvent  connus  d'autre  part,  et  elles  n  ont  pas  ces  qua- 
lités littéraires  qui  donnent  tant  de  prix  aux  moindres  billets  de 
Voltaire.  Notons  cependant  une  très  l>elle  et  très  ferme  profes- 
sion de  foi  de  Turgot  réprouvant  les  doctrines  d'Helvétius  à  la 
fois*  comme  immorales  et  comme  impolitiques  (p.  442)'.  Lorsque 
Turgot  est  entré  au  ministère,  le  ton  de  la  correspondance  se  modifie; 


1.  Correspondance  inédite  de  Condorcet  et  de  Turgot,  1770-1779,  d'après  les 
autographes  de  la  collection  Miaoret  et  les  mss.  de  l'Institut. 

2.  Cette  lettre  n'est  pas  inédite  ;  elle  a  déjà  été  publiée  par  Dupont  de 
Nemours  et  par  11.  Daire  dans  leurs  éditions  des  ŒuTres  de  Turgot. 


380  BULLETI7I  nSTOllQirB. 

ce  sont  moins  des  lettres  d'idées  que  des  lettres  d'affaires  ;  elles 
montrent  quel  espoir  les  gens  de  bien  fondaient  sur  les  réformes 
de  Turgol,  quels  obstacles  presque  insurmontables  se  dressaient 
devant  lui.  On  a  reproché  à  Turgot  d'avoir  entrepris  trop  de  réformes 
et  d'avoir  ainsi  soulevé  trop  d'intérêts  à  la  fois.  Ses  amis  étaient 
encore  plus  empressés  que  lui-même,  et  il  est  obligé  de  les  calmer. 
«  Sur  beaucoup  de  points,  écrit-il  à  Gondorcet,  vous  prêchez  un  con- 
verti, sur  d'autres  vous  n'êtes  pas  à  portée  de  juger  ce  que  les  cir- 
constances rendent  possible ,  surtout  vous  êtes  trop  impatient  b 
(p.  '1 92) .  Ge^n'est  ni  le  génie  ni  la  pratique  des  affaires  et  des  hommes 
qui  manquèrent  à  Turgot,  c'est  le  temps. 

Dans  la  correspondance  du  philosophe  et  de  Thomme  d'État^ 
Louis  XVI  parait  à  peine  :  il  n'est  guère  question  que  de  lui  et  de  sa 
famille  dans  les  Mémoires  de  M^  la  duchesse  de  Tourzelj  gouver^ 
nante  des  enfants  de  France^  pendant  les  années  ^1789  à  4793.  Ces 
Mémoires,  dont  on  n'ignorait  pas  l'existence,  mais  que  la  fkmille.  par 
d'honorables  scrupules  de  convenance,  arait  jusqu'ici  refusé  de 
publier,  viennent  de  paraître  par  les  soins  de  M.  le  duc  dbs  Cias^ 
arrière-petit-Ols  de  M"^  de  Tourzel  (2  vol..  Pion).  On  voudrait  savoir 
à  quelle  époque  ils  ont  été  rédigés.  M"*  de  Tourzel  avait  pris  des 
notes  sur  les  événements  dont  elle  avait  été  témoin  ;  mais  elle  les 
détruisit  lorsqu'après  le  'lO  août  elle  fut  recherchée  et  mise  en 
prison.  Il  semble  qu'elle  ait  écrit  après  48U  (II,  342),  et  elle 
déclare  en  commençant  (I,  2)  qu'elle  n'est  pas  très  sûre  de  sa 
mémoire.  D'ailleurs  tout  n'a  pas  dû  être  écrit  de  souvenir.  Les 
débats  de  l'Assemblée  sont  résumés  avec  trop  de  Odélité  pour 
que,  sur  ce  point  au  moins,  l'auteur  n'ait  eu  recours  à  des  publica- 
tions antérieures  à  la  sienne,  soit  le  Moniteur,  soit  certains  mémoires, 
comme  ceux  de  Bouille,  qu'elle  cite  pour  les  réfuter  (I,  302».  Ne  pou- 
vait-on pas  nous  donner  la-dessus  quelques  lumières?  Quant  à  l'esprit 
qui  anime  l'auteur  des  Mémoires,  il  n'est  ni  long  ni  difBcile  de  s'en 
rendre  compte.  Profondément  dévouée  au  roi,  à  la  reine,  au  dauphin 
dont  elle  était  la  gouvernante.  M"*  de  Tourzel  ne  pouvait  aimer  ni 
comprendre  la  Révolution  :  les  décrets  de  l'Assemblée  sans  exception 
lui  font  horreur:  elle  s'indigne  des  intrigues  orléanistes  auxquelles 
elle  attribue  une  influence  exagérée  sur  les  premiers  troubles.  On  ne 
peut  cependant  pas  dire  qu'elle  ait  d'injustes  partis  pris.  Son  récit  sin- 
cère est  empreint  d'une  grande  honnêteté  ;  sur  les  journées  des  5  et 
6  oct.,  sur  la  fête  de  la  fédération,  surtout  sur  la  fuite  à  Varenne, 
sur  le  20  juin  et  le  'lO  août  4792,  elle  a  des  pages  d'un  poignant  inté- 

1.  Il  o'y  a  pas  de  notes,  et  l'introdoction  est  signée  La  Ferroonays 


FRANCE.  381 

rét,  el  il  eût  été  dommage  de  les  laisser  dans  l'ombre  plus  longtemps-, 
elles  ramènent  un  peu  de  sympathique  pitié  sur  la  malheureuse 
famille  royale,  et,  quand  on  voit  à  quelle  vie  elle  fut  condamnée  depuis 
le  retour  à  Paris  après  les  journées  d'octobre,  on  se  prendrait  presque 
à  l'excuser  d'avoir  mis  tout  son  espoir  dans  l'intervention  étrangère. 

Le  3'  et  dernier  volume  de  Lucien  Bonaparte  et  ses  Mémoires^  par 
le  lieutenant-colonel  Th.  Iiixg  (Charpentier) ,  conduit  cette  intéres- 
sante publication  de  -1807  à  la  mort  de  Lucien.  A  vrai  dire,  l'intérêt 
de  l'ouvrage  cesse  à  partir  de  ^8^5  ;  il  se  porte,  en  effet,  moins  sur  la 
personne  même  de  Lucien  que  sur  ses  rapports  avec  l'empereur; 
aussi  l'entrevue  qu'il  eut  avec  lui  h  Mantoue  en  ^807,  les  persécu- 
tions qu'il  eut  à  subir  en  4812,  son  retour  à  Paris  pendant  les 
CiCnt  Jours  forment  dans  ce  dernier  volume  des  épisodes  où  les 
détails  piquants  ne  manquent  pas.  Napoléon  disparu,  on  s'inquiète 
médiocrement  d'un  homme  médiocre  en  déflnitive ,  malgré  la 
bonne  opinion  qu'il  eut  de  lui-même  et  les  hautes  fonctions  dont  il 
fut  pendant  quelque  temps  investi.  Ce  qui  le  recommande  aux  yeux 
de  la  postérité,  c'est  la  résistance  courageuse  qu'il  opposa  toujours  a 
l'empereur  sur  le  fait  de  son  mariage  avec  M"*  Jouberthon  ;  et  il  s'est 
trouvé  que  cet  acte  d'honnêteté  était  en  même  temps  un  acte  de  bonne 
politique  :  si  les  déboires  ne  lui  manquèrent  pas,  les  retentissantes 
disgrâces  de  ses  autres  frères  lui  furent  du  moins  épargnées. 

On  a  tout  dit  sur  les  Mémoires  de  Mettemich,  nous  ne  ferons  donc 
qu'annoncer  brièvement  les  t.  VI  et  VII  (IV  et  V  delà  deuxième  par- 
tie :  VÈre  de  paix,  4835-4848)  qui  viennent  de  paraître  (Pion).  Sur 
la  vie  privée  du  prince,  ce  n'est  plus  lui  qui  parle,  c'est  sa  femme, 
la  princesse  Mélanie;  ({uant  à  sa  vie  publique,  les  éditeurs  de  la  pré- 
sente publication  complètent  les  notes  de  la  femme  par  les  lettres, 
dépèches  et  instructions  du  mari.  I^  biographie  se  mêle  ainsi  à  l'his- 
toire comme  dans  la  publication  de  M.  Martin  sur  le  prince  Albert; 
la  chanson  des  époux  y  vient  mêler  sa  note  aux  plus  graves  disserta- 
tions sur  la  politique  intérieure  des  États  et  sur  les  complications 
européennes.  Sur  plus  d'un  point  d^ai Heurs  ces  deux  sources  d'infor- 
mations se  complètent,  ainsi  en  ce  qui  concerne  Thistoire  de  la  fameuse 
«  entente  cordiale.  »  Pour  les  autres  grandes  questions  de  politique 
générale  :  afîaires  d'Orient,  mariages  espagnols,  annexion  de  Cra- 
covie,  guerre  civile  en  Suisse,  les  deux  volumes  que  nous  annon- 
çons al)ondent  en  informations  précieuses.  Il  y  aura  lieu  de  les  con- 
sulter souvent  aussi  pour  l'histoire  intérieure  de  la  France.  Metternich 
n'est  pas  hostile  à  Louis-Philippe  ;  il  lui  reconnaît  des  talents  et  de 
la  bonne  volonté  ;  mais  il  ne  croit  pas  qu'il  puisse  rien  sortir  de  bon 
d'un  régime  issu  de  la  Révolution.  Louis-Philippe  reste  toujours  pour 


382  BULLETIN  HISTORIQUE. 

lui  le  roi  des  barricades.  A  l'égard  des  hommes  d'État  firançais,  il  est 
sévère  ;  Talleyrand,  «  né  démolisseur,  »  a  échoué  dans  toutes  ses 
entreprises,  parce  qu'elles  étaient  «  toutes  empreintes  de  Tesprit  de 
subversion  qui  était  le  principal  mobile  de  Thomme  ^  »  Thiers  n'est 
qu'un  (c  révolutionnaire  pratique  *,  »  Guizot,  qu'il  traite  d'abord,  non 
sans  dédain,  d'  «  idéologue  conservateur,  »  trouva  grâce  devant  ses 
yeux  quand,  ayant  perdu  l'alliance  anglaise  après  l'affaire  des 
mariages,  il  se  rapprocha  de  l'Autriche  pour  lutter  avec  elle  contre 
le  radicalisme  ;  c  est  alors  «  le  meilleur  ministre  que  puisse  avoir  la 
France.  »  Malgré  l'éloignement  de  leur  point  de  départ,  malgré  la 
différence  de  leurs  caractères  et  de  leurs  talents,  ces  deux  hommes 
étaient  faits  pour  se  rencontrer,  tous  deux  idéologues  et  conserva- 
teurs, aveugles  tous  deux  sur  les  moyens  de  combattre  la  Révolution  ; 
l'ironie  du  sort  les  rapprocha  dans  une  même  infortune,  à  Londres 
et  en  exil. 

LrvEEs  NOUVEAUX.  ANTIQUITÉ.  —  M.  Hcury  Doulcet  a  soutenu  en 
déc.  dernier  deux  thèses  pour  le  doctorat  devant  la  Faculté  des  lettres 
de  Paris.  De  la  thèse  en  latin  Quid  Xenophonti  debuerit  Arrianus 
nous  ne  pouvons,  ne  l'ayant  pas  eue  entre  les  mains,  dire  autre  chose 
sinon  qu'elle  a  été  admise  par  la  Faculté  après  avoir,  paraît-il,  été 
l'objet  de  vives  critiques.  La  thèse  en  français  est  un  Essai  sur  les 
rapports  de  r Église  chrétienne  avec  VÈlat  romain  pendant  les  trois 
premiers  siècles  (Pion).  Ce  qu'il  y  a  jusqu'à  un  certain  point  de 
nouveau  dans  ce  livre,  ce  sont  les  faits  empruntés  aux  dernières 
découvertes  archéologiques,  surtout  aux  éminents  travaux  de 
M.  de  Rossi.  M.  Doulcet  parait  d'ailleurs  avoir  borné  son  ambition 
à  composer,  comme  il  dit  lui-même,  «  un  recueil  de  documents 
relatifs  à  une  période  peu  connue  de  Thistoire  de  l'empire  romain 
et  de  l'Église  chrétienne,  »  et  il  s'estime  heureux  que  le  jury  ait 
reconnu  «  que  ce  travail  attestait  des  recherches  consciencieuses 
et  contenait  des  citations  exactes  »  (Avertissement).  Cette  modestie 
fait  honneur  au  caractère  de  l'auteur  plus  que  son  livre  à  son 
sens  critique.  Dans  les  rapports  de  l'Église  primitive  avec  TÉtat 
romain,  il  ne  voit  en  effet  que  les  intérêts  et  les  droits  de  l'Église  ; 
ceux  de  l'État  lui  restent  étrangers  ;  la  cause  des  persécutions,  il  la 
cherche  non  dans  les  idées  mêmes  du  christianisme,  si  contraires  à 
celles  qui  formaient  à  Rome  la  base  de  la  religion  et  de  la  politique, 
mais  dans  l'inimitié  personnelle  d'abord  des  Juifs,  puis  de  Trajan  et 
des  Antonins.  Si  les  meilleurs  empereurs  ont  persécuté  les  chrétiens, 
c'est  par  haine  contre  le  nom  chrétien  ;  les  plus  philosophes  leur  ont 
porté  les  plus  rudes  coups.  Marc-Aurèle  n'est  qu'un  fanatique  à  con- 
damner au  même  titre  que  Philipj)e  II  -,  «  les  martyrs  de  Lyon,  par 


FRANCE.  383 

exemple,  n*ont  rien  laissé  à  envier  aux  autodafés  de  l'inquisition 
espagnole  »  (p.  65).  Heureusement  le  monde  romain  a  connu  de 
détestables  empereurs,  et  les  chrétiens  ont  pu  respirer  I  Cette  étrange 
théorie  parait  avoir  fait  tort  à  la  thèse,  qui  flnalement  a  été  ajournée. 

Après  ce  livre  paradoxal  et  lourd,  c'est  plaisir  de  suivre  M.  Fr.  Lb- 
NORMANT  en  voyage.  Il  nous  avait  déjà  promenés  sur  le  littoral  de  la 
mer  Ionienne  *  ;  il  nous  convie  à  l'accompagner  aujourd'hui  dans 
TApulie  et  dans  la  Lucanie  anciennes  ',  de  Termoli  à  Foggia,  aux 
pieds  du  Vulture  et  dans  la  vallée  de  TOfanto,  de  Potenza  aux  ruines 
de  Métaponte  ;  s'il  n'est  pas  le  premier  des  guides  qui  nous  introduise 
dans  ce  pays  encore  à  demi-sauvage  (il  relève  avec  complaisance 
quelques  erreurs  du  Bœdeker),  il  en  est  certainement  le  plus  érudit; 
de  chaque  ville  où  il  s'arrête,  il  raconte  Thistoire  à  grands  traits.  A 
Métaponte,  où  M.  La  Cava  dirige  depuis  plusieurs  années  d'impor- 
tantes fouilles,  il  nous  entretient  des  plus  anciens  temps  de  la  civili- 
sation grecque  ;  à  Venoza  et  à  Banzi,  les  souvenirs  d'Horace  l'arrêtent; 
à  Rapolla,  Lucera,  Manfredonia,  Melfl,  il  nous  transporte  en  plein 
moyen  âge,  à  l'époque  de  Robert  Guiscard  et  de  Frédéric  II  ;  une 
visite  à  Pietragalla  et  à  Acerenza  lui  fournit  l'occasion  de  raconter  un 
des  plus  émouvants  épisodes  du  brigandage  napolitain,  Thistoire  du 
carliste  José  Borges,  fusillé  le45déc.  iS6i  à Tagliacozzo comme  chef 
des  bandes  insurgées  au  nom  du  dernier  roi  de  Naples,  François  II. 
Tout  ce  qu^il  raconte  on  le  savait  déjà,  mais  on  le  relit  avec  plaisir. 

MoTSN  AGB.  —  M.  Arthur  de  La  Borderie  nous  ramène  à  l'érudi- 
tion pure  avec  son  étude  critique  sur  THistoria  Britonum  attribuée  à 
Nennius  et  /'Historia  Britannica  avant  Geoffroi  de  Monmauth  (Paris, 
(ihampion;  Londres,  B.  Quaritch).  L'auteur  cherche  d'abord  à  quelle 
époque  a  été  rédigée  VHistoria  Britonum  attribuée  à  Nennius  ;  après 
une  étude  minutieuse  des  30  mss.  qui  nous  ont  conservé  ce  texte,  il 
montre  que  cette  date  doit  être  fixée,  non  au  ti*  ni  au  vir  s.,  mais  à 
l'année  H2i  ou  822,  «  4""  du  règne  du  roi  Mervin  »  ;  il  y  en  eut 
ensuite  6  transcriptions  principales  de  H3\  à  4024  ;  ces  transcriptions 
sont  représentées  par  autant  de  classes  de  mss.,  lesquelles  sont  plus 
ou  moins  fortement  interpolées.  Montrer  que  VHistoria  Britonum  a 
été  rédigée  dans  le  i*'  quart  du  ix*  s.,  c'est  déjà  une  forte  présomp- 
tion contre  la  valeur  historique  de  cette  œuvre  ;  en  réalité  Nennius 
n'a  d'autre  autorité  que  celle  des  auteurs  antérieurs  dont  il  s'inspire  : 
Gildas,  Bède,  Eusèbe.  Quant  à  sa  valeur  littéraire,  elle  a  été  recon- 


1.  La  Grande'Grècê  ;  papsages  et  hiitoire.  2  vol.  À.  Lévy;  cl.  Mev.  kist,, 

2.  A  travers  VAjmUe  et  la  Lucanie;  t.  I,  A.  Lév). 


384  BULLETIN  HISTORIQUE. 

nue  depuis  longtemps  ;  c'est  là  que  se  trouve  en  germe  toute  l'his- 
toire légendaire  de  la  Bretagne,  celle  de  Brut,  de  Yortigern  et 
d'Arthur,  histoire  qui,  développée  au  xn«  s.  dans  YHistoria  regum 
Britanniae  par  GeofTroi  de  Monmouth,  n'a  pas  tardé  à  donner  nais- 
sance aux  romans  de  la  Table  ronde.  Mais  GreofTroi  de  Monmouth 
s'est-il  inspiré  direclement  de  Nennius  ?  Un  prêtre  du  diocèse  de  Léon, 
Guillaume,  écrivant  en  i0i9  une  vie  de  saint  Goueznou,  raconte 
l'établissement  des  Bretons  en  Armorique  d'après  une  «  Ystoria  Bri- 
tanica  »  qui  n'est  certainement  pas  l'Histoire  de  Nennius.  Ce  texte, 
écrit  non  en  Armorique,  mais  dans  la  partie  de  l'Angleterre  restée 
bretonne,  fut,  suivant  la  conjecture  très  vraisemblable  de  M.  de  La 
Borderie,  prêté  à  Geoffroi  de  Monmouth  par  Gauthier,  ou  Walter  de 
Mapes,  archidiacre  d'Oxford,  et  fournit  à  l'imagination  féconde  du 
chroniqueur  le  canevas  d'après  lequel  il  broda  sa  fabuleuse  Histoire 
des  rois  d^Angleterre.  Tels  sont  les  principaux  points  traités  dans  cet 
important  mémoire  dont  les  résultats  intéressent  à  la  fois  l'histoire 
des  sources  historiques  et  l'histoire  de  la  littérature  firançaise  au 
moyen  âge. 

L'histoire  des  croisades  ne  cesse  d'être  étudiée  avec  ardeur. 
M.  E.  Ret,  à  qui  l'on  doit  déjà  plusieurs  travaux  sur  ce  sujet  inépui- 
sable^ vient  de  publier  chez  Alph.  Picard  une  étude  intitulée  :  les 
Colonies  franques  de  Syrie  aitx  Xlh  et  XIII^  siècles.  Comme  les 
autres  ouvrages  du  même  auteur,  ce  livre  se  distingue  par  une  curio- 
sité intelligente,  une  grande  abondance  d'informations  puisées  soit 
dans  les  historiens,  soit  et  surtout  dans  une  connaissance  personnelle 
des  lieux  où  se  sont  accomplis  les  principaux  événements  de  la  croi- 
sade, mais  aussi  par  une  certaine  négligence  dans  l'emploi  des  sources 
et  dans  l'arrangement  des  matériaux.  Ce  sont  des  notes  mises  bout 
à  bout  ;  elles  effleurent  le  sujet  sans  l'épuiser  jamais.  Quoi  qu'il  en 
soit,  la  lecture  en  est  instructive.  Sur  les  mœurs  des  nobles,  des 
bourgeois,  des  indigènes  chrétiens  ou  musulmans,  M.  Rey  donne 
beaucoup  de  curieux  renseignements  dont  les  auteurs  arabes  ne  lui 
ont  pas  fourni  les  moins  curieux.  L'étal  militaire  du  pays  est  rendu 
plus  saisissant  par  de  nombreux  plans  ou  vues  cavalières  des  princi- 
paux châteaux  (Saliioun,  Kerak,  Margat,  le  Krak  des  Chevaliers)  ou 
villes  fortes  (Tortose,  Edesse,  Anlioche,  Acre).  La  plus  utile  et  peut- 
être  la  meilleure  partie  du  livre  est  la  géographie  historique  de  la 
Syrie  au  temps  des  croisades,  qui  remplit  toute  la  seconde  moitié  du 
volume.  Une  carte  générale  de  la  Syrie  pendant  la  domination  franque 
paraîtra  plus  tard.  M.  Rey  a  volontairement  laissé  en  dehors  de  son 
travail  ce  qui  se  rapporte  aux  trois  grands  ordres  religieux  et  mili- 
laii*es  chargés  de  défendre  la  terre  sainte  :  les  Templiers,  les  Hospi- 


riuxcE.  3«5 

laliers  et  les  Teutoniques,  que  d'aulres  étudient  d'une  façon  toute 
particulière.  Il  renvoie  lui-même  aux  futures  publications  de  MM.  Pnitz 
et  Delaville  Le  Roulx,  qui  viennent  en  effet  de  répondre  à  son  appel. 
Nous  n'avons  pas  à  parler  ici  de  l'ouvrage  du  D^  Hans  Prutz  *  ;  il 
suffit  de  dire  qu'avec  plus  d'ambition  dans  la  forme  et  de  parti  pris 
paradoxal  dans  les  idées,  il  a  traité  exactement  le  même  sujet  que 
M.  Rey,  et  qu'il  ne  parait  pas  l'avoir  traité  d'une  manière  plus  défi- 
nitive. Le  volume  de  M.  Dbla ville  Le  Roulx  ^  est  d'un  caractère  tout 
différent.  C'est  une  étude  sur  les  archives,  la  bibliothèque  et  le  trésor 
de  l'ordre  des  Hospitaliers,  qui  se  trouvent  aujourd'hui  à  Malte.  Ces 
archives  sont  fort  riches,  tenues  et  cataloguées  avec  soin  ;  l'auteur 
nous  en  donne  d'abord  un  inventaire  sommaire,  puis  il  analyse  plu- 
sieurs séries,  les  plus  importantes  au  point  de  vue  historique  : 
série  I,  documents  originaux,  du  xii*  au  xiv*  siècle  et  au  delà  ;  série 
V,  Bullaire  des  grands  maîtres,  qui  commence  en  4346  et  qui  est 
complète  (]ppuis  4527;  série  Vil,  BuUaires  pontificaux.  Il  donne 
ensuite  des  indications  sur  les  sceaux  des  grands  maîtres,  sur  la 
bibliothèque  de  Malte,  qui  contient  50,000  volumes,  et  dont  le  cata- 
logue est  imprimé,  sur  le  trésor  de  l'ordre,  aujourd'hui  dispersé.  En 
appendice,  il  publie  intégralement  celles  des  pièces  de  la  série  I,  qui 
sont  encore  inédites^  ce  sont  cent  documents  allant  de  4442  à  4290, 
qui  constatent  les  intérêts  et  droits  de  propriété  de  Tordre  en  terre . 
sainte,  et  qui,  par  ce  fait  seul,  présentent  un  vif  intérêt  Le  volume 
se  termine  par  des  listes  très  copieuses  des  dignitaires  et  des  frères 
de  Tordre  de  4099  à  4290,  et  par  une  table  de  noms  de  personnes, 
de  lieux  et  de  matières.  Cette  table  est  très  bien  faite,  les  textes  sont 
édités  avec  soin.  A  ce  travail  minutieux,  on  reconnaît  Térudit  qui  a  fait 
son  apprentissage  àTÉcole  des  chartes  et  a  l'École  des  hautes  études. 
Ce  travail,  déjà  si  considérable,  n'est  d'ailleurs  qu'au  début.  L'au- 
teur se  propose  de  faire  un  recueil  complet  de  tous  les  documents 
conservés  aux  archives  de  Malte,  antérieurs  à  4290,  c'est-à-dire  au 
terme  de  la  domination  chrétienne  en  terre  sainte,  d'analyser  aussi 
complètement  qu'il  sera  possible  et  utile  les  actes  et  registres  relatifs 
au  séjour  de  Tordre  à  Rhodes  ;  de  dresser  l'inventaire  sommaire  des 
pièces  postérieures  à  Tarrivée  à  Malte  en  4527  ;  enfin  de  composer 
une  bibliographie  raisonnée  et  étendue  des  ouvrages  généraux  et 
des   monographies  particulières  concernant  l'histoire  de  Tordre. 


t.  Kulturgeachichte  der  KreuziUge.  Berlin,  Mittler  et  G'*. 

2.  Les  archivet,  la  bébliotkèque  et  le  tre'tor  de  Vordre  de  Saint- Jean  de  Jmi^ 
salem  à  Malte.  Thorin.  Forme  le  32*  fksc.  de  U  Bibliothèque  des  Booles  fnn- 
(:4i8e&  d'Athènes  et  de  Rome. 


386  BULLETIN  HISTORIQUE. 

Nous  avons  lieu  de  croire  qu'il  n'en  restera  pas  là,  et  quil  nous 
donnera  bientôt  des  travaux  d'exposition  générale,  mettant  ainsi 
lui-même  à  profit  les  nombreux  documents  qu'il  a  réunis  avec  tant 
dMndustrieux  labeur. 

Une  histoire  des  origines  de  Tordre  serait  un  des  premiers  à 
faire;  M.  A.  Du  Bourg  a  touché  la  question,  mais  ne  Ta  pas 
traitée,  dans  son  Histoire  du  grand  prieuré  de  Toulouse  (Tou- 
louse, L.  Sistac  et  J.  Boubée).  Les  archives  de  ce  grand  prieuré 
existent  encore  aujourd'hui  à  Toulouse;  M.  Du  Bourg  en  a  tiré  la 
matière  d'un  volume  important  et  par  les  nombreux  détails  qu'il 
fournit  sur  les  possessions  de  l'ordre  dans  le  sud-ouest  de  la  France, 
et  par  les  pièces  qui  sont  publiées  en  appendice.  M.  Du  Bourg  est 
loin  d'apporter  à  de  tels  travaux  la  même  expérience  que  M.  Delaville 
le  Roulx  ;  il  ne  nous  dit  rien  de  ces  archives  mêmes,  de  leur  histoire, 
de  rétat  actuel  de  conservation,  de  leur  importance  ;  les  pièces  ne 
sont  pas  transcrites  avec  tout  le  soin  qu'on  exige  aujourd'hui  en 
pareille  matière  ;  il  n'y  a  pas  de  table  des  noms  propres  de  personne 
ou  de  lieu  ;  l'auteur  s'est  confiné  dans  ses  archives,  et  quand  il  en 
sort  il  semble  tout  dépaysé,  mais  il  en  a  tiré  une  étude  substantielle; 
les  listes  des  fonctionnaires  de  Tordre  quMl  donne  pour  chaque  pré- 
ceptorerie  rendront  de  grands  services  ;  il  comptera  désormais  tous 
les  historiens  du  Midi  parmi  ses  tributaires. 

Les  Croisades  nous  racontent  à  tout  moment  l'histoire  de  la  France 
extérieure  ;  il  n'est  question  que  de  la  France  intérieure  dans  les  études 
de  M.  VuiTRY  sur  le  régime  financier  de  notre  pays  avant  n89  ;  mais 
C'est  presque  toute  l'histoire  administrative  qui  se  déroule  devant 
nous.  Dans  un  premier  volume,  M.  Vuitry  avait  étudié  les  impôts 
romains  en  Gaule  du  v®  au  x*  siècle  et  le  régime  financier  de  la 
monarchie  féodale  aux  xi*,  xii®  et  xiii*  s.  Les  deux  volumes  qu'il 
vient  de  publier*  se  rapportent  :  ^°  à  Philippe  le  Bel  et  à  ses 
trois  fils;  2°  aux  trois  premiers  Valois,  c'est-à-dire  à  un  peu 
moins  d'un  siècle  (^  285-^380);  mais  cette  période  est  importante 
entre  toutes.  D'abord  la  royauté  reste  purement  féodale,  elle  n'a  de 
ressource  régulière  que  les  droits  féodaux,  l'impôt  n'existe  pas; 
mais  déjà  s'accuse  le  caractère  fiscal  que  prendra  de  plus  en  plus  la 
monarchie  capétienne  :  engagée  par  Philippe  le  Bel,  non  plus  dans 
des  guerres  d'aventure,  comme  en  Aragon  ou  en  Italie,  mais  dans  les 
guerres  nationales  de  Guyenne  et  de  Flandre,  il  lui  faudra  des  res- 
sources nouvelles  pour  soutenir  les  efl'orts  de  cette  nouvelle  politique. 

1.  Études  sur  le  régime  financier  de  la  France  avant  la  Révolutionde  1789. 
Nouvelle  série,  t.  i  et  II,  Guillaumiu. 


FRANCE.  '  387 

L'impôt  va  donc  naître;  mais  le  consentement  à  Hmpût  est  de  règle 
au  moyen  âge  :  on  le  demandera  aux  États  généraux.  Puis  la  guerre 
de  Cent  ans  éclate;  il  nes*agit  plus  d'attaquer,  mais  de  se  défendre  : 
le  système  militaire  de  la  féodalité  succombe  après  Oécy  et  Poitiers; 
le  système  flnancier  va  s'écrouler  aussi  :  ave^  Charles  V,  Timpot 
en  fait  devient  permanent,  et  une  administration  nouvelle  s'établil. 
Cent  ans  après  saint  Louis,  le  régime  que  ce  roi  représenta  si  noble- 
ment était  condamné  sans  merci.  M.  Vuitry  montre  à  merveille  cet 
cnchainement  logicjue  par  le(|uel  se  transforme  peu  à  peu  l'ancienne 
royauté  capétienne.  Il  ne  craint  pas  de  se  répéter  ;  ses  deux  études 
sont  construites  sur  le  même  plan  H  °  le  domaine  de  la  couronne  et  son 
extension,  2°  les  revenus  ordinaires  du  roi,  3®  ses  revenus  extraordi- 
naires, 4°  les  monnaies  et  le  régime  monétaire,  5*  le  gouvernement  et 
les  dépenses,  ô^Tadminislration  des  finances,  7*»  évaluation  des  recettes 
et  des  dépenses.  Quand  vous  avez  accompli  ce  long  chemi  n  avec  Philippe 
le  Bel  et  ses  trois  fils,  vous  le  recommencez  avec  Philippe  de  Valois 
et  ses  deux  successeurs  immédiats.  Cette  monotonie  était  sans  doute 
inévitable  ;  elle  est  d'ailleurs  rachetée  par  un  grand  avantage,  on  y 
voit  clair.  A  l'aisance  avec  laquelle  M.  Vuitry  expose  et  résout  ces 
questions  difficiles  d'administration  financière,  on  sent  que  l'historien 
s'appuie  sur  la  précieuse  expérience  de  l'homme  d'État  et  du  financier. 
Nous  nous  permettrons  surtout  de  recommander  les  chapitres  relatifs 
aux  monnaies.  On  a  mené  grand  bruit  il  y  a  plusieurs  années  à  pro- 
pos de  répit hète  de  faux  monnayeur  infiigée  à  Philippe  le  Bel  ;  M.  de 
Saulcy,  en  pesant  les  monnaies  de  ce  prince,  avait  trouvé  qu'elles 
étaient  bonnes  de  poids  comme  de  loy,  et  il  avait  cru  pouvoir  réviser 
la  condamnation  du  roi  par  l'histoire.  Déjà  M.  de  Wailly  avait  montré 
qu'il  n'y  avait  là  qu'un  malentendu  ;  M.  Vuitry  le  prouve  aujourd'hui 
avec  une  grande  abondance  de  preuves.  Philipi)e  le  Bel  n'altéra  piis 
matériellement  les  monnaies,  sans  doute,  mais  il  en  changea  arbi- 
trairement le  taux  légal,  le  résulLit  était  le  même,  et  l'on  ne  imurni 
désormais  justifier  la  détestable  politi(|ue  financière  de  Philippe  le 
Bel  et  de  ses  successeurs,  même  en  invoquant  le  droit  souverain 
(|u  avait  le  roi  de  modifier  le  taux  ou  de  changer  le  poids  et  le  titre 
<les  pièces  qu'il  mettait  en  circulation.  L'honnêteté  reparut  avec 
Charles  V  :  la  nécessité  de  payer  aux  Anglais  en  bonne  monnaie  la 
ranron  du  roi  Jean,  les  principes  théoriques  d'Aristote  reproduits 
avec  force  |)ar  Nicole  Oresme  contribuèrent  à  cette  heureuse  consé- 
quena». 

Nous  le  disions  plus  haut,  les  études  de  .M.  Vuitry  finissent  jwir 
devenir  une  histoire  complète  de  l'ancienne  administration  :  il  faut 
IKiyer  les  fonctionnaires  ;  le  budget  des  dépenses  s'accroît  sans  cesse, 


388  BULLETIN  HISTORIQUE. 

les  nouveaux  chapitres  du  budget  royal  représentent  les  administra- 
tions nouvelles.  La  royauté  veut  faire  tout  par  elle-même,  il  faut 
qu'elle  paie  tout;  désormais,  le  moyen  de  trouver  de  l'argent  sera 
son  principal  souci  ;  aidée  par  les  jalousies  des  classes  et  TindifTérence 
publique,  elle  sera  de  plus  en  plus  tracassière  et  despotique  ;  à  la  fin 
les  contrôleurs  généraux  des  finances  seront  les  principaux  ministres  ; 
en  même  temps  le  contrôle  des  États  généraux  disparait.  Ces 
résultats,  on  ne  pouvait  guère  les  prévoir  à  la  mort  de  Charles  V, 
mais  ils  se  trouvent  en  germe  dans  ses  institutions.  Le  livre  de 
M.  Vuitry  n'instruit  pas  seulement,  il  prête  aussi  beaucoup  à  réfléchir. 
On  représente  d'ordinaire,  et  non  sans  raison,  le  règne  de  Louis  XI 
comme  la  fin  du  moyen  âge.  Charles  VIII,  en  commençant  les  guerres 
d'Italie,  entraîna  la  France  dans  une  politique  nouvelle-,  entre  l'action 
personnelle  de  ces  deux  rois,  ce  qu'on  appelle  improprement  la 
régence  d'Anne  de  Beaujeu  forme  une  époque  de  transition.  Cette 
époque,  importante  malgré  sa  brièveté,  a  été  étudiée  par  M.  P.  Péligiee 
dans  son  Essai  sur  le  gouvernement  de  la  dame  de  Beaujeu^  4483- 
9i  (Alph.  Picard).  De  longues  recherches  poursuivies  par  M.  Pélicier, 
archiviste  du  département  de  la  Marne,  dans  nos  principaux  dépôts 
publics,  le  dépouillement  consciencieux  des  chroniques  contempo- 
raines, des  dépêches  diplomatiques  publiées  dans  les  Calendars 
anglais  et  ailleurs,  lui  ont  fourni  la  matière  d'une  bonne  et  solide 
monographie.  Le  sujet,  séduisant  au  premier  abord,  ne  laissait  pas, 
en  définitive,  que  d'être  ingrat  :  sans  doute  «  madame  Anne  »  gou- 
verne effectivement  jusque  vers  4494,  mais  le  plus  souvent  son 
rôle  personnel  se  dissimule;  présente  mais  invisible,  on  voit  les 
résultats  de  sa  politique  plutôt  qu'on  ne  la  voit  elle-même  agir  ; 
aussi  son  histoire  se  dérobe-l^elle  la  plupart  du  temps  derrière  celle 
du  roi  son  frère,  et  le  livre  de  M.  Pélicier  raconte  plutôt  la  minorité 
de  Charles  VIII  que  le  gouvernement  de  sa  sœur.  On  y  trou- 
vera cependant  de  nombreux  détails  biographiques,  une  apprécia- 
tion juste  et  sévère  du  caractère  de  cette  princesse,  vraie  fille  de 
Louis  XI  par  l'avarice  comme  par  la  souplesse  de  l'esprit,  des  pièces 
justificatives  précieuses,  telles  que  ces  procès-verbaux  du  conseil 
de  Charles  VIII  (mars- juillet  4484),  si  bien  étudiés  par  M.  Noël 
Valois*. 

Époque  moderne.  —  Après  tant  d'autres  écrivains,  Mgr  Ricard, 
prélat  de  la  maison  du  pape,  professeur  de  théologie  dogmatique  aux 
facultés  d'Aix  et  de  Marseille,  a  éprouvé  le  besoin  de  raconter  l'his- 

1.  Bibl.  de  V École  des  chartes,  1882,  p.  594. 


FRANCE.  389 

toire  de  Port-Royal  * .  On  sait  la  haine  que  les  Ultramontains  portent 
aux  Jansénistes;  Mgr  Ricard  la  partage.  Il  traite  la  doctrine  des 
Jansénistes  de  «  diabolique  »  (p.  45,  30)  ;  il  s'efforce  de  flétrir  «  Tin- 
fernale  habileté  »  d'Arnauld  (97)  ;  |Port-Royal  est  «  la  synagogue  de 
Satan  »  (224);  les  Jansénistes  sont  des  lâches  (49),  et  l'abbé  de 
Saint-Cyran  un  malhonnête  homme  (47).  Il  admire  Pascal,  mais  il 
déclare  «  que  le  jansénisme  portera  dans  l'histoire  de  l'apologétique 
chrétienne  l'indélébile  tache  d'avoir  dévié  son  génie  »  (382).  Louis  XJV 
est  justifié  d'avoir  fait  violer  les  tombes  de  Port- Royal  par  les 
violations  des  tombes  royales  ordonnées  en  4793  sous  Tinfluence  de 
l'esprit  janséniste  (474).  Voilà  des  échantillons  de  ce  que  l'auteur  ne 
craint  pas  d'appeler  son  impartialité  (p.  xi).  Il  parle  aussi  de  sa  cons- 
cience (ibid.j,  et  il  puise  à  pleines  mains  ses  récits  dans  les  mémoires 
d^un  jésuite,  le  Père  Rapin,  que  Sainte-Beuve  a  pris  plus  d'une  fois 
en  flagrant  délit  de  mensonge.  Ce  qu'il  y  a  de  plus  regrettable  dans 
ce  triste  pamphlet,  c'est  de  penser  qu'avant  d'être  un  livre,  il  a  été 
professé  <c  aux  facultés,  »  comme  dit  l'auteur,  d'Aix  et  de  Marseille. 
Nous  aimons  à  croire  que  la  théologie  dogmatique  n'est  pas  ensei- 
gnée partout  de  pareille  façon. 

M.  Ernest  Hamel  n'est  peut-être  pas  au  fond  plus  impartial,  mais 
il  a  du  moins  le  sentiment  de  la  justice  et  le  respect  de  ses  adver- 
saires. Il  f^t  l'histoire  de  la  Révolution  française  au  point  de  vue 
robespierriste  ^  ;  adversaire  déclaré  de  la  royauté,  il  plaint  les  infor- 
tunes de  la  famille  royale;  partisan  d'une  énergique  action  révolution- 
naire, il  déplore  le  sang  versé  sans  jugement;  ennemi  acrhnonieux  des 
Girondins,  il  a  pourtant  quelques  paroles  de  pitié  pour  eux  lorsqu'ils 
sont  condamnés  à  mort.  Ceux  auxquels  il  ne  pardonne  pas  ce  sont 
les  a  enragés  »  GoUot  d'Herbois,  Barère,  Carnot,  qu'il  rend  seuls  res- 
ponsables des  excès  de  la  Terreur  qu'il  réprouve.  Il  exalte  Robespierre  ; 
s'il  eut  triomphé,  dit-il,  la  Terreur  eût  disparu  pour  &ire  place  à  la 
justice.  C'est  en  effet  la  thèse  qu'il  a  prétendu  prouver  dans  son  His- 
toire de  Robespierre,  mais  qu'il  n'a  pas  réussi  à  démontrer.  M.  Hamel 
appelle  quelque  part  Michelet  «  un  artiste  fourvoyé  dans  Thistoire  »  ; 
on  lui  pourrait  souhaiter  quelque  chose  de  ce  profond  sentiment  de 
l'histoire  qui  inspira  Michelet. 

On  imaginerait  difficilement  un  contraste  plus  complet  qu'entre  le 
précis  de  M.  Hamel  et  Pétude  consacrée  par  M.  Amédée  de  Margieib 

1.  Les  premiert  JanséniUes  et  Port-Roffai,  Pion. 

2.  PrécU  de  l'kUtoire  de  la  RévoluHon,  fnai  1789-od.  1795  ;  2«  édlt.,  Joavet 
et  C'*.  Forme  li  1^  série  d'ane  Histoire  de  France  depuis  U  RéTolution  juiqu'à 
la  chute  du  second  Empire. 


390  lOtLETlN  HISTORIQUE. 

au  comle  Joseph  de  Maistre  '.  Ici  c'est  le  procè9,  là  c'est  l'apologie 
de  la  Révolution  ;  pour  l'on,  89  est  l'avènement  longtemps  attendu 
de  la  souveraine  justice,  pour  l'autre,  c'est  le  renversement  de  tout 
droit.  M.  de  Margerie  se  trouve  à  l'aise  pour  injurier  le  libéralisme 
et  la  République  en  racontant  la  vie  et  en  étudiant  les  œuvres  du 
brillant  et  profond  écrivain  savoyard,  aussi  donnc-t-il  libre  carrière 
à  son  indignation  contre  les  idées  modernes.  Une  constante  violence 
de  langage  déplait  dans  un  livre  sérieux  ;  mais  M.  de  Margerie  pense 
peut-être,  maintenant,  qu'il  faut  frapper  fort  pour  frapper  juste. 
C'est  affaire  de  goit;  écrite  d'un  esprit  plus  serein,  son  élude,  qui 
est  un  bon  résumé  des  œuvres  du  comte  de  Haistre,  aurait  pu 
amener  à  celui-ci  les  sympathies  des  gens  qui  aiment  les  nobles 
caractères  et  les  penseurs  originaux  ;  telle  qu'elle  est,  elle  ne  plaira 
qu'aux  fanatiques.  Qu'importe,  après  tout,  si  elle  n'est  écrite  que 
pour  eux  ? 

Celle  de  M.  de  Lescdre  sur  Rivarol  et  la  société  française  pendant 
la  Révolution  et  l'émigration  (Pion)  plaît  et  repose.  Présentée  d'un 
style  lesle,  spirituel,  trop  brillante  parfois,  elle  fait  vivre  devant  nous 
le  monde  si  curieux  de  grands  seigneurs  et  de  petites-dames,  de  phi- 
losophes et  de  journalistes,  où  ce  descendant  d'une  ancienne  famille 
noble  mais  déchue  se  fit  une  placeà  part  :  l'éclat  incomparable  d'une 
conversation  pétillante  d'esprit  et  nourrie  d'idées  originales  fit  de  Riva- 
rol un  personnage  séduisanlet  redoutable,  mais  disparut  avec  lui.  C'est 
doncrhommequinousintéresse,  plutôt  que  sesœuvres,  même  les  plus 
remarquables  ;  M.  de  Lescurea  pu  éclaircir  beaucoup  de  points  obscurs 
de  sa  biographie  à  l'aide  des  papiers  et  des  souvenirs  conservés  dans 
la  famille  du  célèbre  publiciste.  On  serait  tenté  de  trouver  que  l'au- 
teur a  trop  longtemps  insisté  sur  la  société  du  temps  ;  le  chapitre  iv 
du  livre  111  :  «  Tableau  de  la  société  et  de  la  vie  intime  ou  publique 
de  Rivarol  de  (782  à  1792,  »  aurait  gagnéàètre  trèsécourlé;  ce  sont 
la  choses  connues  et  les  énumérations  y  sont  parfois  excessives.  Au 
contraire  tout  le  h'  livre  relatif  à  la  vie  de  Rivarol  pendant  l'émigra- 
Uon,  d'abord  à  Rruxelles  et  à  Londres  (1792-95),  puis  à  Hambourg 
[i  795-1 800] ,  enfin  à  Berlin,  où  il  mourut  le  1 1  avril  1 801  i,  est  du 
plus  vif  intérêt.  Rivarol  y  retrouva,  surtout  à  Berlin,  les  brillants 
succès  d'autrefois;  mais  quelle  frivolité  et  quel  vide  dans  cette  société 
de  l'émigration  î 

1.  Le  comte  }<aeph  de  Maittre,  avec  des  documenU  inédits.  Librairie  de  la 
Socièlé  bibliograpliique. 

2.  H,  de  Lescure  a  précisé  la  date  de  naiuance  de  RÎTarol,  qui  naquit  i 
Bagnols,  en  Languedoc,  le  !G  juin  1753.  Il  n'avait  donc  pas  encore  quaranle- 
Luit  ans  quand  il  mourut. 


PRINCE.  39i 

Avec  H.  Henri  MiBTi?i,  nous  entrons  en  pleine  histoirccontcmpo- 
raioe.  Dans  son  6*  volume  de  VHisloire  de  France  depuit  4789  (Jou- 
vetetC"),  il  nous  mcned'octoiirc^itjy  jusqu'aux  retentissantes  élec- 
tions de  1869.  C'est  un  récit  terre-à-lerre,  mais  exact,  des  événements 
decette  période  de  vingtans,  si  féconde  en  conséfiuences  dont  quelques- 
unes  ont  été  désastreuses  pour  notre  pajs  cl  menaçantes  pour  l'ave- 
nir européen;  c'est  preaijue  aussi  un  lémoii^nape  contemporain  ;  â  ce 
titre,  il  convient  aussi  de  citer  au  moins  V  Histoire  dei'i  ans  {i  S57-69), 
par  M.  IUbimoy  (Ucntul.  Il  n'est  pas  jusqu'à  l'ex-man'cbal  lUziiii 
qui  n'ait  tenté  l'apologie  de  sa  conduite  à  l'époque  de  nos  derniers 
revers.  —  L'Histoire  d'une  frontière  :  la  Roumanie  sur  ta  riiv  droite 
du  Danube,  par  le  prince  Georj^es  Biiescd  (Pion),  e^l  un  plaidoyer; 
l'auteur  réclame  pour  sa  pairie  limportanle  forteresse  de  Silislrie; 
nous  la  lui  souhaitons  do  tout  notre  cteur,  mais  ce  que  nous  devons 
ici  désirer  avant  tout  c'est  qu'il  nous  donne  le  plus  tùt  possible  les 
documents  diplomatiques  les  plus  importants  qu'il  a  réunis  sur  l'his- 
toire des  anciennes  principautés  danubiennes  depuis  le  traité  de  Kat- 
nardji  en  iTJi. 

Nous  terminerons  en  annonçant  le  Discours  sur  l'histoire  uniivr- 
tette  des  deux  mondes  par  til.  Augustin  IIÉtie  (Alph.  Lemerre),  mais 
non  pour  en  conseiller  la  lecture.  Publié  pour  la  première  fois  en  i  854 , 
cet  ouvrage  en  deux  volumes  appartient  à  l'école  déclamatoire  et 
CTCuse  d'après  1  N^o.  Il  n'est  cependant,  a-l-on  dit,  si  mauvais  livre 
d'où  l'on  ne  puisse  tirer  quelque  chose.  M.  Ilélie,  consul  de  France 
au  Brésil  en  1848-49,  public  sur  les  insurrections  qui  éclatèrent  alors 
dans  ce  pays  plusieurs  textes  non  entièrement  dénués  d'intérêt. 

HisToias  LOCALE.  —  M.  l'alibé  Httr,  vicaire  de  Saint-Éticnne  de 
Caen,  a  rédigé,  non  sans  érudition,  non  sans  ce  charme  qui  s'attache 
aux  choses  d'un  piissé  même  sans  grandeur,  Vllitloire  de  Condé-sur- 
Noireau,  ses  seigneurs,  ton  industrie,  etc.  \Ca.en,  Le  Blanc-llardel; 
Condé,  Morcl).  Nous  regrettons  qu'il  n'ait  pas  suivi  un  plan  plus 
méthodique  :  après  les  rapports  de  Condé  avec  ses  seigneurs,  ii  eût 
follu  tenter  au  moins  l'histoire  de  la  ville  elle-même,  de  ses  institu- 
tions municipales,  de  ses  établissements  religieux.  I'.ertaines  indica- 
tions notées  çà  et  là  prouvent  que  ces  chapitres  n'auraient  pas  été 
vides.  D'autre  part,  si  nous  sommes  bien  informés,  le  dernier  mot 
n'est  pas  dit  sur  cette  histoire  ;  mais,  en  attendant  mieux,  nous  pou- 
vons nous  contenter  de  ce  que  l'abbé  Huet  vient  de  nous  donner. 

Ce  n'est  pas  une,  c'est  douze  communes  qui  ont  leur  histoire  dans 
le  tivre  de  M.  A  tiisi  :  Les  Etablissements  de  Rouen*.  La  charte 

1.  Vkwaf.  FortM  le  53*  féK.  de  li  Bibliothèque  de  l'École  pratique  de* 


392  BULLETIN  HISTORIQUE. 

communale  ou  «  Etablissements  •  de  Rouen,  rédigée  dans  la  seconde 
partie  du  règne  de  Henri  II,  n'est  pas  particulière  à  Rouen  ;  elle  a  été 
accordée,  dans  les  premières  années  du  xiii*  s.,  à  plusieurs  autres 
villes,  presque  toutes  situées  dans  les  anciens  domaines  possédés 
par  les  rois  Plantagenets  sur  le  sol  français  *.  Ce  n^est  pas  là  d'ail- 
leurs un  fait  isolé  :  on  connaît  l'exemple  de  la  célèbre  charte  de  Lorris 
concédée  à  plusieurs  villes,  surtout  dans  l'ancien  domaine  royal  -, 
Saint-Quentin  a  envoyé  la  sienne  à  plusieurs  villes  de  la  Picardie  ; 
la  loi  de  Beaumont  a  été  reçue  dans  plusieurs  villages  de  l'Est. 
M.  Giry,  reprenant  le  plan  d'Augustin  Thierry,  qui  avait  fait  prépa- 
rer des  matériaux  considérables  pour  une  histoire  générale  des  com- 
munes françaises,  l'a  modifié  :  au  lieu  de  faire  comme  le  grand  his- 
torien, de  partager  la  France  en  un  certain  nombre  de  régions 
géographiques,  il  a  préféré  étudier  en  une  série  de  groupes  naturels 
toutes  les  villes  qui  ont  été  régies  par  la  même  loi  municipale.  Ce 
plan  aurait  l'inconvénient  d'exclure  bon  nombre  de  localités  qui  ne 
rentrent  pas  dans  ces  groupes  généraux,  si  M.  Giry  avait  entrepris 
de  faire  l'histoire  de  toutes  les  communes.  Qu'il  nous  donne  seule- 
ment l'histoire  de  ces  groupes,  et,  si  ensuite  il  lui  reste  du  loisir, 
qu'il  entreprenne  quelque  bonne  histoire  locale  comme  celle  de 
Saint-Omer. 

Le  texte  des  Établissements  ne  nous  a  pas  été  conservé  d'une  foçon 
définitive  ni  uniforme;  le  plus  court  peut  se  diviser  en  28  articles, 
mais,  dans  d'autres  rédactions,  on  en  compte  jusqu'à  55.  M.  Giry 
pense  et  s'efforce  de  prouver  qu'en  réalité  le  texte  primitif  était  aussi 
complet  que  le  plus  développé  des  textes  postérieurs,  et  que  les 
diverses  rédactions  s'expliqueraient  non  par  des  différences  réelles 
de  composition,  mais  par  des  différences  accidentelles  de  copie.  Nous 
ne  sommes  pas  convaincu  par  ces  arguments,  mais  il  n'importe 
guère  ici,  car  les  articles  ajoutés  ne  portent  pas  sur  les  points  essen- 
tiels des  Établissements. 

Ceux-ci  contiennent  trois  ordres  principaux  de  dispositions  : 
^'^  Au  point  de  vue  politique,  le  pouvoir  communal  réside  avant  tout 
dans  le  corps  des  cent  Pairs,  sorte  d'aristocratie  communale  peut- 
être  héréditaire,  qui  choisit  annuellement  les  ^2  échevins  et  les 
42  conseilleurs-jurés  de  la  commune;  le  maire  est  nommé  par  le 

1.  En  voici  la  liste  :  la  Rochelle,  avant  1199  (la  question  n'est  d'ailleurs  pas 
formellement  tranchée  de  savoir  si  les  Établissements  ont  été  portés  de  Rouen 
à  la  Rochelle,  ou  inversement)  ;  Niort,  Saint-Jean-d'Angely,  Angouléme  et  Poi- 
tiers en  1204.  Saintes  les  reçut  de  la  Rochelle  en  1199,  Oléron  en  1205,  Rayonne 
en  1215,  Tours  en  1461  ;  Ttle  de  Ré  les  reçut  d'Oiéron  en  1242,  et  Ck>gnac  de 
Niorl  en  1215, 


FRANCE.  SOS 

suzerain  sur  une  liste  de  3  membres  présentés  par  les  cent  Pairs. 
Certains  détails  varient  d*une  ville  à  Tautre,  mais  ce  sont  là  les  points 
qui  caractérisent  essentiellement  Torganisation  communale  de  Rouen 
et  de  la  Rochelle-,  puis  viennent  les  articles  relatifs  aux  privilèges 
administratifs  des  villes,  enfln  ceux  qui  composent  ce  qu'on  pourrait 
appeler  leur  code  pénal.  (iCS  deux  dernières  séries  de  dispositions, 
sans  appartenir  aussi  particulièrement  que  la  première  à  la  charte  de 
Rouen,  méritaient  cependant  d'être  étudiées  aussi  bien,  puisqu'elles 
en  font  partie  intégrante. 

Une  pareille  étude  n'était  point  aisée.  Il  fallait  d'abord  reconstituer 
le  texte  complet  des  Établissements;  c'est  ce  que  M.  Giry  a  fait  avec 
une  grande  sûreté  de  critique  et  un  plein  succès  ^  il  Ikllait  ensuite  en 
étudier  le  développement  ou  les  modiflcations  dans  chacune  des  villes 
où  ils  furent  admis.  Ces  villes  auparavant  n'étaient  pas  privées  d'ins- 
titutions municipales;  il  foUait  donc  savoir  au  juste  à  quel  régime 
elles  étaient  soumises  pour  mesurer  la  portée  des  changements  intro- 
duits par  ces  institutions  nouvelles.  Comme  on  le  voit,  ce  n'est  rien 
moins  que  l'histoire  de  douze  villes,  la  plupart  considérables  (Rouen, 
la  Rochelle,  Tours,  Baronne,  etc.),  que  M.  Giry  avait  à  débrouiller. 
La  tâche  eût  été  très  simplifiée  s'il  avait  eu  comme  point  de  départ  do 
bonnes  histoires  locales  ;  mais  ce  n'était  pas  le  cas  le  plus  ordinaire. 
Il  a  donc  dû  aller  fouiller  lui-même  les  archives  des  villes  et  refaire 
pour  ainsi  dire  leur  histoire  de  toutes  pièces.  Disons  tout  de  suite 
que,  si  ses  recherches  n'ont  pu  épuiser  la  matière  (il  en  est  tout 
le  premier  convaincu) ,  il  a  retiré  de  ses  voyages  d'exploration,  qui 
l'ont  conduit  jusqu'à  Pampelune,  une  riche  mine  de  documents,  dont 
les  plus  importants  feront  la  substance  du  second  volume  ^ 

Tous  ces  matériaux  réunis,  restait  Tart  délicat  de  les  mettre  en 
œuvre.  On  pourra  reprocher  à  Fauteur  une  grande  disproportion 
dans  les  diverses  parties  de  son  œuvre;  Tours  et  Rayonne,  par 
exemple,  ont  été  l'objet  d'études  plus  détaillées  que  Rouen  même,  et 
parfois  dans  la  masse  touffue  des  détails  on  perd  de  vue  le  véritable 
sujet,  qui  est  Thistoire  des  Établissements;  on  ne  voit  plus  assez 
nettement  le  lien  qui  rattache  les  diverses  monographies  entre  elles; 
mais  ce  défaut  est  imputable  en  grande  partie  à  l'état  même  des 
archives  locales.  Si  quelques-unes  sont  assez  pauvres  aujourd'hui, 
d'autres  au  contraire  ont  fourni  à  l'auteur  do  très  nombreux  maté- 


1.  Ce  volume  contiendra  :  t*  le  texte  des  ÊtAbliMements  de  Rouen  mus  sa 
triple  forme  en  latin,  en  fran^-ais  et  en  provençal,  avec  les  principale»  variantes 
des  diflërentes  rédactions  ;  2*  39  pièces  justificatives  provenant  de  diverses 
archives  provinciales;  3*  une  table  très  détaillée  des  matières. 

Rev.  HiSTOR.  XXII.  2«  FA8C.  *2ti 


394  BULLETIN  HISTORIQUE. 

riaux;  pouvait-il  se  refuser  la  satisfaction  d'en  faire  largement 
usage? 

