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17
)
REVUE
HISTORIQUE
REVUE
HISTORIQUE
Paraissant tous les deux mois.
Ne q¥id faUi audêat, ne qmd veri nom audeal kiUoria,
CiCÙlOR, de OraL II, i5.
HUITIÈME ANNÉE.
TOME VINGT-DEUXIÈME
Mal-Août 1883.
PARIS
LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE et C
108, BOULEVARD S AINl^ GERMAIN
AU COIN DE LA aUE HAUTEFBUILLB
1883
LA
FORTUNE DE LA NOBLESSE
SOUS LOUIS XIII
(SuiU et fin.)
IL
DÉPENSES ET CHARGES.
L — Service du Roi. — Causes de ruine ; obligations qu' im-
pose le service militaire. — Dignités onéreuses ; aucun
moyen de s'enrichir, — Le commerce et V opinion, — Les
gentilshommes nécessiteux.
Cependant, tandis que les revenus diminuent, les dépenses
augmentent. Dépenses de luxe ou de nécessité, facultatives ou
obligatoires, vont toujours croissant; de là un état de gêne
visible. « Les nobles, disait l'évêque de Luçon en 1614, aussi
pauvres d'argent que riches en honneur et en courage, ne peuvent
avoir ni charges en la maison du roi, ni ofiBices en la justice,
puisqu'on ne parvient plus à tels honneurs que par des moyens
dont ils sont dépourvus ^ » Les dons, les subventions n'allaient
pas à la masse de la noblesse ; un petit nombre seulement en pro-
fitait. Pendant qu'un Nicolas de l'Hôpital gagne à la cour
120,000 liv. de rente, qu'un comte de Nogent, venu à Paris
avec 800 liv. de revenu, s'en retourne à la mort de Louis XIII
avec 180,000, qu'il avait acquises par son adresse', un grand
1. Richelieu, Mém.f I, 84.
2. L'Hôpital avait eu 4,000 liv. de rente de légitime de ses parents. Nogent
était capitaine des coches de la porte et frère de Gaillaome de Bautni.
ReV. HiSTOB. XXII. i«' PA8C. i
2 G. D^ATENEL.
nombre d^anciennes familles, « ruinées par les dépenses aussi
bien que par les dévastations qu'entraînent à leur suite quarante
années de guerre civile, voient leurs biens passer entre les mains
de créanciers * . » Un édit avait déclaré incompatibles les grands
offices de cour et d'armée (maréchal de France, colonel de gens
depied, gouverneur de province, etc.), « afin, disait le roi, que nous
ayons moyen de récompenser notre noblesse, et que plusieurs se
puissent ressentir de nos libéralités et bienfaits '. » Cet édit ne fut
pas observé ; Teût-il été, on ne pouvait songer à donner des
postes lucratifs à un corps de plusieurs centaines de mille
hommes.
€ Le tiers, écrivait-on au xvi* siècle, est le plus populeux
des trois états : sersiit le plus riche si Ton prenait moins sur lui.
La noblesse est le moindre en nombre, le moins riche de tous
les trois ; mais sur lui, le prince ne prend rien que le service de
répée^. » Ce genre de service était fort onéreux. Durant la guerre
de Trente ans, les. gentilshommes, « pour se trouver en bon équi-
page dans les armées, avaient tellement prodigué leurs biens,
que la plupart en étaient très incommodés, jusques à souffrir des
condamnations en leurs personnes etdes saisies en leurs biens »
On dut, pour les mettre à même de continuer leur service et les
sauver d'une entière ruine, « défendre de les constituer prison-
niers pour dettes, et de faire vendre leurs biens par décrets ^ »
Les pensions avaient beau être augmentées, « la noblesse, qui
achetait au prix de son sang l'argent qu'on lui donnait, en
dépensait deux fois autant de son patrimoine, et laissait bien
souvent ses enfants nécessiteux ^. » On commence à parler sous
Richelieu des « pauvres gentilshommes, » à s'occuper de les
secourir, de « les employer avec bons appointements, » de faire
instruire gratuitement leurs flls^. Les comptes de l'Epargne men-
1. Picot, Etats généraux ^ IV, 154. a Elles réclamaient le droit de retirer
en 1614 les biens vendus depuis 1575, moyennant restitution de la somme ver-
sée. 0 Guizot {Ilist, de la Civilisation, 356) signale le même fait en Angleterre.
« La ch. des Lords était au commencement du xvu" siècle beaucoup moins
riche que la ch. des Communes, i
2. Edit de mai 1579.
3. Hurault, Discours (en 1591), p. 29.
4. Déclaration du Roy, 29 avril 1639.
5. Discours du P. P. de la Ch. des comptes en décembre 1626.
6. Déclaration du 16 février 1626.
LA FORTUITE DE LA NOBLESSE SOUS ^OITIS XIII. 3
tionnent sans cesse des « gentilshommes nécessiteux » à qui le
roi feit don de quelque monnaie « par charité et aumâne. > A
côté d'un 4c pauvre roulier » qui reçoit 12 liv. « en considération
de sa pauvreté », et « d'une pauvre femme à terme de maladie »
qui en reçoit 45, figurent de « pauvres gentilshommes » qui ont
obtenu 10, 12 ou 16 liv. pour < les aider à vivre » ou « subvenir
à leur nécessité ^ . »
Pour ceux qui exerçaient les grands commandements, qui
possédaient les dignités enviées, à côté des bénéfices, il y avait
les obligations ruineuses de l'emploi. Un colonel, un capitaine
était moralement tenu de payer de sa poche la solde de ses
hommes, si l'État ne le faisait pas. Un gouverneur s'engageait
tacitement à réparer avec son propre argent, s'il le fallait, —
et il le fallait souvent, — les remparts de la citadelle que S. M.
lui avait confiée. Le remboursement de ces avances s'efiectuait
ensuite difficilement ; on devait mettre en jeu de hautes influences
pour l'obtenir. La plupart ne l'obtenaient jamais : le maréchal
de Brezé se plaint des lourdes dépenses que lui occasionne le gou-
vernement de Calais (1636). D lui faut avancer la solde de la
garnison ; « il a vendu à cet efiet sa vaisselle d'argent ; il doit
envoyer tousles samedis 2,000 fr. à Calais; il s'y ruine*. » « Les
gouverneurs de la Capelle et du Catelet, dit avec indignation
Fontenay-Mareuil, se persuadaient tellement que le roi était
obligé de pourvoir à tous leurs besoins, qu'ils n'avaient pas
voulu mettre un denier du leur à l'entretien de leurs murailles '. »
D'autres dépenses somptuaires étaient inséparables des titres de
cour. Les capitaines des chasses traitaient le roi quand il venait
dans ses châteaux ; Bassompierre dépense ainsi 10,000 écus en
dix-sept jours qu'il reçoit Henri IV à Monceaux ^
1. Compte de l'Épargne, KK, 201, fol. 3505 (en 1614). Arch. nationales.
« 2. Lettres etpap, d'État, Y, 575. Urbain de Maillé, marquis de Brezé, 1597-
1650. De la maison de Maillé; mais la maison de Brezé étant entrée dans la
sienne, il en devait porter le nom. Epousa (1617) Nicole du Plessis-Richelieu,
sœur du cardinal, qui mourut en 1635, folle et enfermée; 1620, capitaine des
gardes de la reine; ambassadeur, 1627; 1632, capitaine des gardes du roi;
1632, maréchal de France, plus tard vice-roi de Catalogne. Le cardinal dégagea
tout son bien ; Brezé eut pour maîtresse la femme d'un de ses valets de chambre,
avec qui il vécut scandaleusement. Gouverneur d'Anjou et de Saumor; il y
était peu aimé de la noblesse.
3. Font.-Mareuil, Mém,, 251.
4. Mém,, 129.
G. d'aYBNEL.
On ne s'enrichissait pas toujours à la guerre. Condé demandait
10^000 écus « pour se mettre en équipage » aân de combattre le
duc de Rohan ; mais tout le monde ne pouvait se faire indemni-
ser ainsi d'avance de ses frais d'entrée en campagne ^ Le comte
d'Harcourt n'avait d'autre bien que son épée *. Le duc de Weimar
ne laisse en mourant que les 40 ou 50,000 liv. de rente qu'il
avait reçues de sa maison ^. On songe à donner au maréchal de
Guébriant la ferme des cartes à jouer pour l'aider à vivre, « parce
qu'il n'a d'autre vaillant que l'honneur *. » En revanche on se
ruinait souvent dans les armées. Le duc de Villars y mangea
800,000 écus d'argent comptant, et 60,000 liv. en fonds de
terre '^. La vie de hasard que l'on mène à la guerre n'est pas
trop faite pour inspirer le goût de l'économie ; Pontis passe avec
son régiment près de la terre dont il porte le nom, y demeure
4 ou 5 jours avec quinze ou vingt officiers des gardes, et les
régale si bien qu'il y dévore le revenu de deux années®.
Après cela on empruntait pour vivre. Lisez les gazettes sati-
riques : « Il s'observe une coutume fort louable qui est qu'un
homme, qui n'a fonds, meubles, rentes, cens, héritages ni caution,
trouve qui lui prête de l'argent, à la charge de le rendre, quand
il sera riche ^. » Les dettes n'étaient pas cependant à la portée
de tous ; expédient passager d'ailleurs, et non ressource perma-
nente. Â ne consulter que les documents officiels, la noblesse
paraît demander le droit de faire le « grand trafic * sans déro-
ger ; celui d'avoir « part et entrée en commerce » sans déchoir
de son privilège ; mais à sonder profondément l'opinion, on
s'aperçoit que ces vœux étaient simplement émis pour la forme,
personne dans l'aristocratie n'ayant sérieusement l'intention de
profiter de l'autorisation, au cas où elle eût été donnée. Plus
d'une occasion s'offrit aux gentilshommes de s'intéresser à des
entreprises commerciales, de se faire armateurs, colons, indus-
1. Richelieu, Mëm., I, 492.
2. Lettres et pap. d'Etat, VI, 15.
3. Richelieu, Mém., III, 85.
4. Jean-Baptiste Budes, comte de Guébriant, d'une ancienne famille bre-
tonne, né 1602, maréchal 1642, f 1643. Avait épousé M"* du Bec-Crespin (d'une
bonne maison, issue des Grimaldi).
5. Tallemant, I, 201.
6. Pontis, Mém., 553.
7. Bibliothèque nationale, Le Courrier véritable arrivé en poste, en 1632.
LA FORTU!<ÎE DE LA NOBLESSE SOUS LOUIS XIII. 5
triels ; ils ne s'en souciaient aucunement. Ce qu'il faut accuser
ici, ce n'est pas le gouvernement, ce sont les mœurs. Tout moyen
de dépenser l'argent était noble, c'est-à-dire glorieux ; presque
toutes les manières de le gagner étaient roturières, c'est-à-dire
peu estimables.
Le seigneur besoigneux attend tout de la faveur ou des chances
de la vie de cour. En attendant, il vit de peu, tout en s'efforçant
de faire bonne figure. Chabot, le futur mari de M"® de Rohan,
vivait gratis à la table de Goulas, secrétaire de Monsieur, et
empruntait pour aller au bal des habits et du linge au maître des
requêtes Tallemant *. Racan, capitaine des gendarmes du maré-
chal d'Effiat, logeait dans un cabaret borgne, où le soir « on lui
trempait un potage pour rien *. » Comment se plaindre ou se
désespérer, alors que les fluctuations de la politique faisaient
mourir la reine mère du roi dans la misère, et que la France
vendait sans vergogne les meubles et les pierreries de cette prin-
cesse pour payer les dettes qu'elle avait contractées ^?
II. — Train de maison. — Personnel : organisation intér-
rieure, officiers , domestiques et serviteurs. — Pages;
hommes de lettres domestiques. — Trains d^apparat,
plusieurs maisons montées à la fois. — Hospitalité et
clientèle. — Besoin de paraître. — Equipages : car-
rosses, leur nouveauté, leur luxe. — Train de voyage.
— Chevaux, leur nombre. — Chaises à porteur. —
Table : collation bourgeoise ; repas de gentilshommes. —
Leur profusion ; qualité des mets. — Vaisselle d' argent ,
étiquette et service à table. — Habitations : les nouveaux
hâtels de Paris. — Lu^e des appartements, mobilier,
tentures, objets d'art.
A la noblesse riche, les convenances sociales et la vie mon-
daine imposent des charges écrasantes. Pour un homme d'un
rang un peu élevé, certain superflu est plus indispensable que le
1. Montpensier, Mém.; Tallemant, VIII, 138.
2. Ihid., III, 123.
3. Richelieu avait quarante premiers officiers de sa maison (cf. son testa-
ment). Son intendant était le marquis de Sourdis, son premier écuyer le
s' d'flebaudy, son argentier La Borde, dont parle Tallemant, VI, 228.
6 G. D^AVEÎfKL.
nécessaire. Le luxe, apporte d'Italie et d'Espagne au siècle pré-
cédent, n'est pas encore répandu dans la masse de la nation,
mais il est poussé à son conû)le par la haute classe. Luxe gran-
diose plus que confortable : les fils des rudes guerriers ligueurs
ou huguenots, qui vivent à cette époque de transition, préfèrent
le déploiement extérieur au rafQnement intime. Econome et
calculateur, le gentilhomme conserve encore, sans compromettre
ses finances, « un train fort propre et en bon état » — mais s'il
est « magnifique et libéral » selon le goût du temps, s'il veut
avoir des tableaux, des bijoux, des chevaux, des chiens, des
oiseaux, des mignonnes, jouer, faire grande chère et être
superbement meublé , il est vite réduit aux expédients et à la
détresse.
Le train de vie habituel est déjà fort lourd. Chaque hôtel est
organisé comme une petite cour. La maison d'un grand seigneur
est une vaste administration. Depuis l'intendant qui plane sur le
tout jusqu'au dernier des laquais , chaque branche du service
comprend une série de domestiques qui, sous les ordres des chefs
d'emploi — le maître d'hôtel, l'argentier, le premier aumônier,
le premier secrétaire, le premier écuyer, le premier valet de
chambre, cuisinier, sommelier, cocher et muletier — ont pour
mission de veiller aux besoins moraux et matériels du maître.
L'intendant faisait la recette générale des revenus, et gardait à
titre de gages jusqu'à 5 0/0 des sommes qu'il encaissait * , sans
compter ce qu'il s'attribuait induement. Les autres ofSciers, dont
les appointements étaient assez faibles, se payaient en nature.
« Mon sommelier, disait le grand prieur de la Porte, dit que le
vin lui appartient, dès qu'il est à la barre (du tonneau), et n'a
point d'autre raison à alléguer, sinon qu'on en use ainsi chez
M. le Cardinal ; le piqueur prétend que le lard est à lui dès qu'il
en a levé deux tranches ; le cuisinier n'est pas plus homme de
1. Lettres et pap. d'État, V, 483 (pour le s' de Pont-Courlay). Dépenses
sûres du duc d'Epernon (d'après les mss. Godefroy, CXXX, 2). Dépenses ordi-
naires de la maison de Mgr, à raison de 5,000 Ut. par mois, 60,000 ; pour la
pension de Mgr le duc de la Vallette, 32,000 ; habits et menus plaisirs, 6,000 ;
habiUements de son train, 2,400; gages de ses officiers, 2,000; aumônes et
menues dépenses, 2,000; six gardes, 1,200; diminution qu'il peut y avoir sur
les rentes, 15,000; appointements de M. Cartier, 6,000 ; de M. le comte de Maillé,
1,500; de M- d'Escoyeux, 1,200; de M. MéUvier, 1,500; de Moy, 1,800.
ToUl : 132,600 Ht.
LA FORTUIfE DE LA NOBLBSSE SOUS LOUIS XIII. 7
bien qu'eux, ni l'écuyer, ni les cochers, sans parler du maître
d'hôtel qui est le voleur major ; mais ce qui me chicane le plus,
c'est que mes valets de chambre médisent : Monsieur, vous portez
trop longtemps cet habit; il nous appartient ^ » Le général des
galères Pont-Courbay, dont le revenu est de 60,000 liv., feit en
deux ans 400,000 liv. de dettes, en négligeant de régler sa mai-
son, et en entretenant « une multiplicité de valets et de personnes
inutiles. » Il n'avait pas moins de cinq gentilshommes, six secré-
taires et six valets de chambre. Réduit à ce qu'on jugeait le strict
nécessaire, il lui restait encore un train de quarante-quatre per-
sonnes, dont seize au service de sa femme '.
Les laquais, placés au dernier rang dans la hiérarchie domes-
tique, personnalités sans conséquence, dont le maître ignorait
souvent les noms^, formaient dans la maison d'un seigneur une
troupe imposante, — vingt-cinq ou trente à l'ordinaire, — l'effec-
tif d'une compagnie de gens de pied. Trois d'entre eux se tenaient
toujours debout derrière les carrosses. La nuit on se faisait porter
le flambeau dans les rues par un laquais ^ ; — le moindre gentil-
homme en usait ainsi. — On allait à l'église suivi d'un page,
qui portait un carreau de velours, et d'une escouade de laquais ;
en promenade, une dame avait des laquais qui portaient le car-
reau, le parasol, l'écharpe, la coiffe, le mouchoir'^
Les princes, les ducs et beaucoup de gens de qualité avaient,
outre leur maison civile, une maison militaire, gardes, estafiers,
qui les accompagnaient à pied et à cheval ; gentilshommes qui
leur faisaient escorte^. Quelques-uns entretenaient des domes-
tiques d'un genre spécial. Le prince de Joinville avait trois
trompettes à son service ^ ; Richelieu, un joueur de viole attitré :
1. Tallemant, X, 169.
2. Lettres et pap. (PÉtat, \, 483, 502.
3. On les appelait simplement laquais, ou d'un nom de province, Cham-
pagne, Bourguignon, ou d'un surnom, Verdurej La Violette. Il y avait entre
les laquais (valets de pied d'aujourd'hui) et les valets de chambre, gens d'im-
portance dans la maison, une démarcation profonde.
4. Pontis, Mém.f 551. Il n'y avait pas de réverbères, et Paris n'était pas plus
avancé à cet égard que du temps de Philippe-Auguste.
5. Cf. Furetière, Roman bourgeois, et TaUemant, VIII, 70.
6. Tallemant, IX, 9; Font.-Mareuil, 264. L'ambassadeur d'Espagne à Rome
avait quarante estafiers.
7. Plus tard duc de Chevreuse. Arch. nal., KK. 201. Compte de l'argenterie.
8 G. d'aYENEL.
le fameux Maugars. Aux demoiselles de grande maison il faut,
à rimitation des filles de France, un équipage particulier.
M"'' de Rohan possède un écuyer. Dans les collèges, le jeune gen-
tilhomme a son gouverneur, son précepteur et ses laquais. Les
premiers, dans la maison d'un grand, ont, aux frais du maître,
un train personnel. Le Père Joseph, chez le Cardinal, jouit d'un
carrosse, d'une litière et de mulets pour le voyage.
M. le Prince tenait des équipages complets en plusieurs mai-
sons ; c'était un luxe délicat et assez répandu. Bassompierre,
emprisonné depuis cinq ans à la Bastille, gardait encore tout son
train à Paris, et meublait richement une maison qu'il bâtissait à
Chaillot*. La duchesse d'Angoulême garda pendant vingt-huit
ans sa maison toute montée à Tours, bien qu'elle eût « fait un
nouveau train » à Paris où elle habitait *.
Un seigneur un peu qualifié avait aussi des pages en assez
grand nombre, auxquels il faisait apprendre tous les exercices,
et qui pour la plupart étaient de race noble. Richelieu n'admettait
à remplir dans sa maison ces fonctions honorifiques que des fils
de comtes ou de marquis. Le jeune homme « nourri page »
dans une maison illustre, — selon le sens latin du mot, — en
portait la livrée. La livrée n'avait encore rien de bas, c'était un
honneur de la revêtir ; on l'endossait comme au moyen âge on
arborait les couleurs de son chef. Avec le temps, les simples gen-
tilshommes, n'ayant plus ni soldats, ni pages, ne firent plus
porter leurs couleurs que par des laquais, et leur livrée devint
honteuse, tandis que la livrée du roi, appelée plus tard Vuni'-
forme^ demeurait seule glorieuse et recherchée. Les pages ne
rendaient qu'un service de parade, précédant le seigneur en
diverses circonstances, et portant en cérémonie la queue de
Madame; mais nul dans un certain rang ne pouvait se dispenser
d'en avoir ^.
On était également tenu par la mode d'avoir sur l'état de sa
maison un homme de lettres en vogue , « gentilhomme di belle
littere, » usage italien adopté en France. Les gens d'esprit à
vos gages composaient des vers pour vous, « vous entretenaient
1. Bassompierre, Mém., 337.
2. Tallemant, I, 176.
3. M"* Arnaud avait des pages. CaToye, capitaine des gardes de Richelien,
aTait deux petits pages.
LA FORTUNE DE LA NOBLESSB SOUS LOUIS XIII. 9
d*UQ million de choses, et vous disaient quel jugement il fallait
faire des ouvrages du moment. » Le duc de Longueville donnait
à Chapelain une pension de 2,000 liv. ; Mairet, un des médiocres
poètes du temps, recevait 1,500 liv. par an du duc de Montmo-
rency*; Corneille avait une chambre à l'hôtel de Guise*; le
marquis d'Uxelles payait à Gombauld un laquais et un cheval,
afin de se faire faire par lui ses lettres d'amour « dans les desseins
de mariage ou de galanterie qu'il pouvait avoir^. » Les emplois
domestiques de secrétaire, de maître-d'hôtel, d'écuyer étaient par-
fois donnés à des littérateurs pour les faire vivre. La marquise de
Sablé avait La Mesnardière à titre d'homme de lettres, autant
qu'à titre de médecin ; la princesse de Conti avait à ses gages
Porchères l'Augier, l'auteur du Camp de la place Royale. On
le chargeait de faire les ballets ; il s'intitulait « Intendant des
Plaisirs Nocturnes. » Montereul, de l'Académie, était au prince
de Conti, son neveu. M. d'Epernon avait à lui Balzac ; le cardi-
nal de la Vallette, son fils, pensionnait Mondory, le célèbre
acteur*. Beaucoup d'écrivains avaient leur couvert mis chaque
jour à quelque table aristocratique. Furetière nous montre un
poète léguant à sa mort un grand agenda ou Almanach de
dîners^ dans lequel sont contenus « les noms et demeures de
toutes ses connaissances avec les observations qu'il a faites pour
découvrir le faible des grands seigneurs, le flatter et gagner
leurs bonnes grâces, ensemble celles de leurs suisses et ofSciers
de cuisine » Il était distribué par jour : le Lundi chez tel
intendant, le Mardi chez tel prélat, le Mercredi chez tel prési-
dent^ Cette hospitalité ne suppose pas nécessairement le
besoin chez celui qui en profite — Voiture, qui avait 18,000 liv.
de rente, dînait tous les jours à l'hôtel de Rambouillet, — elle
marque surtout chez celui qui l'exerce le goût, si développé
alors, d'une clientèle que par tous les moyens on cherche à
accroître et à maintenir.
Notre société démocratique a perdu la notion de ces rapports
1. T^Uemant, HT, 156; lU, 147.
2. Ibid., X, 235.
3. /wd., nr, 130.
4. Noos ne parlons pas de ceux qui reeeTaieot pension de Richelieu ; le pre-
mier ministre agissait par goût et non par mode.
5. Baman bourgeoù, II, 91.
0 G. d'aVENEL.
de dépendance honorable entre patron et client dans l'ancienne
Rome, suzerain et vassal au moyen âge, seigneur et domestique
au xYif siècle. Ces amis inférieurs, qui ne sont pas des pigue^
assietteSy mais qui acceptent sans humilité ce qu'un autre se
fait gloire de donner, n'ont pas d'analogues aujourd'hui. Le soin
extrême de l'égalité, qui rend blessante toute idée àe protection^
rehausse la dignité individuelle, mais relâche le lien social. Ce
terme : être à quelqu'un y qui révolterait les contemporains,
paraissait tout naturel sous Louis XIU. Celui qui était à un
grand seigneur avait place à sa table, et se servait de ses car-
rosses ; s'il ne logeait pas à son hôtel, il y envoyait chaque soir
« quérir sa chandelle, » se faisait soigner gratis par son chi^
rurgien, et en recevait mille petits ofSces. Les familiers du comte
de Soissons, du duc de Nemours prenaient sans cérémonie un des
carrosses des hôtels de Soissons ou de Nemours. Dans chaque
demeure seigneuriale, plusieurs voitures ne faisaient d'autre ser-
vice que celui àe& domestiques. La cuisine d'un personnage ser-
vait à nourrir non seulement ses gens, mais encore leurs
familles, et quelquefois leurs amis, qui tous vivaient à ses frais,
dans son hôtel, et agissaient comme chez eux. Ceux à qui des
dettes ou des actions peu régulières faisaient redouter la prison
trouvaient asile et protection dans les communs de ces vastes
maisons, hôtelleries sympathiques et gratuites ^ .
« Le maréchal de Vitry défendait aux gens de la ville voisine
de son château de loger personne, parce qu'il voulait recevoir
chez lui tous ceux qui le venaient visiter, par un esprit bien dif-
férent de celui de beaucoup de seigneurs d'aujourd'hui (ceci
était écrit sous Louis XIV), qui ont fait venir la mode d'envoyer
à l'hôtellerie tous les équipages de leurs amis ^. > On y mettait
de l'amour-propre : l'ambassadeur de France, revenant d'Angle
terre avec 400 personnes, tient à défrayer tous ceux qui passent
«
1. Voyez Pontis, Mém., 653; Tallemant, VU, 55; VIII, 230.
2. Abbé Arnaud, Mém., 510. L'auteur des Mémoires de M. le comte de
Rochefort (Sandraz de Courtilz) écrivait de son côté Ters la fin du xvii* siècle :
c Comme (ce gentilhomme) n'avait pas envie de se ruiner, il suivait une cer-
taine maxime fort en usage aujourd'hui, qui est d'aimer beaucoup à régaler
les maîtres, mais à n'être point chargé ni des valets ni des chevaux. Ainsi il
avait fait bâtir une grande hôtellerie à deux cents pas de chez lui, afin que,
sous prétexte de n'en point trouver, on ne vint rompre cette loi...; les petits
hobereaux grondaient un peu, mais on ne s'en souciait pas >
LA FORTUITE DE LA NOBLESSE SOUS LOUIS XIII. 44
la mer avec lui. Il dépense ainsi 14,000 écus à Douvres en qua-
torze jours en attendant un vent favorable ^ Le faste prenait
parfois en ce genre la forme d*une libéralité brutale qui choque
nos susceptibilités modernes, mais qui semblait alors digne d'ad-
miration. Souscarrière servit ainsi deux mille louis d'or dans un
plat au roi d'Angleterre, en un repas qu'il fit chez lui à Paris*.
Le duc de Lerme, traitant Monsieur en Flandre, faisait apporter
à la fin des repas « deux sacs de 1,000 pistoles, au bout de la
table, pour ceux qui voulaient jouer* »
Entre maîtres et serviteurs, bien que la distance sociale fut
grande^ l'union était néanmoins profonde ; les contrats étaient
plus sérieux qu'ils ne le furent par la suite. Certaines coutumes
prescrivaient à « tous gens n'ayant pas de biens suffisants , ou
n'étant pas d'un état capable pour s'entretenir, de se donner
aussitât au service des honnêtes gens^; » mais le service des
honnêtes gens n'avait rien de vil. Le chef s'intéressait à ses
domestiques, leur honneur était lié au sien, il en était en quelque
sorte responsable. Ceux-ci, de leur côté, prenaient à cœur la
dignité de sa maison. Les luttes de préséance entre carrosses, si
fréquentes dans les rues de Paris, se terminaient souvent par des
batailles où les laquais mettaient volontiers l'épée à la main.
M. de Tilladet fut ainsi tué par les gens du duc d'Epernon^. Les
valets se piquaient de galanterie pour le compte de leur patron :
un laquais de Bassompierre voyant une dame traverser la cour
du Louvre, sans que personne lui portât la robe, alla la prendre
en disant : « Encore ne sera-t-il pas dit qu'un laquais de M. le
maréchal de Bassompierre laisse une dame comme cela ^ ! >
Les trains somptueux que le grand seigneur entretenait à l'or-
dinaire, dans son château et à Paris, n'étaient rien auprès du
faste presque royal qu'il lui fallait déployer quand une circons-
tance particulière de sa vie ou une fonction considérable le mettait
en évidence. Ce n'est plus une dizaine de gentilshommes qui le
suivaient alors à la promenade, ni une garde de quelques soldats
1. Bassompierre, Mém,^ 257.
2. T&Ilemant, VII, 103.
3. Duc d'Orléans, Mém., 602.
4. Coatume de Fume, titre 34.
5. G. PaUn, lettre III, 46 (éd. ReTeUlé).
6. Tailemant, IV, 199. Cf. Bassompierre, 363.
12 G. D*AVE!fEL.
qui fait le service de son hôtel * , mais des centaines d'officiers et
des bataillons de serviteurs qui constituent son escorte '. Le
duc de Créqui, ambassadeur de France à Rome, avait, « à lui
appartenant, six suisses, des trompettes, une garde de carabins,
un nain, seize pages, vingt-quatre mulets ayant chacun leur
muletier , » sans compter sa maison véritable. Il prenait
habituellement ses repas sous un dais, avec trente gentils-
hommes, < outre les survenants'. » Aux obsèques du maréchal
de Saint-Géran, paraissaient « soixante sergents de ses terres,
ayant devant et derrière Técusson de ses armes, conduits par son
prévôt , que suivaient à cheval detcœ cents officiers de ses
mêmes fiefis, vêtus de deuil, suivis d'autant de pauvres, parés de
même, chacun une torche en main. Quatre cents prêtres mar-
chaient ensuite etc. ^. » Ce go'ût de la représentation était
partagé par les étrangers. L'ambassadeur d'Angleterre à Paris
se montre avec toute sa suite dans un somptueux équipage, qui
lui coûte plus de 1,000 livres sterling*^. Le duc d'Ossuna vient
trouver l'envoyé français « porté en chaise, couvert de pierre
ries, plus de vingt carrosses le suivant, remplis de seigneurs
espagnols, ses parents et amis, et entouré de cinquante capitaines
tenientes ou alferes reformados ®. » En Pologne, écrit notre
ministre d'Avaux, « qui n'a que 25 chevaux est mal en ordre ;
les Polonais sont dans un luxe et une pompe incroyables. Beau-
coup de seigneurs sont suivis de 500 et 600 valets '. »
Le besoin de paraître possédait ceux même qui n'en avaient
pas les moyens. Richelieu, pauvre évêque de Luçon, ayant à
peine de quoi vivre, prend un gentilhomme pour maître d'hôtel.
1. Le duc de Sully, retiré à Villebon, ayait, dit Tallemant (I, 150), c sept
00 huit reltres de gentilshommes, gui au son de la cloche se mettaient en
haie pour lui faire honneur > Il avait aussi une espèce de garde suisse.
2. Cf. Bassompierre, Mém,y 79.
3. Gazette du 22 juillet 1633.
4. Gazette du 22 janyier 1633.
5. Mém. de lord Herbert Cherlmry, 141.
6. Bassompierre, Mém., 150.
7. Lettres et pap. d'État, VIII, 201. Richelieu, Mém., II, 69. Wallenstein,
duc de Friedland, général de l'empereur, avait 12 comtes ou barons de l'empire
pour gentilshommes de sa chambre, un grand écuycr, un grand maître et un
grand maréchal, 1,200 gardes de livrée, 60 ballebardiors, 200 lances, 200 pisto-
liers, 200 carabins, 200 mousquetaires à cheval, 200 croates, 36 carrosses et
120 chariots. Sa cour était de 6,000 chevaux. Richelieu, Mém., II, 543.
LA FORTUNE DE LA NOBLESSE SOUS LOUIS XIII. 43
« Cela £ait bien, dit-il; il dirige la maison et reçoit la compa-
gnie*. » Deux malheureux hobereaux, qui vivent à l'auberge,
acceptent d'un commun accord de passer tour à tour chacun
pour « le gentilhomme » de l'autre '. Miossens, tout misérable qu'il
était dans sa jeunesse, s'offrit un suisse en disant : « Cela a bon
air ; quoiqu'il ne garde rien, il semble qu'il garde quelque chose,
on le croira^. » Segrais raconte que Chambonnières, « voulant
faire le grand seigneur, » avait un carrosse traîné par deux
méchants chevaux, avec un page en efSgie, rempli de foin,
attaché sur le derrière^.
Le luxe des équipages correspondait en effet à celui des gens.
n n'y avait point eu de carrosses à Paris avant la fin de la
Ligue. Les princes et Henri IV lui-même, dans leà années qui
suivirent son arrivée au trône, allaient à cheval parla ville, et,
« si le temps semblait tourné à la pluie, mettaient en croupe un
gros manteau. » Le comte de Guron, les marquis de Cœuvres et
de Rambouillet se dispensèrent les premiers de cette règle, mais
ils ne se servaient guère de carrosses que la nuit, « encore se
cachaient-ils et fuyaient-ils la rencontre du roi, sachant que cela
lui était désagréable ^. » Les personnages plus modestes se con-
tentaient de chausser, « pour se sauver des boues, » des galoches
aussi justes que possible, avec lesquelles ils cheminaient pénible-
ment dans les rues étroites et malpropres de la capitale^. L'usage
des carrosses s'établit rapidement sous Louis XIII; voitures
monumentales où huit personnes s'entassaient, mais bien gros-
sières encore, avec des mantelets de cuir, en guise de glaces, et
des stores d'étoffe que l'on bouclait pour se garantir du firoid '',
Le luxe y trouve cependant un aliment nouveau. « J*ai acheté
1. LeUres et pap, d'État, I, 25.
2. TaUemanl, IX, 103.
3. /Wd., V, 8.
4. SegraiSy Mëm., 88. « Un jour que les carrosses se suivaient au cours, les
chevaux du carrosse suivant, sentant le foin, se mirent à déchirer les jambes de
ce page, » à la grande confusion du propriétaire.
5. Font.-Mareuil, Mém.; Bassompierre, 47, et Tallemant, 1, 145.
6. Cf. Furetière, Boman bourgeois; Tallemant, III, 78.
7. Tallemant, III, 7; Font.-Mareuil, Mém., 223. C'est ce que le surintendant
Bâillon appelait faire printemps. La civilité consistait à laisser le fond à son
hôte; quand on ne voulait pas être vaincu en politesse, on s'asseyait à une
portière, et le fond demeurait vide.
44 G. d'aterbl.
un carrosse de velours cramoisi en broderie, fort beau, » écrit le
maréchal de La Force à sa femme*. Des housses à passements
d'or, des armes en grand nombre avec des livrées éclatantes
relevaient ces véhicules primitife *. Une déclaration royale tenta
vainement de mettre des bornes à ces dépenses. On eut des car-
rosses et des litières brodés d*or, d'argent et de soie, chamarrés
de passements de Milan, veloutés et satinés ; le bois en était
doré, les bottes, mantelets^ custodes et gouttières étaient
doublés de soie^. M. de Chevreuse faisait faire quinze de ces
voitures à la fois, pour voir celle qui serait la plus douce *.
On en possédait toujours un nombre respectable, toutes attelées
de six chevaux. La reine Marie, quittant Paris en 1617, en
enunenait près de vingt pour elle et pour sa suite ^. Le roi en
envoie trente recevoir à Bourg-la-Reine l'ambassadeur d'Angle
terre* ; les particuliers modestes, toutes proportions gardées, ne
restaient pas beaucoup en arrière. Us voyageaient communément
en trois ou quatre carrosses, suivis de dix à douze chevaux de
selle, de leur chariot, de leur fourgon, de leurs mulets*^. Dans
ces conditions, la litière historique de Richelieu, portée par vingt-
quatre hommes qui se relayaient, ne paraît plus aussi invrai-
semblable. Le duc de Bellegarde, venant de Bourgogne à Paris,
marchait à 40 chevaux de poste. Quelque soin que nos compa-
triotes missent à < rechercher leurs commodités en voyage, » ce
train était peu de chose encore auprès du faste de ce gouverneur
de Milan qui envoyait « de deux milles en deux milles des char-
rettes, pour porter de l'eau et arroser les chemins par où il pas-
serait, de peur de la poussière ^. »
1. Mém. de La Force, III, 273.
2. Tallcmant, VI, 53.
3. Déclaration du 16 avril 1634. Les bottes étaient le cuir des portières où
l'on mettait les jambes; Tusage s'en conserva jusqu'au xyin* siècle pour les
voitures publiques. Les mantelets s'abattaient sur les portières et aux côtés
du carrosse, pour défendre de la pluie et du vent. Les custodes étaient des
appuis garnis de crin, au fond du carrosse, destinés à adoucir les cahots. Les
gouttières étaient des parements de cuir attachés à Fimpériale, qui empêchaient
l'eau de tomber dans le carrosse et sur les ornements.
4. Tallemant, II, 47.
5. Pontchartrain, Mém., 474.
6. Gazette du 26 février 1633.
7. Pontchartrain, Mém,, 474 ; Tallemant, II, 228.
8. Font.-Hareuil, Mém., 68.
LA FORTUNE DE LA NOBLESSE SOUS LOUIS XIII. 45
A côté des chevaux de service pour la selle et l'attelage,
figurent les coursiers de Naples, « les chevaux à courbettes, »
acquis à prix d or, le cavallo di respetto qu'on tenait à l'écurie,
€ pour s'en servir en une nécessité *. » Les harnais étaient à l'ave-
nant ; Fontenay-Mareuil parle d'un cheval de 1 ,000 écus, dont
la housse de broderie d'or tramant jusqu'à terre avait pareille
valeur*.
A la ville on usait de litières, de chaises à porteurs, « ces
retranchements merveilleux contre les insultes de la boue et du
mauvais temps, » selon le langage des précieuses. Elles étaient
d'invention nouvelle, ainsi que ces vinaigrettes^ petites chaises
à roues, qu'un honame suflSsait à Caire mouvoir^. Bien qu'il y
eût des chaises et des carrosses publics numérotés, le prix exigé
pour leur location les rendait inaccessibles à la bourgeoisie
moyenne, qui se contentait dans ses déplacements du bidet ordi-
naire, équipé sans étriers, avec les bornes de pierre pour montoir.
Le luxe des moyens de transport, prodigieusement accru en trente
ans, demeurait donc tout aristocratique.