En  somme  le  livre  de  M.  Giry  est  un  livre  plein  de  choses,  plein 
de  documents  ;  mais  ce  n'est  pas  tout  :  il  contient  des  idées  ; 
il  fait  penser.  Comment  se  sont  formées  les  villes  au  moyen  âge  ? 
11  le  montre  à  Paide  des  exemples  les  plus  variés;  là,  ce  sont 
d'anciennes  cités  romaines  comme  Rouen  ou  la  vieille  ville  de 
Tours  qui,  après  avoir  très  vraisemblablement  perdu  leurs  institu- 
tions romaines,  en  ont  retrouvé  d'autres  appropriées  à  un  autre 
régime-,  là,  ce  sont  des  villes  entièrement  créées  au  moyen  âge, 
comme  la  Rochelle,  dont  on  ne  trouve  pas  de  mention  avant  le  x*  s. , 
et  qui  s'est  développée  par  le  commerce  ;  d'autres  enfin  se  sont  for- 
mées à  coté  des  cités  anciennes,  comme  Châteauneuf,  aux  portes  de 
Tours,  s'est  établie  autour  du  sanctuaire  vénéré  de  Saint-Martin.  Le 
développement  de  ces  villes,  si  diverses  d'origine,  mais  soumises  aux 
mêmes  conditions  sociales,  n'est  pas  un  des  faits  les  moins  instruc- 
tifs de  l'histoire  du  moyen  âge,  et,  ainsi  qu'autrefois  à  Saint-Omer, 
M.  Giry  nous  fait  aujourd'hui  assister  à  ce  spectacle.  Asservies 
d'abord  à  leurs  seigneurs  laïques  ou  ecclésiastiques,  elles  s'affran- 
chissent peu  à  peu  :  soit  par  la  force,  soit  par  voie  d'achat,  soit  par 
suite  d'opportunes  concessions,  comme  celles  de  Jean  Sans-Terre 
et  de  Philippe-Auguste,  elles  prennent  leur  place  dans  la  hiérarchie 
féodale-,  elles  deviennent  des  seigneuries  aux  droits  plus  ou  moins 
étendus.  Cette  transformation,  M.  Giry  la  montre  bien  dans  les  faits, 
il  n'y  a  peut-être  pas  assez  insisté  dans  la  conclusion.  Une  fois  en 
possession  de  leur  autonomie,  fort  limitée,  d'ailleurs,  que  deviennent 
ces  villes?  Cette  aristocratie  bourgeoise  qui  les  gouverne  sera-t-elle 
moins  tracassière,  plus  douce  au  pauvre  monde  que  l'aristocratie 
ecclésiastique  ou  militaire  qu'elle  a  remplacée  ?  Non,  répond  M.  Giry, 
et  il  le  prouve.  Quels  sont  enfin  leurs  rapports  avec  la  royauté?  La 
politique  constante  de  nos  rois  a  été  de  s'appuyer  sur  le  tiers  état; 
ont-ils  été  les  protecteurs  des  communes?  Nullement  :  du  moment 
qu'elles  font  partie  de  la  hiérarchie  féodale,  la  royauté  poursuit 
leurs  pouvoirs,  comme  ceux  de  la  féodalité.  Après  avoir  été  pour 
les  rois  un  point  d'appui,  elles  deviennent  un  obstacle  à  leur 
autorité  qui  tend  de  plus  en  plus,  surtout  à  partir  du  xi^  siècle, 
à  devenir  absolue  ;  les  villes  devaient  donc  perdre  leurs  privilèges 
comme  la  noblesse  les  siens.  C'est  ce  que  dit  très  bien  M.  Giry 
(p.  441)  :  «  Le  grand  ennemi  des  communes  fut  le  même  que  celui 
de  la  féodalité  :  le  pouvoir  royal.  Parfois,  les  rois  surent  opposer 
ces  deux  forces  Tune  à  l'autre,  le  plus  souvent  ils  les  attaquèrent 
ensemble.  »  Ces  deux  ennemis  du  pouvoir  absolu  succombèrent  en 


ANGLBTEE&E.  395 

même  temps;  la  Fronde  esl  la  dernière  tentative  de  la  noblesse  pour 
reprendre  quelque  autorité  dans  l'État  :  vingt  ans  auparavant  avait 
été  ruinée  la  dernière  des  communes,  la  Rochelle.  L'ouvrage  de 
M.  Giry  est,  on  le  voit,  une  livre  d'une  haute  valeur,  et  qui  tiendra 
un  rang  éminent  dans  cette  collection  si  justement  estimée  que  Ton 
doit  à  l'École  des  hautes  études. 

Ch.  BÉMOifr. 


ANGLETERRE. 


PUBLICATIONS  RBLATIVES   A    l'hISTOIRE  MODERNE. 


Deux  nouveaux  volumes  viennent  de  s'ajouter  à  la  volumineuse 
collection  des  Calendars  of  State  papers*.  Le  plus  ancien  contient 
une  analyse  des  papiers  d'État  relatifs  aux  neuf  mois  qui  s'étendent 
de  sept.  4640  à  mai  4644.  Le  premier  événement  rapporté  est  l'entrée 
de  l'armée  écossaise  à  Newcastle,  après  sa  victoire  à  Newburn.  Cet 
événement  montra  que  l'armée  anglaise  ne  pourrait  pas,  parce  que 
la  nation  anglaise  ne  voudrait  pas,  résister  avantageusement  aux 
Écossais  ;  le  roi  fut  donc  obligé  de  traiter  avec  ses  sujets.  Les  chefs 
écossais  connaissaient  très  bien  leurs  avantages.  Avaient-ils  ou  non 
entamé  déjà  des  négociations  avec  les  chefs  du  parti  national  en 
Angleterre?  C'est  une  question  qui  a  été  souvent  disculée,  et  sur 
laquelle  le  présent  volume  ne  jette  pas  une  lumière  nouvelle.  Mais, 
comme  M.  Hamilton  le  fait  remarquer  avec  beaucoup  de  sens,  ils  con- 
naissaient assez  bien  l'état  des  affaires  en  Angleterre  pour  se  décider 
à  envahir  le  pays.  Le  roi  sans  parlement  était  sans  appui  ;  le  parle- 
ment, lorsqu'il  serait  convoqué,  devait  naturellement  faire  cause  com- 
mune avec  eux.  On  comprenait  en  Angleterre  que  le  temps  était 
passé  où  le  roi  était  à  craindre  ;  un  fait  relevé  par  l'éditeur  du  volume 
le  montre  clairement  :  le  jour  même  de  la  défaite  de  Newburn  fut 
signée  à  Londres  la  célèbre  pétition  des  douze  pairs  de  l'opposition 
invitant  le  roi  à  convoquer  un  parlement,  et  cette  pétition,  au  lieu 
d'être  tenue  cachée  au  Conseil  jusqu'à  ce  qu'elle  pût  être  présentée 
au  roi  à  York,  fut  portée  par  les  comtes  d'Hertford  et  de  Bedford, 
deux  des  signataires,  au  Conseil,  «  exprimant  le  vœu  qu'il  se  joignit 


1.  Calendars  of  State  paper$,damesUe  séries,  1640-41;  édit.  by  W.-D.  Iltinil- 
ton.  Collection  du  Maître  des  RiMe». 


d96  BULLETIN  HISTORIQUE. 

à  eux  et  protestant  qu'ils  se  lavaient  les  mains  des  malheurs  qui 
arriveraient  si  leurs  seigneuries  ne  se  joignaient  pas  à  eux.  »  Une 
pétition  semblable  fiit  préparée  dans  la  cité  de  Londres  ;  elle  expo- 
sait dans  un  très  fort  langage  la  nature  des  griefs  dont  la  nation  se 
plaignait.  Le  Conseil  essaya  vainement  d'arrêter  cette  pétition,  qu'il 
appelait  «  honteuse  et  déraisonnable  »  ;  certaines  personnes  furent 
effrayées  par  ses  menaces,  mais  plus  de  dix  mille  signatures  furent 
mises  au  bas  de  la  pièce  qui  fut  présentée  au  roi  à  York.  Charles 
avait  la  conscience  de  sa  défaite,  mais  il  ne  savait  regarder  les  évé- 
nements en  face  :  il  recourut  au  vieil  expédient  d'appeler  auprès  de 
lui  à  York  les  pairs  seulement.  Cet  expédient  aurait  sufQ  trois  cents 
ans  plus  tôt,  lorsque  les  pairs  n'étaient  pas  seulement  les  chefs  natu- 
rels du  pays,  mais  en  réalité  leurs  seuls  chefs  ;  mais  des  précédents 
puisés  dans  le  règne  d'Edouard  III  étaient  sans  force  dans  des  cir- 
constances aussi  différentes,  et,  avant  même  que  le  Conseil  des  pairs 
se  fut  assemblé,  le  roi  avait  été  obligé  de  céder  à  Tavis  des  plus  pers- 
picaces de  ses  conseillers,  et  d'ordonner  la  convocation  d'un  parle- 
ment. Aussi  les  pairs,  lorsqu'ils  s'assemblèrent,  furent  accueillis 
avec  la  nouvelle  que  le  parlement  se  réunirait  le  3  nov.,  et  ils  n'eurent 
qu'à  négocier  avec  les  Écossais  pour  établir  un  modus  vivendi  pen- 
dant l'intervalle. 

On  ne  pouvait  s'attendre  à  ce  que  les  papiers  d'État  jetassent  une 
nouvelle  lumière  sur  les  actes  du  Long  Parlement  ;  il  n'y  a  pas  aux 
archives  de  résumés  des  débats,  bien  qu'il  s'y  trouve  plus  d'un  exem- 
plaire des  discours  prononcés  par  le  roi.  Ces  derniers,  et  beaucoup 
d'autres  documents,  ont  été  publiés  il  y  a  longtemps  dans  les  collec- 
tions de  Rushworth  et  autres,  et,  bien  qu'on  puisse  découvrir  quelques 
rectifications  de  détail  dans  le  texte  qu'en  donne  M.  Hamilton,  il  n'y 
a  pas  de  conséquence  importante  à  tirer  de  ces  différences.  Il  y  a  fort 
peu  de  chose  sur  les  faits  qui  amenèrent  la  disgrâce  et  le  procès  des 
ministres  de  la  couronne.  II  n'est  pas  douteux  que  le  parlement  et  la 
nation  ne  fussent  résolus  à  les  déclarer  responsables  de  tout  le  mau- 
vais gouvernement  passé  et  à  les  punir  en  conséquence,  que  l'accu- 
sation de  trahison  pût  être  formellement  établie  on  non  contre  eux  ; 
mais  il  faut  se  rappeler  qu'à  moins  de  tenir  les  ministres  pour  res- 
ponsables il  n'y  avait  d'autre  issue  que  de  faire  retomber  toutes  les 
fautes  sur  le  roi,  et,  pour  en  arriver  là,  le  temps  n'était  pas  encore 
mûr.  Sans  doute  en  réalité  le  roi  était  responsable,  et  en  moins  de 
deux  ans  le  parlement  s'efforça  par  la  force  des  armes  d'enlever  au 
roi  les  pouvoirs  qui  le  rendaient  le  plus  capable  de  faire  le  mal  ;  mais, 
en  >I640,  la  «  divinité  qui  entoure  un  roi  »  n'était  pas  encore  abattue  ; 
même  les  esprits  les  plus  hardis  dans  le  parlemenl  traitaient  encore 


AlfGLBTBEEE.  397 

sa  personne  et  son  pouvoir  avec  un  respect  sincère,  et,  s'ils  avaient 
essayé  de  faire  autrement,  ils  n'auraient  pas  trouvé  la  nation  disposée 
à  les  soutenir.  Il  ne  parait  pas  juste  de  punir  les  agents  et  de  laisser 
à  leur  roaitre  Timpunilé  ;  c'est,  à  ce  qu'il  semble,  dégrader  la  royauté 
que  de  traiter  un  roi  comme  un  simple  figurant,  comme  un  être 
irresponsable  ;  mais,  à  moins  de  laisser  continuer  le  mauvais  gou- 
vernement, il  n'y  avait  pas  d'autre  issue  que  la  révolte,  et  il  était 
tout  à  fait  légitime  d'essayer  d'empêcher  la  guerre  civile.  La  vraie 
moralité  à  tirer  de  ces  faits  est  celle  que  l'Angleterre  moderne  a  mise 
en  pratique  :  dans  un  système  constitutionnel  les  ministres  doivent, 
et  diriger  la  politique  gouvernementale,  et  être  responsables  de  leurs 
actes  par  devant  la  nation  ;  le  roi,  s'il  y  en  a  un,  .et  s'il  ne  possède 
pas  avec  tous  les  pouvoirs  l'entière  responsabilité  du  gouvernement, 
doit  laisser  les  ministres  agir  à  leur  guise.  —  Voilà  à  peu  près  tout 
ce  qu'il  y  a  d'intéressant  dans  ce  volume  :  les  lettres  particulières  ne 
sont  ni  nombreuses  ni  amusantes^  elles  renferment  peu  de  détails  sur 
des  sujets  littéraires.  Le  moment  était  trop  sérieux,  la  marche  des 
événements  politiques  était  trop  rapide  et  trop  absorbante  pour  que 
les  gens  pensassent  à  autre  chose,  autant  du  moins  qu'on  peut  eu 
juger  par  les  papiers  qui  sont  entrés  aux  archives  de  l'Ëtat. 

Le  second  volume  des  Calendars  publié  en  4882  se  rapporte  à 
8  mois  du  Protectorat,  de  nov.  4655  à  juin  4656^  Ce  n'est  pas  une 
période  où  se  soient  produits  des  événements  d'un  intérêt  général.  La 
Jamaïque  venait  d'être  prise,  et  Gromwell  avait  engagé  des  pourparlers 
en  vue  d'une  entente  avec  la  France  contre  l'Espagne  avant  nov.  4655; 
son  premier  parlement  avait  été  dissous  en  janv.  4655,  et  le  second 
ne  fût  pas  réuni  avant  sept.  4656.  Les  faits  importants  de  la  guerre, 
la  capture  des  galions  espagnols,  l'alliance  formelle  avec  la  France 
et  la  bataille  des  Dunes  sont  postérieurs  ;  c'est  même  tout  au  plus  si, 
durant  ces  8  mois,  l'Angleterre  et  l'Espagne  furent  effectivement  en 
guerre.  Sans  doute  l'Espagne  hésitait  réellement  ;  selon  le  dire  d'un 
royaliste  anglais  exilé,  Philippe  IV  espérait  voir  Cromwell  renversé 
par  les  Niveleurs,  et  pouvoir  ainsi  faire  aisément  la  paix  avec  la 
République.  S'il  est  vrai  qu'il  ne  faut  pas  croire  les  exilés  sur  parole, 
le  secrétaire  Nicholas  n'en  était  pas  moins  très  au  courant  des  efforts 
tentés  par  Charles  H  pour  décider  l'Espagne  à  épouser  sa  cause  et  du 
firoid  accueil  que  reçurent  ses  propositions  ;  et  l'explication  est  au 
moins  plausible.  A  mesure  que  Thiver  tirait  à  sa  fln,  il  devint  évi- 
dent que  les  chances  de  paix  s'évanouissaient.  Cromwell  ne  voulait 

1 .  Calendar  of  State  papers,  domesiic  serUi  1655-56  ;  edit  by  M.  A.  E.  Green. 
CoUection  du  iniltre*de«  RAIet. 


400  BULLETIN  HISTOUQUB. 

nage  aussi  discuté  qu'Olivier  Cromwell.  Son  nom  seul  a  depuis  deux 
siècles  fourni  matière  à  de  véhémentes  controverses,  et  cela  de  la 
part  de  gens  qui  savaient  peu  de  chose  ou  ne  savaient  rien  sur  son 
compte.  Dans  ces  dernières  années,  son  histoire  a  été  étudiée  avec 
une  minutie  qui  ne  laisse  pas  sans  doute  de  faits  nouveaux  à  décou- 
vrir. M.  Picton  n'ajoute  en  effet  rien  à  ce  qu'on  savait  déjà  ;  et  il  le 
déclare  par  avance.  Pourquoi  donc,  demandera-t-on,  essayer  une 
nouvelle  biographie  si  l'on  ne  possède  pas  ce  rare  génie  de  Técrivain 
qui  sait  faire  revivre  la  physionomie  d'un  homme  du  passé,  et  l'im- 
poser au  souvenir  de  tous  les  lecteurs  et  de  tous  les  temps  ?  Il  n'est 
peut-être  pas  facile  de  répondre  à  cette  question,  et  cependant  tous 
ceux  qui  respectent  profondément  le  souvenir  de  Cromwell  feront 
bon  accueil  au  présent  livre,  car  sa  réputation  a  commencé  à 
souffrir  d'une  nouvelle  série  de  causes.  Après  avoir  été  vilipendé 
pendant  si  longtemps  par  des  écrivains  qui  adoraient  Charles  P' 
comme  un  martyr,  et  ne  voyaient  dans  son  grand  ennemi  qu'un 
usurpateur  sans  principes,  un  monstre  d'hypocrisie  et  de  fanatisme, 
Cromwell  flit  presque  tout  à  coup  exalté  comme  un  héros  par  le 
génie  de  Carlyle  ;  malheureusement  l'admiration  de  Carlyle  pour  les 
caractères  forts  le  conduisit  à  juger  excellents  des  actes  qu'une 
moralité  moins  transcendantale  eût  condamnés  ou  du  moins  cherché 
à  excuser,  en  alléguant  les  circonstances  exceptionnelles  où  il  se 
trouvait  ;  aussi  l'éclat  dont  il  avait  entouré  Cromwell  ne  tarda-t-il 
pas  à  s^affaiblir.  Des  lecteurs  identifièrent  d'une  façon  plus  ou  moins 
inconsciente  Cromwell  avec  son  biographe,  et  admirent  que  sa  force 
de  conception  le  rendit  sans  pitié  pour  les  autres  et  résolu  à  briser 
tout  obstacle  qu'il  rencontrerait  sur  son  chemin.  Le  sentimentalisme 
moderne  reprocha  à  Cromwell  d'avoir  fait  mettre  à  mort  la  garnison 
de  Drogheda,  non  parce  qu'on  ne  croyait  pas  avec  lui  qu'un  ou  deux 
exemples  pareils  de  sévérité  fussent  nécessaires,  mais  parce  que  Car- 
lyle qualifiait  le  massacre  de  grand  et  d'héroïque.  De  même  la  tolé- 
rance moderne  fit  un  crime  à  Cromwell  d'avoir  contribué  à  renverser 
l'église  anglicane  et  d'avoir ,  pendant  la  durée  du  Protectorat,  refusé 
d'autoriser  la  célébration  publique  de  ce  culte,  non  parce  qu'elle 
avait  pesé  et  trouvé  insuffisante  la  vraie  justification  du  Protecteur, 
à  savoir  qu'étant  données  les  circonstances,  il  était  impossible  d'être 
entièrement  tolérant,  mais  parce  qu'elle  réprouvait  une  justification 
théorique  de  l'intolérance  que  Cromwell  aurait  été  le  premier  à  répu- 
dier. De  même  aussi  la  haine  que  les  modernes  professent  pour  la 
guerre,  la  tendance  moderne  qui  pousse  à  considérer  comme  une  loi 
de  nature  que  les  questions  litigieuses  soient  réglées  par  l'opinion 
d'une  majorité  ;  l'idée  qu  on  se  fait  aujourd'hui  de  la  religion^  consi- 


A?ftiLBTEBB£.  390 

pour  qu'il  se  contentât  de  réprimer  les  hostilités  eiïectives,  même  en 
ayant  entre  les  mains  les  informations  admirablement  complètes  et 
sûres  ((ue  lui  procurait  son  gouvernement  sur  les  desseins  de  ses 
ennemis. 

11  y  a  dans  ce  volume  un  grand  nombre  de  lettres  :idressécs  à 
Williamson,  plus  tard  secrétaire  de  (Charles  H,  et  c'est  sans  doute 
à  ce  titre  que  sa  cx)rrespondance  se  trouve  aujourd'hui  aux  Archives 
nationales.  Beaucoup  d'entre  elles  viennent  d'amis  qu'il  avait  à 
Oxford,  université  à  la(]uclle  il  avait  lui-même  appartenu  ;  mais  la 
plu[Kirt  ne  présentent  fias  d'intérêt,  en  dehors  de  la  mention  qui  s'y 
trouve  çà  et  là  de  personnages  connus  d^ailleurs.  Il  y  a  aussi  un 
nombre  considérable  de  {tétitions  envoyées  par  des  clergymen  qui 
avaient  été  privés  de  leurs  l)énéfices,  puis  emjMîchés  de  servir  chez 
des  particuliers  en  qualité  de  chapelains  ou  de  précepteurs  ;  et  il 
semble,  à  lire  les  réponses  faites  à  ces  pétitions,  que  cette  mesure 
ait  été  appli(]uée  avec  une  douceur  relative.  Le  gouvernement  était 
sans  doute  résolu  à  employer  tous  les  moyens  en  son  pouvoir 
pour  faire  taire  les  agents  royalistes  ardents  qui  se  trouvaient  dans 
le  clergé,  et,  en  leur  coupant  les  vivres  en  Angleterre,  les  obliger  à 
quitter  le  pays  -,  mais  il  |)ermeltait  à  ceux  qui  ne  s'occu|>aient  [kls  de 
politi(iuo  de  continuer  leurs  fonctions.  Nous  trouvons  aussi  dans  ce 
volume  une  série  de  documents  relatifs  à  la  requête  des  Juifs  deman- 
dant l'autorisation  de  vivre  et  de  faire  le  commerce  librement  en 
Angleterre,  et  Tabolition  des  lois  qui  les  proscrivaient.  Gromwell, 
fidèle  à  ses  principes,  leur  était  favorable,  mais  le  sentiment  général 
en  Angleterre  était  si  fort  cmxim  eux  qu'on  ne  fit  rien  ;  en  fait  cepen- 
dant leur  séjour  dans  le  pays  ne  fut  i>as  troublé. 

M.  J.-A.  PicTON  •  a  écrit  une  nouvelle  biographie  de  Oorowell  qui, 
sans  prétendre  apporter  le  fruit  de  recherches  originales,  n'en  est 
pas  moins  le  résultit  d'une  étude  patiente  de  tous  les  documents 
publiés.  L'admiration  de  lauteur  iK)ur  son  héros  est  aussi  complète 
que  C4»lle  de  (jarlyle  -,  mais,  comme  il  ne  partage  jws  toutes  les  <loc- 
trines  iN)liti(]ues  de  (iarlyle,  il  ne  déi)are  pas  son  ouvrage  en  y  intro- 
duisant Umt  de  rétlexions  discuUibles  sur  ki  politique.  l)\iuti'e  part, 
l'histoire  de  (îromwell  appelle  l'attention  sur  tant  de  problèmes  qui 
sont  encore  aujourd'hui  l'objet  d'une  ardente  controverse,  que  son 
bi(»graphe  pouvait  diflicilement  résister  à  la  tentation  d'exprimer  son 
opinion  sur  la  politi<|ue  courante.  H  n'est  i>as  vraisemblable  qu'on 
ait  beaucoup  de  choses  nouvelles  à  dire  sur  le  caractère  d'un  person- 


1.  Oliver  Cromweil,  the  man  and  Hés  mission,  by  J.-A.  Picton.  Londres, 
Ca66el  et  C*. 


402  BULLETIN  HISTORIQUE. 

l'acte  d'Habeas  corpus^  il  eût  peut-être  réussi,  car  il  avait  des  facili- 
tés exceptionnelles  pour  influencer  le  Parlement;  mais  comme  il 
mena  de  front  l'attaque  contre  les  convictions  religieuses  et  contre 
les  droits  politiques  de  la  grande  masse  de  ses  sujets,  sa  chute 
devint  inévitable.  Cependant  Jacques  II  avait  presque  la  même 
facilité  que  son  père  à  se  faire  illusion;  il  était  incapable  de 
comprendre  quelle  résistance  sérieuse  pouvait  être  opposée  à 
ses  désirs  formellement  exprimés.  Aussi,  lorsqu'en  4687  ses 
conseillers  lui  dirent  qu'il  fallait  au  plus  tôt  réunir  un  Parlement, 
il  se  mit  à  Tœuvre  pour  faire  connaître  sa  volonté,  en  envoyant  à 
tous  les  magistrats  en  Angleterre  une  circulaire  où  il  priait  chacun 
d'eux  de  répondre  à  ces  trois  points  :  S'il  était  élu,  voterait-il  Tabro- 
gation  du  jTest  Act?  Travaillerait-il  à  l'élection  de  candidats  favo- 
rables à  cette  abrogation  ?  Appuierait-il  la  déclaration  royale  d'Indul- 
gence en  vivant  amicalement  avec  des  gens  de  toutes  les  croyances  ? 
Sir  G.  Ducketta  publié,  d'après  les  originaux  conservés  à  la  Bodléienne, 
les  réponses  envoyées  par  les  magistrats  de  22,  sur  les  40  comtés  de 
l'Angleterre,  et  toutes  celles  qui  furent  envoyées  du  pays  de  Galles  ; 
il  y  a  ajouté,  sur  les  personnes  nommées  dans  ces  pièces,  des  détails 
qui  présentent  un  intérêt  plutôt  local  que  général.  On  a  dit  souvent 
qu'un  modèle  de  réponse  avait  été  rédigé  et  répandu  par  d'astucieux 
adversaires  des  plans  du  roi  ;  mais  une  lecture  rapide  de  ces  réponses 
prouve  que,  si  cette  opinion  est  vraie  au  fond,  il  ne  faut  pas  la 
prendre  au  pied  de  la  lettre.  Elles  sont  pour  la  plupart  dictées 
par  la  prudence  :  on  s'abstient  d'offenser  le  roi  par  un  refus  positif, 
mais  on  réserve  sa  liberté  d'action  jusqu'à  la  réunion  du  Parle- 
ment ;  en  outre  elles  varient  trop  dans  la  forme  pour  avoir  été,  sauf 
peut-être  dans  un  ou  deux  comtés,  faites  d'après  un  modèle  uniforme. 
Il  est  clair  aussi  que  les  personnes  interrogées  saisirent  toutes  les 
excuses  possibles  pour  ne  pas  donner  de  réponse  du  tout.  Ce  volume 
contient  encore  de  curieux  documents  relatifs  au  même  sujet  :  rap- 
ports confldenliels  adressés  par  des  agents  royaux  qu'on  avait  envoyés 
dans  diflerentes  localités,  soit  pour  peser  sur  les  élections,  soit  pour 
donner  des  avis  sur  l'opinion  des  électeurs  ;  instructions  secrètes 
données  à  ces  agents  ;  listes  de  candidats  à  certaines  charges,  qu'on 
pensait  disposés  à  favoriser  les  plans  du  roi,  etc.  Des  documents  ori- 
ginaux sont  toujours  bien  accueillis  ;  on  ne  peut  dire  cependant  que 
ceux  du  présent  volume  soient  de  nature  à  modifier  les  opinions 
reçues.  Tout  tend  à  prouver  que  la  résistance  passive  aux  proposi- 
tions de  Jacques  If  était  universelle,  qu'il  n'y  avait  dès  le  début  aucun 
espoir  de  réussir  à  renverser  la  religion  et  la  constitution  politique 
de  l'Angleterre.  S'il  faut  s'étonner  d'une  chose,  ce  n'est  pas  que  la 


ANGLETERRE.  403 

nation  ait  fini  par  perdre  patience  et  chassé  Jacques  par  la  force  des 
armes,  mais  qu'il  n^ait  eu  lui-même  aucune  crainte  d'un  pareil 
dénouement. 

On  s'intéresse  aujourd'hui  de  plus  en  plus,  et  non  sans  raison, 
aux  aspects  de  la  vie  sociale  des  peuples  ;  on  comprend  non  seule- 
ment que  les  grands  hommes  sont  en  somme  le  résultat  et  non  la 
cause  du  milieu  où  ils  vivent,  mais  aussi  que  les  guerres  et  les  trai- 
tés, les  mariages  royaux  et  les  débats  parlementaires  constituent 
seulement  une  partie  de  Thistoire  ;  aussi  les  historiens  qui  s'attachent 
à  peindre  la  vie  sociale  d'un  peuple,  si  peu  que  leurs  livres  soient 
historiques  au  sens  étroit  du  mot,  n'en  contribuent  pas  moins  au 
progrès  de  l'histoire.  A  cette  classe  appartient  M.  Ashtoiv  qui  a 
récemment  publié  un  livre  sur  la  vie  sociale  à  l'époque  de  la  reine 
Anne^  ;  il  est  même,  à  certains  égards,  le  type  de  ces  historiens.  Il 
a  étudié  avec  un  grand  soin  les  journaux ,  les  mémoires  et  autres 
écrits  de  l'époque,  et  il  en  a  extrait  des  informations  sur  chaque 
département  de  la  vie  sociale,  l'art  et  la  science,  tout  comme  sur  les 
mœurs  journalières  de  la  société  polie  ou  de  la  basse  classe.  Le  zèle 
de  l'auteur  est  indéniable,  le  soin  avec  lequel  il  a  étudié  le  sujet, 
autant  que  nous  avons  pu  le  vérifier,  ne  l'est  pas  moins.  Le  tableau 
est  peut-être  peint  de  trop  sombres  couleurs,  mais  il  est  difficile  de 
rappeler  les  brutalités  de  l'époque  sans  produire  une  impression  plus 
forte  que  juste,  parce  qu'il  y  a  comparativement  peu  à  dire  sur  la 
grande  masse  d'un  peuple  paisible  vivant  de  la  vie  de  famille.  Ce 
défaut  était  cependant  inévitable  ^  le  livre  de  M.  Ashton  ne  pouvait 
pas  non  plus  échapper  à  cette  objection  qu'il  est  plutôt  une  réunion 
(le  matériaux  qu'un  livre.  L'auteur  a  préféré,  et  il  a  eu  raison,  don- 
ner à  ses  lecteurs  le  plus  grand  nombre  possible  d'informations,  et 
les  laisser  ensuite  se  faire  eux-mêmes  une  idée  de  la  vie  du  peuple  à 
l'époque  de  la  reine  Anne-,  ce  ne  sera  pas  sa  faute  s'ils  s'en  font  une 
idée  inexacte  et  fausse. 

La  seconde  partie  de  l'Histoire  de  l'Angleterre  au  xtiii*  s.  par 
M.  Lecky'  est  le  plus  important  des  travaux  historiques  qui  aient 
paru  en  Angleterre  pendant  l'année  dernière.  Elle  est  consacrée  à  la 
première  partie  du  règne  de  Georges  111  ;  l'auteur  y  expose  les  luttes 
politiques  qui  éclatèrent  au  début  du  règne,  et  qui  se  terminèrent 
par  le  triomphe  des  tories,  ou  plutôt  du  roi  -,  les  mesures  qui  provo- 


1.  Social  lift  in  ihe  reign  of  Qtuen  Anne,  taken  from  original  iourcet. 
Londres,  Chatto  et  Windus. 

2.  A  historg  of  England  in  ihe  eighteenth  eenturg.  Vol.  III  et  IV.  Loodres, 
Longmins. 


404  BULLimif  HISTORIQUE. 

quèrenl  la  guerre  avec  TAmérique,  et  les  événements  qui  aussitôt 
après  amenèrent  Pitt  aux  affaires  ;  enfin  les  affaires  d'Irlande,  jus- 
qu^à  la  concession  d'un  parlement  irlandais  séparé.  Les  lecteurs 
familiers  avec  les  précédents  volumes  de  M.  Lecky  ne  trouveront 
dans  ceux-ci  rien  qui  les  surprenne  :  Tauteur  écrit,  on  ne  peut  pas 
dire  avec  impartialité,  mais  plutôt  comme  un  homme  qui  n'aurait 
aucun  intérêt  aux  choses  qu'il  raconté,  et  qui  les  voit  du  dehors. 
G^est  là  ce  qui  donne  au  livre  sa  valeur,  car  on  ne  peut  s'attendre  à 
le  voir  jeter  une  lumière  nouvelle  sur  une  époque  si  bien  connue, 
éclairée  par  de  si  riches  mémoires.  Mais  tous  les  écrivains  ne  soAt  pas 
en  état  de  se  dégager  des  préjugés  de  parti  ;  et,  lorsqu'ils  tiennent 
pour  fondamentalement  vraies  les  théories  modernes  sur  la  situation 
du  roi,  chef  titulaire,  peut-être  même  guide  de  son  peuple,  mais  sans 
le  gouverner,  et  sur  le  droit  que  Ton  reconnaît  aux  peuples  de  choisir 
leur  propre  gouvernement,  ils  ne  peuvent  pas  tous  saisir  la  force  des 
arguments  élevés  contre  les  réclamations  des  Américains  en  faveur 
de  leur  indépendance,  ni  les  raisons  qui  persuadèrent  également  le 
roi  et  la  nation  de  les  repousser. 

L'intérêt  de  la  première  partie  de  ces  volumes  se  trouve  entière- 
ment dans  les  choses  du  passé.  Il  est  désormais  impossible  qu'il 
existe  en  Angleterre  un  état  de  choses  semblable  à  celui  qui  s'était 
établi  avant  l'avènement  de  Georges  III,  après  que  le  gouvernement 
eût  été  pendant  longtemps  aux  mains  de  l'aristocratie  whig,  si  long- 
temps qu'elle  s'était  brisée  en  factions  que  séparaient  seulement  des 
rivalités  de  personnes  ou  de  familles.  La  Chambre  des  Communes, 
qui  paraissait  dominer  dans  l'État  en  souveraine  et  représenter  la 
nation  entière,  s'était  dégradée  en  une  assemblée  de  députés  nommés 
par  les  grands  propriétaires  fonciers  ;  la  plupart  d'entre  eux  étaient 
corrompus;  de  ceux-là  seuls  on  pouvait  espérer  quelque  indépen- 
dance qui,  ayant  des  opinions  bien  arrêtées,  et  personnellement 
incorruptibles,  représentaient  un  bourg  qui  leur  appartenait.  Il  nous 
faut  aujourd'hui  faire  un  effort  d'imagination,  même  pour  con- 
cevoir un  pareil  état  de  choses.  Plus  d'un  pense  que  nous  sommes 
allés  trop  loin  dans  la  direction  contraire,  que  nos  hommes  d'État 
sont  trop,  et  non  trop  peu  contrôlés  par  l'action  directe  de  l'opinion 
publique.  D'autres  iraient  plus  loin  encore  :  ils  supportent  avec 
impatience  qu'on  se  livre  dans  le  Parlement  à  une  discussion  en 
règle  sur  des  questions  où,  à  ce  qu'ils  croient,  l'opinion  du  pays  est 
faite.  Mais,  que  l'avenir  doive  ou  non  amener  une  réaction  dans  le 
sens  d'une  plus  grande  indépendance  de  nos  hommes  d'État  ou  d'une 
plus  grande  influence  de  la  couronne,  rien  assurément  ne  ramènera 
l'ignorance  et  l'indifférence  pour  les  affaires  pubhques,  si  profondes 


INGLETERRB.  405 

il  y  a  un  siècle.  Les  chemins  de  fer  et  les  télégraphes,  les  journaux 
et  la  poste  à  bon  marché  ont  enfln  rendu  impossible  que  la  nation 
restât  dans  Tignorance  de  ses  propres  affaires.  La  politique  peut 
continuer  ou  cesser  d'être  une  carrière  où  Thonnéteté  individuelle 
est  générale,  où  les  hommes  d'État,  bien  qu'infatués  de  leur  rôle, 
bien  qu'égarés  des  passions  de  parti,  croient  sincèrement  qu'ils 
cherchent  à  faire  le  bien  du  pays  ;  les  hommes  d'État  anglais  conti- 
nueront ou  cesseront  de  mettre  leur  honneur  à  ne  pas  chercher  leur 
intérêt  particulier  dans  les  affaires  publiques  ;  mais  les  jours  des 
«  amis  du  roi  »,  qui  donnèrent  à  Georges  UI  un  pouvoir  presque 
despotique,  sont  passés  à  tout  jamais. 

L'intérêt  de  la  guerre  américaine  est  de  plusieurs  sortes  :  en  ce 
qui  concerne  la  conduite  ou  la  capacité  de  ceux  qui  en  portent  la 
principale  responsabilité,  cet  intérêt  est  tout  entier  conflné  dans  le 
passé;  sur  ce  point  M.  Leclcy  ne  nous  apprend  rien  de  bien  nouveau 
et  ne  modifle  pas  notre  opinion.  Il  insiste  fortement  sur  la  responsa- 
bilité personnelle  de  Georges  III,  et  il  n'hésite  pas  à  flétrir  comme 
un  crime  la  conduite  du  roi  en  4778,  lorsqu'il  trompa  le  sentiment 
public  en  refusant  de  rappeler  Chatham  au  pouvoir  ;  il  montre  que 
Georges  III  n'agit  pas  envers  l'Amérique  par  une  raison  de  principe, 
mais  uniquement  en  vue  de  maintenir  sa  suprématie.  La  guerre  était 
mal  conduite  ;  Chatham  avait  montré  qu'il  avait  toutes  les  (|ualités  de 
diplomate  et  d'administrateur  nécessaires  pour  diriger  une  grande 
guerre  ;  il  était  décidé  à  ne  pas  accorder  aux  colonies  leur  indépen- 
dance; mais  Chatham,  ou  même  Rockingham,  aurait  voulu  diriger 
le  gouvernement,  dont  il  était  responsable,  tandis  que  Georges  III 
était  résolu  à  garder  le  contrôle  souverain  sur  toute  chose,  en 
employant  des  ministres  nominalement  responsables,  mais  en  réalité 
fldèles  serviteurs  des  désirs  du  souverain.  Quant  à  lord  Nortli, 
M.  Lecky  est  en  général  plus  favorable  que  la  plupart  des  historiens 
à  ce  ministre  trop  maltraité.  Mais  l'importance  réelle  et  permanente 
du  débat  engagé  entre  l'Angleterre  et  PAmérique  repose  sur  un  prin- 
cipe :  quelle  devait  être  la  condition  politique  de  citoyens  qui  avaient 
quitté  leur  pays  natal  et  qui  avaient  formé  une  colonie  lointaine  ? 
Est-il  juste  en  théorie,  est-il  possible  dans  la  pratique  qu'ils  dussent 
rester  à  tous  égards  citoyens  de  la  mère-patrie,  représentés  dans 
l'Assemblée  nationale?  L'Angleterre,  instruite  par  l'expérience  de  la 
guerre  américaine,  a  concédé  à  ses  colonies,  quand  elles  le  désirèrent, 
le  droit  de  se  gouverner  elles-mêmes,  se  réservant  seulement  le  droit 
de  nommer  le  gouverneur,  qui  n'est  guère  que  pour  la  forme  le  chef 
de  la  conununauté,  et  elle  n'a  pas  cherché  à  imposer  à  ces  colonies 
l'obligation  de  contribuer  à  la  défense  générale  de  l'empire.  Est-ce 


406  BULLETIN  HISTORIQUE. 

tout  à  fait  équitable  envers  la  mère-patrie  ?  on  peut  en  clouter  ;  mais, 
en  tout  cas,  les  colonies  n'ont  pas  à  s*en  plaindre.  Au  xvin*  s.,  au 
contraire,  on  n'avait  pas  songé  à  cette  solution  du  problème.  Les 
colonies  réglaient  seulement  les  affaires  locales  ;  à  tous  autres  égards 
elles  étaient  sujettes  du  parlement  anglais.  Il  n'est  pas  douteux  que, 
conformément  à  la  lettre  de  la  loi,  l'Angleterre  n'eût  le  droit  de  taxer 
les  sujets  anglais  vivant  en  Amérique  comme  ceux  qui  vivaient  en 
Angleterre  ;  il  n'est  pas  douteux  non  plus  que  les  colonies  américaines 
n'aient  largement  profité  des  grands  succès  remportés  dans  la  guerre 
de  Sept  ans,  guerre  engagée  surtout  dans  leur  intérêt,  et  l'on  avait 
le  droit  d'espérer  qu'elles  contribueraient  pour  une  part  aux  dépenses 
de  la  défense  nationale.  Il  est  certain  aussi  que  le  chiffre  des  taxes 
que  l'on  songeait  à  lever  était  raisonnable  et  même  modéré.  Cepen- 
dant l'idée  de  taxer  les  colonies  en  vertu  d'un  acte  du  gouvernement 
central  se  heurtait  à  ce  principe  inscrit  dans  la  constitution  anglaise, 
que  les  impôts  doivent  être  consentis  par  ceux  qui  doivent  les 
payer.  M.  Lecky  a  très  bien  montré  qu'aucun  autre  expédient  n'était 
possible  :  demander  aux  colonies  de  se  taxer  elles-mêmes  et  de  con- 
tribuer aux  charges  du  trésor  impérial  en  retour  de  la  protection 
impériale  était  impraticable,  étant  données  les  jalousies  des  colonies 
envers  la  mère-patrie  et  les  monopoles  que  celle-ci  s'était  réservés. 
Un  homme  d'État  judicieux  aurait  dû  prévoir  les  difficultés  et  ne  pas 
faire  la  sottise  d'élever  une  prétention  qu'on  ne  pouvait  imposer 
qu'au  prix  des  plus  grands  sacrifices  et  qu'on  ne  pouvait  retirer  sans 
honte.  Mais  Grenville  n'y  voyait  pas  si  loin  ;  l'atmosphère  politique 
en  Angleterre  était  faite  de  corruption,  d'égoïsme,  d'intérêts  de 
classes  ;  il  présenta  la  fatale  demande  sous  une  forme  tout  à  fait  blâ- 
mable, et  la  lutte  devint  inévitable.  Ce  n'est  pas  à  dire  que  la  répa- 
ration fût  inévitable,  bien  que  ce  dût  être  le  résultat  le  plus  probable 
du  conflit,  et  aussi  le  plus  avantageux  pour  les  deux  adversaires. 
M.  Lecky  le  remarque  avec  raison  :  «  Les  Américains  prirent  les 
armes  pour  la  défense  de  leurs  droits,  et  non  pour  leur  indépendance; 
c'est  peu  à  peu  seulement  et  comme  malgré  eux  qu'ils  se  familiari- 
sèrent avec  l'idée  de  se  séparer  complètement  de  l'Angleterre.  »  En 
même  temps  il  y  eut  toujours  un  certain  nombre  de  gens  actifs  qui 
penchaient  fortement  du  côté  de  l'indépendance,  et  qui,  sachant  fort 
bien  où  ils  voulaient  en  venir,  finirent  par  entraîner  avec  eux  la 
masse  de  leurs  concitoyens.  M.  Lecky  croit  aussi  que  la  tiédeur  de 
beaucoup  d'Américains,  les  divisions  d'intérêts  et  les  sentiments  hos- 
tiles des  diverses  colonies  auraient  pu  permettre  à  l'Angleterre  de 
rétablir  son  autorité  par  la  force  sïl  n'y  avait  pas  eu  d'intervention 
étrangère.  C'est  avec  hésitation  que  nous  admettons  cette  opinion,  car 


A!fGLETE3lllB.  407 

nous  ne  pouvons  oublier  la  stupide  obstination  de  Georges  III  ni 
l'incapacité  dont  firent  preuve  les  chefs  que  la  faveur  de  la  cour,  les 
influences  parlementaires,  tout,  excepté  le  mérite,  avait  mis  à  la  tète 
des  armées.  Si  Chatham  était  revenu  au  pouvoir,  au  lieu  de  mourir 
un  mois  ou  deux  après  que  le  roi  eut  déflnitivement  refusé  de  Tad- 
mcttre  à  nouveau  dans  ses  conseils,  la  résistance  militaire  des  colonies 
aurait  certainement  pu  être  brisée  -,  cependant  même  alors  il  eût  été 
impossible  de  maintenir  en  état  de  sujétion  permanente  un  peuple 
établi  sur  un  si  vaste  territoire,  et  Chatham  lui-même  n'aurait  pu 
réussir  contre  TEurope  entière.  C'est  à  la  France  que  les  Américains 
durent  le  plus,  et  M.  Lecky  fait  ressortir  Tironie  d^une  situation  où 
Ton  voit  Marie- Antoinette  et  sa  cour  embrassant  avec  enthousiasme 
une  cause  républicaine  et  contribuant  de  tout  leur  pouvoir  à  grossir 
le  courant  qui  devait  sitôt  les  engloutir  eux-mêmes  ;  mais,  lorsqu'à 
l'hostilité  déclarée  de  la  France  s'ajouta  celle  de  l'Espagne  et  de  la 
Hollande,  quand  les  États  du  Nord  saisirent  l'occasion  pour  former 
cette  neutralité  armée  qui  était  en  tout,  sauf  dans  le  nom,  une  guerre 
maritime  contre  l'Angleterre,  la  lutte  devint  désespérée  et  la  paix 
de  Versailles  en  fut  la  conséquence  inévitable.  L'Angleterre  avait 
appris,  et  le  monde  après  elle,  que,  quand  les  colonies  prennent 
l'étendue  de  véritables  nations,  elles  peuvent,  comme  les  colonies 
des  cités  de  la  Grèce  antique,  devenir  indépendantes  quand  elles  le 
désirent,  et  que  seules  une  bonne  volonté  réciproque  et  l'indépendance 
de  fait  peuvent  les  maintenir  d'une  façon  durable  comme  membres 
du  même  empire. 

Tout  ce  qui  se  rapporte  à  l'Irlande  est  aujourd'hui  une  question 
brûlante,  et  nous  n'avons  nulle  envie  de  discuter  les  problèmes  de  la 
politique  actuelle  sous  prétexte  d'analyser  le  récit  que  trace  M.  I^cky 
des  aflaires  irlandaises  dans  la  dernière  partie  du  xviri*  s.  Il  se  peut 
que  les  exemples  de  l'Amérique  aient  contribué  à  stimuler  le  goût 
des  Irlandais  pour  l'indépendance  ;  il  se  peut  que  Téchec  de  l'Angle- 
terre en  Amérique,  s'ajoutant  à  leurs  propres  théories  politiques,  ait 
amené  le  ministère  Bockingham  à  permettre  à  Tlrlande  d'a?oir  un 
parlement  séparé.  L'expérience  fVil  désastreuse  et  rendit  plus  néces- 
saire que  jamais  rUnion  qui  ne  tarda  pas  à  être  proclamée;  mais 
cola  ne  prouve  rien  ni  pour  ni  contre  une  demande  pareille  aujour- 
d'hui. Le  parlement  de  n82  à  4800  ne  représenta  aucunement  le 
peuple  irlandais,  et  Ton  ne  peut  actuellement  tirer  aucune  conclusion 
pratique  de  sa  corruption  ni  de  ses  fautes.  D'autre  part,  il  y  a  une 
grande  diflerencc  entre  le  fait  de  briser  une  union  définitive  et 
formelle  et  celui  d'accorder  à  une  dépendance  de  la  couronne,  qui 
avait  toiyours  été  gouvernée  comme  telle,  quelque  chose  de  sem- 


408  BULLETIN  HISTORIQUE. 

blable  au  self-government.  M.  Lecky  a  présenté  la  marche  des  éyéne- 
ments  en  Irlande  avec  clarté  et  impartialité,  et  avec  le  désir  évident 
de  faire  équitablement  à  chacun  sa  part  dans  des  circonstances  où  il 
était  presque  impossible  que  les  affaires  allassent  bien. 

Hereford  B.  George. 


ROUMANIE. 
(ouvrages  parus  en  1882.) 

L'Académie  roumaine  continue  de  publier  les  importants  docu- 
ments tirés  des  archives  de  Vienne  par  feu  Eudoxe  de  Hourmouzaki, 
roumain  de  la  Bukovine.  Le  4*  vol.  qui  vient  de  paraître  contient 
les  documents  de  4600  à  4649;  ce  sont  629  pièces  qui  jettent  une 
nouvelle  lumière,  surtout  sur  l'époque  de  Michel  le  Brave,  prince  de 
Valachie,  4583-4604.  —  M.  loan  Brezoianu,  qui  nes*étaitpas  encore 
fait  connaître  par  ses  publications  historiques,  vient  de  faire  paraître 
une  sorte  de  résumé  des  anciennes  institutions  de  la  Roumanie, 
Vechile  institutiuni  a  le  Bomanici  (Bucharest,  4882),  travail  très 
superficiel,  rédigé  diaprés  les  anciens  historiens  de  la  Roumanie,  tels 
que  les  Grecs  Tunusii  et  Potino,  et  non  d'après  les  documents  ni  les 
chroniqueurs  roumains,  qui  sont  à  peine  cités.  Un  travail  plus  méri- 
toire sur  la  vie  de  George  Asaky  :  Gheorghe  Asaky  viata^  lucràrile^ 
scrierilf  sale  si  epoca  in  care  a  traita  4788-4865,  a  été  publié  par 
M.  loan  Negrea.  M.  Negrea  est  tout  aussi  peu  historien  que 
M.  Brezoianu;  son  travail  est  consciencieux,  mais  pauvre  en  résul- 
tats; il  met  pourtant  assez  bien  en  lumière  l'activité  universelle  de 
ce  régénérateur  de  la  Moldavie.  M.  A.  Braxdia  a  traduit  pour  Tusage 
des  écoles  les  biographies  tirées  de  Thistoire  ancienne  et  de  celle  du 
moyen  âge  par  M.  G.  D'Hombres  et  M.  G.  Monod. 

Le  mouvement  historique  en  Roumanie  a  reçu,  dans  le  cours  de 
Tannée  4882  une  puissante  impulsion  par  Tapparition  de  deux 
revues  historiques  qui  ont  été  créées  presque  simultanément.  La 
première  en  date  est  la  Columna  lui  Traian^  revistà  mensualS, 
jyeniru  istorie,  filologie  si  psicologie  poporanà  dirigée  par  M.  B.-P. 
Hasdeu,  professeur  de  philologie  comparée  à  TUniversité  de  Bucha- 
rest. Elle  vient  de  clore,  le  34  décembre  dernier,  la  première 
année  de  son  existence.  M.  Hasdeu  n*a  fait  que  reprendre  la  publi- 


EornA^nE.  409 

cation  de  ce  recueil  qui  avait  paru  à  plusieurs  reprises  dans  le  passé, 
mais  dont  l'existence  avait  été  plusieurs  fois  interrompue.  Espérons 
que  cette  fois  sa  vie  sera  de  plus  longue  durée;  la  Roumanie  ne 
saurait  que  gagner  à  une  publication  aussi  soignée  ({ue  pleine  d'éru- 
dition. Parmi  les  travaux  les  plus  importants  insérés  dans  cette 
revue,  nous  citerons  :  la  chroni^iue  inédite  jusqu'à  ce  jour  de  Zilote  le 
Roumain,  qui  contient  une  narration,  partie  en  vers,  partie  en  prose, 
(les  événemenls  arrivés  en  Valachie  vers  le  commencement  de  ce 
siècle;  plusieurs  éludes  intéressantes  sur  certaines  étymologies 
curieuses  et  difficiles  de  la  langue  roumaine  par  le  directeur  de  la 
revue,  M.  IIasdeu;  une  collection  critique  de  documents  pour  l'his- 
toire du  Fogaraclie,  district  de  la  Transylvanie,  par  M.  Aron  Db!(su- 
SI  A  xu,  secrétaire  de  l'Académie;  on  y  voit  figurer  la  noblesse  rou- 
maine pendant  les  xv*  et  xvi«  siècles ,  noblesse  qui  disparut  com- 
plètement plus  tard,  passant  aux  Hongrois;  une  analyse  des 
termes  religieux ,  d'origine  latine ,  (jui  se  rencontrent  en  rou- 
main, i>ar  M.  G.  Chitzu,  actuellement  ministre  de  Tintérieur 
en  Roumanie;  la  langue  botanique  du  paysan  roumain  par  le 
docteur  1).  Braihdia;  une  collection  de  coutumes  juridiques  des 
fiaysans,  ainsi  que  plusieurs  contes  populaires.  !^  seconde  re\iie 
I>arait  sous  la  direction  de  M.  Grégoire  Tocilescou,  professeur 
d'épigraphie  et  d'histoire  ancienne  à  l'Université  de  Bucharest,  sous 
le  titre  :  Herista  peniru  istorie^  archéologie  si  filologir.  Elle  parait 
tous  les  3  mois,  en  un  volume  grand  in-8**  de  près  de  300  pages, 
avw  reproduction  chromolithographiée  des  divers  objets  d'archéo- 
logie ou  inscriptions.  Nous  reproduisons  ici  le  sommaire  du  premier 
fascicule,  afin  de  donner  une  idée  de  ce  qu'il  contient  : 

Michel  (i.  SuTzc.  Le  trésor  de  Turnu-Magurele.  —  M.  Gaster. 
Stratificati(m  de  l'élément  latin  dans  la  langue  roumaine.  — 
M.  (i04;ALMCEAMi.  Colleclion  de  modèles  de  peinture  religieuse.  — 
A.  Lambrior.  Sur  le  conjonctif  roumain.  —  A.  D.  Xe^opol.  Les 
finances  i)endant  1  époque  fhnariote.  —  M.  Gaster.  Textes  roumains 
inédits  du  xva*  siècle.  —  Gr.  TociLEscr.  Monuments  épigraphiques 
et  sculpturaux  de  la  Dohroudja.  —  A.  Papiu-Ilarian.  Mémoire  inédit 
présenté  au  prince  (iOuza.  —  V.  Rurla.  De  la  prononciation  de  Ys  en 
latin.  — M.  CALouivr.  Sorts  ou  réponses  d'oracles.  —  V.  Dimitri:scc. 
Notes  sur  les  monuments,  mines  et  endroits  remar(|uahles  du  dis- 
trict de  .Mehe<linti.  —  A.  Odobescu.  Inscription  d'Etienne  le  Grand 
sur  le  palais  princier  de  Hârleu.  —  L  archimandrite  Hilaire  Hisam-. 
Inscription  de  réglisc<ies  Saints-Voivodesde  Jassy. —  Gr.  TociLBScr. 
Documents  inédits  relatifs  à  l'histoire  roumaine.  —  S.  Maior.  Monu- 
menta  comitialia  regni  Transilvania?.  —  P.  Ispirescu.  Dictons  popu- 
Uev.  IIistor.  XXII.  2«  fasc.  27 


440  BULLETIIIC  HISTORIQUB. 

laires.  ^  M.  Gaster.  Comptes-rendus.  —  A.  Lbgomte  de  Nout. 
Signes  lapidaires  de  Féglise  des  Trois-Saints  à  Jassy  *.  —  A.  Kujtik. 
Sur  l'origine  roumaine  du  plat  d'or  du  prince  russe  Cholmski.  — 
J.  T.  Notices.  Cette  revue  a  attiré  l'attention  de  l'étranger  tant  par 
la  richesse  de  ses  publications  que  par  le  soin  avec  lequel  elle  est 
rédigée.  Le  jeune  savant  M.  Gr.  Tocilescd,  qui  la  dirige,  offre  tant 
par  ses  connaissances  étendues  que  par  son  infatigable  activité  les 
plus  sérieuses  garanties  pour  la  réussite  de  l'entreprise. 

M.  Emile  Picot,  professeur  de  langue  roumaine  à  l'école  des 
langues  orientales  vivantes  à  Paris  et  membre  honoraire  de  l'Aca- 
démie roumaine,  a  publié  en  collaboration  avec  M.  Georges  Bengesco, 
premier  secrétaire  de  la  légation  roumaine  de  Londres,  et  auteur  d^une 
bibliographie  de  Voltaire  qui  a  été  très  appréciée*,  une  histoire 
d'Alexandre  le  Bon,  prince  de  Moldavie  (4404-4433)  ;  ce  n*est  qu'un 
fragment  d'une  histoire  complète  de  la  Moldavie,  depuis  ses  origines 
jusqu'à  la  mort  d'Etienne  le  Grand,  4504,  que  ces  auteurs  vont  faire 
paraître  incessamment. 

Parmi  les  sources  employées,  nous  remarquons  les  Scriptores 
rerum  prussicarum  qui  n'avaient  pas  encore  été  utilisés  pour  l'his- 
toire roumaine  et  qui  contiennent  de  précieuses  indications  sur  les 
luttes  des  auxiliaires  moldaves  dans  les  armées  polonaises  avec  les 
chevaliers  de  l'Ordre  teutonique.  Quelques  petites  erreurs  ou  négli- 
gences paraissent  s'être  glissées  dans  cette  publication,  dont  le 
mérite  n'a  pas  besoin  d'être  relevé.  Ainsi,  à  la  page  27,  nous  lisons, 
à  propos  d'une  lutte  engagée  entre  le  roi  de  Pologne  et  le  prince 
Alexandre,  allié  à  Swidrigel  de  Lithuanie  :  «  Une  trêve,  suivie  bien- 
tôt d'une  paix  définitive^  fut  conclue  entre  les  deux  parties,  le 
8  septembre  4434.  »  Puis  immédiatement  après  :  «  Les  hostilités 
duraient  encore  en  Podolie  dans  le  courant  de  l'année  4432.  Fedko, 
prince  d'Ostrog,  qui  commandait  les  troupes  alliées  de  Swidrigel  et 
d'Alexandre,  perdit  dans  une  seule  bataille  42,000  hommes.  »  11 
nous  semble  qu'il  y  a  ici  une  contradiction,  car  si  la  paix 
définitive  avait  été  conclue  en  4434,  comment  se  fait -il  que 
l'année  suivante  les  hostilités  durent  encore?  Plus  bas,  les 
auteurs,  venant  à  parler  de  l'étendue  de  la  Moldavie  sous  le  prince 

1 .  Le  célèbre  architecte  et  restaurateur  français  a  été  chargé  par  le  gouyer- 
nement  roumain  de  restaurer  la  cathédrale  d'Argèche  en  Valachie,  l'un  des 
plus  beaux  monuments  existants  du  style  byzantin.  M.  Lecomte  de  Nouy, 
ayant  accompli  cette  tâche  difficile  à  la  grande  saUsfaction  de  tout  le  pays,  a 
été  chargé  de  restaurer  plusieurs  autres  monuments  du  pays,  entre  autres  la 
belle  église  des  Trois-Saints  à  Jassy. 

2.  L'Académie  française  lui  a  décerné  un  prix. 


^Hê^JI 


ctnrti'LT  :  ue  iai-i 


ca,  Thi-sitii  n<l  iliH-luri'i  ^^nulinii  i'ili>  <M|N<s<ti'iiiliiiii 
.-ili  lillnanini  [virisim^i  |ii'<i|i(irii'tiiil  A.  Imiiimi.t. 
la*  Allimis  aluiniiiis.  l*;iris,  K.  Tliuriii.   (ss). 


■aiiuuiji  ciTil  l'r  |H-aii'-iiii|i  iliscutt-  sur  r.ilTaiv 

'  ]>i<m<isl1i''<iii'  ;i  jiiiii' >Niii.->  •'•■ii<-  •.i\'\:ùt<:  il  iiVsr 

'»rtaull  ail  i-i<'  ii'iilo  i1><  n'|<ri>ti<lr<-  h  ijnrstinLi. 

son  iilwcuriri'  iiu'^itii'  l'i,  ili-  |iliis,  rlli>  ■.rnili>\.' 

■ul  dire,  «riiiH-  lunniiTi-  plus  ^'.'iht.iIi',  i|[ii'  i-i- 
rnire  île  I'i-Iiniui'iuv  ittiiijTii'  Sit  liitiniii'  >'i  smi 
(iiesliiin  |Mr  li's  soii|<i;uii>  ijui  iii'M'iir  sur  li' 
•a\  rrprùsi'tiUtit. 

■m  If  irlioix  (lit  «iiji'i  f[ui  i-si  iicuroux;  M.  il. 

'  talfiit.  IVux  i|iiuIlIi<s  Mirtuiii  muii  ri-tn.-ir' 

|iicI1p  l'auti^ur  itili'rmjîp  i-t  i:ritii|iii'  tiiiii  il-' 

idictoims,  lu  iiinili-nitidii  <-ijuitnl>li-  ili<  si« 

-  qui  ont  tniiu-  hi  «iiioi'liim.  |ihiyir>urs  uni 

i;  nno  vivacité  i>Klri''n]<-.  I^-s  uii«  h'  Mtiit 

^litnP;  losaiilrps.  — ci  cVst  le  |ilus;.'r;iiiil 

lire  Ilypcride,  œriln-   [)itinr<|u><.  iiiiiir» 

ipa  ;  ilH  ont  ]«(«'  ii  li'iir  imir  U-s  juiiisa- 

m'9  c«>upub1c!',  NUIS  irircntistaiKOs  ;iiii''- 

xle  contre  co!>  srntimeiils  lri>|i  itlmilus  : 

lu*  malheureux  i[U(>  ciiup^lilo;  l'Art'o- 

le  pouvait pa»  agir  autrement  iin'il  ii'ii 

se»,  elle  était  comme  (lii:ti«  ù  l'avam-i- 

lagQ.  Eu  Bommc,  alors  que  ci^tle  trisie 

1  préleste  à  dnclaniationi  contre  la 

l'ÏDgratitnde  du  peuple  athétiien  l't 

tes,  M.  C  eit  surtout  tciili-  d'y  vuir 

nalhenrauns,  presque  falalei)  et  qui 

'éullU  qne  l'on  eonntft.  Tontes  leii 

la,  Niu  que  l'on  tit  le  droit  d'in- 

';  et,  d'nn  autro 


442  GOMPTES-aENDDS  CRITIQUES. 


COMPTES-RENDUS  CRITIQUES. 


Wilhelm  Petersen.  QosBstiones  de  historia  gentiam  Atticaram, 

Slesvici,  in  œdibus  J.  Bergas,  4880.  Un  vol.  in-8*»  de  454  p. 

Les  gentes  atticae  ont  déjà  été  l'objet  de  travaux  importants;  nous  cite- 
rons surtout  deux  ouvrages  :  Meier,  de  gentilitate  attica  ;  Bossler,  de 
gentibus  et  familiis  Atiicae  sacerdotalibus.  M.  Petersen  déclare,  au  com- 
mencement de  son  livre,  qu'il  a  Tintention  de  s'occuper  seulement  des 
points  que  ses  devanciers  n'ont  pas  traités  ;  une  histoire  complète  sur 
ce  sujet  serait,  comme  il  le  dit  justement,  presque  toute  l'histoire 
d'Athènes.  M.  Petersen  se  borne  donc  à  étudier  les  familles  qui  ont 
tenu  un  rang  important  dans  l'Etat,  à  condition  toutefois  que  nous  puis- 
sions connaître  la  suite  des  membres  de  ces  familles  pendant  un  temps 
suffisamment  long;  cest  là  surtout  l'idée  qui  préoccupe  l'auteur; 
chacune  des  monographies  qu'il  a  consacrées  à  l'histoire  de  ces 
diverses  familles  n'est  autre  chose  qu'un  essai  pour  reconstituer  leur 
arbre  généalogique  ;  à  ce  point  de  vue  ce  travail  rendra  des  services. 
Etant  données  les  intentions  de  l'auteur,  toutes  les  familles  dont  l'arbre 
généalogique  ne  peut  pas  être  dressé,  au  moins  pour  la  période  histo- 
rique, sont  laissées  de  côté,  par  exemple  les  Lycomidae,  quoique  cette 
famille,  M.  Petersen  le  mentionne  en  note,  ait  produit  Thémistocle; 
Pausanias  (I,  31,  2)  nous  apprend  qu'elle  possédait  un  sanctuaire  à 
Phlia,  c'est  elle  aussi  qui  fournissait  les  dadouchoi  à  l'époque  macédo- 
nienne. Il  y  a  cependant  bien  des  choses  inutiles  dans  ce  livre,  par 
exemple  le  préambule  qui  contient  un  résumé  de  l'histoire  intérieure 
d'Athènes,  le  récit  de  la  guerre  faite  à  Mégare  du  temps  de  Solon  au 
sujet  de  Salamine,  etc.  On  aurait  préféré  quelques  détails  sur  l'organi- 
sation de  ces  familles;  Andocide  nous  apprend  que  les  Ceryces  avaient 
un  mode  d'adoption  qui  leur  était  particulier  {de  mysteriis,  127);  l'ins- 
cription 596  du  Corp.  Insc,  Attic.^  tome  II,  contient  un  décret  important 
rendu  par  les  Groconidai;  ces  questions  auraient  mérité  d'ôlre  exa- 
minées. 

Les  assertions  hasardées  ne  sont  pas  rares  dans  l'ouvrage  de  M.  Peter- 
sen :  est-il  bien  sûr  qu'avant  Solon,  l'Aréopage  n'ait  eu  d'autres  fonc- 
tions que  de  juger  les  procès  de  meurtre  ?  Peut-on  affirmer  que  Solon 
soit  de  Salamine  ?  Si  M.  Petersen  avait  profité  de  l'ouvrage  de 
M.  Wecklein  Veber  die  Tradition  der  Perserkriege,  il  aurait  certainement 
corrigé  ce  qu'il  a  dit  sur  l'expédition  de  Miltiade  contre  Paros. 

Albert  Martin. 


A.    CARTAVLT   :    DE  CAUSA    HiTlPALICA.  413 

De  causa  Harpalica,  Thesim  ad  doctoris  gradum  rite  capcssendum 
amplissima"  facultati  litlerarum  parisiens!  proponebat  A.  Gartault, 
oiim  Gallica;  scbolae  Athenis  alumnus.  Paris,  E.  Thorln,  4884. 
i  vol.  in-8%  \A3  p. 

Bien  que  l'oD  ait  beaucoup  écrit  et  beaucoup  discuté  sur  l'affaire 
d'Harpale  et  le  rôle  que  Démosthène  a  joué  dans  cette  affaire,  il  n'est 
pas  étonnant  que  M.  Cartault  ait  été  tenté  de  reprendre  la  question. 
Kllc  est  intéressante  par  son  obscurité  même  et,  de  plus,  elle  soulève 
un  grave  problème  de  morale.  Ce  qui  est  en  jeu,  c'est  Thonneur  même 
de  Démosthcne  et  Ton  peut  dire,  d'une  manière  plus  générale,  que  ce 
débat  intéresse  toute  l'histoire  de  Téloquence  attique.  Sa  dignité  et  son 
iionnêteU'  sont  mises  en  question  par  les  soupçons  qui  pèsent  sur  le 
caractère  de  son  plus  glorieux  représentant. 

Mais  ce  n'est  pas  seulement  le  choix  du  sujet  qui  est  heureux  ;  M.  C. 
a  su  le  traiter  avec  un  rare  talent.  Deux  qualités  surtout  sont  remar- 
quables :  la  sagacité  avec  laquelle  Tauteur  interroge  et  critique  tant  do 
témoignages  divers  et  contradictoires,  la  modération  équitable  de  ses 
jugements.  Parmi  les  érudits  qui  ont  traité  la  question,  plusieurs  ont 
pris  parti  dans  le  procès  avec  une  vivacité  extn>me.  I^s  uns  se  sont 
montrés  fort  durs  pour  Démosthône  ;  les  autres,  —  et  c'est  le  plus  grand 
nombre,  —  se  sont  élevés  contre  Hypéride,  contre  Oinarque,  contre 
FAréopagc  et  le  peuple  d'Athènes  ;  ils  ont  jugé  à  leur  tour  les  accusa- 
teurs et  les  juges  et  b*s  ont  déclarés  coupables,  sans  circonstances  atté- 
nuantes. M.  G.  s'est  tenu  en  garde  contre  ces  sentiments  trop  absolus  : 
à  ses  yeux,  Démosthène  a  été  plus  malheureux  que  coupable  ;  l'Aréo- 
page, étant  donnée  la  situation,  ne  pouvait  pas  agir  autrement  qu'il  n'a 
fait  et,  quant  à  la  sentence  des  juges,  elle  était  comme  dictée  à  l'avance 
par  la  déclaration  même  de  l'Aréopage.  En  somme,  alors  que  cette  triste 
affaire  n'a  été  bien  souvent  qu'un  prétexte  à  déclamations  contre  la 
vénalité  de  Démosthène  ou  contre  l'ingratitude  du  peuple  athénien  et 
la  corruption  de  ses  mœurs  politiques,  M.  C.  est  surtout  tenté  d'y  voir 
un  enchaînement  de  circonstances  malheureuses,  presque  fatales  et  qui 
devaient  néces.<^i rement  aboutir  au  résultat  que  l'on  connait.  Toutes  les 
apparences  ont  été  contre  Démosthène,  sans  que  l'on  ait  le  droit  d'in- 
criminer sérieusement  son  honnêteté  et  son  patriotisme;  et,  d'un  autre 
côté,  si  rigoureuse  qu'ait  été  la  sentence  portée  contre  lui,  les  inten- 
tions de  ceux  qui  l'ont  condamné  ne  doivent  pas  être  suspectées. 

La  thèse  de  M.  G.  est  divisée  en  deux  parties.  Dans  la  première 
(p.  0-36),  apK's  une  introduction  très  rapide,  l'auteur  passe  en  revue  les 
différcnti's  opinions  qui  ont  été  émises  sur  la  question,  avant  la  décou- 
verte des  fragments  d'Hypéride  et  depuis  la  découverte  de  ces  fragments. 
Dans  la  seconde  (p.  37- M3),  il  reprend  pour  son  compte  l'examen  de 
toute  l'affaire  et  expose  les  conclusions  auxquelles  il  est  arrivé.  La  pre- 
mière partie  est  excellente  de  tous  points;  la  seconde,  comme  M.  G. 
pouvait  s'y  attendre,  a  déjà  soulevé  et  soulèvera  encore  plus  d'une 


444  COMPTES-REXDUS  CRITIQUES. 

objection.  M.  Weil,  dans  un  article  récent  de  la  Revue  Critique^ ^  en  a 
présenté  quelques-unes  qui  me  paraissent  très  fortes.  Peut-être  serait-il 
permis,  sur  d'autres  points  encore,  de  reprendre  la  discussion,  tout  au 
moins  de  demander  à  M.  G.  un  supplément  de  preuves.  Ainsi,  il  écarte 
(p.  40-41)  le  témoignage  de  Piutarque.  Je  crois,  je  suis  même  convaincu 
qu*il  a  raison  d'en  tenir  peu  de  compte,  mais  il  n'aurait  pas  été  inutile 
d'exposer  plus  complètement  les  motifs  de  cette  opinion.  On  sait  quelle 
est  la  valeur  très  inégale  des  renseignements  réunis  par  Piutarque. 
Gomme  il  manque  d'esprit  critique  et  qu'il  prend  ses  informations  de 
toutes  mains,  il  en  résulte  que,  suivant  la  source  où  il  a  puisé,  tantôt 
son  témoignage  doit  être  pris  en  sérieuse  considération,  tantôt  il  n*a 
aucune  autorité.  Il  eût  été  bon  d'analyser  les  25<'  et  26*  chapitres  de  la 
Vie  de  Démosthène,  — M.  G.  pouvait,  pour  cette  question,  mettre  à  profit 
les  travaux  de  la  critique  allemande,  qui  s'est  beaucoup  occupée  dans 
ces  derniers  temps  des  sources  de  Piutarque  ;  —  de  cette  façon,  ce  n'était 
plus  par  des  raisons  un  peu  vagues  et  d'ordre  purement  littéraire,  mais 
par  des  preuves  certaines  que  M.  G.  parvenait  à  convaincre  le  biographe 
de  légèreté  et  d'ignorance.  Ailleurs  (p.  63),  l'auteur  ne  veut  pas  admettre 
que  Démosthène  ait  favorisé  l'évasion  d'Harpale,  ni  même  qu'il  se  soit 
réjoui  de  cette  évasion.  Les  arguments  qu'il  apporte,  au  moins  pour  le 
second  point,  ne  sont  pas  décisifs.  A  ce  propos,  on  remarquera  peut- 
être,  c'est  du  moins  l'impression  que  m'a  laissée  la  thèse  de  M.  G.,  que 
l'auteur,  tout  occupé  de  défendre  l'honnêteté  de  Démosthène,  nous 
donne  une  assez  pauvre  idée  de  sa  clairvoyance  politique.  Toutes  les 
mesures  que  prend  l'orateur  tournent  à  son  désavantage,  et  cette  affaire 
d'Harpale  n'est  pour  lui  qu'une  longue  série  de  mésaventures.  Une 
mauvaise  fortune  aussi  persistante  ressemble  un  peu  à  de  la  maladresse  ; 
tout  en  reconnaissant  que  Démosthène  était  aux  prises  avec  de  très 
grandes  difficultés,  on  a  quelque  peine  à  croire  que  sa  perspicacité,  — 
puisque  M.  G.  ne  nous  permet  pas  de  suspecter  la  pureté  de  ses  inten- 
tions, —  ait  été  si  souvent  et  si  constamment  mise  en  défaut. 

Dans  une  question  aussi  obscure,  les  dissentiments  sont  inévitables 
et  il  est  bien  difficile  que  la  discussion  ne  reste  pas  toujours  ouverte 
sur  plusieurs  points  de  détail.  Mais,  pour  la  partie  vraiment  importante 
de  la  question,  je  veux  dire  pour  le  caractère  général  et  la  signification 
politique  du  pn.)cès  intenté  à  Démosthène,  M.  G.  a  réussi  parfaitement 
à  établir  sa  thèse.  Il  montre  très  bien  que  l'orateur  a  été  victime  d'une 
coalition.  Les  amis  des  Macédoniens  se  sont  réunis  aux  patriotes  ardents 
pour  le  faire  condamner.  Les  premiers  ne  lui  pardonnaient  pas  la  longue 
opposition  qu'il  avait  faite  à  la  Macédoine;  les  seconds,  partisans  de  la 
guerre  à  tout  prix,  no  comprenaient  pas  les  hésitations  de  sa  prudence. 
Il  est  arrivé  à  Démosthène  ce  qui  arrive  trop  souvent  aux  hommes 
modérés.  Ayant  voulu  prendre  une  situation  intermédiaire,  sauvegar- 
der tout  à  la  fois  l'honneur  et  les  intérêts  d'Athènes,  sans  s'humilier 

i.  N*du  13  juin  1881. 


BOOS   :    URKCNDENRUCII    DER   LARDSCHAFT  BASEL.  -U5 

devant  Alexandre  et  sans  le  braver,  il  a  mécontenté  tout  le  monde  et 
s'est  vu  attaqué  par  les  deux  partis  avec  une  égale  vivacité.  Ces  idées 
avaient  déjà  été  exposées  par  plusieurs  des  critiques,  qui  ont  étudié 
l'affaire  d'IIarpale;  M.  J.  Girard,  en  particulier,  les  avait  mises  en 
lumière  dans  ses  Etudes  sur  Nlwjuence  atiique.  Mais  ou  ne  contestera 
pas  à  M.  C.  le  mérite  do  les  avoir  démontrées  plus  complètement,  de 
leur  avoir  donné  plus  de  précision  et  de  netteté.  Par  une  analyse  très 
minutieuse  et  très  pénétrante  (p.  109  sqq.),  il  retrouve  dans  le  discours 
d'IIypéride  le  souvenir  dn  cette  alliance  conclue  contre  Démosthène  par 
les  deux  factions  opposées.  Tel  passage  est  inspiré  par  un  patriotisme 
inconsidéré,  qui  ne  voit  pas  et  ne  veut  pas  voir  lés  dangers  de  la  situa- 
tion ;  dans  toi  autre,  on  croirait  entendre  le  langage  d'un  ami  d'Alexandre. 
L  accusateur  n'a  pas  été  difficile  sur  le  choix  de  ses  arguments.  En 
quelque  sorte,  il  a  donné  asile  dans  son  plaidoyer  à  toutes  les  rancunes 
qui  s'étaient  déchainc^s  contre  Démosthène  ;  il  a  fait  appel  aux  passions 
des  deux  partis,  d  ordinaire  ennemis,  mais  réunis  pour  un  moment  dans 
une  action  commune. 

On  connaît  le  succès  qu'a  obtenu,  à  la  Sorbonne  et  dans  le  mondo 
savant,  la  thèse  française  de  M.  C,  la  Trière  Athénienne,  La  thèse  latine, 
moins  importante,  moins  neuve,  est  cependant  une  «vuvre  intiTossanto 
et  dont  la  valeur  littéraire  et  historique  est  incontestable.  Ces  deux 
volumes  do  M.  C.  sont  certainement  au  nombre  de  ceux  qui  font  le  plus 
d'honneur  à  l'Université  et  à  l'érudition  framaise. 

R.  Lallier. 


Urkundenbuch  der  Landschaft  Basai,  herausgegeben  von  Hein- 
rich  Boos.  Basel,  C.  DeliofT,  4X80,  in-8*.  Tome  I",  xii-399  pages. 

Le  cartulaire  dont  le  titre  précède  est  un  nouvel  exemple  de  l'avan- 
cement des  études  diplomatiques  en  Suisse.  Le  canton  do  lUle-Cam- 
pagne  ne  possède  aucun  centre  d'études,  et  il  est  de  formation  trop 
récente  pour  que  la  criti(]ue  fût  obligée  de  vérifier  un  passé  t]ui  n'a  pas 
encore  amstitué  de  traditions.  Ht  cependant  un  simpli*  du  au  conseil 
rantoutil,  M.  Hirmanu,  a  compris  l'intérêt  qu'il  y  aurait  ptiur  sou  {>ays 
k  posséder  le  recuril  des  chartes  relatives  à  son  histoinv  Puis  une  fois 
h»  dessein  conçu,  il  s'est  trouvé  un  savant  de  liûle  |K)ur  se  charger  d«» 
l'exécuter,  et,  à  Liestal  même,  le  chef-lieu  de  ce  demi-raiitoii,t|ui  n'est 
({ue  la  banlieue  de  la  ville  à  laquelle  il  ressortissait  autrefois,  des  typo- 
graphes en  état  d'imprimer  les  textes  dans  leur  langue  originale. 

Le  premier  volume  a  seul  paru  jusquUri.  [1  comprend  les  charti^s  de 
708  îi  1370.  L'absence  des  tables,  que  l'auteur  promet  seulement  [tour  le 
second  volume,  en  rend  encon*  l'usage  un  peu  difficile.  Mais  tel  qu'il 
est,  on  ne  peut  feuilleter  ce  recueil  sans  être  frapiM»  de  l'intérêt  varié 
qu'il  offre.  àSans  doute  elle  est  bien  humble,  au  regard  de  celle  de  Bàle, 
l'histoire  de  ces  populations  de  second  plan,  avec  les  seigneuries  féo- 


4^6  COMPTES-RENDUS  CRITIQUES. 

dales  qui  les  ont  dominées,  et  avec  les  maisons  religieuses  qui  s'étaient 
chargées  de  pourvoir  à  leur  salut  et  qui  en  tiraient  leur  subsistance. 
Mais,  dans  leur  ensemble,  les  documents  s'éclairent  mutuellement,  et 
ils  jettent  une  vive  lumière  sur  les  conditions  de  l'existence  dans  ces 
campagnes,  sur  le  droit  qui  les  régissait,  sur  la  civilisation  qui  s*y  est 
lentement  développée.  Nous  voyons  que  le  servage  y  était  encore  en 
plein  épanouissement  et,  pour  en  étudier  le  régime  et  les  effets,  nous 
renvoyons  à  un  échange  de  serfs,  de  1357  (p.  328)  entre  l'évoque  de 
Bàle  et  les  sires  d'Eptingen,  où  les  contractants  emploient,  pour  déter- 
miner leur  droit  sur  les  personnes  serviles,  les  mêmes  expressions  qui 
désignaient  le  droit  du  propriétaire  sur  le  franc-alleu  {ledig  und  eigen). 
Dans  le  même  ordre  d'idées,  nous  signalerons  également  un  acte  d'af- 
franchissement, du  13  mai  1362,  devant  l'offîcial  de  Bàle,  par  lequel 
l'écuyer  Conrad  de  Hertenberg  vend  sa  liberté  à  une  serve,  moyennant 
dix  livres  de  nouveaux  deniers  de  Bâie.  Il  est  intéressant  de  comparer 
cet  acte  avec  une  autre  manumission  passée  devant  le  même  tribunal 
en  1330,  et  conservée  aux  archives  départementales  delà  haute  Alsace, 
où  le  serf  obtient  sa  liberté,  au  prix  de  treize  livres  de  deniers,  soit 
115  fr.  70,  tandis  que  l'affranchie  de  1362  la  paya  129  fr.  50.  Ce  qui 
rend  le  premier  affranchissement  plus  remarquable  c'est  que  la  for- 
mule en  est  fortement  imprégnée  de  droit  romain,  et  même  de  droit 
naturel^,  ce  dont  la  seconde  ne  porte  plus  aucune  trace. 

Les  textes  sont  généralement  bien  établis.  La  seule  critique  qu'on 
puisse  adresser  à  l'éditeur,  c'est  d'avoir  négligé  d'étendre  ses  recherches 
aux  anciennes  archives  du  Haut-Rhin  :  plusieurs  maisons  religieuses 
de  leur  ressort,  Lucelle  et  Murbach  entre  autres,  étaient  possessionnées 
dans  le  territoire  actuel  de  Bàle-Campagne,  et  il  y  aurait  eu  pour  lui 
autant  de  profit  à  dépouiller  leurs  fonds  qu'il  y  en  a  pour  les  historiens 
alsaciens  à  pousser  leurs  recherches  dans  l'ancienne  métropole  de  la 
Haute-Alsace. 

X.   MOSSMANN. 


Obitaaire  de  réglise-cathédrale  de  Saint-Pierre  de  Genève  avec 
une  introduction,  des  notes  et  un  index,  par  Albert  SiRAsi:^. 
Genève,  imprimerie  Charles  Schuchardt,  1882,  in-8o. 

La  publication  de  M.  A.  Sarasin,  très  utile  pour  l'histoire  de  l'ancien 
diocèse  de  Genève,  est  également  de  nature  à  intéresser  tous  ceux  qui, 
d'une  façon  générale,  étudient  le  mécanisme  des  institutions  féodales. 
L'obituaire  de  Saint-Pierre  de  Genève,  commencé,  semble-t-il,  dans  les 


i.  Dederunt  et  tradiderunt libertatem  puram  secundum  usum  et  consae- 

tudinem  civitatis  romane denuncianles  ipsos  (manumissum  et  ejus  liberos) 

cives  romanos  alque  resliluentes  eos  juri  primeuo,  secundum  quod  omnes 
bomines  liberi  nascebantur. 


HBIDENHBIIIER   :    PETEUS   MARTYE  AXGLERIOS.  447 


# 


dernières  années  du  x\*>  siècle  ou  les  premières  du  xii<>  et  qui  s'arrôto 
on  1522,  contient  en  effet  à  côté  de  détails  purement  locaux  (indication 
de  noms  de  lieux  et  de  personnes,  organisation  du  chapitre  de  la  cathé- 
drale, monnaies,  système  des  poids  et  mesures,  prix  des  denrées,  valeur 
des  biens  meubles  et  immeubles)  des  renseignements  très  circonstanciés 
sur  Tétat  des  personnes  et  des  terres,  soit  dans  la  contrée  qui  formait 
révèché,  soit  môme  dans  les  régions  circonvoisines.  Ceux  qui,  à  partir 
de  la  fin  du  xiv«  siècle,  Tont  rédigé  ne  se  sont  pas  contentés  de  men- 
tionner, à  côté  du  nom  du  défunt,  la  valeur  des  dons  faits  par  lui  à 
l'église,  ils  nous  apprennent  aussi,  le  plus  souvent,  les  conditions  et  les 
motifs  du  legs.  Si  les  mentions  antérieures  au  xiv*  siècle  sont  toutes 
très  brèves  et  ne  portent  guère  que  le  nom  et  la  qualité  du  fondateur 
avec  l'énoncé  du  capital  ou  de  la  rente  qu'il  donne,  c'est  que,  pour  cette 
partie,  nous  ne  possédons  pas  le  manuscrit  original.  Vers  1388,  un  cha- 
noine de  Genève,  Pierre  Chartreis,  le  recopia  et,  malheureusement, 
labrégea.  Sa  copie  nous  est  seule  parvenue.  M.  S.  a  fait  précéder  la 
publication  du  texte  d'une  introduction  très  substantielle  où  il  étudie 
successivement  l'histoire  du  manuscrit,  les  particularités  du  calendrier 
placé  en  tête  de  TObituaire,  la  vie  et  la  personnalité  de  Pierre  Chartreis, 
les  formules  des  actes  de  donations,  la  valeur  des  mentions  chronolo- 
giques fournies  par  ces  actes  sur  l'époque  du  décès  de  tel  ou  tel  person- 
nage, la  nature  des  legs,  la  composition  du  chapitre  diocésain,  enfin 
un  certain  nombre  de  termes  spéciaux  dont  il  est  utile  de  connaître 
ou  de  préciser  le  sens  ^  Le  texte  pnôme.  est  accompagné  de  notes 
nombreuses  où  l'on  trouve  sur  les  personnes  et  les  localités  citées  une 
foule  do  renseignements  complémentaires.  Ce  texte  nous  parait  édité 
soigneusement  ;  nous  n'avons  rencontré,  dans  les  divers  fragments  que 
nous  en  avons  lus,  aucun  indice  qui  permette  de  supposer  que  M.  S.  ne 
l'ait  pas  transcrit  avec  une  exactitude  méticuleuse.  Ajoutons  qu'un  bon 
index,  absolument  indispensable  dans  une  publication  de  ce  genre,  ter- 
mine le  volume. 

G.  KOHLER. 


Petms  Martyr  Anfl^Ieriiui  and  sein  Opns  Bpistolamm.  Ein  Bei- 
trag  zur  Quellenkunde  des  Zeitaltcrs  der  Renaissance  und  der 
Reformation.  Von  D**  Heinrich  Heiobnheixbr.  Berlin.  Verlag  von 
Oswald  Seehagen.  4884.  In-8''  de  216  pages. 

VOpus  epùttolanim  de  P.  Martyr  d'Anghiera  a  été  utilisé  depuis 
longtemps  par  ceux  qui  ont  étudié  l'histoire  politique  de  la  fin  du 
xv"  siècle  et  du  premier  quart  du  xvi».  Comment  pouvait-on  le  négliger, 

1.  M.  S.  aurait  pu  «'épargner  le  wïa  d'expliquer  an  certain  nombre  de  ces 
termeft  et  renvoyer  Almplemenl  à  Dacange  qui,  danft  son  GloiMire,  en  dit  tout 
ce  qu'il  est  utile  d'en  savoir. 


448  COMPTES-RENDUS  CRITIQUES. 

puisqu^l  fournit  sur  cette  période  un  si  grand  nombre  de  précieux  ren- 
seignements et  de  fines  remarques  ?  Mais  personne  jusqu'à  présent  ne 
s*était  préoccupé  de  Tauthenticité  de  ces  lettres,  et  n'avait  cherché  à 
porter  sur  elles  un  jugement  critique  et  indépendant.  Cette  double 
étude  vient  d'être  faite  par  le  D'  Heidenheimer  avec  beaucoup  d'érudi- 
tion et  de  sagacité. 

P.  Martyr  naquit  le  2  février  1457  à  Arona,  près  de  Côme,  sur  les 
rives  du  lac  Majeur,  et  non  à  Anghiera,  comme  on  le  croit  générale- 
ment. Le  doute  à  cet  égard  n'est  pas  permis,  car  il  dit  lui-même,  dans 
une  de  ses  lettres  :  a  Gum  me  utero  mater  gestaret,  sic  volente  pâtre, 
Aronam,  ubi  plaeraque  illis  erant  praedia  domusque...  ibi  me  mater 
dcderat  orbi.  »  Anghiera,  du  reste,  n'est  pas  loin  d' Arona.  Après  avoir 
fait  ses  études  classiques  à  Milan,  à  la  cour  des  Sforza,  il  alla  à  Rome, 
où  il  séjourna  une  dizaine  d'années,  de  1477  à  1487.  Là  il  fut  l'élève  et 
bientôt  Tami  du  célèbre  Calabrais,  Pomponius  Laetus,  qui  professait 
avec  éclat  dans  la  capitale  de  la  chrétienté  ;  et  il  ne  tarda  pas  à  se  dis- 
tinguer lui-même  par  ses  réelles  aptitudes  pédagogiques  ;  de  grands 
dignitaires  de  Téglise  l'ont  remercié  plus  tard  avec  une  vive  gratitude 
d'avoir  eu  le  privilège  de  l'avoir  pour  maître. 

L'ambition  d'occuper  un  poste  honorable  en  Espagne,  peut-être  à  la 
cour,  plutôt  que  le  désir  d'échapper  aux  troubles  de  l'Italie,  l'attira  en 
Gastille  ;  et  c'est  là,  comme  dans  une  seconde  patrie,  qu'il  passa  les 
trente-neuf  dernières  années  de  sa  vie.  Il  était  recommandé  par  de 
hauts  personnages,  et  il  fut  accueilli  avec  bonté  par  Ferdinand  et  Isa- 
belle. Il  s'engagea  d'abord  comme  volontaire  dans  les  troupes  espa- 
gnoles qui  luttaient  contre  les  Maures  de  Grenade,  et  il  fit  vaillamment 
son  devoir  de  soldat.  Mais  bientôt  la  reine  le  fit  venir  auprès  d'elle  et  lui 
donna  à  instruire  les  jeunes  nobles  de  la  cour.  Il  lut  avec  eux  les  clas- 
siques grecs  et  latins  :  Platon  et  Aristote,  Cicéron  et  Quintilien, 
Sénèque,  Pline,  Ovide,  Virgile,  Térence,  Martial,  Juvénal,  Strabon  et 
Salluste  pour  lequel  il  avait,  en  vrai  disciple  de  Pomponius  Laetus,  une 
vénération  particulière. 

Choyé  par  les  seigneurs  et  par  les  familles  régnantes,  il  occupa  à  la 
cour  une  position  qui  n'était  pas  nettement  déterminée,  mais  qui  lui 
permit  de  bien  voir  et  de  bien  savoir  les  choses  de  la  politique  cachées 
au  vulgaire.  Isabelle  l'avait  en  haute  estime  et  il  le  lui  rendait  bien, 
car  il  fait  d'elle  et  de  son  esprit  et  de  son  cœur  un  portrait  des  plus 
séduisants.  Ferdinand  le  prenait  souvent  dans  ses  grands  et  petits 
voyages  ;  et  quand  ce  prince  eut  rendu  le  dernier  soupir,  ce  fut  Mar- 
tyr qui  accompagna  son  corps  à  Grenade,  où  il  avait  aussi  accompagne 
le  corps  de  la  reine  (1504).  Il  fit  partie  d'une  légation  en  Hongrie,  et  en 
1501  il  fut  envoyé  comme  ambassadeur  au  Caire.  Il  fut  aussi  en  rela- 
tion avec  Philippe  de  Flandre,  gendre  de  Ferdinand,  et  il  s'efforça 
d'adoucir  les  aigres  disputes  qui  éclatèrent  entre  les  deux  princes.  La 
malheureuse  Jeanne  fut  touchée  de  son  zèle  à  cet  égard  ;  et  à  la  mort 
de  son  époux  (1506)  il  resta  auprès  d'elle,  comme  chapelain,  et  la  suivit 


HEIDENflElHEl   :    rETBDS   «ABTTI  iNGLEBIOS.  H9 

d&DS  ses  tristes  pèlerinages  à  Fornillos  et  Tortoles,  S.  Maria  de)  Campo, 
Arcos,  et  eofin  à  TordesiUos,  où  ils  séjournèrent  quet()ue  temps  au 
commencement  de  1509.  Martyr  Tut  lié  avec  le  cardinal  Adrien,  qui 
fut  pape  plus  tard  sous  le  nom  d'Adrien  VI  (1522),  et  auquel  il  dédia 
la  cinquième  de  ses  Uéoada.  En  1519  il  se  rendit  à  Valence  pour  apai- 
ser les  querelles  qui  s'étaient  élevées  entre  k  noblesse  et  la  bourgeoi> 
aie,  et  faire  reconnaître  Charles-Quint  par  les  Cortès.  Les  faveurs 
royales  ne  lui  firent  jamais  défaut.  Charles  le  nomma  son  historiographe 
et  le  mit  dans  son  conseil  des  Indes  (15181.  De  tous  les  bénéfices  dont 
il  fut  gratifié,  aucun  ne  le  réjouit  autant  que  celui  de  premier  abbé  de 
la  Jamaïque  (1524).  L'année  suivante,  il  se  relira  de  la  cour,  à  cause  de 
son  âge  et  de  ses  infirmités,  et  il  mourut  dans  une  paisible  retraite  de 
Grenade,  en  octobre  1526. 

Son  Opui  tpùtalarum,  le  plus  important  de  ses  ouvrages  et  qui  sert 
encore  de  source  pour  l'histoire  de  la  Renaissance  et  des  origines  de  ta 
Réforme,  se  compose  de  huit  cent  douze  lettres.  La  première  édition, 
qui  parut  quatre  ans  après  sa  mort,  ne  contenait  qu'un  choix  de  cette 
riche  correspondance.  Elle  ne  fut,  d'ailleurs,  tirée  qu'à  un  petit 
nombre  d'exemplaires,  et  elle  disparut  bientôt  du  marché.  Une  nouvelle 
édition,  plus  complète  et  bien  supérieure  à  la  première,  sortit  des 
presses  des  Elïévirs,  en  1670,  On  la  trouve  dans  maintes  grandes 
bibliothèques;  mais  elle  laisse  encore  à  désirer  ;  il  y  a  en  particulier 
plusieurs  fautes  d'impression.  La  correspondance  comprend  trente-sept 
années,  de  1468  à  1525.  Parmi  les  correspondants,  il  y  a  des  ecclésias- 
tiques, des  dignitaires,  des  hommes  d'État  et  des  savants.  Quelques- 
unes  des  lettres  ne  s'adressent  pas  à  une  seule  personne,  mais  à  plu- 
sieurs, auxquelles  on  devait  les  communiquer  successivement.  Pour 
les  affaires  politiques,  les  épitres  intimes,  plutôt  que  les  dépêches  olG- 
cielles  qu'il  écrivait  en  qualité  d'ambassadeur,  présentent  les  choses 
sous  leur  vrai  jour  et  sont  plus  claires  :  c'est  à  celles-là,  quand  il  y  en 
a,  qu'il  faut  s'adresser.  Le  latin  dont  il  se  sert,  san.i  doute  pour  donner 
l'exemple  à  ses  élèves,  n'a  pas  toujours  la  pureté  classique  ;  mats  son 
style  est  vif,  rapide,  imagé,  et  les  mots  bien  frappés  no  sont  pas  rares. 

Ces  lettres  ont-elles  été  données  au  public  telles  que  Martyr  les  avait 
écrites,  comme  le  croit  Prescott,  ou  bien  ont-elles  été  remaniées  pour 
l'impression,  comme  le  pense  ftanke  ?  M.  lieidenheimer  est  de  ce  der- 
nier avis,  et  il  s'appuie  surtout  sur  ce  fait  qu'il  n'y  a  guère  de  répéti- 
tions. A  cause  de  cela,  un  peu  de  réserve  est  nécessaire. 

Elles  ont  parfois  un  caractère  prophétique.  Ainsi,  déjà  en  novembre 
1492,  il  écrit  en  termes  très  vifs  et  passablement  lestes,  que  si  les  Fran- 
çais arrivent  en  Italie  ils  ne  jouirunt  pas  longtemps  de  leur  conquête, 
il  dit  aussi  qu'il  ne  faut  rien  attendre  de  bon  du  pontificat  d'Alexandre 
VI;  qu'il  amènera  de  grands  troubles  dans  la  chrétienté,  etc.,  etc. 

Pour  ce  qui  regarde  la  religion  et  les  questions  religieuses.  Martyr 
fut  toujours  un  catholique  sincère  et  fervent.  Il  se  réjouit  de  la  décou- 
verte du  nouveau  monde,  surtout  par  la  raison  que  ce  seront  des  mil- 


420  COMPTES-RENDUS  CRITIQUES. 

liers  et  milliers  de  nouveaux  croyants  qui  entreront  dans  l'église.  Il  ne 
dit  rien  de  la  façon  par  trop  expéditive  dont  s'accomplirent  ces  préten- 
dues conversions.  Tout  en  s'étonnant  de  la  hardiesse  de  Savonarolo,  il 
croit  que  la  jalousie  a  été  le  principal  motif  de  sa  mort  sur  le  bûcher. 
Il  blâme  sévèrement  le  concile  schismatique  de  Pise.  La  position  qu'il 
prend  vis-à-vis  de  Luther  et  du  grand  mouvement  de  la  Réforme,  qui 
devait  finir  par  séparer  de  Rome  la  moitié  de  l'Europe,  n'a  rien  de 
sympathique  pour  a  ce  moine  infidèle  »  {infido  cucullato^  septembre 
1520).  Neuf  mois  après,  en  juin  1521,  il  est  encore  plus  vif  et  plus  hos- 
tile :  «  Nolle  meos  hortos,  écrit-il  à  son  ami  Fajardo,  talibus  sorbis, 
aut  aliis  acribus  et  venenosis  fructibus  inficere,  vel  meis  lactucis  talem 
cicutam  commiscere.  »  En  février  1523,  cette  ciguë  est  devenue  une 
peste  (lutherana  pestis).  Il  applaudit  à  l'expulsion  des  Juifs  d'Espagne  ; 
et  il  félicite  Isabelle  d'avoir  rejeté  hors  du  pays  cette  race  qui  aurait 
fini  par  amener  la  damnation  des  chrétiens.  Personne,  du  reste,  à  cette 
époque,  ne  montra  la  moindre  miséricorde  à  l'égard  de  ces  proscrits. 
L'Inquisition  est  pour  lui  une  institution  bénie  et  digne  des  plus  grands 
éloges. 

Les  portraits  que  Martyr  fait  de  Christophe  Colomb,  de  Léon  X,  du 
cardinal  Ximénès,  de  Ferdinand  et  d'Isabelle,  de  Charles-Quint,  dont 
il  fut  le  maître,  de  Gonzalve  de  Cordoue  et  de  bien  d'autres  person- 
nages qui  ont  marqué  dans  l'histoire,  sont  à  noter.  Ils  sont  en  général 
mieux  réussis  que  la  caractéristique  de  telles  nations  dont  le  nom  vient 
sous  sa  plume.  Les  Français,  qui  ont  fait  tant  de  mal  aux  Italiens,  sont 
des  voleurs,  des  brigands,  qu'il  poursuit  d'une  haine  profonde.  Les 
Allemands  sont  des  grossiers,  dont  les  mœurs  barbares  font  contraste 
avec  la  politesse  exquise  des  Italiens.  Les  Suisses,  qu'il  a  appris  à  con- 
naître dans  sa  jeunesse,  sont  pour  lui  tout  uniment  un  peuple  de  char- 
bonniers et  de  bergers. 

M.  Heidenheimer  porte  sur  Martyr,  géographe,  le  même  jugement 
que  Humboldt  a  porté  sur  lui  dans  son  Examen  critique  de  l'histoire  de 
la  géographie  du  nouveau  continent^  t.  II,  p.  280  :  «  Partout,  dit  celui- 
ci,  P.  Martyr  d'Anghiera  se  montre  comme  un  esprit  supérieur,  saisis- 
sant les  fait*?  avec  cette  impatiente  curiosité  et  cette  mobilité  d'imagi- 
nation qui  était  propre  à  un  siècle  avide  d'instruction  et  de  gloire.  » 

Les  deux  derniers  cinquièmes  de  l'ouvrage  sont  consacrés  à  une  très 
utile  analyse  des  faits  les  plus  saillants  et  les  plus  intéressants  qui  sont 
racontés  dans  VOpus  epistolarum  de  Martyr.  En  lisant  ces  pages,  on 
peut  voir  tout  le  parti  qu'on  peut  tirer,  pour  l'étude  de  cette  période 
historique,  des  mille  renseignements  fournis  par  le  vieil  écrivain,  en 
général  bien  informé.  A  cet  égard,  c'est  un  véritable  service  que  le 
docteur  berlinois  a  rendu  aux  amis  de  l'histoire,  et  nous  l'en  remercions. 

Charles  Dardier. 


p.  vrLUBi  :  ivrccoLÔ  machiatelli.  424 

Pasquale  Villàri.  Niccolô  Machiavelii  e  i  snoi  tampi,  illustrali 
con  nuovi  documenti.  Firenze,  Le  Monnier,  4884-82.  3  vol.  in-8*. 

L'époque,  rhomme,  la  doctrine,  tel  est  Tobjet  des  deux  volumes  par 
lesquels  le  professeur  Villari  termine  sa  remarquable  étude  sur  Machia- 
vel. —  Daus  la  large  et  savante  introduction  du  livre  premier,  Tauteur 
montre  combien,  à  la  fin  du  moyen  iVge,  une  réforme  politique  eût  été 
nécessaire  pour  faire  trouver  à  l'Italie  une  position  stable  ;  mais  cette 
réforme  n'eut  pas  lieu,  et  l'auteur  l'explique  par  les  invasions  étran- 
gères qui  recommencèrent  à  désoler  ce  malheureux  pays,  déjà  si  affaibli 
par  les  dissensions  intestines.  Si  rien  ne  vint  changer  la  marche  des  évé- 
nements politiques,  une  grande  réforme  eut  lieu  dans  l'ordre  intellec- 
tuel et  littéraire  ;  Tétude  des  lettres  classiques  introduisit  de  nouveaux 
éléments,  tant  dans  les  sciences  que  dans  les  arts,  et  cette  renaissance 
intellectuelle  inaugura  les  temps  modernes. 

Le  premier  chapitre  du  second  volume  est  intitulé  :  «  Le  siècle  de 
Jules  IL  »  Malgré  son  imagination  vive,  son  goût  un  et  sûr,  Machiavel, 
observe  M.  Villari,  ne  semble  pas  avoir  beaucoup  subi  l'influence  du 
grand  mouvement  artistique  de  son  siècle  ;  mais  cette  grande  réforme* 
est  un  fait  trop  important  dans  l'histoire  de  celte  époque  pour  que 
M.  Villari  pût  la  passer  sous  silence.  Il  ne  parle  pas  seulement  de  la 
part  qu'eut  Machiavel  dans  le  mouvement  scientiGque  ou  artistique, 
mais  il  fait  un  tableau  complet  de  cette  renaissance. 

Puis  il  continue  son  récit  de  la  vie  de  Machiavel.  On  sait  qu'après 
la  chute  des  Médicis,  Florence  rétablit  le  gouvernement  libre,  conso- 
lidé par  la  création  du  gonfalonier  à  vie.  M.  Villari  montre  les  efforts 
faits  par  Machiavel  pour  rendre  le  gouvernement  de  Florence  capable 
de  résister  à  Taffaiblissement,  à  la  décadence  qui  gagnaient  peu  à  peu 
tous  les  états  italiens.  Pour  lui,  une  armée  nationale  était  le  seul 
remède  ;  l'armée  seule,  avec  une  organisation  ferme  et  solide,  aurait  pu 
empêcher  Florence  de  retomber  sous  le  despotisme  des  Médicis,  lorsque 
l'occasion  s'offrit  à  eux  de  rentrer  dans  leur  patrie  pour  recommencer  à 
y  opprimer  la  liberté. 

L^honnéteté,  nous  dirions  même  la  dignité  du  caractère  de  Machia- 
vel, se  révélèrent  d'une  manière  toute  particulière  dans  ces  circonstances. 

On  pense  généralement  que  la  pauvreté  qui  le  surprit  alors,  aggrave'^ 
par  sa  condition  de  père  de  famille,  explique  les  efforts  qu'il  tenta 
pour  obtenir  un  emploi  auprès  des  Médicis.  Mais  ce  ne  fut  point  là 
son  motif.  L  objet  naturel  de  ses  études  et  de  ses  travaux  ayant 
toujours  été  le^  choses  humaines,  les  affaires  publiques  étaient  l'élé- 
ment nécessaire  à  sa  vie  intellectuelle.  Chaud  partisan  de  la  liberU'% 
il  espt>rait  pouvoir  rendre  encore  d'importants  services  à  sa  cause  qui 
semblait  perdue  et  Tétait  en  réalité.  Si  les  faits  ne  suffisent  pas  à 
démontrer  l'honnêteté  de  Machiavel  en  ces  circonstances,  nous  en 
avons  enconi  plusieurs  preuves  recueillies  et  établies  |)ar  M.  Villari  avec 
une  grande  pénétration.  Ce  sont  les  trois  lettres  écrites  après  la  chute 


422  COVPTES-RENDUS  CRITIQUES. 

de  Soderini,  l'une,  semble-t-il,  à  Alphonsîne  Orsini,  les  autres  au  car- 
dinal de  Médicis.  Dans  ces  lettres,  Machiavel  conseUle  la  prudence  aux 
nouveaux  maîtres  qui  voulaient  se  dédommager  des  pertes  qu'ils 
avaient  subies  lorsqu'ils  étaient  en  exil  ;  il  les  met  en  garde  contre  les 
calomniateurs  de  Soderini^  et  prend  ainsi  indirectement  la  défense  du 
malheureux  gonfalonier. 

Mais  ce  qui  met  le  mieux  en  lumière  les  intentions  de  ICachiavel, 
c'est  son  discours  f  sur  les  réformes  à  faire  dans  l'État  de  Florence  » 
qu'il  écrivit,  on  le  sait,  à  la  demande  du  pape  Léon  X. 

Gomme  le  dit  très  bien  M.  Villari,  ce  discours  n'a  pas  une  grande  valeur 
scientifique  ou  pratique  ;  il  est  bien  inférieur  au  traité  de  Guichardin 
sur  le  même  sujet.  Guichardin,  partant  du  fait  qu'à  Florence  la  liberté 
n'était  plus  possible,  conseille  aux  Médicis  d'user  de  tous  les  moyens 
avec  lesquels  un  gouvernement,  qui  n'est  pas  accepté  de  tous,  peut 
accroître  sa  réputation.  Mais  Machiavel  qui  ne  songeait  pas  seulement 
à  l'intérêt  de  quelques-uns,  qui  ne  parlait  jamais  de  la  patrie  et  de 
la  liberté  sans  s'exalter,  conseille  plutôt  au  nouveau  gouvernement  de 
rétablir  à  Florence  le  régime  républicain  ;  il  consentait  seulement,  et 
cela  était  nécessaire  pour  faire  accepter  sa  proposition,  à  ce  que  les 
Médicis  restassent  au  pouvoir  tant  que  durerait  le  pontificat  de 
Léon  X. 

Enfermé  en  prison  après  avoir  été  accusé  de  complicité  avec  les 
conjurés  Gapponi  et  Boscoli,  il  écrivit  trois  sonnets  qui  semblent 
témoigner  contre  son  caractère.  On  a  nié  parfois,  en  voyant  la  bassesse 
avec  lequel  le  poète  implore  sa  grâce  auprès  de  Julien  de  Médicis,  que 
ces  sonnets  fussent  de  Machiavel.  M.  Villari,  cependant,  déclare  qu'ils 
sont  bien  de  lui,  mais  en  réalité  ils  ne  furent  pas  adressés  à  Julien  de 
Médicis,  qui  ne  les  vit  même  probablement  jamais.  C'est  la  boutade 
cynique  d'une  âme  aigrie  et  irritée.  Ce  cynisme,  qu'on  ne  peut  nier, 
était  surtout  à  la  surface.  On  sait  quel  était  le  caractère  de  ce  siècle, 
comme  on  y  riait  facilement  de  tout,  comme  on  s'efforçait  souvent  d'y 
paraître  plus  mauvais  qu'on  ne  l'était  en  réalité.  Que  n'a-t-on  pas  dit 
sur  les  dérèglements  de  Machiavel,  sur  son  peu  d'affection  pour  sa 
femme  ou  pour  sa  famille  !  L'obscénité  dont  sont  généralement  em- 
preintes ses  lettres  à  Vettori  ou  à  d'autres  amis,  môme  lorsque  le  sujet 
ne  comporte  pas  le  badinage,  prouverait  certainement  contre  lui.  Mais 
les  lettres  que  Vettori  lui  écrivait  ne  sont  pas  moins  grossières,  non 
qu'il  fût  dépravé  plus  ou  autant  que  lui,  mais  parce  que  c'était  l'habi- 
tude. Cette  étrange  époque  nous  apparaît  plus  corrompue  que  la  nôtre, 
ou  du  moins  encore  plus  corrompue  qu'elle  ne  l'était  en  réalité,  parce 
qu'elle  se  montre  à  nous  sans  se  revêtir  du  moindre  voile  hypocrite. 
La  biographie  de  M.  Villari  est  du  reste  là  pour  nous  montrer  qu'il  n'y 
eut  rien  de  honteux  dans  la  conduite  de  Machiavel,  et  qu'il  ne  fut  rieu 
moins  qu'un  mari  et  un  père  désaffection  né.  Le  récit  de  la  vie  privée 
et  publique  de  Machiavel  nous  présente  le  secrétaire  florentin  sous  un 
aspect  différent  de  celui  sous  lequel  on  l'a  peint  généralement  ;  il  nous 


p.    VILURl   :    NfCCOLÔ  MACHUVELLI.  423 

enseigne  que,  si  ses  doctrines  ne  furent  pas  toujours  bonnes,  cela  ne 
prouve  pas  que  celui  qui  les  écrivit  fût  lui-même  mauvais.  Il  nous 
montre  de  plus  comment  la  pratique  des  affaires  olTrit  à  Blachiavel 
Toccasion  d'étudier  à  fond  les  hommes  et  les  choses.  Cette  étude  fut  le 
fondement  réel  de  toutes  ses  doctrines  politiques.  M.  Villari  fait  admi- 
rablement ressortir  la  façon  dont  le  futur  écrivain  politique  se  forma, 
pour  ainsi  dire,  au  milieu  des  affaires  publiques,  comment,  dans  les 
lettres  de  la  première  ambassade  surtout,  on  peut  déjà  pressentir  l'écri- 
vain des  •  Discours  >  et  du  c  Prince;  >  comment,  lors  de  son  ambas- 
sade auprès  du  duc  de  Valentinois,  le  spectacle  de  la  conduite  de  César 
Horgia,  au  moment  le  plus  difticile  de  son  existence  (la  rébellion  de 
SOS  capitaines  et  le  massacre  de  Sinigaglia),  lui  suggéra  Tidée  de  donner 
à  la  politique  une  base  positive,  indépendante  de  la  morale. 

Le  second  volume  contient  le  récit  de  sa  troisième  ambassade  en 
France,  ot  de  celle  qui  suivit,  auprès  de  l'empereur  Maximilien.  Elles 
donnèrent  lieu  à  trois  de  ses  premiers  écrits  scientifiques  :  c  Tableau 
des  affaires  en  France.  »  —  «  Tableau  et  rapport  des  affaires  d'Alle- 
magne. »  —  c  Discours  sur  les  affaires  d'Allemagne  et  sur  l'empe- 
reur. »  —  L'exposé  de  ces  diverses  ambassades  n'a  pas  une  grande 
importance  pour  l'histoire  de  Florence  ou  de  l'Italie  ;  mais  il  est  inté- 
ressant pour  l'histoire  des  idées  de  Machiavel.  Tout  le  monde  sait, 
observe  M.  Villari,  quels  trésors  de  notes  et  d'observations  contiennent 
les  rapports,  les  lettres,  les  dépêches  des  ambassadeurs  vénitiens  et 
llorentins,  les  uns  plus  impersonnels,  les  autres  plus  enclins  à  substi- 
tuer leurs  propres  observations  à  la  simple  exposition  des  faits.  Parmi 
ceux-ci,  Machiavel  occupe  une  place  prépondérante.  Supérieur  à  tous, 
mais  non  pas  à  (Tuichardin,  dans  l'art  de  connaître  à  fond  les  différents 
cùtés  d'une  question  et  de  découvrir  les  ressorts  secrets  des  passions 
individuelles,  il  les  dépasse  surtout  dans  l'observation  générale  et 
scrupuleuse  de  tout  ce  qui  peut  avoir  quelque  importance  pour  la  sûreté 
des  fASiis  :  les  conditions  topographiques,  le  caractère  des  peuples  ou 
des  institutions,  et,  dans  l'investigation  des  principes  et  des  lois,  des 
faits  concrets  et  particuliers.  Bon  caractère  l'attirait  vers  les  observa- 
tions scientifiques.  Au  milieu  des  affaires  minutieuses  de  sa  charge, 
les  négociations  d'ordre  secondaire  que  son  gouvernement  lui  don- 
nait à  traiter  en  sa  qualité  de  légat,  une  grande  importance  historique, 
prenaient  entre  ses  mains  une  réelle  valeur.  Ce  fut  ainsi  qu'il  planta 
les  premiers  jalons  de  cette  science  qui  se  formulera  et  se  développera 
plus  tard  dans  les  f  Discours,  »  dans  «  le  Prince  •  et  dans  tous  ses 
autres  écrits  politiques  ou  historiques. 

Ici  s'arrête  le  livre  premier  qui  s'étend  très  avant  dans  le  second 
volume,  spécialement  destiné  à  l'examen  des  ouvrages  de  Machiavel. 
L'auteur,  tidèle  à  sa  méthode  de  faire  découler  les  faits  et  les  doctrines 
de  leurs  causes,  met  sous  les  yeux  du  lecteur  l'évolution  progressive 
qu'a  subie  la  science  politique  jusqu'au  moment  où  Machiavel  la  res- 
Uiura  et  la  renouvela.  Il  recherche  ce  ((u'était  la  doctrine  de  l'État 


424  COMPTES-REI<n>VS  CRITIQUES. 

au  moyen  âge  et  expose  dans  un  chapitre  remarquable  toutes  les 
transformations  par  lesquelles  elle  passa. 

Les  questions  relatives  aux  rapports  entre  TÉglise  et  TÉtat,  soulevées 
depuis  la  restauration  de  Tempire  par  Gharlemagne,  et  même  depuis 
le  jour  où  Constantin  proclama  le  christianisme  religion  d'État,  don- 
nèrent peu  à  peu  naissance  à  deux  écoles  politiques,  différant  Tune  de 
l'autre  par  les  principes,  sinon  par  la  forme  et  la  méthode.  Gomme  la 
doctrine  de  la  prééminence  de  TÉglise  dans  Tordre  social  l'emporta 
tout  d'abord,  l'école  guelfe  fut  la  première  à  se  former;  elle  eut  ses 
grands  écrivains  avec  saint  Thomas  d'Aquin  et  avec  Egidio  Ck)loniia. 
Mais,  pendant  ce  temps,  l'empire  affirmait  ses  droits  en  dehors  de 
l'Eglise  et  la  société  civile  commençait  à  s'émanciper  de  l'autorité  reli- 
gieuse. Alors  surgit  Técole  gibeline  avec  Dante  et  Marsile  de  Padoue 
en  opposition  avec  l'école  guelfe.  Ce  fut  là  un  grand  progrès;  on  com- 
mença à  comprendre  que  si  l'Eglise  avait  sa  raison  d'être,  la  société 
indépendante  de  l'Eglise  avait  aussi  la  sienne.  Mais,  en  réalité  et  mal- 
gré ce  pas  en  avant,  ni  Dante,  ni  Marsile  de  Padoue,  ni  aucun  de 
leurs  disciples  ne  surent  affranchir  le  moyen  âge  des  idées  qui  domi- 
naient alors.  Scholastiques  les  uns  comme  les  autres,  ils  ne  soumirent  pas 
leurs  doctrines  aux  faits  réels,  mais  ils  revêtirent  leurs  raisonnements 
des  subtilités  et  des  sophismes  de  l'école.  Toutefois  l'admiration  des  écri- 
vains de  1  école  gibeline  pour  l'antiquité  fut,  ainsi  que  l'a  très  bien 
dit  M.  "Villari,  comme  une  prédiction  du  prochain  triomphe  de  l'éru- 
dition classique  et  de  la  transformation  qui  devait  s'accomplir  inévita- 
blement dans  les  idées  du  moyen  âge.  Un  grand  travail,  lent,  mais 
fécond,  allait  commencer.  Il  est  vrai  que  les  écrivains  politiques  se 
laissaient  encore  aller  à  rechercher  cette  chimère,  le  prince  parfait  ou 
le  gouvernement  parfait,  mais  un  changement  se  préparait.  Tandis  que 
la  littérature  et  les  beaux-arts  se  perfectionnaient  au  contact  du 
vrai  et  de  l'antique,  une  grande  quantité  de  matériaux  scientifiques 
s'accumulaient  pendant  tout  le  xv*  siècle,  grâce  aux  observations  tirées 
des  faits  journaliers,  et  grâce  à  la  connaissance  des  grands  ouvrages 
historiques  ou  politiques  de  l'antiquité.  Le  futur  restaurateur  de  la 
science  politique  devait  en  profiter  un  jour. 

On  devait  ainsi  arriver  à  un  certain  état  de  choses,  où  se  réuniraient 
0  les  feuilles  éparses  d'une  doctrine  née  au  milieu  des  affaires  et  des 
réalités  de  la  vie,  conséquence  inévitable  du  nouveau  mode  d'observer 
et  de  connaître;  une  doctrine  qui  n'attendait,  pour  se  montrer  dans 
tout  son  éclat,  que  d'être  ordonnée  et  expliquée  scientifiquement.  Elle 
semble  ainsi  être  sortie  toute  formée  et  inattendue  du  cerveau  de  Jupiter 
tandis  qu'elle  fut  longuement  et  laborieusement  conçue,  t 

Là,  l'auteur  ne  se  contente  pas  de  nous  faire  connaître  les  théories 
de  cette  école;  il  nous  montre  combien  Machiavel  s'en  éloigne  et  en 
diffère.  Puis  il  fait  un  examen  fort  intéressant  des  écrits  politiques  de 
Guichardin  qui  fut  le  chef  de  cette  école,  sinon  au  point  de  vue  chrono* 
logique,  au  moins  par  son  talent. 


p.    VILLARI   :    NICCOLÔ  MACHIAVELLI.  425 

Guichardin  fut  un  observateur  profond  des  faits,  de  leurs  causes  et 
de  leurs  résultats  immédiats,  mais  il  ne  s'éleva  jamais  jusqu'aux  prin- 
cipes généraux  de  la  science  et  s'éloigna  toujours  des  vues  d'ensemble. 
Machiavel,  observateur  moins  subtil,  pénétrant  moins  dans  toutes  les 
particularités,  savait  mieux  découvrir  entre  mille  faits  le  plus  important, 
déterminer  le  caractère  général  des  peuples  et  de  leurs  gouvernements 
et  discerner  même  dans  l'avenir  les  événements  probables.  Guichardin 
n'avait  pas  de  préférence  pour  la  liberté  ou  pour  le  despotisme  ;  il  se 
réglait  d'après  les  événements  et  prt'férait  généralement  au  gouverne- 
ment populaire  celui  de  quelques-uns.  Machiavel,  au  contraire,  fut  le 
champion  de  la  liberté  et  du  peuple.  En  somme,  ni  l'un  ni  Tautre 
n'eurent  de  préjugés,  et  ils  surent  examiner  les  choses  humaines  d'une 
faron  rationnelle.  Tous  les  deux  marquent  la  profonde  scission  qui  se 
lit,  dans  la  nouvelle  école,  entre  la  politique  et  la  morale  chrétienne. 
LMdée  antique  et  païenne  de  l'état,  qui  avait  progressé  en  même  temps 
que  le  christianisme,  était  d'arriver  à  une  solution  toute  pratique  et 
humaine  dans  l'art  de  gouverner;  le  principe  ne  put  s'accorder  avec  les 
doctrines  évangéliques,  mais  Guichardin,  qui  n'approfondissait  les  pro- 
blèmes sociaux  ou  politiques  que  tant  qu'ils  lui  donnaient  une  solution 
pratique  et  immédiate,  trouvait  inutile  de  s'en  occuper.  Il  lui  suffisait 
de  constater  que  la  politique  avec  tous  ses  rouages  compliqués  était  une 
p&ture  pour  l'égoîsme  naturel  de  l'homme.  Machiavel,  au  contraire,  tout 
en  n'affrontant  pas  ce  problème  difQcile  comme  l'eût  fait  un  penseur 
moderne,  voyait  dans  l'État  autre  chose  qu'une  machine  plus  ou  moins 
compliquée  bonne  à  satisfaire  l'égoîsme  humain,  ne  convenant  pas 
également  à  toutes  les  conditions,  à  tous  les  peuples,  à  tous  les  pays. 
Il  basait  son  idéal  do  gouvernement  sur  la  vertu  publique  et  réduisait 
la  politique  à  une  science  positive. 

Le  «  Prince  »  et  les  t  Discours  »  sont,  on  le  sait,  les  ouvrages  fon- 
damentaux de  la  science  politique  de  Machiavel.  On  a  jugé  générale- 
ment ces  deux  ouvrages  comme  différant  beaucoup  l'un  de  l'autre  par 
les  principes  et  par  le  but.  M.  Villari  démontre  clairement  que  c'est 
une  erreur.  Il  est  vrai  que  Tun  de  ces  ouvrages  traite  de  la  souveraineté 
et  l'autre  de  la  république,  mais  tous  les  deux  s'accordent  si  parfaite- 
ment que  l'on  a  pu  dire  que  «  le  Prince  i  était  contenu  en  germe  dans 
c  les  Discours.  • 

La  haute  portée  des  doctrines  de  Machiavel,  le  lien  qui  les  rattache 
les  unes  aux  autres  sont  encore  plus  frappants  lorsqu'on  songe  au 
moment  où  Machiavel  écrivait. 