U en était de même des somptuosités de la table. Pendant que
le commun du peuple ne connaissait rien de mieux, pour faire
carrousse^^ que la collation avec une tourte, un poupelin et
une tasse de confitures faites à la maison, ou le pique-nique des
dimanches et jours de fête, tandis que la grefSère cachait la clef
de l'armoire au pain, et que le barbier-étuviste faisait un salmi-
gondis sur les cendres, auprès du feu^, l'ordinaire d'un grand
seigneur était < de trois broches chargées de viandes, plu-
sieurs pots de viandes bouillies, un four garni de pâtisseries, et
une table à dresser couverte de toutes sortes de volailles, et de
nombreux plats de gâteaux, sans compter une quinzaine de pièces
montées de friandises*. » Dans les festins organisés, les plats
t. LeUres et pap, d'État, V, 302 ; Pontis, Mém., S55.
% Mém., 52 (en 1612).
3. Tallemant, III, 10 ; V, 217. Les porteurs avaient des places attitrées et for-
maient un personnel populaire spécial. Les chaises se louaient un écu la course.
Furetière, I, 10.
4. Faire bonne chère.
5. Furetière, I, 21, 85. Les jeunes filles dans la bourgeoisie se leyaient au
dessert, emportant elles-mêmes leurs assiettes. Si l'une d'elles c eût mangé
des asperges on des artichauts, on l'aurait montrée au doigt, i Ibid,, 181.
6. Mém. de lard Herbert Ckerbury, 169.
46 G. D'AVBNEL.
atteignaient la centaine, et la dépense dépassait souvent 10,000 fr.
de notre monnaie ^ Tous les plats se relevaient huit fois dans les
banquets offerts en 1616 à M. le Prince*. « M. de Beaufort, dit
M^^ de Montpensier, nous donna à Chenonceaux un souper de
huit services, de douze bassins chacun K )^ Chaque service parais-
sait renfermé en une grande manne couverte, « où un homme
aurait pu demeurer étendu tout de son long ; » tous étaient réglés
avec science — il existait des tactiques de plats* — et Ton con-
sultait journellement le Cuisinier français^ ouvrage dû à la
plume de Vécuyer de cuisine du marquis d'Uxelles. Les coteaux
étaient le sobriquet de ceux qui se piquaient de rafSner en bonne
chère ; l'abbé de Bernay , conseiller au Parlement, présidait lui-
même à ses fourneaux avec un tablier de satin ; Bullion « avait
pour le vin des raffinements tout extraordinaires ; les gens d'af-
faires se tuaient à lui en chercher^. » Bien que les goûts aient
beaucoup changé depuis Louis XIII, que divers aliments comme
le thé et le chocolat, considérés alors comme « des drogues, »
aient été adoptés ensuite par l'usage^ tandis que les friponne^
ries y le cotignac d'Orléans, la nompareille , les talemouses
et autres délices de Tépoque aient semblé plus tard un assez
mince régal, les gourmets de ce temps ne le cédaient en rien à
ceux du nôtre ^. Les veaux de lait, nourris en Normandie, avec
dix-huit œufs par jour, devaient constituer un mets assez coû-
teux; et Ton voit un conseiller au grand Conseil dépenser
1. Ibid., 141.
2. Font.-Mareuil, 105.
3. Montpensier, Mém., 9.
4. Tallemant, III, 190.
5. Ibid., III, 171, 7; VI, 180. Il avait des cerneaox tout le long de l'année,
et de la poudre de champignons toujours dans ses poches.
6. Voyez Montpensier, Mém., 4 ; Lettres et pap. d'État, IV, 572 ; Tallemant,
IV, 208, IX, 39. Comte d'Hauterive; observations sur la dépense d'une grande
administration sous l'ancien régime, 141. On voit figurer dans les menus de
Louis XIV des arbondilles, bouillants, brezolles, bergeronnettes, crespines
farcies, simpoiades, poupetons, pampiettes et salpicon, plats dont le nom
même nous est inconnu. Richelieu reproche à son frère de se servir du nou'
veau remède de scocolato (chocolat). G.-Patin fulmine souvent dans ses lettres
contre le thé (I, 383 ; II, 292). Il l'appelle « l'impertinente nouveauté du siècle. >
Un docteur fait une thèse sur le thé, et des confrères se font gloire de la brû-
ler. Mazarin prenait du thé contre la goutte. Un docteur hollandais recomman-
dait d'en prendre jusqu'à 100 et 200 tasses par jour c pour nettoyer le marais
de l'estomac. •
Là FORTUNE DE LA NOBLESSE SOUS LOUIS XIII. 47
10,000 écus en chapons de Bruges, d'après les comptes de son
rôtisseur. On tenait plus encore d'ailleurs à la quantité qu'à la
délicatesse. Les seigneurs estimaient peu les viandes apprêtées
< plus pour la parade que pour manger. » On servait ordinaire-
ment à la reine Anne pour son déjeuner un bouillon, des côte-
lettes, des saucisses et du pain bouilli ; « elle mangeait de tout et
n'en dînait pas moins ^ »
La haute société dînait entre midi et une heure' ; elle soupait
entre huit et neuf; ces deux repas étaient fort abondants, si
abondants qu'une ordonnance essayait de les réduire, en défen-
dant d'avoir plus de trois services (on n'en avait pas moins de cinq
en général), un rang de pl^ts par service, et six pièces au plat,
ce qui revenait à autoriser en totalité dix-huit plats par repas,
chiflSre fort raisonnable aujourd'hui '. Entre le dîner et le souper,
avaient lieu ces collations, dont les contemporains parlent sans
cesse, qui jouaient un si grand rôle dans les rapports mondains,
prétexte à galanterie , à divertissement ou à magnificence. On
£aisait apporter les citrons doux et les confitures dans une quin-
zaine de bassins de vermeil. Tous les gens de quelque importance
se servaient journellemenj; de vaisselle d'argent. < Il n'y a aujour-
d'hui si petit de nos sujets, dit un édit royal, qui ne fasse parade
de richesse par la montre des pièces d'orfèvrerie de poids exces-
sif jusqu'aux plus vils ustensiles de sa maison^ > Richelieu
nous apprend que sa vaisselle plate valait plus de 1 ,100,000 fr . *.
Le duc de Savoie donnait à sa belle-fille. Madame Royale, une col-
lation où toute l'argenterie était en forme de guitare, parce qu'elle
jouait de cet instrument^. Les politesses de ce genre remplaçaient.
1. Motteyille, Mém.,67.
2. Les moines dînaient à onze heures et soapaient à six heures dn soir.
Lettres et pap. (VEtat, IV, 77. En 1614, les députés aux États dînaient yers
trois ou quatre heures du soir. Rapine, États générattx^ 272. La reine Anne
soupait à onze heures du soir. Motteyille, Mëm., 68. Nous soupons fort tard,
écrit le maréchal de la Force, aussi l'on dîne à une heure après midi. Mém,,
Uh 270. Sous Louis XIV, l'heure du dîner retarda.
3. Ordonnance de janvier 1629.
4. c Ce qui cause, continuait-on, la pénurie et rareté des monnaies. » Edit
du 20 décembre 1636. On eut des meubles d'argent massif dans toutes les
familles, jusqu'à la guerre de 1689, à l'occasion de laquelle tout le monde,
pour imiter le roi, envoya son argenterie à la Monnaie.
5. Lettres et pap, d'État, VI, 174; VIII, 165.
6. Tallemant, X, 78. Un particulier recevant le duc de Bellegarde servit
RbV. HiSTOR. XXII. !•' FASG. 2
iS 6. d'aveivel.
mais plus chèrement, les galanteries à la vieille mode, ces pâtés où
étaient enfermés des oiseaux ou des lapins vivants, « portant au
col des rubans » aux couleurs de la dame du festin * . Ou avait
un art tout particulier de plier le linge de table, de le déguiser en
toutes sortes de fruits ou d'animaux '. » La nappe « mignonnement
damassée, avec force bouillons parmi plusieurs petits plis, » res-
semblait parfois à une rivière ondoyante, « qu'un petit vent jEai-
sait doucement soulever. »
A côté de ces élégances toutes récentes et un peu enfantines,
l'homme du moyen âge se retrouvait à la façon de boire les san-
tés debout ou à genoux, mais toujours le chapeau bas et l'épée
nue à la main ; souvent, au bruit des timbales et des trompettes
qui sonnaient toutes ensemble dans la salle, et auxquelles d'autres
trompettes répondaient du dehors^ ; il se retrouvait encore dans
ce mélange de raffinement et de rusticité, par lequel des gens qui
se lavaient soigneusement avant et après les repas, qui fix)ttaient
leur cuillère avec cérémonie plutôt que de toucher les premiers
au potage, ne faisaient pas difficulté de se curer les dents à table
avec leur couteau, ainsi que le chancelier Seguier en usait chez
le Cardinal*.
 ces tables inmienses, que la pompe du seigneur voulait nom-
breuses et remplies, on se plaçait, comme au temps jadis, en enfi-
lade, le plus considérable tenant le haut bout, n^ayant personne
à sa droite, le second en dignité assis à sa gauche, et ainsi des
autres jusqu'au bas bout, après lequel on remontait de l'autre
côté dans le même ordre. L'amphitryon y prenait place plus ou
moins haut, selon son rang ; mais s'il était prince ou de grande
qualité, il avait un dais au-dessus de sa tête, son cadenas devant
lui, et derrière sa chaise son maître d'hôtel, qui le servait l'épée
au côté et le manteau sur les épaules^.
Jusqu'à Louis XIII la vie du grand seigneur, à plus forte rai-
son celle du gentilhomme, est toute locale, il ne sort de sa pro-
toute la pâtisserie ea figure de mors de bride, par allusion à sa qualité de
grand écuycr.
1. Ibid.y V, 195.
2. Ibid., X, 112.
3. Lenet, Mém., 264 ; Pontis, Mém., 637.
4. Cf. Tallemant, VIII, 249; Ponlis, 484.
5. Font.-Hareuil, 223; duc d'Orléans, If^m., 590. Le cadenas était an coffret
d'or où l'on mettait le couteau, la cuillère et la fourchette.
Là fortdive de la noblesse sous louis xni. ^19
vince qu'accidentellement; son foyer, son home est à son châ-
teau. C'est là que résident, en son absence, sa femme et ses
enfants ; tous ses intérêts y sont concentrés. Ce château, maison
forte, est l'œuvre de ses pères, bâtie pour des siècles, sans con-
fort possible, mais sans réparation nécessaire*. Ses affaires l'ap-
pelant parfois au chef-lieu de sa province, il y avait un pied-à-
terre, et, s'il était riche, un hôtel; mais il n'avait pas d'hôtel à
Paris. A quoi bon? puisque le roi lui-même au xvi* siècle y habi-
tait si peu, toujours nomade, d'une résidence à l'autre, et plutôt
attaché au bord de la Loire. Les seuls hôtels que l'on vit dans la
capitale avaient été construits sous les Capétiens directs ou les
premiers Valois par les grands vassaux de ce temps : tels l'hô-
tel d'Orléans au faubourg Saint-Victor, l'hôtel de Nesle, les
hôtels des Ursins, de Bourgogne, d'Artois et de Flandres. Véri-
tables forteresses, avec trois étages de caves et des murs de six
pieds d'épaisseur, entourées d'un parc; eUes empruntaient leur
style à l'hôtel Saint-Paul et au palais des Tournelles, ces demeures
souveraines dont les jardins couvraient un quartier du Paris
actuel. François I*' trouva « qu'elles déformaient la ville par
leur antique structure » et les abattit pour faire passer des rues
sur leur emplacement.
Le mouvement qui entraînait la haute noblesse vers la capi-
tale ne se dessina que dans le commencement du xvn^ siècle ;
Richelieu, qui avait le goût de la truelle, qui alignait à lui
seul une ville toute neuve à l'entour du château qui porte son
nomi tout en construisant à Paris le Palais-Cardinal et d'autres
palais ailleurs, contribua pour sa part à développer ce goût chez
ses contemporains'. Tout le monde ne pouvait pas le satisfaire
au même degré, mais tout le monde voulut avoir son hôtel dans
la première ville du royaume. Cet hôtel ât partie de la grande
existence, il en devint le cadre obligé. Suivant cette tendance,
des quartiers nouveaux s'élevèrent et se peuplèrent d'hôtes sei-
1. Cf. Font.-lCareuil, 66; Mëm. de la Force, III, 137. Les dames de la Force
(la maréchale et la marquise) saÎTent leur mari à la guerre, mais le cas est
fort rare alors.
2. Dans la Tille de Richelieu « les maisons sont toutes d'une même struc-
ture et toutes de pierres de taiUe; c'est une ville de cartes. » Malgré tous les
pririlèges que le cardinal y mit, c on ne s'y habitua point. » Cf. Tallemant, II,
178; Montpensier, Mén., 7, et Monteil, Matériaux mantucrUs, I, 51.
20 G. d'avbnel.
gneuriaux. La reine Marguerite se logea au coin de la rue de
Seine, et ses jardins allaient jusqu'à la rue des Saints-Pères. Le
duc deNevers bâtissait, sur remplacement delà Monnaie actuelle,
un hôtel que le roi trouvait « un peu trop magnifique pour être à
l'opposite du Louvre * . » Dans la rue de Seine s'installait M. de
Liancourt; de chaque côté de la rue des Grands- Augustins
étaient les hôtels de Nemours et de Thémines dont les jardins
s'étendaient jusqu'à l'enclos du couvent ; dans la même rue, l'hô-
tel de Brissac*. Leduc d'Épernon habitait rue Vieille-du-Temple,
le duc d'Angoulême rue Pavée. — Quelques-uns avaient déjà
dans les faubourgs élégants, tels que Charonne ou Chaillot^ ce
qu'on appela plus tard de petites maisons j que Ton nommait
alors des maisons de bouteille.
En même temps le luxe gagnait l'intérieur, la distribution des
appartements devenait plus étudiée ; « plusieurs, sans être de
grande qualité, commençaient déjà à mettre une salle et une anti-
chambre devant leur chambre^. > Sous Henri IV, « on ne savait
que faire une salle à un côté, une chambre à l'autre et un esca-
lier au milieu. > Ces escaliers étaient bâtis en pierre de taille et
en spirale, avec une corde fixée au mur ; fort rarement ils étaient
à jour comme les escaliers modernes. « On apprit de M™® de Ram-
bouillet à mettre les escaliers à côté, pour avoir une grande suite
de chambres, à exhausser les planchers, et à faire des portes et
des fenêtres hautes et larges et vis-à-vis les unes des autres ; et
cela est si vrai que la reine mère, quand elle fit bâtir le Luxem-
bourg, ordonna aux architectes d'aller voir l'hôtel de Rambouil-
let, et ce soin ne leur fut pas inutile*. « La chambre de la mar-
quise de Rambouillet était de velours bleu rehaussé d'or et
d'argent, elle était peinte en bleu ^ ; la première elle s'avisa de
faire peindre une chambre d'autre couleur que de rouge ou de
tanné®. »
1. Tallemant, I, 91.
2. Maison achetée en 1626 à demoiselle Marie de Moay. Elle était vendue par
autorité de justice. Plumitif, P 2759, 36.
3. Font.-Mareuil, 21 (en 1610).
4. Tallemant, III, 212. Sau?al {Antiquités de Paris, II, 201) admire aussi
comme une nouyeauté les fenêtres sans appui c qui régnent de haut en bas,
depuis son plafond jusqu'à son parterre, et laissent jouir sans obstacle de Tair,
de la Tue et du plaisir du jardin. >
5. Sauvai, II, 201.
6. Tallemant, III, 213.
LA FORTUNE DE LA NOBLESSE SOUS LOUIS XIII. 24
La salle, la chambre, rantichambre et les cabinets, c est-à-
dire les petites salles, composaient seuls les appartements de
l'époque. Par le mot salon , on n'entendait pas comme aujour-
d'hui un local spécial, destiné à la réception, mais la réunion
elle-même des visiteurs, qui se tenait indiflFéremment dans n'im-
porte quelle pièce de l'hôtel, selon l'heure, la saison ou le hasard.
Ce que nous nommons salle à manger n'existait pas davantage ;
— on ne trouverait pas dans tout le château de Versailles une
seule pièce exclusivement affectée aux repas. On dînait dans sa
salle y dans son antichambre ou dans sa chambre. Chaque jour
on dressait la table, ou bien on l'apportait toute servie^ dans
une pièce choisie sans règle fixe selon le nombre des convives.
La chambre à coucher elle-même n'était pas installée à demeure.
Son mobilier n'avait rien de stable. On tendait et on détendait
« un lit et une tapisserie > dans les habitations particulières,
comme dans les palais royaux, en raison des nécessités du
mement. La chambre du roi, son lit et le reste voyageaient avec
lui, et c'est parce que Louis XIII n'avait pas de chambre tendue
au Louvre, qu'il alla coucher chez la reine en 1637. La France
doit à ce cas fortuit la naissance de Louis XIY ^
Ce qu'on soignait surtout, c'étaient les peintures murales faites
« d'un beau dessin et richement » par plusieurs artistes dont les
uns étaient chargés de la grisaille et les autres des ornements
d'or. Tantôt on couvrait les murs de moquette du haut en bas ;
tantôt on les ornait de tentures en cuir doré, sur lesquelles étaient
représentées en relief < diverses sortes de grotesques, relevées d'or,
d'argent ou de vermillon. » Le roi possédait grand nombre de
tapisseries, qui mal conservées pourrissaient dans les galetas du
Louvre. Ces tapisseries étaient cependant fort chères, et il n'était
pas rare d'en trouver qui dépassaient 10,000 liv.*.
Près de la cheminée, des râteliers chargés d'armes de prix ;
aux poutres du plafond, des cages pleines d'oiseaux^ ; les raretés
— bibelots d'aujourd'hui — se plaçaient sur un relais ménagé
dans le lambris*. Peu de sièges cependant; on ne connaissait guère
que les anciennes chaires des aïeux, les tabourets, et les carreaux
1. Montglat^ Mém., 61.
2. Uttres et pap. d'État, VII, 154.
3. Furetière, Roman bourgeois, I, 86.
4. Lettres et pap. d'État, IV, 304.
22 G. d'avenel.
dô broderie importés d'Espagne. Les chaises, perspective,
inquiétude^ à tourneriez les sophas à la capucine, ne furent
inventés que plus tard*. En revanche, des meubles d'un prix
exorbitant, destinés à prouver la richesse ou le goût des proprié-
taires. La duchesse de La Guyon en fit faire un de 10,000 écus,
qui ne servit qu'un jour*. La duchesse de Chevreuse envoya à la
reine un cabinet d'argent, « dont les liettes (tiroirs) étaient gar-
nies de vases d'or remplis de parfums et d'eaux de senteur,
estimé 12,000 écus^. » Les appartements étaient éclairés avec
des bougies de cire. — Brûler de l'huile eût passé pour économie
sordide de la part d'un grand seigneur. — La cire étant d'un prix
élevé, sa lumière était fort coûteuse, et ce n'était pas un mince
chapitre dans un budget. La bourgeoisie n'aspirait pas plus haut
que la chandelle des siœ, ou même des douze ; les pauvres se con-
tentaient de ces appareils à huile dont le système rudimentaire
n'avait pas été perfectionné depuis les Romains*.
IIL — VÊTEMENTS ET Buoux. — Costumcs dcs gentilshommes;
leur prix élevé ; leur nombre. — L* élégance et la mode.
— Le linge et les dentelles. — Les gants et les rubans.
— Tenue des gens de robe. — Toilette des femmes. —
Cosmétiques et parfuma. — Bijoux, armures et leur
valeur. — Habillements populaires.
Louis XIII n'aimait les somptuosités ni en habits ni en linge ;
il refusait souvent de porter ce que Cinq-Mars commandait pour
lui ; son grand-maître delà garde-robe était < trop magnifique, »
il « lui en faisait souvent réprimande^. » La reine, de son côté,
n'était nullement passionnée pour la toilette ; beaucoup de dames
dans Paris faisaient plus de dépense qu'elle ®. Le luxe de l'époque
ne peut donc être imputé au souverain : il augmenta pourtant
sous son règne. Les lois somptuaires de cette période — les der-
nières, croyons-nous, qui aient été publiées en France — servent
à initier la postérité à des prodigalités que, bien entendu, elles
1. Voyez Monteil, Hi$L des Français, vni, 457 (notes).
2. Tallemant, VIII, 56.
3. Gazette du 23 ayrU 1632. Cf. Tallemant, II, 96.
4. Cf. Tallemant, passim. Monteil, Bist, des Français, VIII, 442.
5. Montglat, Mém., 80.
6. Motteville, Mém., II.
LA FORTUiVE DE LA NOBLESSE SOUS LOUIS XIII. 23
n*ODt pas réussi à réprimer jadis. « Le luxe des habits, disent-
elles, est monté jusques à un tel excès que même les riches en
ressentent de l'incommodité, et les autres sont quelquefois con-
traints de recourir à de mauvais moyens pour soutenir une si
grande dépense ; l'imitation étant un mal si contagieux, que la
coutume autorise en peu de temps les superfluités que chacun
blâme à leur naissance^ > On défendait de porter des baudriers,
ceintures, aiguillettes, jarretières, écharpes et rubans de drap ou
toile d'or et d'argent, porfileuseSy broderies de perles ou pierre-
ries, boutons d'orfèvrerie. On interdit aux maîtres d'habiller
de livrées de soie leurs cochers, leurs laquais et leurs pages, tolé-
rant seulement « deux galons sur les coutures et extrémités de
leurs habits*. » On proscrivait absolument « les passements de
Milan, les piqûres, houpes^ tortils^canetilles, chaînettes^ »et
autres ornements dont les habillements sont couverts. Cinq ans
plus tard, dans un acte officiel, le roi parlait « de la passion
effrénée de ses sujets à consommer leurs biens au luxe, » et cons-
tatait que « les diverses déclarations sur les étoffes et façons des
habits n'avaient eu jusque-là aucun effet^. »
Un manteau était toujours orné de trois ou quatre livres de
passements d'or, dont la valeur n'était pas moindre de 400 liv.
environ ^ Les habillements de cérémonie un peu élégants coû-
taient aisément dans les trois, quatre et cinq mille livres, sans
compter les dentelles, le chapeau, l'épée et les divers accessoires.
Un costume était ainsi un petit capital, si l'on songe que les trois
mille livres de ce temps font dix-huit mille francs du nôtre.
Aussi donnait-on, et recevait-on comme cadeau, un « habit com-
plet » ; c'était une générosité qui n'avait rien de bas en elle-même,
rien de blessant pour celui qui en était l'objet^. Un seigneur à la
1. Déclaration du 16 ayril 1634.
1. Ibid. On permettait aux hommes « d'enrichir leurs vêtements de deux
bandes de broderie >, qui ne devaient être appliquées qu'à l'entour du collet
et au bas des manteaux sur le long et le canon de leurs chausses, sur les
coutures des manches, au milieu du dos, le long des boutons et boutonnières^
et aux extrémités des basques des pourpoints. — Aux femmes, il était permis
d'appliquer ces broderies au bas et au devant des jupes et robes, autour des
basques et corps de robe, et sur le milieu des manches.
3. Déclaration du 24 novembre 1639.
4. KK 199. Comptes de l'argenterie (1616). Arch. nat. Les boutons d'or
Talaient 5 liv. la douzaine ; la ganse d'or valait 20 sous l'aune.
5. Cf. KK 199, Argenterie, Arch. nat. Le roi donne un vêtement de 1,200 liv.
24 G. d'avbivel.
mode n'avait pas de vêtement qui coûtât moins de 1,500 à
2,000 liv. Archambault, le tailleur en vogue, n'eût rien pu lui
fournir à moins*. Un costume du roi, en 1625, figure dans les
comptes de sa maison pour 3,585 liv. ; il consiste, d'après la fac-
ture, en un « habillement de satin cramoisi en broderie d'or et d'ar-
gent, le manteau plein de broderies fort relevées, le tout rempli
de paillettes ; le pourpoint brodé aussi de fleurs comme la dou-
blure du manteau, les chausses de même, le tout très riche et
relevé de l'ordre du Saint-Esprit, les coutures en broderies d'or
et d'argent^. » Le déploiement du luxe en semblable matière
atteint parfois des chifiEres aujourd'hui fabuleux. Bassompierre se
fait faire, pour le baptême du duc d'Orléans, un vêtement de toile
d'or violette et de palmes entrelacées. Il le couvre de cinquante
livres de perles à l'once, qu'un marchand d'Anvers venait d'ap-
porter à Paris; cet habit revint à 14,000 écus, plus une épée de
diamant, achetée 5,000 écus, soit en totalité 57,000 liv., ou près
de 330,000 firancs de notre monnaie^.
à un seigneur. — D'usage immémorial^ les prévôts des marchands, échevins et
premiers officiers de la ville de Paris recevaient, à l'occasion du mariage des
rois, « des robes de soie pour aller à leur rencontre, i Pour le mariage de
Louis XUI, elles coûtèrent 3,600 liv.
1. Ibid., KK 200, fol. 36.
2. Ibid., fol. 35.
3. Bassompierre, Mém., 50. Le compte de l'Argenterie (KK 199, fol. 29) nous
fournit le détail des éléments qui servaient à composer le costume. A ces
chiffres, il faut igouter la façon.
Manteau de velours cramoisi, jupes et grègues (culottes) pareilles (8 aunes 3/4 ;
l'aune équivaut à 1 m. 20 cent.) 210 liv.
Doublure des vêtements susdits en plume (6 aunes) . . . 216
Garniture intérieure du manteau et de la jupe en treillis
d'Allemagne (2 aunes) 3
Pourpoint de drap d'or et d'argent (1 aune 3/4) 157 10 sols
Taffetas damassé pour doubler le pourpoint deux fois (on
le redoublait parfois jusqu'à trois fois) et faire des parements
et des pochettes aux grègues (3 aunes 1/2) 15 15
Canevas fin, pour garnir le pourpoint, pour la solidité et la
raideur (1/2 aune) 15
Hevescke (ratine) d'Angleterre pour doubler le pourpoint et
les grègues (3 aunes) 12
Coutil blanc [K>ur faire le corps des grègues (1 aune 1/2) . 2 5
Passements d'or pour le manteau et les grègues(7 marcs 7 onces) 34 1
Huit douxaines de boutons d'or à rx>udre au costume ... 40
Une douxaine d'aiguillettes de soie 2
Trois boutons plats pour le devant des grègues 15
LA FORTUNE DE LA NOBLESSE SOUS LOUIS IIH. 25
A tous ces costumes, se joignaient les accessoires indispen-
sables, gants, chapeau, bas de soie, chemisettes, collets de den-
telle. Au temps de la Fronde, les hommes prenaient le noir vers
trente ou trente-cinq ans; il n'y avait donc que les jeunes gens
« à s'habiller de couleur. » Mais^ sous Louis XIII, cette mode
n'avait pas encore pris naissance. Jeunes et vieux avaient des
vêtements d'or et d'argent, de satin, taffetas, velours, damas de
toutes nuances. Quelques-uns faisaient venir d'Italie le tabis,
cylindre et ondulé, aux couleurs changeantes*. < Changer tous
les jours d'habit et de plumes, c'est la marque la plus ordinaire
à quoi on connaît dans Paris les gens de qualité'. » La mode et
le goût variaient sans cesse; « il faut que le bourgeois ait des avis
et des espions à la cour, qui l'avertissent à tout moment des chan-
gements qui s'y font, autrement il est en danger de passer pour
provincial^. » < Je n'ai que deux habits à porter, écrivait à sa
mère le jeune Turenne, mon noir, et le mien rouge en broderie
que je porte fort, et qui passe ; » mais bien peu sont aussi éco-
nomes que le futur maréchal : < Tout le monde, dit-il, jusqu'au
moindre, dépense prodigieusement ; ils s'imaginent que cela est
honteux de porter deux fois, dans les grandes assemblées, des
habits qui leur coûtent deux ou trois mille fr. ^. » Le roi, malgré
ses goûts simples, n'échappe pas à cette règle. « Le 14 mai, jour
anniversaire de la mort de son père, il s'habille de couleur feuille
morte, et l'on met chaque année sur l'état de sa dépense un vête-
ment de cette couleur, » qu'il ne portera que quelques heures*.
Cordon de chapeau 18
Ceinturon en broderie d'or 10 16
Collet de Cabroy d'Espagne parfumé d'ambre gris .... 135
Bas de soie (une paire) 21
Ordre du SainUEsprit (le ruban) 1 10
— — (la croix sur le manteau) 16
Chemise (2 aunes de toile de Hollande) 13
La fraise (sans la dentelle) 15
Chapeau et cannetille 39
Totol 1,270 liY. 6 sols
1. Tallemant, III, 188. *■"""""""
2. Furetière, I, 37.
3. Ibid.f I, 52. Le journal de modes tient lieu aujourd'hui de ces avis et de
ces espions. L'idée de faire un semblable journal paraissait plaisante à Bran-
tôme et au siècle suivant à Furetière. Les temps ont changé.
4. Lettres. Collection Michaud, 322 (en 1631).
5. Pontcbartrain, Mém.j kTI,
26 G. D'AVEIfEL.
Il arriva plus d'une fois à l'ambassadeur de Portugal de fermer
les rideaux de son carrosse au Cours-la-Reine, « et de changer
d'habit durant cette petite éclipse^ pour paraître après comme un
soleil au sortir d'un nuages »
C'étaient là les costumes d'apparat pour le bal et la promenade^
il en fallait d'autres pour toutes les circonstances delà vie : jupes
de chasse, petites et grandes, en satin ou en drap de seau — un
drap qui coûtait 20 liv. l'aune, — manteaux de toutes couleurs
pour Paris et pour la campagne, robes « pour faire toilette, » col-
lets de peau de buffle doublés de satin, que l'on portait sous la
cuirasse, costumes de guerre, armes de tout genre, bottes de
toutes formes, — Cinq-Mars en avait trois cents paires*. — La
garde-robe d'un seigneur représentait ainsi une somme impo-
sante. « Un homme propre, dit le maître des requêtes Tallemant,
ne peut se passer à moins de six robes de chambre, une d'hiver et
une d'été, autant à la campagne, une noire pour recevoir les par-
ties, et une belle pour les jours qu'on se trouve maP. »
Les garnitures de rubans à l'habit, au chapeau, à l'épée — la
petite oie — complétaient l'habillement ; à la fin du règne, elles
augmentent tellement « qu'il semble, dit Furetière, qu'elles sont
montées en graine, et viennent jusqu'aux pochettes*. » Il
en était de même des dentelles , mode récente , pour laquelle
la haute société se passionnait. Non seulement les collets et
manchettes en étaient ornés, mais même les draps de lit et
les linceuls^. Grâce à elles, les austères fraises du règne pré-
cédent s'élargissaient en retombant sur les épaules, pour deve-
nir ces cols merveilleux que l'on vendait jusqu'à 2,000 liv., et
dont les élégants changeaient trois ou quatre fois par jour^.
1. TaUemant, VII, 9.
2. Les esprits forts du Marais portèrent en 1637 des bottes à fort longs pieds,
et, pour s'en moquer, quelques capitaines aux gardes dansèrent un ballet des
Longs pieds. — L'usage de la botte, qui disparut sous Louis XIV, était parti-
culier à la France. « J'ai vu bien des gens à Paris, disait un Espagnol, mais
je crois qu'il n'y a plus personne à cette heure, car ils étaient tous bottés, et
je pense qu'ils étaient prêts à partir. > Talleinant, II, 69.
3. Cf. Talleinant, I, 259, III, 223, Pontchartrain, 458, et Comptes de l'Argen-
terie, loco citato.
4. Ibid., I, 53. c Venir en Tisite amoureuse avec une jambe tout unie, un
chapeau désarmé de plumes, et un habit qui souffre une indigence de rubans ;
bon Dieu, quels amants sont^e là? • Molière, Les Précieuses, scène V.
5. Déclaration du 24 novembre 1639.
6. Cf. Tallemant, VIII, 33. On mettait dessous des peintures découpées.
LA FORTUNE DE LA NOBLESSE SOUS LOUIS Xin. 27
« Nos sujets sont fondus de liuve, dit le roi, et le prix des den-
telles va croissant, bien que nous ayons assez témoigné quelle
était notre volonté, et que par notre exemple nous ayons fait voir
que nous tenions à faire observer nos ordonnances à cet égard* . »
« D y a des gens, dit le lieutenant-civil, venus à tel débordement
que, s'irritant contre leur bourse^ ils appliquent les dentelles
à leurs chemises et bas à bottes avec un tel excès que leurs
dépenses dépassent de beaucoup leur revenu*. » Le point coupé
qui, d'après les Edits, ne devait pas valoir plus de 9 liv. Taune,
se vendait jusqu'à 5 et 600 liv.*. Il est ici question du Ponti-
gnac, dentelle ordinaire, la moins chère de toutes ; le point de
Sedan, d'Aurillac, de Raguse, et surtout le point de Gênes le
laissaient de beaucoup en arrière. Un habit avait facilement pour
800 liv. de garnitures, et Ton voit un conseiller au Grand Con-
seil payer les siennes sept fois autant^.
Les gants n'étaient pas moins luxueux ; certaines dames ne les
gardaient jamais plus de trois heures^ ; les hommes portaient des
gants de senteur d'Espagne, des gants en broderie d'or et d'ar^
gent pour les fêtes, des gants de cuir ouvrés, garnis de soie^ pour
les exercices ; on en faisait venir de Rome pour l'élégance, d'An-
gleterre pour la solidité®.
La tenue de deuil, longues robes à queues traînantes, bonnets
carrés, avec chaperons pendants sur l'épaule, que les hommes
d'épée portaient encore aux cérémonies funèbres, fom^ient un
étrange contraste avec les costumes ordinaires''. C'était un sou-
venir des vêtements du moyen âge, abandonnés par les gen-
tilshommes, que seuls les gens de justice et de finance, — gens
de robCy — avaient conservé.
Les magistrats de robe courte portaient la « toque ^ » les
magistrats de robe longue le « bonnet quarré; » quelques-uns
1. Déclaration de janvier 1635. Au zvi* siècle, Bodin nous apprend qu'un
financier enroyait blanchir ses chemises de Paris en Flandres, à un tcston
(15 sous) pièce, « et jamais ne donnait moins d'un teston pour les épingles. >
2. Ordonnance du 5 décembre 1641.
3. Ordonnance du lieutenant civil du 26 avril 1637.
4. Furetière, I, 49. Taliemant, II, 94, X, 175.
5. Taliemant, V, 100. On les portait souvent pendus à son côté, ainsi que le
mouchoir ; les pochettes eussent été trop étroites pour les contenir.
6. LeUres et papiers d'État, III, 283, 448, VIII, 254. c Ils sont beaucoup
mieux cousus à l'anglaise, » dit Richelieu.
7. Plumitif, P 2757, fol. 73. Taliemant, X, 169. En Espagne on portait même
le deuil avec la Umga caparusua et le capirole. Bassompierre, 155.
28 G. d'aveiiel.
avaient le jupon, petit justaucorps à longues basques; presque
tous la simarre, sorte d'étroite soutane qui ne les quittait pas. A
tous il était interdit de porter les habits courts; l'on voyait le
garde des sceaux Chàteauneuf caracoler en simarre de soie vio-
lette à la portière du carrosse de M"** de Chevreuse. Autant
l'homme d'épée était magnifique, autant l'homme de robe était
simple : il y a entre eux un abîme. Face à face dans le même
tableau, ils ne paraissent pas appartenir à la même époque ni au
même pays. Ces hommes de loi qui portent « le linge uni et la
moire lice, » dont l'élégance consiste dans la forme d'un rabat,
dans la pose d'une barrette \ et dont l'extérieur paraît être de
cinq siècles en retard sur celui de leurs concitoyens, légueront
néanmoins aux temps modernes la robe qu'ils ont reçue des
anciens ; elle sera encore en usage quand les pourpoints à crevés
seront entrés depuis longtemps dans le domaine de l'histoire*.
Les femmes de la cour — on le devine — ne restaient pas en
arrière sur le chapitre delà toilette. Les trois robes qu'elles por-
taient l'une sur l'autre : la modeste, la friponne, la secrète'*,
oflFraient un vaste champ à l'activité de leurs tailleurs^. Devants
de couleurs, robes de satin en broderie, pardessus des jupes de
tabis passementées d'or et d'argent; jupes de toile d'or avec
grandes dentelles ; manches pendantes et renouées sur les bras
avec des pierres précieuses : tout ce qu'une imagination natu-
rellement capricieuse et désœuvrée peut inventer pour se distraire
est le passe-temps des dames qui se piquent de braverie^. Au
1. Faretière, I, 155, II, 52. La corne la plus élevée devait être par derrière,
jamais sur le devant ni de côté, c Le rabat élait la première marque à laquelle
on reconnaissait qu'un homme était bien mis, et l'on n'y pouvait employer trop
de temps et de soin. Il fallait qu'il vint de chez la bonne faiseuse qui prenait
un écu de façon; qu'il fût bien empesé et échancré avec goût. > Ibid.f I, 51.
2. Les médecins portaient dans les occasions solennelles la chape d'écarlate,
usage tombé depuis en désuétude. Cf. Guy-Patin, Lettre II, 539. Sur le cos-
tume du tiers état, cf. Rapine, États généraux, 41. Molière, Tartufe, acte Y,
scène IV. Bégnier, Satire IX.
3. Sans compter un a caleçon > de firise qu'elles mettaient a sous leur cotte >
durant l'hiver. Pontchartrain, 470.
4. Bassompierre {Mém.y 126) parle de Zocoli, tailleur de la Beine; c'est un
personnage, qu'elle envoie visiter de sa part par la duchesse de Gruise. — La
présidente .Tambonneau est habillée par un tailleur, M* Thomas, « qui la tyran-
nise, mais qu'elle garde parce qu'il l'habille mieux qu'un autre; et puis il lui
faisait crédit, et elle devait beaucoup. » Tallemant, IX, 156.
5. Cf. MottevUle, 16, 24. Pontchartrain, 480.
U FORTUNE DE LA NOBLESSE SOUS LOUIS XIII. 29
bal, décolletées en carré ou en pointe sur le devant de la poitrine,
« la gorge fort ouverte, » selon l'expression du temps* ; dans la
rue, le visage couvert d'un masque, — signe distinctif de noblesse;
— montées sur des patins, si elles marchent, le chapeau garni
de plumes pour se garantir du soleil, si elles sont à cheval, ou
tenant à la main, en carrosse, un de ces parasols aux couleurs écla-
tantes, ornés de dentelles d'or sur les coutures, que l'on faisait
venir à grands frais d'Italie*; telles nous apparaissent les femmes
de la cour en 1620 et 1643. Leurs chapeaux, selon le flux et reflux
de la mode, « devenaient hauts comme des pots à beurre, ou plats
comme des calles^ ; » mais c'était à la coiffure, cette œuvre com-
pliquée où La Prime excellait, que l'on pouvait reconnaître une
femme de qualité.