I^  Reforme  était  sur  le  point  d'éclater  et  des  états  nationaux  se  cons- 
tituaient peu  à  peu  hors  de  l'Italie.  Ces  deux  faits,  sans  relation  appa- 
rente, naissaient  tous  les  deux  du  môme  principe  que  l'homme,  par 
lui-môme,  est  mauvais  et  impuissant  à  bien  faire.  Le  monde  moral 
devait  ôtre  reconstitué  par  la  Réforme,  le  monde  politique  ou  l'Etat  par 
l'unité  sociale.  Mais,  dans  la  situation  actuelle,  l'Etat  ne  pouvait  ôtre 
reconstitué  que  par  le  pouvoir  tyrauuiquo  d'un  homme  qui  couctmrût 
Rev.  UisTOR.  XXII.  2«  PASc.  -28 


426  C0MPTES-RE!7DUS  CRITIQUES. 

à  l'intérêt  commun  tout  en  ne  pensant  qu'au  sien  propre.  En  effet,  à 
des  degrés  divers,  les  principaux  fondateurs  de  l'unité  sociale  à  cette 
époque,  Louis  XI,  Henri  VII,  Ferdinand  le  Catholique,  furent  des 
tyrans  violents  et  cruels.  Machiavel  en  tira  cette  conclusion  que  l'homme 
d'état  despotique  et  doué  de  force  individuelle  peut  tout  faire,  soit  qu'il 
s'agisse  de  fonder  un  empire  ou  une  république. 

Si  les  deux  grands  événements  de  cette  époque  eurent  une  cause 
semblable,  leurs  effets  furent  aussi  à  peu  près  les  mêmes  :  tandis  que 
la  Réforme  ébranlait  l'universalité  de  l'Eglise,  l'idée  des  états  natio- 
naux détruisait  l'universalité  de  l'empire.  La  constitution  de  ces  états, 
inspirée  par  les  idées  nées  au  temps  du  paganisme,  se  trouva  en  oppo- 
sition violente  avec  les  principes  du  christianisme.  De  là  l'aversion  de 
Machiavel,  non  pour  la  religion  qu'il  considérait,  ainsi  que  tous  les 
hommes  politiques  du  xvi«  siècle,  comme  un  instrument  utile  entre  les 
mains  du  gouvernement,  mais  pour  certaines  doctrines  du  christia- 
nisme contraires  aux  principes  politiques.  Par-dessus  tout  il  avait  en 
haine  la  cour  de  Rome  qu'il  considérait,  à  juste  titre,  comme  le  prin- 
cipal obstacle  à  l'unité  politique  de  l'Italie. 

On  a  essayé  parfois  de  diminuer  la  gloire  de  Machiavel,  de  lui  dis- 
cuter son  titre  de  créateur  de  la  science  nouvelle  ;  ayant  retrouvé  dans 
ses  œuvres  quelques-unes  des  théories  de  Polybe,  de  Plutarque  et 
d'autres  grands  écrivains  grecs,  on  en  a  conclu  que  Machiavel  avait  dû 
savoir  le  grec.  Villari  a  démontré,  au  contraire,  qu'il  avait  lu  les 
grands  écrivains  de  l'antiquité  grecque  dans  les  traductions  qui  exis- 
taient déjà  avant  lui.  D'ailleurs  des  doctrines  et  des  idées  éparses  ne 
constituent  pas  une  science.  On  pourrait  à  plus  juste  titre,  semble-t-il, 
considérer  Aristote  comme  le  véritable  fondateur  de  la  science  politique. 
Mais  M.  Villari  fait  observer,  avec  une  très  grande  vérité,  que  la  diffé- 
rence est  grande  entre  Aristote  et  Machiavel.  En  réalité,  le  principe  de 
l'Etat  est  plus  vaste  chez  le  philosophe  grec,  car  il  embrasse  tous  les 
genres  d'activité,  tandis  que  Machiavel,  d'après  l'idée  romaine,  n'attribue 
à  l'Etat  que  l'action  politique  et  militaire.  Pour  la  méthode,  Machiavel 
est  supérieur  à  Aristote.  Certes,  la  méthode  inductive  est  une  des  plus 
belles  inventions  de  l'esprit  humain;  mais  elle  ne  devint  véritablement 
féconde  que  quand  l'expérience  la  convertit  en  méthode  expérimentale  et 
que  l'observation  des  phénomènes  sociaux  et  politiques  la  transforma  en 
méthode  historique.  Le  premier,  Machiavel  fit  succéder  la  méthode  his- 
torique à  la  méthode  d'induction.  Il  n'interrogeait  pas  l'histoire  comme 
Aristote  pour  y  chercher  la  confirmation  de  ses  théories  préétablies, 
mais  bien  pour  en  tirer  des  théories.  Aristote  étudiait  les  diverses 
formes  des  gouvernements  grecs,  puis,  prenant  dans  chacun  ce  qu'il 
avait  de  bon,  il  voulait  arriver  à  former  un  tout  parfait,  une  sorte  de 
régime  politique  idéal  mais  abstrait  et  ne  répondant  en  rien  à  la  réalité. 
Il  se  rapproche  par  là  delà  plupart  des  écrivains  politiques  du  moyen 
âge  égarés  dans  la  recherche  du  gouvernement  parfait.  Machiavel,  au 
contraire,  étudie,  d'après  la  méthode  historique  et  l'expérience,  com- 


p.    TILLARl    :    NICCOLÔ  MACHUTELLI.  427 

mont  dans  la  réalité  les  états  se  fondent  ou  se  réforment.  De  cette 
façon,  s'il  n'arrive  pas  toujours  à  des  principes  applicables,  il  montre 
que  la  politique,  avec  la  méthode  historique,  peut  s'élever  au  rang 
de  science  positive.  La  première  condition,  la  plus  essentielle,  est 
que  Tobjet  auquel  elle  s'applique  ait  été  examiné  par  la  critique 
et  reconnu  capable  de  conduire  à  la  vérité.  Au  temps  de  Machiavel 
la  critique  historique  était  encore  on  enfance,  aussi  les  doctrines 
de  Machiavel,  qui  n'avait  à  sa  portée  que  des  matériaux  historiques 
incomplets,  sont-elles  parfois  erronées.  Ainsi,  une  de  ses  théories 
fondamentales  était  que  les  états,  les  religions,  en  un  mot  toutes 
les  grandes  institutions  politiques  et  sociales  ne  sont  que  le  produit 
de  la  volonté  d'un  seul.  Ce  principe,  qui  est  faux,  s'explique  par  la 
connaissance  imparfaite  que  l'on  avait  alors  de  l'histoire  ancienne. 
On  considérait  Moïse,  Romulus,  Lycurgue  comme  les  uniques  fonda- 
teurs des  états,  des  croyances  religieuses,  des  législations.  I^es  événe- 
ments historiques  qui  se  déroulaient  sous  les  yeux  de  Machiavel  n'étaient 
pas  faits  pour  redresser  ce  qu'il  y  avait  de  faux  dans  sa  doctrine.  —  Les 
rois  do  France,  d'Angleterre,  d'Espagne,  les  papes,  les  seigneurs  italiens 
et  surtout  César  Borgia  se  présentaient  à  lui  comme  les  uniques  acteurs 
des  tragédies  au  milieu  desquelles  s'écoula  ce  grand  siècle.  —  Aujour- 
d'hui nous  possédons  des  matériaux  historiques  plus  nombreux  et  plus 
sûrs,  nous  voyons  dans  l'évolution  historique  l'œuvre,  non  pas  de 
quelques  individus,  mais  de  toutes  les  forces  sociales  ;  malgré  cela  nous 
ne  pouvons  apprendre  mieux  que  dans  Machiavel  à  connaître  l'histoire 
de  son  époque,  les  conditions  qui  peuvent  seules  expliquer  comment 
furent  alors  possibles  les  actions  do  César  Borgia,  de  Ferdinand  le 
Catholique  et  des  autres  grands  personnages  du  dramatique  xvi*  siècle. 
Passons  maintenant  à  la  question  relative  aux  doctrines  du  secrétaire 
florentin.  M.  Villari  les  a  examinées  scrupuleusement,  et  il  importe  de 
mettre  en  lumière  ses  conclusions.  Pour  beaucoup  de  gens  les  doctrines 
de  Machiavel,  comme  nous  l'avons  dit,  sont  immorales,  parce  que  lui- 
même  est  considéré  comme  un  homme  aux  mœurs  relâchées.  Mais  le 
n»cit  de  sa  vie,  tel  que  l'a  fait  M.  Villari  sans  idée  préconçue,  en  remon- 
tant aux  sources,  montre  qu'il  ne  fut  pas  plus  mauvais  que  ses  contem- 
I)orains,  qu'il  eut  même  des  vertus  que  la  plupart  ne  possédaient  pas. 
D'autres  ont  attribué  la  perversité  do  ses  doctrines  à  l'influence  de 
cette  é})oque  corrompue,  mais  les  mémos  reproches  n'ont  pas  éttV 
faits  à  Guichardin  ni  à  Giannotli.  D'après  Villari,  la  principale 
cause  de  la  perversité  de  quelques-unes  dos  doctrines  de  Machiavel  est 
dans  le  principe  fondamental  de  ses  théories.  Machiavel,  nous  l'avons 
déjà  vu,  faisait  crun  homme  seul  le  fondateur  d'une  ville,  d'un  état, 
d'une  religion,  d'une  législation  ;  on  comprendra  facilement  que  les  pré- 
coptes moraux  d'après  lesquels  on  juge  les  actions  humaines  ne  peuvent 
s'appliquer  à  un  homme  ainsi  destiné  à  accomplir  cette  mission  extraor- 
dinaire :  la  fondation  ou  la  reconstitution  d'un  état  par  son  propre  effort 
et  sa  seule  volonté.  Il  doit  nécessairement  tout  sacriûer  à  ce  but  sublime 


428  C0MPTBS-RE5DUS  CRITIQinSS. 

et  tous  les  moyens  lui  sont  bons  pour  arriver  à  ses  fins.  Telle  était 
Pidée  de  Machiavel.  Non  seulement  il  ne  fait  pas  de  différence  entre 
les  moyens  bons  ou  mauvais,  mais  il  ne  s'inquiétait  pas  des  préceptes 
de  la  morale  parce  qu'elle  échappait  à  sa  compétence;  de  plus  la  méthode 
historique  qu'il  appliqua  le  premier  à  la  science  politique  ne  lui  per- 
mettait pas  de  tirer  des  faits  d'autres  inductions  que  celles  qui  s'en 
dégagent  tout  naturellement. 

Il  ne  faut  pas  oublier  qu'au  moment  où  Machiavel  élevait  son  monu- 
mei^t  scientifique,  la  politique  était  devenue  entre  les  mains  de  ceux  qui 
s'en  occupaient  une  occasion  de  fraudes  et  de  honteux  désordres.  La 
théorie  moderne  de  l'évolution  historique  de  l'homme  et  de  la  société 
mène  à  cette  conclusion  que,  si  certaines  des  doctrines  de  Machiavel 
semblent  conformes  à  l'esprit  du  xvi«  siècle,  elles  ne  peuvent  s'appliquer 
à  d'autres  temps  ni  à  des  conditions  sociales  et  morales  meilleures. 
Mais  Machiavel  qui  ne  connaissait  pas  cette  théorie  en  professait  une 
tout  opposée,  étroitement  unie  à  la  méthode  historique,  mais  basée  sur 
des  renseignements  imparfaits  :  celle  de  l'immutabilité  de  la  nature 
humaine. 

Du  reste,  de  nos  jours,  aucun  homme  d'Etat  ne  croirait  agir  en  bon 
politique  en  réglant  ses  actions  d'homme  public  d'après  les  préceptes 
de  la  morale  particulière.  Dans  les  relations  privées,  il  est  beau  de  se 
sacrifier  pour  les  autres,  mais  dans  les  affaires  publiques,  l'intérêt  géné- 
ral est  au-dessus  de  tout  et  pour  ne  pas  le  sacrifier  il  est  parfois  néces- 
saire d'employer  des  moyens  que  peut  seul  excuser  la  noblesse  du  but. 
L'histoire  contemporaine  est  riche  en  tels  exemples  et  pourtant  per- 
sonne ne  crie  au  scandale.  Mais  si  de  la  pratique  on  s'élève  à  la  théorie, 
on  s'empresse  de  prêcher  qu'il  n'y  a  qu'une  morale  et  que  les  actions 
politiques  doivent  s'y  conformer  tout  aussi  bien  que  les  actions  privées. 
Aussi,  conclut  fort  bien  M.  Villari,  t  si  l'erreur  de  Machiavel  consiste  à 
regarder  la  morale  publique  comme  tout  à  fait  indépendante  de  la 
morale  privée,  et  à  ne  pas  voir  la  relation  qui  existe  entre  ces  deux 
morales,  notre  erreur,  au  contraire,  est  de  supprimer  toute  différence 
réelle  entre  elles  et  de  proclamer  leur  identité.  » 

Machiavel  écrivit  ses  t  Discours  »  dans  un  but  entièrement  théorique, 
tandis  que  dans  c  le  Prince  •  il  avait  un  but  immédiat  et  pratique. 
M.  Villari,  à  ce  propos,  défend  Machiavel  contre  ceux  qui  ont  exagéré 
l'immoralité  de  ses  doctrines.  Il  est  fort  peu  probable  qu'il  ait  espéré, 
par  son  livre,  se  faire  mieux  connaître  des  Médicis  et  obtenir  d'eux 
quelque  emploi  ;  l'idée  qui  l'inspira  fut  plus  désintéressée.  Sa  correspon- 
dance avec  Francesco  Vettori  en  est  une  preuve,  ainsi  que  ce  fait  relevé 
par  M.  Villari,  qu'il  tarda  tant  à  dédier  son  livre  à  Julien  de  Médicis 
que  celui-ci  mourut  auparavant;  il  le  dédia  alors  à  Laurent,  duc  d'Ur- 
bin,  sachant  bien  que  celui-ci  ne  le  lirait  peut-être  jamais.  —  Quant  à 
cotte  supposition  étrange  de  quelques-uns,  que  Machiavel  a  fait  dans 
«  lo  Prince  •  le  portrait  exact  et  terrible  d'un  tyran,  pour  éveiller  dans 
tous  les  cœurs  la  haine  de  la  tyrannie,  elle  est  aisée  à  détruire.  Lorsque 


p.    VILURI    :    NirXOLÔ  MACHI1V£LLI.  429 

«  le  Prince  »  fut  écrit,  en  1513,  Léon  X,  qui  venait  d'être  élu  pape, 
comptait  faire  de  Modène,  Reggio,  Parme  et  Plaisance  une  princi- 
pauté pour  son  frère  Julien  ;  si  Ton  se  rappelle  les  paroles  si  patrio- 
tiques do  la  conclusion,  on  comprendra  que  le  but  de  Machiavel  ne  pou- 
vait être  celui  qu'on  lui  attribue. 

L'idéal  de  Machiavel  était  de  voir  Tltalie  amenée  à  Tunité  politique 
au  moyen  de  la  République,  car  le  régime  républicain,  selon  lui,  devait 
seul  laisser  intacte  la  liberté,  qui  n'était  pas  moins  chère  à  Machiavel 
que  l'unité  politique;  elle  ne  pouvait  subsister  avec  la  souveraineté 
absolue  qui  régnait  alors.  Pourtant,  s'il  se  fût  présenté  un  prince  capable 
de  réunir  les  parties  éparses  de  la  péninsule,  pour  les  organiser  en  un 
vaste  état  et  chasser  les  étrangers  qui  s'en  disputaient  la  domination, 
Machiavel  eût  consenti  à  le  reconnaître.  On  crut  un  moment  que  le 
duc  de  Valentinois  serait  ce  libérateur  de  l'Italie;  plus  tard  on  fonda 
de  nouveau  cet  espoir  sur  Julien  ou  Laurent  de  Médicis.  Mais  ces  deux 
princes  n'étaient  pas  capables  de  mener  à  bien  une  aussi  noble  entre- 
prise, et  ils  moururent  avant  d'avoir  rien  tenté  pour  la  libération  et 
l'unité  de  l'Italie.  Ije  livre  du  •  I^rince  »  qui  fut,  mais  en  partie  seule- 
ment ,  ce  que  l'on  appellerait  aujourd'hui  un  écrit  de  circonstance, 
n'eut  aucun  résultat  pratique  et  immédiat,  ni  pour  l'auteur  qui  ne  reçut 
jamais  aucune  récompense  des  Médicis,  ni  pour  l'Italie  qui  ne  vit  surgir 
aucun  libérateur  pour  la  délivrer  et  la  reconstituer. 

M.  Villari  complète  sa  fine  analyse  par  un  chapitre  des  plus  intéres- 
sants où  il  discute  les  jugements  rendus  à  propos  du  •  IMnce  »  par 
tous  les  critiques,  depuis  ceux  qui  vivaient  en  même  temps  que  Machia- 
vel, jusqu'à  Macaulay,  Gervinus  et  d'autres,  plus  récents  encore. 

Nous  avons  vu  que  Machiavel  dut,  pendant  de  longues  années,  vivre 
eu  dehors  des  affaires  publiques,  et  il  le  regrettait  d'autant  plus  que 
les  événements  devenaient  plus  graves.  Jusqu'à  la  bataille  de  Havenne 
et  à  la  mort  de  Jules  II,  on  avait  quelque  peu  espén*  rendre  la  situation 
moins  grave  en  rétabUssant  l'équilibre  entre  les  puissances  étrangères 
qui  se  disputaient  la  domination  de  l'Italie.  Mais  les  événements  se 
précipitèrent  :  la  bataille  de  Marignan ,  la  paix  de  Noyon,  la  conso- 
lidation de  la  domination  française  en  Lombardie,  la  rivalité  de  Fran- 
rois  !•'  et  Charles-Quint,  se  succédèrent  rapidement.  Pendant  ce  temps, 
les  états  italiens,  y  compris  Venise,  perdaient  toujours  plus  de  leur 
force  et  de  leur  autorité.  Les  chapitres  où  M.  Villari  raconte  ainsi  les 
vicissitudes  de  l'Italie  pendant  .ces  luttes  incessantes  sont  très  impor- 
tants; ils  font  comprendre  quel  sentiment  généreux  inspirait  Machiavel 
lorsqu'il  réclamait  à  grands  cris  un  libérateur  pour  sa  patrie.  Mais  sa 
prière  ne  fut  pas  exaucée.  Les  Médicis  se  contentèrent  de  lui  demander 
des  conseils  sur  les  réformes  nécessaires  au  gouvernement  de  Florence, 
mais  ils  ne  les  suivirent  pas  ;  ils  lui  donnèrent  alors  une  mission  peu 
importante  à  remplir  à  Lucques.  Ce  fut  à  cette  occasion  qu'il  écrivit  le 
Sominario  sur  les  affaires  de  Lucques.  C«?  traité  qui  n'a  guère  de 
valeur,  observe  M.  Villari,  c  montre  pourtant  que  Machiavel  ne  laissait 


430  COMPTES-RENDUS  CRITIQUES. 

jamais  échapper  une  occasion  d'étudier  les  institutions  et  l'organisation 
politique  des  états  voisins  ou  éloignés  ;  il  y  cherchait  et  en  retirait  tou- 
jours quelques  moyens  d'améliorer  ce  qui  ne  le  satisfaisait  pas.  »  Il 
écrivit  encore  la  vie  de  Gastruccio.  Ce  récit  est  un  roman  plutôt  qu'une 
histoire,  mais  on  y  retrouve  encore  cet  idéal  politique  de  Machiavel, 
idéal  basé  sur  ce  principe  que  l'armée  nationale  peut  seule  fonder  un 
état  et  rendre  la  patrie  glorieuse  et  puissante.  Villari  fait  observer  que 
dans  cette  «c  Vie  de  Gastruccio  »  le  dessein  de  Machiavel  était  de  confir- 
mer les  théories  déjà  exprimées  dans  c  l'Art  de  la  Guerre.  »  Tout  péné- 
tré de  l'histoire  et  des  idées  de  l'antiquité,  Machiavel  regarde,  et  avec 
raison,  l'armée  comme  la  base  la  plus  sûre  d'un  état.  Nous  savons  que 
tant  qu'il  fut  secrétaire  des  Dix  il  fit  tout  ce  qui  était  en  son  pouvoir 
pour  donner  à  sa  patrie,  qui  n'en  avait  encore  jamais  eu,  une  armée 
nationale.  Il  revient  très  souvent  sur  cette  idée  dans  les  «  Discours  » 
ou  dans  c  le  Prince.  »  Mais  sa  conscience  ne  fut  pas  encore  satisfaite  ; 
trouvant  qu'il  n'avait  pas  fait  tout  ce  qu'il  devait,  il  s'appliqua  à  déve- 
lopper d'une  façon  plus  spéciale  cette  thèse  si  importante,  et  il  écrivit 
les  sept  livres  de  t  l'Art  de  la  Guerre.  » 

Après  avoir  montré  que  t  le  Prince  »  et  «  l'Art  de  la  Guerre  »  sont 
une  application  et  un  complément  des  c  Discours  •,  M.  Villari  fait 
observer  que  les  trois  œuvres  sont  le  fruit  d'une  même  pensée,  le  désir 
de  voir  la  patrie  libre,  unie  et  florissante. 

De  môme  que  dans  les  deux  premiers  ouvrages,  on  trouve  dans  c  l'Art 
de  la  Guerre,  »  en  dehors  de  l'idée  scientifique,  générale,  qui  s'applique 
à  tous  les  temps,  à  tous  les  pays,  une  idée  pratique  et  immédiate  :  la 
libération  de  l'Italie  au  moyen  des  armées  nationales. 

Telle  est  la  doctrine  fondamentale  de  ce  traité.  Un  autre  grand  prin- 
cipe était  l'importance  assignée  par  Machiavel  à  l'infanterie  qu'il  place 
bien  au-dessus  de  la  cavalerie.  Là  encore  nous  trouvons  l'influence  de 
l'histoire  romaine  sur  l'esprit  de  Machiavel.  Mais  on  se  tromperait  en 
croyant  y  voir  une  imitation  servile  et  aveugle.  Machiavel  savait  rester 
original  tout  en  s'appropriant  les  idées  d'autrui.  Du  reste,  ainsi  que  le 
remarque  fort  bien  M.  Villari,  quand  on  songe  à  ce  qu'étaient  les  condi- 
tions de  la  milice  dans  les  dernières  années  du  moyen  âge  et  au  temps 
de  Machiavel,  on  se  rend  compte  qu'il  fallait  posséder  une  grande  force 
de  pensée  pour  concevoir  l'idée,  toute  moderne,  des  armées  nationales. 
Pour  Machiavel,  ces  armées  n'étaient  pas  seulement  un  appui  plus  sur 
et  moins  coûteux  qu'aucun  autre,  mais  aussi  une  école  de  vertus 
civiques.  Machiavel  ne  tient  cependant  aucun  compte  des  armes  à  feu. 
Sans  doute  elles  étaient  loin  d'avoir  reçu  les  perfectionnements  qui 
amenèrent  plus  tard  une  véritable  révolution  dans  la  tactique  militaire; 
mais,  lors  des  grandes  batailles  qui  se  livrèrent  en  Italie,  on  avait  déjà 
pu  reconnaître  la  puissance  de  ces  nouvelles  armes;  des  résultats 
visibles,  tels  que  l'augmentation  des  armées,  la  nécessité  de  recourir 
à  un  nouveau  mode  de  fortification,  avaient  déjà  été  obtenus.  Machiavel 
n'était  pas  un  homme  du  métier;  il  n'avait  jamais  eu  l'occasion  de 


p.    VILL4RI    :    NICCOLO   NACHIIYELLI.  h3\ 

voir  de  près  d'autren  armées  que  celles  qui  combattirent  durant  la  guerre 
de  Pise.  Ix)rsqu 'eurent  lieu  les  grandes  batailles  de  Novare  (1513)  et 
de  Marignan,  il  n'avait  plus  de  fonctions  publiques  et  ne  put  se  rendre 
compte  do  l'état  des  choses. 

En  tous  les  cas,  il  partit  de  ce  principe,  la  nécessité  d'une  armée 
populaire,  et  sa  conséquence  fut  que  Tinfanterie  occupe  une  place  plus 
importante  que  la  cavalerie.  On  y  arriva  plus  tard,  lorsque  les  armes  à 
feu  se  furent  perfectionnées.  Tout  ce  que  Machiavel  dit  sur  l'organisation, 
la  composition  des  armées  est  encore  considéré  aujourd'hui,  nous  dit 
M.  Villari,  comme  fort  juste,  par  les  hommes  les  plus  compétents. 

Mais  Machiavel  n'est  pas  seulement  un  grand  écrivain  en  matière 
politique  ou  militaire,  il  appartient  au  petit  gix)upe  des  grands  hommes 
(jui  savent  traiter  avec  le  même  succès  les  sujets  les  plus  variés.  Lo 
XV*  siècle  est  resté  pour  l'Italie  un  des  siècles  les  plus  féconds  en  génies 
ainsi  vastes  et  universels.  Machiavel  fut  non  seulement  lo  créateur  do 
la  science  politique,  mais  encore  le  premier  grand  auteur  connu  de 
comédies  et  lo  premier  grand  historien  moderne. 

S'il  n'avait  pas  laissé  de  comédies,  ses  lettres  privées  sufliraient  ii 
prouver  qu'il  possédait  les  principales  qualités  du  poète  comique.  L'es- 
prit (obscène  souvent  mais  toujours  comique)  dont  ses  lettres  sont  rem- 
plies et  la  spontanéité  avec  laquelle  il  passe  d'un  sujet  sérieux  a  une 
facétie,  ou  vice  versa,  sont  tout  à  fait  remarquables.  Nous  le  voyons 
dans  ce  fait  môme  qu'il  écrivit  ses  cominlies  à  ré[)oque  la  plus  doulou- 
reuse de  sa  vie,  c'est-à-dire  quand  il  eut  perdu  sa  charge,  et  quand  il 
composait  ses  immortelles  œuvres  de  science  politicfue.  Il  excella  dans 
le  genre  comique,  ainsi  qu'il  avait  déjà  excellé  en  bien  d'autres. 

('/est  la  Mandragola  qui  a  fait  la  réputation  de  Machiavel  comme 
poète  comique.  Macaulay  Ta  jugée  n  la  comédie  la  plusremanfuabledu 
théâtre  italien,  supérieure  aux  meilleures  de  Goldoni,  inférieure  seule- 
ment aux  plus  belles  de  Molière.  »  M.  Villari  approuve  entièrement  ce 
jugement  et,  pour  mieux  faire  comprendre  la  place  que  cette  pièce 
occupe  dans  la  littérature  dramatique,  il  expose  brièvement  mais 
d'une  façon  fort  complète  l'état  du  théâtre  italien  avant  Machiavel. 
Il  n'y  avait  pas  d'élément  populaire  proprement  dit  pour  un  théâtre 
national,  mais  la  Uenaissance  qui,  sous  l'influence  de  l'art  classique, 
donna  un  nouvel  essor  à  toutes  les  manifestations  de  la  (Msnsée,  rem- 
plaça la  comédie  dcU'arte  par  la  comédie  érudite,  c'est-à-dire  imitée, 
de  la  comédie  latine.  Il  est  vrai  que  ces  deux  genres,  fort  incomplets, 
finirent  jwir  se  fondre  l'un  dans  l'autre.  L'Arioste  donna  les  premières 
marques  de  son  génie  fécond  en  composant  des  comédies,  dans 
lesquelles,  d'après  M.  Villari,  l'imitation  classique  di.sparait  t  derrière 
la  peinture  vive,  satirique  et  pittoresque  de  son  temps.  »  Bibbiena  eut 
au.<isi  quelque  part  dans  les  progrès  du  théâtre  par  sa  comédie  eu  prose 
«  lal^landria.  >  Mais  Machiavel  reste  au-dessus  de  tous  les  autres,  car, 
à  la  perfection  de  la  forme,  à  la  peinture  vive  et  satirique  tles  mœurs 
de  son  temps,  il  a  ajouté  Tetude  des  caractères.  En  etTet,  Messer  Nicia 


432  COMPTES-RENDUS  CRITIQUES. 

et  fra  Timoteo,  pour  ne  pas  parler  des  autres  personnages,  sont  et  res- 
teront toujours  des  types.  Selon  Macaulay,  c*est  le  premier  qui  est  le 
plus  original,  mais  d'après  M.  Yillari,  le  second  c  réclame  tout  particuliè- 
rement l'attention.  •  — Lorsqu'on  étudie  un  écrivain  tel  que  Machiavel 
il  est  intéressant  de  saisir  le  rapport  qui  existe  entre  ses  diverses  œuvres, 
de  retrouver  dans  toutes  cette  si  milité  de  pensées  qui  est  un  des  traits 
caractéristiques  des  intelligences  supérieures. 

Machiavel,  ainsi  que  nous  l'avons  déjà  observé,  écrivit  ses  ouvrages  poli- 
tiques dans  une  intention  scientifique  et  pratique;  il  voulait  le  relèvement 
de  la  patrie  dont  l'abaissement  était  dû  en  grande  partie  au  clergé.  La 
Mandragola  est  la  photographie,  comme  Ta  très  bien  dit  M.  Yillari,  de 
la  société  italienne  légère  et  corrompue  du  xvi«  siècle.  Fra  Timoteo  repré- 
sente le  clergé  d'Alexandre  YI  et  de  Léon  X.  Machiavel  n'a  pas  écrit 
cette  comédie,  ainsi  qu'on  le  fait  souvent  de  nos  jours,  pour  soutenir 
une  thèse.  La  Mandragola  n'est  qu'une  fidèle  peinture  de  mœurs.  L'au- 
teur ne  cache  pas  cependant  que  s'il  peint  un  monde  d'où  est  bannie 
toute  vertu,  il  en  aimerait  mieux  un  meilleur,  bien  qu'il  finisse  par  en 
rire  cyniquement.  Tel  est  du  moins,  d'après  M.  Yillari,  ce  qui  ressort 
du  prologue.  Non  seulement  Machiavel  s'y  excuse  d'avoir  traité  un  sujet 
aussi  bas  et  léger  pour  c  égayer  quelque  peu  sa  tristesse  i  (il  était  en 
pleine  disgrâce  lorsqu'il  écrivit  la  Mandragola)^  mais  encore  d'avoir  voulu 
faire  comme  tout  le  monde.  Faire  comme  tout  le  monde,  c'était  reconnaître 
le  mal  en  en  riant  ;  mais  il  avoue  pourtant  que  ce  cynisme  était,  c  sans 
aucun  doute,  la  cause  de  la  décadence  du  siècle  qui  s'était  éloigné  de  la 
vertu  antique.  »  Heureusement,  grâce  à  sa  nature  môme,  Machiavel  ne 
pouvait  tomber  aussi  bas  que  ses  contemporains.  Empêché  de  servir  la 
patrie  de  son  activité  extérieure,  il  la  servit  avec  sa  plume. 

Pendant  qu'il  composait  des  comédies,  des  opuscules  divers,  des 
•  chansons  carnavalesques,  •  le  «  Dialogue  sur  la  langue  »  et  d'autres 
écrits,  il  méditait  déjà  t  l'Histoire  de  Florence  t  qu'il  fit  sur  la  demande 
du  cardinal  Jules  de  Médicis,  plus  tard  pape  sous  le  nom  de  Clément  VII. 

Cette  Histoire  occupe  une  place  marquante  dans  l'œuvre  entière  du 
grand  écrivain;  M.  Yillari  en  parle  longuement. 

Il  commence  par  rappeler  au  lecteur  qu'au  xv«  siècle  il  existait  à  Flo- 
rence deux  écoles  d'historiens.  D'un  côté,  les  Chroniqueurs,  successeurs 
de  Giovanni  Yillani  auquel  ils  étaient  inférieurs  pour  la  grâce  du  style 
et  la  rigueur,  sont  encore  précieux  aujourd'hui  comme  sources  de  faits 
et  d'anecdotes.  D'autre  part,  les  Érudits  s'inspiraient  de  la  forme  latine 
et  comptèrent  parmi  leurs  écrivains  les  plus  remarquables  Leonardo 
Aretino  et  Poggio  Bracciolini.  Naturellement,  dans  ce  siècle  de 
l'érudition  classique,  ce  furent  les  érudits  qui  prévalurent  quoique 
n'ayant  pas  une  valeur  réelle  au  point  de  vue  historique.  Toutefois 
avec  eux  la  forme  et  le  fond  firent  quelques  progrès.  La  forme  surtout 
y  gagna,  car,  tout  en  n'abandonnant  pas  complètement  la  forme  anna- 
listique  des  chroniqueurs,  la  nécessité  de  donner  plus  d'unité  au  récit 
les  obligea  à  mieux  lier  ensemble  les  faits  ;  ce  lien  tout  extérieur,  il 


p.   VILLiRI    :    XICCOLÔ   NlGHtlTBLLI.  433 

est  vrai,  n'était  que  dans  le  style,  mais  il  devait  amener  la  liaison 
logique  du  fond  et  des  idées.  Le  résultat  pour  la  science  fut  Tusage 
plus  fréquent  de  la  critique  sérieuse  dans  la  recherche  des  faits  éloignés. 
Machiavel  surpassa  tous  les  historiens  qui  l'avaient  précédé,  par  son 
art,  sa  méthode  de  critique,  son  esprit  philosophique.  Ecrivant  son 
«  Histoire  de  Florence  »  en  langue  italienne,  ainsi  qu'il  Tafait  déjà  fait 
pour  ses  autres  ouvrages,  il  inaugura  avec  un  vif  éclat  la  série  des 
grands  historiens  et  des  grands  prosateurs  de  la  littérature  moderne. 
On  retniuve  dans  son  livre,  nous  dit  M.  Villari,  «  les  caractères  importants 
de  cette  histoire  civile  et  moderne  qui  est  une  des  créations  les  plus 
originales  des  écrivains  italiens  de  la  Renaissance.  >  On  sait  que  Gui- 
chardin  écrivit  son  •  Histoire  de  Florence  ■  avant  Machiavel,  mais  nous 
avons  déjà  fait  observer  que  cette  histoire  n'a  été  publiée  que  récem- 
ment et  que  Machiavel  n'a  pas  dû  la  connaître. 

L'  f  Histoire  de  Florence  »  de  Guichardin  ouvre  la  série  des  grandes 
œuvres  historiques  modernes,  grâce  à  la  pénétration  pn»fonde  avec 
laquelle  l'auteur  recherche  la  cause  des  événements,  en  explique  les 
effets,  grâce  aussi  à  la  perfection  de  la  forme  et  à  l'art  de  composition. 
Mais  Guichardin  n'a  pas  su  se  débarrasser  complètement  des  vieilles 
formes  et  des  procédés  annalistiques.  Ce  qui  distingue  le  plus  Machiavel 
des  historiens  érudits  c'est  sa  conception  élevée,  scientifique  de  l'his- 
toire. Dans  l'origine  il  avait  voulu  ne  commencer  son  récit  qu'à  partir 
de  1434,  le  point  où  s'arrêtent  les  histoires  d'Aretino  et  du  Poggio.  Plus 
tard,  il  reconnut  que  l'histoire  de  Florence  avait  besoin  d'être  refaite 
depuis  son  origine;  les  deux  historiens  précédents  s'étaient  surtout 
attachés  aux  faits  extérieurs,  aux  descriptions  ;  ils  avaient  négligé  d'ex- 
poser tous  les  mouvements  intérieurs  des  factions,  les  causes  cachées 
des  événements,  en  somme  tout  ce  qui  constitue  la  substance,  de  l'his- 
toire et  son  utilité  pratique.  C'est  à  quoi  Machiavel  voulut  rcmcnlier 
principalement  dans  ses  quatre  premiers  livres  qui  sont  une  analyse 
subtile  et  souvent  profonde  des  phases  diverses  que  traverse  la  démo- 
cratie de  Florence,  la  plus  turbulente,  après  celle  d'Athènes,  dont  l'his- 
toire ait  conservé  le  souvenir.  —  M.  Villari  examine  chacun  des  huit 
livres  avec  une  profonde  attention. 

Il  met  en  lumière  la  fmesse  et  l'habileU»  avec  lesquelles  Machiavel 
raconte  les  faits,  les  relie  entre  eux,  en  fait  jaillir  les  conséquences;  il 
relève  avec  soin  les  rapports  qui  existent  entre  les  jugements  de  l'his- 
torien et  les  doctrines  de  l'homme  politique.  Il  ne  se  contente  pas 
d'étudier  la  forme,  il  étudie  aussi  le  fond  auquel  se  rattache  tout  le 
reste.  —  A  ce  propos  nous  signalerons  l'intérêt  tout  particulier  qu'oIVrent 
les  observations  de  M.  Villari  sur  le  livre  premier,  qui,  on  le  sait,  contient 
le  tableau  général  de  l'histoire  du  moyen  Age  depuis  la  chute  de  l'em- 
pire d'Occident  jusqu'à  la  première  moitié  du  xv«  siècle.  Quelques  cri- 
tiques ont  cru  y  trouver  une  idée  toute  nouvelle  et  originale.  M.  Villari 
fait  observer  qu'en  réalité  l'idée  d'une  histoire  générale  du  moyen  âge 
n'était  pas  nouvelle.  Biondo  avait  déjà  fait  cette  histoire  d'une  faijou 


434  GOMPTES-RENDDS  CRITIQUES. 

très  complète,  et,  plus  tard,  Aretino  dans  son  premier  ouvrage  avait 
repris  ce  sujet.  Machiavel  a  imité  Bioado  et  a  môme  copié,  dans  son 
histoire,  plusieurs  de  ses  erreurs  ;  d'autres  fois  il  a  changé  Tordre  des  faits, 
ne  tirant  même  pas  tout  le  profit  qu'il  eût  pu  tirer  de  Touvrage  qu'il 
avait  sous  les  yeux.  M.  Yillari  a  plusieurs  fois  mis  en  regard  les  unes  des 
autres  des  citations  tirées  de  Machiavel  et  de  Biondo.  —  Ce  n'est  pas 
seulement  à  ce  point  de  vue  qu^l  faut  considérer  le  livre  premier  de 
•  THistoire  de  Florence,  t  D'ailleurs,  à  cette  époque,  en  fait  de  critique 
historique,  les  écrivains  se  contentaient,  en  général,  d'en  copier  d'autres 
servilement.  Au  moins  Machiavel  recourait  aussi  parfois  aux  documents 
mêmes.  Ce  fut  le  cas  surtout  pour  la  dernière  période  de  son  ouvrage, 
comme  le  montrent  les  c  Frammenti  storici  >  et  les  «  Extraits  •  ana- 
lysés par  M.  Villari.  On  y  voit  reparaître  les  doctrines  de  Machiavel 
déjà  développées  dans  «  le  Prince  »  et  les  «  Discours  »  sur  l'homme, 
considéré  comme  dirigeant  seul  et  par  sa  propre  volonté  les  événements 
sociaux  et  politiques.  Il  y  a  là  une  erreur  à  la  fois  philosophique  et  histo- 
rique, mais  qui  n'a  pourtant  pas  empêché  Machiavel  de  s'élever  pour  la 
première  fois,  par  ses  travaux,  dans  les  hautes  régions  de  la  science. 

Nous  ne  suivrons  pas  davantage  M.  Villari  dans  les  observations  qu'il 
fait  encore  sur  «  l'Histoire  de  Florence  ;  »  nous  ne  ferons  que  résumer 
très  brièvement  les  derniers  chapitres  de  son  livre.  Il  y  termine  le 
récit  de  la  vie  de  Machiavel  et  raconte  en  même  temps  les  vicissitudes 
politiques  de  l'Italie  depuis  le  pontificat  d'Adrien  YI  jusqu'à  la  seconde 
chute  des  Médicis.  Machiavel,  revenu  à  Florence  en  toute  liberté,  aurait 
désiré  reprendre  son  ancien  emploi  de  secrétaire,  mais  il  ne  put  l'obte- 
nir. Peu  de  temps  après  il  mourut,  ce  qui  lui  épargna  un  nouveau  cha- 
grin :  celui  de  voir  sa  patrie  retomber  à  perpétuité  dans  la  plus  dure  des 
servitudes.  M.  Villari  raconte  tous  ces  événements  avec  la  science  cri- 
tique qui  lui  est  habituelle  et  la  clarté  de  forme  qui  lui  est  propre.  Nous 
ne  dirons  rien  des  nombreux  documents  inédits  dont  sont  enrichis  ses 
deux  volumes,  ainsi  que  l'avait  déjà  été  le  premier.  Parmi  ces  docu- 
ments, les  plus  curieux  sont  les  «  Annotations  de  Christine  de  Suède  à 
une  traduction  française  du  «  Prince.  »  Nous  ne  parlerons  pas  non  plus 
en  détail  des  deux  appendices.  Dans  l'un  M.  Villari  étudie  à  fond  cette 
question  soulevée  dans  ces  dernières  années  :  Machiavel  savait-il  le 
grec  ?  M.  Villari  combat  victorieusement,  selon  nous,  cette  hypothèse. 
Dans  le  second  appendice,  il  répond  aux  fameuses  observations  critiques 
de  Ranke,  sur  l'histoire  d'Italie  de  Guichardin.  Du  reste  tout  cela  méri- 
terait un  sérieux  examen  ;  mais  la  longue  analyse  que  nous  avons  faite 
do  l'œuvre  de  M.  Pasquale  Villari  nous  paraît  suffisante  pour  faire 
comprendre  à  tous  que,  si  on  peut  encore  écrire  sur  Machiavel  des 
pages  éloquentes  et  profondes,  personne  maintenant  ne  peut  élever  au 
grand  penseur  et  écrivain  un  monument  plus  digne  de  lui,  et  qui  réponde 
mieux  aux  principes  de  la  critique  et  de  la  philosophie  positive. 

Antonio  Gosci. 


L.   GUEaRtUl   :   MIDINB  GUTO^.  435 

Madame  Gayon,  sa  Tie^  sa  doctrine  et  son  inllaence,  d'après  les 
écrits  originaux  et  les  documents  inédits,  par  L.  Gusbubb,  doc- 
teur ès-Iettres.  Paris,  Didier,  4881.  545  p.  in-8^ 

Le  livre  de  M.  Guerrier  est  une  thèse  de  doctorat.  C'est  un  long  tra- 
vail, qui  a  exigé  de  patientes  recherches,  et  qui  dénote  chez  Fauteur 
une  véritable  passion  pour  son  sujet,  passion  d'autant  plus  méritoire  que 
rhistoiro  religieuse  est  en  môme  temps  plus  délicate  et  plus  austère. 

M.  Guerrier  se  propose  de  prouver  :  1®  que  la  vie  de  madame  Guyon 
a  été  irréprochable  ;  2*  que  la  doctrine  mystique  du  quiétisme  mérite 
une  certaine  indulgence  ;  3<*  que  Fénélon  eut  le  beau  rôle  dans  la  con- 
troverse qui  s^éleva,  à  ce  sujet,  entre  Dossuet  et  lui  ;  \*  que  Bossuet  au 
contraire  s  est  montré  cruel  à  l'égard  de  madame  Guyon,  et  qu'il  a 
employé  tous  les  petits  et  grands  moyens  contre  son  contradicteur. 

Quoique,  pour  les  historiens,  la  seconde  partie  du  sujet  de  M.  Guer- 
rier soit  de  beaucoup  la  plus  intéressante,  si  nous  nous  en  rapportons 
au  titre  du  livre,  nous  penserons  qu'il  s'est  préoccupé  surtout  de  justi- 
fier les  deux  premières  propositions,  c  //  lui  a  semblé  utile,  dit-il,  de 
rendre  à  la  mémoire  de  cette  sainte  et  noble  femme  une  justice  trop  long" 
temps  refusée  à  ses  vertus  b  (p.  2).  Il  compte  enfin  faire  connaître  par  la 
discussion  quelle  est  la  grandeur,  comme  aussi  quel  est  le  danger  du  mys* 
ticisme. 

Madame  Guyon  s'est-elle  maintenue  dans  les  limites  du  pur  amour 
de  Dieu  ?  Pour  répondre  à  cette  question,  M.  Guerrier,  après  les  théo- 
logiens de  Saint-Sulpice  et  le  lieutenant  de  police  d'Argenson,  a  refait 
une  minutieuse  enquête;  il  n'a  pas  dissimulé  les  points  faibles  de  son 
sujet  (p.  80,  p.  92,  p.  95).  Il  n'a  pas  évité  de  mentionner  les  accusations 
les  plus  étranges.  Michelet  s'était  contenté,  après  la  lecture  des  deux 
principaux  ouvrages  de  madame  Guyon,  le  Moyen  Court  et  les  Torrents, 
d'affirmer  la  pureté  de  ses  mœurs.  M.  Guerrier  s'est  arrêté  longuement 
sur  cette  question  de  physiologie  morale,  si  Ton  peut  parler  ainsi.  Il  a 
mis  en  lumière  tous  les  détails  que  madame  Guyon  nous  donne  sur 
elle-môme  dans  une  autobiographie  composée  sur  l'ordre  de  son  confes- 
seur. Il  nous  a  prouvé  l'innocence  de  ce  langage  mystique,  qui  ne 
recule  pas  devant  des  images  au  moins  singulières  (p.  41,  p.  80,  p.  il4, 
p.  189). 

Nous  ne  nous  associerons  donc  pas  aux  calomnies  qui  ont  atteint 
madame  Guyon  et  son  directeur  le  père  La  Combe,  calomnies  contre 
lesquelles  M.  Guerrier  s'indigne  avec  véhémence  (p.  497).  Disons  tou- 
tefois que  les  apparences  ont  pu  égarer  l'opinion  publique,  et  n'ont  pas 
toujoum  été  favorables  à  la  cause  qu'il  soutient. 

Une  fois  cetle  question  écartée,  sur  laquelle  on  eût  pu  passer  plus 
légèrement  peut-être,  il  est  impossible  de  ne  pas  ressentir,  en  lisant 
les  citations  empruntées  à  madame  Guyon  par  M.  Guerrier,  qui  lui  est 
cependant  si  favorable,  un  certain  sentiment  de  dégoût  pour  le  mysti- 


436  COMPTES-RENDUS  CRITIQUES. 

cisme,  ce  rêve  désespéré^  selon  Texpression  de  Victor  Cousin.  On  com- 
prend sans  peine  la  répugnance  de  Bourdaloue  et  de  Bossuet  pour  de 
pareilles  conceptions.  Plus  désintéressés  aujourd'hui  dans  la  question, 
nous  nous  refusons  à  notre  tour  à  traiter  de  sainte  une  femme  que 
M.  Guerrier  a  si  justement  blâmée  pour  avoir  abandonné  sans  pitié  ses 
enfants,  comme  si  elle  n'était  pas  leur  mère  (p.  502). 

Madame  Guyon  reste  donc  pour  nous  une  névropathe.  Avec  M.  Guer- 
rier, nous  suivons  pas  à  pas  les  progrès  de  cet  état  morhide.  Son  livre 
permet  au  lecteur  de  tirer,  en  toute  connaissance  de  cause,  une  conclu- 
sion, qui  n'est  peut-être  pas  la  sienne,  mais  qu'on  ne  saurait  établir  sur 
des  documents  plus  certains;  Cette  partie  de  la  thèse  présente  d'ailleurs 
un  certain  intérêt  historique  et  mérite  d'être  consultée  par  quiconque 
s'occupe  de  l'histoire  des  idées  religieuses  sous  le  règne  de  Louis  XIV. 

La  thèse  de  M.  Guerrier  abandonne  alors  le  terrain  de  la  théologie 
pure  et  de  la  psychologie.  La  seconde  partie  de  son  travail  touche  à 
l'un  des  points  les  plus  importants  de  Thistoire  de  la  fin  du  xvn*  siècle. 
L'auteur  a  eu  l'intention  de  réduire  dans  son  livre,  aux  proportions 
d'un  incident,  la  controverse  qui  s'éleva  au  sujet  du  quiétisme,  entre 
Bossuet  et  Fénélon;  et  cependant  M««  Guyon  n'en  passe  pas  moins  au 
second  rang,  dès  qu'il  arrive  à  cette  querelle  célèbre  qui  divisa  l'opinion 
des  théologiens  en  1698  et  qui  la  partage  encore  aujourd'hui. 

Pendant  longtemps,  en  exceptant  Voltaire,  dont  le  bon  sens  suppor- 
tait assez  mal  les  rêveries  des  quiétistes,  la  cause  de  la  douceur  et  de 
la  résignation  parut  avoir  triomphé  avec  Fénélon.  Qui  n'admirait  l'ar- 
chevêque de  Cambrai,  s'humiliant  dans  la  chaire  de  sa  cathédrale?  On 
accusait  au  contraire  Bossuet  à  la  fois  de  rudesse  et  d'intolérance  envers 
son  adversaire,  de  souplesse  à  l'égard  des  puissances,  tranchons  le  mot, 
de  bassesse  auprès  de  Louis  XIV.  On  aurait  vu  volontiers  dans  la  pas- 
sion religieuse  de  l'évêque  de  Meaux  la  violence  d'une  ambition  inquiète. 
La  Grande  Controverse  devint  ainsi  la  lutte  du  principe  de  l'autorité 
absolue  contre  la  liberté  de  penser.  C'était  l'auteur  de  la  Politique  tirée 
de  V Ecriture  sainte  défendant  le  despotisme  contre  l'inspirateur  des  plans 
libéraux  du  duc  de  Bourgogne.  Michelet  a  fait  justice  de  cette  légende, 
sans  aucun  ménagement  pour  les  idées  reçues  (Hist.  de  Fr.,  t.  XVI, 
chapitre  viii,  passira).  Dans  son  langage  parfois  excessif,  avec  sa  péné- 
tration admirable,  il  a  montré,  en  dépit  de  quelques  erreurs  de  détail, 
que,  chez  Fénélon,  l'humilité  apparente  dissimulait  mal  un  véritable 
orgueil  de  caste,  il  a  prouvé  que  dans  la  grande  controverse  il  fit  sans 
cesse  appel  à  la  dextérité  de  son  esprit  insinuant,  qu'il  envenima  la 
lutte,  tout  en  se  faisant  petit  devant  Bossuet,  et  que,  réduit  à  céder,  il 
conserva  une  prédilection  obstinée  pour  les  idées  quiétistes. 

M.  Guerrier  défend  sans  détour  contre  ces  accusations  l'archevêque 
de  Cambrai.  Selon  lui,  Fénélon  ne  fut  dans  toute  l'affaire  que  simpli- 
cité et  conciliation  (p.  357,  p.  368,  p.  373,  p.  467).  Il  considère  comme 
inattaquables  les  idées  exprimées  dans  le  livre  des  Maximes  des  Saints. 


L.   GCEIBIEE   :    MlDiNB  GCITOX.  437 

Il  nous  représente  au  contraire  Bossuet  comme  aussi  impitoyable  qu'a- 
droit. Il  l'accuse  d'inconséquence  dans  les  jugements  qu'il  porta  à  des 
époques  différentes  sur  les  œuvres  de  M"»«  Guyon  et  sur  le  livre  de 
Fénélon;  il  nous  le  montre  (p.  351)  employant  jusqu'aux  larmes  pour 
peser  sur  la  volonté  de  Louis  XIV,  et  circonvenant  M"»  de  Maintenon, 
|)Our  laquelle  l'auteur  montre  une  admiration  un  peu  difûcile  à  com- 
prendre, au  moment  où  il  nous  prouve  qu'elle  reniait  sans  scrupule 
M"*  Guyon,  qu'elle  avait  introduite  elle-même  à  Saint-Cyr. 

Sur  ces  deux  points  M.  Guerrier  nous  paraît  avoir  réussi  bien  inéga- 
lement. La  lecture  attentive  de  son  livre  prouvera  combien  la  raison  et 
le  bon  sens  étaient  du  côté  de  Bossuet  (cf.  cbap.  xvii),  combien  les  réfu- 
tations, les  distinctions  et  les  explications  de  Fénélon  ne  peuvent  préva- 
loir contre  la  logique  de  son  adversaire,  et  c'est  un  grand  éloge  que  l'on 
peut  faire  de  l'auteur  que  cette  sincérité  avec  laquelle  il  expose  les  argu- 
ments de  Bossuet,  qu'il  condamne  cependant.  De  m^^me  aussi  voit-on 
clairement  comment  l'imagination  ardente  de  Fénélon  subit  l'influence 
mystique  de  M»*  Guyon,  d'autant  qu'il  y  était  plus  disposé  par  ce  que 
sa  nature  avait  de  nerveux  et  de  féminin. 

M.  Guerrier  a  été  plus  heureux  en  montrant  dans  Bossuet  l'abus  du 
principe  d'autorité.  On  savait,  il  est  vrai,  déjà  avec  quelle  rudesse  il 
avait  agi  dans  cette  affaire  du  quiétisme  ;  Sainte-Beuve  a  écrit  de  lui 
cette  phrase  qui  peint  bien  les  sentiments  que  la  moindre  résistance 
lui  faisait  éprouver  :  //  entrait  en  impatience,  a-t-il  dit,  dès  qu'on  remuait 
autour  de  lui  ;  et  tout  son  raisonnement  aussitôt,  toute  sa  doctrine  se  levait 
en  meuse  et  en  bon  ordre,  comme  une  armée  rangée  en  bataille  (Sainte- 
Beuve,  Nouveaux  lundis,  t.  II,  p.  127).  Mais  M.  Guerrier  a  indiqué,  par 
une  accumulation  de  preuves,  jusqu'où  la  passion  de  faire  triompher 
sa  doctrine  pouvait  entraîner  un  homme  do  la  valeur  morale  et 
intellectuelle  de  Bossuet.  Nous  n'acceptons  pas  toutes  les  accu- 
sations portées  contre  lui  par  M"»«  Guyon;  toute  sincère  qu'elle  était, 
il  était  impossible  que  dans  sa  propre  cause  elle  ne  s'abusât  i>as  elle- 
même.  Il  est  évident  cependant  que  Bossuet,  décidé  à  vaincre,  ne  recula 
pas  devant  la  séquestration  religieuse,  qu'il  fit  emprisonner  à  la  Bastille 
une  malheureuse  femme,  dont  la  vie  lui  avait  paru  irréprochable  ;  il  ne 
lui  épargna  pas  la  persécution  de  longues  conférences,  où  il  n'avait  pas 
de  peine  à  l'embarrasser,  à  l'exténuer  moralement  et  physiquement  par 
une  discussion  savante  et  peu  à  la  portée  de  son  sexe;  il  n'hésita  pas 
à  employer  sa  parole,  si  pleine  d'autorité,  pour  tourner  contre  elle  la 
toute-puissance  royale;  ce  qui  est  plus  grave,  c'est  qu'il  couvrit  de  son 
nom  des  intrigues  peu  loyales  nouées  à  Rome,  contre  Fénélon,  par  son 
neveu  Tabbé  Bossuet,  un  assez  triste  personnage. 

A  ce  titre,  la  vie  de  M"«  Guyon  forme  un  curieux  chapitre  de  l'his- 
toire de  la  liberté  de  penser  et  de  la  tolérance.  Nous  pouvons  ainsi 
mesurer  une  fois  de  plus  l'abîme  qui  sépare  la  fin  du  xvn*  siècle  et  la 
deuxième  moitié  du  xvni*.  En  cette  circonstance  le  prestige  de  la  per- 


438  GOMPTES-RBUDUS  CRITIQUBS. 

sécution  produisit  son  effet  habituel.  Sans  elle,  le  Petit  Troupeau,  comme 
Saint-Simon  appelle  les  Quiétistes,  se  serait  bientôt  dispersé,  tandis 
qu'il  persista  jusqu'au  commencement  du  siècle  suivant,  qui  devait 
connaître  le  mysticisme  philosophique,  mais  qui  fut  peu  favorable  au 
mysticisme  religieux. 

A  notre  avis  la  thèse  de  M.  Guerrier  modifiera  fort  peu  l'opinion 
générale  qu'on  se  fait  aujourd'hui  du  quiétisme  et  de  Fénélon,  mais  son 
livre  contribuera,  sinon  à  résoudre  la  question,  du  moins  à  la  mieux  faire 
connaître;  enfin  il  épuise  la  matière  sur  la  biographie  de  M°»«  Guyon, 
et  ajoute  au  portrait  de  Bossuet  quelques  traits  qui  ne  sont  pas  tous 
favorables  à  la  mémoire  du  grand  évoque. 

Paul  BoNDOis. 


Histoire  des  Institutions  Municipales  de  Senlis,  par  Juies 
FLAMBfERMorfT.  BibHothèque  de  TÉcole  des  Hautes-Études,  Yieweg. 
Paris,  iHSi,  in-8°. 

Voici  un  bon  livre,  intéressant  et  bien  fait.  C'est  un  de  ces  ouvrages, 
malheureusement  trop  rares,  où  l'histoire  interne  d'une  ville  est  étu- 
diée en  détail,  avec  critique,  à  la  lumière  des  documents  et  d'où  sont 
bannies  par  suite  les  légendes  locales,  les  hypothèses  aventureuses,  et 
les  dissertations  sans  intérêt,  qui  tiennent  tant  de  place  dans  la  plu- 
part de  nos  monographies  municipales. 

M.  F.  a  pris  la  commune  de  Senlis  à  sa  naissance,  il  Ta  suivie  jus- 
qu'à sa  chute,  embrassant  dans  son  étude  une  période  de  cinq  siècles, 
—  de  H73  jusqu'au  règne  de  Louis  XIV. 

A  Senlis,  la  municipalité  n'est  pas  sortie  comme  ailleurs  de  luttes 
violentes  entre  la  population  et  ses  maîtres.  C'est  le  roi  de  France  lui- 
môme  qui  en  1173  l'institua,  non  à  la  vérité  de  son  propre  mouvement, 
mais  à  la  prière  d'un  habitant  du  pays,  Guy  le  Bouteiller,  qui  se  trou- 
vait être  avec  Louis  Vil  le  plus  puissant  seigneur  de  la  ville.  Dès  ce 
moment,  les  Senlisiens  travaillèrent  d'abord  à  étendre  les  libertés  pri- 
mitivement accordées,  puis  à  en  imposer  la  reconnaissance  aux  petits 
seigneurs  ecclésiastiques  et  laïques,  qui  possédant  des  droits  utiles  dans 
la  cité  n'étaient  cependant  pas  intervenus  dans  le  pacte  de  1173.  Pour 
obtenir  une  autonomie  à  peu  près  complète,  il  leur  fallut  cinquante 
ans,  beaucoup  de  persévérance  et  encore  plus  d'argent.  Ce  résultat  était 
à  peine  acquis,  que  tout  fut  remis  en  question. 

On  sait  qu'à  partir  de  saint  Louis  et  jusqu'au  milieu  du  xiv«  siècle 
il  se  produisit  dans  toute  la  France  une  réaction  irrésistible  contre 
l'indépendance  des  communes.  Ce  mouvement,  qui  s'accentua  à  mesure 
que  la  royauté  se  fortifiait,  mouvement  qu'elle  n'avait  pas  fait  naître, 
mais  dont  elle  sut  prendre  la  direction,  était  la  conséquence  forcée  de 


FUmrEBMOlIT  :  HISTOIRE  DBS  IXSTITFTIOXS  MnnctPALES  DB  SElfLIS.    439 

la  centralisation  naissante.  Située  aux  portes  de  Paris,  dans  les  domaines 
immédiats  du  roi,  Senlis  fut  l'une  des  premières  villes  qui  en  ressen- 
tirent le  contre-coup.  Sa  commune  existait  à  peine  depuis  un  siècle, 
que  déjà  les  officiers  royaux  Pavaient  aux  trois  quarts  réduite.  Le  Par- 
lement fit  le  reste.  Par  l'exercice  de  la  juridiction  d'appel,  il  tua  la  jus- 
tice municipale  ;  par  les  amendes  dont  il  frappait  la  ville  à  chaque 
jugement  réformé,  il  épuisa  son  trésor,  qu'obéraient  déjà  des  taxes 
royales  exagérées  et  le  payement  des  rentes  dues  aux  anciens  seigneuis. 
Et  comme  si  ce  n*était  pas  assez,  les  magistrats  eux-mêmes,  loin  de 
défendre  leurs  privilèges,  ne  surent  que  les  compromettre  autant  par 
une  mauvaise  gestion  des  deniers  communaux  que  par  une  adminis- 
tration impopulaire.  En  1319,  la  suppression  de  la  commune,  réclamée 
par  le  menu  peuple  et  à  peine  combattue  par  quelques  bourgeois,  fat 
prononcée  après  une  enquête  curieuse  par  arrôt  du  Parlement. 

Ici  se  termine  la  première  phase  de  l'histoire  municipale  de  Senlis, 
la  plus  courte  et  la  plus  inti'ressante.  Dès  lors  la  ville,  privée  de  son 
patrimoine  et  régie  prévôtalement,  resta  livrée  au  bon  plaisir  des  offi- 
ciers du  roi.  lie  nouveau  régime  ne  pouvait  dun»r  longtemps  ;  il  mena- 
çait trop  d'intérêts.  Aussi  voit-on  peu  après  1319  les  Senlisiens  assié- 
ger de  demandes  le  roi,  son  bailli,  son  prévùt,  pour  se  faire  rendre  une 
à  une  les  libertés  et  les  propriétés  communales  confisquées.  De  con- 
cessions en  concessions,  d'empiétements  en  empiétements,  gr&ce 
surtout  à  la  faiblesse  du  pouvoir  royal  durant  la  guerre  de  Cent  ans, 
ils  parvinrent  à  reconstituer  presque  de  toutes  pièces  l'ancien  état  de 
choses.  Les  étiquettes  seules  différèrent.  Mais  c^tte  nouvelle  organisa- 
tion urbaine,  toute  de  tolérance,  puisqu'elle  n'était  garantie  par  aucun 
contrat  (H:rit,  devait  fatalement  disparaître,  le  jour  où  il  plairait  au 
souverain  de  faire  revivre  ses  anciens  droits.  C'est  en  effet  ce  qui 
advint. 

Le  retour  offensif  de  la  rovauté  commence  avec  Louis  XL  Sous 
I^uis  XII  la  vénalité  des  oflices,  en  remettant  à  quelques  familles  peu 
remuantes  l'autorité  municipale  pleine  et  entière,  supprime  toute  jws- 
sibilité  de  résistance  aux  représentants  du  roi.  Et  alors  on  voit  durant 
cent  cinquante  ans  les  baillis  poursuivre  avec  persévérance  l'anéantis- 
sement des  franchises  restées  debout,  jusqu'au  moment  où  grâce  à  (Gil- 
bert la  vente  des  charges  municipales  et  l'organisation  définitive  de 
la  tutelle  des  communes  en  font  dis[>araitre  les  derniers  débris. 

Cette  seconde  partie  du  livre  de  M.  F.  contient  des  renseignements 
très  étendus  sur  l'administration  intérieure  de  la  ville  aux  xiv  et 
x\*  si<*»cles.  8<»nice  militaire,  travaux  publics,  police,  finances,  tout 
c<»la  est  exiM)sé  avec  une  précision  minutieuse.  En  n'vancho  l'auteur  a 
exclu  de  son  ouvrage  ces  éclaircissements  relatifs  au  commerce  et  aux 
métiers,  qui  donnent  tant  d'intt^rét  à  la  l)elle  Hude  de  M.  Giry  sur  les 
Institutions  MunicifHiUs  de  Saint^Omer.  Peut-être  faute  de  matériaux 
ne  |>ouvait-il  i>as  l'eulrcprendre  ;  jH?utHHre  aussi  ne  l'a-t^il  pas  voulu, 


440  CO]fPTE»-lE!nKIS  CUTIQUES. 

car  à  la  rigueur  on  serait  en  droit  de  prétendre  que  des  recherches  de 
cette  nature  ne  sont  pas  à  leur  vraie  place  dans  un  livre  comme 
celui-ci.  Mais  pénurie  de  documents  ou  rigueur  de  méthode,  peu 
importe  :  de  toute  manière,  nous  regrettons  cette  lacune. 

Nous  nous  permettrons  encore  une  petite  critique  à  l'adresse  de  M.  F. 
Pour  bien  faire  comprendre  le  développement  organique  d'une  com- 
mune, pour  bien  marquer  le  caractère  et  l'importance  de  ses  franchises, 
il  ne  suffit  pas,  croyons-nous,  de  dire  les  choses  avec  exactitude,  il  faat 
de  plus  montrer,  par  des  comparaisons  fréquentes  avec  les  autres  muni- 
cipalités de  la  même  époque,  la  valeur  relative  des  institutions  qu'on 
étudie.  A  cet  égard  C!ompiègne,  dont  la  coutume  fut  empruntée  par  les 
Senlisiens,  Laon,  Soissons,  Beauvais,  —  sans  parler  d'autres  villes  da 
voisinage,  dont  l'histoire  est  moins  connue,  —  offraient  à  l'auteur  des 
points  de  repère  faciles,  de  perpétuels  éléments  de  confrontation.  Il  les 
a  toujours  négligés.  Il  a  négligé  de  même  de  rattacher  les  vicissitudes 
du  régime  communal  à  Senlis  au  mouvement  de  l'histoire  générale  de 
la  France  :  il  en  résulte  que  certains  épisodes  ne  sont  pas  présentés 
sous  leur  vrai  jour.  Voici  un  exemple.  La  commune,  nous  l'avons  dit 
plus  haut,  fut  supprimée  en  1319  à  la  demande  des  habitants.  Ce  fait 
parait  au  premier  abord  si  anormal  que  M.  F.  prend  grand  soin  de 
l'expliquer  par  l'impopularité  des  magistrats  bourgeois,  l'énormité  des 
taxes,  l'imminence  d'une  faillite  de  la  ville.  Mais  combien  ces  explica- 
tions ne  seraient-elles  pas  plus  lumineuses,  si  l'auteur,  qui  ne  l'ignore 
certainement  pas,  avait  bien  voulu  nous  dire  qu'à  la  même  époque,  au 
nord  comme  au  midi,  toutes  les  villes  de  France  se  débattaient  contre 
de  semblables  embarras,  s'il  nous  avait  fait  voir  partout  les  officiers 
royaux  excitant  le  menu  peuple  contre  l'aristocratie  bourgeoise,  le 
Parlement  écrasant  les  municipalités  d'amendes  énormes,  le  roi  confis- 
quant et  revendant  à  tout  propos  les  libertés  locales,  pour  le  plus  grand 
profit  de  son  trésor  et  de  son  autorité.  Présenter  ainsi,  comme  un  inci- 
dent du  grand  duel  de  la  royauté  et  des  communes,  l'abolition  de  la 
cbarte  de  Senlis,  c'était  lui  restituer  sa  vraie  physionomie. 

Mais  soyons  juste.  M.  F.,  qui  a  préludé  au  présent  travail  par  des 
publications  très  remarquées  sur  le  passé  de  la  même  ville,  nous  pro- 
met dans  sa  préface  une  histoire  politique  de  Senlis.  C'est  là  sans 
doute  qu'il  se  réserve  de  combler  ces  lacunes  voulues.  Nous  l'attendons 
à  l'œuvre,  persuadé  qu'il  se  tirera  de  cette  tâche  nouvelle  comme  il 
s'est  tiré  de  celle-ci,  —  à  son  honneur. 

Gh.  Grandjean. 


RECUEILS  PERIODIQUES.  444 


RECUEILS  PERIODIQUES  ET  SOCIETES  SAVANTES. 


1.  —  Bibliothèque  de  TËcole  des  chartes.  T.  XLI\\  1883,  livr.  1. 
—  IlAiRKAr.  Tn  po^IIn»  inédit  «le  Pierre  F{iga  (d'après  le  n«  W'^Ù  de 
l'Arsenal;  c'est  un  débat  en  distiques  latins  entre  les  deux  rois  de 
France»  et  d'Angleterre  n^présenti's  par  leurs  avocats  ;  le  sujet  de  la  que- 
relle est  la  prise  d«»  possession  de  Gisors  et  île  Néaufle  par  Henri  II  en 
1100.  Le  nis.  de  l'Arsenal  contient  d'autres  pièces  historiques  du  même 
genre  :  une  a  été  publiée  au  t.  V  du  Neues  Arcliiv  ;  c'est  un  dêl>at  en 
vers  elégiaques  enln>  les  deux  préu»ndants  à  la  papauté  Alexandn»  et 
Victor).  —  N.  DK  WAn.LV.  .Vddition  au  mémoire  sur  la  langue  deJoin- 
ville.  —  Vaesen.  C^italogue  du  fonds  liourréà  la  BibliotluH{ue  nationale 
(fait  suite  à  l'art,  que  M.  V.  a  publié  antérieurement  sur  ce  fonction- 
nain»  employé  par  lA)uis  XI  et  (Charles  Vllli.  —  L.  i»e  Mas  Latrik. 
L'Hpiscopus  (iummitanus  et  la  primauté  de  Tévèque  de  (^rthage  (à 
propos  de  l'inscr.  récemment  découverte  à  llammam-Lif,  et  dont  nous 
parlons  plus  loin.  Prouve  qu'en  ce  même  lieu,  il  y  eut  une  populatitui 
clmUienne  qui  resta  en  relation  avec  le  pape  jusqu'au  xi«  s.;  Téviniue 
de  (tunimis,  aujourd'hui  Ilammam-Lif,  ayant  voulu  impo8<»r  sa  supn*- 
matie  aux  autres  évèques  de  la  province,  ceux-ci  firent  reconnaître  par 
le  pajM»  Lè(»n  IX,  en  1053,  la  primauté  de  l'évèque  de  (3iirthage).  := 
Hibliographie  :  A.  (U  Rochcmonteix.  Histoire  de  l'abbaye  de  Feniers  ou 
du  Val-Honnéte,  en  Auvergne  (travail  consciencieux  ;  la  chronologie 
n'est  pas  ii)uj(»urs  exacte).  —  Chassaing.  Cartulain*  des  templiers  du 
Puy-en-Velay  (Inm).  —  Id.  Chartes  de  coutumes  seigneuriales  de  ("hap- 
leuil  et  de  Léotoing,  l'2r>3-Gi  (précieux  pour  l'histoire  du  Velay).  — 
(\instans.  Le  livre  de  l'Kpervier,  cartulairo  de  la  commune  de  Milhau 
(contient  d'utiles  diM^uments  publiés  avec  trop  de  hAte  ou  d'inex(H»-> 
rience).  —  /ht four.  Hibliogniphie  artistique,  historique  et  littérain»  de 
Paris,  avant  1789  (très  utile;  rorn»ctions  et  additions  nombreuw^s^.  — 
Honlius.  ('«apitularia  regum  Francorum  (travail  im[>ortant,  trop  sobre 
de  notes).  —  lioy.  De  l'amortissement  des  dettes  de  l'Etat;  sou  origine 
et  son  histoire  en  France  jusqu'en  178*J  (bon  n^sumé). 

2.  —  Le  Cabinet  historique.  Nouv.  série  1883,  n*  1.  —  Lois,  instruc- 
tions et  lèglements  relatifs  aux  archives  départementales,  communales 
et  hospiUilières  ;  suiu».  —  Omont.  Projet  d'un  catalogue  génénil  des  mss. 
de  Fnince  en  172.")  (publie  deux  lettrt»s  de  l'abbe  Liebeuf,  qui  n»clame 
ce  catalogue  général,  aujourd'hui  encore  si  peu  avaucé.  Apri^s  un  siècle 
vi  demi,  la  lettn»  du  célèbre  érudit  est  enci»re  d'actualitf*)-  —  ï^  i»k 
Mas  Latrik.  iilossiiin»  des  dates,  ou  explication,  p^ir  ortlre  alphabétique, 
des  noms  i»eu  connus  des  jours  de  la  .semaine,  de»  mois  et  autn*s  époque^ 

Hkv.  HisTOR.  XXU.  ^^  l'ASC.  'l*é 


442  1BCUEIL8  PéBIODIQUBS. 

de  Tannée,  employés  dans  les  dates  des  documents  du  moyen  âge.  — 
Rapport  au  président  du  Conseil,  sur  les  archives  du  ministère  des 
afifaires  étrangères. 

3.  —  Revue  archéologique.  3*  série  (cette  revue  parait  maintenant 
chez  l'éditeur  J.  Baer),  1883,  janv.-févr.  —  Voulot.  Un  cippe  figuratif 
de  la  première  période  chrétienne  sur  la  Moselle.  —  Eug.  Mùntz.  Notes 
sur  les  mosaïques  chrétiennes  de  l'Italie;  suite.  —  Alex.  Bertrand.  Les 
Ibères  et  les  Ligures  de  la  Gaule;  extrait  du  Dict.  d'arch.  celtique^ 
fasc.  5  et  6.  —  Tourret.  Notes  sur  quelques  objets  d'antiquité  chré- 
tienne existant  dans  les  musées  du  midi  de  la  France.  —  R.  Lemaptre. 
De  la  disposition  des  rameurs  sur  la  trière  antique;  !•'  art.,  fin  mars- 
avril.  =  Mars-avril.  Rivett-Garnac.  L'âge  de  la  pierre  dans  l'Inde; 
lettre  à  M.  Al.  Bertrand.  —  Renan.  Les  mosaïques  de  Hammam-Lif 
(texte  et  commentaire  des  trois  inscr.  qu'on  y  a  trouvées;  la  principale 
peut  se  lire  :  c  sancta  sinagoga  Naron  pro  salutem  suam  (sic)  ancilla 
tua  Juliana  proselyta  de  suo  propititatorium  tesselavit.  »  Dans  une  autre 
inscr.  le  mot  a  istrumenta  >  parait  devoir  désigner  les  rouleaux  de  la 
bible.  Nous  sommes  donc  dans  une  synagogue  juive  au  lieu  dit  Ad 

"Agnas  Gumritanas).  —  Senart.  Une  inscr.  bouddhique  du  Cambodge. 
—  Miller.  Inscr.  grecques  découvertes  en  Egypte  par  M.  Maspero.  — 
Jacor.  Recueil  de  mots  pour  servir  à  la  collation  et  à  la  description  des 
mss.  grecs. 

4.  >-  Mélanges  d^archéologie  et  d^histoire  (École  française  de 
Rome).  3®  année,  fasc.  i-2;  mars  1883.  —  P.  Ddrrieu.  Notice  sur  les 
registres  angevins  en  langue  française  conservés  dans  les  archives  de 
Naples  (étude  intéressante,  et  qui  présente  en  outre  cet  intérêt  démon- 
trer les  vicissitudes  de  l'influence  française  dans  le  premier  royaume 
angevin).  —  Edm.  Le  Blant.  Une  collection  de  pierres  gravées  à  la 
bibliothèque  de  Ravenne.  —  Ch.  Grandjean.  Recherches  sur  l'adminis- 
tration financière  du  pape  Benoît  XI  (expose  les  moyens  employés  par 
le  successeur  de  Boniface  VIII  pour  remplir  le  trésor  de  l'Eglise  laissé 
à  peu  près  vide  après  l'attentat  d'Anagni).  —  Lefort.  Chronologie  des 
peintures  des  catacombes  de  Naples.  —  C.  Jullian.  A  propos  du  ms. 
Bianconi  de  la  Notitia  dignitatum  (les  lettres  8.  G.  situées  des  deux  côtés 
du  globe  qui  est  dessiné  à  la  première  page  du  ms.  ne  peuvent  désigner 
que  les  mots  senatus  consulte,  et  non  Soderinus  Cardinalis,  comme  on 
Ta  proposé  :  le  ms.  a  été  écrit  en  1523  ou  1524).  —  Id.  La  villa  d'Horace 
et  le  territoire  de  Tibur.  —  Diehl.  La  colonie  vénitienne  à  Gonstanti- 
nople  à  la  fin  du  xiv«  s.  (publie  et  commente  une  «  Commissio  viri 
nubilis  domini  Andrée  Gradonico,  baiuli  Gonstantinopolis,  >  du  14  fé- 
vrier 1374).  —  Grandjean.  Note  sur  l'acquisition  du  droit  de  cité  à 
Sienne  au  xiv*»  s.  (intéressantes  conclusions  tirées  de  deux  actes  de 
1304  et  de  1355.  D'après  ce  dernier,  pour  être  naturalisé  à  Sienne,  il 
fallait  être  agréé  par  le  conseil  général,  bâtir  une  maison  dans  la  ville  et 
payer  une  certaine  somme  au  Trésor  public). 


RECrEIL?  PéRIOPlQrtS.  443 

6.  —  Bulletin  de  correspondance  hellénique.  7«  annéo,  i883, 
f('^vr.  —  F^oTTiBR  pt  Heinacii.  Fouille»  dans  la  nécropolo  do  Myrina; 
suite  :  les  ligurinos  do  torro  cuite.  —  Collkînon.  Inscription  do  Rhodes 
(décret  du  m*  siècle  relatif  à  la  vente  do  l'huile,  le  texte  est  très  mutile 
vers  la  lin).  —  Sorlin-Doruîny.  Poids  d'Alexandrie  de  Troade.  —  Hau- 
vette-Besnal'lt.  Fouilles  de  Dôlos;  inscr.  choragiquog  (texte,  transcrip- 
tion et  commentaire  de  onze  fragments).  — W.  H.  Waddinoton.  In.««cr. 
grecques  et  latines  de  la  (laUionie  (proviennent  en  partie  des  villages 
actuels  de  (louksun,  le  rx)cusos  de  ritiuérairc  d'Antouin,  et  de  Char 
ou  Sari,  qui  est  la  (k)mana  de  la  Cataonie  décrite  par  Htrabon,  et  où 
coulait  le  Sarus).  —  Foicart.  Fragment  d'un  inventaire  de  la  marine 
athénienne  (nouveau  texte,  d'après  un  estampage,  avec  un  essai  de  res- 
titution). =  Mars-avril.  Foucart.  Inscr.  des  clérouques  athéniens 
d*Imbros  (étudie  l'organisation  politique  et  la  religion  de  ces  colons, 
qui,  jusqu'au  second  siècle,  restèrent  fidèles  aux  institutions  de  la  mère 
patrie).  —  G.  Schlimperuer.  Sceaux  byzantins  (représentant  les  égli.^îos, 
les  couvents,  les  palais,  le  cirque  de  Constantinoplo).  —  IlAUssouLUEn. 
Inscr.  de  Delphes,  n«  93  :  fragments  d'une  liste  des  proxonos  rangés 
par  ordre  géographique  (cette  table  est  contemporaine  de  celle  qu'a  déjà 
publiée  M.  Foucart,  et  qui  se  rap[)orte  aux  années  197-17*2).  —  Pottier 
et  Reinach.  Fouilles  dans  la  nécropole  de  Myrina;  suite  :  inscr.  sur  les 
figurines  de  terre  cuite.  —  L.  Duchesne.  Les  nécropolos  chrétiennes  de 
risaurie;  suite  :  Korvcos.  —  Latichew.  Inscr.  de  Ténos.  —  IIomoli.e. 
Inscr.  archaïques  de  Délos.  —  Ramsay.  Inscr.  inédites  d'Asie  Mineure, 
Pamphilie  et  Lydie. 

6.  —  Le  Polybiblion,  1883.  Mars-avril.  —  Aug.  Cheroonneau.  Notice 
des  traités  arabes  de  géographie. 

7.  —  Journal  des  Savants.  18S3,  avril.  —  Renan.  Es.'iai  sur  la 
légende  de  Bouddha;  !•'  art.  ;  fin  en  mai  (insiste  surtout  sur  cotte  idée 
qu'il  y  a  moins  de  dilTérenco  qu'tm  no  l'admet  d'ordinaire  entre  le 
l)Ouddhisme  et  le  brahmanisme.  Ainsi  les  monuments  d'Angkor  sont 
des  monuments  de  religion  hindoue,  sans  qu'on  puisse  dire  oxartement 
s'ils  sont  brahmaniques  ou  bouddhiques).  — Maurv.  L'ancienne  Rome  ; 
'2*  art.  (étude  sur  les  instituticms  militaires  de  Rome,  k  propos  du  livre 
du  génoral  Favé).  —  Wallon.  FnSléric  H  et  Mario-Thén»se,  3*  et  der- 
nier article.  —  K.  Miller.  l)(»couverto  d'un  nouvel  exemplaire  du  d('»cret 
do  (^nope  (en  1860,  un  ingénieur  français  trouva  à  San,  pendant  les 
travaux  do  l'isthme  do  Suez,  un  décret  trilingue  rendu  sous  PtolémiK» 
Kvergote  I";  ce  toxU^  intéressant  a  été  l'objet  de  plusieurs  travaux.  Tout 
récemment,  M.  Masporo  a  découvert  pn^s  de  Tell  Ramois  un  nouvel 
exemplaire  de  ce  décrot.  M.  Millor  donne  ici  une  n'pnMiuetion  photi)- 
graphique,  une  transcription  et  une  traduction  du  texte  grec.  M.  Mas- 
poro se  n»serve  de  traduire  les  t(*xte8  hiéroglyphique  et  démoliquo.  I^ 
Louvre  |K)ss(*doun  fragment  malheureusement  trèsettacé  d'un  3«exem- 
plaire  do  ce  décret). 


444  RECUEILS   PÉRIODIQUES. 

8.  —  Revue  critique.  1883,  n*  14.  —  Bebin,  Thucydide,  guerre 
du  Péloponèse;  extraits  (édition  pour  les  classes,  préparée  avec  beau- 
coup de  zèle,  avec  des  notes  historiques  et  géographiques,  etc.  ;  mais 
de  nombreuses  erreurs.  Les  extraits  ne  sont  pas  toujours  bien  choisis). 
—  Busson,  Der  ICrieg  von  1278  und  die  Schlacht  bei  Dùrnkrut  (travail 
très  approfondi  sur  la  politique  de  Rodolphe  de  Habsbourg  à  Tégard 
d'Ottocar,  sur  la  défaite  de  ce  dernier,  et  sur  sa  mort).  =  N«  15.  Druffèl. 
Briefe  und  Akten  zur  Geschichte  des  xvi  Jahrh.,  Bd.  II  (moins  de  choses 
intéressantes  qu'on  ne  s'attendrait  à  en  trouver  dans  ce  gros  volume  de 
900  p.  ;  l'analyse  des  pièces  est  souvent  confuse,  on  ne  sait  pas  toujours 
où  le  texte  s'arrête  ni  reprend;  trop  peu  de  notes).  —  Piépape.  Histoire 
de  la  réunion  de  la  Franche-Comté  à  la  France  1279-1678  (très  médiocre 
pour  le  fond  comme  pour  la  forme).  —  Gaffarel.  L'Algérie;  histoire, 
conquête  et  colonisation  (nombreuses  inexactitudes).  =:  N«  16.  Frœhlich, 
Die  Gardetruppen  der  rœmischen  Republik  (attaque  Mommsen  avec 
assez  de  raison).  —  Pannenborg.  Der  Verfasser  des  Ligurinus  (la  ques- 
tion est  déGnitivement  résolue;  l'auteur  de  Ligurinus  est  l'allemand 
Gunther  de  Pairis,  comme  il  l'est  aussi  de  VHistoria  constantinopolilana, 
du  Solimarius  et  du  Deoratione),  —  Loiseleur.  Trois  énigmes  historiques 
(très  instructif  et  résultats  très  acceptables).  =:  N»  18.  Johannes  Tur- 
mair's  genannt  Aventinus  saemmtliche  Werke,  Bd.  II  (excellente  édi- 
tion de  la  Bayerische  Chronik  du  célèbre  humaniste).  =  N"  19.  Sakella- 
poulo.  Corn.  Nepotis  vitae  excellentium  imperatorum  (bonne  édition 
critique  par  un  savant  d'Athènes).  —  Baumgarten.  Sleidan's  Brief- 
wechsel  (n'a  réussi  à  réunir  que  182  pièces  d'un  homme  qui  a  tant 
écrit;  cette  publication  diminue  un  peu  l'obscurité  qui  entoure  la  vie 
de  Sleidan;  mais  il  en  reste  beaucoup  encore).  —  F.  von  IleUwald.  Kul- 
turgeschichte  iii  ihrer  natùrlichen  Entwickelung   (3*  édition  de  cet 
ouvrage  original  et  profond).  =  N"  20.  Schmalz.  G.  Sallusti  Grispi  de 
bello  Jugarthino  liber  (bonne  édition  pour  les  classes).  —  Nordenskiœld. 
Om  brœderna  Zenos  (la  carte  dressée  par  les  frères  Zeni  du  Groenland  et 
de  l'Europe  septcntr.  est  la  copie  d'une  carte  faite  à  l'aide  de  nombreux 
et  sûrs  matériaux  recueillis  au  xiv«  et  au  xv«  s.  ;  elle  est  d'une  remar- 
(juable  exactitude).  =  N»  22.    Charvériat.   La  bataille  de  Fribourg, 
3-5  août  1644  (très  bon  travail;  la  bataille  fit  plus  d'honneur  à  Merci 
qu'à  Condé).  =  Hermann.  Lehrbuch  der  griechischen  Antiquitœten, 
Bd.  IV  :  Griechische  Privatalterthiimcr,  par  Blûmncr  (ce  4*  vol.  com- 
mence la  S'î  édition  remaniée  de  l'œuvre  de  Ilermann  très  répandue  en 
Allemagne;  il  est  neuf  en  grande  partie  et  très  bon). 

9.  —  Bulletin  critique.  1883,  15  avril.  —  A.  de  Ceulencer.  Essai 
sur  la  vie  et  le  règne  de  Septime  Sévère  (manque  de  méthode  et  de 
clarté;  mais  beaucoup  de  choses  utiles  et  justes).  —  Duc  de  Broglie, 
]<>édéricll  et  Marie-Thérèse.  =  l^^mai.  Héron  de  Villefosse  iti  TliMenat. 
Cachets  d'oculistes  romains,  t.  I.  =  15  mki.  Zévort.  De  Gallicanis 
imperatoribus  (plusieurs  erreurs  dans  la  transcription  ou  l'identiGcatioii 
des  inscr.).  —  Keim.  Rom  und  das  Gliristenllium  (travail  consciencieux) . 


RECrEILS    PKRIODIQrES.  445 

—  Le  P.  E.  HegnauH.  Christophe  do  Beaumont,  archevêque  de  Paris, 
1703-81  (bon  ouvrage;  beaucoup  Ai'  matériaux  utilisés;  on  y  sent  trop 
[>arfois  le  parti  pris  de  faire  l'apologie  des  jésuites). 

10.  —  La  Révolution  fk^ançaise.  IS83,  \\  avril.  —  D'  Robinet. 

Danton,  d'a|)rès  les  documents;  suite  (réponse  aux  accusations  do  dila- 
pidation et  de  concussion).  —  Colfavr^.  Do  l'organisation  et  du  fonc- 
tionnement de  la  souveraineté  nationale  sous  la  constitution  de  1791  ; 
suite.  —  A.  FoLUET.  Les  Savoisieiis  dans  les  assemblées  législatives  de 
la  Ilévolution,  179*2-1800;  suite.  —  liorvih'-.RE.  Meyère,  de  Laudun,  juge 
au  tribunal  révolutionnaire  de  Paris;  suite.  —  Lecoc^.  Le  papier-mon- 
naie (les  communes  de  France  pendant  la  liévolution.  =  li  mai. 
Cb.  HippEAL.  I^  Révolution  française  et  l'éducation  nationale.  — Jean- 
VROT.  Les  juges  do  paix  élus  sous  la  Révolution. 

11.  —  Répertoire  des  travaux  historiques.  Année  1881  (fiaru  en 
188*2-83).  — (ie  volume  aujourd'hui  terminé  contient  en  tout  4,176  notices 
de  livres  ou  d'articles  de  revue  ;  un  index  très  copieux  en  facilite  l'emploi. 

12.  —  Nouvelle  revue  historique  de  droit  fk*ançais  et  étranger. 

1883,  n®  2.  —  Barilleau.  La  constitution  de  dot  dans  l'ancienne  (irèce. 

—  Rod.  D.VRESTE.  Le  procès  d'IIermias,  117  av.  J.-C.  —  Flai:h.  (]ujas, 
les  glossateurs  et  les  bartolistes.  —  Esmein.  Notice  sur  Ch.  (iiraud.  — 
Eug.  DE  RoziÈRE.  Ribliographie  des  écrits  de  Ch.  (îiraud. 

13.  —  Revue  celtique.  Vol.  V,  n*  4,  avril  1883.  —  Ch.  CnssArtr.  Vie 
de  saint  Paul  de  Léon  en  Rretagne,  d'après  un  ras.  de  F'leur>'-sur-I^)ire 
conservé  à  la  bibliothè(jue  publique  d'Orléans  (l'auteur  de  c«»tte  vie  est 
Wrmonoc,  moineau  a  mcuiasteriura  Landevenecense  •;  l'ouvrage  est 
dédié  à  Hinworet,  évéque  de  Bretagne;  il  fut  (»crit  en  884;  la  partie  du 
ms.  de  Fleury  où  il  est  C(uitenu  est  du  x*  s.  Texte  latin  de  cette  vie). 
=  Bibliographie  :  V.  de  Vit.  Disserta/.ioni  sui  Britanni  e  sui  Cimbri 
(la  \^  dis.sertation  est  relative  à  la  distinction  des  liritanni  de  l'ilo  et 
do  ceux  du  continent;  l'auteur  refuse  d'admettre  que  ce  soit  l'émigra- 
tion insulaire  qui  a  cnV»  la  Bretagne  française;  son  travail  est  fait 
avec  une  grande  légèreté,  et  avec  une  grande  ignorance  des  sources. 
ï^  '!•  dissertation  se  ra|)[Mirte  à  la  route  (jue  les  Cimbres  ont  suivie  \h)\it 
aller  en  Italie;  nous  l'avons  analysée  [dus  haut,  p.  2*26).  —  A.  de  La 
Bouderie.  Etudes  historiques  bretonnes  :  les  deux  saints  Caradec; 
légendes  latines  inédites  avec  introd.  et  notes  critiques  (très  intéressant). 

14.  —  Revue  de  rhistoire  des  religions,  i*  anmVe,  t.  VII,  n*  1.  — 
Kkrn.  Histoire  du  lk)uddhisme  dans  l'Inde,  k*  art.  —  M.  Vernes.  ïa»s 
origines  politicjues  et  religieuses  de  la  nation  Israélite;  fin. 

15.  —  Revue  de  rBxtréme  Orient.  T.  I,  1882,  n®  L  —  Strindbero. 
Notice  sur  les  relations  île  la  Suéde  avec  la  Chine  et  les  pays  tartanes, 
depuis  le  milieu  du  xvir  s.  jusqu'à  nos  jours  (notes  historiques  et  biblio- 
graphiques). —  Cordier.  Documents  inédits  pour  servir  à  l'histoire  ecclé- 
siastique de  l'Extrôme  Orient;  suite  :  le  Chinois  du  P.  Fouoiuet,  d'après 


446  RBCOBILS  P^BIODIIIOES. 

le  ms.  169  de  l'iaveotaire  des  papiers  du  duc  de  Saint-Simon  ;  fin.  — 
Jametel.  Histoire  de  la  paciQcation  du  Tibet  sous  lo  règne  de  l'empe- 
reur Eien-Long,  traduit  du  chinois,  1"  et  2*  parties  (l'auteur  est  un 
lettré  chinois  Oueï-Yuan,  qui  mourut  en  1856;  il  composa  un  grand 
nombre  d'ouvrages,  dont  le  <  Mémorial  des  faits  militaires  >,  en 
14  livres,  raconte  l'histoire  militaire  de  !a  dynastie  qui  régne  actuelle- 
ment en  Chine;  c'est  de  ce  livre  que  sont  pris  les  chapitres  traduits  par 
H.  i.).  —  CoHDiER.  Mss.  relatifs  à  la  Chine;  notes  bibliographiques; 
4*  partie. 

16.  —  Revoe  de  sAographle.  1S83,  mai.  —  J.  Levallois.  Un  voya- 
geur français  en  France  au  xvip  s.  (Pierre  Thomas,  sieur  du  Fossé, 
d'après  ses  Mémoires).  —  A.  Chbrbonneau.  Légende  territoriale  de  l'Ai' 
gérie  en  arabe,  en  berbère  et  en  français  ;  suite.  =^  Juin.  J.  ue  Crozals. 
La  Montagne-noire  et  le  canal  du  Midi  (histoire  des  travaux  de  Riquet). 

—  A.  DE  FoNTPEBTuis.  Les  états  feudataires  de  l'Inde  anglaise  et  ses  tri- 
bus à  l'état  sauvage. 

17.  —  Revnades  Denx-Uondes.  1833.  !■' avril.  —  Ducd'Auuale. 

—  La  première  campagne  du  prince  de  Condé;  1"  art.  :  marches  et 
opérations;  2' art.  (15  avril)  :  Rocroy;  3"  art.  (1"  mai):  Thionvillo: 
4*  art.  (15  mai)  :  le  secours  d'Allemagne  (récit  très  brillant  et  très  sug- 
gestif. L'auteur  disculpe  Condé  d'avoir,  par  sa  faute,  retardé  les  secours 
que,  dans  la  seconde  moitié  de  1643,  on  devait  mener  à  Guébriant;  il 
en  rejette  toute  la  responsabilité  sur  Mazarin),  ;=  15  avril.  Em.  Michel. 
Frédéric  II  et  les  arts  à  la  cour  de  Prusse.  =  1"  mai.  Marquis  G.  de 
Sai>orta.  Un  essai  de  synthèse  palêoeth nique.  =  1*'  juin.  A.  Gefprov. 
L'école  française  de  Rome;  ses  premiers  travaux,  i"  art.  :  l'antiquité 
classique. 

18.  —  La  NoaTelle  Revue.  1883,  \"  avril.  —  Lecûmte.  Le  général 
Ghanzy  (expose  ie  rôle  du  général  pendant  la  campagne  de  France)  ;  fin 
le  15  avril.  ;=  15  mai.  Nalroï.  La  duchesse  de  Berry  au  chiteau  de 
Dlaye;  fin  le  15  mai  (ajoute  un  grand  nombre  d'actes  inédits  à  tous 
ceux  qu'on  arécemment  publics  sur  ce  sujet).  =  I"  juin.  F.deLesseps, 
Abd-el-Kader. 

19.  —  Le  Correspondant.  1883,  25  avril.  —  Mgr  Ricard.  Monta- 
lembort  et  l..amennais.  —  M.  de  Lescure.  Le  Luxembourg,  1300-1882; 
récits  et  confidences  sur  un  vieux  palais.  ^=  10  mai.  M.  de  Ijiscurb. 
Mémoires  de  U  duchesse  de  Tourzel.  —  Ed.  Frèmy.  Les  poésies  inédites 
de  Catherine  de  Médicis,  3°  art.  ;  fin  le  25  mai  (celte  série  d'articles  est 
autant  une  biographie  de  C.  de  M.,  qu'une  étude  sur  ses  goûts  litté- 
raires}. =3  10  juin.  H.  DB  Lacombe.  Le  maréchal  Bugeaud. 

20.  —  Le  CoDtempopaln.  1883,  !■■■  juin.  —  Lecov  de  La  Marche. 
Etudes  sur  le  gouvernement.de  saint  Louis.  1"  art.  :  caractères  de  la 
royauté  chrétienne.  —  Allard.  Polyeucte  dans  la  poésie  et  dans  l'his- 
toire (approuve  en  général  les  conclusions  de  M.  Aube  sur  le  sujet). 


RECUEILS   PERIODIQUES.  147 

21.  —  Le  Spectateur  militaire.  1883,  15  avril.  —  Dabormida.  La 
bataille  de  TARsiette,  1747;  suite;  cf.  le  i^'juin.  =  1*"  mai.  Souvenirs 
militaires  du  général  baron  Hulot;  suite  (le  camp  de  Boulogne).  — 
Compte-rendu  :  Mariani.  L#e  guerre  delT  Independenza  italiana  dal  1848 
al  1870  (excellent).  =  15  mai.  Fauht-Lurion.  Guerre  turco-russe,  1877- 
78;  Suleyman  Pacha  et  son  procès;  8«  art. 

22.  —  Académie  des  Inscriptioiis  et  belles-lettres.  1883,  séance 
du  30  mars.  —  M.  Desjardins  communique  le  texte  d'une  insrr.  latine 
récemment  découverte  en  Tunisie  au  sud-est  et  a  60  kil.  du  Kef,  l'an- 
cienne Bicca  Veneria  ;  elle  mentionne  la  ville  de  Zama  au  lieu  actuel 
de  Si-Amor  Djedidi.  —  M.  Castan  lit  un  mémoire  sur  la  roche  Tar- 
péienne  du  capitolo  de  Vesontio.  =  13  avril.  M.  Miller  communique 
plusieurs  inscr.  grecques  trouvées  en  Egypte  par  M.  Maspero.  Une  nou- 
velle inscr.  latine  trouvée  à  Aîn  I>emsa,  à  G  kil.  O.  de  8i-Amor  I)je<lidi, 
parie  de  magistrats  municipaux  ap|>elés  sutrètes.  =  20  et  27  avril. 
M.  Desjardins  communique  d'autres  inscr.  latines  de  Tunisie;  une 
d'elles  doit  avoir  été  gravée  entre  292  et  305,  elle  parle  du  municipium 
Rapidense  qui  fut  reconstruit  à  cette  époque,  après  avoir  été  détruit 
par  les  barbares.  =  27  avril  et  séances  suivantes.  M.  LENomiANT  lit  un 
mémoire  sur  la  topographie,  l'histoire  et  les  antiquités  du  Val  di  Tegiano 
en  Lucanie.  =  11  mai.  M.  Riant,  dans  un  mémoire  sur  la  donation 
d'Orvietto  ou  d'Acquapeudente  au  Saint-Sépulcre  et  les  établissements 
latins  de  Jérusalem  au  x*  s.,  croit  que  cette  donation  est  authentique; 
l'instrument  qui  en  reste  aux  archives  des  lk>uches-du-Rh6no  est  une 
copie  très  fautive.  =  18  mai.  M.  (iRKiïAiT  expose  le  résultat  de  ses 
recherches  sur  les  mesures  des  assises  de  la  grande  pyramide  de  (iiseh; 
il  pense  avoir  retrouvé  l'uniU»  du  système  des  mesures  égyptiennes. 

23.  —  Académie  des  Sciences  morales  et  politiques.  Compte- 
rendu.  1883,  avril-mai.  —  V»«  G.  d'Avknel.  I^  budget  de  la  France 
sous  Louis  XIII;  contributions  directes,  la  taille;  un  (traite des  exemp- 
tions de  cet  impôt,  que  payait  presque  seul  le  (teuple  des  cam[»agnes;  et 
du  recouvrement  des  tailles.  Estime  que  la  moyenne  d'impôt  dinH:t  [»ayé 
par  les  paysans  dans  les  pays  de  taille  fiersonnelle  en  1^)31)  s'élevait  à 
\o  fr.  par  an,  tandis  quelle  est  aujourd'hui  s<»ulement  de  il  fr.  ; 
€  riiomme  vivant  du  travail  de  ses  mains  payait  4  fois  et  demie  plus 
sous  ïiouis  XIII  que  de  nos  jours  •).  —  Vuitrv.  L'origine  et  l'établis- 
sement de  l'impôt  sous  les  3  premiers  Valois  ;  suite  à  la  6*  livr.  (extrait 
des  Etudes  sur  le  régime  financier  de  la  France,  dont  une  nouvelle  série 
vient  de  paraître).  :=  ô*  livr.  IL  Do.mol.  I-.e  marquis  de  I^  Fayette; 
pndiminaires  de  TinterviMition  de  la  France  dans  l'établissement  des 
Etats-Unis  d'Amérique  (raa>nte  les  efforts  tentés  jKir  le  comte  de  liroglie 
pour  se  faire  donner  en  Amérique  un  grand  commandement  qui  lui 
piTuiit  de  revenir  plus  tard  en  France  avec  des  états  de  service  tels 
qu'on  no  pût  lui  refuser  le  bAton  de  maréchal.  Son  projet  échoua  quand 
le  gouvernement,  d'abord  favorable  à  une  intervention  franraise  en  Amé« 


...-.i-fc 


448  RECUEILS  PERIODIQUES. 

rique,  arrêta  les  premiers  départs  de  troupes.  Au  lieu  du  comte  de 
Broglie,  c'est  La  Fayette  qui  partit,  mais  subrepticement).  —  J.  Zeller. 
Adrien  VI,  un  pape  réformateur,  1522-23. 

24.  —  Société  nationale  des  Antiquaires  de  France.  Séance  du 
4  avril  1883.  =  M.  de  Kermaingant  annonce  qu'il  vient  de  découvrir, 
dans  la  collection  de  M.  de  Hunolstein,  un  buste  en  bronze  d'Henri  II 
analogue  au  buste  en  marbre  conservé  au  Musée  du  Louvre.  M.  Gou- 
rajod,  à  propos  de  cette  communication,  fait  remarquer  que  Germain 
Pilon  exécutait  les  bustes  des  rois  de  France  sous  trois  formes  diffé- 
rentes :  en  terre  cuite,  en  marbre,  en  bronze.  =  Séance  du  9  mai  1883. 
M.  DE  ViLLBFOssE  commuuîque  de  la  part  de  M.  Roman  une  inscription 
votive,  gravée  sur  un  petit  autel  carré  servant  de  support  au  bénitier  de 
l'église  de  la  Piarre,  arrondissement  de  Gap  (Hautes- Alpes),  contenant  le 
nom  de  la  divinité  topique  Alambrona.  ==  Séance  du  16  mai  1883. 
M.  l'abbé  Tbédenat  communique,  de  la  part  de  M.  deLaigne,  consul  de 
France  à  Livourne,  une  inscription  chrétienne  conservée  au  Musée  de 
Lucques  et  datée  des  calendes  de  mai,  second  post-consulat  de  Paulinus 
junior,  indiction  xiv«,  c'est-à-dire  du  i»'  mai  536.  —  M.  Gourajod 
donne  lecture  d'un  mémoire  sur  un  buste  du  Musée  du  Louvre,  dans 
lequel  on  a  cru  voir  le  président  d'Ormesson,  mort  en  1600,  mais  qui 
représente  en  réalité,  les  textes  anciens  en  font  foi,  le  beau-père  du  pré- 
sident, Jean  d'Alesso,  mort  en  1572. 

25.  —  Société  de  Thistoire  du  Protestantisme  français.  Bul- 
letin. 1883.  N*  4.  —  J.  Bonnet.  Laurent  de  Normandie  ;  fin.  —  Arrêt 
du  Parlement  de  Paris  contre  Laurent  de  Normandie  et  divers  inculpés 
d'hérésie,  7  sept.  1552.  —  Le  protestantisme  en  Vivarais  (Lettre  de 
M"«  M.  Fuzier  sur  l'évasion  de  M"«  Coulongin,  et  sur  le  triste  sort  de 
sa  plus  jeune  sœur,  détenue  dans  un  couvent  du  Saint-î]sprit,  1734).  — 
Inhumation  des  protestants  en  France  au  xvni«  s.  (actes  concernant 
l'application  en  Bas- Poitou  de  l'art.  13  de  la  déclaration  royale  du 
0  avril  1736).  —  Delorme.  Un  méreau  inédit  de  la  communion  réfor- 
mée. —  L'amiral  de  Goligny  jugé  par  le  duc  de  Saint-Simon  (extrait 
du  t.  I  dos  Papiers  inédits  publiés  par  M.  Faugère).  =  N'  5.  Bonet- 
Maurv.  Farel  et  l'Église  réformée  de  Metz,  1525-65.  —  "Weiss.  I^ 
réforme  à  Orléans,  de  1571  à  1574;  3  lettres  de  D.  Toussain. — Extraits 
des  mémoires  de  Pierre  Pons,  du  Pont  de  Montvert.  —  Une  lettre  aux 
curés  du  diocèse  de  Montpellier,  11  août  1685  (le  secrétaire  de  l'évèque 
mande  aux  curés  :  l*»  pour  faire  cesser  la  sécheresse,  de  dire  à  toutes 
leurs  messes  l'oraison  pour  la  pluie  ;  2'  de  fournir  à  l'évèque  la  liste 
exacte  de  tous  les  protestants  de  leur  paroisse). 

26.  —  Société  des  Études  juives.  Annuaire,  2*'  année.  (Paris, 
Durlacher,  1883.)  — Th.  Reinach.  Un  mémoire  oublié  sur  les  Juifs,  par 
le  prince  de  Ligne,  1797  (analyse).  —  M.  Aron.  Liquidation  des  dettes 
de  l'ancienne  communauté  juive  de  Metz  en  1790  (d'après  des  papiers 
de  famille).  —  Isid.  Loed.  Les  Juifs  à  Strasbourg,  depuis  1349  jusqu'à 


RKf.I'F.ILS   PI^RIOniQrivS.  419 

la  Rt»vi)liitioii.  =  Uevuo.  N«  il  ;  janv.-mars  1883.  IUudinet.  (>)nditioii 
civile  dos  Juifs  du  Oomtat-VonaiRsin  poudant  lo  xv  »,  (éludio  les  rap- 
ports des  IsraéliUîs  avec  le  gouvcrnomout  pontifical,  avoc  les  juriscon- 
sultos  d'Avignon,  avec  la  villo  d'Avignon  et  les  municipalités  du 
Cunitat  ;  montre  que,  malgré  certaines  charges  particulières  «jui  leur 
étaient  imposées,  malgré  des  pc^rsécutions  passagères,  ainsi  à  (iarpien- 
tras,  les  Juifs  du  Comtat  furent  beaucoup  mieux  lraili»s  i|ue  le  reste  de 
leurs  confrères  établis  dans  le  reste  de  l'Europe.  Otte  étude  fait  suite 
à  celle  du  même  auteur  publiée  dans  la  Hev.  Inst.,  XII,  1  ;  XIV,  I).  — 
m.  HoiiERT.  Ktude  hisUiricjue  et  archéologique  sur  la  roue  <ies  Juifs 
<lepuis  le  xin'  s.  —  Aif.  Stkrn.  Mcnasseh  ben  Israël  et  Cromwell  (le 
Protecteur  se  montra  très  bienveillant  à  l'éganl  des  Juifs;  publie 
r»  doc.  c|ui  en  sont  le  témoignage).  —  Loed.  Notes  sur  l'histoire  des 
Juifs  en  Espagne  ;  suite. 

27.  —  Bulletin  du  Comité  d'histoire  et  d'archéologie  de  Paris. 

—  N*  1.  LoMiNON  (Aug.).  Topographie  de  l'ancien  diocèse  de  Paris.  — 
DiFOiiH  (l'abbé  V.).  État  du  diocèse  de  Paris  en  i78*J.  I.  Archevêché, 
chapitre,  administration  centrale.  —  Hohallt  de  Flkiry  (G.),  (cime- 
tière mérovingien  de  Montmartre,  avec  deux  photogravures  des  orne- 
ments ligures  sur  les  sarcophages  en  plâtre  découverts  dans  les  fouilles 
de  l'église  du  Sacré-(^/<rur.  —  Madaune  (abbé  de).  Mgr  de  Juigné, 
archevêque  de  Paris.  1.  Jeunesse  et  grades  universitaires.  —  Plai.ne 
(I>om).  Messes  d'un  ancien  sacramcntaire  romano-gallican  en  l'honneur 
de  saint  Denys,  sainti»  (ieueviève  et  saint  Cloud.  —  Lai;hière  (oh).  Une 
inscription  du  (Îampo-Santo  de  Pise  (épilaphe  de  Achille  (iuibert  de 
Chevigny,  f  IGHii.  =  N»  2.  JoniN  (abbé  J.).  Le  prieure  du  Val  d'Osne 
à  (iharenlon.  —  Frkxiy  (Edouanl).  Le  monastère  des  Petits-Augustins 
<ie  Paris.  —  Dlkolr  (l'ablH^  V.).  Etat  du  diocè.se  de  Paris  en  178'.^  II. 
.Vrchidiaconé  de  Paris.  Archiprélré  de  la  Madeleine.  —  Didro.h  (Ed.). 
Vol  au  trésor  de  Saint-Denvs  en  188*2. 

28.  —  Bulletin  de  la  réunion  des  Officiers.  188.").  5  mai  et  numé- 
ros suivants.  —  L'armement,  le  tir  et  les  feux  de  l'infanterie  fninraisi» 
depuis  l'adoption  des  armes  à  feu  jusqu'à  nos  jours. 

29.  —  Revue  historique  et  archéologique  du  liaine.  T.  XIII, 

2*  livr.  1883,  i»*"  trim.  —  Abbé  Essault.  Les  livres  de  famille  dans  le 
Maine  (publie  celui  de  Pierre  Henri  <le  Ghaisne  de  (liasse,  i7(>8-;<2).  — 
TiiniER.  I-ra  légende  de  la  nMne  Herthe  et  la  f<»ndation  des  égli.si*s  de 
Fn»snay,  Moitron,  8aint-Christophe-ilu-Jambet  et  S<*grie  (cette  légende 
rejjose  sur  une  base  historique  ;  la  reine  Berthe  de  la  léiçende  serait 
l'éiKuise  divorcée  de  Il(d>ert  le  Pieux,  bienfaitrice  des  populations  du 
I^rcon.  Pas  de  jireuves  positi\es  d'ailleurs  ;  ce  ne  sont  que  des  hypo- 
thè.ses).  —  Vicomte  de  nA.*«TARi>  d'Estano.  Mariage  de  Florent  de  lias- 
tanl  et  de  Christophlette  de  la  Houvraye,  9  juillet  ir»?."».  —  E.  m:  Colu- 
TiLi.oLEs.  1^8  tailles  de  l'élection  de  ChAteaunlu-Loir,  1712-56. 

30.  —  Société    des   sciences   historiques   et   naturelles   de 


450  RECUEILS   PERIODIQUES. 

lionne.  Bulletin,  1882,  2«  semestre.  (Auxerre,  1883.)  —  Jolivot- 
Ghartes  de  Téglise  Saint-Pierre  de  Tonnerre  (5  pièces,  dont  4  du  xii*  et 
une  du  xiv*  siècle).  —  ]>  G.  Ricque.  Les  sépultures  du  plateau  de 
Ghauveau,  près  Vermenton,  Yonne.  —  A.  Ghalle.  Histoire  de  la  ville 
et  du  comté  de  Joigny.  —  Vaudin.  Michel  Bourdin,  sculpteur,  et  le 
tombeau  de  Pierre  Dauvet,  seigneur  de  Saint- Valérien  (ce  tombeau  se 
trouve  dans  Téglise  de  Saint-Valérien,  canton  de  Ghéroy,  aux  portes 
de  Sens.  Biographie  de  l'artiste). — Monceaux.  Entrée  du  roy  GharlesIK 
à  Sens,  le  15  mars  1563  (d'après  la  copie  d'un  registre  des  délibérations 
de  rhôtel  de  ville.  G'est  Jean  Gousin,  alors  employé  aux  travaux  de 
sculpture  et  de  décoration  du  château  de  Fleurigny,  qui  fut  chargé  de 
décorer  la  ville).  —  Ge  fasc.  est  accompagné  des  Tables  analytiqties  du 
Bulletin  pour  la  2«  série,  1867-78,  par  M.  J.  Golin.  G'est  la  troisième 
des  tables  décennales  qu'a  fait  paraître  la  Société. 

31.  —  Société  d'archéologie  lorraine.  Mémoires.  3*  série,  10*  vol. 
(Nancy,  Wiener,  1882.)  —  L.  Germain.  Notes  historiques  sur  la  maison 
de  Lorraine  (d'après  l'histoire  des  comtes  de  Ghiny,  publiée  en  1880 
par  le  P.  Goffinet).  —  J.  Rbnauld.  L'ermitage  de  Saint-Joseph  de 
Messein,  près  de  Nancy  (fondé  en  1676  par  Michel  Legrand).  —  H.  Le- 
PAOE.  Une  rectification  à  propos  du  travail  intitulé  :  la  famille  du  chan- 
celier Michel  de  l'IIospital  en  Lorraine  (M.  Lepage  avait  indiqué  parmi 
les  descendants  de  Pierre  de  l'Hospital  un  Médard  de  la  Roche  ;  de 
nouveaux  documents  prouvent  que  ce  Médard  n'appartient  pas  à  la 
famille  du  chancelier).  —  Abbé  Jacquot.  Notice  sur  l'abbaye  d'Evaux 
(fondée  en  1130  par  Ebal,  comte  de  Montfort,  neveu  du  comte  de  Gham- 
pagne  Thibaut  II,  supprimée  à  la  Révolution).  —  M.  de  Sailly. 
Anciennes  paroisse  et  cure  de  Goinville  ;  situation  de  la  paroisse  ;  ono- 
mastique du  ressort;  patronage  de  Sainte-Glossinde  de  Metz  ;  ressources 
et  dotations  ;  ventes  révolutionnaires.  —  L.  Germain.  Les  tombeaux  de 
l'église  do  Lenoncourt.  —  F.  Des  RonERT.  Journal  historique  de  Bar- 
thélémy Philbert,  receveur  des  deniers  patrimoniaux  et  de  l'octroi  à 
Saint-Nicolas  do  Port,  1709-1717  (ce  journal  est  écrit  dans  un  senti- 
mont  tout  lorrain,  c'est-à-dire  anti-français;  il  est  en  vers,  et  quels 
vers  !  Quelques  faits  curieux).  —  H.  Lepage.  Melchior  de  La  Vallée,  et 
une  gravure  de  Jacques  Bellange.  (Fils  d*un  orfèvre  de  Nancy,  Melchior 
outra  dans  les  ordres  et  devint  aumônier  de  Henri  II,  duc  de  Lor- 
raine. Il  baptisa  la  iillo  du  duc  Nicole,  qui  plus  tard  épousa  Charles  IV. 
Lorsque  celui-ci  voulut  briser  son  union  avec  sa  femme,  il  accusa  La 
Vallée  do  sorcollorio  ;  Nicole  baptisée  par  un  sorcier  n'était  pas  chré- 
tionno,  et  n'avait  pu  épouser  canoniquement  un  chrétien  ;  son  mariage 
était  donc  nul.  Melchior,  arrêté  en  mai  1631,  fut  condamné  à  mort, 
exécuté  on  soptombre,  et  ses  biens  confisqués.  Parmi  les  pièces  justifi- 
catives annexées  au  présent  travail,  se  trouve  la  note  des  frais  de  cette 
procôduro.)  —  Bretagne.  Monnaies  gauloises  inédites  de  Strasbourg. — 
U.  DE  Souhesmes.  La  vérité  sur  la  naissance  du  lieutenant  général 


RBCnBILS  PlÎRIODIQnBS.  451 

François  do  Chcvert  (le  grand-père  de  Clievert,  Humbcrt  de  Chrvorl, 
fut  on  1637  nommé  •  vorgor  »  de  la  cathédralo  do  Vonlun,  ofûco  qui 
entraînait  exemption  de  la  taille  et  dos  logoments  militaires  ;  son  GU 
lui  succéda  dans  cette  charge  on  1GG3  ;  François  de  Chevort,  né  le 
2  février  1695,  appartenait  donc  à  une  famille  d'anoblis  do  Lorraine; 
bien  api)arenté,  il  entra  on  1706  on  qualité  de  volontaire  au  régiment 
de  Carné,  où  il  obtenait  presque  aussitôt,  le  18  août,  le  grade  de  sous- 
lieutenant;  il  avait  alors  M  ans  et  demi.  Ce  nVst  donc  pas  le  pauvre 
enfant  du  peuple  qu'on  représente  d'onlinaire,  concjuérant  sos  grades 
par  autant  de  coups  d'éclat).  —  Le  Mercier  de  Morièkk.  L'origine  de 
la  maison  de  Chambley  (se  rattache  directement  à  celle  do  Hrixoy  : 
Ferri  de  Brixey  devint  vers  1237  Ferri  de  Chambloy  ;  filiation  des 
Hrixey  et  des  Chambloy  au  xiii*  s.).  —  L.  Cermaln.  La  croix  d'alîran- 
chissement  de  Frouard  (parait  être  une  croix  élevée  pour  perpétuer  le 
souvenir  do  la  concession  do  la  «  Loi  de  Heaumont  >  au  village  de 
Frouard  par  Ferri,  évoque  d'Orléans,  fils  de  Ferri  III,  le  18  fév.  1297). 

32.  —  Société  d'émoUUon  de  rAin.  Annales.  16«  année,  1883, 
janv.-juin.  —  Jarin.  La  Bresse  et  le  liugoy  ;  10«  et  1  !•  parties.  —  Bkos- 
SARD.  Description  historique  et  topographique  de  l'ancienne  ville  do 
Bourg  ;  suite. 

33.  —  Balletin  d^hlstolre  ecclésiastique  et  d'archéologie  reli- 
gieuse (Romans).  3*  année,  5«  livr.  1883,  mai-juin.  —  Abbé  J.  Che- 
valier. Mémoires  des  frères  (»ay  pour  servir  à  l'histoire  des  guerres 
religieuses  en  Dauphiné  au  xvr  s.  —  !)«■  LM.  Chevalier.  Notice  histo- 
rique sur  le  Mont-Calvaire  de  Homans.  —  Abbé  Laoier.  L'abbaye  de 
N.-I).  de  Ijaval-Benito  do  Bressieux  (son  histoire  de  1618  à  la  Révolu- 
tion, d'après  une  relation  manuscrite).  —  Abbé  Cruvellier.  Notice  sur 
l'église  do  N.-D.  du  Bourg,  ancienne  cathédrale  do  Digne  ;  suite.  — 
Nadal.  Ix»ttre  du  pri*sidial  de  Valence  au  pa|)e  Alexandre  Vil  pour 
obtenir  la  canonisation  do  saint  François  de  Salles. 

34.  —  Société  d'agricoltnre,  sciences  et  arts  d'Agen.  Recueil 
do  travaux.  2*  série,  t.  VIL  Agon,  1881.  —  Bladk.  Pmverbos  et  devi- 
nettes populaires  n»cuoillies  dans  l'Armagnac  et  l'Agonais;  fin.  — 
Tamizev  de  Larroque.  Lettres  françaises  inédites  de  Joseph  Scaligor; 
suite  (important  pour  cotte  partie  do  l'histoire  littéraire,  appelée  [>lus 
partirulièrement  l'humanisme).  —  MA(iEN  et  Tholin.  Tmis  diplômes 
d'honneur  du  iv  s.  (ces  diplômes,  gravés  sur  dos  tablettes  de  bronze, 
ont  été  trouvés  près  de  Villonouve-sur-Lot.  I^  [iromièro  so  lit  :  «  Cl. 
Lupicino,  v.  c.  consulari  maxime  senonie  ob  inlustra  mérita  civitas 
sononum  patrono  suo  dotlicavit.  >  I^  seconde  :  «  Cl.  v.  c.  oonsulari 
maximo  senonio  autissioduronsium  civitas;  tantis  pro  meritis  felix 
proNîncia  per  ti  (sic)  que  tribuit  tabulas,  statuas  decernere  vellet.  •  \jl 
3'  :  €  Bectora  si  resecqt  scrutans  Aurolianorum  hoc  opus.  •  Ct*s  trois 
inscr.  sont  surmontées  du  chrisma). 

35.  —  Revue  de  TAgeoais.  10«  année,  1883,  livr.  1  et  2.  —Tholin. 


452  RECUEILS   PERIODIQUES. 

Les  cahiers  du  pays  d'Agenais  aux  états  généraux;  suite  (publie  les 
Remonstrances  faites  au  Roy  par  les  députés  du  pays  d'Agenais  à  la 
tenue  des  états  généraux  convoqués  dans  la  ville  de  Sens  en  Tan- 
née 1614);  suite  au  numéro  suivant.  —  Bladé.  Quatorze  superstitions 
populaires  de  la  Gascogne  ;  suite  :  fin  au  numéro  suivant.  —  Proche. 
Annales  de  la  ville  d'Agen ,  pour  faire  suite  à  l'abrégé  chronolo- 
gique des  Antiquités;  suite:  septembre  1814  à  mai  1815;  suite  au 
numéro  suivant.  —  A.  Lagarde.  Histoire  de  la  ville  de  Tonneins  ; 
suite  (résume  l'histoire  des  Ferriol ,  seigneurs  de  Tonneins,  du 
xiii«  siècle  jusqu'en  1452,  année  où  la  seigneurie  fut  achetée  par  lo 
célèbre  Poton  de  Xaintrailles).  =  Livrais.  2-3.  Gragnon-Lacoste.  I^ 
famille  Toussaint-Louverture  à  Agen,  1803-1816  (Toussaint  était  né  en 
1743  sur  les  terres  du  comte  de  Noé  ;  il  devint  majordome  de  M.  Bayon 
de  Libertat,  gérant  lui-même  de  l'habitation  Bréda;  il  épousa  une 
femme  de  sa  couleur,  de  laquelle  il  eut  deux  fils  :  Isaac  et  S'-Jean. 
Quand  la  guerre  eut  éclaté,  Toussaint  sauva  la  vie  de  ses  maîtres  ;  plus 
tard,  il  fit  cultiver  aux  frais  du  trésor  colonial  l'habitation  Tascher  de 
la  Pagerio,  parce  que  t  le  général,  époux  de  Joséphine,  combattait  en 
Egypte  pour  la  patrie  ».  Quand  Toussaint  eut  été  transporté  en  France, 
sa  femme,  ses  enfants  et  une  nièce  furent  déportés  à  Agen  ;  ils  y  furent 
bien  accueillis  et  bien  traités.  M»"«  Louverture  y  mourut  en  1816). 