Les moustaches, boucles pendantes le long des joues jusque
sur le sein, étaient réservées aux demoiselles ; les bourgeoises
n'eussent osé en porter^. Quelques femmes préféraient les cheveux
à serpenteaiUD qui descendaient jusqu'à la ceinture ; d'autres
affectionnaient les cavaliers, frisés sur les tempes; les combinai-
sons nouvelles remplaçaient les coiffures rondes, frisées et pou-
drées, que l'on portait au commencement du règne, et qu'Anne
d'Autriche n'abandonna que fort tard^. Au sommet de la tête
était le galant, une touffe de soie rose ; Tapprétador, chaîne de
diamants ou de perles, était entrelacé dans les cheveux*. Partout
des nœuds et des rubans emblématiques ; sur le cœur le mignon,
à la pointe du corset le favori, au bas de l'éventail le badin.
La société de ce temps n'ignorait ni ne dédaignait l'art, presque
aussi ancien que le monde, d'embellir la nature; le rouge, le noir
et le blanc jouaient dans la toilette un rôle de premier ordre. On
« se plâtrait avec un pinceau » le visage, la gorge et les bras.
La duchesse de Montbazon se fardait ouvertement ; madame de
1. Ed 1636^ les dames font « des mouchoirs de toile de soie à mettre sur
leur gorge, t Lettres et pap. d'État, \, 428.
2. Montpensier, Mém., U. Lettres et papiers d'État, IV, 643. L'Italie était
renommée alors pour les charmantes fantaisies dont Paris a aujourd'hui le
monopole.
3. Furetière, I, 53.
4. Talleraant, IX, 106. On en portait aussi de postiches, attachées avec un
ruban noir; les coins de cheveux n'étaient pas encore inventés.
5. MotteTiUe, 25.
6. Les veuves portaient le bandeau traditionnel, les femmes égées ou reti-
rées du monde relevaient leurs cheveux en languettes. 1>dlemant, III^ 12.
30 6. d'avenel.
Rambouillet se mettait du rouge aux lèyres ; d'autres en mettaient
aux joues, si abondamment que ce rouge appliqué mangeait le
rouge naturel, tandis que quelques-unes pour paraître plus
blanches se tenaient au lit avec des draps écrus, ou mangeaient
des citrons pour se rendre pâles ^ « On se faisait les sourcils, »
non seulement avec des crayons, mais au moyen de véritables
teintures ; la teinture d'ailleurs était déjà employée pour la barbe
et pour les cheveux; M. de la Rochefoucauld, M. d'Aumont
s'en servaient; M. d'Humières y eut recours pour son fils, dont
il fit teindre en noir les cheveux roux*. Les fausses dents , les
boules de cire pour enfler les joues, aidaient à réparer l'outrage
des ans^. Jeunes et vieilles, les dames n'auraient pu se passer de
quelques mouches; être « fort mouchée » était du meilleur ton ;
Le plus parfait ajustement
Bans elles n'aurait point de grâce.
Les jeunes gens, de leur côté, se couvraient la tête d'une poudre
qui inondait leurs collets. L'huile de jasmin, la pommade de
M°*® des Ëssarts adoucissaient leur peau, les sachets de violette
et de roses musquées parfumaient leur linge et leurs habits^,
tandis que < l'eau d'Ange » à l'iris de Florence, le genièvre brûlé
et le vinaigre impérial embaumaient les appartements^.
La mode des bijoux n'était pas moins générale que le goût des
1. Tallemant, I, 128, VI, 134, IX, 21, 156. Marioa de Lprrae m tenait des
maUnées enlières les pieds dans Teau c parce que le nez lui rougissait quel-
quefois, i ihid,y V, 100. c Pour être chaussées roignonnement, quelques filles
de la reine se serrèrent une fois les pieds avec les bandelettes de leurs che-
Teux, et, de douleur, s'évanouirent dans le cabinet de la reine, > ibid.^ VII,
203. « M. d'Aumont se tenait les pieds dans l'eau, pour se pouvoir botter plus
étroit. »
2. IhiA.y X, 78, 121, V, 10. a Beaucoup de gens apportaient des artifices à
leur barbe pour la faire devenir noire. > Segrais, Mém.^ 239. On cessa de porter
la barbe sous Louis XIV : c Le seul changement que remarqua Bassorapierre,
en sortant de prison au bout de douze ans, c'est que les hommes n'avaient
plus de barbe, et les chevaux plus de queue. > Abbé Arnaud, 510.
3. Tallemant, VIII, 9. Régnier dit d'une femme (Sat. IX) :
Et tout ce qui de jour la fait voir si doucette,
La nuit, comme en dépôt, est dessus la toilette.
4. Les sachets coûtaient 15 liv. la pièce.
5. Lettre de M"* de Rambouillet à M-« de Sablé. Tallemant, V, 162. Riche-
lieu remercie un correspondant de l'envoi c d'eaux et poudres de senteur si
excellentes, qu'il ne saurait assez les estimer. » Lettres et pap. d'État, II, 384.
L'usage était donc général.
LA FORTUNE DE LA NOBLESSE SOUS LOUIS IIH. Si
cosmétiques et des parfums ; elle était d'autant plus dispendieuse
que les diamants, les perles, comparativement aitœ autres
marchandiseSy avaient un prix plus élevé au xvir siède que
de nos jours. On portait des pierreries non seulement au cou, aux
doigts, aux oreilles, mais sur tout le vêtement. La reine Marie, au
baptême du dauphin, avait une robe étoffée de 32,000 perles et
de 3,000 diamants ' . Or le « diamant d'Alençon » et les « pier-
reries du Temple » — ces bijoux feux de l'époque — n'étaient
pas en état, par leur fabrication grossière, de procurer beaucoup
d'illusion. On ne pouvait guère avoir recours à eux*. Richelieu
donne à la princesse d'Orange, de la part du roi, des pendants
d'oreilles en diamants de 50,000 écus. M"*® de Guise donne à sa
fille € son grand diamant » estimé 240,000 liv. L'orfèvre de la
couronne reçoit 30,000 liv. pour une bague, et 134,000 < pour
fourniture de diamants et monture d'une chaîne^. » Les perles
atteignaient des chiffres analogues. La maréchale d'Ancre avait
un tour de col de 40 perles à 2,000 liv. la pièce, et une chaîne
de cinq tours, d'une valeur de 280,000 liv. ; le président Le Jay
donna à la femme d'un maître des requêtes un collier dont chaque
perle coûtait 1,000 liv. ; la reine de Danemark avait pour bague
une perle creusée et percée en forme d'anneau^ Nous ne parlons
pas des pierres de couleur, tables de bracelet ^ médailles d'agate
antiques, opales grandes comme des assiettes, d'une valeur de
40,000 liv.^, ni de ces menus bijoux, joncs d'émail, petits chape-
lets, montres de Blois émaillées, petits cadeaux sans conséquence
qui servaient à acquitter une discrétion^.
Les hommes aussi affectionnaient les bijoux de prix, chaînes
de diamants de 60,000 écus, épées dont la garde valait 90,000 liv . ,
conune celle du duc d'Ëpernon — on en vendait courajnment de
1. Mercure français, 1606, p. 111. Cf. MotterlUe, 24.
2. Lettres et pap. d'État, V, 55. Tallemant, VI, 73.
3. Lettres et pap, d'État, VII, 276. Duc d'Orléans, 570. Compte de l'Argen-
terie, KK 199, fol. 26. — 160 boutons d'or émaillés pour U reine Anne,
58,000 Ut.
4. Pontchartrain, 469. Tallemant, X, 190. Arnaud, 527.
5. Pontchartrain, 465. Tallemant, VII, %.
6. Lettres et pap. dÉtat, III, 906. Montpensier, Mém,, 5, 10. Le roi achète
un pistolet « au bout duquel il y avait une montre d'horloge, i 450 Ht. (KK
199, fol. 14). La reine d'Angleterre avait pour bague, au lieu de pierre, dans
un cristal d'une grosseur ordinaire, une montre avec toutes ses roues, sonnant
les heures sur son doigt, que le marteau frappait doucement par de légères
piqûres. (Arnaud, 527.)
32 G. D'AVENEt.
12,000 \ — relève-moustaches en diamants, comme celui que
Cinq-Mars sur Téchafaud donnait à son bourreau*
Les jouets eux-mêmes, récréation ordinaire des enfants prin-
ciers, atteignaient des chiffres qui semblent inouïs à notre époque,
où pourtant les prodigues ne manquent pas : 2,000 écus (plus
de 36,000 francs d'aujourd'hui), payés par le cardinal de La
Vallette pour une poupée offerte à M"® de Bourbon, — « avec
la chambre, le lit, tout le meuble, le déshabillé, la toilette et
bien des habits à changer^. »
Pendant que la classe opulente s'épuise ainsi en dépenses mul-
tiples, le bourgeois qui ne connaît ni roses au soulier, ni ruban
au genou, porte ses cheveux rasés au-dessus de l'oreille, s'habille
à la friperie, et sa femme entrevoit à peine dans ses rêves la robe
de velours, tandis que la plus haute ambition de sa fille consiste
en un collier d'ambre, des gants neufs et des souliers noircis^.
IV. — Les divertissements et le jeu. — Le noble en temps
de paix; chasse et danse, — Vénerie et faticonnerie
royale, — La paume et autres exercices. — Les jeux
innocents. — Les carrousels, — Les bals : on ne danse
bien qu'en France, — Ballets^ leur nombre et leur prix,
— Musique et théâtre. — Le jeu : prime, dés, quinola,
trictrac. — Grandes pertes; maisons de jeu ou brelans.
Grand train, table abondante, vastes demeures, riches vête-
ments, tels sont les éléments d'une vie seigneuriale. Que peut
être cette vie elle-même? Que fait le propriétaire de tous ces
biens? Il s'occupe peu de ses affaires privées, encore moins des
affaires publiques , il n'est ni artiste, ni lettré ; l'agriculture ne
l'intéresse pas, il la dédaigne ; le commerce est au-dessous de \m,
il le méprise. En temps de guerre, il est merveilleux, rien ne le
1. Richelieu, III, 36. Mercure, 1606, p. 111. Leitret et pap. d'État, VII, 813.
Bassompierre, 31. — Boite en diamant», donnée à l'ambassadeur de Suède,
30,000 liY., et autant pour la façon. (Gazette, 8 août 1631.)
2. Fontrailles, Mém,, 265.
3. Tallemant, I, 182. M"* de Brézé, femme du grand Condé, tenait de Riche-
lieu c une peUte chambre avec six poupées : une femme en couches, une nour-
rice gitasi au naturel, un enfant, une garde, une sage-femme et la grand'
maman. Elle y jouait arec M"** de Rambouillet et de Bouteville. » Ibid.,
II, 216.
4. Cf., sur les mœurs de la bourgeoisie de Tépoque, Furetière, Roman frour-
geois, I, 10, 46, 108, 181.
LA FORTUNE DE LA NOBLESSE S0D8 LOUIS XIII. 33
rebute ni ne le fatigue ; c'est son métier, et jamais homme n*a
mieux que lui connu son métier. Il Ta étudié dans sa jeunesse,
exercé dans son âge mûr ; dans sa vieillesse, il y prépare ses
enfants. Il en a Tamour, et grâce à l'influence des milieux, de
l'hérédité, il en possède la qualité maîtresse, la bravoure. Les
institutions et les mœurs ont fait de lui un soldat, il l'est avec
perfection, avec passion, mais il n'est que cela. Organisée pour
la guerre, la noblesse en temps de paix est une épée au fourreau,
soit un meuble inutile; une troupe en garnison, c'est-à-dire
quelque chose qui a servi et qui servira, mais qui présentement
ne sert pas.
N'ayant pas d'occupations, elle se crée des passe-temps qui
répondent à son tempérament. Habitué à un exercice continu, le
noble, ne pouvant se battre, chasse et danse ; double gymnastique
du dehors et du dedans, qui lui permet de satisfaire en plein air
comme à huis clos ses instincts de mouvement perpétuel. Exis-
tence plus brillante à la cour, plus rustique à la campagne, par-
tout d'une singulière monotonie. A Paris on danse, on se promène,
on se visite davantage. Dans les châteaux, on s'applique exclu-
sivement à la chasse, parce qu'on n'a guère d'autre ressource
pour tuer le temps. Le gentilhomme campagnard est chasseur de
profession, de père en fils, et d'un bout à l'autre de l'année, comme
ses paysans sont laboureurs ou pasteurs. Certains procédés de
vénerie sont plus relevés que d'autres, certains gibiers sont plus
distingués, mais toute chasse est noble, et tout chasseur, par con-
séquent, doit appartenir à la classe aristocratique.
Chasses à courre, à tir, à la huée, ainsi que nos pères nom-
maient les battues, étaient savamment réglées et avaient leurs
amateurs. Charles IX, dans sa Chasse royale, ne s'occupe que du
cerf et délaisse complètement les oiseaux. Louis XIII, au con-
traire, les aimait de prédilection, ce qui ne l'empêcha pas de
récompenser par un brevet de duc le savoir de Saint-Simon de
€ bien porter en un cor, sans baver dedans*. » Poil ou plume
d'aiUeurs, les animaux ne manquaient pas. On n'en était pas
encore arrivé à « protéger les bêtes comme si elles étaient des
hommes, et à poursuivre les hommes comme s'Us étaient des
bêtes. » Les grands seigneurs étaient néanmoins très sévères sur
le chapitre cynégétique. Brezé, gouverneur de l'Anjou, passait
I. TallemaDl, III, 65.
Rev. Histor. XXII. !•' pasc. 3
34 G. D'AVEIfgL.
en fait de chasse pour le plus graud tjnran du monde^ « jusque-là
que les personnes de qualité n'osaient avoir un chien ni une arque-
buze pour tirer seulement dans leur parc. » Autour de Paris, les
forêts royales de Monceaux, Compiègne, Versailles, Saint-Ger-
main, Vincennes, Fontainebleau, Livry, Sénart, Longjumeau,
Château-Thierry, pour ne parler que des plus importantes, étaient
défendues avec un soin jaloux par les gardes qui, ne recevant
aucun gage, « faute de fonds, » n'avaient d*autre indemnité que
leurs privilèges ^ Le roi encourage ses procureurs à veiller « avec
plus de soin et d'affection à la conservation de ses chasses et
plaisirSy conune étant son plus agréable divertissement dans le
séjour qu'il fait et pourrait faire en sa bonne ville de Paris. »
Parmi les grands offices de la couronne, il n'en est pas moins de
trois exclusivement affectés à la chasse : le grand veneur , le
grand fauconnier, le grand louvetier. La vénerie ne comprend
que trois cents et quelques chiens, mais admirablement répartis
entre le cerf, le chevreuil, le lièvre et certaines espèces de lièvres ;
plus les lévriers, les dogues, les chiens courants de toute race,
les levrettes et les épagneuœ*. La fauconnerie était un ministère.
Vol pour milan, vol pour corneille, pour héron, pour les champs
et pour rivière, chacun avec un chef, et des « gentilshonunes ser-
vant au voP. »
Louis XIII aimait à chasser avec des oiseaux de proie toute
sorte de gibier, même la perdrix. « Voler le perdreau, voler le
merle, ou répéter le ballet, » — il y avait toujours un ballet
en répétition, — étaient les deux objets entre lesquels il partageait
les longues journées qui ennuyaient tant ses favorisa La livrée
1. Henri Poissier, s' de la Sablonnière, gouverneur des oiseaux et de la
chambre et cabinet du roi, avait droit à six douzaines de serins à bas prix
(6 liv. la douzaine). Sentence de la Maîtrise des eaux et forêts, 9 sept. 1637.
2. En 1640, le grand veneur nourrit 70 chiens, plus une meute de 24 chiens
d'Ecosse, chassant c pour le lièvre, » plus 54, y compris 4 limiers, formant la
meute du chevreuil, 24 chiens c chassant aux toilles, > 4 grands lévriers et
dogues, 50 chiens blancs, c chassant pour le cerf, > 70 chiens courants,
18 épagneux, 4 levrettes servant dans la chasse au faucon, 6 lévriers à lièvres
de Champagne.
3. Le grand faucx)nnier était le duc de Chevreuse; nous voyons Charles de
Bourlon, chef du vol pour les champs, Gilles de Ligny, s' d'Iurmont, chef du
vol pour héron, Denis Zamet, s' de Vaux, gentilhomme servant au vol pour
corneille. 11 y avait, en 1640, 103 oiseaux : 20 au vol pour milan, 12 pour héron,
46 pour corneille, 8 pour les champs, 6 pour rivière, 3 pour pie, 8 pour
émérillon.
4. « Le roi va voler le perdreau, qui est la chasse de la saison » 0^ ^^ juillet;
LA FORTUNE DE LA NOBLESSE SOUS LOUIS XIII. 35
que les chiens portaient sous forme de collier, les faucons et leurs
congénères la portaient à la patte, sous la forme d'une vervelle,
anneau de cuivre ou d'argent, aux armes du maître*. Le roi qui
chassait constamment, mais économiquement, ne dépensait pas
ainsi de bien grosses sommes ; les seigneurs y mettaient souvent
plus de magnificence ; la chasse n'était pas seulement pour eux
un sport, c'était aussi une fête. M. de La Rochefoucauld donne-
i-il une chasse aux dames, à tous les relais il y a collation et
musique.
Faute de chasse, on court la bague, on tire le papegai*, on
joue à la paume, à la longue paume, au volant, on fait partie de
tirer des hirondelles au Pré-aux-Clercs, ou d'aller jouer au Mail
au Palais-Royal avec les dames ^. On se délassait de ses exercices
par quelqu'un de ces jeux que les modernes ont baptisés d'inno-
cenis, et que les hommes de ce temps pratiquaient le plus sérieu-
sement du monde. Le gage touché ^ Votre place me plaît fai-
saient les délices de plus d'un grand roi^.
Les courses de chariots autour de deux pyramides, — souve-
nir des anciens Grecs, — qui faisaient fureur à Florence^, pas
plus que les courses de chevaux établies en Angleterre sous
Jacques P', n'avaient pu réussir en France. « Pourquoi un honune
brave s'amuserait-il avec un animal, dont le plus grand mérite
serait de l'aider à fuir plus rapidement* ? » Les carrousels où les
plus qualifiés de la cour paradaient devant la foule du peuple,
suivis de troupes allégoriques, superbement équipées aux frais
des tenants y répondaient mieux au goût de représentation si vif
ils étaient donc bien précoces). Gazette du 16 juillet 1633. Le roi ne parle
guère que de sa chasse. Voyez Louis XIII et Richelieu , par M. Marins Topin.
1. TaUeraanl, VIII, 202.
2. A Parc ou à l'arquebuse; c'était un oiseau de carton juché sur une perche.
3. Tallemant, X, 132, 133, 142. Les paysans jouaient à la pierrette. Louis XIII
y était fort adroit. Le jeu de boules était le régal de la bourgeoisie; la paume
était de luxe ; les gens malaisés jouaient à ctosser^ chassant une balle a^ec un
bAton recourbé.
4. Lettres et pap. d'État, VIII, 84. Témoin Gustare-Adolphe qui y jouait avec
sa cour.
5. Bassompierre, 17. Talleraant, X, 155. On y pratiquait aussi le paUio,
course de chevaux*
6. Mémoires de lord Herbert Cherbury, 46. < Je n'approuve pas, dit-il, l'usage
de monter dans les courses de chevaux, parce que c'est un jeu où on triche
trop souvent, t
36 G. D^AYBNEL.
dans la haute classe, mais coûtaient trop cher pour être répétés
souvent*.
Le divertissement le plus apprécié, le plus répandu, toujours
renouvelé et toujours en honneur, c'était la danse. « Sans la
danse, un homme ne saurait rien faire, » dit le maître à danser
du Bourgeois-Gentilhomme, et il disait vrai ; « il n y a rien qui
soit si nécessaire. » Feux de joie, feux d'artifice, lanternes en
papier colorié , lanternes magiques , festins publics étaient les
démonstrations d'allégresse accoutumées du populaire^; le bal
seul était l'accompagnement obligé d'une fête de bonne compa-
gnie. On ne l'entendait bien qu'en France. En Italie, les femmes,
séparées des hommes, étaient assises sur une estrade au bout de
la salle ; en Espagne, on y gardait trop de raideur ; en Angleterre,
on y mettait trop d'étiquette ; mais en France, tout le monde en
rond, se tenant par la main, dansait les branles avec l'entrain
d'une noce de village. Les distances s'effaçaient, la morgue dis-
paraissait. Les femmes engageaient les hommes en leur présen-
tant des bouquets ; le roi même prenait part à C assemblée comme
un simple particulier, la première venue le choisissait, pendant
qu'un gentilhomme portait son hommage à une princesse. Chabot
fit son chemin par la courante qu'il dansait à ravir^. Un pas
bien exécuté valait à son auteur presqu'autant de réputation
qu'une ville prise ; c'étaient des coups d'éclat de diverses sortes.
Depuis là pavane y déjà vieillie, jusqu'à la boccane, d'invention
récente, une multitude de pas, savamment étudiés, compliqués
avec grâce, exigeaient une attention toujours en éveil, une tactique
soutenue dans les jambes, les bras, la tête, tout le corps. La sara-
bande, la figurée, la panadelle, la bourrée n'étaient pas des con-
ceptions vulgaires ; un courtisan qui savait en faire ressortir
toute la délicatesse était de suite un homme classée
1. Tel est en 1606 le carrousel de l'Eau, de la Terre, du Feu et de l'Air. En
1612, le carrousel de la place Royale, qui revint à 50,000 écus aux cinq tenants :
Guise, Chevreuse, Nevers, Bassompierre, La Chataigneraye. Suivis de 500 per-
sonnes, dont 206 à cheTal, tous habillés et caparaçonnés de velours incarnat et
de toile d'argent, ils firent c un grand tour dans Paris, > de la place Royale au
Pont-Neuf, pour se montrer « au peuple inuumérable. » Bassompierre, 46, 79.
2. KK200, f* 22, Arch. nat. Richelieu, Mém., I, 328. Régnier, Satire II.
Montpensier, Mëm., 7. Lettres de cachet, 5 septembre 1638.
3. Abbé Arnaud, 814. Bassompierre, 20. Tailemant, V, 25, X, 129, VIII, 24.
4. Il y avait des danses bourgeoises comme les Cinq-Pas, les TroiS'Visages,
et des danses grotesques comme la Diableitse, Grand- Guenippe. Furetière,
Boman bourgeois, I, 110. Tailemant, VI, 206.
LA FORTUNE DE LA NOBLESSE SOUS LOUIS XIII. 37
Mais c'est surtout dans les ballets que rimagination se donne
libre carrière. Il en est pour toutes les circonstances de la vie,
pour toutes les époques de Tannée. Ballets demi-deuil et de carême,
ballets politiques avec allusions transparentes ou cachées^ ; bal-
lets graves ou sérieux, historiques ou romanesques. En une seule
année, on en dansa cinq nouveaux à la cour, celui des Turcs, des
Amoureux, des Lavandières, des Nymphes, des Docteurs Gra-
tiens*. Mademoiselle va visiter un de ses domaines ; l'intendant
danse un ballet en son honneur le jour de son arrivée, et la prin-
cesse constate avec soin dans ses Mémoires que voilà un « homme
de bonne compagnie » et qui sait vivre ^.
Les grands ballets de cour où figuraient près de cent cinquante
personnes, et dont la dépense était supportée par le roi seul, reve-
naient quelquefois à 100,000 liv. Le monarque y paraissait sous
les déguisements les plus variés ; dans la même soirée, il repré-
sente tour à tour un joueur de guitare et un simple soldat. Les
colosses en baudruche, les types familiers de l'époque : Guillemine
la quinteuze, Jacqueline l'entendue, Alizon la hargneuze, les
Bertrands*, les Bilboquets et divers grotesques plus ou moins
plaisants faisaient les frais ordinaires de ces exhibitions, où le
bon sel paraît manquer totalement. On ne s'en lassait pas cepen-
dant. Deux baladins (maîtres de danse), Jacques Gordier, dit
Boccan, chez le roi, Antoine Ballon chez la reine, réglaient les
pas, présidaient à la mise en scène^; et l'élite de la nation se
consumait de travail pendant des semaines , sous fa direction
de ces artistes autorisés, afin de parvenir à exécuter, dans les
formes et selon certain ordre, les jetés et les entrechats, brodés
sur un canevas qui aujourd'hui servirait à peine pour une cha-
rade d'après-dîner®.
1. En 1621, Luynes, jouant dans un baUet le rôle de dompteur des monstres,
c lors de la brouille du roi avec sa mère, faisait mettre la reine Marie, repré-
sentée par un géant traîné par deux nains, à genoux devant lui pour l'affaire
d'Angoulème, et ensuite le ventre en terre pour celle du Pont-de-Cé. > Riche-
Ueu, I. 252.
2. Cf. Bassompierre, 22, 51, 123. En 1608, ballets des Inconstants, de Maître
Goille, des Dangereux, des Dieux marins.
3. Montpensier, 4.
4. La mode des Bertrands venait du proverbe italien : Qui aime Bertrand
aime son chien.
5. Le premier touchait 340 liv. chez le roi et 400 liv. chez la reine ; le
second ne touchait que 180 liv. chez la reine. Etat de la Maison du roi, en 1640.
6. Le maître à danser ridiculisé par Molière n'est nullement outré. Dans les
38 G. d'aveutel.
Gela semblait sufflsaat, l'imagiDation n'allait pas au delà. Il
est vrai que la musique et l'art dramatique n'existaient pas plus
l'un que l'autre. Vingt-quatre violons suffisaient aux besoins
mélodiques de la capitale ; on les nommait les 24 violons. Ils
servent indistinctement dans les besoins d'amour, de danse, de
cérémonies multiples ; à la cour ainsi qu'à la ville, au bal, à la
sérénade, à l'église, leur emploi est universel*. Trois d'entre eux
étaient ordinaires de la chambre du roi, mais les vingt et un
autres y jouaient aussi sans avoir le titre'. Onze hautbois, douze
trompettes et quatre tambours complétaient l'orchestre royal,
avec les enfanJts de la musique de la chambre^. S'il était
nécessaire de le renforcer en instruments, on n'avait d'autre res-
source que de requérir les violons de la campagne ou les fifres
et tambours des Cent-Suisses et de l'Ecurie.
Le théâtre venait à peine de naitre. La comédie de salon,
« représentée par des personnes particulières qui ne faisaient
point profession de comédiens, » était une exception ; plaisir peu
répandu et encore moins goûté. Un amateur comme le marquis
de Sourdéac se donnait le luxe de dépenser 10,000 écus pour
faire jouer dans son château la Toison d'Or de Corneille*; le
fait demeurait isolé. L'art dramatique, considéré comme une
récréation mondaine, avait peu de moyens de firapper les oreilles
et de charmer l'esprit d'une société médiocrement cultivée. L'ins-
tallation des salles de spectacle (Marais ou Hôtel de Bourgogne)
n'était guère supérieure à celle d'un théâtre de foire ; les gens de
OQTrages chorégraphiques du temps, il est question d'Aristote à propos d'un
simple rond de jambe. Les auteurs appellent à leur aide toute l'antiquité clas-
sique.
1. C'était un divertissement bien vu de la part d'un auteur, de donner les
violons à la comédie, c'est-à-dire de faire jouer une douzaine de violons pen-
dant les entr'actes de ses pièces. La Serre n'y manquait jamais. Tallemant,
Ylllf 134. Dans le langage des précieuses, les violons pour faire danser se
nommaient les âmes des pieds,
2. Cf. Plumitif, p. 2860, fol. 48. Arch. nat., KK 201. Les trois titulaires
étaient, en 1614, Antoine Desnoz, François Lechassier, Claude Crestot, dit La
Haye. Ils reçoivent chacun 12 liv. 10 s. d'étrennes. Les hautbois, au nombre
de quatre, recevaient 90 liv. de traitement par an. La reine, qui assistait tou-
jours aux quarante heures, ne manquait pas d'y envoyer sa musique. Arch.
nat., KK 1355, fol. 6.
3. Les enfants, à qui l'on apprenait à chanter, étaient élevés aux frais du roi.
A l'Age de c la mutation de la voix, » ils sortaient de la musique et recevaient
75 liv. par an, c pour avoir moyen de s'entretenir. > IbUL
4. Hisl. de l'Opéra, 23, Paris, 1753. Bassompierre, 130.
LA FORTUNE DE LA NOBLESSE SOUS LOUIS XIII. 39
qualité ne s*y aventuraieût qu*eii de rares occasions, sur invi-
tation spéciale, et comme en une partie un peu risquée ^
Tout autre était l'attrait du jeu pour ces personnages sans
cesse à court d'argent, et qui, à défaut du gain, retrouvaient
autour d'une table de prime ou de trictrac, à une partie de dés
ou de quinola^ les émotions fortes de la bataille et les hasards
agréables à leur humeur*. Le duc d'Orléans jouait à prime
« quelque dix heures par jour ^ ; » Bassompierre y gagna
100,000 fr. en 1606, et 600,000 liv. en 1608. Et comme l'ar-
gent eût été trop long à compter, trop incommode à manier, on
inventa des jetons de 50 à 500 pistoles chaque, « de sorte qu'on
pouvait tenir dans sa main plus de 50,000 pistoles (400,000 liv.)
de ces marques-là*. » Si quelque gentilhomme manquait de
fonds, il se trouvait toujours un financier français ou étranger,
que ses écus avaient introduit dans la compagnie, pour « faire
bon tout ce que l'on jouait , » fournissant des marques sous
bonne caution, usurier discret et complaisant, gagnant à coup
sûr et remercié de chacun.
Au jeu, le maréchal de Créqui perd 200,000 écus, le maréchal
d'Estrées 100,000 liv. en un jour, Chevry 50,000 contre le duc
de Guise. Le maréchal de Gramont s'y ruine, tandis qu'un
simple élu de Chinon y gagne 1,200,000 liv. et se bâtit sur ses
bénéfices un hôtel rue Sain t- Antoine ^. Il est vrai que beaucoup,
assimilant trop exactement le jeu à la guerre, se croient en droit
de corriger la chance par d'ingénieuses tricheries, comme un bon
général décide la victoire par un habile stratagème. Dés pipés,
cartes biseautées deviennent vulgaires à force d'être employés.
« La malice de ceux qui font profession de jouer » cause des
scandales publics que les lois mêmes se croient obligées de signa-
ler, et atteint du premier coup la perfection de ce genre ®.
1. Cf. Talleraant, VIII, 33 et saiy.
2. On joaait aussi au sexie-partie^ et Tabbé Arnaud nous apprend (Mém,^
S04) que c M. de Saint-Aignan, toujours plein d'inTenlions nouvelles, comme
chacun sait, inventa un nouveau jeu de cartes, > dont il ne nous dit pas le nom.
3. LeUrtis et pap. d'État, IV, 633.
4. « On les nommait quinterotes, à cause qu'elles allaient bien vite, du nom
de Quinterot qui avait ramené d'Angleterre des chevaux très vite. > Bassom-
pierre, 51, 52, 123, Lettres et pap. d'État, III, 471.
5. TaUemant, X, 8, IV, 198, 201.
6. La déclaration du 12 octobre 1635 parle des cartes « plus longues, plus
larges ou plus épaisses les unes que les autres; aucunes lissées, marquées,
40 G. d'aYENEL. — LA FORTUNE DE LA NOBLESSE SOUS LOUIS XIII.
L'ordonnance de 1629 parle de « l'effrénée passion du jeu, qui
porte quelquefois à jouer les immeubles. » Elle déclare nulles
toutes dettes de jeu, et proscrit coname infâmes tous ceux qui
auront été surpris trois fois aux brelans ^ Les maisons de jeux
clandestines étaient nouvelles en France. « La paix, dit le Mer-
cure, a engendré les nouvelles académies publiques, où, à l'imita-
tion des grands, chacun n*y parle que de jouer des pistoles qui
ne s'y voient que par monceaux; des personnes y perdent
tout leur vaillant Je ne parle point des seigneurs qui s'y sont
ruinés, mais des enfants d'avocats^ des jeunes financiers auxquels,
à les ouïr parler, mille pistoles sont moins que n'était un sol du
temps du roi François P". » Le gouvernement se plaint « du
grand nombre d'académies ou brelans qui se font en plusieurs
maisons des meilleures villes du royaume, où Ton joue à toutes
sortes de jeux de hasard, et où se commettent ensuite infinies
mauvaises actions...., outre la ruine et désolation de beaucoup
de familles^. »
Malgré la recherche prescrite aux commissaires et l'amende
de 10,000 liv. imposée aux contrevenants, les établissements de
ce genre ne firent que se multiplier jusqu'à la fin du règne ^
Vicomte G. d'Avenbl.
poncées, et faites de divers et différents papiers; des dés chargés, inégaux,
mal et faussement marques. » Cf. aussi Tallemant, X, 6.
1. Ordonnance, janvier 1629, art. 137, 138, 140. Elle permet aux ascendants
de reprendre c toutes les sommes perdues au jeu par leurs enfants sur ceux
qui les auront gagnées, v
2. An 1609, p. 324. On vit louer une maison 1,400 liv. pour 15 jours pour y
tenir une académie. Dans les académies « certains grands cabinets ou garde-
robes se louent des pistoles par heure. >
3. Déclaration, janvier 1635.
4. Cf. Tallemant, X, 6, Furetière, I, 29. UUre$ et pap. d'État, VI, 636.
LES
IDÉES POLITIQUES DE MIRABEAU
{SuiU.)
EXPOSÉ DES IDÉES POUTIQUES DE MIRABEAU.
APERÇU GÉNÉRAL.
Nombreuses étaient les sources auxquelles Mirabeau avait
puisé ses idées politiques. Dans son âme ardente et généreuse le
sentiment de la liberté s'était bientôt éveillé ; puis l'expérience
lui avait fiait comprendre la nécessité de l'ordre et de la modéra-
tion. A sa propre expérience s'ajoutaient ses études dont nous
avons parlé. Il avait appris à connaître les mœurs et les gouver-
nements étrangers ^ D avait lu et relu les publicistes et les phi-
losophes du xvin" siècle. Il cite leur liste dans ses ouvrages. Mais
les plus remarquables auteurs à l'étude desquels il se soit appli-
qué sont Rousseau et Montesquieu.
De ces deux chefe de file de la Révolution, lequel devait-il
suivre ? S'attachait-il au magistrat modéré qui cherchait un com-
promis entre l'ancien ordre de choses et l'esprit moderne et dont
l'idéal politique devait à peine atteindre aux réformes de 1789?
Préférait-il au contraire le philosophe genevois qui réclamait une
réforme radicale de l'ordre politique et social et dont les vœux
ne devaient être exaucés qu'en 1793?
Mirabeau lisait beaucoup Montesquieu ; il le respectait, il le
citait, mais pour le réfuter*. Avant le moment de la Révolution,
1. Reynald prétend qu'il avait spécialement étadié les institutions anglaises.
{Mirabeau et la ConMiituanUy p. Ifô.)
2. leitres de cachet, t. I, p. 6, 43, 199, 200, 204 et 205.
42 F. DECRUK.
il le trouvait encore trop modéré. « Montesquieu, disait-il, a su
défendre la liberté, mais il s'est montré dans l'Esprit des Lois
circonspect jusqu'à la timidité. Partout il compose avec les prêtres
et les rois*. — S'il a recouvré nos titres, il est trop vrai qu'il ne
nous en a rendu que la plus petite partie*. » Mirabeau ne par-
tage pas son admiration exclusive pour la constitution anglaise.
Il exige de plus grandes réformes. « Le système de Montesquieu,
dit-il, est toujours plus fondé sur Içs faits que sur les principes,
sur ce qui est que sur ce qui devrait être^. — Il ne fait qu'em-
ployer tout son esprit pour justifier ce qui est et farder nos insti-
tutions d'un génie trompeur*. » Ainsi Mirabeau ne semble pas
appartenir à l'école de Montesquieu, surtout avant 1789. Mais
l'expérience lui apprendra à tenir compte des faits et, sans s'en
douter, il en arrivera à exécuter ce qu'il blâmait d'abord chez ce
philosophe.
Appartient-il alors à l'école de Jean-Jacques Rousseau ? Mira-
beau est loin d'être un idéologue, un fanatique entêté dans ses
principes. Dans ses premiers ouvrages même, il reconnaît que
le plan du citoyen de Genève n'est pas réalisable. Rousseau va
trop loin, à son gré, et ses principes politiques ne sont pas tou-
jours exacts^. Il remarque toutefois qu'il a découvert les fonde-
ments réels de la société et relève chez lui plus d'un conseil
utile®.
Tout en reconnaissant qu'elles n'avaient pas une grande valeur
pratique, il admire autant les idées de Rousseau que son style.
« Oh, s'écrie-t-il , quelle révolution opéreraient dans l'esprit
humain et dans les systèmes politiques des sociétés deux hommes
de cette trempe et dans les mêmes principes qui se succéderaient' ! »
Aspirait-il à continuer Rousseau? Il ne le fit pas. Quoiqu'il
semble le placer, dans son estime, au-dessus de Montesquieu,
c'est plutôt à l'école de ce dernier qu'il se rattache.
Ces deux maîtres de l'opinion avaient chacun son idéal. L'un
le trouvait plutôt dans la république antique; l'autre, Montes-
1. Lettres de cachet, t. I, p. 190.
2. Jbid., 64.
3. Courrier de Provence, v. VIII, p. 14 (8 mai 1790).
4. Lettres à mes commettants, n* XX, p. 11.
5. Lettres de cachet, t. I, p. 360. — Correspondance Mirabeau-La Marck,
V. II, p. 466.
6. Corr. Mirabeau-La Marck, v. II, p. 466.
7. Lettres de cachet, t. I, p. 360.
LES
IDÉES POLITIQUES DE MIRABEAU
{Suite.)
EXPOSÉ DES IDÉES POLITIQUES DE MIRABEAU.
APERÇU GÉNÉRAL.
Nombreuses étaient les sources auxquelles Mirabeau avait
puisé ses idées politiques. Dans son âme ardente et généreuse le
sentiment de la liberté s'était bientôt éveillé ; puis Texpérience
lui avait fait comprendre la nécessité de Tordre et de la modéra-
tion. A sa propre expérience s'ajoutaient ses études dont nous
avons parlé. Il avait appris à connaître les mœurs et les gouver-
nements étrangers ^ D avait lu et relu les publicistes et les phi-
losophes du xviif siècle. Il cite leur liste dans ses ouvrages. Mais
les plus remarquables auteurs à l'étude desquels il se soit appli-
qué sont Rousseau et Montesquieu.