36.  —  Revue  de  Gascogne.  1883.  5»  livr.  —  Abbé  Ducruc.  Notice 
sur  la  paroisse  de  Cazaubon  ;  1»  les  églises.  —  Plieux.  Vicnau  ;  terres 
et  familles  nobles  ;  fin.  —  T.  de  L.  Lettre  de  Henri  IV  en  faveur  de 
Scipion  Du  Pleix  (lettres  de  Testât  et  office  de  lieutenant  particulier, 
assesseur  criminel  au  siège  présidial  de  Gondom,  pour  maistre  Scipion 
du  Plaix,  23  nov.  1606).  —  6*  livr.  T.  de  L.  La  marquise  de  Flamarens 
(d'après  les  lettres  de  Chapelain).  —  Abbé  Dudord.  La  persécution 
religieuse  à  Solomiac  et  dans  les  environs,  pendant  la  Révolution  ; 
suite.  —  L.  Couture.  Deux  inscr.  latines  de  Lectoure  et  d'Auch  , 
1«»"  art.  (interprète  la  formule  t  non  fui,  fui,  memini;  non  sum,  »  etc., 
contenue  dans  une  inscr.  chrétienne).  —  Ant.  de  Lantenav.  Deux 
lettres  de  L.  de  Trapos,  arch.  d'Auch,  au  cardinal  de  Sourdis. 

37.  —  Revue  des  Basses-Pyrénées  et  des  Landes.  1883.  5«livr., 
mai.  —  Jaurgaln.  Troisvilles,  d'Artagnan  et  les  trois  mousquetaires  ; 
suite.  —  Gabarra.  Pontoux  sur  l'Adour  et  le  prieuré  de  Saint-Caprais  ; 
suite.  —  DucÉRÉ.  Lo  théâtre  bayonnais  sous  l'ancien  régime;  suite. 
—  Brutails.  De  la  prétendue  charte  d'affranchissement  de  Morlaas, 
1101  (n'est  que  la  remise  faite  par  Gaston  IV  de  Béarn  des  redevances 
on  nature  que  lui  devaient  les  habitants).  —  T.  de  L.  Documents  iné- 
dits pour  servir  à  l'histoire  de  la  ville  de  Dax  ;  suite;  lettres  du  maire 
à  Catherine  de  Médicis  et  à  Charles  IX.  —  Labroughe.  Armoriai  géné- 
ral do  16%  ;  partie  do  Guyenne  et  Béarn  ;  avant-propos,  suite. 


38.  —  Historische  Zeitschrift.  Nouv.  série.  Bd.  XIII.  Heft  3.  — 


RBCUBILS  PERIODIQUES.  453 

Lknz.  I^a  guerre  de  la  liguo  do  Snialcade  contre  Charles  V  sur  le 
Danube;  1"  art.  (d'apn'»»  los  archives  de  Marbourg;  fait  ressortir  au 
début  le  fait  quo  les  confédérés  ne  furent  nullement  pris  au  dépourvu 
par  la  déclaration  de  guerre  ;  qu'ils  l'avaient  au  contraire  pnWue  depuis 
longtemps,  et  qu'ils  s'y  étaient  prépart»s).  =  (lomptes-rendus.  Gilbert. 
Ilandbuch  der  griechischen  Staats-altenhiimer,  M.  I  (met  le  lecteur 
au  courant  des  travaux  les  plus  récenu,  donne  d'utiles  renseignements 
sur  les  sources  et  les  inscr.,  discute  avec  sagacilé  nombre  de  points  de 
détail  controversés,  mais  l'ensemble  est  défectueux  ;  l'auteur  ïi'a  pas 
su  dominer  sa  matière  ;  l'expose  qu'il  trace  des  institutions  primitives 
«rAthènes  et  de  Sparte  est  tout  û  fait  insuffisant).  —  KralL  Studien  zur 
(îescbichte  des  alten  Aegypu*n,  IW.  I  (ces  études  portent  surtout  sur  la 
chronologie  égyptienne,  et  sur  l'année  de  3l»5  jours  employée  déjà 
1800  ans  avant  J.-C.  dans  la  vallée  du  Nil).  —  SrhuHircz.  Die  Demo- 
kratie,  Dd.  I  (ce  premier  volume  porte  sur  la  démocratie  athénienne  ; 
une  vaste  érudition  ;  une  [irofonde  connaissance  de  l'antiquité  grecque, 
mais  l'auteur  juge  la  démocratie  athénienne  avec  ses  préventions  |>er- 
sonnelles  ;  il  concède  que  les  Grecs  ont  beaucoup  fait  dans  les  arts  et 
le  drame,  mais  en  fait  de  politique,  ils  sont  n»st*»s  des  enfants).  — 
Pcthhnann.  Die  Anfa»nge  I{oms  (traite  do  rélabliss«*ment  primitif  des 
I-atins  en  Italie;  estime  que  le  peuple  romain  est  un  rameau  des  latins 
et  mui  un  mélange  de  plusieurs  tribus  ;  essaie  de  reconstituer  les  ori- 
gines de  Rome  à  l'aide  d'analogies  emjiruntées  «i  d'autres  [leuples,  mais 
qui  manquent  do  ccmsistance).  —  lleidenreich,  Livius  und  die  nrmische 
I^lebs  (instructif).  —  Sachau.  Ueber  die  Lage  von  Tigranocerta  (résout 
cette  question  de  géographie  historique  :  Tigranocerte  se  trouvait  sur 
les  pentes  du  mont  aiipelé  Masius  par  Tacite  et  Taurus,  auj.  Tor  |)ar 
Strabon,  h  l'endroit  appelé  auj.  Tel  Ermen,  à  II  heures  de  chemin  au 
sud  de  Nezib). — Richtrr.  Zeittafein  der  deutschen  (iesrhichte  im  MitU^ 
lalter  (bien  fait  et  très  utile). — L.  von  Jleincmann.  Heinrich  von  Draun- 
schweig,  Pfalzgraf  iKîi  Hhein  (bon).  —  Kaltnrr.  Konrad  von  Marburg 
und  die  Inquisition  in  Deutschland  (fait  avec  beaucoup  de  soin  et 
d'impartialité  par  un  écrivain  catholique).  —  Piderit.  (îescbichte  dor 
Ilaiipt-und  Hesidenzst^idt  Kassel  (nouvelle  édition  romanitM»,  fort  aug- 
mentée, mais  sans  valeur).  —  (Htn.  Das  Merkerbuch  der  Stadt  Wies- 
Iwulen  (bon).  —  llamnwran.  L'rg»»schichte  von  Franklurt  a.  .M.  und  der 
Taunusgegend  (bon).  —  I*ublications  de  l'Académie  de  Cracovie,  et 
«autres  ouvrages  relatifs  à  l'histoire  de  la  I*oIogne.  =r  IW.  XIV,  lleft  I. 
W.  .Mai  RK.NRKECUKK.  (Contributions  à  Thistoire  d'Allemagne,  de  ir)5.j  à 
I.Vil»  (de  la  [Hilitique  de  Ferdinan<i  I"  dans  l'affain»  du  vicariat  de 
l'empire  en  Italie  conféré  par  Charles-C^uint  à  son  fils  Philippe  II  ;  d«* 
ses  etYitrts  pour  maintenir  la  i>aix  d'Augslxiurg,  que  rextn*me  !assitude 
des  (Kirtis  avait  fait  signer  et  qu'il  fallait  maintenir  à  tout  prix,  etc.). 
—  (îAKi)KKB.  ï/«*s  travaux  récents  sur  Marie-Stuart  (art.  im(>urtant).  = 
(]<»mples-nMidus.  Uorawitz,  Krasmus  von  Rotterdam  und  Martinus 
Lip<ius  (détails  intcress;ints  sur  un  ms.  contenant  une  corn^spondance 


454  IBCUBILS  PBtlODIQCBS. 

encore  inédite  d'Erasme  avec  Lipsias).  =  Lto.  àleine  Jagendzeit  (four- 
nit des  renseignements  sur  la  vie  des  universités  allemandes  dans  le 
premier  quart  de  ce  siècle).  —  Hoschinger.  Preossen  im  Bondestage, 
1851-59  (documenta  importants).  —  Mecklenburgisches  Crkundenbuch 
(ce  recueil  comprend  12  toL;  le  12*  contient  une  bonne  table  des 
matières).  —  Waltenbach.  Beitnege  sur  Geschichte  der  Mark  Branden- 
burg  aus  Handschriften  der  k.  Bibliothek  (excellent).  —  Dietrichs  et 
Parisius.  Bilder  aus  Altmark  (bon).  —  PetzhokU,  J.  P.  von  Falkenstein 
(peu  intéressant  ;  le  r61e  joué  dans  les  événements  de  1866  par  Falken- 
stein est  passé  sous  silence).  —  Mayer,  Die  œstlichen  Alpenlaender  im 
Investiturstreite  (bon  ;  impression  trop  négligée).  —  Publications  rela- 
tives à  l'histoire  de  Hongrie  en  1881.  —  Un  mémoire  de  Mettemich 
(rédigé  par  Gentz  sur  les  données  fournies  par  M.,  à  Troppau,  1820; 
le  prince  y  expose  un  plan  de  constitution  pour  la  Prusse). 

39.  —  Neues  Archlv.  Bd.  VIII,  Heft  3.  Baumann.  Les  livres  des 
morts  des  évêchés  de  Cîoire  et  de  Constance  (analyse  et  extraits) .  — 
Wattenbach.  L'œuvre  paléographique  du  comte  de  Bastard  (reproduit 
l'art,  de  M.  Delisle  dans  la  BibL  de  l'Éc.  des  chartes,  en  y  ajoutant 
quelques  remarques  et  une  table  de  concordance  avec  Teiemplaire  de 
la  bibliothèque  de  Berlin).  —  Zeumer.  Sur  les  recueils  de  formules 
alémanniques  (formules  alsaciennes  de  Murbach  et  de  Strasbourg  ;  for- 
mules de  Rcichenau  et  de  Saint-Gall  ;  étude  détaillée  sur  les  divers 
manuscrits  qui  les  contiennent).  —  Loewenfeld.  Bulles  originales  des 
papes  conservées  aux  Archives  nationales  de  Paris,  de  Formose  à 
Célestin  III  (liste  de  ces  bulles  avec  la  cote  de  celles  qui  sont  inédites). 

—  Bresslau.  Fundatio  ecclesiae  Sancti  Albani  Namucensis  (publie  un 
texte  amélioré  de  cette  pièce,  avec  des  éclaircissements  sur  les  premiers 
comtos  de  Namur).  —  Zeumer.  Fragment  d'un  ras.  de  formules  du 
IX*  siècle  (ce  ras.  est  à  la  bibliothèque  de  Munich).  —  Ewald.  Les 
lettres  dos  papes  de  la  collection  de  Turin  (publie  un  fragment  d'une 
lettre  do  Jean  VIII  à  l'empereur  Charles  le  Chauve,  au  commencement 
do  87G).  —  May.  Un  ras.  de  Bertold  et  Bernold  à  Aarau  (description). 

—  H(KHLDAUM.  Les  annalcs  de  Dûnamùnde  (dans  un  ms.  des  archives 
do  Roval  ;  écrit  au  xiir  et  au  xii°  s.  ;  il  offre  peu  de  valeur).  —  Ber- 
NOUiLLi.  Annales  Parisionses  (brèves  notices  allant  de  1335  à  1417,  et 
relatives  à  l'histoire  d'Allemagne  ou  à  celle  de  la  Haute-Alsace  ;  elles 
sont  de  la  main  de  Erhard  d'Appenwiller,  qui  fut  chapelain  de  la 
cathédrale  de  Bàle  de  1639  à  1G7I  ;  il  avait  un  frère  moine  au  monas- 
lèro  cistercien  de  Pairis,  dans  les  Vosges,  et  c'est  sans  doute  de  là  qu'il 
tint  les  Annales  qu'à  son  tour  il  remania  au  xvn«  s. 

40.  —  Forschungen  zur  deutschen  Geschichte.   Bd.   XXIII, 

Iloft  2.  —  IIartfelder.  Strasbourg  pendant  la  guerre  des  paysans  en 
1525.  —  ZiJRiJONSEN.  La  ligue  rhénane  pour  la  paix  publique  de  1254 
dans  le  nord  do  TAllemagne  et  aux  Pays-Bas  (la  formation  de  cette 
ligue,  dont  on  a  peut-être  exagéré  l'efficacité  immédiate,  a  du  moins 


BBCUBfLS  P^BIODIQUES.  455 

préparé  ce  mouvement  de  concentration  qui  devait  bientAt  aboutir  à  la 
grande  association  de  la  hanse).  —  H.  von  Eickbn.  La  légende  de  Tan 
mil  (étudie  la  question  dans  les  chroniqueurs  allemands,  et  montre  que 
pas  plus  en  Allemagne  qu'en  France  on  ne  crut  sérieusement  à  la  tin 
prochaine  du  monde).  —  pFLroK-IlARTTUNo.  Une  formule  de  couron- 
nement du  roi  d'Angleterre  (d'après  les  mss.  cotton.  Tib.  B.  VlU,  et 
Claud.  A.  IIÏ  ;  il  n'est  pas  possible  de  dater  exactement  l'époque  où 
cette  formule  fut  rédigée  ;  mais  elle  est  fortement  empreinte  des  idées 
romaines).  — J.  Caro.  Sur  un  passage  des  Annales  Heinhardsbrun- 
nenses,  1*220.  —  Rezek.  L'élection  impériale  de  1519  (publie  une 
longue  relation  en  latin  adressée  aux  états  de  Hohéme  par  le  roi  Louis). 
—  NoACK.  L'entrée  de  Charles-Quint  et  de  Ferdinand  !•'  à  Aix-la-Cha- 
pelle pour  le  couronnement,  r2  janv.  1531. —  Lossen.  Les  prétendues  sym- 
pathies de  1  evéque  de  Wurzbourg,  Jul.  Echter,  pour  le  protestantisme. 

41.  —  Archivalische  Zeitschrift.  IM.  VII.  Munich,  188*2.  — 
CoNTZEN.  Les  chartes  de  l'évéché  de  Wur/.bourg  (il  y  avait  déjà  au 
xrv«  s.  à  Wurzbourg  des  archives  dont  parle  avec  détail  au  xvi*  l'his- 
torien Fries.  Brève  biographie  des  archivistes  depuis  le  xv  s.  Liste 
détaillée  de  tous  les  monastères  et  pays  de  l'ancien  ôvéché  de  Wurz- 
l>ourg,  dont  les  fonds  sont  entrés  aux  archives.  Des  pertes  qu'elles 
subirent  et  pour  quelles  causes  ;  deux  mille  documents  environ  fun^nt 
retrouves  en  1860).  —  Neim)euoer.  Sur  l'histoire  des  archives  bava- 
roises ;  suite  (fait  l'histoire  de  ce  qu'on  appelle  les  archives  se«:rètes  à 
Munich,  avec  la  liste  de  leurs  archivistes  et  chanceliers  depuis  1261. 
Biographie  détaillée  des  chanceliers  du  xvii*  et  du  xviii*  siècle;  des 
efforts  réitérés  accomplis  au  siècle  dernier  pour  mettre  en  ordre  les 
archives  ;  du  mode  de  classement  qui  y  fut  employé).  —  WiîrrBB. 
Fragments  d'une  histoire  d'archives  d'État  autrichiennes  (archives  de 
Wiener-Neustadt  depuis  le  xi\^  s.;  leur  classement  au  xviii»  s.  Intéres- 
sant pour  l'histoire  des  idées  et  des  nueurs).  —  Pirckmayer.  CiOlbn^tion 
de  pièces  pour  les  archives  du  pays  de  Salzbourg  (l'auteur  avait 
été  chargé  do  réunir  ces  pièces  ;  il  publie  ici  son  rapport  sur  celles 
qui  existent  encore  à  Salzbourg;  il  en  donne  la  cote  et  la  date).  — 
Bossert.  Extraits  des  archives  des  seigneurs  de  Weinslierg  à  Œhrin- 
gen  (biographie  de  Konrad  de  Weinsberg,  1-415-48,  d'après  les  archives 
de  cette  famille  qui  a  joué  un  rôle  historique  important.  Conrad  était 
Chambrier  hénniitaire  de  l'empereur  Sigismond  ;  la  pré.sentc  publica- 
tion jette  une  lumière  nouvelle  sur  le  règne  de  ce  prince).  —  Ik)WAL- 
Lius.  Addition  à  l'histoire  des  archives  de  Christian  II,  roi  de  Dane- 
mark (raconte  comment  les  archives  de  ce  mi  fugitif,  tomln^es  aux 
mains  des  Ifcivan>is,  rentn»rent  en  la  possession  des  puissances  du  Non!, 
et  comment  elles  furent  [«rtagtvs  entre  les  trois  royaumes  de  Suède, 
N<»rvège  et  Danemark).  — Lali.h.  I/es  archives  d'État  russes  à  Witebsk 
(expose  comment  est  organisé  cet  établissement  et  ce  qu'il  contient  ;  à 
noter  entre  autres  des  pièces  importantes  relatives  à  l'insurrection 
polonaise  de  1830).  —  Inventaire  méthodique  des  archives  du  pays 


4^  KlCrCUft  PtBMWH^CES. 

ÏOi'fiskrfÀ.*^  ;  tuiXh  Afi^  uxtiotA  reUtiTe»  anx  fumH»  noble?  de  DaiTiére^. 

—  AfSkACtsn,  Vû:^:^  mililaires  acx  arcbires  générales  de  BaTÎère  ida»- 
M^%^tii  ziiS»\s\âf\ikH  de  ce»  piéc<^  Irêâ  mtére«Huite$.  SQitoat  pour  la 
gioirrr^  d^  pa>>aa#.  If^  ^ip^^iiloos  uuriaef  pendaDt  la  guerre  de  Trente 
^i^,  1^  {fo^Ti^r*  de  la  KévoiatioD  et  de  l'empire,.  —  Von  Pfixgk-Habt- 
TL'Vi.  I>74  archives  de»  plus  anciens  papes  r traite  en  grand  détail  des 
forrne»  employées  dan<  les  arclÛTes  pontificales  :  écriture,  enjollTe- 
ment*,  alir«?%'iatiorif,  lettre»,  etc./.  —  ï>e  plus  récent  règlement  pour  la 
TfJormft  do  «enicc  aux  archives  de  Bavière.  —  Von  HoraKuoHE-WAL- 
vesHVkh.  .Sceaux  étrangers  employés  pour  sceller  les  chartes  (explique 
le$t  f;a«  ou  pareille  choj^  fiousait  arriver,  avec  des  exemples  à  Tappiii). 

—  Von  Weech.  Des  j>ceaux  en  malthe  tla  malthe  est  un  mélange  de 
cire  et  de  plâtre.  Grotefend  avait  nié  lexistence  de  pareils  sceaux  ; 
Fauteur  la  prouve  en  donnant  les  résultats  d'analyses  chimiques/.  — 
Von  lycHEB.  De  l'organisation  des  archives  ;  suite.  —  lo.  I,es  archives 
du  r;«rcle  de  Nur*»mber^  dans  leur  nouveau  local.  =  Comptes-rendus. 
Lirulner.  Das  L'rkundenwesen  Karls  IV  und  seiner  Nachfolger,  1346-47 
{UtTX).  —  UUt.  Urkundenlehre  umfassend  Diplomatik,  Paléographie, 
(Chronologie  und  Hphragistik  (très  bon).  —  Von  Hohenlohe-Waldenburg. 
HphragiKtische  Aphorismen  (très  bon).  —  Hildebrand.  Svenska  Sigiller 
frAn  Modeltiden  f remarquable).  —  Statistica  degli  Archivi  délia  regione 
veneta  (bon).  —  L'archivio  di  stato  in  Venezia,  1876-80.  —  Hahlhaum, 
Mittheiiungen  aus  dem  Stadtarchiv  zu  Kœln  (bon).  —  Magazin  des 
.Moskauer  Ilauptarchivs  des  Ministeriums  der  auswaertigen  Angelegen- 
heiU'n  (bon). 

42.  —  Historisches  Taschenbuch.  6<  série.  Jahrg.  I,  Leipzig, 
1882.  —  Hhksslau.  Mario  Stuart  et  les  lettres  de  la  cassette  (des  8  lettres 
(le  .Mario  à  Bothwell,  7  doivent  être  tenues  pour  fausses;  la  8«  a  été 
conifjosée  par  les  accusateurs  sur  un  fondement  en  partie  vrai.  Lors- 
qu'cîii  janv.  iri(J7  Marie  se  rendit  à  (ilasgow,  elle  eut  des  rapports  illi- 
citoH  avcîc  Hotliwcll,  et  noua  avec  lui  l'intrif^ue  qui  aboutit  au  meurtre 
iU'  Darnley  ;  la  réconciliation  avec  Darnley  malade  était  donc  une 
feinte,  ainsi  que  l'enlèvement  de  la  reine  par  Bothwell;  cependant  la 
conij)licité  directe  de  Marie  dans  le  meurtre  de  Darnley  n'est  pas  prou- 
vée). —  (î.  von  NooRDEN.  Lord  Bolingbroke  (sa  biographie.  Apprécia- 
tion élogijMise  de  sa  politique.  Ses  négociations  avec  le  prétendant  en 
1713-l''i  eurent  pour  base;  la  conversion  du  futur  roi  au  protestantisme, 
condition  (jui  rendit  vaine  toute  tentative  de  restauration).  —  Keller. 
Sur  l'histoire  de  la  rélormation  catholique  dans  l'Allemagne  du  N.-O., 
ir»:HMJ''i  (surtout  dans  les  pays  de  Juliers,  de  Glèves  et  de  Berg;  la 
réforme  catholirjue  y  prit  un  caractère  particulier,  à  cause  de  l'exis- 
leiice  d'un  parti  catliolicjue  intermédiaire,  analogue  à  celui  de  la  haute 
Mglise  (Ml  Angleterre;  attaijue  par  les  catholiques  et  les  protestants,  ce 
parli  dis[»arut  sans  laisser  de  traces.  L'auteur  e.xpose  en  grand  détail 
les  l(Mi(lanc(»s  de  ce  parti).  —  Benuath.  Un  procès  d'inquisition  en  1568 
(contre  un   pailre  l^ulelo   Vigo  de  Venise;  explicjue  la  constitution  du 


BECCETLS  PlfBIODTQCKS.  ATfl 

tribunal  do  l'inquisition  dans  cette  ville).  —  ScHOMnuROK.  Pack  et  ses 
intrigues  (pour  avoir  de  l'argent,  Pack,  ambassadeur  du  duc  de  Saxe, 
avait  promis  au  landgrave  de  liesse  qu'une  ligue  des  princes  catho- 
liques se  formerait  contre  le  duc  (leorges  de  Saxe  ;  celui-ci  lui  lit  fain» 
son  pnK«*s.  Suit  le  récit  de  la  lutte  litU?raire  qui  s'engagea  à  cette  occa- 
sion entre  Luther  et  le  duc).  —  ItixTER.  I-a  iwiix  religieuse  d'Augsbourg 
en  1555  (analyse  les  conditions  de  cette  j)aix  et  en  montre  Fimpor- 
tance  ;  sans  doute  elle  donnait  la  liberté  de  c<»nscience,  mais  limitée 
d'une  faain  grave  et  oppressive).  —  IIkrrmann.  I^  cour  de  Hussie  sous 
rimi>éralri(*o  Klisabeth,  17V2-54  (d'après  les  ra])ports  des  ambassadeurs 
saxons  à  Saint-Pétersl>ourg;  le  règne  d'Klisabeth  se  distingue  à  son 
avantage  des  précédents  en  ce  qu'elle  s'appuyait  sur  des  hommes 
capables  de  continuer  l'œuvre  de  Pierre  le  Grand).  —  Maurunhrkchek. 
De  l'impartialité  en  histoire  (tout  homme  sérieux  et  ami  de  la  vérité 
ne  [)eut  .se  faire  de  l'histidre  générale  une  idée  qui  soit  en  contradiction 
avec  les  résultats  de  ses  propres  travaux.  Tous  les  historiens  qui  s'ef- 
forcent d'atteindn»  à  «  l'objectivité  >  en  matièn*  de  travaux  historiques 
devn>nt  s'entendre,  non  seulement  sur  les  faits  matériellement  consta- 
tes, mais  sur  le  jugement  à  porter  des  choses  et  des  hommes). 

43.  —  Gœttingische  gelehria  Anseigen.  1883.  N»  i5.  —  Basset. 
Ktudes  sur  l'histoire  d'Ethiopie  (contient  le  texte  éthiopien  «l'une  chn)- 
niijue  importjinte  pour  l'histoire  du  pays  au  xvi*  et  au  xvn»  sii»cle; 
traduction  ;  commentaire  très  copieux.  Publication  précieuse).  =  N»  II». 
Chuvlsun.  (>»rpus  inscriptionum  semiticarum.  =  N»  17-18.  Kuntze. 
Pn)legomena  zur  (ie.<chichte  Roms  :  oraculum,  auspicium,  templum, 
n»gnum  (détails  intéressants  et  nouveaux  ;  mais  l'auteur  ne  fait  guère 
que  résumer  quelle  éUiil  sur  ces  points  l'opinion  des  écrivains  du  der- 
nier siècle  de  la  Republique;  ce  n'est  pas  un  tnivail  proprement  histo- 
rique). =  N*  19.  .\eumann.  I)as  Zeitalter  der  punischen  Kriege  (publié 
d'apnV  les  papiers  de  Neumann  et  continué  par  Falting  ;  il  y  a  de 
lionnes  parties,  mais  des  erreurs,  et  trop  peu  de  souci  des  sourcils).  = 
N*  ÎO.  Undner.  Das  l'rkundenNvesen  Karls  IV  und  seiner  Nachfolger, 
i3W*>-14M7  (ensemble  excellent  ;  des  taches  de  détail  assez  nombn'uses). 
—  Meyrr  von  Kwmau.  IJrkundenbuch  der  .Xbtei  St.  italien  ;  th.  III, 
îl'îO-I^GO  (annonce  par  Téditeur  lui-même». 

44.  —  Gorrespondenc-Blatt  der  dentachen  OeseUschaft  fOr 
Anthropologie,  Bthnologie  nnd  Urgeschichte.  Jahrg.  XI,  1S80. — 
Ii\UL-Hû«:KARD.  I^i  plus  ancienne  population  du  Tyrol  (montre  les 
trari's  encore  visibles  de  l'ancienne  pojnilation  rhéto-romaine).  -- 
H.  W'aciEner.  U»  pas.sai^e  de  l'Knis  jwr  Germanicus  en  Ift  ap.  J.-C. 
^commentaire  minutieux  de  Tacite,  Annal. ^  II,  8).  —  Hirsian.  Sur  les 
antiijuiti»s  cy[)riotes  d«»ciuivertes  par  Cesnola.  —  Kayskr  et  Lis.*iAiER. 
IX»s  travaux  géographiques  de  Ptolémée  par  rap]Hirt  à  la  Prusse  occi- 
dentale (d'aprt's  le  livrt»  do  Sadowski  sur  les  routes  de  commerce  vers 
la  Ikilliqui').  —  Von  d<»r  Wr.MiEN.  Urnes  trouvées  en  Silesie. — W.  von 

Uev.  Histor.  XXil.  *2*  F  ASC.  30 


458  RECUEILS  Pé&IODIQUBS. 

Christ.  La  Troade  (d'après  les  travaux  de  Virchow).  —  Rapport  sur  la 
ii«  réunion  de  la  Société  allemande  d'anthropologie  à  Berlin  en  1880. 
=  Jahrg.  XII,  4881.  Em.  Stochr.  Rapport  sur  les  découvertes  d'objets 
préhistoriques  et  sur  les  travaux  récents  relatifs  à  ces  découvertes  en 
Italie.  —  Flioier.  Objets  étrusques  trouvés  en  Styrie  et  en  Carinthie 
(ces  pays,  et  non  la  Rhétie,  furent  la  demeure  primitive  des  Étrusques). 
—  MucH.  De  la  manière  de  rechercher  les  constructions  sur  pilotis.  — 
ScHiERENBBRQ.  Le  pRssagc  de  FËms  par  Germanicus  (ce  n'est  pas  seule- 
ment TËms,  mais  le  Weser,  que  l'armée  romaine  a  franchi  en  16  ap. 
J.-G.).  —  BURSIA.N.  Rapport  sur  le  livre  de  M.  Schliemann /It05  Stadt 
und  Land  der  Trojaner,  —  Mehlis.  L'archéologie  du  Hunsriick  (rapport 
sur  les  plus  importantes  des  fouilles  récentes  de  tumuli,  de  l'époque 
romaine).  —  0.  L.  Rapport  sur  les  plus  récentes  découvertes  préhisto- 
riques en  Amérique  et  sur  les  travaux  qui  en  ont  été  l'objet.  —  Kohn. 
Nuages  et  vent,  éclairs  et  tonnerre  (parle  du  récent  ouvrage  de 
Schwartz).  —  Bezold.  Le  plus  ancien  peuple  civilisé  de  Babylonie 
(parle  des  derniers  travaux  de  Rawlinson,  Haupt  et  Delitzsch).  —  Rap- 
port sur  la  i2«  réunion  de  la  Société  allemande  d'archéologie  tenue  à 
Ratisbonne  en  1881  (avec  des  notes  nombreuses  sur  l'archéologie  et 
l'histoire  primitive).  —  Rapport  sur  la  2«  réunion  des  anthropologistes 
autrichiens  à  Salzbourg. 

46.  —  Nene  Jahrbncher  fQr  Philologie  und  PsBdagogik. 
Bd.  GXXV  u.  GXXVI,  Heft  12.  —  Du  Mesnil.  Sur  la  Germanie  de 
Tacite  (rectifie  une  leçon  dans  Germ.  46,  où  les  Fenni  se  nourrissent 
de  viande  (ferina)  comme  le  sens  le  demande,  et  non  d'herbes,  comme 
l'indique  le  texte  reçu).  =  Bd.  CXXVII  u.  GXXVIII,  Heft  2.  Glassew. 
Le  rapport  de  Bœtticher  sur  Olympie  (parle  avec  éloge  du  livre,  sans 
en  faire  une  critique  approfondie).  —  Sorof.  L"ATcaYa)yTfî  dans  les  pro- 
cès criminels  (tout  d'abord  un  meurtrier  à  Athènes  ne  put  être  mis  en 
prison  que  s'il  avait  commis  un  autre  crime  ;  plus  tard  le  cas  de  flagrant 
délit  suffit.  L'auteur -s'appuie  sur  des  passages  d'orateurs  attiques).  — 
HiLLER.  Inscr.  de  Métaponte  (corrections  au  texte  de  cette  inscription 
grecque  publiée  par  M.  Gomparetti  dans  la  Rivista  di  filologia^  XI,  1  ; 
c'est  une  inscr.  métrique). 

46.  —  Hermès.  Bd.  XVII,  Heft  3,  1882.  — 0.  Richter.  Les  Fabius 
à  la  Grémère  (la  campagne  des  Fabius  est  une  entreprise  héroïque  pour 
rompre,  par  rétablissement  d'un  chàteau-fort  près  de  la  basse  Grémère, 
l'alliance  si  dangereuse  pour  Rome  entre  Yeies  et  Fidènes.  Le  nœud 
de  toutes  les  guerres  entre  Rome  et  Veies  se  trouve  à  Fidènes;  ce 
point  pris  par  les  Romains,  le  sort  de  Veies  était  consommé  ;  à  com- 
bien se  réduisent  en  réalité  les  guerres  contre  Fidènes  dont  parlent  les 
annalistes  romains,  et  quel  en  fut  le  résultat,  on  ne  peut  le  dire).  — 
MoRDTMANN,  MoMMSEN,  RoEHL  et  KiRGHHOFF.  Quatrc  articlos  sur  les 
inscriptions  fausses  publiées  par  M.  Fr.  Lenormant,  que  l'on  prie 
de  répondre  aux   attaques  dirigées,  contre  lui  et  de  se  justifier  du 


RECUEILS   PERIODIQUES.  459 

soupçon  de  falsification  qu'on  a  fait  peser  sur  lui).  —  Momhsen  et 
Cil.  HoDERT.  Le  roi  Philippe  V  de  Macédoine  et  les  habitants  de 
I^arissa  (texte  et  explication  do  i'inscr.  déjà  publiée  par  Lalling  dans 
les  MiitheiL  d.  d.  archxol.  Instituts  zu  Athen,  sur  les  événements  de  la 
(in»ce  sept,  à  l'époque  de  la  guerre  d'Annibal.  Très  intéressant).  — 
(].  DE  BoOR.  L'historien  Trajanus.  —  Mommsen.  Une  inscr.  théi^trale  de 
Philippe.  =  M.  XVIII,  Heft  2,  1883.  Mommsen.  I^^es  colonies  de 
citoyens  établies  en  Italie,  de  Sylla  jusqu'à  Vespasien  (cherche,  d'après 
les  témoignages  dos  autours  et  des  inscr.,  les  colonies  que  l'on  peut 
réollemont  attribuer  à  Sylla,  à  César,  aux  triumvirs,  à  Auguste.  Montre 
comment  a  éti)  faite  la  liste  des  colonies  qui  se  trouve  dans  Pline. 
Dresse  à  la  fin  un  tableau  par  ordre  alphabétique  de  toutes  les  colonies 
italiques  établies  do  Sylla  à  Auguste,  avec  le  nom  de  leurs  fondateurs). 
—  Sekck.  l^s  préfets  do  la  ville  dans  Ammien  Marcellin  (montre  que 
la  liste  de  leurs  noms  telle  que  la  donne  A.  M.  est  presque  complète, 
et  dresse  d'après  cela  une  liste  générale  de  ces  préfets  avec  la  durée  de 
leur  charge,  pour  les  années  353-374).  —  Fr.exkel.  I^e  sens  du  mot 
Ti'iir^pLa  dans  le  système  des  impôts  en  Attiquo,  d'après  une  inscription 
publiée  dans  la  Rev.  arch.  en  18C6  (Hodbertus  s'est  trompé  sur  le  sens 
do  ce  mot;  Ikpckh  avait  bien  vu  qu'il  désigne  un  tant  pour  cent  sur  le 
revenu). 

47.   —  Rheinischea  MaMam  fAr  Phlloloffie.   Bd.    XXXVIII, 

Hoft  2.  —  Unoer.  Les  Cassitérides  et  Albion  (les  noms  de  Gassitérides 
et  d'Albion  ont  été  assez  tardivement  employés  pour  désigner  les  îles 
Scilly  et  la  Bretagne  ;  l'auteur  identifie  les  Gassitérides  anx  rochers 
situés  à  l'est  du  cap  Finistère,  et  en  particulier  Albion  à  l'île  de  Por- 
tocolo.  Il  cherche  à  identifier  plusieurs  localités  du  périple  d'Avienus; 
ainsi  le  contrefort  Ostrymnis  est  le  cap  Saint-Vincent  ;  Ophiusa  est  la 
grève  d'Alemtejo  ;  le  cap  Argyrium  est  le  cap  Carvociro,  etc.).  — 
lUuNACK.  Sur  le  mot  lacédémonion  Ka<r<n)paT6piv  et  sur  la  ^po\kax(oL 
chez  les  (trocs  (le  premier  de  ces  mots,  mentionné  dans  deux  inscr. 
laconiennos  avec  le  sens  de  combat,  équivaut  à  Kara-i^pxt&ptov  et  s'ap- 
plique aux  courses  de  taureaux  qui,  dans  l'opinion  de  l'auteur,  eurent 
liou  dès  le  !•'  siècle  dans  plusieurs  endroits  de  l'Asie-Mineure,  où  ils 
furent  importés  de  Home,  et,  en  dernier  lieu,  de  Thessalio).  —  Rohde. 
Un  fragment  négligé  do  Ptolémée  Lagus  (désigne  comme  tel  un  pas- 
sage au  15«  chapitre  du  panégyrique  de  Synesius  sur  la  calvitie).  — 
Hi'soLT.  Les  villes  chalcidiques  pondant  l'insurroction  samienne  (l'étude 
dos  listes  de  tributs  do  l'an  440-439  amène  l'auteur  à  cette  conclusion 
que  les  six  villes  de  Stolos,  Spartalos,  Sane,  Skioue,  Assera,  Maroneia, 
rofuw'»rent  le  tribut  pendant  l'insurrection  samienne,  et  en  conséquence 
furent  punies).  —  In.  Les  frais  de  la  guerre  samienne  (ne  montèrent  pas 
à  1  ,'200  talents,  comme  le  croit  Ëphore,  mais  à  2,000,  qu'ensuite  Samos 
dut  rembourser).  —  8ch.£fer.  Le  règne  de  PîPrisades  I«',  roi  du  Bos- 
phore (publie  une  inscr.  d'après  laquelle,  dit  l'auteur,  I*a*risades  I'*"  et 


460  RECUEILS   PÉRIODIQUES. 

Bpartakos  III  auraient  régné  conjointement  pendant  5  ans,  à  partir  de 
Fan  347  ;  Pœrisades  occupait  la  moitié  orientale  du  royaume). 

48.  —  Leipzlc^er  Studien  znr  classlschen  Philologie.  Bd.  IV. 

Leipzig,  1881.  —  Lipsius.  Mélanges  (l®  les  archontes  athéniens  ont 
déjà  eu,  pendant  la  durée  de  leurs  fonctions,  rang  et  voix  dans  l'Aréo- 
page ;  2*  Hellonikus  n'est  pas  antérieur  à  Hérodote  ;  dans  les  scholies 
d'Aristophane,  son  nom  a  été  confondu  avec  celui  de  Philochoros; 
3*  dans  le  calendrier  des  Béotiens,  TAgrionios  avait  le  4«  rang,  le 
Pamboiotos  le  10«).  —  Gl/Esser.  Fragments  de  Varron  dans  Plutarque 
(indique  avec  sagacité  tous  les  passages  où  Plutarque  a  indirectement 
utilisé  Varron,  surtout  par  l'intermédiaire  du  roi  de  Maurétanie  Juba, 
car  il  est  peu  probable  que  Plutarque  ait  directement  puisé  dans  Var- 
ron. Critique  péaétrante  des  travaux  antérieurs  sur  le  sujet).  —  Voigt. 
Contribution  à  la  mythologie  d'Ares  et  d'Athèna  (Ares  était  à  l'origine 
le  dieu  du  soleil  et  de  la  mort.  Ëtudie  les  manières  différentes  dont 
Ares  était  honoré  à  Tégéo,  Olympie,  Thèbes,  en  Etolie,  etc.  ;  la  légende 
de  Persée,  de  la  Gorgone  et  d'Andromède  ;  les  rapports  entre  Ares  et 
les  Erinnyes  ;  l'expédition  des  Sept  contre  Thèbes).  —  G.  Curtius. 
Mélanges  épigraphiques. 

49.  —  Mithellangen  des  deutschen  archœologischen  Institu- 
tes  in  Athen.  Jahrg.  VII,  Heft  4.  Athènes,  1882.  —  Rangabé.  L'Erech- 
theion,  d'après  de  nouvelles  fouilles  et  de  nouveaux  relevés. —  Lollino. 
Sur  la  Thessalie  ({^  publie  trois  décrets  que  M.  Mézières  avait  donnés 
d'une  façon  très  incomplète;  il  en  fait  très  bien  ressortir  l'importance 
pour  l'histoire  de  la  ligae  des  Magnésiens  à  l'époque  de  Mummius  et 
jusqu'à  Auguste.  Esquisse  une  histoire  des  institutions  politiques  de  la 
Thessalie  depuis  196  av.  J.-C;  2*  publie  trois  décrets  et  une  inscription 
théâtrale  de  Larissa).  —  Kcehler.  Une  inscr.  choragique  de  l'Attique 
(revise  et  explique  l'inscr.  publiée  par  Kaibel  dans  Epigr.  graec,  925). 
—  Latischew.  Sur  l'épigraphie  de  la  Béotie  et  de  Lamia  (texte  et  com- 
mentaire de  vingt-trois  inscr.  en  grande  partie  inédites). —  U.  Koehler. 
L'inscr.  des  Glérouques  à  Samos  (travail  d'ensemble  sur  divers  passages 
de  l'inscr.  publiée  par  G.  Curtius,  et  qui  sont  instructives  pour  l'his- 
toire des  institutions  de  Samos;  ajoute  une  liste  de  variantes  fournies 
par  la  collation  de  l'inscr.  faite  par  Soleriu).  —  Kcehler.  Monnaie  de 
fer  du  Pélopouèse  (à  propos  d'une  pièce  conservée  au  musée  des 
médailles  de  Berlin  ;  elle  provient  d'Héraia  en  Arcadie  ;  ici,  comme  à 
Argos  et  à  Tégée,  on  a  dû  frapper  le  fer  avant  le  cuivre).  —  HbuomèA» 
Terres  cuites  de  Tanagra.  —  C.  Robert.  Un  bas-relief 
FuRTW.ENGLER.  Sur  les  sculptures  de  Snnion.  —  H. 
de  la  rangée  d'arcades  construites  à  l'époque  romaine 
(les- Vents  »  d'Andronicos  (nouvelle  collation  et  coi 

50.  —  Neues    Archiv    fur    SsBol  iB^**- 

Heft  1-2.  Dresde,  1883.  —  Knothe.  Les  d»»**    -    - 
slaves  dans  les  pays  wettiniens  du  xf  *- 


RECUEILS   PRRI0DIQUB9.  |f)| 

pays  situé  ontro  la  »Saalc  et  la  Neisse,  cinq  clauses  de  vassaux  qui  out 
sunécu  à  la  (lumination  slave;  expose  avec  détail  les  obligations  do 
chacune  d'elles.  Au  xv«  et  au  xiii*  s.,  le  droit  slave  était  encore  im(K>s«* 
à  la  population  allemande,  re  qui  conduisit  à  l'agitation  sociale  du 
XVI*  s.).  —  ({(KHRicHT  et  Meisner.  Un  livre  de  compte  de  Ilans  Uundt 
(le  noble  Ilans  Hundt  était  bailli  en  Saxe  lors  du  pèlerinage  de  l'élec- 
teur Frédéric  le  Sage  à  Jérusalem  on  1493-04.  Son  livre  de  compte 
complète  les  renseignements  de  Spalatin  et  de  Sluder  sur  ce  voyage, 
et  contiennent  des  détails  importants  pour  l'histoire  des  id(>s  et  des 
monirs.  Texte  et  commentaire).  —  Hichteb.  I^e  Jobannis-Spiel  à 
Dresde  (d'après  d'anciens  compt(»s).  —  Stechk.  De  quelques  construc- 
tions monumentales  en  Saxe  (les  électtnirs  de  Saxe  au  xvi«et  au  xvii«8. 
étaient  de  grands  bâtisseurs;  insiste  en  particulier  sur  le  monument  de 
l'électeur  Maurice).  —  DrHKHARnT.  Après  la  bataille  d'Iéna  (publie  un 
très  intéressant  rapport  adressé  par  un  prètn*  français,  l'abbé  Henry,  au 
duc  Charles-Auguste,  sur  les  démarches  qu'il  multiplia  en  faveur  de  la 
ville  d'Iéna  après  la  bataille,  et  sur  les  audiences  qu'il  obtint  de  Napo- 
léon. A  la  fin  l'auteur  donne  quelques  détails  biographiques  sur  cet 
abbé).  =  (>)mptes-rendus  :  Stœwer,  Albrecht  (1er  Iteher/.le  von  SacliS4»u 
als  Reichsfeldherr  gegen  Mathia8(A)rvinus  von  llngarn  1487  (beaucoup 
de  fautes).  —  Ehse.  Geschichle  der  Pack'schen  Ha»ndel  (n'est  pas  irré- 
prochable). —  Schulze,  Dio  sa»chsischen  Ilausgesetze  (l)oni. 

61.  —  K.  Bayeriache  Akademle  der  IVUsanschaften.  Philos.- 
philolog.  (îlasse.  Abhandlungen.  Ikl.  XVI,  3«  Abtheil.  Munich,  1882. 
—  Unoer.  Cyaxare  et  Astyage  (1*  il  faut  placer  le  prix  de  Ninivo  par 
('yaxare  dans  la  "2*  année  de  la  i6'  Olympiade,  soit  en  595-504  ; 
^1'  l'inscr.  de  Rassani  jnirte  qu'Astyage  fut  fait  prisonnier;  cet  événe- 
ment doit  se  rapporter  au  second  soulèvement  du  personnage  ;  3*  la 
Bible  désigne  par  Darjavesch  (le  «  Darius  des  Mèdes  »)  Astyage,  et  par 
Akschwerosch,  ou  Assuérus,  son  père  ( 'yaxare  (IJvakhsatara);  4»  l'eclipse 
de  soleil  dite  du  philosophe  Thaïes  se  rapporte  à  lan  585.  D'ailleurs  en 
général  l'auteur  explique  longuement  la  chronologie  d'événements  de 
l'histoire  lydienne,  perse,  babylonienne,  assyrienne  et  égyptienne,  en 
s'appuyant  sur  ce  fait,  noté  par  l'inscr.  de  Hassiim,  que  le  renversement 
d' Astyage  doit  être  placé  en  l'an  550).  =  Histor.  (Masse.  Abhand- 
lungen. Bd.  XVI,  Abtheil.  2.  Munich,  1882.  —  Klixkhohn.  ExtraitA 
des  papiers  mus.  laissés  par  \Ve8tenrie<ier  (apri*8  une  courte  bio- 
graphie de  cet  écrivain,  viennent  des  notes  sur  les  événements 
sonrenus  à  Munich  en  1780-1820  et  en  imrticulier  sur  la  visite  du 
pape  Pie  VlàManieh,  sur  les  sentiments  du  peuple  de  la  ville,  hostiles 
à  Télecteor  Charles-Théodore,  sur  les  événements  militaires  et  l'im- 
presaioii  qu'en  ressentirent  les  bourgetiis  de  Munich,  etc.).  —  Preukr. 
Lca  débuta  de  la  lutte  politico-ecclésiastique  sous  Louis  de  Bavière; 
tt  Ai.  MU.,  XXI,  414. 

""Sfl^  «-  lHtifcrtl«m<m  der  Geachicbu-ond  Alterihamafonaclien 


462  RECUEILS  PÉRIODIQUES. 

den  Oesellschaft  des  Osterlandes.  Bd.  YIU.  Altenbourg,  1882.  — 
Lgebe.  La  forôt  de  Schauenforst,  et  les  ruines  du  même  nom  (histoire 
du  château  des  comtes  d'Orlamûnde  et  de  Gleichen).  —  Id.  Le  château 
de  Posterstein  (avec  une  critique  détaillée  des  travaux  antérieurs  sur 
l'histoire  de  cette  place).  —  Id.  Notes  sur  les  paroisses  de  Saara  et 
d'Altenkirchen.  —  L).  Une  ordonnance  sur  les  mariages  de  la  ville 
d* Altenbourg,  1577  (texte  et  commentaire).  —  Von  Hopffoarten-Heid- 
LER.  Extraits  d'un  rapport  adressé  au  duc  Philippe  d' Altenbourg  par 
les  ambassadeurs  qu'il  avait  envoyés  à  Vienne  en  1621  (envoyés  pour 
demander  l'investiture  de  plusieurs  ûefs). 


53.  —  Archiv  fflr  œsterreichische  Greschichte.   Bd.    LXFV, 

2*  Hœlfte.  Vienne,  1882.  —  Hibn.  L'archiduc  Ferdinand  de  Tyrol  et 
révôché  de  Trente,  1567-78  (récit  très  détaillé  d'une  lutte  pour  le  tem- 
porel de  cet  évôché  entre  l'archiduc  et  le  cardinal  Louis  de  Madruz, 
évoque  de  Trente;  cette  lutte,  qui  alla  jusqu'au  sang  versé,  se  termina 
par  un  traité  en  vertu  duquel  l'archiduc  abandonna  sans  doute  une 
partie  de  ses  prétentions,  mais  qui  mit  fîn  aux  intrigues  de  l'évéque 
pour  obtenir  l'exemption  et  la  séparation  d'avec  le  Tyrol).  —  E.  Wer- 
THEiMER.  Le  mariage  de  l'archiduchesse  Marie-Louise  avec  Napoléon  I«; 
cf.  Rev.  hist.,  XXI,  481.  — J.  Gelicich.  Un  mémoire  sur  le  soulève- 
ment de  Raguse  contre  l'occupation  française  en  1813-1814  (l'auteur  est 
le  patricien  ragusain  Francesco  Bona;  texte  de  ce  curieux  mémoire,  avec 
un  commentaire). 

54.  —  llittheilungen  des  Instituts  fur  œsterreichische  Gtos- 
chichtsforschunfi^.  Bd.  IV,  Heft  2.  Innsbruck,  1883.  —  Loserth. 
Études  critiques  sur  l'histoire  ancienne  de  la  Bohême  (le  chroniqueur 
Gosmas  dit  que  le  duc  Spitihniew  donna  en  1055  l'ordre  à  tous  les 
Allemands  de  quitter  la  Bohême  ;  mais  ce  passage  est  altéré  ;  il  n'y  est 
question  en  réalité  que  d'une  querelle  entre  Spitihniew  et  sa  mère 
Judith,  de  qui  les  partisans,  composés  d'Allemands  pour  la  plupart, 
s'enfuirent  de  Prague  devant  les  menaces  du  prince).  —  Schuster.  Con- 
tributions à  l'explication  du  Sachsenspiegel  (cherche  à  expliquer  l'ori- 
gine différente  du  droit  de  la  royauté,  qui  a  sa  source  dans  l'élection, 
et  de  la  dignité  royale,  qui  a  sa  source  dans  le  couronnement,  par  la 
différence  des  idées  germaniques  telle  qu'elle  se  manifeste  dans  le  Miroir 
de  Saxe  et  dans  celui  de  Saxe).  —  Huber.  Matthias  de  Neuenburg  ou 
Albert  de  Strasbourg  ?  (soutient  que  la  chronique  attribuée  à  Matthias 
est  bien  de  lui,  contrairement  à  l'opinion  de  Soltau  qui  n'y  voit  qu'une 
transcription,  remaniée  par  Matthias,  de  l'œuvre  d'Albert  de  Hohen- 
berg,  évoque  de  Freising).  —  Schulte.  Nolae  historicae  Altorfenses 
(publie  ces  notes  rédigées  on  1748  et  qui  proviennent  du  monastère 
d'Altorf  en  Alsace  ;  elles  sont  en  grande  partie  empruntées  à  un  ms. 
aujourd'hui  perdu  de  Tan  1200;  elles  se  rapportent  aux  années  1132- 
1334,  et  intéressent  l'histtùre  locale).  —  Gipolla.  Table  des  diplômes 


RErxeiLS  PéRIODIQDES.  463 

impériaux  conservés  aux  archives  de  Vérone  (additions  et  corrections  à 
la  1**  partie  de  ce  travail  ;  suivent  7  diplômes  des  empereurs  Frédéric  I*', 
Henri  VI,  Otton  IV  et  Frédéric  II).  —  Mùller.  La  Porte  des  Géants 
de  Téglise  Saint-Étienne  à  Vienne.  —  Von  Jaksch.  De  quelques  sources 
perdues  pour  l'histoire  de  la  Carinthio  (parle  des  œuvres  historiques, 
que  l'on  croit  perdues,  de  Hans  Tur;  détails  biographiques  sur  cet  écri- 
vain). —  HEDLrcH.  Le  trésor  et  la  bibliothèque  d'Oberaltaich  vers  le 
milieu  du  xii'  s.  (publie  la  liste,  en  latin,  des  livres  et  des  objets  servant 
à  la  messe  dans  cette  église).  =.  Comptes-rendus  :  Brucker,  Inventaire 
sommaire  des  archives  communales  de  Strasbourg  avant  1790  (très  bon). 
—  Mossmann.  T^artulairede  Mulhouse»  (remarquable).  — Dœbner.  Urkun- 
denbuch  der  Sladt  Hildesheim  (bon).  —  Paoli.  Programma  di  paleo- 
gra6a  latina  e  diplomatica  (excellent).  —  Pic.  Der  nationale  Kampf 
gogen  das  ungarische  Staatsrecht  (partial).  —  Lindner.  Das  Urknnden- 
wesen  Karls  IV  une  seiner  Nachfolger  1346-1437  (bon).  —  Gramich. 
Verfassung  und  Ven^•altung  der  Stadt  WOrzburg  XIII-XV  Jahrh. 
(excellent).  —  Schweizer.  Correspondenz  der  franzœsischen  Gesandts- 
chaft  in  der  Schweiz  1664-71  (bon).  —  Gindely.  Geschichte  desSOjœhr. 
Krieges  (bon).  —  Schebek.  Kinsky  und  Feuquiéres  (bon).  —  Von  Papéc. 
Die  wichtigsten  Erscheinungen  auf  dem  Gebiete  der  polnischen  Ge^»- 
chichtschreibung,  1880-81. 

55.  —  Wiener  Stadien.  Jahrg.  IV,  1882,  Heft  2.  —  Wessbly.  Le 
papyrus  de  Vienne  n*  31  (contient  un  décret  de  Tan  68  ap.  J.-C.,  en 
grec  ;  il  avait  pour  but  de  calmer  les  craintes  de  la  population  égyp- 
tienne maltraitée  par  les  fonctionnaires  romains,  et  d'établir  une  n»gie 
pour  la  perception  des  impôts.  Commentaire  détaillé  de  ce  texte  qui 
nous  est  parvenu  très  mutilé).  —  C.-B.  Hoffmann.  Les  prétendus  savons 
de  lantiquité  (l'usage  actuel  du  savon,  au  sens  actuel  du  mot^  était 
inconnu  des  anciens  à  Tépoque  où  Pompcï  fut  ensevelie,  et  pendant 
quelque  temps  encore  après).  —  Gollor  et  Kr.\ll.  La  prétendue  statuo 
de  Niobé  au  Sipyle  de  Magnésie  (publie  les  inscr.  trouvées  près  de 
Sipyle  ;  elles  sont  d'origine  égyptienne  et  remontent  au  règne  de 
Hamsès  II,  qui  a  peut-être  entrepris  une  expé<lition  du  côté  de  l'Asie- 
Mineure).  —  Wksselv.  Une  inscr.  grecque  sur  terre-cuite  (d'origine 
chrétienne  et  copte). 

56.  —  (Esterrelchische  Randichaii.  1H83,  Heft  4-5.  —  Guolia. 
I^  Prusse  avant  les  guerres  de  l'indépendance  en  1813-15  (d'après  le 
journal  ms.  d'un  oflicier  autrichien,  tenu  pendant  un  voyage  en  Saxe 
ot  en  Prusse  en  1812  ;  ce  document  constate  la  profonde  désorganisation 
de  la  Prusse,  et  une  absence  absolue  d'espoir  ;  publication  très  impor- 
tante :  le  voyageur  avait  «^n  etTet  été  officiellement  envoyé  en  Prusse  en 
vue  de  connaître  l'état  des  affaires  dans  ci»  jwiys).  —  AI.  v.  Warsreiiq. 
Voyage  à  travers  le  royaume  de  Sarpedon  ;  suite  (publie  de  nombreux 
fragments  et  monuments  de  Lycie). 

57.  —  Stndieii  and  Mlttheilaiii^ii  ans  dem   Benedictlner- 


464  RECrnLS   PéRIODÎQCES. 

Ordan.  Vienne  et  Worzbourg,  1882.  Heft  4.  —  Friess.  Histoire  du 
monast/'re  bénédictin  de  Gareten  en  Haute-Autriche  ;  fin  1737-87.  — 
A.  LinDHEti.  Les  écrivains  et  les  membres  de  l'ordre  de  Saint-Benoît 
qui  se  «ont  occupés  de  science  et  d'art  au  royaume  actuel  de  Wurtem- 
berg, depuis  1750  ;  suite.  —  0.  ScuMm.  Clontributions  à  Thistoire  de 
l'ancien  monastère  bénédictin  de  Mondsec  dans  la  Haute- Autriche; 
suite  :  du  X'  s.  à  la  Réforme.  —  Schbamm.  Regestes  sur  l'histoire  de 
l'abbaye  bénédictine  de  Brevnov-Braunau  en  Bohême,  1502-99.  —  Kin- 
TEB.  Sur  la  biographie  d'Oliverius  Legipontinus  0.  S.  B.,  d'après  sa 
correspondance,  1744-49.  —  Gsell.  Sur  la  biographie  d'Ant.  Wolfradt, 
abbé  de  Kremsmùnster  et  prince-évêque  de  Vienne  (publie  7  lettres  de 
1603  et  1604).  —  Ringholz.  La  vie  de  Guillaume,  abbé  du  monastère 
bénédictin  de  Dijon  (d'après  l'ouvrage  de  M.  Chevalier,  dont  l'auteur 
reconnaît  les  mérites,  mais  où  il  relève  des  erreurs  et  des  lacunes).  — 
Braunmùllbr.  Sur  l'histoire  de  la  visite  générale  des  monastères  en  1593 
(par  les  légats  du  pape  F.  Minucius  Ninguarda,  P.  P.  de  Benallis  et 
J.  B.  de  Benedictbeuern  ;  difficultés  qui  leur  furent  opposées).  — Nécro- 
logie des  écrivains  bénédictins  morts  récemment.  =  Comptes-rendus  : 
()(>dex  diplomaticus  Gavensis,  I-IV  (remarquable).  —  G.  von  Buchwald. 
Hischofs-und-Fûrsten-Urkunden  des  XII  u.  XlIIJahrh.  (excellent). — 
fjaf/leur  de  Kermaingant.  Cartulaire  de  l'abbaye  de  Saint-Michel  de  Tré- 
port  (important). 

58.  —  Akademie  der  IViaseiiscliafteii.  Philos.-histor.  Classe.  Sit~ 
zungsberichte.  Vienne,  1883.  Bd.  Cil,  Heft  1.  —  W.  Tomasghek.  La 
topographie  historique  de  la  Perse  (explication  du  11*  segment  de  la 
Table  de  Peutiuger  ;  l'auteur  y  voit  le  fragment  d'un  itinéraire  de 
l'époquo  (1(»8  Séloucidcs,  dont  les  excellentes  indications  auraient  été 
altôréos  par  dos  écrivains  postérieurs,  ou  se  seraient  perdues.  Quant  à 
VA*,  (jui  coïlcorno  l'exactitude  des  données  géographiques,  la  partie  de  la 
tablo  étudiée  par  l'auteur  possède  une  plus  haute  valeur  que  même  les 
Tiivaxe;  de  Ptoléniée.  Étudie  la  direction  des  routes,  les  distances,  les 
principales  localités  do  l'ancionno  Ariana,  en  utilisant  les  géographes 
arabes  et  los  sources  modernes).  —  II.  Siegel.  La  situation  juridique 
lies  vassaux  en  Autriche  aux  xii«  et  xiii®  s.  —  Kaluzniacki.  Contribu- 
tions à  l'ancionno  écriture  secrète  des  Slaves  (d'après  un  ms.  du  xvi»  s.). 

69.  —  Mittheilungen  der  anthropologischen  Gesellschaft  in 
vrien.  Bd.  XII.  Heft  3-4.  Vienne,  1882.  —  Andrée.  Les  outils  de 
pierre  préhistoriques  dans  los  croyances  populaires  (remarques  intéres- 
santes :  dans  les  contrées  les  plus  ditTérentes  du  globe,  les  bonnes  gens 
attribuent  cos  outils  à  dos  forces  surnaturelles  et  d^origine  céleste).  — 
Flioier.  Sur  rotlinologie  do  la  Thrace  (1*  développe  à  nouveau  le  thème 
(|uo  los  habitants  des  monts  Hhodopo  sont  des  Roumains  slavisés  ; 
2"  montre  dos  traces  do  lôgondos  thraces  dans  les  fables  modernes  de  la 
lloumanio  actuelle  ;  W"  traces  do  légendes  antiques  dans  los  chants  rou- 
mains ;  4®  do  la  nationalité  des  Thraces  et  dos  Roumains).  —  Id.  Addi- 


RBCCBILS  PiSrîODIQUKS.  4l»5 

ti(»nft  nouvoHes  à  l'ethnologie  de  Tltalie  ancienne  (!•  les  Etrusques  et 
les  Italiens  se  sont  déjà  trouvés  en  contact  au  nord  des  Alpes.  Avant 
leur  arrivée  en  Italie,  les  Étrusques  ont  vraisemblablement  habité  pen- 
dant des  siècles  dans  \os  vallées  du  Danube,  du  Mein  et  du  Neckar  ; 
2*  sur  Tantique  population  pélasgo-illyrienne  de  l'Italie).  —  Rapport 
sur  les  travaux  de  la  section  d'anthropologie  et  d'archéologie  au  2«  con- 
grès des  médecins  et  naturalistes  bohémiens.  Prague,  ÎG-29  mai  I8H?. 

—  Rapport  sur  les  découvertes  récentes  en  anthropologie  et  eu  archéo- 
logie, et  sur  les  travaux  qui  s'y  rapportent. 

60.  —  SteiermsBrldsche  GeachlchtsblsBtter.  Jahrg.  III,  Heft  3. 

—  .\ctes  et  pièces  de  procédure  contre  des  sorciers,  sorcières  et  loups- 
garous  en  Styrie,  1602-1701  ;  un  dans  Heft  i.  —  Privilèges  des  villes 
et  marchés  de  Styrie  ;  suite.  —  L'entrée  de  l'infante  Marguerite-Thé- 
rèse, femme  de  l'empereur  Léo}>old  I*»",  à  Bruck-a.-M.  1660,  avec  un 
dessin  du  temps.  =:  Bibliographie  :  Erler.  Deutsche  (ieschichtc  von  der 
Urzeit  bis  zum  Ausgang  des  Mittelalters  (ouvnige  qui  s'adresse  au 
grand  public;  la  l»*  livraison  lui  présage  un  excellent  accueil).  —  Re- 
schauer,  Geschichtc  des  Kampfcs  der  llaudwerkerzùnfte  und  der  Kauf- 
mannsgremien  mit  der  œsterreichischen  Bureaukratie  (l)on).  —  l'mlaufX. 
Die  jpsterreichisch-ungarische  Monarchie  (fait  avec  beaucoup  de  préci- 
sion et  de  soin).  ^  Heft  h.  Rapport  de  l'ambassadeur  vénitien  (î.  Lip- 
pomano  sur  la  cour  de  larchiduc  Charles  II,  avril  1567.  —  I^afayette 
en  Autriche,  1797  ;  rapi)ort  sur  la  détention  du  marquis  et  de  ses  com- 
pagnons dans  la  citadelle  d'Olmutz.  =  Bibliographie  :  liiedennann. 
M  Jahre  doutscher  Geschichto  1840-70  (bon  ;  écrit  avec  chaleur  et  joli- 
ment imprimé).  —  Uxuolf.  Tauschhandel  untl  Geldsurrogate  in  alter  und 
neuer  Zcit  (remarquable).  —  Le  cartulaire  de  Styrie  ;  contre  M.  S.  I-as- 
chitzer. 

61.  —  Mlttheilimgeii  des  Vereins  fEU*  Geachlchte  der  Dents- 
chen  in  Bœhmen.  Jahrg.  XXI,  n**  2.  Prague,  1883.  —  Imiiie.  Mon- 
naies romaines  trouvées  dans  la  vieille  source  de  Teplitz  (1®  ces  mon- 
naies furent  jetées  dans  la  source  en  manière  d'ex-voto  par  des  marchands 
n)mains  qui  vivaient  parmi  les  Marcomans  ;  2*  les  ornements  de  bn»nzo 
trouv('»s  près  de  Dux  formaient  sans  doute  le  fond  de  magasin  d'un 
marchand  ambulant  qui  sera  venu  les  mettre  là  en  sûreté  ;  3'  des  n>ut«^s 
de  commerce  en  Bohème  à  l'épocjuc  romaine).  —  Schlesi.mîkr.  Arrêts 
du  Schcpppen-gericht  de  Magdebourg  envoyés  à  la  ville  de  Brux  en 
I^héme  ;  suite  (publie  le  texte  de  13  de  ces  arrêts).  —  Gradl.  Ciontri- 
butions  à  l'histoire  do  la  Ik)hème  du  N.-O.  (publie  30  chartes  tirées  des 
archives  do  l'Ktat  à  Munich,  1302-1497,  et  relatives  surtout  aux  anciennes 
lK)ssessions  de  l'abbaye  de  Waldsassen).  —  WALKniKD.  L*»  premier 
maître  d'école  de  la  ville  de  F^latten  (rapport  sur  l'assassinat  de  ce 
maître  en  ir)35,  d'après  une  source  ininlitei.  —  G.  Schmiu.  Revue 
bibliographique  des  ouvrages  relatifs  à  Wallenstein  (addition  :  n»»  810- 
i20()).  =  Ck)mptes-rendus  :   Werunsky.  Geschichto  Karis   IV,   Ikl.  H 


406  RECUEILS   PlisiODIQUES. 

(excellent).  —  Krones.  Grundriss  der  œsterreichischen  Geschichte  (bon). 

—  Gindely.  Geschichte  des  30  jîehr.  Krieges  (excellent). 

62.  —  Casopis  Mnsea  KraloTstvi  ceského.  1882,  MV.  — 
Kalousek.  Études  russes  concernant  le  hussitisme.  —  Rezek.  L'élec- 
tion de  Charles-Quint  et  la  voix  bohème,  1519.  —  Prince  Charles 
ScHWARZENDERO.  Une  visite  à  Hissarlik  (Fauteur  a  visité  H.  en  1882, 
ayant  pour  cicérone  M.  Schlieraann) .  —  Kalousek.  8.  Ludwile  et  son 
temps  (à  propos  de  quelques  publications  demi-scientifiques  pleines 
d'hypothèses  sans  valeur).  —  Nehring.  Quelques  lettres  d'Henri  de 
Mùnsterberg  à  Marguerite  d'Anhalt  (H.  de  M.  était  fils  du  roi  George  de 
Podiebrad  et  père  de  la  princesse  d'Anhalt). —  Koran.  Les  nationalités 
en  Autriche  (s'appuie  sur  le  recensement  de  1881).  —  1883.  I  :  Mares. 
Le  comte  Gaspar  Kaplir  et  le  siège  de  Vienne,  1683  (Étude  détaillée 
d'après  des  documents  jusqu'ici  inconnus.  Le  comte  K.  mérite  d'être 
nommé  auprès  de  Stahremberg).  —  Dvorsky.  Nouvelles  additions  à  la 
biographie  de  Tycho  Brahe.  —  Rerabek.  Georges  U,  le  dernier  prince 
de  la  Petite-Russie  avant  son  partage. 

63.  —  Sbornlk  hlstorlcky.  1883,  I.  —  Kalousek.  L'étendue  du 
règne  de  Boleslav  II  (polémique  contre  Loserth,  Der  Umfang  des  h. 
Reiches  unter  Boleslav  II,  dans  les  Mittheilungen  des  Instituts  fur  œsterr. 
Geschichtsforschung,  188i).  —  Massaryk.  E.  Renan  et  la  nationalité 
(critique  de  t  Qu'est-ce  qu'une  nation  ?  •  de  R.).  —  Rezek.  La  politique 
française  en  Bohème,  1519-1537.  1"  article.  (L'intermédiaire  entre 
François  I*»*  et  quelques  seigneurs  bohèmes,  comme  Albrecht  de  Stem- 
berg  et  Jean  de  Waldstein,  était  en  1521  le  duc  Ulric  de  Wurtemberg.) 

64.  —  Zpravy  o  zasedani  kr.  ceské  spolecnosti  naak.  —  Sit- 
zungsrerlchte  der  K.  bœhm.  Gesellschaft  der  vrissenschaften. 

—  To.MEK.  Kolda  devant  Nachod,  1436.  —  Rydicka.  Jaroslav  de  Mar- 
tinic  et  sa  ville  Muncifaj,  1600-1612  (histoire  de  la  contre-réformation 
catholique  dans  cotte  ville).  —  Kalousek.  La  polémique  d'Adal- 
bertus  Ranconis  avec  rarchevôquc  Jean  de  Jenstein.  —  Mares.  La 
chanson  de  Nicolas  de  Znavm  et  la  défaite  des  Hussites  à  Waldhofen 
on  Autriche,  1431.  —  Mencik.  Sermo  ad  clerum  factus  pervener.  Mag. 
Ysnori  in  obitum  archiopiscopi  Johannis  de  Jenstein  (f  1400).  — 
Prochazka.  Los  écrits  de  Petro  de  Mladcnovic  (P.  de  M.  a  composé, 
outre  sa  célobro  Hclatio  de  M.  Joannis  Hus  causa^  une  plus  courte  rela- 
tion sur  la  mort  do  Huss,  on  langue  bohème,  dont  la  version  latine  se 
trouvo  dans  la  grande  édition  dos  œuvres  dellop,  et  une  semblable  rela- 
tion racontant  le  supplice  de  Jérôme  de  Prague  en  langue  latine).  — 
He/.kk.  Additions  à  la  chronique  de  Bartos  (xvi«  s.).  —  Id.  Jean  Faber, 
ovétiuo  do  Vienne,  et  les  utraquistes.  —  Notice  sur  le  prince  Charles  de 
Mùnsterberg  et  ses  relations  avec  les  rois  Vladislas  et  Louis  en  1515-1521 . 


65.  —  The  Academy.  1883,  7  avril.  —  Malieson.  Décisive  battlesof 
India  (raconte  la  conquête  do  l'Indo  par  les  Anglais  dans  une  série  de 


RECUEILS  PERIODIQUES.  4^7 

chapitres  où  il  n'est  question  que  des  engagements  vraiment  décisifs). 

—  Thompson.  Diary  of  Richard  Cocks,  Gape-merchant  in  Japan  1615-22 
(curieux  pour  l'histoire  do  Japon  au  xvu^  s.  ;  publication  de  la  Hakluyt 
Society).  =  14  avril.  Sumner  Maine.  Dissertations  on  early  law  and 
custom  (réunion  d'études  sur  le  droit  successoral  chez  les  Hindous,  sur 
les  coutumes  des  Francs  Saliens,  sur  l'importance  de  la  constitution  de 
la  propriété  foncière  dans  les  origines  de  la  Révolution  française,  etc. 
Volume  rempli  d'idées  originales).  =  21  avril.  Markham.  The  war 
between  Chilc  and  Peru  1879-82  (utile  et  intéressant).  —  Hewlett.  Somo 
reasons  against  the  transfer  of  tlie  jurisdiction  of  the  Housc  of  Lords  in 
reganl  to  the  Scottish  titles  of  honour  to  the  court  of  session  in  Scotland 
(brochure  excellente  sur  la  question  de  la  pairie  écossaise).  =  28  avril. 

—  Sir  J.  F.  Stephen.  A  history  of  the  criminal  law  of  England  (contient 
une  esquisse  de  la  loi  romaine  et  de  l'ancienne  loi  criminelle  d'Anglet., 
une  histoire  des  divers  tribunaux  criminels  en  Anglet.,  l'analyse  des 
principaux  procès,  du  milieu  du  xvi«  s.  au  milieu  du  xvin*,  enfin  une 
histoire  détaillée  de  la  loi  criminelle  elle-même,  en  Anglet.  et  aux 
Inde^.  Cette  histoire,  personne  ne  pouvait  la  mieux  écrire  que  M.  8t.  ; 
mais  elle  a  un  défaut,  celui  d'avoir  été  écrite  en  vue  de  justifier  le  nou- 
veau code  criminel  de  1878-79  ;  ce  point  de  vue  exclusif  explique  les 
lacunes  et  le  manque  de  proportions  de  l'ouvrage).  —  Decker.  L'auteur 
de  l'Imitation,  et  les  documents  néerlandais  (tient  pour  A.  Kempis; 
étude  importante).  «  3  mai.  Frotidc.   Short  studies  on  great  subjects. 
\*  série  (le  morceau  le  plus  important  du  volume  est  l'étude  sur  Bocket; 
il  faut  en  remercier  M.  F.,  non  à  cause  de  la  valeur  de  cette  étude,  où 
lo  caractère  de  Becket  est  entièremont  méconnu,  mais  parce  qu'elle  a 
attiré  la  vigoureuse  réplique  de  M.  Freeman).  =  12  mai.  Dusteed.  Echoes 
from  old  Calcutta  (peintures  assez  attachantes  de  l'Inde  anglaise  il  y  a 
un  siècle  ;  parle  de  Warren  Ilastings,  du  Chief-Justice  Impey,  mais 
surtout   du    conseiller    Ph,    Francis,    très   minliocn»   administrateur, 
|)amphlétaire  célèbre,  sous  le  pseudonyme  Junius).  =  19  mai.  Ran" 
some.  Rise  of  constitutional  government  in  England  (des  erreurs  do 
détail  assez  graves,   surtout  pour  l'époque  des  Tudors  et  des  Stuarls 
dont   l'auteur  s'est  fait  une  idée  assez    inexacte  ;  manuel  cei)endant 
estimable).  —  01.  7.  Burke.  The  history  of  the  catholic  Archbishops 
(»f  Tuam  (les  deux  tiers  du  vol.  sont  remplis  par  une  int<»rcssante  bio- 
graphie du  dernier  archevé^jue.  Me  Haie.  Important  pour  l'histoire  d'Ir- 
lande; il  y  a  beaucoup  à  lire  entre  les  lignes).  —  E.  T.  Rogers.  TonilH»s 
lies  califes  de  la  seconde  dvuastie  de^  Abbassides  au  Cain^  (Icttn*  écrite 
du  Caire,  24  avril  1883).  =  20  mai.   JeafJYeson.   The   n»al   lord   Hyron 
(excellent).  —  P.  de  Gayangos.  The  Chronicle  of  James  1  kingof  .\rag<in 
translated  from  the  catalan  by  Forster  (bonne  édition  ;  notes  précieuses 
de  iM.  P.  de  G.).  =:  2  juin.  Lopie.  A  history  of  I^ndon  (excellent).  — 
Ralzani.  Italy  (bon  résumé  de  l'historiographie  italienne  au  moyen  âge). 
—  9  juin.  Murphy.  Cromwell  in  Ireland  (livre  passionné;  pour  juger 
Cromwell,  le  P.  Murphy  se  place  à  notre  point  de  vue,  non  à  celui 


468  RBCCTEILS  PERIODIQUES. 

du  xvii*  g.).  —  Ferguson.  Surnames  as  a  science  (beaucoup  de  recherches  ; 
tendance  excessive  à  expliquer  les  surnoms  anglais  par  des  formes  de 
l'anglais  ancien  ou  anglo-saxon  ;  fait  trop  peu  de  part  à  Télément  bre- 
ton et  à  la  formation  locale  des  noms  de  personne).  —  Records  of  the 
borough  of  Nottingham,  t.  I,  1155-1399  (contient  des  textes  précieux 
bien  publiés  et  suivis  de  bons  glossaires).  —  Holmes.  The  booke  of 
entries  of  the  Pontefract  Corporation,  1653-1726  (document  indispen- 
sable pour  l'histoire  de  la  ville). 

66.  —  The  Athenaeam.  1883,  7  avril.  —  Guest,  Origines  celticae 
(le  premier  volume,  consacré  aux  origines  des  peuples  celtiques,  n'a 
aucune  valeur  ;  l'auteur,  qui  a  exercé  une  si  grande  influence  sur  les 
historiens  de  son  temps,  y  fait  preuve  d'une  absence  rare  d'esprit  cri- 
tique ;  le  second  volume  contient  plusieurs  mémoires  sur  l'histoire  et 
l'archéologie  de  la  Bretagne  et  de  l'émigration  anglo-saxonne  ;  quelques- 
uns  méritaient  d'être  publiés  à  nouveau).  —  Comte  de  la  Perrière.  Les 
projets  de  mariage  de  la  reine  Elisabeth  (intéressant  et  bien  présenté  ; 
l'orthographe  des  noms  anglais  est  trop  souvent  estropiée).  =  21  avril. 
Stevenson.  The  history  of  Mary  Stewart,  from  the  murder  of  Riccio 
until  her  flight  to  England,  by  Cl.  Nau,  her  secretary  (curieux  détails 
que  Nau  tenait  sans  nul  doute  de  la  reine  elle-même.  11  les  consigna 
dans  un  petit  cahier  d'une  écriture  rendue  presque  illisible  à  force  de 
ratures  et  de  surcharges;  aussi  cet  intéressant  ms.,  bien  que  faisant 
partie  de  la  collection  cottonienne,  a-t-il  pu  rester  jusqu'ici  presque 
inconnu.  Le  texte  est  en  français.  Le  P.  Stevenson  le  publie  avec  une 
trad.  anglaise  qui  n'est  pas  toujours  correcte,  et  des  additions  provenant 
surtout  des  archives  secrètes  du  Vatican).  =  5  mai.  Mason.  The  his- 
tory of  Norfolk,  t.  I  (l'auteur  ne  sait  pas  le  latin  ;  il  n'a  qu'une  vague 
idée  de  l'historiographie  médiévale.  Son  Uvre  n'est  pourtant  pas  sans 
valeur  ;  il  contient  d'utiles  documents  ;  l'époque  du  xvi®  s.  est  bien  trai- 
tée). =  2  juin.  Marwick.  Extracts  from  the  records  of  the  burgh  of 
Edimburg,  1573-89  (beaucoup  de  documents  sur  de  menus  faits  qui  ne 
sont  pas  tous  intéressants.  Pourquoi  pas  d'index?). 

67.  —The  Nineteenth  Century.  1883.  Avril.  —  Froude.  Un  pro- 
blème historique  non  résolu  ;  suite  et  fin  en  mai  (refait  l'histoire  d'An- 
tonio Porez  et  de  ses  relations  avec  Philippe  II  à  un  point  de  vue  diffé- 
rent de  celui  où  s'était  placé  M.  Mignet.  Perez  est  représenté  comme 
un  intrigant  médiocre).  =  Juin.  Schùtz  Wilson.  Wallenstein. 


68.  —  The  Nation.  1883,  29  mars.  —  Me  Master.  A  history  of  the 
peoplo  of  tho  United  States,  from  the  Révolution  to  the  civil  war;  vol.  I 
(travail  très  considérable,  très  complet,  fait  avec  un  grand  sens  histo- 
rique ;  le  t.  I  ombrasse  seulement  les  années  1784-90;  on  se  demande 
combien  il  faudra  de  volumes,  si  l'auteur  continue  du  même  train).  = 
5  avril.  Falh.  Das  Land  der  lucas  in  seiuer  Bedeutung  fiir  die  Urges- 
chichte  der  Sprachc  und  Schrift  (croit  à  Tétroite  parenté  des  peuples 


RFXUEILS   P^RIODIQrES.  4<>9 

aryas  et  péruviens,  et  s'efforce  de  la  prouver.  Ses  considérations  ethno- 
graphiques et  archéologiques  n'ont  pas  plus  de  valeur  que  ses  théories 
philologiques).  =  19  avril.  Gilman.  James  Monroe,  1776-1826  (l>onne 
biographie  suivie  d'une  bibliographie  très  complète  des  œuvres  relatives 
à  Monroe  et  à  la  doctrine  qui  porto  son  nom).  —  Lalor.  Cyclopaedia  of 
political  science,  political  econofny  and  of  the  political  history  of  the 
United  States  ;  vol.  Il  (ce  t.  II  est  bien  supérieur  au  I"  ;  il  contient 
plusieurs  articles  excellents).  =  3  mai.  R,  Soley.  The  blockade  and  the 
cruisers  (complet,  intéressant,  impartial).  —  Trimblc.  A  handbook  of 
english  and  american  literature,  historical  and  critical  (bon). 


69.  —  Archlvlo  storico  Italiano.  Tome  XI,  1883,  3«  disp.  — 
Journal  de  Palla  di  Noferi  Strozzi  ;  suite  :  oct.-nov.  1432.  —  Gioboetti. 
Laurent  de  Médicis,  capitaine  général  de  la  république  de  Florence  ; 
suite  :  documents.  —  Rosa.  Le  t  broletto  »  de  Hrescia  (histoire  des 
constructions  qui  y  furent  élevées  depuis  le  \w  s.,  surtout  du  palais  et 
des  administrations  auxquelles  il  senit).  —  Cafki.  VincenzoCiverchio; 
notes  et  documents  (Civerchio  est  un  peintre,  sculpteur,  architecte  de 
Crème  au  xv«  s.).  —  Gipolla.  De  l'occasion  dans  laquelle  Flnnodius 
composa  son  panégyrique  du  roi  Théodoric  (ce  panégyrique  no  put  être 
prononcé  devant  le  roi  ni  à  Vérone,  ni  à  Ravenne,  ni  à  Rome,  c'est 
une  simple  amplitication  de  rhétorique  qui  lui  a  été  envt>y(»o  par  t»crit). 
^  Bibliographie  :  Del  Dadia.  Diario  horentino  dal  1450  al  1516  di  Luca 
Landucci,  continoato  da  un  Anonimo  fino  al  154*2  (très  important  pour 
l'histoire  civile  et  politique  de  Florence  et  de  l'Italie).  —  Forneron, 
Histoire  de  Philippe  IL  —  Omaggio  storico,  filosolico,  toologici»  al 
l>atriarcha  8.  Francosco  (l'hommage  historique  amsisto  on  la  puhlica- 
tion  par  le  P.  M.  Da  Givezza  de  l'  c  Istoria  memorabile  dol  principio 
deir  Eresia  di  Ginevra  •  qui  est  une  traduction  on  italien  du  «  Levain 
du  Galvinisnie  »  par  la  sœur  Jeanne  de  Jussie).  —  tialleiti.  Gasparo 
Scarufli  o  la  questione  monetaria  nel  sec.  xvi  (analyse  do  la  vie  et  dos 
«ouvres  de  ce  marchand  et  banquier  de  Reggio  au  xvi*  s.).  —  lluck. 
Ulriohs  von  Richental  ;  Ghronik  des  Gonstanzor  Goncils,  1414-18  (pro- 
mièro  édition  complète  et  fidèle  de  œ  texte  important).  —  MlemnHo.  Il 
ciirnevalo  di  Roma  nei  secoli  xvii  et  xvni  (très  curieux).  =  A  part.  Les 
papiers  Strozzi,  suite. 

70.  —  ArchlTio  veneio.  13»  année,  fasc.  49  (nouvelle  sério).  — 
Mo.NTiuoi.o.  La  chronique  du  diacre  Giovanni  et  l'histoiro  )K)litiquo  do 
Venise  jusqu'en  100*J.  Introduction  :  la  culture  littéraire  à  Venise  jus- 
qu'au début  du  XI*  s.  En  appendice  une  liste  dos  ambassades  vénitiennes 
antérieures  à  1009.  —  Pixton.  L'histoiro  de  Venise  par  A.  F.  (ifrœrt»r 
(étude  sur  cet  ouvrage  que  M.  Pinton  a  traduit  lui-même  on  italien), 
i»^  l>artie  :  les  matériaux  de  l'œuvre.  —  Gipolla.  I^es  {latarins  à  Vérone 
au  xin*  s.,  1*'  art.  (étude  très  consciencieuse,  d'après  un  grand  nombre 
do  documents  inédits  puis«*s  aux  archives  locales).  —  Fclin.  I/O  duc  do 
Sturlich  cité  par  Marino  Sanudo  parmi  ceux  qui  assistèrent  à  la  diète 


470  RECUEILS  PIÎRIODIQUBS. 

d'Augsbourg  en  1500,  d'après  M.  Bons  d'Anty  et  M.  de  Karolyi 
(M.  Bons  d'Anty  dit  que  ce  duc  de  Sturlich,  en  Bosnie,  est  Laurent,  fils 
de  Nicolas  et  neveu  de  Mathias  Gorvin  ;  M.  de  Karolyi  que  c'est  Nicolas 
Frangipani.  M.  F.  ne  se  prononce  pas).  —  Ant.  di  Prampero.  Les  che- 
vaux et  leur  prix  en  Frioul  au  xviii«  s.  —  Gtoriato.  Souvenirs  vénitiens 
dans  les  monuments  de  Rome.  —  Cecchetti.  Giustina  Rosso  fut-elle  la 
«  Vieille  au  mortier  ?  »  (la  vieille  femme  qui  jeta  un  mortier  sur  la  tête 
de  Bajamonte  Tiepolo,  et  par  là  mit  en  fuite  les  conjurés  qu'il  condui- 
sait, est  appelée  Maria  de  Oltise  dans  un  acte  du  22  déc.  1341).  — 
BûHRiNO.  Les  rebelles  Bohémiens  et  la  république  de  Venise  (publie  une 
lettre  de  l'ambassadeur  vénitien  à  Vienne,  17  nov.  1618,  qui  notifie  au 
doge  les  ouvertures  faites  par  le  comte  de  Thurm  pour  engager  Venise 
à  s'unir  aux  Bohémiens  contre  l'Autriche.  On  sait  que  Venise  fournit 
en  effet  de  l'argent  aux  insurgés).  =  Bibliographie  :  Zmedineck^Sùden" 
horst.  Die  Politik  der  Republik  Venedig  waBhrend  desSOjœhr.  Krieges 
(longue  analyse).  —  Derlan.  La  invenzione  délia  stampa  a  tipo  mobile 
fuso  rivendicata  ail'  Italia  (l'invention  doit  être  attribuée  à  Sweinheym 
et  à  Pannartz  ;  le  l^'  livre  imprimé  en  caractères  mobiles  serait  l'édi- 
tion romaine  des  Epistolae  ad  familiares  de  1467).  —  Spinelli.  Notizie 
intorno  a  Bernabô  de  Sanctis  de  Urbino  f  1478  (important  pour  l'his- 
toire de  Gênes  pendant  qu'elle  était  soumise  à  François  Sforza).  — 
Domenichclli.  Sopra  la  vita  e  i  viaggi  del  b.  Odorico  da  Pordenone  dell' 
ordine  dei  Minori.  =  Squlmèro.  Les  Incunables  et  la  bibliothèque  com- 
munale de  Vérone  ;  catalogue.  —  Cipolla.  Discussion  sur  le  jour  de 
naissance  de  Raphaël  (admet  que  ce  fut  le  6  avril  1483,  plutôt  que  la 
date  du  28  mars  donnée  par  Vasari). 

71.  —  Archivio  délia  Società  romana  di  Storia  patria.  Vol.  VI, 
fasc.  i-2.  —  E.  MuNTZ  et  A.  L.  Frotingham.  Le  trésor  de  la  basilique 
do  Saint-Pierre  au  Vatican  du  xin®  au  x\*  s.  (reconstitué  au  moyen  de 
quatre  inventaires,  l'un  du  xiv**,  les  autres  du  xv*  s.,  que  les  auteurs 
publient,  après  les  avoir  fait  précéder  d'un  extrait  du  c  Livre  des  bien- 
faiteursde  la  basilique  »,  relatif  aux  présents  faits  au  pape  Boniface  VIII). 

—  (iuciNONi.  Appendice  au  commentaire  de  la  vie  d'Agostino  Ghigi  le 
Magnilique  ;  suite.  —  ToMASSErri.  De  la  campagne  de  Rome  au  moyen 
âge  ;  puite  :  la  voie  flaminienne.  —  Lanciani.  Le  ms.  Barber.  XXX,  89, 
contenant  des  fragments  d'une  description  de  Rome  au  xvi*  s.  ;  suite. 

—  Gamurrini.  Un  procès  à  Athènes  en  1302  (contre  Guillaume  de  Ban- 
donina,  chantre  de  l'église  de  Daulion,  qui  avait  outragé,  «  usque  ad 
olVusionem  sanguinis  »,  Vivion,  chanoine  et  trésorier  du  diocèse  de 
Thèbos  ;  d'après  les  actes  conservés  à  Florence.  —  P.  Vmo.  Une  bulle 
inédite  du  pape  Grégoire  X  (pour  relever  les  Pisans  de  l'excommunica- 
tion lancée  contre  eux  par  Clément  IV  ;  texte  d'après  l'original  conservé 
aux  archives  do  Piso). 

72.  —  Archivio  storico  per  le  provincie  napoletane.  Année  VIII, 

iasc.   1   (Naples,  Furchheim,  1883).  —  Mînieri  Riccio.  Généalogie  de 


RECUEILS  PERIODIQUES.  471 

Charles  II  d'Anjou,  roi  de  Naples  ;  Huile  .  1333-1335.  —  Carignani  Ixî 
dernier  parlement  fçénéral  du  royaume  de  Naples,  en  10i2  (la  conduite 
impolitique  de  la  noblesse  à  ce  parlement  permit  aux  Espagnols  dVta- 
blir  définitivement  le  gouvernement  absolu  dans  le  pays.  Suit  la  liste 
des  députés  i\  ce  parlement).  —  Marksca.  Oirrespondana»  du  cardinal 
UulTo  avec  le  ministre  Acton,  de  janv.  à  juin  17ÎMJ  (bien  que  tri*s  incom- 
plète, C4»tte  correspondance,  telle  qu'elle  est,  contribue  à  faire  connaître 
le  caractère  du  gouvernement  napolitain  et  do  la  reine  Caroline).  — 
Fahaolia.  Les  mémoires  des  artistes  napolitains  publiés  par  H.  de 
Dominici  ;  seconde  étude  critique.  —  S.  d'Alok.  Catalogue  de  tous  les 
édifices  sacrés  de  Naples  et  de  ses  faubourgs,  tin^  d'un  ms.  autographe 
de  l'église  de  8.  (îiorgi(»  ail  forum.  —  Inventaire  des  pièces  en  parche- 
min ayant  appartenu  à  la  famille  Fusco,  et  devenues  maintenant  la 
propriété  de  la  SociéU»  de  l'histoire  de  Naples  (analyse  *21  pièces  dont  la 
plus  ancienne  est  de  U87  et  la  plus  n^cente  de  1133).  =  Bibliographie  : 
(ionzaga.  Memorie  délie  famiglie  nobili  délie  provincie  meridionali 
d'Italia,  vol.  VI  (très  utile). 

73.  —  Ax*chlvlo  atorico  lombarde.  Anno  X,  fasc.  1.  31  mars  1883. 

—  Canetta.  Ik^rnarda,  tille  natun^lle  de  Iiernal)o  Visconti  (publie  une 
longue  enquête  de  14*24  où  25  témoins  déposent  ce  qu'ils  savent  sur 
elle).  —  Sandonnini.  Tommaso  Marino,  marchand  génois  au   xvi«  s. 

—  GiuNZONi.  Autres  notices  sur  dom  (^elso  MatTei  de  Wrone.  — 
Bkrtolotti.  Additions  sur  les  artistes  lombanls  à  Home.  —  He.^vkxiti. 
(ÎK»me  sous  le  gouvernement  de  la  république  de  Venise  (discours  his- 
torique inédit  de  Gius.  Kacchetti,  écrit  il  y  a  50  ans). 

74.  —  ArchiTio  storico,  archeoloi^co  e  letterario  (Curi). 
0*  année,  vol.  V,  fasc.  1.  —  Bkrtolotti.  Le  peintre  romain  Ant(»nazzo 
et  Sii  famille.  —  lu.  Pièces  nMatives  à  des  Crées,  Polonais,  Busses, 
Transylvains,  Turcs  et  Hongrois  qui  ont  été  en  relation  avec  le  siiinl- 
siège  (la  plupart  sont  du  xvii*  s.  ;  plusieurs  pièces  relatives  aux  entre- 
pris<\s  militaires  contn*  les  Turcs  présentent  un  intérêt  général).  — 
(ioRi.  Fouilles  récentes  à  Home  ;  les  jardins  <le  Sallusle  lexpos*»  le 
résultat  des  fouilles  faites  dans  ces  jardins  depuis  le  \\r  s.). 

76.  —  Rivista  enropea.  Vol.  XXXIII,  fasc.  3,  1883,  l*Mnai. — 
Li'MiM.  La  vie  et  les  écrits  d'Krmolao  Bubieri  ;  tin.  —  Cimhali.  La 
cour  de  Home  et  Nicolas  Spedalieri  pendant  la  Hévolution  fran(;ais4^  ; 
rt'iKjnw»  à  M.  Perrero  (Discussion  sur  la  signifitation  et  la  |tort«M»  du 
livn»  de  Spedalieri,  /  dirctti  lUlV  uomo,  qui  o.xcita  la  plus  anlente  eon- 
tn»verse,  ({uand  il  i»arul  ;  le  pape  Pie  VI,  après  av«»ir  menace  l'auteur 
de  l'excommunicatiiin,  se  radoucit  «»n  ct>mpn»nant  que  sos  théories 
étaient  loin  d'être  n^volutionnaires,  et  le  chargea  d'écrin»  en  latin  l'his- 
toire des  nuirais  pontins  que  Sptnlalieri  n'eut  pas  le  temps  d'achever  ; 
il  mourut  en  17U5  ;  son  œuvre  parut  plus  tard,  traduite  en  italien  |>ar 
Mgr  N.  Nicolai).  —  Croi.k.  Invasittn  des  Barbares  dans  la  I>arie  nmiaino 
(quelques  remaniues  sur  la  formation  de  la  langue  roumain**}.  —  Pi:ri. 


472  lECTEiis  nEuoMQns. 

I>es  partis  politiques  en  Dalmatie.  =  i"  juin.  Medîh.  Le  doc  de  Valen- 
tinoift  et  Topinion  que  s'est  formée  Machiavel;  fin  le  16  juin  (estûne  que 
les  historiens  se  sont  trompés  en  faisant  de  Machiarel  un  admirateur 
aveugle  de  César  Borgia  ;  M.  Villari  admet  que  les  reproches  de  Machia- 
vel s'adressent  au  personnage  réel,  et  ses  louanges  à  un  César  que  plus 
tard  s^jn  imagination  aurait  idéalisé;  l'auteur  repousse  cette  manière  de 
voir  et  pense  que  Machiavel  n'a  jamais  perdu  le  sens  de  la  réalité,  que 
le  César  de  ses  écrits  est  le  même  que  celui  des  dépêches  diplomatiques, 
le  César  de  la  réalité). 

76.  —  R.  Accademia  de!  Lincei.  Trasunti.  Vol.  YII,  fasc.  10.  — 
BcHiAPABELLi.  I>es  émigratious  des  peuples  antiques  de  rÂsie-Minenre, 
étudiées  d'après  les  textes  des  monuments  égyptiens. 


77.  —  Bollettino  aiorico  délia  Svizzera  Itallana.  1883,  mars. 

—  MoTTA.  Des  personnages  célèbres  qui  traversèrent  le  Saint-Gothard 
aux  temps  anciens  et  modernes  ;  suite  :  le  xvii«  s.  ;  cf.  le  n<>  d'avril-mai. 

—  Th.  VON  LiEBENAu.  8ur  l'histoire  de  Castel  8.  Pietro  ;  fin  (suivi  de 
à  doc.  de  1468  à  1476).  =  Avril-mai.  Les  sceaux  anciens  de  la  Suisse 
italienne  ;  avec  une  planche. 


78.  —  Bibliothèque  universelle  et  Revue  suisse.  1883,  janv.  — 
Leqeb.  Ijaybach  et  le  peuple  slovène  (détails  intéressants  sur  les  bons 
souvenirs  que  l'occupation  française  de  1809  à  1813  a  laissés  dans  ce 
payH.  Quelques  détails  sur  le  Télégrap/ie  illyrien^  journal  officiel  du 
gouvernement  français,  auquel  Gh.  Nodier  collabora);  suite  en  février  : 
Agram  et  le  peuple  croate. 

79.  —  Russische  Revue.  Jahrg  XI.  Heft  1.  —  Brûgkner.  L'avène- 
mont  de  l'impératrice  Anne  en  1730  (longue  analyse  de  deux  ouvrages 
récents,  en  russe,  l'un  de  M.  Korssakow  :  «  l'Avènement  de  l'impéra- 
trice  Anne,  »  Kasan  1880,  l'autre  de  M.  Sagoskiu  :  «  les  Oligarques  et 
la  noblesse  en  1730,  »  Kasan  1881  :  le  premier  surtout  est  très  impor- 
tant). —  Le  début  du  christianismo  en  Transcaucasie  et  on  Giscaucasie. 
=  ll(»ft  2.  Le  5'  congrès  archéologique  à  Tiflis,  8-21  sept.  1881.  = 
Heft  5.  Brùckner.  La  grande  assemblée  législative  de  1767-68  en  Rus- 
sie ;  suite  dans  Heft  6  ;  lin  dans  7  (expose  la  manière  dont  se  sont  faites 
les  olnctions  ;  analyse  les  cahiers  des  différents  ordres  ;  résume  la 
marche  dos  débats.  Ktude  intéressante).  =  Heft  7.  Seeland.  Les  Ghi- 
liaks  de  Sibérie  ;  esquisse  ethnographique  ;  fin  dans  Heft  8.  =  Heft  11. 
J.  KosLOw.  Le  droit  coutumier  des  Kirghises.  =  Heft  12.  Jadrinzew. 
Ijes  habitants  de  l'Altaï.  =  Jahrg  XH.  Heft  1.  Brùckner.  Actes  relatifs 
à  riiistoire  di^s  ra()purts  entre  la  Russie  et  la  France  de  1681  à  1718 
(Analyse  du  t.  XXXIV  du  Magasin  de  la  Société  impériale  d'histoire 
russ(»)  ;  fin  dans  Heft  2.  =  Heft  4.  Travaux  de  la  a  Grande  commis- 
sion »  de  Moscou  et  de  Saint-Pétersbourg  en  1767-68  (fait  suite  au 
travail  annoncé  plus  haut). 


GHROXIQIIR  rr  BIBLIOGElPm.  473 


CHRONIQUE  ET  BIBLIOGRAPfflE. 


France.  —  Nous  avons  le  regret  d'annoncer  la  mort  do  M.  E.  Liabou- 
LAYE,  membre  de  T  Académie  des  inscriptions,  administrateur  du  Collège 
de  France,  décédé  à  Paris,  le  24  mai  dernier.  M.  Fkiouard-Kené  Lefebvrb 
DE  I^ABouLAYE  était  ué  à  Paris  le  18  janvier  1811;  jurisconsulte  éminent, 
il  a  publié  de  nombreux  travaux  sur  l'histoire  du  droit  et  sur  Thistoire 
politique.  Il  a  été  un  des  créateurs  des  études  de  droit  historique  en 
France.  Les  plus  importants  de  ces  ouvrages  sont  :  une  Histoire  du  droit 
de  propriété  foncière  en  Europe,  depuis  Constantin  jusqu'à  nos  jours 
(1839);  des  Recherches  sur  la  condition  civile  et  politique  des  femmes^ 
tUpuis  les  Romains  jusquà  nos  jours  (1843);  une  Histoire  politique  des 
Etats-Unis,  1620-1787  (3  vol.,  1855-66),  les  Œuvres  complètes  de  Montes- 
quieu (7  vol.  1875-79).  Il  a  donné  avec  M.  Dupin  une  édition  des  Ins- 
titute3  coutumières  de  Loisel  ;  avec  M.  R.  Dareste  une  tnlition  de  Vins- 
titution  du  droit  français  de  Claude  Fleury,  et  du  Grand  Coutumier  de 
France,  cette  dernière  d'ailleurs  assez  inférieure  à  la  réputation  des 
auteurs.  C'était  un  politique  libéral  et  indépendant,  un  émdit  solide  et 
sagace,  un  fin  lettré,  et  un  honnête  homme. 

—  M.  Ernest  de  Bouteillkr,  né  à  Paris  en  1826,  y  est  mort  le  26  mai; 
plusieurs  de  ses  travaux  historiques  se  rapportent  à  l'histoire  de  Metz, 
sa  seconde  patrie  :  Dictionnaire  topoyraphique  de  l'ancien  département 
de  la  MoselU  (1875)  ;  la  Guerre  de  Metz  en  1324,  poème  du  xiv*  s.  (1876); 
la  Correspondance  politique  adressée  au  magistrat  de  Strasbourg  par  ses 
agents  de  Metz  (1882)  ;  le  Journal  de  Jean  Beauchez,  greffier  de  Plappe- 
ville  (avec  M.  G.  de  Braux,  1878).  On  lui  doit  aussi  une  Histoire  de 
Frantz  de  Sickingen  (1860);  le  Maréchal  Fabert;  des  Recherches  sur  la 
famille  de  Jeanne  d'Arc  (1877-78),  etc. 

—  M.  Florian  Vallentin,  directeur  du  Bulletin  épigraphique  des  Gaules, 
est  mort  le  20  mai  à  l'âge  de  32  ans.  8a  mort  laisse  un  vide  sérieux 
dans  les  étndes  historiques  ;  espérons  au  moins  que  son  très  utile  Bul- 
letin lui  survivra  et  continuera  de  faire  honneur  à  la  science  française. 

—  M.  Amb.  Challk  est  mort  le  4  mars  dernier  à  Auxerre  à  l'âge  de 
quatre-vingt-quatre  ans.  Il  a  publié  divers  travaux  estimés  d'histoire 
provinciale  :  Histoire  du  comté  de  Tonnerre,  1875;  la  Campagne  des 
frontières  du  Jura  en  1815  par  le  général  Lecourbe  (souvenirs  personnels^ 
1880);  il  a  publie  aussi,  en  les  continuant  jusqu'à  nos  jours,  les  Mémoires 
concernant  l'histoire  civile  et  ecclésiastique  d'Auxerre  et  de  son  ancien 
diocèse,  par  l'abbé  Lebeuf. 

—  M.  le  baron  de  Girardot,  décédé  à  Bourges  eu  mai  dernier,  avait 

Uev.  Uibtob.  KXU.  2*  fabg.  31 


474  CHBOinQUE  ET   BIBLIOGKIPBIS. 

pablié  un  Essai  sur  les  assemblées  provinciales  de  1778  à  1790,  sans 
compter  de  nombreaz  travaux  archéologiques;  il  était  membre  de  la 
Société  des  Antiquaires  de  France  depuis  1840. 

—  L'Académie  des  sciences  morales  et  politiques,  dans  sa  séance  du 
28  avril,  a  élu  M.  Sumnbr-Maine  associé  étranger.  Le  19  mai,  elle  a  élu 
à  la  place  vacante  de  correspondant  français  M.  É.  Belot,  professeur  à 
la  Faculté  des  lettres  de  Lyon,  et  à  celle  de  correspondant  étranger 
M.  G.  Waitz. 

—  L'Académie  française  a  décerné  le  l***  prix  Gobert  à  M.  Ghébuel 
pour  son  Hist.  de  la  France  sous  le  ministère  de  Mazarin^  et  le  2*  prix  à 
M.  SciouT  pour  son  Histoire  de  la  constitution  civile  du  clergé. —  Le  prix 
Thiers  a  été  décerné  à  M.  Rothan  pour  ses  études  diplomatiques  sur 
Taffaire  du  Luxembourg  et  sur  la  politique  française  en  1866. —  Le  prix 
Marcellin  Guérin  a  été  partagé  de  la  façon  suivante  :  2,000  fr.  à  M.  Bou- 
ghé-Lbclergq  pour  son  Histoire  de  la  divination  dans  l'antiquité,  en  4  vol.; 
1,500  fr.  à  M.  L.  Favre  pour  son  Hist.  anecdotique  du  palais  du  Luxem^ 
bourg;  et  1,500  fr.  à  M.  A.  Beuame  pour  son  volume  intitulé  Le  public 
et  les  hommes  de  lettres  en  Angleterre  au  XVIII*  s.  t-  Une  partie  du  prix 
Monbinne  a  été  attribuée  à  M.  Dupin  pour  son  travail  sur  la  Jeunesse  de 
Mazarin. 

—  L'Académie  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres  a  décerné  le  l^i'prix 
Gobert  à  M.  Godefroy,  autour  du  grand  Dictionnaire  historique  de  la 
Langue  française^  et  le  second  à  M.  A.  Gniv  pour  son  étude  sur  Les 
Établissements  de  Rouen. 

—  La  Société  des  archives  historiques  de  la  Gironde  vient  de  publier  le 
t.  XX,  qui  est  tout  entier  consacré  à  la  table  des  matières  des  dix-neuf 
volumes  de  cette  très  importante  collection.  Le  t.  XXI  contient  les 
comptes  de  rarchevêché  de  Bordeaux  au  xiv*  s.,  par  M.  Léo  Drouyn  ; 
la  suite  de  cette  publication  remplira  tout  le  t.  XXII. 

—  La  Gazette  archéologique,  dont  la  publication  était  suspendue  depuis 
longtemps,  va  reparaître;  elle  donnera  une  large  place  à  Tétude  du 
moyen  âge  et  complétera  ainsi  la  Revue  archéologique  consacrée  surtout 
à  Tétudo  de  l'antiquité  ;  elle  contiendra  des  planches  nombreuses. 

—  Le  t.  LXI  des  Acta  Sanctorum  vient  de  paraître  (Palmé);  il  forme  le 
t.  XIII  d'octobre  et  contient  les  29«,  30«  et  31«  jours  du  mois;  il  est 
Tœuvre  des  RR.  PP.  J.  Van  Hecke,  B.  Bossue,  V.  et  R.  de  Buck,  S.  J. 

—  M.  Eug.  Halphen  a  fait  paraître  chez  Champion  les  Lettres  inédites 
du  roi  Henri  IV  au  chancelier  de  Bellièvre,  du  16  mars  au  28  oct.  1604, 
publiées  d'après  le  ms.  de  la  Bibl.  nat.  15896;  elles  sont  fort  diverses 
d'objet  et  d'intérêt  et  valent  la  peine  d'être  consultées;  elles  sont  au 
nombre  de  68. 

—  L'histoire  de  l'imprimerie  en  France  vient  de  s'enrichir  d'un  cha- 
pitre nouveau  dû  à  M.  Clément-Janin,  Les  imprimeurs  et  les  libraires 
dans  la  Cote-d'Or  (Dijon,  Darantière  ;  Paris,  Picard).  La  première  impri- 
merie dijonnaise  fut  établie  en  1490  au  Petit-Citeaux,  par  les  soins  de 


CBROiriQUE  ET  BIBLIOGEAPHII.  475 

Jean  de  Girey,  abbé  de  Giteaux.  Elle  était  dirigée  par  an  do  ces  impri- 
mears  ambulants^  dont  on  commence  à  suivre  les  pérégrinations  à  tra- 
vers la  France,  Pierre  Metlinger,  d'Augsbourg,  qui  y  imprimait  en 
1491  la  Collection  des  privilèges  de  Citeaux.  Dès  149^  il  avait  quitté 
Dijon,  et  il  faut  aller  jusqu'en  1530  pour  trouver  le  véritable  fondateur 
de  l'imprimerie  dijonnaise,  Pierre  Grangier.  M.  Glément-Janin  a  dressé 
la  liste  des  successeurs  de  Grangier  jusqu'à  nos  jours  avec  la  descrip- 
tion détaillée  de  toutes  les  éditions  qui  sont  sorties  de  leurs  presses;  un 
dernier  chapitre  est  consacré  aux  imprimeurs  et  libraires  du  départe- 
ment :  Beaune,  Gbàtillon-sur-Beine,  Giteaux,  Semur,  etc. 

—  M.  Ë.  Marreau  a  visité  avec  soin  les  pays  limitrophes  des  deux 
races  slaves  et  germaniques.  Le  livre  qu'il  a  écrit  au  retour  de  son 
voyage,  Slaves  et  Teutons  (Hachette),  et  où  il  étudie  la  lutte  des  nationa- 
lités en  Autriche,  en  Prusse  et  en  Russie,  est  digne  d'attirer  l'attention 
des  historiens  et  des  ethnographes.  Il  leur  permettra  de  juger  d'après 
des  renseignements  précis  et  des  chiffres  ces  questions  si  brûlantes  et 
si  complexes  de  politique  contemporaine. 

—  M.  G.  BoissiÈRE,  aujourd'hui  recteur  de  l'Académie  d'Alger,  vient 
de  rééditer  en  le  remaniant,  le  corrigeant  et  l'augmentant  beaucoup, 
son  livre  sur  V Algérie  romaine  (Hachette,  '2  vol.).  En  attendant  de  pou- 
voir consacrer  à  ce  livre  le  compte-rendu  critique  qu'il  mérite,  nous 
tenons  à  l'annoncer,  car  le  public  français  prend  un  intérêt  de  plus  en 
plus  vif  à  tout  ce  qui  touche  à  l'Algérie. 

—  M.  HiLD  a  tiré  à  part  sa  remarquable  étude  sur  la  Légende  d^Énée 
avant  Virgile  (Leroux,  94  p.  in-8*).  Get  essai  si  ingénieux  d'histoire 
religieuse  et  d'histoire  littéraire  forme  la  première  partie  d'une  série 
d'études  sur  la  religion  et  l'histoire  ancienne. 

—  On  trouvera  dans  une  brochure  de  M.  G.  Douais,  professeur  à 
rixole  supérieure  de  théologie  de  Toulouse,  sur  V Enseignement  de  l'his' 
taire  ecclésiastique  (f^oussielgue,  47  p.  in-8*),  un  témoignage  intéressant 
des  efibrts  qui  .«e  font  aujourd'hui  pour  initier  le  clergé  aux  méthodes 
critiques  et  scientiûquos.  On  a  beau  trouver  beaucoup  à  reprendre  dans 
les  écrits  de  M.  D.  lui-même,  on  doit  lui  savoir  gré  de  la  juste  sévérité 
avec  laquelle  il  traite  V Histoire  ecclésiastique  de  M.  Darras. 

LivEBJ»  NOUVEAUX.  —  HiSTOiEB  OKNKEALB.  —  BoHHal.  Le  royauDie  de  Prusse. 
Dpntu.  —  Imbert  de  Saint- Amand.  La  jeunesse  de  l'impératrice  Joséphine. 
Dentu.  —  A.  de  Ruble.  Le  duc  de  Nemours  et  mademoiselle  de  Rohaxi,  1531-92. 
Labitle.  —  A,  Gérard.  Des  cor|H)raUoos  ouvrièret  à  Borne;  introd.  hi»t.  sur 
les  corps  d'arts  et  de  métiers  en  France  et  en  Lorraine.  Saint-Dié,  impr.  Ham- 
bert.  —  Clarin  de  la  Hive,  Histoire  générale  de  la  Tunisie  depuis  Tan  1590 
av.  J.-C.  jusqu'en  1883.  Challamel  aîné.  —  Challamel.  Précis  d'histoire  de 
Franco  depuis  les  origines  jusqu'en  1883.  Alpb.  Lemerre.  ~  Abbi  Verlaque. 
Jean  XXII,  sa  vie  et  ses  œuvres,  d'après  des  doc.  inédits.  Pion.  —  P.  de  Raïf' 
nal.  Les  corres|»ondants  de  J.  Joubert,  1785-1822.  C.  Lévy.  —  Viannê-  MuNirs 
Herrètes  du  xviii*  s.,  4*  et  dem.  vol.  Quantin. —  D'F,  Gerbier,  Voltaire,  Tun^t  et 
les  franchises  du  pays  de  Gex.  Fishbacher.—  Satkas,  Documents  inédits  relatifs  à 


476  CHlOinQUE   ET   BIBLIOGIAPHIB. 

l'histoire  de  la  Grèce  ao  moyen  âge,  t  IV.  MaisonneaTe.  —  VaUl.  Histoire  de 
mad.  do  Barrj,  t.  II.  Versailles,  L.  Bernard.  —  Mispouid.  Histoire  des  insti- 
totions  politiques  des  Romains,  t.  II.  Pédone-Laoriel.  —  Bea^emps-Beaupré, 
Les  cootnmes  et  les  institotions  de  FAnjou  et  do  Maine  antérieores  ao  xvi*  t., 
t.  IV.  Ibid. 

HisTOiBs  REUoisusB.  —  Béçhin,  Histoire  de  la  confrérie  des  charitables  de 
saint  Éloi  de  Béthune,  depuis  1188  josqo'à  nos  joors.  Béthone,  David.  — 
Doumapron.  Discours  inédit  de  la  fondation,  plan  et  cité  do  cooTent  de 
Saint-François  de  Castres.  Castres,  Hoe  et  Granier.  —  Lopes.  L'église 
métropolitaine  et  primatiale  Sainct-André  de  Bourdeaux;  réédition  annotée 
par  l'abbé  Callen,  t.  1.  Bordeaux,  Feret  et  fils.  —  P.  de  Fonteniiles.  Notes 
pour  MfTir  à  un  armoriai  des  évéques  de  Cahors.  Librairie  de  la  Société 
bibliographique.  —  Abbé  Haclin,  Notice  historique  sur  la  paroisse  de  Mor- 
court,  dioc.  d'Amiens.  Amiens,  Lambert-Caron.  —  G.  Le  Clerc.  Un  fief  de 
l'abbaye  de  Saint- Magloire  de  Paris;  la  seigneurie  de  Vaudétard  à  Issy,  1117- 
1790.  Champion.  -—  ArbeUot.  Ms.  inédit  des  miracles  de  saint  Martial  de 
Limoges,  xit*  s.  Haton.  —  Abbé  Guélon.  Doc.  inédits  concernant  le  village  et 
le  chapitre  de  Crest  (extrait  des  Mém.  de  l'acad.  de  Glermont-Ferrand). 

Histoire  locale.  —  Barbier,  Monographie  historique  de  la  bibliothèque  de 
Ghambéry.  Gbambéry,  Perrain.  —  A.  Bourgeois.  Histoire  du  château  de 
Brugny  depuis  le  xv*  s.  Châlons- sur- Marne,  Martin.  —  Carré.  Recherches  his- 
toriques sur  la  prévôté  ou  seigneurie  de  Viiledom mange,  830-1789.  Reims, 
iropr.  Monce.  —  Ifardouin.  Essai  sur  la  réformation  des  coutumes  de  Bretagne. 
Marchai,  Billard  et  C'*.  —  Jadart.  La  population  de  Reims  et  de  son  arron- 
dissement, avec  recherches  historiques  sur  les  feux  et  habitants  de  chaque 
localité  depuis  le  moyen  âge.  Reims,  Renart  (extrait  des  Travaux  de  l'acad.  de 
Reiras).  —  Papillon.  Notice  historique  et  statistique  sur  la  commune  de  The- 
nailles.  Impr.  du  c  Journal  de  Vervins.  »  —A.  de  Marianne.  Les  seigneurs  de 
Mayenne  et  le  cartulaire  de  Savigny  (extrait  du  Bulletin  de  la  commission 
histor.  et  archéol.  de  la  Mayenne).  —  Petit  armoriai  de  Lille,  d'après  un  ms.  du 
xviii*  s.  Bachelin-Denorenne.  —  FoxUques  de  Villaret.  Recherches  historiques 
sur  l'ancien  chapitre  de  l'église  d'Orléans,  de  son  origine  jusqu'au  xvi*  siècle. 
Orléans,  Heriuison  (extrait  du  t.  XIX  des  Mém.  de  la  Soc.  arch.  de  l'Oriéanais). 
—  J.'A.  Morel.  Histoire  d'Aoste,  autrefois  Augustum  Allobrogum.  Grenoble, 
Drevel.  —  A,  de  Ternas.  La  chancellerie  d'Artois;  ses  officiers  et  leur  généa- 
logie continuée  jusqu'à  nos  jours.  Arras,  Sueur-Charruey.  —  Finot.  La  seigneu- 
rie de  Bonchamp  et  l'origine  de  l'exploitation  houillière  de  cette  localité,  1220- 
1789.  Libr.  de  la  Sor.  bibiiogr.  —  Jarrin.  La  Bresse  et  le  Bugey;  leur  place 
dans  l'histoire.  Bourg,  Autier.  —  Rigollot.  Vendôme  et  les  bords  du  Loir; 
simples  noies  historiques  et  archéologiques.  Vendôme,  impr.  Launay.  —  Sto- 
relli.  Notice  historique  et  chronologique  sur  les  châteaux  de  Talcy  et  de  Diziers. 
Baschet.  —  A.  JuUirn.  La  Nièvre  à  travers  le  passé;  loi>ographie  historique 
de  ses  principales  villes  décrites  et  gravées.  Quantin.  —  N.  Chorier.  Histoire 
générale  du  Dauphiné,  2  vol.  in-4'.  Valence,  impr.  Chenevier  et  Chavet. 

BioaRAPiiiK.  —  V.  de  Seilhac.  L'abbé  Marc-René  d'Espagne;  papiers  de 
famille.  1752-94.  Tulle,  Crauffon.  —  A.  Marcade.  Talleyrand  prêtre  et  évoque. 
Rouveyre  et  Blond.  —  Dumëril.  Lord  Ërskine,  étude  sur  le  barreau  anglais  au 
xviii*  s.  Thoriii.  —  J.-A.  Favé.  Le  dernier  des  ligueurs  :  essai  critique  sur 
Ph.  Kinmanuel  de  Lorraine,  duc  de  Mercœur.  Brest,  impr.  Halégouet.  — 
A.  Iluart.  Jacques  de  Bourbon,  roi  de  Sicile,  frère  mineur  cordclier  à  Besancon 
(extrait  du  liuiletin  de  l'acad.  de  Besançon,  29  nov.  1881). 


CHIOXiQrK   ET   RIBLIOOliPHIK.  177 

Documents.  —  A.  de  Martonne.  Ra|»|H)rt  hur  les  archive» du  <léi>arteiiifnt  de 
la  Mayenne.  LMival,  imp.  Morcau. —  Bertrand.  Docuiii.  inéd.  pour  MTvirà  l*hiM. 
du  Maine,  4*  fasc.  Le  Mans.  Monnoyer.  —  Bonvarlel.  Notes  et  documents  pour 
scr>ir  à  l'histoire  des  maisons  religieuses  et  hospitalières  de  la  Flandre  mari- 
time-, suite.  IJlle,  impr.  Lefebvre-Ducrocq.  —  Madival  et  Laurent.  Archives 
parlementaires  de  1787  k  1860;  recueil  complet  des  débats  léf^islatifs  et  |Hdi- 
tiques  des  chambres  françaises,  t.  LU,  du  15  mai  1827  au  7  mars  182K.  P.  Du- 
p(»nt.  —  B  Prast.  Journal  de  Ouillaume  Durand,  chinirKien  à  Poligny,  irilO-V'3. 
Champicm  (extrait  tlu  Bulletin  de  la  Soc.  d'agric,  sciences  et  arts  de  Poligny). 

—  P.  de  Fleury.  Petites  chroniques  du  moine  de  Saint-fybard  d'Angouleme. 
Anf^ouleme,  Goumard  (extrait  du  Bull,  de  la  Soc.  arcb.  el  hist.  de  la  Charente). 

—  Rrièle.  Odlection  de  documents  pour  senir  à  l'histoire  des  hôpitaux  de 
Paris;  t.  IL  Alph.  Picard.  —  E.  Michaud.  Limis  XIV  et  Innocent  .XI;  t.  IV  et 
dernier.  Charpentier. 