De ces deux chefe de file de la Révolution, lequel devait-il
suivre ? S'attachait-il au magistrat modéré qui cherchait un com-
promis entre l'ancien ordre de choses et l'esprit moderne et dont
l'idéal politique devait à peine atteindre aux réformes de 1789?
Préferait-il au contraire le philosophe genevois qui réclamait une
réforme radicale de l'ordre politique et social et dont les vœux
ne devaient être exaucés qu'en 1793?
Mirabeau lisait beaucoup Montesquieu ; il le respectait, il le
citait, mais pour le réfuter*. Avant le moment de la Révolution,
1. Reynald prétend qu'il ayait spécialement étudié les institutions anglaises.
{Mirabeau et la Conxtituante, p. 162.)
2. Lettres de cachet, t. I, p. 6, 43, 199, 200, 204 et 205.
44 F. DECHUE.
rompre, c'est tout l'art des législateurs comme la seule ressource
des administrateurs ^ »
Mirabeau veut mettre le pouvoir à l'abri des passions popu-
laires ; il va plus loin : il n'admet pas l'appel au peuple *. * Il
serait impraticable et dangereux, dit-il, d'appeler le peuple à
voter immédiatement sur les lois qui pourraient être contraires à
sa volonté; cet appel au peuple ferait dégénérer le premier
royaume du monde en une conf<^ération de petites démocraties'.
— Il n'y a rien de plus aristocratique dans le fait, de plus anti-
populaire que ce démocratisme outré qui repose sur des idées
fantastiques de liberté et qui ne pourrait s'établir qu'en s'envi-
ronnant d'écueils et d'abîn^es*. » Mirabeau n'admet que le régime
représentatifs et n'accorde aucune confiance à la démocratie
tumultuaire des anciens®. D'ailleurs il ne se paie pas de mots ;
le régime n'est que la forme du gouvernement ; peu importe qu'il
soit monarchique ou républicain pourvu qu'il soit bon. « Que les
lois soient proclamées par le monarque, les nobles ou l'assemblée,
si elles sont tyranniques, où est la liberté'? » La réciproque est
aussi juste. Si le gouvernement fait de bonnes lois et les applique
bien, peu importe la forme qu'il revêt. * Il n'appartient qu'à un
ordre d'idées vagues et confuses, dit-il, de vouloir chercher les
différents caractères des gouvernements. Tous les bons gouver-
nements ont des principes communs ; ils ne diffèrent que par la
distribution des pouvoirs; il n'y a de mauvais gouvernement que
le despotisme et l'anarchie qui sont l'absence de tout gouverne-
ment*. »
Pour rejeter la république, Mirabeau se rallie-t-il à la consti-
tution anglaise? Ses amis, La Marck, Ségur et Dumont, le pré-
tendent®. Il y a du vrai dans leur aflSrmation. Mirabeau admire
1. Note à la cour n* 47, dans Corr. Mirabeau -La Marck, y. II, p. 414-504.
Cf. Reynald, p. 342.
2. Le plébiscite français, le référendum suisse.
3. Courrier de Provence, v. VI, p. 83.
4. Ibid,, V. VI, p. 358.
5. Ibid.
6. Lettres de cachet, t. I, p. 205.
7. Lettres de cachet, t. I, p. 193 et 194.
8. Moniteur, p. 512.
9. La Marck, t. I, p. 140. — Ségur, Décades historiques, v. VII, p. 257. —
c II voulait donner à la France une constitution aussi semblable à celle de
l'Angleterre que les circonstances de deux États pouvaient le permettre, i
(Dumont, p. 289.)
LES ID^ES POLITIQUES DE MIEABEAU. 45
rAngleterre, maisil trouveque Tonpeut faire mieux cpi'elle. « C'est
une nation, reconnaît-il, qui nous a devancés de deux siècles
dans la carrière de la liberté et que nous aurons la gloire d'avoir
surpassée en un an*. » Il lui envie son gouvernement, quoiqu'il
le trouve fondé sur de mauvaises bases. « Si nous avions conservé
nos états généraux, ainsi que les Anglais, nous aurions peut-
être gardé la plus vicieuse représentation. Mais au moins la
nation serait mise en possession de ses droits, le tiers état ne
serait plus le dernier ordre ; il serait le pouvoir législatif sous le
nom de communes de France'. »
Dans sa lettre au roi de Prusse, il engage ce prince à imiter
l'Angleterre « faite pour étonner l'univers, faite surtout pour
étonner l'esprit humain, en lui dévoilant les ressources infinies
d'une confiance au moyen de laquelle on fait tout concourir 3. »
Les Anglais sont pour lui le peuple le plus sympathique de l'Eu-
rope. Même pendant la guerre d'Amérique il ne leur en veut pas.
« Ce ne sont pas les libres Anglais, écrit-il alors, mais les
ministres, qui veulent établir le despotisme qui condamne les
Américains*. » Il admire le plus grand nombre de leurs institu-
tions, surtout leur loi de tiabeas corpus, le jury, l'égalité de
la justice pour tous, la liberté de la presse *. Mais cette admiration
ne l'aveugle pas sur d'autres défauts de la Constitution britan-
nique, n ne la considère pas, avec Montesquieu, comme le chef-
d'œuvre de la politique humaine®.
Le comte de La Marck prétend que Mirabeau enviait à l'Angle-
terre son système mixte de monarchie, d'aristocratie et de
démocratie'. Cela n'est pas juste. Mirabeau ne voulait pas d'une
balance des trois pouvoirs. Il partageait sur ce point les doctrines
des physiocrates au milieu desquels il était né. Cette secte éco-
nomiste qui comptait, parmi ses adhérents les plus distingués, le
ministre Turgot et le marquis de Mirabeau, père de l'orateur, a
exercé sur ses opinions une certaine influence. A part les boutades
qu'il lance contre les physiocrates dans les jours de mauvaise
1. Courrier de Provencey v. VI, p. 113.
2. Lettres à ManvUlon, p. 432 (1788).
3. Histoire de la cour de Berlin, p. 442 (dans la collection Merilhou, Œuvres
deMirabeaUy Paris, 1825, in-8).
4. Avis aux Hessois (1777), dans les Œuvres de Mirabeau (1821), y. V, p. 7.
5. Uttres de cachet, t. I, p. 207 et 351 ; t. Il, p. 148 et 183.
6. Ibid., t. I, p. 207.
7. La Marck, t. I, p. 140.
46 F. DECRUE.
humeurs il fait l'éloge de TurgotS il célèbre les louanges de son
père, dit VAmi des hommes. Il conclut comme eux dan» les
questions agricoles et commerciales. Les idées de propriété, d'im-
pôt foncier, de cens électoral fondé sur la propriété terrienne,
appartiennent aux physiocrates. L'Assemblée nationale les
adopta, de même que Mirabeau. Si ce grand homme repousse le
despotisme absolu qu'ils recommandaient comme le meilleur sys-
tème de gouvernement, il admet du moins, à leur exemple, une
monarchie sans patriciat, où tous les citoyens doivent être égaux
devant un roi au pouvoir limité.
L
LB ROI.
Nécessité de la Monarchie. — Conditions d'existence et
origine de la Monarchie. — La Royauté légitime consti-
tutionnelle. — Droits et devoirs généraux du roi.
« n dit hautement qu'il ne souffrira pas qu'on démonarchisela
France 3, » écrit, au moment des élections des états généraux, le
marquis de Mirabeau en parlant de son fils. Cette déclaration,
Mirabeau la fait lorsqu'il est brouillé avec le Pouvoir. En eflfet,
il est monarchiste, monarchiste d'instinct et de raison. « La
France est géographiquement monarchique, dit-il; malheur à
ceux qui peuvent croire que cette immense contrée peut être sans
roi M » Jusque dans cette profession de foi, nous retrouvons le
lecteur, sinon le disciple de Jean-Jacques Rousseau. « En géné-
ral, dit le propre auteur du Contrat social^ le gouvernement
démocratique convient aux petits États, l'aristocratique aux
médiocres, et le monarchique aux grands*. » Dans ses premiers
écrits, inspirés par Rousseau, Mirabeau avait toujours reconnu
la nécessité d'un pouvoir central afin de garantir « la liberté poli-
tique et civile, la tranquillité publique et particulière, la sûreté
des propriétés^. » Or, selon lui, cette autorité tutélaire ne peut
1. Lettres de cachet, t. I, p. 162.
2. En 1781.
3. Janvier 1789. Lornénie, Mirabeau et son père, p. 19.
4. Correspondance Mirabeau-La Marck, v. II, p. 381-383*
5. Contrat social, p. 155 (édition de Paris, 1797, in-18).
6. Lettres de cachet, t. I, p. 76, 219 et 347.
LBS ID^ES POLITIQUES DE MIAABEIU. 47
être exercée, dans un grand pays, que par un seul « disposant
des forces de Tempire et agissant continuellement sur le peuple*. »
Eût-il manqué de sentiments royalistes, Mirabeau aurait cher-
ché quand même à composer avec rhéritage du passé. Il est oppor-
tuniste, pour ainsi dire. Il sait qu'au moment où la Révolution
éclate, les Français tiennent presque tous à leur roi*. « Dans
son travail de réformes, observe Mirabeau, l'Assemblée emploie
d'anciennes pièces quand elles sont bonnes : ainsi le roi de France,
ses droits étaient sacrés, sa personne est chère, la Constitution
le couronne une seconde fois^. » Est-il besoin de rappeler ici
toutes ses déclarations royalistes? Certains accès d'irritation
contre le Pouvoir ne sauraient en atténuer l'importance. Partout
on le voit protester de son dévouement à la royauté, non seule-
ment dans sa correspondance avec la cour, ce qui est naturel,
mais avant même qu'il soit en relations avec elle, dans ses pre-
miers écrits, et enfin en plein jour, à la tribune publique. Quand
la monarchie est menacée, il la croit plus que jamais nécessaire.
« La Constitution, écrit-il au ministre, doit la défendre contre
l'aristocratie, la démocratie, l'anarchie qu'elle subira pour avoir
été trop absolue*. »
C'est en défenseur de la monarchie qu'il se pose dès le principe^.
n rend solidaires de ses sentiments ceux mêmes qui préparent la
Révolution. A la veille de la prise de la Bastille, lorsque les pas-
sions sont en pleine fermentation, il conduit une députation de
l'Assemblée au roi et lui dit : « Toujours prêts à vous obéir, Sire,
parce que vous commandez au nom des lois, notre fidélité est
sans bornes comme sans atteinte^. > Mais la Révolution marche
trop vite; elle court à la République, Mirabeau veut remonter le
courant ''. « Le rétablissement de l'autorité légitime du roi est
le premier besoin de la France, écrit-il alors, et l'unique moyen
de la sauver*. » Il défendra, tout à la fois contre les aristocrates
et les factieux, ce pouvoir du roi, « partie essentielle de la Consti-
1. Discours du 1" septembre 1789. Courrier de Provence^ n* 35, p. 6.
2. Dumont, p. 210.
3. Courrier de Provence, n* 62, v. IV, p. 5 — 4 noyeinbre 1789.
4. Lettre à M. de Montmorin, 28 décembre 1788, dans la Corr. Mirabeao-
UMarck, t. I, p. 340-341.
5. iWd., y. I, p. 178.
6. Adresse au roi du 9 juillet 1789. Archivés parlementaires, p. 211.
7. Corr. Mirabeau-La Marck, v. II, p. 317-327.
8. IM., T. Il, p. 11.
48 F. DECRUE.
tution^ » Il veut mettre le peuple en garde des préventions que
les révolutionnaires cherchent à lui donner contre la royauté.
« Ne redoutez pas l'autorité tutélaire du monarque, s*écrie-t-il
à mainte reprise ; elle n'est plus à craindre et cette méfiance est
fâcheuse^. » Jusqu'à son dernier soupir, sauver la royauté devient
son but unique. Quelque temps avant sa mort, il est amené à
faire à la tribune cette célèbi'e profession de foi, que l'Assemblée
l'empêcha de continuer jusqu'au bout et que le Courrier de Pro-
vence n'osa pas reproduire : « Notre serment de fidélité au roi est
constitutionnel ; je dis qu'il est profondément injurieux de mettre
en doute notre respect pour ce serment {la gaviche applaudit).
Après cette déclaration non équivoque et pour laquelle je lutterai
avec tout le monde en énergie, bien décidé que je suis à combattre
toute espèce de factieux qui voudraient porter atteinte aux prin-
cipes de la monarchie, dans quelque système que ce soit, dans
quelque partie du royaume qu'ils puissent se montrer {la gauche
applaudit) ; après cette déclaration qui renferme tous les temps,
tous les systèmes, toutes les personnes, toutes les sectes... {inter-
ruption)^, »
Aucun écrivain n'a contesté, pour nous servir d'un terme
anglais, le loyalisme de Mirabeau. D serait superflu d'apporter
d'autres preuves à l'appui. Remarquons encore une fois qu'elles
se tirent, non seulement de sa correspondance privée avec ses
amis et avec la cour, mais de ses publications diverses, de ses
discours à la tribune, de ses actes enfin. Son confident Dumont
dit de Mirabeau en termes exprès : « Il a été essentiellement
monarchiste^ » Les royalistes, comme le duc de Lévis, le mar-
quis de Bouille, le marquis de Ferrières, le reconnaissent pour
être des leurs^. « A travers toutes les déclamations de Mirabeau,
dit enfin le comte de La Marck, l'observateur peut bien voir
qu'au fond de sa pensée, il était plus monarchiste que les ministres
mêmes du roi^. »
Mirabeau est monarchiste à sa manière. Il impose à la royauté
1. Courr. de Provence, v. XIII, p. 461.
2. lbid.y n» 48, p. 10; n- 49, p. 2; n* 50, p. 2; n- 51, p. 13; n* 52, p. 6
(10 octobre 1789) ; n» 63, p. 35 (21 octobre et 6 nov. 1789).
3. Discours du 25 féyrier 1791. M<yniievar, p. 235.
4. Dumont, Souvenirs, p. 288.
5. Lévis, SoMveniri et portraits, p. 208, 209 et 21t. — Bouille, Mémoires,
p. 180, etc. — Ferrières, Mémoires, ▼. I, p. 92.
6. Corr, Ifirabeau-La Marck, y. I, p. 103.
LES ID^BS POLITIQUES DE MiaiBEÀU. 49
des conditions d'existence. Il faut d'abord qu'elle soit utile. Le
monarque doit veiller sur l'ordre public, sur le bonheur de cha-
cun*. « Son pouvoir est la plus ferme barrière de la liberté
publique*. — Les rapports entre le monarque et son peuple sont
fondés sur l'utilité, sur la justice^. — Le peuple n*a-t-il pas
placé le trône entre le ciel et lui pour réaliser, autant que le
peuvent les hommes, la justice éternelle*? » La conséquence de
cette condition est facile à déduire. Le pouvoir est-il inutile ou
injuste? Il faut le supprimer. Telle est la thèse de Mirabeau dans
ses premiers écrits. « L'obéissance, dit-il, ne se doit qu'en vue de
l'utilité^. » Les peuples peuvent renverser leurs princes si, loin
de remplir leur mandat, ils se montrent oppresseurs^. Cette con-
séquence est hardie : aussi Mirabeau cherche-t-il à en diminuer
la portée par cette remarque : « Le peuple n'enÊ*eint les lois que
lorsque le gouvernement lui-même les a le premier violées''. »
n s'excuse ensuite en disant que « appeler les esclaves à la révolte,
ce n'est pas détrôner les princes qui respectent leurs sujets^. »
La royauté peut-elle admettre de tels principes ? Mirabeau ne
les énonçait qu'au moment de la monarchie absolue ; mais il
n'acceptait pas ce régime qui devenait inutile et nuisible et par
cela même devait tomber. Il repousse l'autorité paternelle, tuté-
laire et despotique des rois, telle que l'entendait l'école physio-
cratique^. « L'idée noble, mais très fausse, dit-il, que l'autorité
royale dérive de l'autorité paternelle conduit tout droit au des-
potisme. Le père donne tout, le roi reçoit tout. Les" pères ont fait
leurs enfants, les peuples ont fait leurs rois*°. » La monarchie
qu'il entend est toute différente de celle qui existait avant 89 ; il
lui attribue une tout autre origine que celle qu'on lui donnait.
De même qu'il conteste le droit du plus fort, il rejette absolument
la théorie du droit divin. Ici, il se montre disciple de Rousseau;
t. Lettres de Vincennes.
2. Harangue au roi, au nom du département de Paris, mars 1791. Courrier
de Provence, v. XIII, p. 459.
3. Lettres de cachet, y. I, p. 71.
4. 16 juillet 1789. Archives parlementaires, p. 243.
5. Lettres de cachet, v. I, p. 71-75.
6. Essai sur le despotisme, p. 113, 129, 288, 300. Avis aux Hessois, dans les
Œuvres (1821), y. V, p. 5. Réponse aux conseils de la raison, ibid., p. 17 et 19.
7. Lettres à mes commettants, n* 25, p. 2-3, 8.
8. Rép. aux conseils de la raison, p. 17 et 19.
9. Loménte. Les Mirabeau, v. II, p. 334.
10. Lettres de cachet, t. I, p. 159-161.
ReV. HiSTOR. XXII. 1" PA8C. 4
50 F. DBGEUB.
il admet son hypothèse du Contrat social. Son système politique
est fondé sur une constitution. C'est la nation qui crée son roi et
fixe sa part de pouvoir. La source de toute autorité est en effet le
peuple, le peuple souverain par qui et pour qui le gouvernement
fonctionne. Ne pouvant exercer le pouvoir par lui-même, il le
délègue à un « représentant perpétuel, son premier magistrats »
Le roi devient donc « l'auguste délégué de la nation et le déposi-
taire suprême de son autorité ; le peuple, qui a seul le droit de se
faire sa constitution, dont le roi est le premier appui, lui assigne
ce rôle éminent^. » Le gouvernement, ce dernier résultat de
la Constitution 3, c'est la raison et la tradition tout à la fois qui
exigent qu'il soit exercé par un roi : ainsi, « la Constitution cou-
ronne le roi une seconde foisS »
La nouveUe monarchie est donc une monarchie reconnue par
le peuple et consacrée par la Constitution. Le roi, qui représente
la nation, n'est obéi que parce qu'il commande au nom des lois^
Le but que se propose Mirabeau est précisément de « régénérer
l'autorité royale et de la concilier avec la liberté publique, » d'af-
fermir la royauté « sur l'indestructible base de la liberté publique
et de la volonté nationale^. » Il le déclare à l'Assemblée, il le
répète à Louis XVL « Je serai, lui dit-il, ce que j'ai toujours été,
le défenseur du pouvoir monarchique réglé par les lois et l'apôtre
de la liberté garantie par le pouvoir monarchique''. » Tout en
limitant ce pouvoir, la Constitution le renforce aussi ^. Elle le
débarrasse des corps privilégiés qui le gênaient^; elle le rend
enfin populaire. « La monarchie était renfermée dans l'enceinte
d'un palais ; elle couvre aujourd'hui tout le royaume *<*. »
Telles sont les conditions que Mirabeau impose à la royauté :
1. Lettres de Vincennes. — Lettres de cachet^ t. I, p. 74. Discoare du
16 juillet 1789. Archives parlementaires ^ p. 243.
2. Courrier de Provence, v. VI, p. 326.
3. Discours du 23 féyrier 1790. Courrier de Provence, n* 109.
4. Courrier de Provence, v. IV, n* 62, p. 5 (4 novembre 1789).
5. Adresse du 9 juillet 89. Archives parlementaires, p. 211. Original aux
Archives nationales (Parlementaires. G. C, § 1. 15. Cote 224. £. 11, 1101).
6. Discours du 9 janvier 1790. Courrier de Provence, n» 91. Cf. Corr. Mira-
beau-La Marck, v. I, p. 429.
7. Corr. Mirabeau-La Marck, v. I, p. 178.
8. Courrier de Provence, n* 50, p. 2. Corr. Mirabeau-La Marck, t. II, p. 74
et 79, 196 et 197 (3 juillet 1790).
9. Corr, Mirabeau-La Marck, v. II, p. 74, 196 et 197.
10. Harangue au roi (mars 1791). Courrier de Provence, t. XIII, p. 460.
LES IDÏES POLITIQUES DE MIRABEAU. 54
elle doit être utile et juste ; elle doit être populaire et constitu-
tionnelle. Du reste, elle ne peut qu'être utile, si elle est constitu-
tionnelle. Le roi ne règne que par le peuple et pour le peuple ; il
doit confondre ses intérêts avec ceux de la nation, sa volonté avec
celle de la loi. La liberté publique ne peut se concilier avec l'au-
torité royale qu'au moyen d'une confiance réciproque, d'une coa-
lition étroite du monarque et delà nation*. Cet accord est réalisé
au moyen d'organes par lesquels ce prince connaît les désirs de
ses sujets. Â côté du roi, qui est son représentant officiel et per-
manent, le peuple a des mandataires périodiquement élus qui
expriment sa volonté : ces députés du peuple forment l'Assemblée
nationale'. L'union constante de la couronne et de la nation
s'établit par l'entente du monarque et des députés du peuple.
Cette entente résulte d'un échange perpétuel d'idées entre le gou-
vernement proprement dit et l'Assemblée nationale. Telles sont
les deux branches du pouvoir ; il importe par-dessus tout qu'elles
communiquent sans intermédiaire et tout ce qui peut entraver
cet accord doit être écarté ou coupé^. En un mot, il faut que la
France devienne < une démocratie royale ^ »
Ces réserves faites, Mirabeau veut le maintien de l'ancienne
monarchie. Il regarde l'élection du roi comme un idéal ^, mais
un idéal irréalisable. Dans ses premiers écrits, comme dans ses
discours, il soutient l'hérédité. L'hérédité peut seule intéresser le
roi à son royaume, écarter les ambitieux® et préserver l'Etat des
bouleversements''. Mais, tout en admettant l'hérédité, Mirabeau
revendique pour la nation le droit de changer et de restreindre
les prérogatives du prince héritier*. Le prince doit être né et élevé
1. Disconn da 8 et du 11 jnillet 1789. Archives parlementaires , p. ^20. —
Note du 15 octobre 1789. Corr. Mirabean-La Marck, v. I, p. 371, 380 et 381. —
Discours dn 28 mai 1789. Courrier de Provence, n* VII, p. 10. — Disconrs
du 9 janyier 1790. Courrier de Provence, n* 91.
2. Discours du 1*' septembre 1789. Courrier de Provence, n» 35, p. 6.
3. Comme les parlements, les corps privilégiés, les classes aristocratiques,
etc. Discours du 3 juin 1789. Courrier de Provence, u* 9. — Ibid., n* 65,
p. 15. — Discours du 23 juin 1789, ibid., n» 9, p. 4. — Ibid., n- 15, p. 23
(f juillet 1789).
4. Ibid., n* 34, p. 3. Le mot est du baron de Wimpfen.
5. Discours du 15 septembre 1789. ArchÂves parlementaires, p. 642.
6. Lettres de cachet, t. I, p. 74.
7. Discours du 1*' septembre 1789. Courrier de Provence, n* 35, p. 6.
8. Lettres de cachet, 1. 1, p. 74.
52 F. DBCEUE.
dans le pays^; son éducation doit être faite sous la surveillance
de la nation, si possible au collège. De cette façon il sera tenu à
l'écart des influences de l'étranger, de la cour et même de sa
famille. Il apprendra à connaître son peuple, et son éducation
sera virile et populaire ; pour la compléter, il fera des voyages
d'instruction, comme le tsar Pierre le Grand venait d'en donner
l'exemple*.
De même que la royauté, la régence doit être héréditaire. Elle
appartiendra à un membre de la famille royale pourvu qu'il soit
né en France^. Dès que la constitution est en vigueur, en e£fet,
le rôle de la royauté, comme celui delà régence, est devenu inof-
fensif ; le peuple n'a rien à crainclre de l'hérédité^, tandis qu'en
revanche l'hérédité de la couronne est liée à celle de la régence^.
Mirabeau se rallie donc à la monarchie traditionnelle, nationale
et héréditaire, c'est-à-dire légitime^ pourvu qu'elle devienne
populaire, représentative et parlementaire, en un mot constitn--
tionnelle. Mirabeau est un légitimiste constitutionnel.
Le roi doit donc donner des garanties d'indépendance et de
bonheur à son peuple. Â son tour, il obtient de lui des préroga-
tives toutes particulières. Tout d'abord il est déclaré inviolable
et sacré*. « L'homme qui attente contre le gouvernement commet
un crime : c'est même celui de tous qui doit être le plus claire-
ment déterminé par la loi, comme le plus dangereux à la société
et par conséquent le plus punissable''. » Tout acte de rébellion
doit être sévèrement réprimé par une loi spéciale sur les attroupe-
ments, car l'inviolabilité du monarque, dont il est seul à jouir*,
intéresse l'ordre public.
Mirabeau se plaît à relever le prestige dont le roi doit être
entouré. Il veut maintenir ses anciennes prérogatives, ses anciens
1. Discours dn 15 septembre 1789. Courrier de Provence, n" 42, p. 12 et
suiT.
2. Projet sur l'Éducation publique,
3. Discours du 25 féTrier 1791. Moniteur^ p. 234. Mirabeau tenait à ce que
l'héritier ou le régent fussent nés en France, afin d'assurer la succession pré-
somptive de la couronne ou la régence à la liaison d'Orléans, au détriment de
la Maison d*Espagne.
4. Discours du 22 mars 1791.
5. Corr. Mirabeau-La Marck, v. III, p. 105-106.
6. Discours du l*' septembre 17^9. Courrier de Provence, n" 35.
7. Lettres de cachet, t. I, p. 111.
8. Discours du 22 août 1789. Archives parlementaires, p. 471.
LES ID^ES POLITIQUES DE MIRABEAU. 53
honneurs. Les témoignages de respect ne sauraient être trop
grands, « puisqu'un peuple s'honore lui-même en honorant son
prince*. » La considération est due à l'autorité, aux chefs choisis
par le peuple, au roi et à ses ministres. Il ne faut pas « jouer aux
esclaves mutins *. » Les libres Anglais, dans leurs témoignages
de respect pour la royauté, donnent aux Français un exemple à
suivre*. Au roi doit être réservé partout le premier rang. Malgré
les tendances des hommes de 89 qui arrivaient à ne considérer le
roi que comme un simple magistrat, un mandataire, un chef
d'administration, à qui il n'était dû tout au plus que quelques
marques de politesse, Mirabeau se montre le conservateur des
anciens usages de la monarchie. Le roi a le pas sur les députés
de la nation, puisqu'il en est le représentant perpétuel et hérédi-
taire, tandis qu'ils n'en sont que les représentants temporaires et
élus^. Les vieux titres doivent être maintenus. Mirabeau voulut
conserver l'ancienne formule de « roi par la grâce de Dieu, » en
y ajoutant ce correctif: « et par la loi constitutionnelle de l'Etat*^. »
n admettait l'ancienne qualification de « roi de France et de
Navarre*, » mais il finit par s'accommoder du nouveau titre,
devenu plus populaire, de « roi des Français''. » L'ancienne éti-
quette doit être observée, sauf dans quelques détails démodés ou
humiliants pour le peuple*. En retour, le roi doit des égards
aux députés. U n'est pas dispensé de la loi commune, en matière
de police, et, par exemple, son droit de chasse ne doit pas être
plus étendu que celui des autres propriétaires*.
Afin de conserver son prestige, la monarchie aura des frais
de représentation. Tant que le domaine royal subsista, Mira-
beau en reconnut au roi la pleine jouissance. Toutefois, pour
1. Journal des états généraux , n* 1 ; Courrier de Provence y n* 18, p. 4 et 5
(8 jniUet 89) ; n- 47, p. 21 ; n* 48, p. 8 ; n- 55, p. 17 et 18.
2. Courrier de Provence^ n» 55, p. 7 et 8 (19 octobre 1789).
3. Ibid., n- 11, p. 17 (15 juin 1789).
4. Ibid.^ n* 35, p. 6 (discours du 1*' septembre 1789). Cf. discours du 15 juin
1789 et Courrier de Provence, v. VIII, p. 224 (14 mai 1790). Le Courrier se
montre moins accommodant que Mirabeau sur les honneurs dus à la royauté.
Cf. T. IX, p. 164, 210 et 217, n* 165, p. 237 et 258.
5. Discours du 8 octobre 1789. Courrier de Provence, n* 67, p. 7.
6. Courrier de Provence, n* 51, p. 16 et 17; n» 52, p. 1. Moniteur, p. 283.
7. Discours du 2 octobre et du 9 novembre 1789. Courrier de Provence,
ù" 53, p. 5.
8. Courrier de Provence, y, VI, p. 63 ; v. XIII, p. 478.
9. Discours du 7 août 1789. Archives parlementaires, p. 359.
^ F. DBCIUI.
radministrer, il entendait qu'il prit l'avis des députés ^ Ce
domaine de la couronne, en efifet, était une propriété nationale*
consacrée aux dépenses communes de la royauté, et dont le gou-
yemement ne disposait qu'au nom de la nation. Les produits en
étaient destinés au service public ; ils tenaient lieu d'impôt. Le
roi n'avait pas qualité pour en rien aliéner^, et ce qu'il en avait
distrait en vue de l'utilfté publique, la nation avait le droit de le
reprendre^. Bientôt la liste civile fut substituée aux revenus du
domaine royal. Mirabeau fut satisfait de ce changement qui
ramenait le roi du rang de despote à celui de magistrat suprême.
Déjà, dans son Essai sur le despotisme, il appelait le roi « le
premier salarié de l'État. » Quand la création de la liste civile
fut décidée, Mirabeau demanda que le roi la fixât lui-même^. Il
conseilla en même temps à Louis XYI d'abolir les pensions*.
n,
LE OOUYBRNBMBNT.
Les ministres. — Pouvoir exécutif. — Rapport avec le
pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire .
La royauté n'est pas un luxe inutile. Elle doit servir. Le roi
est chargé du gouvernement en général, mais il ne l'exerce pas
directement. Seul, il ne saurait suflSre à l'exécution de ses devoirs ;
d'ailleurs il est inviolable et la nation, par l'organe de ses dépu-
tés, doit contrôler l'administration. Aussi, le roi est-il suppléé
dans sa tâche par les ministres. Les ministres aident le roi dans
l'exercice du pouvoir et répondent devant la nation du gouver-
nement du royaume. Par qui sont-ils choisis ? C'est une question
qui se posa au moment de la Révolution. Nombre d'hommes poli-
tiques, même delà droite', voulaient que leur nomination dépen-
dît des députés. Le Courrier de Provence soutenait cette opi-
t. Courrier de Provence, n* 49, p. 5.
2. Ibid.j n* 60, p. 7 ; n- 62, p. 33 el 38.
3. Ihid., n» 60, p. 7. Discours du 30 octobre 1789.
4. IM,, n- 62, p. 38 et 41.
5. Discours du f octobre 89 et du 4 jauTier 90. Courrier de Provence,
n* 48, p. 16, et n' 88.
6. Corr. Mirabeau-U Mtrck, v. II, p. 236-241.
7. Courrier de Provence, v. XII, p. 102; v. XIII, p. 390 et 402.
LES IDÉES POLITIQUES DE MIRABEAU. 55
nioD^ Mais Mirabeau était d'un avis contraire. U réservait au
roi le droit de nommer en toute liberté son conseil. « Nous ne pré-
tendons point, lui disait-il, dicter le choix de vos ministres; ils
doivent vous plaire*. » Surtout en temps de crise, il importait
que le roi ne se laissât pas imposer ses ministres par les députés.
Ce serait, disait-il, un « précédent fâcheux par lequel l'Assemblée
s'attribuerait un droit exercé sans danger en Angleterre, mais
funeste à l'autorité dans un moment où elle n'est pas affermie'.
En revanche, les ministres sont responsables devant l'Assem-
blée qui peut, par ses votes de défiance ou ses actes d'accusation ^,
suspendre leur pouvoir^ et obliger ainsi le roi à les révoquer. La
responsabilité des ministres est donc la plus sûre barrière contre
leur ambition*. On n'entend point qu'ils soient infaillibles et
qu'ils réussissent toujours dans les projets qu'ils font pour le
bonheur du peuple, mais on demande que leur conduite soit hon-
nête et dictée par leur dévouement au pays ; cette responsa-
bilité n'est pas celle du succès, c'est celle des moyens"'. Elle s'étend
aussi à tous les agents subalternes du pouvoir, qui sont obligés
d'apprécier la forme des ordres qu'ils se chargent d'exécuter*.
Quand un acte royal est critiqué, ce sont les conseillers du prince
qui sont en vue®. Ils sont par conséquent responsables des discours
du trône*® ; aussi tout message du gouvernement et tout autre
communiqué de ce geni'e doivent-ils être revêtus de leur signa-
ture et de leur contreseing *^ Mirabeau n'a pas toujours trouvé
ces précautions suffisantes pour contenir les bornes alors bien
limitées de l'influence ministérielle. Que l'on ne s'y trompe pas.
1. Adresse au roi du 16 jaUlet 1789. Archives parlementaires, p. 241.
2. Le député Bergasse. Note du 4 octobre 1790. Corr. Mirabeau-La Marck,
▼. Il, p. 235.
6. Note du 16 octobre 1790. Corr, Mirabeau-La Marck, y. II, p. 235.
4. Discours du 24 juin et du 16 juillet 1789. Archives parlementaires,
p. 240-243. Courrier de Provence, p. 19, et n» 74, p. 16 et 17 (2 décembre 1789).
5. Archives parlementaires, p. 243.
6. Courrier de Provence, n« 55, p. 15 (13 juillet 1789). — Discours du
27 août 1789. Archives parlementaires, p. 499.
7. Discours du 23 février 1790. Courrier de Provence, v. VI, p. 401.
8. Discours du 22 août 1789. Archives parlementaires, p. 471-472.
9. Courrier de Provence, n* 9, p. 4 (8 juillet 89). Dans sa répartie à M. de
Dreux-Brezé, du 23 juin 1789, Mirabeau proteste, non pas contre la yolontédu
roi, mais contre a les intentions qu'on a suggérées au monarque. »
10. Courrier de Provence, v. VI, p. 146.
11. Ibid., n* 50, p. 16, v. VII, p. 162-163.
56 r. DECBUB.
cette sérérité à l'égard des ministres s'explique par la haine qu'il
porte à plusieurs des conseillers de Louis XVI, et la question de
personnes l'emporte souvent chez lui sur celle des principes. Que
l'on n'oublie pas non plus que la France avait longtemps souffert
du despotisme ministériel et que les hommes de la Révolution
voulaient réagir contre ce mal.
Afin d'assurer la responsabilité du gouvernement et de lui
Caire sentir l'action de 1' A.ssemblée natiouale, Mirabeau propose
que les ministres assistent aux délibérations de ce corps*. Grâce
à cette mesure, chaque acte de leur administration pourra faire
l'objet d'une interpellation*. Amenés comme à la barre de l'opi-
nion publique, ils seront tenus d'exposer leur conduite au grand
jour*. De leur part, les intrigues secrètes ne seront plus à craindre
et le peuple sera rassuré contre leur puissance^. Réciproquement,
les ministres, s'ils doivent être attaqués, verront leurs ennemis
en face. Ces luttes parlementaires donneront au gouvernement
une sorte de sécurité : cessant de craindre, il cessera d'être redou-
table^. Enfin les ministres, premiers organes du pouvoir exécutif,
sont nécessaires dans une assemblée qui, comme on le dira tout à
l'heure, s'occupe surtout de législation. Leur présence est indis-
pensable pour faciliter la discussion des lois et en assurer l'exécu-
tion*. Le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif s'occupent en
effet des mêmes matières ; le premier a besoin de l'expérience du
second', et, d'autre part, il pourra d'autant mieux lui indiquer
la marche à suivre*. Bien des malentendus seront prévenus si les
ministres sont admis à l'Assemblée et peuvent y exercer un droit
consultatif. Le gouvernement général en sera facilité; cette
mesure consolidera l'union du pouvoir législatif et du pouvoir
exécutif et établira l'entente nécessaire du roi et de la nation.
(]e n'est pas tout. Mirabeau réclame encore pour les députés le
droit d'exercer des fonctions publiques* et pour le roi la faculté
1. Ditcoure du 14 et da 18 octobre 1789. Courrier de Provence, n* 41, p. t ;
n* 54» p. 18 et 19; n* 55, p. 18 et 19.
2. Courrier de Provence^ n» 63, p. 32 (6 noyembre 1789).
3. /Md., n* 41, p. 5 ; n- 63, p. 34.
4. Ibid,, n* 41, p. 41.
5. Ibid., n» 40.
6. Ibid., n* 63, p. 35 et 36.
7. Courrier de Provence, n* 41, p. 3 ; n» 55, p. 7.
8. Ibid,, n* 55, p. 67.
9. Ibid,, n* 55, p. 6 et 7 (Diftcoors dn 19 octobre 1789}.
LBS IhiES POLITIQUES DE MIRABEiU. 57
de prendre parmi eux ses ministres. C*est justice, tout d'abord,
que de rendre compatibles les fonctions de ministre et celles de
député*; puisTélection populaire doit guider le choix du monarque
dans la constitution du Cabinet*. Toutes ces idées sur le droit
consultatif des ministres à l'Assemblée , sur la compatibilité de
leurs fonctions avec celles de représentant du peuple, sont
admises de nos jours. Mais, quand Mirabeau les énonça, il fut
soupçonné de le Caire dans des intentions intéressées et sa motion
fut rejetée par l'Assemblée^.
Tout en soutenant qu'un ministre peut devenir député, Mira-
beau n'en cherche pas moins à soustraire les députés à l'influence
ministérielle. Un fonctionnaire de l'État, nommé député, peut
conserver son emploi^. Au contraire, un député reçoit-il une
charge du gouvernement, un commandement militaire, par
exemple, il doit se présenter de nouveau aux suffrages des élec-
teurs et même renoncer à son premier mandat^. Celui qu'il vient
de recevoir du gouvernement le rend encore plus dépendant du
pouvoir qu'un ministre ne peut l'être.
Si Mirabeau se contredit parfois dans le détail des attributions
qu'il laisse aux ministres, il ne varie jamais sur l'ensemble des
droits qu'il leur reconnaît. A eux appartient en premier lieu
l'administration générale des affaires. L'essence même du pouvoir
royal n'est autre que le pouvoir exécutif. Le roi accomplit les
volontés du peuple exprimées par l'Assemblée nationale ou Corps
législatif*. « La seule autorité qu'il soit impossible d'arracher au
monarque, dit Mirabeau déjà dans ses Lettres de cachet, c'est
celle de la loi agissante"'. » Préposé à l'observation de la loi, le
roi la promulgue et la fait respecter. Ce devoir implique la néces-
sité d'un gouvernement solidement établi ; aussi Mirabeau déploie-
t-il toutes ses forces à la tribune pour en défendre l'autorité, sauf
i. Discours dn 27 octobre et du 7 novembre 1789. Courrier de Provence,
n» 41, p. 2.
2. Discours du 7 noTembre 1789.
3. Par le décret du 7 novembre 1789. Mirabeau cbercha à le faire révoquer.
Courrier de Provence, n« 63, p. 5 et 7; n»82, p. 10; n» 97, p. 23 et 24; vol. VI,
p. 66, 573 à 594; v. VII, p. 154. Corr. Mirabeau-La Marck, v. I, p. 429; v. II,
p. 178 et 179. Cf. Taine, v. I, p. 175.
4. Discours du 22 décembre 1789 [Moniteur),
5. Courrier de Provence, n' 82, p. 8 et 9; v. VI, p. 66.
6. ïhid,, V. VIII, p. 142.
7. Lettres de cachet, t. I, p. 107.
58 F. DECRUE.
dans de rares occasions où il semble craindre le retour du despo-
tisme*. € L'unité du pouvoir exécutif, observe-t-il, est la seule
vraie base de la monarchie sans laquelle la constitution d'un
grand empire serait sujette à des fluctuations et à des vacillations
continuelles*. — Certainement, dit-il à ses collègues de l'Assem-
blée, vous ne ferez jamais la Constitution ou vous aurez trouvé
un moyen de rendre quelque force au pouvoir exécutif et à l'opi-
nion avant que votre Constitution soit fixée ^. » Mirabeau les
conjure de ne pas empiéter sur les attributions des ministres. De
ceux-ci dépend tout l'exécutif^. En cas de trouble, par exemple,
que l'Assemblée se borne à l'envoi d'adresses pacificatrices, qu'elle
laisse au Conseil le soin de maintenir l'ordre. Cette tâche, il est
vrai, peut embarrasser les ministres dans un moment où ils
semblent impuissants à combattre l'anarchie^. Mais ils peuvent
s'aider des municipalités qui, disposant aussi des forces militaires,
sont, comme eux, des agents du pouvoir exécutif, responsables de
l'ordre*.
n est difficile de saisir la limite qui sépare les attributions du
gouvernement de celles de la commune et de comprendre la
manière dont s'établit la dépendance de celle-ci à l'égard de
celui-là. Dans un discours qu'il prononce au nom de la munici-
palité de Paris, < le Corps législatif et le monarque, dit Mirabeau,
sont les représentants du peuple et nous n'en sommes que les
mandataires. Le monarque est l'exécuteur de la loi, nous sommes
les organes du monarque dans cette exécution''. » n semble que
Mirabeau cherche ici à restreindre l'action ministérielle au nom
du grand principe qu'il répète à tous, aux princes* comme à
l'Assemblée : « Et surtout ne gouvernez pas trop ® ! » Notons
toutefois qu'il confie le maintien de l'ordre aux municipalités
lorsque seules elles peuvent se faire obéir et que plus tard il tra-
1. Diftcoors do 22 février 1790. Courrier de Provence, v. VI, p. 156. — Corr.
Mirabeau-La Marck, v. I, p. 465.
2. Courrier de Provence, n» 45, p. 36 ; n* 53, p. 5.
3. Archivés parlementaires, p. 454-455. — Courrier de Provence, v 29,
p. 18; n* 48, p. 10; n* 49, p. 2; n- 50, p. 2; n» 51, p. 8 et 13 ; n- 52, p. 6;
n« 63, p. 35.
4. Courrier de Provence, n« 45, p. 2 el 5.
5. /Wd., n» 15 (discours du 1*' juillet 1789).
G. ïbid,y n* 109 (23 février 1790), v. VIII, p. 143 (5 mai 1790).
7. Discours du 1*' mars 1791. Courrier de Provence, v. XIII, p. 292.
8. Lettre au roi de Pnuse,
9. Courrier de Provence, n" 51, p. 5.
LES IDISeS politiques DE MIRABEAU. 59
vaille à les faire dépendre plus étroitement du gouvernements II
en manifeste d'abord l'intention dans ses notes à la cour. La con-
fusion des pouvoirs, les empiétements de l'Assemblée et de la
commune sur l'autorité executive produisent l'anarchie qu'il
veut combattre'. « Il fera une affaire capitale de mettre à sa
place dans la Constitution le pouvoir exécutif dont la plénitude
doit être sans restriction et sans partage dans la main du
monarque^. — Sans ce pouvoir l'autorité royale ne serait qu'un
fantôme. Administrer, c'est gouverner; gouverner, c'est régner^.
Nous n'avons pas affaire ici au principe constitutionnel moderne:
€ le roi règne, mais ne gouverne pas ; » Mirabeau reconnaît au
roi une plus grande compétence. Il reproche à la Constitution
de 89 de laisser subsister une grande complication de corps admi-
nistratifis qui gênent le gouvernement*. Il veut les lui subordonner;
car il regarde comme la base de la Constitution « l'unité et une
très grande latitude du pouvoir exécutif suprême dans tout ce qui
tient à l'administration du royaume, à l'exécution des lois, à la
direction de la force publique^. » Comme « on a réuni bien plus
de matériaux pour une république que pour une monarchie, » il
faut secourir cette autorité royale qui offre le seul moyen de main-
tenir tout ce que la nouvelle Constitution a de vraiment durable'';
car < l'autorité royale est un des domaines du peuple et l'un des
plus inexpugnables remparts qui doivent le préserver de l'anar-
chie*. »
Le pouvoir exécutif ne serait qu'un vain mot si le roi n'avait
des forces suffisantes pour l'exercer. Aussi les forces militaires du
royaume sont-elles à sa disposition. Le nombre des troupes qu'il
peut lever est, il est vrai, fixé chaque année par l'Assmblée*;
si le gouvernement augmente ce nombre, il doit en avertir aussitôt
1. Note do 2S septembre 1790. Conr. Mirabeaa-La Marck, ▼. II, p. 196-197.
2. Corr. Minbeaa-La Harck, y. II, p. 74 (3 joiUet 1790), p. 209-220
(6 octobre 1790).
3. Corr. Mirabean-La Marck, t. II, p. 11.
4. /M., T. n, p. 74 (3 joiUet 1790).
b.Ibid.
6. Corr. M irabean-U Xarck, t. O, p. 236 (14 octobre 1790) ; p. 430 et 431
(23 décembre 1790).
7. Ibid., ▼. II, p. 317 à 327 (12 noTembre 1790).
5. ibid., T. II, p. 430^1 (23 décembre 1790).
9. Sur l'ordre de CinemnaiMi, p. 157. — Courrier de Froveuce, t. XII,
p. 401.
60 F. DECRUE.
la Chambre^ Mais, une fois levée, Tarmée est tout entière entre
les maiDs du roi ; il exerce le commandement suprême' et nomme
les généraux, ses lieutenants ; il dispose des troupes pour veiller
à l'ordre public au dedans, à la sécurité nationale au dehors^.
Toutes les mesures de police sont de son ressort. Par exemple, il a
seul le droit de délivrer les passeports^, de nommer les commis-
saires organisateurs des districts^, de convoquer les assemblées
électorales*. Il peut créer certains offices' et même édicter des
ordonnances, surtout en l'absence de l'Assemblée^.
Mirabeau ne se montre soupçonneux pour le gouvernement
que dans l'administration des finances. La question financière
avait hâté l'approche de la Révolution et jusqu'alors les contrô-
leurs généraux avaient montré une grande maladresse à la
résoudre. Necker, qui leur succédait, ne jouissait pas de la con-
fiance du grand député provençal. Mirabeau croit devoir mettre
la nation en garde contre les agissements du financier genevois.
Ce ministre doit être assisté d'un conseil d'administration élu par
l'Assemblée®. Il n'en conserve pas moins une certaine liberté
d'action : il emploiera les moyens qu'il juge nécessaires pour faire
réussir les emprunts autorisés par la Chambre*®. Le trésor royal
peut Caire des anticipations* * . Mais, en matière d'impôts, le roi ne
peut que promulguer les taxes décidées par l'Assemblée ; il se
borne à les lever et à en faire l'emploi d'après les règlements de
la loi ^«.
L'essence du pouvoir royal est donc l'exécution de la loi. Mais
le pouvoir royal n'est pas uniquement le pouvoir exécutif; il
contient aussi une partie du pouvoir législatif. Réciproquement,
le pouvoir législatif n'appartient pas d'une manière exclusive à
1. Discours du 2t septembre 1789. Courrier de Provence^ n" 44.
2. Courrier de Provence, v. XI, p. 39. Corr. Mirabeau-La Marck, v. I,
p. 384; V. II, p. 225.
3. Courrier de Provence, n» 82, p. 10; v. XII, p. 512, n« 91.
4. Discours du 9 octobre 1789. Moniteur.
5. Courrier de Provence, v. VII, p. 207.
6. Ibid,, y. VII, p. 405.
7. Ibid., n» 47, p. 21.
8. Ibid., n* 47, p. 8; n» 48, p. 9 et 10.
9. Discours du 9 mars 1791. Moniteur, Courrier de Provence, y. xni, p. 390
et 405.
10. Discours du 19 août 1789. Courrier de Provence, n* 29.
11. Courrier de Provence, n* 47, p. 21.
12. Ibid., V. VII, p. 162; v. XI, p. 344.
LBS lOlfES POLITIQUES DE HIRABEAU. 64
TAssemblée ou Corps législatif, il relève aussi du pouvoir royal.
Telles sont les idées de Mirabeau. « A ses yeux, dit Dumont, le
roi était partie intégrante du pouvoir législatif*. »
Mais s'il collabore à la loi, il est formellement exclu du pou-
voir constituant. Il faut distinguer ici la loi de la Constitution, le
pouvoir législatif du pouvoir constituant. Quand les représentants
élus du peuple souverain organisent TÉtat et les pouvoirs qui le
forment, tous les pouvoirs, même celui du roi, restent suspendus
devant eux'. C'est un point capital dont dépend le succès delà
Révolution^. Le roi doit laisser les états généraux s'organiser en
Assemblée nationale sans s'ingérer dans leur régime intérieur*,
sans décider, par exemple, s'ils délibéreront par ordre ou par tête».
Mirabeau se laisse souvent guider par son caprice ou par l'in-
térêt populaire quand il distingue l'acte constituant qu'introduit
l'Assemblée, mais dont le roi est exclu, de l'acte législatif intro-
duit aussi par elle, mais où le roi peut intervenir. Ainsi, lors-
qu'il fut question d'abolir les dîmes ecclésiastiques, il prétendit
qu'il s'agissait alors de constituer, afin que l'Assemblée eût sa
pleine liberté d'action et que Louis XVI ne pût s'opposer à cette
mesure®. Le roi peut, il est vrai, présenter des observations sur
la Constitution ; mais elles restent sans conséquence. Mirabeau
semble même lui promettre de plus grandes attributions : « Les
députés de la nation, lui dit-il, sont appelés à consacrer avec vous
les droits éminents de la royauté sur les bases immuables de la
liberté du peuple'. — L'Assemblée, dit-il ailleurs, travaillera de
concert avec le roi à l'établissement de la Constitution®. » Mais
ces déclarations ne sont que des formules polies. En somme,
l'idée de Mirabeau est de se passer du roi dans tout acte consti-
tuant ; le roi n'intervient alors que pour le promulguer et le faire
exécuter*.
1. Dumont, p. 288.
2. Discours du 2 et du 16 juillet 1789. Archives parlementaires, p. 243.
3. Lettres à mes commettants, n" 15.
4. Ibid., n» 13 (23 juin 1789).
5. Moniteur (Discours des 18 mai, 27 mai, 5 juin, 27 juin 1789). Journal des
états généraux, n« II; Lettres à mes commettants, n» 4, p. 15; n* 6, p. 6;
n* 7, p. 4, 5, 7, et 14; n* 9, p. 11 et 12, et n« 14.
6. Moniteur (Discours du 13 août 1789). Courrier de Provence, n** 27, p. 4.
7. Archives nationales, A. P. C. c. g 1. 15. Cote 224. £. 11. 110 (Adresse du
9 juillet 1789). Lettres à mes commettants, n" 18.
8. Moniteur (Adresse du 27 juin 1789).
9. Archives parlementaires, p. 636 et 637 (Discours du 14 septembre 1789].
62 F. DECRUS.
Si le roi se trouve éviDcé du pouvoir coDstituant, il participe
du moins au pouvoir législatif. Tout d'abord, il lui appartient de
convoquer T Assemblée nationale S de l'ajourner et même delà
dissoudre, à condition toutefois d'en convoquer une nouvelle dans
l'espace de trois mois'. Ce droit de dissolution fut refusé par
l'Assemblée, et Mirabeau n'osa insister sur ce point. En outre, le
gouvernement a sa part d'initiative parlementaire et les projets
de loi peuvent être indi£féremment présentés par lui ou par les
députés^.
Mais le roi intervient surtout dans la législation par son droit
de veto. Tant que la Constitution n'est pas faite, disait Mirabeau,
le roi n'est que le législateur provisoire ; mais dès que le Corps
législatif est en activité, le roi coopère par sa sanction, qui est
le consentement accordé ou refusé à un projet de loi. Le refus de
la sanction ou veto est donc une opposition aux décrets de l'As-
semblée. « Mirabeau, rapporte Dumont, était bien décidé à sou-
tenir le veto absolu qu'on regardait conune essentiel à la monar-
chie^. » Dès l'ouverture des états généraux, en efifet, il insistait
sur l'importance et la nécessité de la sanction royale^ : « Et moi.
Messieurs, disait-il à ses collègues, je crois le veto du roi telle-
ment nécessaire que j'aimerais mieux vivre à Constantinople
qu'en France s'il ne l'avait pas. » 11 y fait encore allusion en
disant : « Quand il sera question de la prérogative royale, c'estr-
à-dire, comme je le démontrerai en son temps, du plus précieux
domaine du peuple, on jugera si j'en connais l'étendue. Eh I je
défie d'avance le plus respectable de mes collègues d'en porter
plus loin le respect religieux^. » Dans le célèbre discours qu'il
prononce sur cette question, Mirabeau soutient le veto absolu,
en dépit de la majorité de l'Assemblée qui ne devait accorder au
1. Lettres à mes commettants, n* 14 (27 jain 1789). — Archives parlemenr
iaires, p. 186 (Discours du 3 juillet 1789).
2. Ibtd., p. 539-541 (Discours du l*' septembre 1789). Courrier de Provence,
n« 41, p. 20 (12 septembre 1789). -^ Malouet, Mémoires, y. II, p. 13.
3. Courrier de Provence, n* 47, p. 17 (29 septembre 1789), v. VII, p. 163;
y. IX, p. 383. — Malouet, Mémoires, y. II, p. 13. Les rédacteurs du Courrier
ne sont pas toujours d'accord ayec Mirabeau sur ce point. Cf. Lettres à mes
commettants, n* 13, et Courrier, y. IX, p. 383.
4. Dumont, p. 152.
5. Moniteur (Discours du 15 juin, du 23 juin, dn 27 juin, du 28 juin 1789).
Lettres à mes commettants, n* 11, p. 13 et 39, n** 14; Courrier de Provence,
n? 34, p. 9.
6. Moniteur (7 août 1789). Courrier de Provence, n* 24.
LES IDiSbS POUnQUES OB MIIUBBAU. 63
roi que le veto suspensif. Partant du principe d'une monarchie
héréditaire et forte, chargée d'exécuter les lois de la nation, il
établit la nécessité d'en relever la dignité par des privilèges
importants. De même que le Corps législatif contrôle les actes du
pouvoir exécutif, le pouvoir exécutif contrôle les actes du Corps
législatif. La loi est un acte proposé et étudié par TAssemblée,
puis adopté et sanctionné par le roi. Le droit de veto permet au
roi de refuser son approbation à l'acte législatif. Ce droit doit être
absolu, car on sait combien l'Assemblée a de moyens pour con-
traindre le roi, et combien le roi en a peu pour dominer l'Assem-
blée. Si le roi ne jouissait pas de ce privilège, sa dignité sou£frirait
d'exécuter des lois qu'il désapprouve. Puis, comme il dispose de
l'armée, qu'il est héréditaire et inviolable, il pourrait être tenté
de résister à la Constitution qui lui refase une légitime influence.
D'ailleurs ce veto^ même absolu, ne sera jamais que suspensif,
pour peu que l'on reconnaisse au roi le droit de dissoudre l'Assem-
blée avec l'obligation d'en convoquer une nouvelle trois mois
après. La responsabilité des ministres, l'annualité du Corps légis-
latif, qui peut seul axer la quotité de l'impôt et décréter la levée
des troupes, sont des garanties contre l'abus que le roi pourrait
faire de son droit de veto. En somme, la sanction royale établit
une dépendance mutuelle du roi et de l'Assemblée, dépendance
qui est le « palladium de la liberté nationale \ »
Quelquefois les deux pouvoirs s'entremêlent l'un l'autre,
notamment en cas de guerre. Dans ses lettres de Yincennes*
Mirabeau conteste au roi le droit de déclarer la guerre. Il reste
dans les mêmes idées à l'Assemblée^. Toutefois, il reconnaît que
les deux pouvoirs doivent concourir dans le droit de faire la paix
ou la guerre. Dans les discours qu'il prononce à ce sujet^, il
déclare dangereux de laisser trancher cette question par l'Assem-
blée seule : dangereux pour elle-même d'abord, car elle assume-
rait une responsabilité dont elle déchargerait les ministres;
dangereux pour l'Etat ensuite, puisqu'elle pourrait céder à l'en-
thousiasme belliqueux de ses membres nombreux, reconnus invio-
lables et irresponsables. En cas d'attaque de l'ennemi, elle met-
1. Moniteur (Disconra du t*' septembre 1789). Courrier de Provence, n* 34,
p. 20; n» 38, p. 20.
2. Cf. note, Courrier de Provence, y. VI, p. 127 et 128.
3. MonUeur, 15 mai 1790. Courrier de Provence, t. VIII, p. 231-235.
4. Discours des 14, 18, 20 et 22 mai 1790. Cf. Moniteur.
64 F. OBCRUB.
trait de la lenteur à préparer la défense et ses discussions
partageraient l'opinion publique en face de l'adversaire. Elle
usurperait le pouvoir exécutif en refusant au roi la part du pou-
voir législatif qui lui incombe par son droit de veto. Ce serait une
violation de la Constitution, un empiétement sur la prérogative
royale. Ce serait enfin soustraire au roi la direction de l'armée et
lui ôter les moyens de prévenir les émeutes et les complots. Pour
éviter de si funestes conséquences, il faut combiner les deux pou-
voirs de manière que chacun d'eux ait ses fonctions déterminées.
Il appartient au roi d'entretenir les relations extérieures, de
veiller à la défense de l'empire et de préparer les armements ; il
avertira aussitôt l'Assemblée de la guerre qui menace ou qui
éclate, de la paix qu'il traite. Le roi exerce dans ce cas une sorte
d'initiative. Mais c'est au Corps législatif de ratifier ou d'empê-
cher la paix ou la guerre que le roi propose. La sanction vient
de l'Assemblée : les rapports constitutionnels sont donc renversés.
Pour prévenir les abus de la puissance royale, la Constitution
doit, en principe, interdire les guerres de conquête et l'Assemblée
peut poursuivre les ministres qui en seraient les instigateurs ; au
besoin, elle obligera le roi de négocier en lui refusant les
subsides. Enfin elle se réservera la disposition de la garde
nationale.
Ces rapports entre le gouvernement et le Corps législatif sont
fort délicats et les circonstances peuvent y apporter des modifica-
tions dans un sens favorable à l'un ou à l'autre de ces pouvoirs.
Délicats aussi sont les rapports qui s'établissent entre le gouver-
nement et le pouvoir judiciaire. Mirabeau, qui paraît assez conci-
liant dans la démarcation du pouvoir exécutif et du pouvoir
législatif, établit des limites plus tranchées entre ces deux
pouvoirs et le pouvoir judiciaire. La monarchie, jusqu'en 1789,
s'était fait haïr par la pression qu'elle exerçait sur la justice et
par l'abus qu'elle faisait des lettres de cachet. Aussi doit-elle être
tenue à l'écart des tribunaux. Mirabeau accorde au roi le droit
de grâce : c'est tout ou à peu près*. En principe, il pose que, si
l'arbitraire est dans certains cas nécessaire, ce n'est pas au roi
1. Archives parlementaires, p. 311. Discours du 3 juillet 1789. Le Courrier
de Proi;eitce conteste même ce droit (v. VIII, p. 341). Au moment où l'Assem-
blée organise la justice (printemps 1790), ce journal a déjà échappé à l'in-
fluence moins radicale de Mirabeau. Ce n'est que dans ses discours ou dans
ses ouTrages antérieurs que se trouvent ses opinions sur ce point.
LBS IDiSbS politiques DE MIEABBAU. 65
qu'il faut le permettre S et que le roi n'a, pas plus que la société,
le droit de vie et de mort*. Il convient que c'est en son nom que
se rend la justice^ ; mais le roi ne peut juger ni par lui-même ni
par ses ministres^. Le caractère de la tyrannie est, en effet, que le
même homme prononce et exécute le jugement. Mirabeau accor-
dait au roi, en une certaine mesure, le droit de déléguer l'autorité
judiciaire en érigeant des tribunaux selon les lois de rÉtat*^.
Mais, quand il vit qu'on n'adjoignait pas de jury au tribunal
civil, il contesta au roi le privilège de nommer les juges, même
les juges de paix^. Cependant il le reconnaissait comme partie
publique dans tous les délits. Le roi doit les poursuivre au moyen
de ses procureurs^. En somme, quand il s'agit de juger, le roi
n'intervient ni directement ni indirectement ; mais, une fois la
décision formulée, son devoir consiste à l'exécuter au moyen de
ses agents^.
L'action du gouvernement sur le pouvoir judiciaire ne s'éclair-
cit qu'aprèsTétude de ce pouvoir même. De même les rapports du
monarque avec l'Assemblée nationale ne sont nettement détermi-
nés qu'après une connaissance approfondie des fonctions de ce
corps.
F. Décrue.
{Sera continué. )
1. Lettres de cachet, t. I, p. 211.
2. Ibid., p. 99.
3. Ihid.f p. 81. Le Courtier de Provence conteste au roi ce privilège hono-
rifique, ▼. VI, p. 123-128; VII, p. 123, 214 et 215; t. VIII, p. 144; v. IX, p. 181.
4. Lettres de cachet, t. I, p. 116, 157, 181 et 210.
5. Ibid., p. 81.
6. Moniteur, p. 512. Discoure du 5 mai 1790. Cf. Courrier de Provence,
y. VIII, p. 126, 147 et 151 ; IX, 202, et XI, 316 à 318.
7. Lettres de Vincennes; Lettres de cachet, t. I, p. 81. Courrier de Pro-
vence, V. VIII, p. 151, 156, et IX, p. 202.
8. Cf. Affaire La Vauguyon. Moniteur du 5 août 1789 et Archives parle-
mentaires, p. 355.
HbV. HiSTOB. XXII. {•' PA8C. 5
MÉLANGES ET DOCUMENTS
UN FONCTIONNAIRE DU SAINT-EMPIRE
SOUS LE RÈGNE DE WENCESLAS
BERNARD DE BEBELNHEIM
Dans leurs traits généraux, ce qui distingue peut-être le plus la
royauté en France de Tempire d'Allemagne, c'est que, tandis que les
Capétiens se sont de bonne heure affranchis de la féodalité, qu'ils
ont eu leur justice royale, des flnances indépendantes et, à côté du
ban et de l'arrière-ban, une armée permanente à leur solde, l'em-
pereur d'Allemagne n'a jamais été que le premier el le chef des
grands vassaux. Son titre ne lui permettait de prétendre qu'à des
redevances et à des prestations féodales. C'est par l'élection de ses
pairs qu'il était promu au trône, et le bail qu'il passait avec eux
n'était même pas toujours viager. Chaque changement de règne don-
nait lieu au renouvellement de tous les contrats entre les vassaux
et le suzerain, entre les sujets et le prince, et, sous les assauts répé-
tés qu'elle subit, la souveraineté se démembre et s'émiette. Des droits
domaniaux de l'Empire il ne restait plus que quelques épaves, et
l'antique organisation judiciaire, première assise de la majesté impé-
riale, était devenue, de même que les fiefs, un acheminement pour
la formation territoriale d'états de plus en plus indépendants. SHl arri-
vait au prince d'outrepasser ses attributions traditionnelles ou conven-
tionnelles, il se heurtait de toutes parts aux aspérités de l'institution
féodale et, réduità l'influence et aux ressources de ses possessions héré-
ditaires, son autorité lui échappait même sur les états immédiats de
l'Empire. A défaut d'un bon système financier, il battait monnaie au
moyen de l'aliénation ou de l'escompte des minces revenus qu'ils lui
procuraient encore par-ci par-là. Ce fut surtout sous les empereurs
de la maison de Luxembourg que ces expédients devinrent fréquents ^
mais nul n'y recourut au même degré que le fils de Charles lY, le
roi des Romains Wenceslas. Son système de gouvernement s'en res-
BHRNIRD DE BEBELNHEIM. 67
sentit de bonne heure, et rien ne sera plus propre à montrer l'état
de désorganisation où TEmpire était tombé sous ce règne, que
l'esquisse que nous allons tracer, quoiqu'elle n'ait pas d'autre hori-
zon que TAlsace.
I.
La famille noble de Bebelnheim tirait son origine d'un village du
même nom, mais elle avait son principal établissement à Golmar,
où Tancienne collégiale de Saint-Martin renferme encore une cha-
pelle qu'elle avait fondée et qui porte ses armes. Dans le cours du
xrv* siècle on trouve plusieurs Bebelnheim parmi les patriciens de
Golmar; un autre s'éleva aux premières dignités du chapitre de
Saint-Martin et de la cathédrale de Bâle. Celui dont nous nous occu-
pons ici, Bernard de Bebelnheim, avait sa fortune à faire et la cher-
cha au service de Wenceslas.
Il se signala d'abord à la mort du pape Grégoire XI, quand au
napolitain Urbain YI, élu à Rome, les cardinaux français opposèrent
l'antipape Clément YII. Le roi des Romains et les états de l'Empire
s'étant prononcés pour Urbain YI, Bernard de Bebelnheim s'empara,
on ne sait où — probablement en Alsace — de la personne de
prêtres qui accompagnaient Guillaume, second cardinal d'Algre-
feuille, légat du pape d'Avignon. L'acte de violence qu'il avait com-
mis sur des clercs, même schismatiques, troublait apparemment la
conscience timorée de Bernard et, quoiqu'il n'eût agi que « par zèle
pour le Saintr-Siège, » il se pourvut à Prague, le 49 juin 4384, de
lettres d'absolution, délivrées par le cardinal de Saint-Praxède, le
légat d'Urbain VI auprès de Wenceslas ^ .
Cet exploit de grande route recommanda notre héros à la bienveil*
lance de ce prince; pour reconnaître ses services, il lui fit don, le
4 octobre de la même année, d'une somme de 60 marcs, quelque
chose comme 4 ,337 francs, au pouvoir actuel de l'argent, que l'abbé
Guillaume de Murbach restait devoir à la chambre impériale '. La
créance n'était peut-être pas bien sûre, et peut-être faut-il cher-
cher dans ce que son recouvrement avait d'aléatoire la raison de la
générosité du prince à l'égard de Bernard. Quoi qu'il en soit, si son
titre était sujet à caution, l'octroi d'une autre faveur pouvait l'en
consoler. Wenceslas l'investit de la prévôté de Mulhouse qui, à cette
date, appartenait encore à l'Empire, et l'on voit, par un mandement
1. ArcblTes de Golmar. II. Familles nobles.
2. Ibidem.
68 M&AXGES ET DOCUSEffS.
da l*' janYîer 1382, adressé de Prague aa maitre et an eonaeil, que
le magistrat n'avait pas foit difficulté de mettre le noufean titulaire
en possession de son ofBoe ^
Le concours d'un homme d'action td que Bernard de Bebeln-
heim méritait apparemment le prix qu'y mettait le roi des Romains.
Dans les actes de son règne, on percevait alors une pensée gouverne-
mentale. Déjà sous Louis de Bavière, constamment en lutte avec la
cour de Rome qui, ne pouvant foire de l'emperou* c son ^veet son
bouclier, > poussait à son renversement et armait contre lui les vas-
saux de TEmpire^ les villes impériales d'Alsace avaient cherché leur
sécurité dans des alliances temporaires, spontanànent formées entre
elles. Le soin de leur protection importait surtout à celles de la Haute-
Alsace, où, à la faveur de leurs droits de justice éminente, les Habs-
bourg avaient acquis, comme landgraves, des droits de supériorité
territoriale et menaçaient constamment l'indépendance des villes
de l'Empire limitrophes ou enclavées, telles que Colmar et Mulhouse.
C'était évidemment contre la maison d'Autriche que l'empereur
Charles IV avait dirigé l'alliance de la Décapole : elle assurait les
villes du pays haut à la fois de l'appui du grand bailli de Haguenau
et du concours des villes du bas pays, Haguenau, Wissembourg,
Obemay, Rosheim. Ce mode de gouvernement, au risque d'affaiblir
le pouvoir central, remettait aux états de l'Empire le soin de leur
conservation à la décharge de l'empereur, mais il était bien dans la
nature des choses et dans l'esprit du temps, et, privé comme il l'était
des anciens organes constitutifs de l'Etat, devenu la proie de la féo-
dalité, Wenceslas ne pouvait que suivre les errements de son père.
Seulement au lieu de ne former de ligue qu'entre les villes impé-
riales, souvent hors d'état de se suffire à elles-mêmes, il les engloba
dans des paix provinciales, à la tète desquelles il plaçait les grands
vassaux de l'Empire, seigneurs eux-mêmes de communes impor-
tantes, et intéressés par conséquent, à rencontre de la noblesse infé-
rieure, au développement et à la prospérité des villes. Seulement
comme le chef de l'Empire n'entrait lui-même dans ces ligues qu'au
nom et pour le compte des cités impériales, il devait tenir à les avoir
fortement dans sa main; il lui fallait pour cela des agents,
comme Bernard de Bebelnheim : c'est à ce prix seulement que
Wenceslas pouvait sauvegarder son autorité souveraine et faire équi-
libre à la puissance des princes, tels que les quatre électeurs du Rhin,
l'archevêque de Mayence, celui de Cologne, celui de Trêves, l'élec-
teur Palatin, avec l'adhésion desquels il établit la paix provinciale
1. X. Moftsmann. Cariulaire de Mulhouse [Siràihourg, 18S3, ia-4*). T. I*', n* 325.
BE&NiRD DE BEBBLNHEIM. 69
du 9 mars 4382. Cette organisation comprenait, d'une part, les villes
impériales de la Wetteravie, Friedberg, Wetzlar et Guelnhausen,
de Tautre, celles de TAlsace, Colmar, Mulhouse, Kaysersberg, Muns-
ter, Rosheim, Tùrkheim et Seltz, à l'exclusion de celles de Hague-
nau, de Wissembourg, d'Obernay et de Sélestadt, quoique faisant
également partie de la Décapole, mais moins sensibles à la nécessité
de rester unis contre les Habsbourg ^ La paix provinciale rendait les
participants solidaires de la bonne administration de la justice et du
maintien de Tordre dans leurs territoires respectifs, et Wenceslas
songeait dès lors à retendre à la Bavière, à la Franconie, à la Souabe;
mais pendant que les contractants renonçaient à l'avance à toute
action offensive contre la Bavière, contre la Hesse, contre la Saxe,
contre la Thuringe, contre la Westphalie, les ducs d'Autriche étaient
l'objet d'une prétention significative. Une clause particulière impo-
sait aux membres de la ligue l'obligation de ne tolérer dans leurs
états aucune prédication, aucun enseignement, aucun manifeste
contre le pape de Rome, Urbain VI. Tel était cependant le désordre
de la chrétienté que cela n'empêcha point, d'autre part, le pape
d'Avignon, Clément VII, de disposer, en faveur d'une de ses créa-
tures, Werner Schaller, de l'évêché de Bâle, qui était alors vacant et
auquel la Haute-Alsace ressortissait. Pour résister à cette intrusion
schismatique, Wenceslas lança, le 49 octobre 4383, de Nuremberg,
un mandement par lequel il enjoignit aux villes libres et aux villes
impériales de Suisse et d'Alsace de reconnaître Imier de Ramstein,
celui des deux compétiteurs nommé par Urbain VP.
On le voit, le moment où Wenceslas revêtit Bernard de l'office de
prévôt de Mulhouse n'était pas, pour cette ville, un temps normal.
Placée au centre des possessions autrichiennes, elle était en Alsace,
plus qu'aucune autre, exposée aux entreprises du duc Léopold le
Preux, qui profitait de l'état de trouble où se trouvait l'Empire pour
étendre ses droits aux dépens de ses voisins. Déjà en 4368, sur
l'autre rive du Rhin, il s'était emparé de Fribourg, et ce succès
l'avait encouragé à poursuivre ses desseins. Ses visées ne s'ar-
rêtaient même pas devant le temporel de l'évêché de Bâle, dont la
possession aurait établi la jonction entre ses domaines du Brisgau et
de PArgovie, du Sundgau et du comté de Ferrette. La ville de Bâle
aurait suivi le sort de ré?êché et si, dès ce moment, il ne mettait
pas la main sur Mulhouse, c'est que le morceau ne valait pas la
1. J. Weizsœcker^ Deutsche Reicksiagsakten, t. I*% p. 337-346.
2. Ibidem, pp. 413-14. — Trouillat, Monuments de l'évêché de Bâle, t. IV,
p. 433.
70 M^LANGIS BT DOCUMVIITS.
peine de démasquer ses plans avant l'heure. Dans tous les cas, s'il
avait pu les réaliser, s'il avait réuni, dans un système unique de
défense, Brisach, les villes forestières, Baie et Belfort, avec la Forêt-
Noire, le Jura, les Vosges sur Tarrière-plan, le duc Léopold aurait
fondé, dès les dernières années du xnr* siècle, ce royaume dont Ber-
nard de Sax&-Weimar chercha un moment à faire son profit au
cours de la guerre de Trente ans.
Cependant, après avoir exclu l'influence autrichienne de sa ligue
pour la paix publique, comment se fait-il que Wenceslas ait autorisé
peu de temps après, le 26 juillet 4384, les participants de Talliance
du 9 mars 4382 à s'unir avec ce même Léopold le Preux, en même
temps qu'avec Frédéric, burgrave de Nurenberg, avec le comte
Eberhard II de Wurtemberg et avec les villes de la ligue de Souabe,
pour assurer la prolongation de la paix jusqu'en 4 388 ^ ? Évidemment,
pour obtenir ce résultat, le duc d'Autriche avait dû donner des gages
d'une politique moins agressive à l'égard des vassaux de l'Empire, et
sans aucun doute c^était la tension de ses rapports avec les cantons
suisses qui l'avait amené à se modérer de ce coté. Mais il ne semble
pas que ce revirement ait inspiré une confiance absolue ; car peu
après, sans renoncer à ses engagements avec les villes du Rhin,
nous voyons Bâle, en qualité de ville libre, entrer dans la ligue
de Souabe et y entraîner à sa suite, le 8 avril 4385, ses voisins, le
bourgmestre, le conseil et les bourgeois de Mulhouse '. Mulhouse est
la seule des villes impériales d'Alsace qui se soit agrégée alors à la
ligue de Souabe et, la même année, le roi des Romains y donna son
aveu, en la comprenant au nombre des communes auxquelles il fit
don, à Berne, le 22 juillet 4385, des créances des Juifs qu'elles
avaient admis à domicile, moyennant une contribution générale de
40,000 florins du Rhin ou, au pouvoir actuel de l'argent, environ
4,820,000 francs, qu'elles s'engagèrent à lui payer jusqu'au 2 février
4388^
Quoi qu'il en soit, il est certain que, dès ce moment, l'entente
entre la ligue de Souabe et les princes de la maison de Habs-
bourg était à la veille de se rompre. La ligue avait déjà eu occasion
de faire valoir ses griefs à Heidelberg, dans une diète où s'étaient
réunies, le 26 juillet 4384, les villes du Rhin et de la Souabe, et il
ne s'écoula pas deux ans que les dernières firent usage du droit que
leur conférait Talliance, en mettant, le 7 février 4386, leurs confé-
1. J. Weizsœcker, l. c, p. 438-48.
2. Cartulaire de MuUumse, t. I*% n« 335.
3. J. Weizsœcker, L c, p. 494-503.
BEE^riRD DE BEBBLXHBIlf. 74
dérés en demeure de se porter à leur secours contre le duc d'Au-
triche ^ Hais on sait qu^à ce moment même Léopold était dans le cas
de se retourner contre les Suisses, qui lui infligèrent, le 9 juillet
4386, l'écrasante défaite de Sempach. La puissance des Habsbourg
sur le haut Rhin ne se remit jamais de ce coup. Le triomphe des
confédérés ne pouvait manquer de consolider la ligue de Souabe.
Aussi voyons-nous Wenceslas, malgré sa répugnance à reconnaître
les alliances conclues à son insu, confirmer à Nuremberg, le 29 mars
4387, aux deux villes libres de Ratisbonne et de Bâle et aux trente-
sept villes impériales, y compris Mulhouse, dont la ligue de Souabe
se composait, les droits, franchises et bonnes coutumes qu'elles
tenaient de ses prédécesseurs et, de leur coté, les membres de la
confédération s'engager à soutenir et à défendre le souverain contre
tous les compétiteurs qui, de ce côté-ci des Alpes, pourraient lui dis-
puter TËmpire^. Le 44 juin de la même année, les villes de la ligue
du Rhin se réunirent pour donner à Wenceslas la même garantie ;
mais Mulhouse, déjà lié avec les villes de Souabe, ne souscrivit pas
ce second acte^, tandis qu'il flgure de nouveau parmi les dernières,
dans la convention conclue, le 5 novembre, pour proroger la paix
publique jusqu'au 23 avril 4390^.
n.