Alsaoe-Lorraine.  —  La  librairie  K.-J.  Trubner,  de  Strasbourg, 
vioiit  do  mettre  en  vento  un  nouveau  volume  de  ['Inventaire  sommaire 
des  arehives  eommunates  de  la  viilc  de  Strasbourg  antérieures  à  171M), 
rédigé  par  M.  J.  Brucker.  Il  est  consacré  à  la  série  .\.\  :  actes  consti- 
tutifs et  politiques  de  la  commune,  et  comprend  la  correspondance  que 
les  souverains,  corps  d'Ktat,  gouverneurs  et  autres  personnages  entre- 
tinrent avec  elle  depuis  le  commencement  du  xiii''  s.  (1*02),  les  picVes 
relatives  aux  cérémonies,  et  entrées  solennelles  des  princes,  aux  nomi- 
nations de  députés  aux  états  généraux  ou  provinciaux,  les  messages 
des  villes.  Un  appendice  donne  l'inventaire  de  deux  liasses  d'acte» 
relatifs  à  Tinvasion  du  comte  Krnest  de  Mansfeld  en  Alsace  en  10*21-2*^ 
I^  volume  ne  comprend  pas  moins  de  312  [».  iu-i^  à  deux  colonnes, 
bourrées  de  noms,  de  dates  et  do  faits.  Il  est  inutile  d'insisu^r  sur  Tim- 
portance  exceptionnelle  de  cette  publication. 

Allema^e.  —  Le  11  mars  est  mort  à  Greifswabl  M.  C  Wibsei.kr, 
professeur  de  théologie  à  l'Université  de  cette  ville,  auteur  de  nombreux 
travaux  d'exégèse  ot  d'histoire  ecclésiastique;  il  a  publie  entre  autres 
une  Reformationsfjeschichte  von  Pommem  (1870;,  une  Geschiehte  der  Chris- 
tenverfolgungen  der  rœuiischen  Kaiser  (1878),  une  dissertation  sur  la 
natitmalité  germanique  des  Galates  en  Asie  Mineure  (1877),  etc. 

—  Le  27  mars  est  mort  le  IV  K.-R.  Hedbpenmno,  profes.<»eHr  de  théo- 
logie à  l'université  de  (i(ettingue;  on  lui  doit  un  travail  sur  la  vie  et 
les  leuvres  d'Origène  (t8i8). 

—  Le  28  mars  ost  mort  à  Darmstadt  le  (K  Lorenz  DtEFKxnACii,  à  l'âge 
do  77  ans;  {»armi  ceux  de  s<'s  ouvrages  qui  se  rapportent  à  l'histoire  on 
cite  :  Cettiea;  spraehiiche  Doeumente  zur  Geschiehte  der  Kelten  (1S:V.M; 
Origines  euroj>e^:  die  alten  Vtriker  Eurojn^a's  (1861i;  Die  Volksststnme 
der  eurofijtischen  Tiirkei  (1877). 

—  Le  IV  (i.  VON  BrscHVALn,  qui  vient  de  publier  les  Disehofs-und 
Fiirsten  l'rkundcn  des  XII  u.  XIII  Jahrh.,  a  été  nomnié  bibliotbécaire  du 
grand-duché  de  Mecklomltourg  et  archiviste  de  Xeu-8trelitz. 

—  \ji  réunion  annuelle  de  la  direction  centrale  des  Monwnenta  Ger^ 


478  CMÊOnHUCE  BT  NBUOGlAFnB. 

maniae  n'est  tenue  à  Beriin  les  31  mars  et  t  avril  derniers.  Dans  le  cou- 
rant da  dernier  exercice  ont  para  :  1  •  le  t.  XX  VI  des  Scriptares,  la  i  «^  parL 
dn  t.  IV  des  Deutsche  Chroniken  (chron.  de  Limboarg)  ;  une  nouvelle  révi- 
sion de  Waltrami,  ut  vidttur,  liber  de  uniUUe  ecclesiae  consercanda^  par  W. 
ScBWEXKEïTBEGHER,  etnne  nonv.  édit.  des  Annales  Bertinianiy  par  M.WArrz; 
2*  la  5*  section  des  Leges,  composée  des  Pormulae  merowingici  et  karo^ 
Uni  aevi,  1^  partie,  par  M.  Zeuxer  ;  3*  dans  la  section  des  Rpistolae,  les 
EpistoUxe  saec.  III l  e  regestis  pontificum  romanorum  selectae  per  G. -H. 
Pertz,  par  M.  G.  Rodebtbebo,  t.  I;  4*  le  t.  VUI  du  Neues  Archic.  L'im- 
pression des  autres  volumes  :  XX  Vn  (extraits  de  chroniqueurs  anglais 
du  xiii«  siècle),  XIV  (additions  aux  douze  premiers  volumes)  et  XV 
(vies  des  époques  cariovingienne,  saxonne  et  franconienne),  avance 
lentement,  mais  r^lièrement;  diverses  raisons  retardent  encore  le 
volume  des  Antiquitates,  que  dirige  M.  Mommsen,  et  l'édition  des  chro- 
niqueurs mérovingiens,  bien  que  M.  Arndt  soit  déjà  arrivé  au  livre  Vil 
de  Grégoire  de  Tours,  et  surtout  la  section  des  Diplomata  que  dirige 
M.  Bickel. 

Le  t.  XXVI  des  Scriptores,  uniquement  consacré  à  des  extraits 
d'historiens  français  des  xiî«  et  xiii«  siècles  (on  y  a  joint  des  frag- 
ments de  quelques  auteurs  originaires  du  comté  de  Flandre  et  ayant 
écrit  en  langue  française),  est  le  premier  d'une  nouvelle  série  qui 
comprendra  successivement  les  extraits  des  auteurs  anglais,  danois, 
polonais  et  hongrois.  De  chaque  auteur  on  donne  les  passages  rela- 
tifs à  l'histoire  de  l'Empire,  de  l'Italie  et  de  la  papauté.  Toutefois,  même 
pour  ces  éditions  fragmentaires,  la  direction  des  Monumenta  a  procédé 
comme  pour  une  édition  complète  du  texte.  Chaque  auteur  a  été  étudié 
avec  le  plus  grand  soin,  les  fragments  choisis  ont  été  collationnés  sur 
tous  les  manuscrits  connus,  exactement  comme  s'il  s'agissait  d'une  édi- 
tion définitive.  Aussi  pour  le  classement  des  manuscrits,  pour  l'étude 
des  sources  de  ces  écrivains,  les  historiens  français  devront-ils  con- 
sulter  les  préfaces  et  les  variantes  du  nouveau  volume  des  Monumenta. 

Pour  arriver  à  un  pareil  résultat,  pour  collationner  tous  ces  extraits 
sur  des  manuscrits  disséminés  un  peu  partout,  M.  Waitz  a  dû  employer 
plus  d'un  collaborateur;  les  principaux,  qu'il  nomme  dans  la  préface, 
sont  MM.  Liebermann,  Pannenborg,  A.  Tobler,  Holder-Egger,  Brosien 
et  A.  Molinier. 

Il  serait  impossible  d'énumérer  tous  les  auteurs  qui  ont  fourni  les 
fragments  à  cet  énorme  volume  de  875  pages.  Citons  toutefois  quelques 
écrits  dont  le  texte  a  été  particulièrement  amélioré  par  les  nouveaux 
éditeurs.  En  première  ligne  Richard  de  Poitiers;  M.  Waitz  exprime 
avec  raison  le  souhait  qu'un  savant  français  donne  bientôt  une  édition 
définitive  de  cet  auteur  important  pour  l'histoire  du  xn«  siècle.  On  trou- 
vera un  peu  plus  loin  de  longs  extraits  de  différentes  vies  de  saint  Ber- 
nard, avec  une  longue  préface  de  M.  Waitz;  des  extraits  du  Draco 
Normannicus  d'Etienne  de  Rouen;  G.  Pertz  comptait  donner  une  édition 


CHIOXIQUB   ET   RIBLIOGRiPHrC.  479 

complète  de  ce  poème;  la  publication  de  Mai  loi  fit  abandonner  ce 
projet;  Tôdition  italienne  est  malheureusoment  bien  défectueuse.  La 
Société  des  Antiquaires  de  Normandie  a  décidé  de  publier  ce  texte  à  la  fois 
historique  et  littéraire.  La  Chronique  univtrselle,  de  Robert  d'Auxerre, 
qui  n'a  pas  été  réimprimée  séparément  depuis  ie  commencement  du 
XVII*  siècle,  a  fourni  de  longs  fragments  au  nouveau  volume  des  Scrip^ 
tores f  et  M.  Holder-Egger  les  a  fait  précéder  d'une  étude  critique  très 
étendue;  depuis  Tabbé  Lebeuf  on  n'a  rien  écrit  de  plus  approfondi 
sur  cet  auteur  trop  peu  employé.  Les  historiens  de  Philippe-Auguste 
Uigord  et  Guillaume  le  Breton  ont  naturellement  fourni  de  longs 
extraits.  La  nouvelle  édition  de  Rigord,  que  vient  de  faire  paraître 
M.  Delaborde,  rend,  il  est  vrai,  inutiles  pour  les  savants  français  les 
extraits  de  cet  auteur  donnés  par  les  Monumenta,  Mais  l'excellente 
étude  de  M.  Pannenborg  sur  la  Philippide  serei  toujours  à  consulter;  les 
fragments  de  ce  poème  publiés  par  lui  sont  annotés  avec  un  soin  méti- 
culeux, et  ces  notes  permettent  d'étudier  les  procédés  littéraires  du 
poète  du  xni*  siècle.  Dans  la  suite  du  volume  nous  remarquons  encore 
de  longs  fragments  des  Chroniques  de  S.  Martial,  revus  sur  les  manus- 
crits originaux,  des  extraits  de  la  Chronique  universelle  de  I^aon  (p.  442), 
du  Chroniœn  Turonense^  du  Ménestrel  de  Reims  et  des  Annales  nor- 
mandes; le  récit  par  André  le  Hongrois  de  la  victoire  de  i^névent,  récit 
qui  n'avait  pas  été  réimprimé  depuis  Duchesne,  enUn  de  longs  passages 
de  Guillaume  de  Nangis,  avec  une  excellente  notice  de  M.  Brosien. 
La  dernière  partie  du  volume  est  consacrée  aux  chroniques  de  langue 
française,  écrites  en  Flandre  ;  elle  renferme  entre  autres  des  fragments 
de  la  curieuse  Histoire  fies  ducs  de  Nonnandie,  publiée  jadis  par  Fran- 
cisque Michel,  Tune  des  sources  les  plus  importantes  pour  Thistoire  du 
commencement  du  xni*  siècle  ;  dans  une  excellente  préface,  M.  Holder- 
Egger  montre  le  lien  qui  rattache  cette  composition  historique  aux 
grandes  chroniques  de  Flandre,  publiées  par  M.  Kervyn  de  Lettenhove. 
£nhn  M.  A.  Tobler  a  revu  une  partie  du  [)oème  de  Philippe  Mousket, 
publié  jadis  par  M.  de  Reiffenberg. 

—  L'Académie  des  sciences  de  Bavière  a  décerné  à  M.  Cari  de  Boor, 
de  Berlin,  le  prix  annoncé  pour  une  étude  sur  le  recueil  d'extraits 
historiques  de  Constantin  Porphyrogénète.  Elle  a  mis  au  concours 
les  sujets  suivants  :  1«  une  édition  critique  des  œuvres  des  historiens 
militaires  grecs,  à  l'exception  du  Toxrtxbv  OuV^nt'^  d'Aeneias,  avec  une 
étude  sur  les  rapports  de  ces  écrits  et  de  ces  écrivains  les  uns  avec  les 
autres  (terme  :  31  déc.  1884);  2*  yne  étude  topographique  et  historique 
sur  TEpire  dans  l'antiquité  classique  et  jusqu'à  Diociétien  (31  déc.  1885). 
lies  mémoires  peuvent  être  rédigés  en  latin,  en  grec  ou  en  allemand; 
la  valeur  de  chacun  de  ces  prix  est  de  2,000  m. 

—  La  Société  des  sciences  de  la  Haute-Lusace  a  mis  au  concours  : 
lo  une  biographie  des  deux  fondateurs  de  la  Société  de  la  Haute- 
Lusace,  Gesdorf  et  Anton  ;  2*  une  histoire  de  la  féodalité  dans  ce  pays 


480  CHBO!nQIJE  ET  BIBLIOGEAPIRE. 

depuis  les  plus  anciens  temps  jusqu'à  Tabolition  des  cens  et  des  semoes 
féodaux.  Prix  :  150  m.  chacun. 

—  Sous  le  titre  Rhenus  paraît  depuis  1883  une  nouvelle  rovoe  locale 
pour  lliistoire  rhénane,  sous  le  patronage  de  la  Société  des  antiquaires 
d'Oberlahnstein. 

—  Une  4«  édition  de  la  Geschichie  der  deutschen  FreiheiUknege  1813- 
1814,  par  H.  Beftzke,  va  prochainement  paraître  par  les  soins  de 
M.  P.  Goidtschmidt,  qui  l'enrichira  de  nombreuses  pièces  tirées  des 
archives  prussiennes,  autrichiennes,  russes  et  suédoises,  ainsi  que  de 
correspondances  des  plus  illustres  contemporains. 

LivmES  NOUVEAUX.  —  HisTOiRs  ohiiMALE.  —  D.  Schxfer.  Hanserecesse 
von  1477-1530.  Leipzig,  Duncker  et  Hamblot.  —  Sdiwappack,  Gmiidriss 
der  Forst  ond  Jagdgeschlchte  Deatschlands.  Berlin,  Springer.  —  Binm. 
Cultargeschichtliches  aos  deat^chen  Predigten  des  Mittelalters.  Hamboorg, 
Nolte«  —  Ehrenherg,  Der  deatscbe  Reichstag  1273*1378.  Leipzig,  Yeit  et  G'*.— 
Bodenberg,  Epistolae  saecoli  xiii  e  regestis  pootificam  romanomm  selectaie 
per  Pertz,  I.  Berlin,  Weidmanb.  —  Hecker,  Die  territoriale  Politik  des  Erzbîs- 
chofs  Philipp  I  Ton  Kœln  1167-91.  Leipzig,  Veit.  —  Neustadt.  Markgraf  Georg 
von  Brandenburg  aU  Erzieber  ain  ungariftcben  Hofe.  Breslaa,  Kœbuer.—  MKpier. 
Briefe  und  Tagebûcher  des  Fiirstbischofs  von  Erroland  Jos.  von  HohenzoUem. 
Braonsberg,  Huye.  —  Lindau.  Lacas  Granacb.  Leipzig,  Yeit.  —  Citmmerer, 
Friedrich  des  Grossen  Feldzugsplan  fur  das  Jabr  1757.  Berlin,  Mlttler.  — 
Mûller,  Politiscbe  Gescbicbte  der  Gegenwart.  Bd.  XVI,  1882.  Berlin,  Springer. 

HiSTOiai  LOCALE.  —  Knothc,  Urkundenbacb  der  Stœdte  Kamenz  n.  Loebaa. 
Leipzig,  Giesecke  et  Devrient.  —  H<u$e.  Die  Quellen  des  Ripener  Stadtrechts. 
Hamboarg,  Voss.  —  Herquet.  Urkundenbucfa  des  Prœmonstratenserklosters 
Arnstein  an  der  Lahn.  1^  livr.  Wiesbaden,  Limbartb.  —  Bodeman.  Die  aslteren 
Zunflurkunden  der  Stadt  Lûneburg.  Hanovre,  Hahn.  —  Griinhagen  et  Mark- 
graf. Lebns  und  Besitzurkunden  Schlesiens  und  seiner  einzelnen  Fîirstenthumer 
iin  Miltelalter.  Leipzig,  Hirzel.  —  Neudegger,  Gescbicbte  der  bayeriseben 
Archive  neuerer  Zeit  bis  zur  Hauptorganisation  1799.  Munich,  Ackermann.  — 
Rosenlhal.  Beitroige  zur  deutschen  Stadtrecbtsgcscbicbte.  Wurzbourg,  Stuber. 

—  Schmidl.  Urkundenbuch  des  Hochstifls  Halberstadt  und  seiner  Biscbœfe. 
Leipzig,  Hirzel.  —  Wirtembergisches  Urkundenbuch.  Bd.  IV.  Stuttgart,  Aae. 

—  K,  von  Krosigk,  Urkundenbuch  der  Farnilie  von  Kroslgk.  Halle,  Schmidt. — 
Fleischfresser.  Die  politiscbe  Stellung  Hamburgs  in  der  Zeit  des  30  j«ehr. 
Krieges,  I,  1618-26.  Hambourg,  Jenichen.  —  Gebhardt.  Tbiiringiscbe  Kirchen- 
gescbicbte.  Bd.  111.  Gotha,  Perthes.  —  Codex  diplomaticus  salemitanus,  4*  Lfg, 
1259-66.  Carlsrube,  Braun.  —  Sinenius.  Die  Reforination  und  Gegenrefonnation 
in  der  ebemaligcn  Herrschaft  Breisig  am  Rbein.  Barmen,  Klein.  —  Wachter. 
Gescbicbtscbreiber  Schlesiens  des  XV  Jabrb.  Breslau,  Max.  —  Haussier, 
Urkundensammlung  zur  Gescbicbte  des  Fiirstentbums  Œls  bis  zum  Aussterben 
der  Piastiscben  HerzogsUnie.  Breslau,  Max.  —  Weizel.  Die  Liibecker  Briefe 
des  Kieler  SUdUrcbivs  1422-1534.  Kiel,  libr.  de  l'Université. 

Antiquité.  —  Curtius  et  Kaupert.  Karten  von  Attika.  Heft  2.  Berlin,  Reimer. 

—  Rœhl.  Imagines  inscriptionum  graecarum  anliquissimarum  in  usum  schola- 
rum.  Ibid.  —  Braumann.  Die  Principes  der  Gallier  u.  Germanen  bei  Gsesar 
u.  Tacitus.  Berlin,  Ilabel.  —  0.  Lenel,  Das  Edictum  perpetuum.  Leipzig, 
Tauchnitz. 


CBIONIQUB   ET   BIBLIOT.EAPBIB.  4K4 

HisTOfEE  BTRANOÀRB.—  Brouh.  Lord  Bolingbroke  iind  die  Whig»  und  Tories 
«einer  Zeit.  Frankfortftur-le-Mein,  liter.  An^Ult.  —  Handloike.  Die  lombtrdi»- 
chen  SUodte  unter  der  Herrftchafl  der  Bischœfe,  und  die  EnUtehung  der  Coin- 
munen.  Berlin,  Weber.  —  MonumenU  oomitialia  regni  TraasiiylTaniae,  t.  VIII. 
Leipzig,  Brockbaus.  —  Feuler.  Geschichte  Ton  Ungarn,  2*  èdiL  par  Klein.  Ibid. 
—  50  Jahre  ruMi»cher  Verwaltung  in  den  balliAchen  ProTinzen.  Leipzig, 
Dunrker  et  Homblot.  —  Hahn.  Bonifaz  und  Lull;  ihre  angelMechsiftchen  Cor- 
renpondenten.  Erzbiftcbof  LuH'r  Lebeo.  Leipzig,  Veit.  —  \%'attendor/f.  Papst 
Stephan  IX.  Paderborn,  Scbœningb.  —  Ludwig.  Der  heilige  Cbrynonlomus  in 
Minein  Verbœltnift8e  zum  byzantiniacbeo  llof.  Braunsberg,  Huye.  —  Tkun. 
Geftchichle  der  révolu tionaaren  Bewegung  in  Rus^land.  Leipzig,  Duncker  et 
lluinblot. 

Autriche-Hongrie.  —  Le  20  mars  est  mort  à  Vienne,  à  Tàgo  do 
39  ans,  le  I>  O.vyszkiewicz,  professeur  de  langue  et  de  littérature 
rutbènes  à  Czernowitz. 

—  Le  8  mai  est  mort  à  Tàge  de  quatre-vingts  ans  M.  le  D**  Smutkk, 
professeur  d'histoire  ecclésiastique  à  Tuniversité  de  Prague. 

—  Le  18  nov.  est  mort  à  Âgram  M.  Georg  Danttchich,  secrétaire  de 
r Académie  des  Slaves  du  Sud  et  professeur  à  Delgrade.  Il  était  profon- 
dément versé  dans  la  langue  et  l'histoire  slaves.  Ou  connaît  son  grand 
dictionnaire  historique  slave,  qu'il  laisse  inachevé;  en  fait  d'histoire  il 
il  publié  les  monographies  des  saints  Sabas  et  Siméon,  composées 
par  le  moine  Dometian,  et  la  vie  des  archevêques  et  rois  de  Serbie, 
composée  (lar  Tarchevéque  Daniel. 

—  Le  D'  L.  Pastor  a  été  nommé  professeur  d'histoire  à  l'univorsité 
dlnnsbruck. 

—  On  a  mis  au  concours,  pour  le  prix  Moriz-Rappaport,  à  Vienne, 
le  sujet  suivant  :  c  Quelle  influence  ont  eue  les  médecins  juifs  sur  le 
judaïsme  et  sur  le  peuple  juif?  Étudier  cette  influence  surtout  au  moyen 
âge.  »  (Terme  :  15  oct.  1884.) 

—  Depuis  le  commencement  de  Tannée  parait  à  Prague  une  nouvelle 
revue,  Sbornik  historisky  ;  elle  se  consacrera  aux  études  historiques  en 
gémirai,  et  en  particulier  à  l'histoire  de  la  Fk)héme.  Le  rédacteur  en 
chef  est  M.  A.  Rëzëk,  professeur  à  runiversitc  de  Prague. 

LivEBs  NOUYiAUZ.  —  C  v<ni  Hcp/ler.  Zur  Kritik  und  Quellenkunde  der 
erHlen  Regierungsjahre  K.  KarU  V;  3'  part.  Vienne,  Gerold.  —  W.  TonuucKek. 
Zur  hifttoriHchen  Topographie  von  PerAien,  I,  die  StraftMnzùge  der  Tabula  Peu- 
lingerana.  Ibid.  —  Schram,  IltilfHtafcln  Vàr  Chronologie.  Ibid.  —  Uarrasow3k^. 
Der  Codex  TheodonianuA  und  seine  Uinarbeitungen.  Bd.  I.  Ibid. 

Grande-Bretagne.  —  On  annonce  la  mort  de  M.  John  Corn. 
O'  (Iallaqhan,  auteur  d'une  Ilistory  of  ttu  insh  brigades  in  the  srrrice  of 
France,  décédé  à  Dublin  le  24  avril  dernier. 

—  La  Pipe  roll  Society^  dont  nous  annoncions  dans  le  dernier  numéro 
la  prochaine  formation,  vient  de  se  constituer  avec  M.  Borlase  pour  pré- 
sident et  le  marquis  de  Bute  pour  vice- président.  Le  secrétaire  est 
M.  Greenstreet,  16,  Montpellier  road,   Peckham  (Londres};  le   prix 


482  CHROMQUE  ET  BIBLIOGRAPHIE. 

annuel  de  la  souscription  est  d'une  guinée.  Le  premier  volume  est  sous 
presse. 

—  La  Camden  Society  met  en  distribution  pour  Texercice  1882-83  le 
Catholicon  Anglicanum  et  le  t.  Yin  des  Camden  Miscellany,  Pour  1883-84, 
elle  donnera  :  1*  le  récit  officiel  du  voyage  à  Cadix  eh  162d  ou  plutôt  de 
Texpédition  dont  Téchec  eut  un  si  grand  retentissement  en  Angleterre  ; 
2*  le  note-book  de  Gabriel  Hervey,  intéressant  pour  Thistoife  de  Tuni- 
versité  de  Cambridge  à  Tépoque  d'Elisabeth;  3*  un  choix  de  pièces 
extraites  des  papiers  Lauderdale,  relatives  à  la  Restauration  en  Ecosse. 

—  Le  D^"  R.  Caulpield  de  Cork  a  donné  à  la  bibliothèque  de  Corpus 
Christi  Collège,  Cambridge,  60  mss.  sanscrits,  persans  et  hindous, 
réunis  par  M.  le  col.  Honnor. 

—  M.  W.  Stokes  est  chargé  de  publier  pour  la  collection  du  maître 
des  rôles  la  c  Vie  triparti  te  de  saint  Patrik,  >  contenue  dans  des  mss. 
irlandais  de  la  Bodleienne  et  du  British  Muséum.  M.  Martin  Rule  est 
chargé  de  VHistoria  novorum  d'Eadmer,  959-1122;  le  cartulairede  l'an- 
cienne abbaye  bénédictine  de  Ramsey  sera  publié  par  M.  W.  Hart  et 
par  le  Rév.  A.  Lyons  ;  celui  de  S'-Mary's  abbey  près  de  Dublin,  d'après 
un  ms.  de  la  Bodleienne;  le  volume  des  Year  books  pour  la  11*  et  la 
12«  année  d'Edouard  III,  par  M.  L.-O.  Pike;  une  nouvelle  édition  des 
Gesta  regum  de  Guillaume  de  Malmesbury,  par  M.  Stubbs;  un  recueil 
de  lettres  de  Jean  de  Salisbury,  évoque  de  Chartres  de  1176  à  1180. 

—  La  Société  archéologique  de  Kent  vient  de  publier  la  cinquième  et 
dernière  partie  des  Peet  of  Fines  (Pedes  fînium)  pour  le  comté  de  Kent 
pendant  le  règne  d'Edouard  II,  dont  les  extraits  ont  été  faits  par 
M.  Grebnstbeet.  La  Société  archéologique  pour  le  comté  d'York  songe 
à  entreprendre  pour  sa  part  un  travail  analogue. 

—  M.  James  Gairdner  s'est  chargé  de  réunir  et  de  publier  en  2  vol. 
les  préfaces  mises  par  feu  M.  Brewer  en  tête  des  volumes  des  State 
papers  concernant  Henri  VIII. 

—  M.  Edw.-A.  Freeman  prépare  un  nouveau  volume  de  mélanges 
archéologiques  et  historiques  sous  le  titre  English  towns  and  districts. 
Il  vient  aussi  de  publier  une  édition  abrégée  en  un  mince  volume  de 
son  Histoire  de  la  conquête  normande  (Clarendon  Press). 

—  Le  !«'  vol.  d'une  Histoire  du  comté  de  Renfrew,  par  M.  Al.  Gard- 
ner,  vient  de  paraître.  L'édition  est  tirée  seulement  à  350  ex. 

—  Le  rapport  de  la  Record  Society,  qui  accompagne  les  t.  VII  et  VIII 
dos  publications  de  cette  société,  annonce  que  les  Guild  rolls  de  Preston, 
qui  vont  de  1397  à  1682,  formeront  le  t.  IX;  l'index  aux  testaments 
enregistrés  à  Richmond  (comté  d'York)  par  le  lieutenant-colonel  Fish- 
wick  formera  le  t.  X  {The  Academy,  12  mai  83). 

—  Le  t.  I  du  Vêtus  registrum  Sarisberiense  vient  de  paraître  dans  la 
collection  du  Maître  des  rôles,  par  les  soins  du  Rév.  W.  U.  Rich  Jones, 


CBKnrQDE   RT   BIBLinGIAPBlE.  1H3 

chanoino  de  Salisbury,  do  mi^me  que  les  tomes  V  et  VI  du  De  legibus 
Angliae  de  Bracton. 

—  Sir  Charles  E.-F.  Stirlino  vient  do  publier  un  petit  vol.  in-4*  inli- 
tuh»  :  The  Stirlings  of  Craûjbernard  and  Giorat,  représentatives  of  the 
houxe  of  Cadder  and  the  earls  of  ïlothwell,  and  notices  of  thnr  cadets  ; 
Rome  leaves  of  Lennox  liistory,  >\-ith  an  appendix  of  charters  aud  other 
<iocuments  (n'est  pas  dans  le  commerce). 

—  On  doit  publier  prochainement  par  souscription  la  t  Visitation  of 
(iloucestershire  »  en  1683,  avec  des  additions  (lar  feu  sir  Th.  IMiillipps 
(Fenwick  et  Metcalfel. 

—  M.  le  col.  WfLsoN  vient  de  terminer  un  ouvrage  sur  Jacques  II  et 
le  duc  de  Berwick.  L'incendie  qui  a  détruit  les  magasins  de  MM.  Kegan 
Paul,  Trench  et  0<*,  en  retardera  sans  doute  l'apparition. 

—  Le  I)c  Ll'mby  a  complété  son  ÎMlition  de  THistoire  de  Richard  III 
par  More,  en  y  ajoutant  les  c  Conclusions  de  l'histoire  de  Richard  III  » 
qui  se  trouvent  dans  la  continuation  de  la  Chronique  de  Hardyng, 
Londres,  1543. 

—  On  vient  de  retrouver  le  rôle  des  membres  du  parlement  d'avril 
ir>14  ;  il  est  catalogué  dans  la  seconde  partie  de  l'Appendice  au  8«  rap- 
port de  la  Commission  des  mss.  historiques  ;  il  porte  le  n«  143  des  mss. 
KimboUon  ;  le  texte  de  ce  document  sera  publié  dans  le  prochain  numéro 
du  Palatine  Note^book, 

—  Une  4*  édition  des  Select  charters  de  M.  Stubbs  vient  de  paraître 
((]larendon  pressl  ;  elle  ne  diffère  en  rien  de  la  S^*  ni  de  la  2**.  Celles-ci 
contiennent  au  contraire  plusieurs  documents  d(>  plus  que  la  première. 
On  peut  donc  employer  et  citer  indifféremment  toute  autre  édition  ({ue 
celle-ci. 

UvRBs  NOUVKAUX.  —  Bîstet,  A  Hhorl  hiiitory  of  the  engliftb  Parliainent. 
liondrcs,  WIlliaiiiK  et  Norgate.  —Ch.'T.  WVton.  Theduke  of  Berwick,  marshal 
of  Francr,  1702-3*.  Ki'pan  Paul,  Trcnrh  et  C".  —  Loftie.  A  hlnlory  of  I^ndon, 
2  vol.  Stanford.  ^  J,'H.  Parker.  Jhc  archa«logy  of  Rome:  nouT.  mlil.  de  la 
i'}*  fiartie  :  the  via  sarra,  coiintaining  an  arcount  of  the  excavationA  in  Rome, 
1438-1882.  —  Shadweit,  The  architectural  hinlor)  of  the  cit)  of  Rome,  2*  êdit. 
Oiford,  Parker  et  C**.  ->  Chester,  RuKsia,  |»a!(t  and  présent  Soc.  for  promet. 
rhri*«t.  Knowledge. 

Italie.  —  M.  Ercole  Ricom,  décédé  à  Turin  le  24  févr.  dernier,  a 
lais.*<é  divers  travaux  historiques  estimés  :  Storia  délie  Compagnie  di 
Ventura  (1844-4r))  ;  Storia  délia  monarchia  piefnontese,  'î  vol.  parus  de 
181)1  à  1861);  deux  vol.  des  .Monument!  historiao  patriae,  où  il  a  publié 
le  •  Liber  jurium  reipublicae  (îenuensis,  >  sans  compter  divers  mémoires 
IMirus  surtout  dans  les  Actes  de  l'Académie  de  Turin,  et  la  (tart  active 
(|u'il  prit  à  la  grande  entreprise  faite  de  publier  les  Diarii  de  Marin 
Sanudo.  Il  était  né  à  Voghera  en  oct.  1816. 

—  M.  Scipiouo  VoLPtcELLA,  décédé  à  Naples  le  25  fevr.  dernier,  était 


484  CHRONIQUE   ET   BIBLIOGRAPHIE. 

né  le  5  août  1810  ;  on  lui  doit  une  Collezione  di  opère  inédite  o  rare  di 
storia  napoletana,  commencée  en  1839  et  bientôt  interrompue  ;  une 
Cronaca  di  notar  Giacomo  (1845)  ;  divers  mémoires  insérés  dans  TArchi- 
vio  de  la  Société  napolitaine  d'histoire  dont  il  était  président  à  sa  mort  ; 
des  études  sur  plusieurs  mss.  importants  de  )a  bibliothèque  nationale 
de  Naples  ;  une  Descrizione  storica  di  alcuni  principali  monumenti  délia 
città  di  Napoli,  etc.  VArchivio  storico  per  le  provincie  napoletane  donne 
une  liste  complète  de  ses  publications  (anno  VIII,  fasc.  1). 

—  Le  t.  XVI  des  Atti  de  la  Società  ligure  di  storia  patria,  qui  vient 
de  paraître,  contient  la  correspondance  des  représentants  génois  à 
Londres,  Franc.  Bernardi  et  C.  Fiesco,  à  Tépoque  de  Gromwell,  publiée 
par  M.  G.  Prayer.  Cette  correspondance  va  de  la  bataille  de  Worcester 
à  la  mort  du  Protecteur. 

—  La  grande  publication  des  Diarii  de  Marine  Sanuto  marche  régu- 
lièrement; il  y  a  aujourd'hui  10  volumes  publiés  ;  ils  vont  de  1496  à  la 
fin  de  juillet  1510. 

Espagne.  —  Don  Gayetano  Rossell,  directeur  de  la  Bibliothèque  natio- 
nale de  Madrid,  est  mort  le  26  mars  à  Tâge  de  67  ans.  Il  avait  publié 
une  Historia  del  combate  naval  de  Lepanto,  un  Discurso  sobre  la  expédia 
don  de  Oran,  la  Historia  de  la  ciudad  de  Madrid^  la  Cronica  de  la  pro» 
vincia  de  Madrid,  les  9  derniers  vol.  de  la  continuation  de  la  grande 
Histoire  d'Espagne  de  Mariana  (Polybiblion,  mai  1883). 

—  La  Revista  de  Archivos,  museos  y  bibliothecas ,  qui  avait  cessé  de 
paraître  (nous  en  donnions  autrefois  régulièrement  l'analyse),  vient  de 
renaître  sous  un  titre  légèrement  modifié.  Depuis  le  commencement  de 
l'année,  elle  paraît  par  fascicules  mensuels. 

—  M.  A.  F.  GuERRA  vient  de  publier  à  Madrid  (Hernandez)  le  drame 
de  Santa  Orosia,  composé  par  B.  Palan,  poète  aragonais  du  xvi«  s.,  et 
qui  se  rapporte  à  la  chute  et  à  la  ruine  de  l'empire  des  Visigoths  en 
Espagne.  Dans  l'étude  historique  et  critique  dont  il  a  fait  précéder  le 
texte,  M.  Guerra  expose  les  raisons  qu'il  a  de  croire  que  le  roi  Rodrigue 
a  survécu  à  la  bataille  de  Guadalete,  et  .qu'il  a  encore  exercé  pendant 
deux  ans  environ  un  certain  pouvoir  ;  on  a  de  lui  des  monnaies  frap- 
pées entre  711  et  713. 

—  M.  Fr.  Mateos  Gago  y  Fernandez,  dans  le  5®  vol.  de  la  Coleccion  de 
opusculos  (Séville,  Izquierdo),  a  consacré  un  long  mémoire  à  la  question 
de  la  papesse  Jeanne,  qu'il  rejette  avec  raison  parmi  les  fables. 

—  Le  t.  LXXIX  de  la  Coleccion  de  documentos  inédites  para  la  his- 
toria de  Espana  (Madrid,  Murillo)  renferme  les  deux  derniers  livres  de 
l'Histoire  des  Philippines  par  R.  Aganduru,  religieux  augustin  mort 
en  1626,  les  lettres  écrites  de  1685  à  1688  par  le  duc  de  Monlalto  à  Pedro 
Ronquillo,  ambassadeur  d'Espagne  en  Angleterre  ;  l'inventaire  de  l'Ar- 
meria  des  ducs  de  l'Infantado,  dressé  en  1643,  un  récit,  par  un  contem- 
porain resté  anonyme,  des  guerres  d'Italie  de  1511  et  1512  et  de  la 
bataille  de  Ra venue,  etc.  (Rev.  crit.,  1883,  n'  19). 


CHRONIQUE  ET  BIBLIOGRIPHII.  485 

—  M.  JiMENEz  DE  LA  EspADA  vient  de  publier  pear  la  i'*  fois  les 
Memorias  antiguas  historiales  y  politicas  del  Peru  par  d.  Fem.  Montesinos. 

Suède.  —  M.  Ad.  Noreen  a  commencé  à  Upsil,  aoas  le  titre  de  Aor- 
disk  Revy,  une  sorte  de  revue  critique  consacrée  au  compte-rendu  de 
livres  intéressant  aussi  bien  Tbistoire  étrangère  que  celle  des  États  du 
Nord. 

LivRBS  NOUVEAUX.  —  FfifxeU.  Bidrag  till  STeriges  historia  efler  1772.  Stoc- 
kholm, Lianstrœm.  ~  WeibulL  GuAtav  II  Adolf.  Ibid.  —  BJcerlin.  Finaka 
kriget,  1808-9.  Stockholm .  Norstedt.  -—  C,  de  Silversiolpe,  Svenskt  diplomt- 
tarium  frân  och  roed  âr  1401  ;  t.  II,  3*  fasc.  Ibid. 

Rnsaie.  —  M.  Vincent  Makouchev,  professeur  de  littérature  slave  à 
l'université  de  Moscou,  est  mort  le  15  mars  dernier  à  T&ge  de  44  ans.  il 
a  publié  les  «  Témoignages  des  auteurs  étrangers  du  vi«  au  x*  s.  rela- 
tifs à  la  vie  privée  et  aux  mœurs  des  Slaves  >  (1860),  des  «  Matériaux 
pour  servir  à  l'histoire  des  relations  diplomatiques  avec  la  république 
de  Haguse,  »  une  c  Dissertation  sur  les  monuments  historiques  et  les 
historiens  de  Ragnse,  ■  des  c  Recherches  historiques  sur  les  Slaves  de 
r Albanie  au  moyen  âge  »  {Polybiblion,  1883,  mai). 

UvEBS  NOUVEAUX.  —  Mitlheilangeo  aus  der  Livlaendischen  Geschiclite. 
Bd.  XII.  Riga,  Kyismel.  —  Keussler.  Zur  Geschichle  uod  Kritik  des  bauerli- 
chen  Gcmeindebesilzes  in  RusHland,  2*  partie.  Pétersbourg,  Ricker.  —  SchiC' 
ifuififi.  Der  «Iteste  fvchwedische  Rataster  LiT-uDd-Esllands.  Reval,  Kluge. 

Orèce.  —  Un  musée  va  être  construit  à  Olympie,  sur  les  plans  de 
M.  Adler,  pour  recueillir  les  nombreux  objets  qu'ont  mis  à  jour  les 
fouilles  exécutées  sur  l'emplacement  de  cette  ville. 

Pasrs-Bas.  —  I^  29  avril  dernier  est  mort  M.  le  !>  Régnard  Pierre 
Aune  DozY,  professeur  d'histoire  universelle  à  l'université  de  Leyde. 
Né  ù  Leydc  le  21  février  1820,  il  fut  nommé  professeur  en  1850.  I^s 
principales  œuvres  par  lesquelles  il  a  illustré  la  chaire  qu'il  occupait  et 
qui  lui  ont  fait  acquérir  une  réputation  européenne  sont  les  suivantes  : 
Historia  Abbadidarum  pmemissis  scriptorum  Arabum  de  ea  dynastia 
loris,  nunc  primum  editis,  trois  tomes,  Lieydo,  184C-1863  ;  Dictionnaire 
des  notns  des  vêlements  chez  les  Arabes,  Amsterdam,  i846,  ouvrage  cou- 
ronné par  la  3«  classe  de  l'Institut  royal  néerlandais  ;  Abdo'l  Wàhid^l" 
Mavrékoski,  the  history  of  the  Almohades,  preceded  by  a  sketch  of  the  /iti- 
tory  ofSpain  and  of  the  history  of  the  Almoravide^,  now  first  edited  firom 
a  ins,  in  the  library  of  Leyden^  the  only  one  existant  in  Europe,  I^yde, 
1847,  livre  réimprimé  en  1881  ;  divers  ouvrages  arabes  en  cinq 
livraisons  qui  contiennent  :  Ibn-Badroun,  commentaire  historique  sur 
le  poème  d'Ibn-Abdoun,  Ibn-Adhari  de  Maroc,  Histoire  de  l'Afrique 
et  de  l'Espagne ,  intitulée  :  Al  -  RayanoU  -  Nogrib  ,  fragments  de 
la  chronique  d'Arib  de  Gordoue,  le  tout  publié  pour  la  première 
fois,  I^eyde,  1848-1851  ;  des  c  Recherches  sur  Thistoire  politique 
et  littéraire  de  TEspagne  pendant  le  moyen  âge,  >  2  volumes,  Leyde, 
1 8 VJ,  ouvrage  réimprimé  plus  d'une  fois;  c  Sur  Tinfluence  favorable 
exercée  par  les  révolutions  en  France  depuis  1789  sur  1  étude  de  l'his- 


\)^  MM'//'//*,  4^m*  *^  *?tf.vi  r^r  "Un-r    3i«wr  ses  *- 
^HUoh  ♦•/'♦A  ifi^  .^^»*i    .î*t»ni  «  ^-4iru.    \<^ï^'*. 


^^>/     7  U,  'h        Hi^ff/Kff,  i/mU  %tS'  ^  C^itUMn^:  III  :  kî%U«re  4e»  dnx 
^^.^         i   /iff,l.#t*    lUIi*  ^  f ^î<WM%#MiMr  ;  i^^itMfM,  l«ltre«  a  arts  :  boot.  édit. 

l\t^^*HA¥ui.  %oufi^  m.  V*  ai*  frtfl.,  1l$^yi.  I^p»&  Dwairker  et  Hum' 
f/Z/^l,  tni  '4(fK  u  Ut  ^.  l'rU  :  2/'  w,  -  »ii/v;«a»,  Paptt  Inootenz  III  ood  seioe 
/M^  Pf^y^m^  Ht  h  WMtSff,  Mfi'U'i  V  *»'ï'^'  ''"*  '  ^  "*'  —  '^'*''-  ''•  <*•  ^<»-'"- 
*♦//.. 1*^/  >i  »Mi'l  \i'itH  \St'f\\u,  MlWl^îr,  iJt-Vi^  'ît  65  p,  io-S*.  Prii  :  7  m.  —  Ha»- 
*>Ht»  litt*t  Hiiitiitn^^iti^fht'iiUini  hh  ztir  UiiUs  d«  XlVea  Jabrh.  GieMeo,  Ric- 
^tj,  »t  i/n\t  ht  «•,  JnUtt'uUfrkUi  titrr  r;#;M:hichUwi»ftcn»<ïlufl,  3« année,  1880. 
hn^ht,  MlMIi^         .//iMiikM.  hUuiitt\t*r  nui  Huichi^tage  zu  Worros  1521.  Kiel,  Li[»- 


LISTE  DES  LITRES   DÏPOSfe  AU   BUREAU    DE  LA  RETUE.  487 

sias  et  Tiscber,  72  p.  iii-4*.  —  Lanowbrth  von  Simmben.  Voo  1790  bis  1797  ; 
der  ReToluUonskrieg  im  Lichte  uoserer  Zeit.  Hanovre,  Braodes,  180  p.  in- 12. 
Prix  :  1  m.  80.  —  Lossius.  Die  Urkunden  der  Grafen  de  Lagardie  in  der  Uni- 
versitœtsbibliotheke  zu  Dorpat.  Dorpat,  Rœhler,  xiz-158  p.  in-8*.  —  Nitzsgh. 
Gescbichte  des  deutscben  Volkes  bis  zuin  Augsburger  Reforinationsfrieden, 
Bd  1.  Leipzig,  Duncker  et  Hamblot,  zyiu-372  p.  in-8*.  —  Politiscbe  Gorres- 
pondenz  Friedrich's  des  Grossen,  Bd  VIII,  IX.  Berlin,  Duncker,  605  et  463  p. 
in-8*.  —  Prutz.  Kulturgescbicbte  der  Kreuzziige.  Berlin,  MittJer,  xxi-642  p. 
in-8*.  Prix  :  14  m.  —  Rbumont.  Lorenzo  de'  Medici  il  Magnifico.  2*  éd.,  2  vol. 
437  et  499  p.  in-8*.  Leipzig,  Dancker  et  Huroblot.  —  Simson.  Jabrbùcher  des 
frœnkiscben  Reiches  unter  Karl  dem  Grossen.  Bd  II.  Leipzig,  Duncker  et 
Humblot,  650  p.  in-8*.  Prix  :  14  m.  ^  Stibyb.  Briefe  und  Acten  zur  Gescbicbte 
des  30  jffibr.  Krieges  in  den  Zeiten  des  Torwaltenden  Einflusses  der  Wittels- 
bacber;  Bd  V  :  die  Politik  Bayerns  1591-1607,  2*  Hœlfle.  Municb,  Rieger, 
984  p.  in-8".  —  Ulbjgb.  Gescbichte  des  rœmiscben  Kœnigs  Wilbelro  von  Hol- 
land,  1247-56.  Hanovre,  Hahn,  137  p.  in-Ç*.  Prix  :  2  m.  40.  —  Wiboand.  Urkun- 
denbucb  der  Stadt  Strasburg.  Strasbourg,  Triibner. 

Bbbr.  Die  orientalische  Politik  Œsterreicbs  seit  1774.  Prague,  Tempsky  ; 
Leipzig,  Freytag,  viii-832  p.  in-8*.  Prix  :  24  m.  —  Sickxl.  Das  Privileginm 
Otto's  I  Air  die  rœmische  Curie  vom  Jahre  962.  Innsbruck,  Wagner,  v-182  p. 
in-8*.  —  WoLF.  Historische  Skizzen  ans  Œsterreich-Ungam.  Vienne,  Hœlder, 
299  p.  in-8'.  • 

WiBRZBOwSKi.  Christophori  Varsevicii  opuscula  inedita  ad  illustres  viros 
epistolae  caeteraque  documenta  vitam  ac  res  gestas  ipsins  illustrantia.  Varso- 
viae,  Berger,  vii-276  p.  in-8". 

Amabilb.  Fra  Tommaseo  Campanella  ;  la  sua  congiura,  i  suoi  prooessi  e  la 
sua  pazzia.  3  vol.  ui-378,  443  et  669  p.  in-8*.  Prix  :  20  1.  Naples,  Morano. 
—  Cantarblu.  I  latini  juniani.  Bologne,  Garagnani,  110  p.  in-8*.  —  Cblbsia. 
Storia  délia  letteratura  in  Italia  ne'  secoli  barbari.  Gènes,  iinpr.  des  sourds- 
muets,  vol.  II,  425  p.  in-8*.  Prix  :  4  1.  —  Faraoua.  Il  comune  nell'  Italia 
méridionale  1100-1806.  Naples,  Furcbheim,  zvii-419  p.  in-8*.  Prix  :  10  1.  — 
C.-A.  DB  Gbrbaix-Sonnaz.  Studi  storici  sul  contado  di  Savoia  e  marchesato  in 
Italia.  Vol.  I,  l'*  part.  Turin,  Roux  et  Favale.  —  Poooi.  Storia  d'Italia  1814-46. 
2  vol.  Florence,  Barbera,  592  et  612  p.  in-16.  Prix  :  4  fr.  50.  —  Tommasini.  La 
vita  e  gli  scritti  di  Niccolô  Machiavelli  neila  loro  relazione  col  Machiavellismo. 
Vol.  I.  Turin,  Lœscher,  xxvii-744  p.  in-8*. 

Fahlbbgk.  La  royauté  et  le  droit  royal  francs  durant  la  première  période  de 
l'existence  du  royaume,  486-614;  traduit  du  suédois  par  Kramer.  Lund,  librairie 
universitaire  (Gleerup),  zv-346  p.  in-8*. 


Erratum  du  précèdent  numéro. 

P.  244,  1.  20,  lire  :  english  Pariiament. 

—         24,    —     lord  Ilawke,  first  lord  of  Admiralty 


486  CHUO!nQUE  ET  BIBLIOGRAPHIE. 

toire  (lu  moyen  âge,  »  discours  inaugural  (en  hollandais),  Leyde,  1850; 
«  le  Gid,  d'après  de  nouveaux  documents,  i  Leyde,  1860  ;  c  Histoire 
des  Musulmans  d'Espagne  jusqu'à  la  conquête  de  FAndaloiisie  par  les 
Almoravides  (711-1110),  i  quatre  tomes,  Leyde,  1861  ;  c  nslamisme  » 
(en  hollandais),  réimprimé  en  1879,  et  traduit  en  français  par  M.  Ghanvip 
sous  le  titre  :  Essai  sur  Vhistoire  de  l'Islamisme  (1879)  ;  c  les  Israélites  à 
la  Mecque,  depuis  le  temps  de  David  jusque  dans  le  v*  siècle  de  notre 
ère  »  (en  hollandais),  Harlem,  1864  ;  c  Orientalia,  liste  explicative  des 
mots  néerlandais  originaires  de  l'arabe,  de  l'hébreu,  du  chaldéen,  du 
perse  et  du  turc  >  (en  hollandais),  1867  ;  «  le  Calendrier  de  Gordoue  de 
l'année  961,  texte  arabe  et  ancienne  traduction  latine,  ■  Leyde,  1873  ; 
c  Supplément  aux  dictionnaires  arabes  ;  ■  «  Al-Mahkari,  analectes  sur 
l'histoire  et  la  littérature  des  Arabes  d'Espagne,  »  publiés  en  collabo- 
ration avec  MM.  Duhat,  Krehl  et  Wright,  1855-1861. 

Tous  ceux  qui  ont  eu  l'avantage  de  connaître  M.  Pozy  ou  d'étudier 
ses  œuvres  regretteront  la  grande  perte  que  la  science  historique  et  celle 
de  l'arabe  ont  faite.  Ge  qu'on  admirait  surtout  en  lui,  c'était  une  rare 
sagacité  unie  à  un  savoir  d'une  étendue  considérable,  à  un  talent 
éminent  de  critique  et  à  beaucoup  de  profondeur  de  vues  et  de  maturité 
de  jugement.  Les  orientalistes  qui  s'assembleront  au  mois  de  septembre 
prochain  au  congrès  de  Leyde  se  souviendront  de  la  perte  de  celui  qui 
aurait  été  leur  président.  J.-A.  W. 


LISTE  DES  LIVRES  DÉPOSÉS  AU  BUREAU  DE  LA  REVUE. 

{Nous  nHTuUquotu  pas  ceux  qui  ont  été  appréciés  dans  les  Bulletins 

et  la  Chronique.) 


BouRooiN.  Valentiii  Conrart  et  son  temps,  1603-75.  Hachette,  356  p.  in-8%  — 
R.  DE  Maulde.  Jeanne  de  France,  duchesse  d'Orléans  et  de  Berry,  1464-1505, 
d'après  des  documents  inédits.  Champion,  xi-486  p.  in-8'.  —  C**  Pajol.  Les 
guerres  sous  Louis  XV,  t.  II,  1740-48,  Allemagne.  Firmin-Didot,  527  p.  in-8*. 
—  Perey  et  Mauoras.  Les  dernières  années  de  M*  d'Epinay.  C.  Lévy,  in-8». 
Prix  :  7  fr.  50.  —  Retnald.  Louis  XIV  et  Guillaume  III  ;  histoire  des  deux 
traités  de  partage  et  du  testament  de  Charles  II.  Pion,  2  toI.,  xi-376  et  395  p. 
in-8*.  —  J.  Zeller.  Italie  et  renaissance  ;  politique,  lettres  et  arts  ;  dout.  édit. 
2  vol.,  iv-428  et  496  p.  in-l2. 

Bernhardi.  Konrad  III,  !'•  et  2*  part.,  1138-52.  Leipzig,  Duncker  et  Hum- 
hlot,  viii-968  p.  in-8».  Prix  :  20  m.  —  Brisghar.  Papst  Innocenz  III  und  seine 
Zoit.  Fribourg-en-B.,  Herder,  xvi-342  p.  in-12.  Prix  :2  m.  —  Frhr.  v.  d.  Goltz. 
Rossbach  und  lena.  Berlin,  Millier,  ix-308  et  65  p.  in-S*.  Prix  :7  m.  —  Har> 
NACK.  Dus  Kurfùrstencollegium  bis  zur  Mille  des  XlVen  Jahrh.  Giessen,  Rie- 
ker,  xi-270  [).  in-8'.  —  Jahrcsbericbt  der  Geschichtswissenschafl,  3*  année,  1880. 
Berlin,  Mittlcr.  —  Jansen.  Aleander  am  Reichslage  zu  Worms  1521.  Kiel,  Lip- 


LISTE  DES  UTRBS   Dl(POSfe  AU    BURBAU   DE  Ll   RBTTE.  487 

Bios  et  Tiftcher,  72  p.  io-4*.  —  Lanowbrth  von  Simmbin.  Voo  1790  bis  1797; 
der  ReToluUonskrieg  im  Lichte  unserer  Zeit.  Hanorre,  Brandes,  180  p.  in- 12. 
Prix  :  1  m.  80.  —  Lossius.  Die  Urliundeo  der  Grafeo  de  Lagardie  in  der  Uni- 
versiUetBbibliothelLe  zu  Dorpat.  Dorpat,  Kœbler,  xiZ'158  p.  in-8*.  —  Nitssch. 
Gescbichte  des  deolscben  Volkes  bis  zom  Aogsburger  Reformationsfrieden , 
Bd  1.  Leipzig,  Dunclier  et  Homblot,  xtiii-372  p.  in-8*.  —  Poliliscbe  Corres- 
pondenz  Friedrich's  des  Grossen,  Bd  VIII,  IX.  Berlin,  Duncker,  605  et  463  p. 
io-8*.  ~  Pairrz.  Kultorgeschicbte  der  Kreuzziîge.  Berlin,  Millier,  xxi-642  p. 
io-8*.  Prix  :  U  m.  —  Reumont.  Lorenzo  de'  Medici  il  MagnUico.  2*  éd.,  2  roi. 
437  et  499  p.  in-8*.  Leipzig,  Duocker  et  Homblot.  ~  Simson.  Jabrbiicber  des 
frœnkiscben  Reicbes  anter  Karl  dero  Grossen.  Bd  II.  Leipzig,  Duncker  et 
Humblot,  650  p.  in-8*.  Prix  :  14  m.  —  Stibtb.  Briefe  und  Aclen  zur  Geschicbte 
des  30  jœbr.  Krieges  in  den  Zeiten  des  vorwaitenden  Einflusses  der  Wittels- 
bacher;  Bd  V  :  die  PoliUk  Bayerns  1591-1607,  2«  Hœifle.  Munich,  Rieger, 
984  p.  in-8'.  —  Ulbigh.  Gesehichte  des  rœmiscben  Kœnigs  Wilhelm  von  Hol- 
land,  1247-56.  Hanovre,  Hahn,  137  p.  in-Ç*.  Prix  :  2  m.  40.  —  Wiboand.  Urkun- 
denbuch  der  Stadt  Strasborg.  Strasbourg,  Triibner. 

Bbkr.  Die  orientalische  Politik  Œsterreichs  seit  1774.  Prague,  Tempsky  ; 
Leipzig,  Preytag,  yiii-^32  p.  in-8*.  Prix  :  24  m.  —  Sigkxl.  Das  Privileglum 
Otto's  I  fur  die  rœmiscbe  Curie  Tom  Jahre  962.  Innsbrurk,  Wagner,  v-182  p. 
in-8*.  —  WoLP.  Historische  Skizzeo  aus  Œsterreich-Ungam.  Vienne,  Hœlder, 
299  p.  in-8'.  • 

WiBRZBOwSKX.  Ghristophori  Varsericii  opuscula  inedita  ad  illustres  riros 
epistolae  caeteraque  documenta  ritara  ac  res  gestas  ipsius  iilustrantia.  Varso- 
viae,  Berger,  tii-276  p.  in-8'. 

Amabilk.  Pra  Tommaseo  Campanella;  la  sua  coogiun,  i  suoi  processi  e  la 
sua  pazzia.  3  roi.  ui-378,  443  et  669  p.  in-^*.  Prix  :  20  1.  Naples,  Morano. 
—  CANTAmsLU.  I  latini  juniani.  Bologne,  Garagnani,  110  p.  in-8'.  ~  Cblbsia. 
Storia  délia  letteratura  in  Italia  ne'  secoli  barbari.  Gènes,  iinpr.  des  sourds- 
muets,  vol.  II,  425  p.  in-8*.  Prix  :  4  I.  —  Fa&aoua.  11  comune  nell'  Italia 
méridionale  1100-1806.  Naples,  Furchheim,  xyii-419  p.  in-8*.  Prix  :  10  I.  — 
C.-A.  OB  Gbrbaix-Sonnaz.  Studi  storid  sul  contado  di  Savoia  e  marchesato  in 
IUlia.  Vol.  I,  1**  part.  Turin,  Roux  et  Farale.  —  Poooi.  Storia  d'IUlia  1814-46. 
2  Tol.  Florence,  Barbera,  592  et  612  p.  in-16.  Prix  :  4  fr.  50.  —  Tommasini.  La 
Tita  e  gli  scritti  di  Niccolô  Machiarelli  nella  loro  relazione  r4>l  Macbiarellismo. 
Vol.  I.  Turin,  Lœscher,  xxvu-744  p.  in-8*. 

Farlbbck.  La  royauté  et  le  droit  royal  francs  durant  la  première  période  de 
l'existence  du  royaume,  486-614;  traduit  du  suédois  par  Kramer.  Lund,  librairie 
universitaire  (Gleerup),  xt-346  p.  in-8*. 


Erratum  du  précédent  numéro. 

P.  244,  I.  20,  lire  :  english  Pariiament. 

—         24,    —      lord  Hawke,  lirst  lord  of  Adroiralty 


488  TABLE  »CS  HATIÈIES. 


TABLE  DES  MATIÈRES. 


ARTICLES  DE  FOND. 

FusTEL  DE  CouL  ANGES.  Étude  SU  F  Timmonité  mérovingieime  .  249 
Ch.  Dardieb.  Jean  de  Serres,  historiographe  du  roi;  sa  vie  et 

ses  écrits 291 

\^  G.  d'Avenel.  La  fortune  de  la  noblesse  sous  Louis  XTTT  (fin).  i 
F.  Décrue.  Les  idées  politiques  de  Mirabeau  (suite)  .    .     .     .41,  329 

MÉLANGES  ET  DOCUMENTS. 

X.  MossMANN.  Un  fonctionnaire  d'empire  alsacien  au  xr?«  s.  : 

Bernard  de  Bebelnheim 66 

R.  DE  La  Blancuèrb.  Excidium  Montisfortini,  1557  ....  345 

H.  Taine.  Un  document  inédit  sur  Latour M' Auvergne  (1793)  .  98 

BULLETIN  HISTORIQUE. 

Allemagne.  Publications  sur  Thistoire  romaine  (H.  Haupt)   .  114 

Angleterre.  Publications  sur  Thist.  moderne  (H.  B.  George).  395 

France  (G.  Monod,  Ch.  Bémont) 101,376 

Roumanie  (A.  D.  Xenopol) 408 

CORRESPONDANCE. 

Lottros  de  M.  Ern.  Glasson  et  de  M.  E.  Michaud 150 

COMPTES-RENDUS  CRITIQUES. 

Baudrillart.  Histoire  du  luxe,  t.  III  (Bayet) 170 

Borner  Taschenbuch  1880-81  (Favre) 103 

Boos.  Urkundenbuch  der  Landschaft  Basel  (Mossmann)  .  .  .  415 
Brinkmaier.   Praktisches  Handbuch  d.  hist.  Chronologie  aller 

Zeilon  (Paoli) 157 

Bruwaert.  Mémoires  de  Jacques  Carorguy,  1582-95  ....  183 
Ik'DiNBKY.  Die  Ausbreitung  d.  latein.  Sprache  liber  Italien  und 

d.  Provinzen  d.  rœmischen  Reiches  (A.  de  J.) .     .     .  156 

(^ARTAULT.  De  causa  Harpalica  (Lallier) 413 

CiPOLLA.  Storia  politica  d'Italia 164 

Flammermont.  Histoire  des  institutions  municipales  de  Senlis.  438 

Fonles  reruiii  Bernensium,  t.  Il  et  III 159