Ni la participation de Mulhouse à ces grandes mesures de conser-
vation, ni le choix que Wenceslas avait fait d'un homme d'action
pour le représenter, ne procura complètement à la ville la sécurité
dont ses bourgeois avaient besoin. C'eût été la tâche du prévôt; mais,
dans la situation présente, elle n'était pas facile. La justice qu'il per-
sonniflait n'avait rien de commun avec les justices voisines, puisque
l'une relevait de l'Empire et les autres des Habsbourg ou de leurs
feudataires. Aussi la moindre contestation avec un ressortissant du
dehors pouvait-elle dégénérer en voies de fait, faute d'un tiers-juge
que les parties voulussent reconnaître. De là une cause permanente
de guerres privées, avec leur cortège obligé de pillages, de dépréda-
tions, d'incendies et de meurtres. D'autres fois, en sa qualité de ville
de la Décapole, Mulhouse était dans le cas de s'associer aux entreprises
militaires de la confédération, et, comme tous les membres étaient
1. J. Weizsœcker, L c, p. 450-54.
2. Ibidem, p. 547-49.
3. IMdem, p. 551-52.
4. Ibidem, p. 588-95.
72 nâ^IfGES ET D0GUMB!fT8k
solidaires les uns des autres, les ennemis, qui ne pouvaient rien
contre des communes plus importantes ou plus heureusement grou-
pées pour se soutenir mutuellement, s'en prenaient à lui du dom-
mage qu'ils avaient éprouvé.
C'est ainsi que, sous la date du 23 décembre 4383, un nommé
Nicolas Maden, à propos d'un différend avec une bourgeoise de Mul-
house, avait eu recours aux voies de fait : retenu prisonnier par
la ville de Golmar, il donna caution juratoire et renonça à toute
recherche^ tant pour le fait de son arrestation que pour les répara-
tions qu'il avait dû foire à la partie adverse^
C'est ainsi encore qu^à la suite de la guerre que le grand bailli
d'Alsace Ulrich de Fénétrange avait soutenue contre Thiébaud VI,
comte de Neuchâtel et sire de Blamont, avec l'aide des villes de Gol-
mar, de Kaysersberg, de Munster et de Tùrkheim, le comte Thié-
baud et deux écuyers nobles, qui lui avaient servi d'auxiliaires, René
Udriat et René de Vendelincourt, prirent leur revanche aux dépens
de Mulhouse, qui reçut les coups à la place des villes belligérantes'.
On conçoit que, dans une situation où les responsabilités retom-
baient si rarement sur ceux qui les avaient encourues, et où les
revendications les plus légitimes n'avaient chance d'aboutir que si on
les faisait valoir par la force, l'Église ait eu beau jeu pour substituer
sa propre juridiction à celle des tribunaux civils, et cependant ce fut
précisément à cette époque, où son action aurait pu être si bienfai-
sante, que Mulhouse entra en conflit avec l'ordinaire et obtint, le
4 5 mars 4386, une bulle du pape Urbain VI, qui prescrivit à l'évêque
de Worms, à l'abbé de Saint-Alban de Mayence et au doyen de Saint-
Thomas de Strasbourg, de promulguer de nouveau dans les églises
de Mulhouse, et partout où ils le jugeront opportun, la constitution de
Boniface VIII, du 34 mai 4302, qui défendait au juge ecclésiastique
de mettre aucun lieu du diocèse en interdit pour dette ou pour
toute autre répétition analogue^.
Quel a bien pu être, au milieu de ces agitations et de ces désordres,
le rôle de Bernard de Bebelnheim, comme prévôt de Mulhouse?
Quoique les documents n'en laissent pas deviner grand'chose, il est à
supposer cependant que sa conduite fut telle qu'on pou?ait l'attendre
d'un homme de son caractère : il était de son temps et il aimait
1. Cartulaire de Mulhouse, t. I*', n* 333.
2. Ibidem, n* 336, sentence arbitrale de Frédéric de Blankenheim, évéqne de
Strasbourg, du 18 mai 1385; n*347, compromis du chevalier Haoman de Haus
dlsenheim,du23 mars, et, n*349, sentence arbitrale du même, du 12 juillet 1387.
3. Ibidem, n" 344.
BBRIfA&O DE BEBBLNHEIM. 73
mieux avoir la lance au poing que la verge du juge. Un jour il met
la main sur un prêtre, Jean Koechlin, bourgeois de Colmar, qull fait
prisonnier sans motif; une autre fois, il attire sur Colmar les hostili-
tés du duc Léopold d'Autriche qui, selon la coutume en vigueur,
enlève aux habitants leur bétail au pâturage et, ce qui fut plus grave
encore peut-être, il médit des autorités colmariennes auprès du
magistrat de Sélestadt. A cette époque, il conservait encore un éta-
bUssement à Colmar : la ville pouvait donc l'atteindre et elle le
punit en le décrétant, le 5 juin 4389, déchu de son droit de bour-
geoisie et banni à perpétuité ^
m.
Il est difficile de deviner les incidents qui avaient porté le prévôt de
Mulhouse à se commettre avec le duc d'Autriche et à entraîner Col-
mar dans ses démêlés. Comme rien n'indique, dans la mesure dont il
lut l'objet, que le prince en question ne fût plus en vie, il faut
admettre qu'il s'agit d'un fait postérieur à la bataille de Sempach, et
non de Léopold le Preux, mais de Léopold le Superbe. Mais était-ce
comme homme privé ou comme fonctionnaire de l'Empire que Ber-
nard de Bebelnheim s'était attiré sa mauvaise fortune? On n'en sait
rien ; mais nous allons voir éclater, entre Mulhouse et les pays anté-
rieurs de l'Autriche, un conflit où le prévôt pourrait fort bien s'être
compromis personnellement, et où le duc Léopold n'intervint pro-
bablement que pour le compte de ses vassaux. Quoi qu'il en soit, un
Êdt est certain, c'est qu'à cette date Bernard jouissait, il est vrai pour
un court moment encore, de toute la faveur de Wenceslas, dont le
tribunal aulique lui confiait Texécution d^un jugement ({uMl avait
rendu contre la ville de Bâle. Bernard s'acquitta de cette mission
avec sa résolution ordinaire et saisit aux dépens des Bàlois [)Our
400,000 florins de marchandises à Fribourg en Brisgau : il y avait
mis toutes les formes, si bien qu'après un délai de six semaines et
trois jours, la saisie devenait définitive, à moins d'appel de la part
des bourgeois. C*est ce qui résulte d'un avis daté de Mulhouse,
42 mars 4389, que Bernard fit parvenir au juge du tribunal aulique,
le duc Prémislas de Teschau ^.
Gomment se Êût-il que, sitôt ce service rendu, le roi des Romains
Tait dépouillé de sa prévôté? Quoique les circonstances qui y ont
donné lieu ne nous soient pas connues, on peut supposer, par analo-
1. Cartulaire de Mulhouse, I. I*, n* 353.
2« ArchiTes de Colmtr, l, c.
74 H^LilfGBS ET DOCUMBHTS.
gie avec ce qui se passa plusieurs fois dans la suite, que Wenceslas
était déjà réduit à cette extrémité, qu'après avoir aliéné les offices
qui restaient en propre à FEmpire, il les engageait de nouveau pour
se procurer au jour le jour quelques misérables ressources indignes
de la majesté du trône, sauf à révoquer les faveurs qu'il accordait,
si le véritable titulaire n'était pas disposé à se laisser dépouiller.
Telle n'était certainement pas Fhumeur de Bernard de Bebelnheim;
il réclama si énergiquement que, le 24 décembre, il obtint de Wen-
ceslas un mandement daté de Prague, qui enjoignait au grand bailli
d'Alsace, Stislas von der Weitenmûhle, ainsi qu'au bourgmestre, au
conseil et aux bourgeois de Mulhouse, de reconnaître de nouveau
comme prévôt son féal Bernard de Bebelnheim. En même temps un
rescrit de la même date l'assurait contre de nouvelles disgrâces, en
stipulant que tout autre qui se ferait nommer à sa place serait tenu
de iui payer un dédommagement de 2,000 florins. Mais sa réintégration
subit des retards, et, par un nouveau rescrit du 28 avril 4390, daté
de Berne, le roi des Romains renouvela ses injonctions, en reconnais-
sant que c'était à tort qu'il avait privé Bernard de son ofQce.
En dépit de cette garantie, Bernard de Bebelnheim n'était pas au
bout de ses tribulations. Il eut avec un des plus puissants feuda-
taires de la maison d'Autriche en Alsace, Frédéric de Hatstadt, des
difficultés qui, comme toujours, se compliquèrent de voies de fait.
Le sort des armes ne fût pas favorable au prévôt de Mulhouse, qui
tomba entre les mains de son adversaire. L'affaire s'arrangea;
mais il refusa de comprendre dans son accommodement un autre
vassal des Habsbourg, Guillaume de Masevaux, qui avait servi
d'allié à Frédéric de Hatstadt^ il eut le tort de se faire un troi-
sième ennemi du chevalier Werlin de Ratoltsdorf ou Raedersdorf,
à qui il enleva un cheval. Était-ce un fait de guerre ou un exploit de
grande route? A défaut d'autres renseignements, le cas est douteux
et il produisit une conséquence inattendue : Bernard n'était pas seule-
ment prévôt; il était aussi bourgeois de Mulhouse et, à ce titre, la
ville pouvait, comme il était arrivé naguère à Colmar, être tenue de
réparer les dommages dont il était l'auteur. Le conseil n'hésita donc
pas à appeler Bernard devant lui pour l'inviter à rendre son cheval à
Werlin de Raedersdorf. Mais il n'en tint aucun compte et, toujours
guerroyant, il prit et pilla le village de Nambsheim, qui appartenait
à Werlin^. Celui-ci n'étant pas le plus fort se ligua avec Guillaume
de Masevaux et, à eux deux, ils s'emparèrent de Bernard pour la
1. Cartulaire de Mulhouse, t. I*', n" 356, 357, 358.
2. Ibid. Sentence arbitrale du 9^oût 1391, n« 363.
BERNARD DE BEBEL^rHEIM. 75
seconde fois; ce fut le sire de Raedersdorf qui se chargea de sa garde.
L'évêque de Strasbourg Frédéric de Blankenheim s'interposa
pour rétablir la paix, et ce fut sans doute de?ant lui que les parties
comparurent à RoufTach, mais sans parvenir à s'entendre. Ainsi qull
Tavait juré en quittant sa prison, Bernard de Bebclnbeim retourna
se constituer prisonnier au château de Jungholtz, où il fut chargé de
fers.
Il y resta trois semaines, au bout desquelles il obtint un ajourne-
ment jusqu'au 46 octobre 4390, grâce à l'intervention de ses amis,
qui garantirent à Werlin de Rœdersdorf le paiement d'une sonmie
de 50 florins pour le dommage qu'il avait éprouvé à Nambsheim ^ :
ces amis étaient deux bourgeois de Mulhouse, Hanmau Lutolt et le
chevalier Ulrich Gutterolf qui avait figuré comme bourgmestre dans
l'alliance avec la ligue de Souabe^.
Nous tirons ces détails principalement d^un long mémoire du
6 mai 4394, qui malheureusement s'explique d'une manière très
obscure sur les causes et les incidents de cette procédure. Il allègue
divers griefs contre Guillaume de Mascvaux qui , en relâchant le
prévôt de Mulhouse, se serait servi du sceau du prisonnier pour
sceller un acte contraire aux conditions dont les amis de Bernard
étaient tombés d*accord; celui-ci reproche de plus à Guillaume de ne
lui avoir pas rendu ses chevaux et ses effets, ainsi qu'il l'avait pro-
mis. Ce fut pour Bernard un prétexte pour se dédire et pour refuser
de comparaître encore une fois, ainsi qu'il l'avait promis. Guillaume
en prit occasion, lors d'un voyage qui tenait le prévôt éloigné, pour
l'accuser d'avoir manqué à sa parole; aussi à son retour Bernard
jugea que, pour défendre son honneur, il ne lui restait d'autre
voie que de recommencer les hostilités.
Pendant ce temps d'autres ennemis le desservaient à la cour
et, sous prétexte que la prévôté de Mulhouse avait fait retour à
l'Empire, Wenceslas, par un mandement du 5 avril 4394, daté de
Bettlern, disposa de l'office en faveur d'Ulrich Eberspeck, premier
gardien de la porte du palais. Ce fut le grand bailli d'Alsace, ou le
lieutenant qu'il se donnerait, qui était chargé de mettre le nouveau
titulaire en possession de l'office^. Mais quoique les bourgeois de
Mulhouse dussent être médiocrement satisfaits de leur prévôt, ils
témoignèrent si peu d'empressement à son successeur, que nonobs-
tant le secours du grand bailli Rodolphe de Wattvsriller, abbé de
1. Cdrtulaire de Mulhouse, quittance du H juin 1391, n* 364.
%. Cf. ci-dessus, p. 70.
3. Ibidem, n* 362.
76 MriUIfGBS BT DOCUMENTS.
Murbach, il fallut qu'Eberspeck se pourvût d'un second mandement,
daté de Berne, 45 juillet 4394 ^
La répugnance des bourgeois à reconnaître le nouveau fonction-
naire s'explique. Grâce à Tavance de 50 florins que leurs deux con-
citoyens avaient faite au sire de Rœdersdorf pour le compte de Ber-
nard, la ville de Mulhouse était devenue créancière de son prévôt et,
pour rentrer dans ses fonds, elle percevait elle-même les produits de
TofGce. La possession de la prévôté la rendait maîtresse de son tri-
bunal, et Texercice de la juridiction était pour les cités impériales le
premier gage de leur indépendance. Mulhouse tenait donc à ce que
Toffice restât vacant et, à ce point de vue , les bourgeois trouvaient
plus avantageux de s'arranger à Tamiable avec Bernard, en désobéis-
sant au roi des Romains, que de déférer à ses ordres. Us trouvèrent
un appui inespéré auprès du grand bailli, qui prêta les mains à cette
combinaison \ assisté de six envoyés des villes impériales de Golmar,
de Sélestadt, de Kaysersberg et de Munster, ce grand offlcier rendit,
le 9 août, une sentence arbitrale qui, d'une part, obligeait l'ancien
prévôt à tenir compte à Mulhouse de ce qu'il avait .enlevé à Werlin
de Rœdersdorf et aux gens de Nambsheim et, de l'autre, maintenait
la ville en possession des produits de la prévôté jusqu'à la Saint-
Michel proche venante. Il fut même stipulé que si, jusqu'au 29 sep-
tembre, ces revenus ne suffisaient pas pour indemniser la ville,
Bernard se rendrait prise de corps à Mulhouse, avec tous ses che-
vaux, jusqu'au complet, remboursement de ce qu'il devait*. Cet
arrangement ne tenait aucun compte d'Ulrich Eberspeck^ par contre
il faisait gagner du temps à Bernard de Bebelnheim et garantissait
ses droits, en lui substituant légalement Mulhouse. Réconcilié avec
Werlin de Rœdersdorf et certain que, pour le moment, rien ne se
ferait contre ses intérêts,' il partit pour la cour de Wenceslas, afin de
rentrer en grâce auprès du prince et de le faire revenir sur la nomi-
nation de son compétiteur. Il ne se trompait pas du reste sur l'atti-
tude que la ville allait prendre; car quoique le favori qui voulait le
supplanter fit intervenir le lieutenant du grand bailli, Pierre de
Saint-Dié, elle n'en persista pas moins à lui refUser les émoluments
de l'office auquel il avait été nommé^. De son côté, Bernard tenait
bon ; malheureusement il ne trouva pas à la cour les dispositions sur
lesquelles il avait compté ; obligé par le roi des Romains à se sou-
mettre au jugement ou à Tarbitrage de deux personnages de sa suite,
1 . Cartulaire de Mulfumse, n* 365.
2. Ibidem, n* 366.
3. Ibidem, Lettre de Pierre de Saint-Dié à Ulrich Eberspeck, du 13 no-
Tembre 1391, n* 368.
BERNARD DE BEBELNHEIM. 77
dont Fun, Borziwoy ou Worziboy de Swinar, devait se rendre, Tannée
suivante, en Alsace, en qualité de grand bailli, il fut condamné à
payer à son compétiteur, en deux termes, la somme de 80 florins * .
Ulrich Eberspeck, devenu légitime titulaire de la prévôté, chargea
son ami Pierre de Saint-Dié de pourvoir, en son nom, à la nomina-
tion d'un prévôt à Mulhouse, avec ordre à la ville de reconnaître le
nouvel ofiDcier comme s'il le lui présentait lui-même^.
IV.
Que devint Bernard de Bebelnheim à la suite de son éviction, en
apparence définitive, de la prévôté de Mulhouse ? Une lacune dans
nos documents ne permet pas de retrouver sa trace avant le ^6 avril
4393, jour où, revêtu derechef des fonctions de prévôt, il s^engageaà
ne jamais tirer vengeance de la captivité où la ville de Mulhouse
Tavait fait retenir à Colmar, comme étant au ban de T Empire^. Tout
dans cet acte indique qu'au moment où Bernard le souscrivit, il était
encore prisonnier. C'est une caution juratoire en forme, ou urphed,
par laquelle il promet de ne tremper dans aucun complot contre la
ville et de la prévenir des desseins de ses ennemis, de déférer à Tune
des cités de la Décapole les difficultés qui surgiraient encore entre
elle et lui et de soumettre à sa propre juridiction celles qu'il aurait
avec Tun ou Tautre de ses ressortissants : pour rendre cet engage-
ment plus solennel, il était stipulé qu'il ne pourrait être infirmé par
aucun tribunal séculier ou ecclésiastique, et qu41 serait obligatoire
pour le contractant, nonobstant toutes les exceptions qu'on pourrait
lui opposer.
Tout cela ne nous dit rien des circonstances qui avaient fait mettre
Bernard de Bebelnheim au ban de l'Empire, ni de celles qui lui
avaient fait recouvrer la prévôté de Mulhouse. Mais on comprend
que, pour ne pas encourir de responsabilité dans ce conflit, la ville
ait cru prudent de faire arrêter Bernard à Colmar. Par contre on
trouve, de 4395 à 4397, une série de pièces qui, tout au moins, nous
permettent de juger de quelques-unes des complications où Mulhouse
se trouva mêlée peu après son accommodement avec son prévôt.
La guerre avait éclaté entre la ville et des nobles du voisinage, les
chevaliers Werlin et Henri de Raedersdorf, Guillaume, Jean et
Ulmann de Mase?aux. Bernard de Bebelnheim et Bertelin de Wun-
1. Cartulaire de Mulhouse. Reconnaissance du 4 décembre 1391, n* 369.
2. Ibidem. Pleins pouvoirs d'Ulrich Eberspeck, du 10 décembre 1391, n* 370.
3. Ibidem, n- 372.
78 MlfUXGES BT DOCUMBIfTS.
nenberg tenidenl pour Mulhouse, et les voies de feit avaient suivi
leur cours ordinaire; on s'était mutuellement pillé et incendié, on
s'était fait des prisonniers : Mulhouse avait notamment saccagé le
village de Heimsbrunn, appartenant au chevalier Jean de Masevaux,
surnommé Eckerich, et saisi Théritage de la femme de Werlin de
Rœdersdorf, dont la mère, qui venait de mourir, était sans doute une
de ses bourgeoises. Par contre, à la suite d'une nouvelle tentative
sur le village de Nambsheim, Bernard de Bebelnheim et son acolyte
Bertelin étaient tombés entre les mains de leurs ennemis. Il n'aurait
pas été possible de s'entendre avant ces violences, mais on changeait
d'avis quand elles avaient produit leur eflfet. Les suzerains, les
alliés des parties contendantes trouvaient alors le moment propice
pour offrir leurs bons offices et pour s'interposer.
Cette fois ce furent les conseillers du duc Léopold le Superbe en
Alsace, le comte Rodolphe de Soultz, les chevaliers Jean-Ulrich et
Nicolas de Haus, Eppe de Hatstadt et Breller de Wattwiller, bailli
de Thann, d'une part, et les villes impériales de Haguenau, de
Colmar, de Sélestadt, de Wissembourg, d^Obernay et de Munster
d'autre part, qui intervinrent. Peut-être est-il permis de supposer
qu'avant d'en venir là, ces dernières avaient essayé de porter
secours à Mulhouse : Haguenau, Colmar, Sélestadt, Kaysersbergi
Mulhouse, Rosheim et Obernay avaient en effet tenu une diète dans
cette dernière ville, le 44 avril 4395, et elles s'étaient engagées à
tenir, pendant un an^ un corps de troupes à la disposition de leur
grand bailli, le comte Emich de Linange^ Mais les événements en
décidèrent autrement et, au lieu de secours, les alliés de Mulhouse
durent se contenter de lui offrir leur médiation.
Les préliminaires de la paix furent signés lé 9 juin. Les deux prison-
niers recouvrèrent immédiatement leur liberté, en s'engageant toute-
fois à comparaître à Brisach, le 2 juillet, avec leurs adversaires,
devant le grand bailli de l'Empire, Emich de Linange, et devant
celui des domaines autrichiens, Engelhard de Winsberg, qui devaient
mettre un à la querelle jusqu'au 45 août au plus tard, soit comme
arbitres, soit comme amiables compositeurs. Si, à cette date, la sen-
tence n'était pas rendue, Bernard de Bebelnheim et Bertelin de Wun-
nenberg étaient tenus de retourner en prison. Comme première
garantie du rétablissement de la paix, les chevaliers de Raedersdorf
et de Masevaux, d'une part, Bernard de Bebelnheim et six membres
du conseil de Mulhouse, d'autre part, scellèrent leur réconciliation
par un serment solenneP.
l. CartiUaire de Mulhouse, n« 379. — 2. IMem, n* 380.
BERNARD DE BEBELNHEIM. 79
En attendant la comparution devant les grands baillis, on fit du
pillage de Heimsbrunn un incident à part, sur lequel des arbitres
réunis à Thann, le 6 août, rendirent un jugement qui condamnait
Mulhouse à rendre aux habitants tout ce qui leur avait été enlevé, et
à leur payer une indemnité pour ce qui n'existait plus en naturel
A cette date, Tinstruction de l'aflaire principale avait déjà com-
mencé à Brisach. Un tribunal qui n^avait d'autorité que celle que
les parties voulaient bien lui reconnaître, devait avant tout s'en-
tendre sur la forme dans laquelle il rendrait la sentence, sll suivrait
les règles de la procédure ordinaire ou s'il jugerait à Pamiable. Dans
le cas présent, il s'était écoulé trop de temps pour procéder judi-
ciairement et les deux grands baillis tombèrent d'accord de ne siéger
que comme amiables compositeurs.
Les conditions déjà déterminées dans les préliminaires rendaient
leur tâche facile. Par une sentence déflnitive, datée du 42 août, le
comte Emich de Linange et Engelhard de Weinsberg mirent à néant
et défendirent toutes les instances auxquelles les incendies, les pil-
lages, les meurtres commis pendant la guerre auraient pu donner
lieu, déclarèrent nulles et non avenues les promesses d argent qu'on
s'était faites de part et d'autre, maintinrent leur liberté aux prison-
niers, notamment à Bernard de Bebelnheim et à Bertelin de Wun-
nenberg, et obligèrent les nobles de Rœdersdorf et de Masevaux à
garantir Mulhouse de toute recherche ultérieure : cependant la ville
devait restituer à la femme de Weriin les biens meubles et immeubles
provenant de sa mère et, comme sanction, les parties qui ne tien-
draient pas compte de la chose jugée étaient à l'avance déclarées
infâmes et parjures et à jamais exclues des plaids de justice^.
Ce n'était guère qu'une cote mal taillée, qui laissait même en
dehors de l'arrangement un débat particulier entre les mêmes nobles
de Rœdersdorf et de Masevaux, un Henri de Thann et un Riidin de
Brinighofen, d'une part, et la ville de Mulhouse, de l'autre. Posté-
rieurement à la sentence des deux grands baillis, Henri et Riidin
commirent des déprédations aux dépens de Mulhouse. De son côté
la ville usait de représailles et enlevait deux chevaux à Hanman de
Masevaux, dit Boiisinger. Pour en finir avec ces hostilités, on déféra
la cause à de nouveaux arbitres sous la présidence du grand bailli
autrichien, le sire de Weinsberg. Le 24 mai 4396, la paix fut rétablie
entreles parties, les prisonniers remis en liberté, les engagements pris
pendant la guerre, et qui n'avaient pas été tenus, annulés, les réclama-
1. Cariulaire de Mulhouse^ n" 381.
2. Ibidem, n* 28^2.
80 HlfUNGES ET DOGUMBIfTS.
tîons pouvant résulter des dommages éprouvés mises à néant. Toute-
fois Henri de Thann et Rûdin de Brinighofen, qui ne paraissent avoir
travaillé sur les grands chemins que pour le compte des Raedersdorf
et des Masevaux, obtinrent chacun 60 florins pour leur tenir lieu de
solde. Quant aux deux chevaux que Mulhouse avait enlevés à Han-
man de Masevaux, celui-ci ayant afQrmé par serment que ses mon-
tures n'avaient pas dû faire campagne contre la ville, cette dernière
fut condamnée à lui en payer la valeur, soit 450 florins ^
On aurait pu croire TafTaire terminée; mais Fexécution d'une des
dispositions fit surgir une nouvelle difficulté.
A la suite de son entreprise sur Nambsheim, Bernard avait été
condamné k iiS florins de réparation et la ville déclarée responsable
pour son bourgeois, sauf son recours contre lui : à cet eflfet, elle lui
avait fait souscrire une reconnaissance de pareille somme. Mais
lorsque, par leur composition, les deux grands baillis eurent déclaré
caducs les engagements pécuniaires contractés au cours des hostili-
tés, Bernard se prétendit quitte envers la ville. Mulhouse ne l'en-
tendait pas ainsi et, pour se mettre d'accord, les deux parties
portèrent leur litige devant le magistrat et le conseil de Golmar :
par une sentence du 2 juin 4397, ces derniers donnèrent tort à
Bernard, qui dut reconnaître la validité de sa dette ^.
Il est à regretter que les documents que nous analysons ne soient
pas plus explicites sur les causes et la gravité de ces complications.
On ne peut douter cependant du trouble qu'elles causèrent, à n'en
juger que par le nombre et l'importance des facteurs qu'elle mit en
mouvement. Peut-être même y aurait-il lieu d'y rattacher un procès
intenté à Mulhouse, dès le débuts devant le tribunal aulique, par
Rodolphe III, comte de Hochberg. La ville avait envoyé deux députés
à Prague, pour ne pas être condamnée par défaut. C'étaient Hanman
Lùtolt, qui est déjà de notre connaissance, et le greffier Georges
d'Arhwiller. Ils obtinrent de leur juge, Jean de Brandebourg, marquis
de Lusace et duc de Gorlitz, le propre frère du roi des Romains, une
sentence en date du 48 janvier 4395, qui les renvoyait avec le deman-
deur à se pourvoir devant le grand bailli de l'Empire en Alsace*.
Cet incident ne mériterait peut-être pas d'être rappelé, si les deux
députés, mettant à profit leur séjour à la cour, n'en avaient rapporté
de nouveaux privilèges du roi des Romains. Par le premier, du
4 février, Wenceslas enjoint à ses hommes-liges, chevaliers et
1. Cartulaire de Mulhouse, n* 391.
2. Ibideni, n* 403.
3. Ibidem, n* 375.
BERNARD DE BEBELNHEIM. 84
écuyers, domiciliés à Mulhouse, de reporter sur la ville, comme pré-
cédemment, le service féodal qu'ils lui devaient, et de défendre ses
habitants et leurs biens contre toute agression injuste, à moins que
TEmpire ne les en dispense. Par le second, du 5 février, il défend de
faire, sans y être autorisé, des plantations de vignes, d'arbres ou de
persil sur les berges des fossés de fortification. Par le troisième
enfin, du 9 février, il renouvelle, en faveur des bourgeois, un diplôme
qui les exemptait de la juridiction des landgraves de la Haute-Alsace,
c'est-à-dire des ducs d'Autriche*.
V.
La même année, Wenceslas recourut, pour se procurer de l'argent,
à l'un de ces expédients qui lui devenaient de plus en plus familiers.
Le grand bailliage d'Alsace n'était pas seulement un établissement
politique : il comprenait un ensemble de revenus, dont le grand
bailli était comptable envers l'Empire. Le plus important était le
tribut annuel des villes impériales; l'empereur en recouvrait le pro-
duit au moyen de quittances scellées de son sceau et généralement
antidatées : il les négociait et les escomptait à l'avance, au moyen de
délégations au profit de tiers. Une fois l'habitude prise, il ne fallait
plus qu'un pas pour faire du grand bailli un fermier des revenus de
l'Empire, et comme les ressources normales ne suffisaient plus pour
des princes besogneux, tels que Wenceslas, quand ils trouvaient un
preneur capable d'en faire l'avance, ils devaient difficilement résister
à la tentation de les affermer pour une période plus ou moins longue.
Sous le règne d'un autre fils de Charles IV, l'empereur Sigismond,
ce mode de gestion était si bien entré dans les mœurs, que le grand
bailliage devint, en 4425, un apanage de la maison palatine, suscep-
tible d'être racheté par l'Empire, et l'on perdit si bien de vue l'ori-
gine du tribut que les villes acquittaient, qu'il finit par ne plus repré-
senter que le prix de la protection que le grand bailli leur devait.
C'était une véritable aliénation des droits fiscaux de l'Empire, dont
la souveraineté de l'empereur devait recevoir le contre-coup, et ce
fut évidemment Wenceslas qui donna le premier exemple de ces hon-
teuses dilapidations.
Pour commencer, il déclara le grand bailliage vacant, révoqua
toutes les assignations, toutes les inféodations, tous les engagements
qu'il avait accordés précédemment et, de l'office ainsi recouvré, il
investit son cousin Josse, marquis de Moravie, au même titre que
1. CartuUUre de Mulfunue, n** 376, 377, 378.
Rev. HisTon. XXII. !•' fasc. 6
82 HJLÀNGES ET DOCUMENTS.
lui-même et, avant lui, son oncle Wenceslas, duc de Luxembourg,
de Limbourg et de Brabant, en avaient joui. Mulhouse reçut avis de
cette mesure par un mandement daté de Prague, 2 septembre 4395^
Le nouvel usufruitier du grand bailliage s'empressa de se substituer
Simon Wecker, comte de Deux-Ponts, qui se fit reconnaître par les
villes impériales. Il reçut de Mulhouse et lui rendit, le 4 6 décembre,
le serment réciproque qui liait les deux parties ^.
Bernard de Bebelnheim, que les péripéties du conflit où il se trou-
vait engagé ne paraissent pas avoir à ce moment dépossédé de son
office de prévôt, risquait cette fois d'en être évincé par Teffet du nou-
vel engagement du grand bailliage. Cependant, instruit par l'expé-
rience, il ne s'émut pas trop de cette éventualité et, sans attendre
l'entrée en exercice du comte de Deux-Ponts, il se fit délivrer par le
magistrat, le conseil et les bourgeois de Mulhouse une attestation de
sa prud'homie et des services qu'en sa qualité de prévôt il avait ren-
dus naguère tant à la ville qu'à l'Empire ^. Puis il partit pour Prague.
Bernard était depuis longtemps rompu aux pratiques de la cour;
il y reprit ces négociations dont il avait le secret, et il obtint sans
difficulté du roi des Romains un mandement daté du 6 janvier 4396
et adressé au grand bailli d'Alsace^ pour lui enjoindre de tenir pour
prévôt de Mulhouse, à l'exclusion de tous autres, l'ancien titulaire
pourvu de cet office à titre viager qui n'avait pas cessé de bien méri-
ter de l'Empire et de son chef ^.
Malheureusement, dans le courant de la même année, le grand
bailliage passa des mains du comte de Deux-Ponts dans celles de
Thierry von der Weitenmûle dont il a été question plus haut. Le
nouveau titulaire contesta à Bernard la validité de son droit. Il
n'était évidemment qu'un sous-traitant et, moyennant deux cents flo-
rins, il abandonna à la ville le tribut qu'elle payait à l'Empire et
garda pour lui-même l'office de prévôt. En cette dernière qualité,
l'écuyer noble Thierry von der Weitenmûle promit à la ville de lui
faire maintenir la perception du tribut, tant qu'elle ne sera pas
rentrée dans ses avances; en cas de déchéance, il s'engagea à les lui
rembourser de ses fonds et, pour plus de sûreté, il lui présenta deux
garants, le chevalier Nicolas de Haus et l'écuyer Bertelin de Wun-
nenberg : en cas de non paiement, ces deux nobles devaient se cons-
1. Carlulairede Mulhmsey n* 383.
2. Ibidem, n* 386.
3. Ce certificat a été délivré en double, dans des termes différents, l'un le 2,
l'autre le 10 novembre 1395. CL Cartulaire de Mulhouse, n- 384, 385.
4. IMdem, n* 386. .
Bn!IlAD DB BEBEL!fHIIM. S3
titaer prise de corps dans une des hôtelleries de Molbonse, oa se
substituer des otages, avec leurs chevaux dont la dépense serait la
même que si leurs maîtres s'acquittaient en personne de leurs obli-
gations, et cela jusqu'au parfait remboursement des deux cents flo-
rins. Il était stipulé en outre que, si les deux cautions manquaient à
leur parole, la ville serait en droit de saisir leurs biens, meubles et
inuneubles, ou, à leur défaut, les biens et les personnes de leurs tenan-
ciers. Ces conventions caractéristiques sont tirées de reversâtes sous
le sceau de Thierrv. datées du 30 octobre 4396 *.
Hais Bernard de Bebelnheim, de la personne et des intérêts duquel
la ville Élisait en cette circonstance si bon marché, n était pas homme
à se laisser dépouiller sans résistance. Avant même que cet arrange-
ment fût conclu, il en était venu aux voies de fait contre son compé-
titeur, en même temps qu'il déférait l'affaire à Tauteur de toutes ces
complications^ à Wenceslas même. Le roi des Romains intervint le
23 septembre et, par un mandement daté de Prague, il prescrivit au
bourgmestre et aux bourgeois de retenir provisoirement les fruits,
proGts et émoluments attachés à Toffice de la prévôté, en attendant
qu'il se fût prononcé sur le fond de la contestation ^.
La décision ne se Ût pas attendre. Le 3 décembre, le chevalier
Jean de Mûlheim, qui avait été commis pour connaître de Taffaireet
qui prit pour assesseurs les chevaliers Nicolas de Zedlitz, Nicolas
Temeritz, Jean de Schœnfeld et le chambellan Etienne Boduska, ren-
dit une sentence qui déboutait Thierry von der Weitenmùle de ses
prétentions sur la prévôté de Mulhouse. Quoiqu'il eût aflkire à forte
partie — son adversaire s'était (ait représenter par son parent Wlach-
m'ck von der Weitenmùle, vice-chancelier du roi des Romains, —
Bernard avait néanmoins obtenu gain de cause. Non seulement la
sentence évinçait Thierry, mais elle le condamnait à restituer au légi-
time titulaire les fruits indûment perçus. A la même date que ce
jugement, Wenceslas en 6t part à la ville de Mulhouse, avec ordre
de s'y conformer *.
Cette solution était éminemment boiteuse. En favorisant les inté-
rêts de Bernard, elle méconnaissait le contrat intervenu entre son
compétiteur et Mulhouse, au sujet de tribut à TEmpire, et elle ne
relevait pas Thierry des obligations qu'il avait consenties, quand il
se croyait assuré de la prévôté. C'est sans doute dans la pensée d'ob-
1. CariMlairede Mulhouse, n* 394.
2. IbUiem, n* 393.
3. Ibidem, n- 395, 396.
84 MELANGES ET DOCUMENTS.
vier à cet inconvénient et gagné peut-être par d'autres raisons faciles
à conjecturer, que Wencesias transmit aux bourgeois les contribu-
tions qu'ils lui devaient. Cette exemption du tribut à l'Empire devait
durer dix ans et même tant qu^elle ne serait pas révoquée, sauf le ser-
vice des engagements auxquels il avait été affecté antérieurement :
cette dernière clause garantissait les avances de Thierry von der
Weitenmûle. Le diplôme qui consacre cette solution, daté du 2 jan-
vier 4397, fût suivi, deux jours après, d'un second qui ne laisse
aucun doute sur l'intervention personnelle de la ville dans ces négo-
ciations : en considération des services qu'elle rendait et qu'elle ren-
drait encore à l'Empire, Wencesias l'autorisa à faire payer aux habi-
tants un droit sur le vin, sur le blé, sur le passage des ponts, dont
le produit devait être appliqué aux fortifications; à citer devant son
propre tribunal et à retenir, corps et biens, les forains des envi-
rons, à l'exception des nobles ; à boucher les fenêtres et les autres
ouvertures pratiquées dans le mur d'enceinte et à démolir les
tours qui le bastionnaient et qui pourraient être dommageables à
l'Empire*.
Evidemment Bernard de Bebelnheim n'était pas étranger aux avan-
tages que la ville retirait de ces incidents ; lui-même ne fut pas
oublié dans les faveurs impériales. Deux jours après la sentence qui
le réintégrait dans son ofQce, le 7 décembre, Wencesias disposa de
différents Ûefs et revenus de l'Empire en Alsace au profit de quelques-
uns de ses serviteurs, Bertram de Fiilwil, Guillaume d'Erlbach, son
chambellan, et Henselin de Spire, son baigneur, auxquels il ajouta
Bernard de Bebelnheim en personne : il les gratifiait nommément du
château de Schwarzenberg dans la vallée de Munster, d'un domaine
situé sur le territoire de Mulhouse et d^un prélèvement annuel de
quarante florins sur la taille de cette ville, du péage de Kembs, de la
rente assignée, avec d'autres domaines et émoluments, à Bourcard
Miinch de Landscron, lesquels, prétendait-on, avaient fait retour à
TEmpire par suite de la mort du titulaire. La seule condition imposée
aux bénéficiaires était de rendre au roi des Romains les prestations
féodales dont ces fiefs étaient grevés ^. Il n'est pas possible de mécon-
naître le caractère de cette libéralité : c'était encore une de ces dila-
pidations dont Wencesias était coutumier et, en y associant un
homme d'action tel que Bernard de Bebelnheim, c'était le plus sûr
moyen de ne pas laisser cette faveur stérile.
1 . Cariulaire de MuUmue, n** 398, 399.
2. Ibidem.
BERNARD DE BEBBLNHBIM. 85
VI.
Le château de Schwarzenberg avait été construit en 4264 , sur un
sommet de la vallée de Munster, par les sires de Gueroldseck, au
temps du grand interrègne, quand leur agnat, Tévêque Walther de
Strasbourg, mettait tout en œuvre pour étendre son temporel
dans le diocèse de Bâle, où, depuis les temps de Dagobert II, son
église possédait déjà le mundat ou immunité de RoufTach *. La cime
où il s'élevait avait été usurpée par Tantique abbaye des Bénédictins
de Saint-Grégoire et, dans l'impossibilité où se trouvait l'abbé Gueb-
hàrd de maintenir les droits de sa maison contre ses oppres-
seurs, il n'avait rien trouvé de mieux que de les transférer à
l'évoque de Bâle. Schwarzenberg n'était donc nullement un fief de la
mouvance de l'Empire, et c'était à tort que le roi des Romains s'était
permis d'en disposer. Bernard le comprit et n'essaya même pas de se
prévaloir de la grâce dont il était porteur : ce qui le prouve, c'est la
prétention qu'il fit de ce paragraphe du diplôme dans un double sans
authenticité qui existe encore *.
Il n'en était guère autrement des fiefs de Mulhouse qui, dans le
fait, étaient engagés à ce Henman Lûtold ou Leutold dont il a déjà
été question à diverses reprises. Il refusa de s'en dessaisir ; mais du
moins n'en vint-on pas cette fois aux mains. Les deux adversaires
tombèrent d'accord pour demander au grand bailli d'Alsace, Emich
de Linange, un juge compétent. Gelui-K^i déféra à ce vœu, en déléguant,
le 48 mars 4397, Henman Rich de Kaysersberg, avec pouvoir d'ap-
peler à lui les vassaux de l'Empire qui devaient lui servir d'asses-
seurs '.
Cependant il ne paraît pas que ce soit cet arbitre qui ait aplani le
différend. Le point de départ était l'engagement en bloc du grand
bailliage au margrave Josse de Moravie, et il s'agissait de savoir si
cet acte primait à la fois l'engagement restreint de la prévôté et celui
des fiefs de l'Empire à Mulhouse, qui tous deux lui étaient antérieurs.
Indépendamment de ces deux concessions, il y en avait une troisième,
celle du tribut à l'Empire au profit de la ville, qui rendait la compli-
cation encore plus inextricable.
En réalité, ce fut Wenceslas qui la trancha. Par un premier man-
dement, daté du 4 juin 4397, il fit savoir à Emich de Linange que,
1. Schœpflin, AUatia iUuitrata, t. II, p. 266.
2. Archives de Colmar. II. Familles nobles.
3. Cartulaire de Mulhouse, n* 400.
86 MELANGES BT DOGUMBUTTS.
nonobstant le droit qu'il avait reconnu à son cousin le margrave de
nommer et de révoquer tous les ofHciers dépendant du grand bail-
liage, la prévôté de Mulhouse devait rester acquise à son féal Ber-
nard de Bebelnheim, sa vie durant.
Puis, par un second mandement daté du 5 juin, il donna égale-
ment raison à Bernard, aux dépens de Henman Zûtold, en enjoignant
à la ville de Mulhouse de payer exactement aux bénéûciaires du
diplôme du 7 décembre précédent les quarante florins qu'il leur
avait octroyés sur le tribut à TEmpire et qui seront à déduire des
contributions, cens et rentes dont il lui avait fait abandon ^
On ne peut douter que cette double décision ne fût encore une fois
le résultat des démarches personnelles de Bernard de Bebelnheim à
Prague. Tel était son crédit à la cour, qu'il obtint, même du mar-
grave de Moravie, la reconnaissance de ses droits sur la prévôté, si
bien que ce prince fit écrire, le 49 juin, par Borziwoy de Swinar, pre-
mier mayordome du roi des Romains, au comte de Linange, pour
rinviter à cesser de troubler l'ancien titulaire dans l'exercice de ses
fonctions ^.
Quant au péage de Kembs, le Camhete des Itinéraires, et aux autres
émoluments prétendus disponibles depuis la mort de Bourcard Miinch
de Landscron, qui comprenaient entre autres des prélèvements sur
la contribution des Juifs de Bâle, il y a lieu de croire que, si Bernard
parvint à se mettre en possession, ce ne fut pas sans rencontrer de
grandes difficultés.
En effet, le 23 août 4397, le bourgmestre de Bâle, le chevalier
Jean d'Eplingen, et le conseil écrivirent, en réponse aux réclamations
de Bernard, que les Juifs, sur le tribut desquels Bourcard Mûnch avait
des prétentions à faire valoir, avaient dénoncé leur droit de bour-
geoisie pour se mettre sous la protection du duc d'Autriche, Léopold
le Superbe : à sa prière, on leur avait accordé un délai d'un mois
pour liquider leurs affaires avec leurs débiteurs et, ce terme étant
passé, la ville n'était plus comptable de leur dette envers l'Empire.
D'un autre côté, ils prévenaient Bernard que la sœur et les parents
de Bourcard Mûnch, invoquant les propres termes du diplôme du roi
Wenceslas, soutenaient que Bourcard avait droit au tribut des Juifs
de Bàle, sa vie durant, et que, s'il était absent dans ce moment, rien
ne prouvait qu'il fût mort. Par suite de cette réclamation, la ville
avait décompté avec les Juifs l'arriéré de leur contribution dont le
1. CarUUaire de Mulhouse, où ces pièces sont datées par erreur du 13 et
du 16 mai 1397, n** 388, 389.
2. Ibidem, n« 404.
BERIVAED DE BEBBLNHEIM. 87
produit avait été déposé au change de Bâle, en attendant qu*on sût à
qui il revenait.
Indépendamment du tribut des Juifs, il y avait encore d'autres
objets litigieux entre la ville et Bernard. Celui-ci s'était plaint, dans
sa lettre à Bàle, d'un bourgeois, Jean d^Erenfels, à qui il réclamait
un cheval de combat et qui, pour répondre à une saisie que Bernard
avait fait faire à ses dépens à Colmar, lui aurait déclaré la guerre : le
bourgmestre et le conseil afBrmèrent que leur bourgeois ne deman-
dait pas mieux que de suivre les voies légales, mais à condition que
le demandeur commençât par donner mainlevée de la saisie : pour
éviter un conflit auquel ils auraient regret, ils engageaient Bernard à
obtempérer à cette proposition *.
Un sauf-conduit délivré, le 8 octobre 4397, par la ville de Bàle à
Bernard de Bebelnheim, prévôt de Mulhouse et écuyer, pour qu'il
pût produire les titres dont il se prévalait, prouve que, pour le moment
du moins, il suivit le sage conseil qu*on lui donnait ^. La dernière
pièce relative à cette affaire est un mandement de Wenceslas, daté
de Francfort, 28 décembre 4397, par lequel il enjoint spécialement
aux deux villes de Bâle et de Berne de mettre Bernard de Bebelnheim
et ses consorts en possession de tous les droits qui avaient fait retour
à TEmpire, par suite de la mort de Bourcard Mùnch, et notamment
du tribut annuel de leurs bourgeois juifs ^. Pour ne rien négliger de
ce qui intéresse la carrière de Bernard, nous mentionnerons encore
les pouvoirs qu'il reçut du roi des Romains, le 42 janvier 4398,
pour transiger en son nom et s'accommoder avec les Juifs de Zurich
pour les sommes dont ils étaient alors redevables envers le flsc^.
VU.
Nous avons vu qu'entre autres privilèges accordés, le 4 janvier 4 397,
à la ville de Mulhouse, le roi Wenceslas l'avait autorisée à citer
devant son propre tribunal et à retenir, corps et biens, les forains de
son voisinage, sauf les nobles qui ne pouvaient être distraits de la
cour féodale à laquelle ils ressortissaient. Jusque-là les empereurs
s'étaient bornés à défendre la juridiction de leurs villes, au regard
des landgraves de la Haute-Alsace, par le triple droit de non citando^
de non evocando, de non appellando^ c'est-à-dire qu'aucun deman-
1. ArchiTes de Colmar. II. Familles nobles.
2. Ibidenu
3. Ibidem.
4. Ibidem.
88 MELANGES ET DOCUMENTS.
deur ne pouvait citer de bourgeois devant un juge étranger, que le
juge étranger ne pouvait évoquer aucune affaire concernant un bour-
geois et que, devant lui, nui ne pouvait interjeter appel d*une sen-
tence du juge de TEmpire. Le diplôme de Wenceslas avait été beau-
coup plus loin, puisque^ contrairement à l'axiome : Actor forum rei
sequi tenetur, il rendait tous les forains justiciables du tribunal de
Mulhouse. Entre les mains du prévôt Bernard de Bebelnheim, si bien
soutenu jusque-là par Wenceslas, cette arme ne risquait pas de res-
ter au fourreau.
Le roi des Romains avait déféré au magistrat et au conseil de Mul-
house le jugement de deux gentilshommes, le même Barthélémy ou
Bertelin de Wunnenberg dont il a déjà été question, et Henri de
Réguisheim, que leur qualité de bourgeois de TËmpire n'empêchait
sans doute pas de posséder des fiefs autrichiens, comme un privilège
de Rodolphe de Habsbourg, du 5 août 4275, y autorisait les ressor-
tissants de Mulhouse * . Sans égard à la protection que le suzerain
devait à ses hommes-liges, le juge de cette ville bannit les deux accu-
sés et confisqua leurs biens, pour l'indemniser des pertes et des
dommages qu'ils lui avaient causés ^.
Il est à supposer que les exilés répondirent à la mesure qui les
frappait par un appel devant le tribunal landgravial. Dans le discré-
dit où Pautorité de Wenceslas était tombée, l'occasion d'entreprendre
sur la juridiction de Mulhouse était propice, et le grand bailU autri-
chien à qui appartenait l'action judiciaire ne manqua pas d'interve-
nir. Prévenu à temps, le roi des Romains répondit à cette immixtion
par trois mandements datés de Nuremberg, 48 et 49 octobre 4397.
Par le premier, il renouvela, dans les termes les plus explicites,
l'antique sauvegarde de l'immunité communale : aux bourgeois et
aux manants de Mulhouse, il confirme la faveur de ne pouvoir être
cités, poursuivis, condamnés, mis au ban de l'Empire ni devant le
tribunal aulique de Rotweil, ni devant la cour provinciale ; il ordonne
que quiconque aura une revendication à exercer à leur égard saisira
de l'instance le prévôt et le juge de la ville, à moins que la cause
n'eût déjà été mal jugée par eux et qu'ils n'eussent donné sujet à un
pourvoi en appel, ou que lui-même n'eût des droits à faire valoir
contre eux : en même temps il déclare nulles et non avenues les
citations et les sentences obtenues devant les tribunaux étrangers.
Par le second, pour mettre la ville mieux en état de résister aux
incursions, collisions et dommages à venir, il déclare que, pendant
1. Cartulairede Mulhouse, n* 407.
2. Ibid. Mandement du 19 octobre 1397, n* 410.
BERNARD DE BBBELNHEIM. 89
toute la durée de la peine, ni le grand bailli ni son lieutenant ne
pourront autoriser la rentrée de ceux qui auraient été exilés de Mul-
house en raison de voies de fait commises par eux ; de plus il ordonne
que toute condamnation prononcée par le magistrat et le conseil, à
Toccasion d'infractions de cette nature, soit respectée par la commu-
nauté.
Par le troisième enfin, il fait savoir au grand bailli d'Alsace et aux
villes impériales qu'il a conûrmé la sentence qui avait frappé de
bannissement Bertelin de Wunnenberg et Henri de Béguisheim, avec
cette seule restriction que la ville de Mulhouse partagerait leurs
dépouilles par moitié avec l'Empire et que, ce fkisant, il annule la
citation par laquelle elle avait été appelée devant le tribunal auUque,
comme aussi tous les actes qu'en cette affaire on aurait obtenus ou
qu'on pourrait obtenir encore, tant du roi des Romains que du mar-
grave Josse de Moravie, et enjoint au grand bailli et aux villes impé-
riales de prêter aide et secours à Mulhouse, pour que force reste à
la volonté royale *.
C'est aux mêmes faits évidemment que se rattache un quatrième
diplôme daté de Francfort, ^7 janvier 4398, par lequel Wenceslas,
sur l'avis de ses conseillers, déclare les bourgeois de Mulhouse inno-
cents de toute participation à la confection de lettres munies du
sceau de la ville, concernant Bernard de Bebelnheim et la prévôté de
Mulhouse, au sujet de laquelle il avait surgi des difQcultés entre les
bourgeois, d'une part, le grand bailli Thierry von der Weitenmiile,
Barthélémy de Wunnenberg et Henri de Réguisheim, d'autre part^.
Dans les dispositions où ces franchises nouvelles mettaient les
esprits, Mulhouse et son prévôt ne pouvaient manquer de pousser
leur avantage plus lom. D'une part, Bernard de Bebelnheim ût, au
détriment des juges autrichiens, un autre acte de juridiction contre
Simon le Juif de Herlisheim et, ne pouvant l'amener à comparaître
devant lui, l'assigna devant le tribunal aulique, comme cour suprême
de l'Empire ; d'autre part, la ville viola le territoire autrichien à
Habsheim^ sans doute en faisant valoir l'extension exorbitante de
ses droits de justice.
Mulhouse n'était pas seul à avoir du crédit à la cour et, dans l'état
de désarroi où se trouvaient l'Empire et son chef, rien n'était plus
aisé, nous l'avons vu, que d'opposer à l'arbitraire du jour celui du
lendemain. Par un revirement qui dépasse toutes les contradictions
que nous avons déjà rencontrées, le roi des Romains enleva subite-
1. Cariulaire de Mulhouse, n*' 408, 409, 410.
2. Ibidem, n* 411.
88 MELANGES ET DOCUMENTS.
deur ne pouvait citer de bourgeois devant un juge étranger, que le
juge étranger ne pouvait' évoquer aucune affaire concernant un bour-
geois et que, devant lui, nul ne pouvait interjeter appel d'une sen-
tence du juge de TEmpire. Le diplôme de Wenceslas avait été beau-
coup plus loin, puisque, contrairement à l'axiome : Actor forum rei
sequi ienetur, il rendait tous les forains justiciables du tribunal de
Mulhouse. Entre les mains du prévôt Bernard de Bebelnheim, si bien
soutenu jusque-là par Wenceslas, cette arme ne risquait pas de res-
ter au fourreau.
Le roi des Romains avait déféré au magistrat et au conseil de Mul-
house le jugement de deux gentilshommes, le même Barthélémy ou
Bertelin de Wunnenberg dont il a déjà été question, et Henri de
Réguisheim, que leur qualité de bourgeois de TEmpire n'empêchait
sans doute pas de posséder des fiefs autrichiens, comme un privilège
de Rodolphe de Habsbourg, du 5 août 4275, y autorisait les ressor-
tissants de Mulhouse * . Sans égard à la protection que le suzerain
devait à ses hommes-liges, le juge de cette ville bannit les deux accu-
sés et conQsqua leurs biens, pour l'indemniser des pertes et des
dommages qu'ils lui avaient causés ^.
Il est à supposer que les exilés répondirent à la mesure qui les
frappait par un appel devant le tribunal landgravial. Dans le discré-
dit où Tautorité de Wenceslas était tombée, l'occasion d'entreprendre
sur la juridiction de Mulhouse était propice, et le grand bailli autri-
chien à qui appartenait l'action judiciaire ne manqua pas d'interve-
nir. Prévenu à temps, le roi des Romains répondit à cette immixtion
par trois mandements datés de Nuremberg, 48 et 49 octobre 4397.
Par le premier, il renouvela, dans les termes les plus explicites,
l'antique sauvegarde de l'immunité communale : aux bourgeois et
aux manants de Mulhouse, il confirme la faveur de ne pouvoir être
cités, poursuivis, condamnés, mis au ban de l'Empire ni devant le
tribunal aulique de Rotweil, ni devant la cour provinciale -, il ordonne
que quiconque aura une revendication à exercer à leur égard saisira
de l'instance le prévôt et le juge de la ville, à moins que la cause
n'eût déjà été mal jugée par eux et qu'ils n'eussent donné sujet à un
pourvoi en appel, ou que lui-même n'eût des droits à faire valoir
contre eux : en même temps il déclare nulles et non avenues les
citations et les sentences obtenues devant les tribunaux étrangers.
Par le second, pour mettre la ville mieux en état de résister aux
incursions, collisions et dommages à venir, il déclare que, pendant
1. Cartulaire de Mulhouse, n* 407.
2. IM. Mandement du 19 octobre 1397, n* 410.
BERNARD DE BEBELNHEIM. 89
toute la durée de la peine, ni le grand bailli ni son lieutenant ne
pourront autoriser la rentrée de ceux qui auraient été exilés de Mul-
house en raison de voies de fait commises par eux ; de plus il ordonne
que toute condamnation prononcée par le magistrat et le conseil, à
Toccasion d'infractions de cette nature, soit respectée par la commu-
nauté.
Par le troisième enfin, il fait savoir au grand bailli d'Alsace et aux
villes impériales qu'il a confirmé la sentence qui avait frappé de
bannissement Bertelin de Wunnenberg et Henri de Béguisheim, avec
cette seule restriction que la ville de Mulhouse partagerait leurs
dépouilles par moitié avec l'Empire et que, ce faisant, il annule la
citation par laquelle elle avait été appelée devant le tribunal aulique,
comme aussi tous les actes qu'en cette afiîaire on aurait obtenus ou
qu'on pourrait obtenir encore, tant du roi des Romains que du mar-
grave Josse de Moravie, et enjoint au grand bailli et aux villes impé-
riales de prêter aide et secours à Mulhouse, pour que force reste à
la volonté royale *.
C'est aux mêmes faits évidemment que se rattache un quatrième
diplôme daté de Francfort, ^7 janvier ^398, par lequel Wenceslas,
sur l'avis de ses conseillers, déclare les bourgeois de Mulhouse inno-
cents de toute participation à la confection de lettres munies du
sceau de la ville, concernant Bernard de Bebelnheim et la prévôté de
Mulhouse, au sujet de laquelle il avait surgi des difficultés entre les
bourgeois, d'une part, le grand bailli Thierry von der Weitenmùle,
Barthélémy de Wunnenberg et Henri de Réguisheim, d'autre part^.
Dans les dispositions où ces franchises nouvelles mettaient les
esprits, Mulhouse et son prévôt ne pouvaient manquer de pousser
leur avantage plus loin. D'une part, Bernard de Bebelnheim fit, au
détriment des juges autrichiens, un autre acte de juridiction contre
Simon le Juif de Herlisheim et, ne pouvant l'amener à comparaître
devant lui, l'assigna devant le tribunal aulique, comme cour suprême
de l'Empire ; d'autre part, la ville viola le territoire autrichien à
Habsheim^ sans doute en faisant valoir l'extension exorbitante de
ses droits de justice.
Mulhouse n'était pas seul à avoir du crédit à la cour et, dans l'état
de désarroi où se trouvaient l'Empire et son chef, rien n'était plus
aisé, nous l'avons vu, que d'opposer à l'arbitraire du jour celui du
lendemain. Par un revirement qui dépasse toutes les contradictions
que nous avons déjà rencontrées, le roi des Romains enleva subite-
t. Cartulairê de Mulhouie, n- 408, 409, 410.
2. Ibidem, n* 411.
88 MELANGES ET DOCUMENTS.
deur ne pouvait citer de bourgeois devant un juge étranger, que le
juge étranger ne pouvait' évoquer aucune affaire concernant un bour*
geois et que, devant lui, nul ne pouvait interjeter appel d'une sen-
tence du juge de l'Empire. Le diplôme de Wenceslas avait été beau-
coup plus loin, puisque^ contrairement à l'axiome : Actor forum rei
sequi tenetur, il rendait tous les forains justiciables du tribunal de
Mulhouse. Entre les mains du prévôt Bernard de Bebelnheim, si bien
soutenu jusque-là par Wenceslas, cette arme ne risquait pas de res-
ter au fourreau.
Le roi des Romains avait déféré au magistrat et au conseil de Mul-
house le jugement de deux gentilshommes, le même Barthélémy ou
Bertelin de Wunnenberg dont il a déjà été question, et Henri de
Réguisheim, que leur qualité de bourgeois de l'Empire n'empêchait
sans doute pas de posséder des fiefs autrichiens, comme un privilège
de Rodolphe de Habsbourg, du 5 août 4275, y autorisait les ressor-
tissants de Mulhouse * . Sans égard à la protection que le suzerain
devait à ses hommes-liges, le juge de cette ville bannit les deux accu-
sés et confisqua leurs biens, pour l'indemniser des pertes et des
dommages qu'ils lui avaient causés ^.
Il est à supposer que les exilés répondirent à la mesure qui les
frappait par un appel devant le tribunal landgravial. Dans le discré-
dit où l'autorité de Wenceslas était tombée, l'occasion d'entreprendre
sur la juridiction de Mulhouse était propice, et le grand bailli autri-
chien à qui appartenait Taction judiciaire ne manqua pas d'interve-
nir. Prévenu à temps, le roi des Romains répondit à cette immixtion
par trois mandements datés de Nuremberg, 48 et 49 octobre 4397.
Par le premier, il renouvela, dans les termes les plus explicites,
l'antique sauvegarde de l'immunité communale : aux bourgeois et
aux manants de Mulhouse, il confirme la faveur de ne pouvoir être
cités, poursuivis, condamnés, mis au ban de l'Empire ni devant le
tribunal aulique de Rotweil, ni devant la cour provinciale ; il ordonne
que quiconque aura une revendication à exercer à leur égard saisira
de l'instance le prévôt et le juge de la ville, à moins que la cause
n'eût déjà été mal jugée par eux et qu'ils n'eussent donné sujet à un
pourvoi en appel, ou que lui-même n'eût des droits à faire valoir
contre eux : en même temps il déclare nulles et non avenues les
citations et les sentences obtenues devant les tribunaux étrangers.
Par le second, pour mettre la ville mieux en état de résister aux
incursions, collisions et dommages à venir, il déclare que, pendant
1. Cariulairede Mulhouse, n* 407.
2. Itfid. Mandement du 19 octobre 1397, n* 410.
BERNARD DE BEBELIVHEIM. 89
toute la durée de la peine, ni le grand bailli ni son lieutenant ne
pourront autoriser la rentrée de ceux qui auraient été exilés de Mul-
house en raison de voies de fait commises par eux ; de plus il ordonne
que toute condamnation prononcée par le magistrat et le conseil, à
Toccasion d'infractions de cette nature, soit respectée par la commu-
nauté.
Par le troisième enfin, il fait savoir au grand bailli d'Alsace et aux
villes impériales quMl a confirmé la sentence qui avait frappé de
bannissement Bertelin de Wunnenberg et Henri de Béguisheim, avec
cette seule restriction que la ville de Mulhouse partagerait leurs
dépouilles par moitié avec TËmpire et que, ce faisant, il annule la
citation par laquelle elle avait été appelée devant le tribunal aulique,
comme aussi tous les actes qu'en cette afikire on aurait obtenus ou
qu'on pourrait obtenir encore, tant du roi des Romains que du mar-
grave Josse de Moravie, et enjoint au grand bailli et aux villes impé-
riales de prêter aide et secours à Mulhouse, pour que force reste à
la volonté royale ^
C*est aux mêmes faits évidemment que se rattache un quatrième
diplôme daté de Francfort, \7 janvier 4398, par lequel Wenceslas,
sur l'avis de ses conseillers, déclare les bourgeois de Mulhouse inno-
cents de toute participation à la confection de lettres munies du
sceau de la ville, concernant Bernard de Bebelnheim et la prévôté de
Mulhouse, au sujet de laquelle il avait surgi des difficultés entre les
bourgeois, d'une part, le grand bailli Thierry von der Weitenmùle,
Barthélémy de Wunnenberg et Henri de Béguisheim, d'autre part^.
Dans les dispositions où ces franchises nouvelles mettaient les
esprits, Mulhouse et son prévôt ne pouvaient manquer de pousser
leur avantage plus loin. D'une part, Bernard de Bebelnheim fit, au
détriment des juges autrichiens, un autre acte de juridiction contre
Simon le Juif de Herlisheim et, ne pouvant l'amener à comparaître
devant lui, l'assigna devant le tribunal aulique, comme cour suprême
de l'Empire ; d'autre part, la ville viola le territoire autrichien à
Habsheim^ sans doute en faisant valoir l'extension exorbitante de
ses droits de justice.
Mulhouse n'était pas seul à avoir du crédit à la cour et, dans l'état
de désarroi où se trouvaient l'Empire et son chef, rien n'était plus
aisé, nous l'avons vu, que d'opposer à l'arbitraire du jour celui du
lendemain. Par un revirement qui dépasse toutes les contradictions
que nous avons déjà rencontrées, le roi des Bomains enleva subite-
t. Cartulaire de Mulhouse, n** 408, 409, 410.
2. Ibidem, n* 411.
90 MELANGES ET DOGOMEflTS.
ment à la ville tous les droits, fï'anchises et grâces spéciales qu'elle
tenait de TEmpire ^ C'était annuler d'un trait de plume tout ce qui,
dans le droit public allemand, constituait Tlmmédiateté et la supé-
riorité des états et, si Ton applique à cette mesure extrême Tadage :
is fecit cui prodest^ on ne peut douter que ce ne fût sur les sollicita-
tions du duc d'Autriche que Wenceslas porta ce coup. Le conflit éclata
sur l'heure.
Pour Mulhouse, il n'y avait qu'un moyen de se défendre : c'était
d'obtenir sans retard le retrait du funeste rescrit de Wenceslas.
Dans sa détresse la ville donna, le4\ mars 4398, procuration au pré*
vôt Bernard de Bebelnheim et au greffler Georges d'Ahrwiller, pour
aller défendre sa cause à la cour *. Mais cette démarche ne servit
qu'à rendre les poursuites plus actives. En même temps que le grand
bailli autrichien Nicolas de Haus assignait Bernard devant le tri-
bunal landgravial, pour avoir fait acte de juridiction à l'égard du
juif de Herlisheim, il faisait procéder contre tous les ressortissants
de Mulhouse, en raison de la violation du territoire de Habsheim, et
simultanément, comme s'ils obéissaient à un signal, une foule de
vassaux autrichiens, la dame du chevalier Pierre de Saint-Dié, Hen-
selin de Laubgassen, Gœtzman de Herliheim, Henri de Réguisheim,
déféraient à leurs propres juges les contestations qu'ils avaient avec
la ville ou avec les bourgeois de Mulhouse'.
Dans cette extrémité, le magistrat et le conseil de Mulhouse adres*
sèrent le 49 mars un premier appel à leurs députés : « Le tribunal
autrichien entreprend, disaient-ils, de soumettre à sa juridiction
tous les habitants au-dessus de quatorze ans ; s'il parvient à ses uns,
c'en est fait de Mulhouse et de son immédiateté. » La ville les
priait en conséquence de redoubler leurs efforts à la cour pour faire
arrêter les procédures avant le plaid que le tribunal allait tenir *.
Ce qui rendait la crise encore plus grave, c'est que le grand bailli
de l'Empire Thierry von der Weitenmùle créait lui aussi des embar-
ras à la ville. Le magistrat et le conseil avaient transigé avec Bar-
thélémy de Wunnenberg et avec Henri de Réguisheim; mais le grand
bailU refusait de reconnaître cet accommodement, dont il faisait un
grief à la ville auprès de Wenceslas : elle était ainsi menacée de
deux orages à la fois, contre lesquels elle demandait à ses envoyés
de la prémunir.
1. Carttdaire de Mulhouse, Mandement du 28 ayril 1398, n* 418.
2. Ibidem, n- 412.
3. Ibidem. Lettre aux députés de Muliiouse du 6 arril 1398, n* 415.
4. Ibidem.
BERNARD DE BEBELNHEIM. 93
mettre cette affaire en règle, il s'était occupé d'entrer en pourparlers
avec Léopold d'Autriche, soit pour faire personnellement sa paix
avec lui, soit pour l'amener, au moyen du renouvellement des pri-
vilèges de Mulhouse qu'il venait d'obtenir, à se désister des nouveaux
droits que lui conférait son traité avec la ville. Pour lui permettre de
se rendre à Ensisheim, lui et sa suite, le duc lui délivra un sauf-
conduit daté du 47 mai et valable jusqu'au 26 *.
Nous doutons qu'il n'ait réussi à rompre la transaction de
Léopold avec les bourgeois de Mulhouse , puisqu'ils ont payé leur
tribut jusqu'en 4 409 ; quant à sa propre affaire^ loin de parvenir à se
faire absoudre de la peine dont il avait été frappé, elle fut portée à
trente marcs d'or. Il fallut encore une fois l'intervention du tribu-
nal aulique qui, le 9 mai 4399, siégeant à Prague sous la prési-
dence d'Othon, dit Heyde, burgrave de Dohna, déchargea déOniti-
vement Bernard de l'amende à laquelle il avait été condamné au
nom de Léopold le Superbe ^.
Ce que Bernard de Bebelnheim était devenu dans l'intervalle, on
l'ignore. Il était évidemment en proie à des embarras d'argent; car
pour se procurer des ressources, on le voit, le 5 juillet 4398, se faire
souscrire, devant son substitut à la prévoté, assisté de huit ofQciers
du tribunal, une obligation pour le prix de grains qu'il avait vendus
à quatre bourgeois de Mulhouse ^ et, le 40 septembre, emprunter
une somme de cinquante florins de sa tante Ënnelin de Wittenheim,
religieuse au couvent d'Unterlinden de Colmar, à charge de les lui
rembourser le 43 janvier suivant^.
Une fois ces affaires en ordre, le pauvre Bernard de Bebelnheim
eut-il du moins quelque répit ? Il semble que non. Nous le trouvons
encore une fois en conflit avec Thierry von der Weitenmiile, son
ancien compétiteur à la prévôté de Mulhouse ^. Il fit de nouveau le
voyage de Bohème, où Wenceslas était revenu après une absence assez
longue,et il existe du roi des Romains un mandement du 4 2 mai 4 399,
à Prague, par lequel il enjoint au bourgmestre, au conseil et aux bour-
geois de Mulhouse de reconnaître Bernard pour leur légitime prévôt,
nonobstant l'octroi qu'il avait fait do son ofQce à quelques-uns de
ses serviteurs, attendu qu'il avait justifié de son droit devant le con-
seil aulique : ils devront en conséquence acquitter entre ses mains
1. Cartulaire de Mulhouse, n* 420.
2. Ibidem, n* 425.
3. Archives de Colmar. II. Familles nobles.
4. Ibid. Attestation de Guillaume et d'Ulrich de Masevaux, 20 mars 1399, au
sujet d'une lettre que Bernard de Bebelnheim avait envoyée de Bohême à Jean
de Laubgassen avant son accommodement avec Thierry von der WeitenmQle.
92 M^LAiHGES ET DOCUMENTS.
été Tobjel, devant les tribunaux provinciaux et autres, du temps
qu'ils en étaient dépossédés ^
vm.
Malheureusement cette réparation venait trop tard. Pendant que
la chancellerie impériale expédiait le diplôme, Mulhouse, poussé dans
ses derniers retranchements, avait été obligé de capituler. Le 30 avril,
Léopold le Superbe lui délivra une lettre de protection datée d'Ensi-
sheim, la capitale des pays antérieurs de T Autriche. Pour assurer
la paix, disait le prince, à ses domaines et à ses vassaux et pour
reconnaître les bons offices du conseil et des bourgeois de Mulhouse,
il leur garantit ses bonnes grâces pendant dix ans ; toutes les diffi-
cultés pendantes entre les deux parties seront aplanies, notamment
en ce qui concerne renvoi sans autorisation de leur bétail dans la
Harth et dans d'autres forets banales et la saisie qui en avait été la
conséquence, ainsi que le conflit résultant des entreprises contre les
gens de Habsheîm et de l'assignation devant le tribunal provincial,
dont elles avaient été l'occasion : sont seules exceptées les poursuites
contre le prévôt de Mulhouse.
De leur côté, les bourgeois s'engageaient à servir le duc et à lui
tenir la ville ouverte, si ce n'est contre l'Empire, en tant qu'ils lui
étaient obligés, à charge de réciprocité dans les places autri-
chiennes, si on leur cause du dommage ou si on les offense à tort.
C'était un traité en bonne forme qu'une contre-lettre de la ville
rendit synallagmatique et, pour ne pas laisser de doute sur la nature
du lien qui les assujettissait au duc d'Autriche, ils durent se sou-
mettre à lui payer, sous forme de droit de protection, une redevance
annuelle de 400 quartaux d'avoine *.
Cependant Bernard de Bebelnheim, muni des actes que la ville
avait réclamés avec tant d'instance, avait repris le chemin de l'Alsace.
Il était à court d'argent et, à son passage à Haguenau, il dut laisser
à Henselin, l'hôtelier de la Charrue, sa cuirasse en nantissement pour
obtenir une avance de onze florins d'or, ou 500 francs au pouvoir
actuel de l'argent : à son retour à Mulhouse, le 30 mai, il en donna
reçu en s'engageant à rembourser la somme à la Saint-Jean pro-
chaine. L'écuyerFritschmannd'Uzach et le greffier Georges d'Ahrwil-
1er scellèrent cette pièce en qualité de cautions ^. Mais déjà avant de
1. Cartulaire de Mulhouse, n* 417.
2. Ibidem, n* 419. Cf. charte encore inédite du Cartulaire, da 28 nov. 1409.
3. Archives de Golmar. U. Familles nobles.
BEENAED DE BEBELNHBIlf. 95
son frère Jean von der Weitenmule et Eberhard de Ramberg avaient
lancée contre la ville, et à la suite de laquelle des bourgeois de Mul-
house avaient été retenus prisonniers ^
Aux termes du compromis du 29 août, les villes impériales devaient
rendre leur sentence jusqu'à la Saint-Michel ou au plus tard jusqu*à
la mi-octobre. L'accommodement se Ot à Sélestadt, le 9 octobre, par
la médiation des députés de Haguenau, de Colmar, de Sélestadt, de
Wissembourg, d'Obernay, de Munster, de Kaysersberg, deRosheim,
de Tûrkheim et de Seltz. En voici les conditions :
4^ Les deux parties vivront dorénavant en bonne intelligence,
nonobstant leur querelle passée et les causes qui Pavaient amenée ;
2* Thierry von der Weitenmule observera rigoureusement le com-
promis souscrit par lui envers la ville de Mulhouse, tant en ce qui
le touche personnellement qu'en ce qui concerne le roi des Romains,
Bertelin de Wunnenberg et Henri de Reguisheim, la détention subie
par des bourgeois de Mulhouse et les entreprises hostiles de son frère
Jean, d'Eberhard de Ramberg et de leurs alliés^.
Du reste, entre le compromis et la sentence arbitrale, Thierry avait
momentanément cessé de remplir les fonctions de grand bailli ; il avait
été remplacé par le comte Frédéric de Linange, qui se Ût reconnaître,
le 44 septembre, par le magistrat, le conseil et les bourgeois de Mul-
house pour son successeur ^.
Les démêlés de la ville avec Thierry von der Weitenmule eurent
un épilogue. Henri de Reguisheim ne semble pas avoir gardé la paix
où l'ancien grand bailli l'avait fait comprendre. Il continua à guer-
royer sur les grandes routes, en poussant des pointesjusqu'aux con-
fins des pays de langue française. Dans une de ces expéditions, il^
tomba entre les mains de Pyrryn de Trifeler, d'Henri de Liviron,
de Jean Jaquemait de Lanans, de Bernard de Hirzbach et d*Henri
Hohermuot qui le retinrent prisonnier. Cette incursion dans le comté
de Bourgogne n'avait été qu'un des intermèdes de la guerre qu'il
s'acharnait à faire à la ville de Mulhouse. Celle-ci le sachant pris
jugea l'occasion favorable pour en finir avec lui. Elle entra en négo-
ciation avec ceux qui l'avaient réduit en captivité et, moyennant le
paiement d'une somme d'argent non déterminée, elle obtint que le
prisonnier lui fût remis. Mais Pyrryn de Trifeler et ses compagnons
ne voulaient pas la mort du pécheur, et la ville dut s'engager par
des reversales, datées du 23 août 4400 et scellées du chevalier Jean
1. CariuUOre de Mulhouse, n* 426.
2. Ibidem, n* 428.
3. llHdem, n* 427.
94 MÉLANGES ET DOCUlfEIVTS.
les rentes^ cens et émoluments qui forment la compétence de la pré-
vôté. Une lettre particulière du premier secrétaire Wlachnik. von der
Weitenmùle, en date du 5 mai, fit part de cette réparation au comte de
Linange, grand bailli d'Alsace, en l'invitant à y tenir la main V et Ton
en peut inférer que raccommodement avec Thierry von der Weiten-
mùle eut précisément pour effet la restitution de la prévôté à Bernard
de Bebelnheim. Il faut sans doute rattacher au même incident une
obligation souscrite le 27 septembre, à son profit, par le même
Thierry, qui reconnaît lui devoir et s'engage à lui payer en trois
termes la somme de cent cinquante florins, pour laquelle il était
devenu son débiteur, par suite de Taffaire qu'ils avaient eue
ensemble et qui avait été arrangée devant le maître et le conseil de
Strasbourg. A titre de garantie, il se fit cautionner par ce même
chevalier Nicolas de Haus, que nous avons vu^ en qualité de grand
bailli, au service du duc d'Autriche, et par son propre frère Jean von
der Weitenmûle : comme toujours, en cas de non paiement, le débi*
teur et ses deux garants s'engageaient à fournir chacun un varlet
avec son cheval, comme otage^ dans une hôtellerie de Colmar, jusqu'au
complet amortissement de la créance; sinon le créancier était auto-
risé à prendre son recours contre les uns et contre les autres, par
voies de droit ou par voies de fait^.
Un conflit de ce genre ne pouvait pas laisser Mulhouse en dehors
de son action. La ville se trouva, elle aussi, aux prises avec le grand
bailli de l'Empire Thierry von der Weitenmûle, qui, en tout autre
temps, aurait été tenu de la couvrir de sa protection. Les anciens
fauteurs de querelles, Bertelin de Wunnenberg et Henri de Reguis-
heim, furent également de la partie, et la lutte ne cessa qu'à la
suite d'une saisie extra-judiciaire des gens de Mulhouse à Staflelfel-
den, où ils enlevèrent les chevaux de leur adversaire. Pour en obte-
nir la restitution, Thierry von der Weitenmûle s'engagea, par un com-
promis en date du 29 août 4399, à suspendre les hostilités, à soumettre
le litige au jugement des villes impériales, en promettant, au nom
du roi des Romains comme au sien, de ne pas employer d'autre
moyen pour le redressement de ses griefs. En même temps, à moins
d'y être autorisé par les villes impériales, il déclara renoncer à prê-
ter aide ou conseil à Bertelin de Wunnenberg et à Henri de Réguis-
heim, à leur donner refiige, à les prendre à sa suite, tant qu'ils ne
se seront pas accommodés avec Mulhouse. Enfin il annula la décla-
ration de guerre que, comme alliés de Wunnenberg et de Réguisheim,
1. Cariulaire de MtUhousef deax chartes encore inédites.
2. Ibidem.
BBENARD DE BEBELNHEIlf. 95
son frère Jean von der Weitenmule et Eberhard de Ramberg avaient
lancée contre la ville, et à la suite de laquelle des bourgeois de Mul-
house avaient été retenus prisonniers ^
Aux termes du compromis du 29 août, les villes impériales devaient
rendre leur sentence jusqu'à la Saint-Michel ou au plus lard jusqu'à
la mi-octobre. L'accommodement se Ht à Sélestadt, le 9 octobre, par
la médiation des députés de Haguenau, de Colmar, de Sélestadt, de
Wissembourg, d'Obernay, de Munster, de Kaysersberg, deRosheim,
de Turkheim et de Seltz. En voici les conditions :
4^ Les deux parties vivront dorénavant en bonne intelligence,
nonobstant leur querelle passée et les causes qui l'avaient amenée ;
2* Thierry von der Weitcnmiile observera rigoureusement le com-
promis souscrit par lui envers la ville de Mulhouse, tant en ce qui
le touche personnellement qu'en ce qui concerne le roi des Romains,
Bertelin de Wunnenberg et Henri de Reguisheim, la détention subie
par des bourgeois de Mulhouse et les entreprises hostiles de son frère
Jean, d'Eberhard de Ramberg et de leurs alliés^.
Du reste, entre le compromis et la sentence arbitrale, Thierry avait
momentanément cessé de remplir les fonctions de grand bailli ; il avait
été remplacé par le comte Frédéric de Linange, qui se Ût reconnaître,
le 44 septembre, par le magistrat, le conseil et les bourgeois de Mul-
house pour son successeur ^.
Les démêlés de la ville avec Thierry von der Weitenmule eurent
un épilogue. Henri de Réguisheim ne semble pas avoir gardé la paix
où l'ancien grand bailli l'avait fait comprendre. Il continua à guer-
royer sur les grandes routes, en poussant des pointes jusqu'aux con-
0ns des pays de langue française. Dans une de ces expéditions, il /
tomba entre les mains de Pyrryn de Trifeler, d'Henri de Liviron,
de Jean Jaquemait de Lanans, de Bernard de Hirzbach et d^Henri
Hohermuot qui le retinrent prisonnier. Cette incursion dans le comté
de Bourgogne n'avait été qu'un des intermèdes de la guerre qu'il
s'acharnait à faire à la ville de Mulhouse. Celle-ci le sachant pris
jugea l'occasion favorable pour en flnir avec lui. Elle entra en négo-
ciation avec ceux qui l'avaient réduit en captivité et, moyennant le
paiement d'une somme d'argent non déterminée, elle obtint que le
prisonnier lui fût remis. Mais Pyrryn de Trifeler et ses compagnons
ne voulaient pas la mort du pécheur, et la ville dut s'engager par
des reversales, datées du 23 août UOO et scellées du chevalier Jean
1. CariuUOre de Mulhouse, n* 426.
2. Ibidem, n» 428.
3. Ibidem, n* 427.
96 irfLAlfGES ET DOCUMENTS.
Zobel, dit Heber, et des écuyers Jean d'Dlzach, Conrad de Witten-
heim et du même Bernard de Hirzbach qui avait aidé à le capturer,
à respecter Henri de Réguisheim dans sa vie et dans ses membres.
Toutefois elle n'encourrait aucune responsabilité s'il mourait de sa
belle mort, et l'engagement devenait nul, dès qu'il se sera accommodé
avec les bourgeois de Mulhouse : dans ce dernier cas, les hommes
d'armes qui l'avaient livré devaient être compris dans le traité *.
On ignore ce que Henri de Réguisheim devint dans la suite. Les
reversales qui le concernaient venaient à peine d'être souscrites que
Thierry von der Weitenmùle revint à Mulhouse en qualité de grand
bailli et reçut le 24 août le serment des bourgeois *. Le comte Fré-
déric de Linange n'avait pas conservé l'office pendant une année
révolue.
IX.
La paix étant assurée de tous côtés, Bernard de Bebelnheîm en
profita pour vider son différend avec Henman Lûtold, au sujet des
fiefs de la mouvance de TEmpire dont il avait reçu l'investiture.
Nous avons vu que, par une délégation du 48 mars 4397, le grand
bailli Emich de Linange avait commis Henman Rich de Kaysersberg
pour connaître de l'affaire.
Il s'agissait de savoir de qui relevait le banvin ou gabelle du vin à
Mulhouse, que Bernard revendiquait. Quoique la cause dût être
plaidée devant une cour des vassaux de l'Empire, ce fut l'official de
Bàlcqui fit les premières procédures. Le 20 décembre 4399, il assi-
gna à comparaître devant lui, pour le 23 du même mois, dix bour-
geois de Mulhouse, parmi lesquels on remarque le chevalier Jean
Zobel dit Heber, les écuyers Fritschman d'Illzach et Conrad Lentsch
de Wittenheim, Henselin Mùller le bourgmestre et Georges d'Ahrwil-
1er le greffier, pour venir déposer dans l'enquête qu'il allait ouvrir
sur l'objet en litige ^.
Ce que devint cette enquête devant l'official, on l'ignore; seulement
il existe une constatation scellée par cinq témoins, sur sept qui y
figurent et parmi lesquels on reconnaît plusieurs des personnages
qui avaient été appelés devant le for ecclésiastique. De leur déposi-
tion recueillie, le 42 janvier 4400, à la diligence de Bernard de Bebeln-
heim, il résulte que, dans le principe, le banvin de Mulhouse avait
1. Cartulaire de Mulhouse, n* 432.
2. Ibidem^ n- 433.
3. Ibidem, n* 429.
BERNARD DE BEBEINHEIM. 97
été engagé par le défunt chevalier Henri Nûsse de Morimont, qui le
tenait en fief de l'Empire, à Huguelin d'Eschenzwiller, pour une
somme de cent trente florins, et que ce dernier le donna en dot à sa
fille quand elle se maria avec Henman Liitold; mais il y a nombre
d'années — Tun des témoins parle de cinquante ans — le chevalier
Henri Nûsse ayant eu à se plaindre des procédés de Liitold à son
égard, il off*rit à la ville de Mulhouse de la substituer à ce dernier,
en promettant de lui procurer l'agrément du chef de l'Empire ^
Ce témoignage n'est évidemment qu'une des pièces du procès, et
rien ne nous apprend à laquelle des deux parties il profita, si le droit
de Henman était encore valable ou si Wenceslas était fondé à dis-
poser du banvin de Mulhouse comme d'un fief vacant. Le plus curieux
de l'aflaire, c'est qu'au cours du litige il se produisit encore un troi-
sième prétendant, qui se prévalait du duc d'Autriche. Par une lettre
dMnvestiture datée d'Ensisheim, i7 février 4400, Léopold le Superbe
transmit à Jean de Falkenstein, à charge par lui de s'acquitter du
devoir féodal, le banvin de Mulhouse avec tous les autres droits que
Siguili de Réguisheim avait précédemment tenus en arrière-fief des
sires de Goesguen, tels que le droit d'épave et le droit d'orpaillage
dans l'Aar, depuis Olten jusqu'au puits de Betikon, et générale-
ment tous les autres fiefs de la mouvance de la maison d'Autriche ^.
Ce dossier ne va pas plus loin, et l'on n'a pas même la satisfaction
d'apprendre auquel de ces trois compétiteurs, de Bernard de Bebeln-
heim, de Henman Liitold ou de Jean de Falkenstein, le banvin de
Mulhouse fut définitivement adjugé.
Nous approchons enfin du terme du règne de Wenceslas, qui sera
en même temps celui de cette étude. Dans le reste de l'Empire, son
gouvernement n'était pas autre qu'en Alsace, et tout le monde était
las de ce régime si fertile en contradictions et en incohérences, où
les actes du jour démentaient si souvent ceux de la veille. Le
6 novembre i 400, étant à Prague, ce prince commit encore, avec l'aveu
de Josse le Barbu, margrave de Brandebourg et de Moravie, le grand
bailliage d^Alsace au comte Jean de Spanheim, en lui conférant, dans
la plénitude de sa puissance royale, les pouvoirs les plus étendus '.
Mais le 26 du même mois, Robert, comte palatin du Rhin, que les
électeurs venaient de substituer à Wenceslas, notifia au magistrat et
1. Cartulaire de MulhousCy n* 430.
2. Ibidem, ir 431.
3. Ibidem, n* 434. Cf. Mandement de Josse le Barbu, du 10 novembre 1400,
n* 435.
ReV. HiSTOR. XXJl. 1" FASC. * 7
98 MELANGES ET DOCOMB^TTS.
au conseil de Mulhouse à la fois la déchéance de son prédécesseur
et sa propre élévation à l'Empire : ne pouvant pas, comme il y était
tenu, se rendre de sa personne en Alsace, il délégua auprès d'eux le
nouveau grand bailli Reinhard de Sickingen, pour recevoir, en son
nom et en son lieu, leur serment de foi et d'hommage *. A n'en juger
que par les documents que nous venons d'analyser, ce changement
de personne était la seule solution possible.
En même temps que Wenceslas redevenait simple roi de Bohême,
Bernard de Bebelnbeim, son féal et son serviteur, son homme à tout
faire, cessa de jouer un rôle dans Thistoire de notre province. Il dis-
parut et tout nous porte à croire qu'il se retira à Cohnar, où il avait
dû recouvrer quelque établissement, et c'est là ce qui explique la
présence, dans nos archives, du dossier qui, complété par les docu-
ments de celles de Mulhouse, nous a permis de retracer ses états de
service.
X. M0SSHA5!C.
UN DOCUMENT INEDIT SUR LATOUR D'AUVERGNE.
Il est rare qu'un homme très vertueux et parfaitement désintéressé
soit célèbre; c'est pourtant le cas de Latour d'Auvergne. Voici, à son
endroit, un témoignage contemporain, inédit et de première main;
le style en est curieux, il peint l'époque.
H. Taot.
Tarbes, 7 novembre 1793.
Lettre de Darbault, « agent vers les Pyrénées, » au citoyen Desforgues,
ministre des affaires étrangères.
{Archives des affaires étrangères, registre 325, n* 207.)
Tandis qu'à Test de cette frontière, le citoyen Dagobert met en fuite
les lâches esclaves de Charles Bourbon le Castillan, notre plus cruel
ennemi, nous avons à l'ouest le citoyen soldat Latour d'Auvergne,
dont le courage et la valeur deviennent chaque jour le sujet de l'entre-
tien et de l'admiration de ceux qui ont le bonheur d'être ses compa-
gnons d'armes. J'entendais dire l'autre jour : f II est bien dommage
1. Cartulaire de Mulhouse^ n* 436.
UN DOCUMENT IN^IT SUR LATOUR D* AUVERGNE. 99
que ce Latour d'Auvergne soit né d'un sang noble ; il n'a que ce défaut,
car du côté des connaissances militaires, du talent et du courage c'est
sans contredit le meilleur officier de la République. » On ajoutait que
des commissaires de la Convention lui avaient offert le généralat, mais
qu'il Favait refusé. Quand un citoyen par son mérite parvient à s'atti-
rer l'attention de tous, il n'est pas hors de propos à ceux qui le con-
naissent un peu de dire hautement ce qu'ils en pensent, afin que le
public puisse s'instruire sur son compte. Il serait très malheureux que
la proscription qui s'étend sur la race des hommes nobles le portât à y
envelopper Latour d'Auvergne. La République y perdrait plus que lui.
Proscrit déjà, oublié et relégué sous la royauté, s'il éprouvait le même
sort sous l'égalité, il ne lui resterait plus qu'à s'ensevelir, et à cela je
crois que nos ennemis seuls y gagneraient beaucoup.
Ce Latour d'Auvergne, que j'ai connu il y a onze ans au camp de
<}ibraltar et à qui je n'ai parlé que deux fois dans ma vie, est le fils
naturel du duc de Bouillon et par conséquent le petit-fils du grand
Turenne. Sa mère s'appelait M'*« Gorret. Le duc de Bouillon, qui est
mort il y a environ deux ans, avait reconnu son enfant dès le moment
de sa naissance ; il le fit baptiser et élever avec soin sous le nom de
Latour d'Auvergne-Corret; mais toutes ses protections sous l'ancien
régime ne purent faire de cet enfant qu'un simple capitaine à la suite
d'un régiment d'infanterie. C'est en cette qualité, et plus avide de gloire
que de récompense, qu'il vint à l'âge de 25 ou 30 ans comme volontaire
au siège de Gibraltar. La lettre de son père dont il était porteur pour
le général duc de Grillon était pleine de l'attendrissement désolant qu'il
ressentait de ne pouvoir avancer son enfant, que l'on refusait en France
d'employer en aucune part, quoique la guerre fût déjà commencée
depuis trois ans : « Placez mon fils, lui écrivait-il, dans le poste où il
puisse se faire tuer; c'est la seulegràcequeje vous demande pour lui. »
Les d'Artois, les Bourbons et toute la jeunesse de l'ancienne cour
vinrent à ce siège; il s'y trouvait aussi quatre régiments français.
Latour d'Auvergne fut agrégé par faveur à une compagnie de grena-
diers. Cette foule d'aides de camp qui avaient suivi les ci-devant princes
dédaignèrent et refusèrent de s'en faire un camarade ; mais, tandis que
ceux-ci faisaient lâchement porter leurs fusils et leurs armes par un
domestique lorsque leur tour venait d'aller à la tranchée, le mâle
et vigoureux Latour d'Auvergne, méprisant les chaleurs brûlantes de
l'Andalousie^ se plaçait à pied, le fusil sur l'épaule, dans le rang des
grenadiers, et marchait ainsi à la tranchée. Son poste était toujours
aux ouvrages les plus avancés, et il ne s'en absentait ni le jour ni la
nuit sous aucun prétexte ; un domestique seul y portait ses provisions.
On ne le vit jamais jouer lo rôle de flatteur et de croquant aux tables
des généraux ; aussi sobre que brave, il se contenta d'y faire son ser-
vice, comme un soldat mercenaire. Ce siège ne réussit pas ; cependant
il y eut en France et en Espagne des promotions pour tous les officiers
• • •• ••
• • •». ••• •• •:
• ••••• • ••;
• • ••• • •
400 M&INGBS ET DOCUMENTS.
qui y avaient assisté. Latour d'Auvergne fut excepté. Il a\'ait le droit
de demander à la cour d'Espagne un grade de plus que celui qu'il avait
en France; c'était un usage alors entre les deux nations. Il n'éprouva
que des refus, et ce ne fut qu'un an après que, de retour en France,
on lui envoya de Madrid la petite croix de l'ordre de Charles III, dis-
tinction ridicule dont se parent tous les commis des bureaux des
ministres. Je l'ai depuis perdu de vue ; mais, d'après tous ces antécé-
dents sur le commencement de sa carrière un peu semblable à celle du
prince Eugène, on ne doit plus être surpris de le voir arriver à la gloire
sous le règne de l'égalité. Il n'eut jamais part, quoique petit-fils de
Turenne, aux privilèges attachés à cette race d'hommes que nos lois
proscrivent aujourd'hui ; on pourrait plutôt dire qu'il fut persécuté ; les
faits certains que je vous avance semblent le prouver, et c'est ce qui
m'a engagé, sous plusieurs rapports, à vous les communiquer, pour
prévenir à son égard la basse jalousie ou la mauvaise foi de ses con-
currents dont je crois cependant que sa modestie saura toujours le
mettre à l'abri.
• •• .-• •
• • - • •
• . . -
• •
BULLETIN HISTORIQUE
FRANCE.
Ehseigjtement supérieur. — Nous avons, à plusieurs reprises, signalé
les progrès accomplis dans notre enseignement supérieur depuis que
la création des bourses de licence et d'agrégation et la suppression
du stage d'agrégation ont assuré à nos Facultés des lettres un public
assidu d'élèves sérieux. Dans une récente circulaire, M. Duvaux,
tout en se félicitant de ces progrès, indique cependant avec raison ce
qu'il y a encore d'un peu étroit et terre à terre dans les études des
élèves des Facultés. La préparation aux examens y tient trop de
place, les études désintéressées et les préoccupations scientifiques y
tiennent une place trop petite. M. Lavisse, dans une note placée en
tête du numéro de février de la Revue de l'enseignement supérieur,
définit en termes excellents le défaut signalé par le ministre de l'ins-
truction publique :
« La question se pose ainsi : L'examen, tel qu'il était au temps où il
régnait sur le néant, doit-il régler notre vie jusque dans ses moindres
détails? Si l'on répond oui, je répliquerai : Nous n'aurons jamais les
mœurs scolaires d'enseignement supérieur, car ces mœurs ne peuvent
exister sans la liberté : ici nous sommes en présence d'un grand danger.
Tous ceux d'entre nous qui ont la pratique de ce personnage nouveau,
qui est l'étudiant en lettres, savent qu'il n'a point encore l'àme formée.
Il arrive du collège ; il apporte toutes les habitudes que Ton y a et qu'il
faut y avoir; il est docile et il demande à être conduit. Gomme il
retrouve les mêmes objets d'étude, il est tenté de ne point faire de dif-
férence entre les façons d'étudier. Et nous, les professeurs, de quelle
tentation devons-nous nous défendre? De la tentation de traiter ces
étudiants comme des collégiens, nous souvenant de ce que nous faisions,
au temps où nous étions professeurs dans un collège, ou de la façon
dont nos maîtres nous enseignaient, quand nous étions élèves. Les
habitudes antérieures des professeurs s'accordent avec les habitudes
antérieures des élèves. De quelle tentation doit se défendre à son tour
l'administration universitaire? De la tentation de régler les mœurs
scolaires de notre haut enseignement sur les mœurs de l'enseignement
402 BCLLBnN HI8T0UQUB.
secondaire, de nous prescrire la préparation à des examens, des cor-
rections de copies, des bulletins mensnels ou trimestriels. Tous nous
entrons dans le nouveau avec des habitudes anciennes, ou, du moins,
nous y sommes tous portés. Si, par surcroit, nous nous mettions à
suivre, accompagnés de nos élèves, le chemin tracé et mesuré par
Texamen, la réforme de notre enseignement supérieur sera chose niû-
sible, et nous demanderons avant peu que Ton nous rende les auditoires
de hasard, qui nous laissaient au moins la liberté de notre esprit. »
Il faudrait se garder pourtant d'aller trop vite en besogne; la pré-
paration aux examens a le grand avantage de fixer un prograoune
d'études et de placer les élèves dans la dépendance des maîtres. C'est
à ceux-ci qu'il appartient de diriger la préparation des examens d'une
manière intelligente, de juger les candidats plus encore d'après leur
capacité, prouvée par les travaux de toute l'année, que par le résul-
tat mathématiquement évalué des épreuves d'un concours, de modi-
fier même le caractère des épreuves dans la mesure assez large où
cela est possible, de façon à provoquer chez les candidats le travail
personnel. Il faut que les professeurs acceptent de bon cœur ce qu'il
y a d'un peu ingrat, d'un peu secondaire dans leur tâche en consi-
dération du but élevé auquel ils doivent tendre. Il faut surtout qu'ils
ne discréditent pas les réformes des dernières années par des plaintes
intéressées ou par la manière inintelligente et parfois volontairement
inintelligente dont ils les appliquent. On entend aujourd'hui des
hommes, à qui la science ne doit ni un livre ni une découverte et qui
passaient doucement leur vie à répéter des phrases creuses devant
un public de rentiers et de jeunes demoiselles, se plaindre qu'on les
réduit au rôle de professeurs de lycée et qu'on ait abaissé le niveau
de l'enseignement supérieur-, on voit d'autres professeurs se servir
des réformes pour s'assurer un public, en imposant aux étudiants
les cours qu'ils doivent suivre et en leur en imposant un si grand
nombre qu'ils n'ont plus le temps de travailler en dehors. Qu'on
impose un minimum de cours, rien de plus juste ; mais qu'on laisse
les élèves libres de suivre les cours qu'ils veulent et de préférer ceux
des maîtres de conférences à ceux des titulaires, si cela leur plaît.
Gomme l'indique d'ailleurs la note de IVI. Lavisse, le but à poursuivre
est moins d'organiser le travail scientifique à côté des examens que
de modifier les examens de manière à obliger ceux qui s'y préparent
de recevoir une forte culture scientifique. C'est dans cette transfor-
mation des examens (|ue les amis des bonnes études auront peut-
être le plus d'opposition à vaincre. Quant au conseil donné par le
ministre aux professeurs de^ Facultés de créer des recueils pério-
diques analogues aux Annales de la Facidté de Bordeaux, nous
FRA:ifCB. i 03
croyons qu'on aurait tort d'aller trop loin et trop vite dans cette
voie. La France a déjà plus de recueils d'érudition que ne le comporte
le nombre des savants et surtout celui des lecteurs. On risque de
créer une série de revues hybrides où les travaux superficiels seront
mêlés aux travaux sérieux et qui ne seront guère lues que par les
collègues. Lyon, Poitiers, Alger ont déjà suivi l'exemple de Bordeaux
et Toulouse. Bien que le premier numéro de la revue lyonnaise soit
excellent et contienne deux mémoires remarquables de MM. Berlioux
et Bayet, nous ne désirons pas voir cette épidémie de recueils pério-
diques se propager davantage.
Livres nouveaux. Publications de documents. — M. F. Dbubobdb,
dans une Etude sur la Chronique en prose de Guillaume le Breton^
publiée en 4884, avait élucidé par une étude attentive des manuscrits
la question assez délicate de la relation qui existe entre la chronique
de Rigord et celle de Guillaume. Il avait prouvé que la chronique de
Rigord s'étend jusqu^à 4206,. que Guillaume le Breton a commencé
par écrire en 4245 l'histoire des années 4209 à 4244, puis y a ajouté
entre 4246 et 4220 un abrégé de Rigord complété, pour les années
4207 et 4208, par une continuation due à un morne de Saint-Denis,
et enfin a continué lui-même son œuvre jusqu'en 4249. Nous pos-
sédons en outre une continuation de Guillaume qui s^étend de 4 220
à 4222. M. Delaborde était naturellement désigné par ce conscien-
cieux travail pour entreprendre une édition critique de Rigord et de
Guillaume le Breton, Le premier volume vient d'en être publié par
la Société de l'Histoire de France. Il contient Rigord et son continua-
teur, l'abrégé de Rigord par Guillaume le Breton, la chronique origi-
nale de Guillaume et la continuation de 4220 à 4222. Le texte est
établi avec soin, les notes historiques, peu nombreuses, sont intéres-
santes et bien choisies ; la seule critique à adresser à cette édition^
c'est que M. Delaborde aurait dû indiquer en note dans le texte
de Rigord les passages non reproduits par l'abrégé, et distinguer
dans le texte de l'abrégé, par des caractères spéciaux^ les passages
ajoutés à Rigord. C'était d'autant plus facile que l'abrégé était
imprimé en caractères plus petits que la chronique, et qu'il aurait
suffi pour les passages originaux de revenir aux caractères ordi-
naires ^ Le second volume comprendra la Philippide et une intro-
duction générale.
La Société de l'Histoire de France a encore mis en distribution le
1. M. D. a fait cette distinction en mettant entre crochets les passages
ajoutés. C'est un système défectueux. L'œil ne saisit pas nettement et du pre-
mier coup la différence.
104 BULLCm HISTOftlQUB.
t. XI de Brantôme, rempli tout entier par une table alphabétique, un
chef-d'œuvre de patience et de bonne ordonnance, la première qui ait
été dressée pour les œuvres de Brantôme *, le t III des Mémoires de
Nicolas GotUas qui comprend les années 4649, 4650 et 4654 et une
notice biographique un peu maigre * ; enfin la Relation de la cour de
France, en 4 690, par Spanheim^ publiée par M. Schefee, qui n^est pas
seulement un orientaliste de grand mérite, mais encore un bibliophile
passionné et des mieux informés. Son érudition bibliographique ne
lui a pas épargné la petite mésaventure de proposer à la Société de
THistoire de France comme inédite la relation de Spanheim^ d^à
publiée en Allemagne en 4784 et 4785 par Dohm, dans les tomes III
et Y de ses Materialien fiir die Statistik und neuere Staaten Ges^
chichte. Il n'y avait pas grand crime à cela, car le recueil de Dohm
est peu répandu, et la relation de Spanheim méritait d'être réim-
primée, d'autant plus que le manuscrit de M. Schefer contenait une
cinquantaine de pages inconnues à Dohm ; mais, en reconnaissant
son erreur dans son introduction, M. Schefer aurait mieux fait de la
reconnaître tout simplement, sans prétendre que tous les biblio^
graphes et archivistes allemands la partageaient, car la Relation est
citée dans THistoire universelle de Webcr parmi les principales
sources pour le règne de Louis XIV. L'introduction de M. Schefer,
outre une excellente notice biographique sur Spanheim, enrichie de
lettres inédites tirées des archives de Berlin, contient une disserta-
tion intéressante sur une série de portraits de grands personnages
de la Cour qui se trouvent dans les manuscrits de Spanheim sous le
titre de Remarques sur Tétatde la France. M. Gaullieur les avait crus
l'œuvre de Spanheim, bien qu'ils soient écrits d'une plume plus
alerte que sa relation. M. Schefer a montré qu'une partie de ces por-
traits sont empruntés à la relation de l'ambassadeur vénitien Erizzo,
et que les autres se retrouvent dans un recueil publié pour la pre-
mière fois en 4702 et réimprimé plusieurs fois depuis. La relation
même de Spanheim, le grave, sensé et savant envoyé de l'électeur de
Brandebourg, sans nous apprendre rien de très nouveau, a ce mérite
de nous fournir une analyse très consciencieuse du mécanisme du
gouvernement de la France, tracée par un observateur attentif et
1. M. A. Callery, qui s'est occupé à son tour du sujet abordé par M. Constant,
prépare un travail étendu sur Coulas, où il fera entrer les passages si intéres-
sants négligés bien à tort par l'édition de la Société de l'Histoire de France. H
serait à souhaiter que la Société chargeât M. Callery de publier un yolume
complémentaire aux Mémoires. Une conférence sur Goulas faite par M. Callery
au cercle Saint-Simon a montré le vif et piquant intérêt des chapitres relatifs à
la jeunesse de Goulas et omis dans l'édition de M. Constant.
FRA?fCE. ^05
perspicace, et des jugements d'une remarquable impartialité sur les
hommes qui y jouaient un rôle important. L'opinion de Spanheîm
sur Louis XIV, sur M"»' de Maintenon, sur le P. La Chaise, sur Bos-
suet, sur Colbert, sur Louvois a un grand poids et nous sommes
reconnaissants à M. Schefer de nous avoir rendu facile Tétude d'un
document historique de cette importance.
Nous parlerons de VHistoire de Vahhaye de Saint-Pierre de
Jumièges par un religieux de la congrégation de Saint-Maur, publiée
par la Société de l'Histoire de Normandie, quand les trois volumes et
Tintroduction auront paru. Nous nous contentons aujourd'hui de l'an-
noncer en faisant remarquer que l'auteur, qui écrivait dans la der-
nière moitié du xviip siècle, a eu encore à sa disposition les archives
de l'abbaye et a ainsi possédé des renseignements qui ne se retrouvent
plus aujourd'hui que dans son œuvre.
La Société de rOrient latin a fait paraître deux nouveaux volumes
qui forment le tome III de la série géographique et le tome III de la
série historique. Ce dernier est consacré aux Testimonia minora
quinti belli sacri et est publié par les soins de M. R. Rœhricht à qui
est dû déjà l'important recueil des Quinti belli scriptores minores.
Le volume qu'il nous donne aujourd'hui est loin d'offrir le même
intérêt. C'est une série d'extraits, fort courts en général, d'écrivains
des xip, xiri«, xir et xv« siècles relatifs à la cinquième croisade, parmi
lesquels sept seulement sont inédits, et sur ces sept un seul, celui
qui est tiré des Estoires d'Outremer et de la naissance Salehadin
(Bibl. nat. lat. 42203), contient des renseignements importants. On
peut même se demander s'il est bien nécessaire de créer ainsi des
recueils factices d'extraits dont un grand nombre sont sans valeur,
et s'il ne vaudrait pas mieux réserver les fonds de la Société pour
la publication d'ouvrages complets et inédits, et laisser aux historiens
qui s'occupent d'une période le soin de rechercher dans les sources
tous les textes qui se rapportent à leur sujet. Ce qui justifie cepen-
dant la Société et M. Roehrichl, c'est qu'un très grand nombre des
extraits reproduits dans ce volume sont empruntés à des éditions
introuvables de la fin du xv* ou du commencement du xvi« siècle, que
d'autres sont pris dans des recueils étrangers qui ne se trouvent pas
dans toutes les bibliothèques, et qu'enfin même ceux qui veulent étu-
dier les croisades sans en écrire l'histoire seront bien aises de possé-
der réunis tous ces textes épars, empruntés aux auteurs flamands,
hollandais, français, allemands, Scandinaves, italiens, espagnols,
hongrois et latins d'Orient. Il ne faut pas oublier que la Société de
rOrient latin se propose de fournir une sorte de supplément au
Recueil des Historiens des Croisades entrepris par l'Institut, préci-
406 BULLBTI!! HISTORIQUE.
sèment en éditant les textes courts ou secondaires qui ne peuvent
entrer dans cette grande collection. Le troisième volume de la série
géographique est rempli par des Itinéraires à Jérusalem et des Def-
criptions de la Terre Sainte rédigés en français aux xi*, xn* et xm» s.
Les textes ont été établis par MM. Michelant et G. Raynaud; la pré-
face est due à M. Riant qui les a réunis et critiqués. Plusieurs de ces
documents sont inédits : je citerai en particulier la liste des évèchés
dépendant des patriarcats de Jérusalem et d'Antioche, tirée d'un
manuscrit de Berne, un texte des Pèlerinages por aUr en Jérusa-
lem^ trouvé à Cheltenham par M. P. Meyer, les Pèlerinages et Par-
douns de Acre tirés d'un manuscrit de Londres. Réunis, les quatorze
documents que contient ce volume offrent un réel intérêt, mais on
ne peut s'empêcher de regretter parfois Tabsence de notes explica-
tives, très justifiée d ailleurs dans le plan de la Société.
M. Thuasne rend un véritable service à Thistoire de l'Église et à
l'histoire de la Renaissance en entreprenant de publier un texte com-
plet et critique du fameux Diarium de Burchard (Leroux). L'édition
d'Eccard est des plus fautives et celle que M. Gennarelli avait com-
mencée à Florence en 4854 est à la fois incomplète et incorrecte.
L'édition de M. Thuasne comprendra trois volumes. Le premier
s'étend jusqu'à la fin du pontificat d'Innocent VIII (4492) et est com-
plété par un intéressant appendice composé, en majeure partie, des
dépêches des ambassadeurs florentins. Il sufQt de comparer quelques
pages de l'édition Thuasne avec les pages correspondantes de l'édi-
tion Gennarelli pour reconnaître combien cette nouvelle publication
était nécessaire pour rendre à l'œuvre de Burchard sa vraie physio-
nomie. Ceux qui sur la foi de quelques extraits scandaleux se l'ima-
ginent comme un chroniqueur médisant, un Tallemant des Réaux
pontifical , seront très étonnés de trouver en lui un irréprochable
maître des cérémonies, un greffier scrupuleux et impassible qui enre-
gistre tout ce qui se passe à la cour pontificale sans éprouver ni
étonnement, ni admiration, ni scandale. Son témoignage est non seu-
lement impartial, il est presque inconscient; dans la régularité méca-
nique do ses fonctions domestiques, il a si bien pris l'habitude d'agir
sans juger et de regarder sans apprécier, qu'il semble avoir perdu
toute individualité. C'est un enregistreur automatique. Si ce qu'il
enregistre laisse une impression qui n'est ni édifiante ni religieuse,
la faute en est non à lui, mais à ce qu'il voit\ D'ailleurs la descrip-
1. Il Tient de paraître une nouvelle apologie des Borgia : Le Procès des
Borgia, par le comte de Maeicouht (Paris et PoiUers, Oudin). Ce livre, écrit
sur un mode plaisant, ne fait que rééditer une partie des arguments du
FRANCE. 407
Uon de la vie extérieure de la cour pontificale occupe la plus grande
partie de son journal -, la lecture est loin d'en être récréative pour
ceux qui n'y apportent pas une curiosité d'historiens ou d'archéo-
logues. Nous ne pourrons juger déflnitiveraent l'édition de M. Thuasne
que lorsque nous posséderons le texte complet et l'introduction \
mais nous regrettons qu'il ait été dans ses notes si parcimonieux de
rapprochements entre les divers manuscrits. La question si impor-
tante de l'authenticité do toutes les parties du texte de Burchard ne
peut être élucidée que par une collation attentive des mss. Cette col-
lation peut seule déterminer si le journal de Burchard a été ou non
interpolé.
Sous le titre : les Anciennes corporations à Bourges, M. Toobeau
DB Maisonnedve a publié (Bourges, Pigelet et Tardy) un « Cayer des
règlements et ordonnances sur plusieurs estats et mestiers de per-
sonnes demourantes en la ville et fauxbourgs de Bourges, 4564-
4563. » La préface est sans importance, mais le texte est fort inté-
ressant pour l'histoire de l'organisation industrielle au xvi* s.
Le 2* vol. du recueil des Continuateurs de Loret, préparé par feu
le baron J. de Rothschild et publié par son ami M. E. Picot (D. Mor-
gand), contient le second semestre de 4666 et l'année 4667. Sauf
42 lettres de Mayolas, le volume est occupé tout entier par la Muse
de la cour et la Mme dauphine de Perdou de Subligny qui s'arrête
le 7 avril 4667 (supprimée par La Reynie, suppose M. Picot), et par
les lettres en vers de Robinet. Soit au point de vue des nouvelles de
la guerre (guerre de la France contre l'Angleterre, guerre de dévolu-
tion, siège de Candie, etc.) , soit au point de vue des nouvelles littéraires
ou de la vie sociale, ces gazettes ont un réel intérêt et méritent d'être
consultées par les historiens au même titre que la Gazette de Hollande
p. Leonetti. U suffit pour juger la compétence et l'impartialité de l'auteur de
lire ce qu'il dit des sources de l'histoire d'Alexandre VI et en particulier de
Burchard. D'après lui le Diarium de Burchard n'est connu que par des manus-
crits tirés des bibliothèques protestantes et a été révélé par Leibnitz à qui un
protestant français le communiqua en 1636 à Hanovre ; enfin il nie que le ms.
du Vatican soit un ms. original. — Or Leibnitz est né en 1646, dix ans après
la date où il aurait connu à Hanovre le Diarium. Denis Godefroid en 1649, son
fils en 1684, Rinaldi, mort en 1670, dans ses Annales, en avaient donné des
extraits bien avant que parussent en 1696 les extraits tirés par Leibnitz de la
Bibliothèque de Wolfcnbuttel. Les seuls manuscrits complets qui soient connus
sont ceux de Paris, de Florence et de Rome (Bibl. Chigi). Enfin le ms. du
Vatican qui a été vu par Bréquigny, et autrefois coté 104, doit être l'original ;
sans cela on no s'expliquerait pas que la communication en ait été refusée à
M. Thuasne.
408 BULLETIN HISTORIQUE.
OU la Gazette de France. Subiîgny était d'ailleurs homme d'esprit et
ses anecdotes sont souvent fort joliment contées.
M. F. Rayaisson vient de nous donner un XIV* v. des Archives de
la Bastille, 4726-1737 (Durand et Pedone-Lauriel), qui est surtout
intéressant par les pièces relatives aux jansénistes et aux protestants.
A côté des abus de pouvoir et des iniquités révoltantes que mettent
au jour les documents publiés par M. Ravaisson, on est obligé de recon-
naître qu'au point de vue de la répression de certains scandales le sys-
tème des lettres de cachet pourrait paraître défendable, et quand on
voit certains ouvrages qui s'étalent aiyourd'hui aux vitrines des
libraires, on se prendrait à regretter l'existence de la Bastille, si l'on
ne se rappelait qu'une bonne partie des livres qui nous empoisonnent
aujourd'hui ne sont que des réimpressions d'œuvres du XYiir* s.
Moyen âge. — Il y a un an que M. d'Arbois de Jubaixyille ouvrait
le cours de langue et littérature celtiques créé au Collège de France,
et il nous apporte déjà le fruit de ses travaux et de son enseignement
dans le premier volume d'un Cours de littérature celtique intitulé :
Introduction à l'étude de la littérature celtique (Thorin). Pour la
plupart des lecteurs ce livre sera une révélation. L'originalité du
point de vue de M. d'Arbois consiste à chercher l'explication et le
commentaire des institutions gauloises, sur lesquelles nous avons
des renseignements très fragmentaires, dans les institutions de Tan-
cienne Irlande pour laquelle nous possédons une riche littérature
dont une grande partie est encore inédite et dont les parties éditées
ne sont guère connues en dehors d'un cercle très restreint de savants
spéciaux. Dans un livre très fortement documenté, mais en même
temps d'une lecture facile et attachante, il a étudié successivement la
diffusion de la race et de la langue celtiques en Europe, ce qu'il faut
entendre par les mots : littérature celtique, et enfin les trois classes
lettrées chez les Celtes, les bardes poètes et musiciens, les druides
prêtres, magiciens, devins et professeurs, constituant en Gaule, mais
non en Irlande, un corps judiciaire, enfin les file d'Irlande, ana-
logues aux cubages ou ouateis de Gaule, mais jouant un rôle bien
plus important, car ils ne sont pas seulement devins, il sont aussi
des juges doués d'un pouvoir surnaturel, et des conteurs dont les
œuvres ont formé toute la littérature épique de l'Irlande. Rien n'est
plus intéressant que les extraits et les nombreux exemples empruntés
par M. d'Arboisàcette littérature épique qui nous montre les anciennes
mœurs du paganisme celtique survivant dans l'Irlande chrétienne et
y formant une société d'une originalité incomparable. Nous recom-
mandons surtout aux historiens la leçon d'ouverture qui sert d'intro-
duction au volume et où se trouve l'exposé le plus clair qui ait encore
FRANCE. 409
été fait de Textension de la race œltique dans l'Europe centrale, et
une critique fort judicieuse des termes employés par les historiens
anciens pour désigner les Geltes, puis les renseignements sur la
noblesse en Irlande, sur le pouvoir judiciaire des file, et sur les
écoles d'Irlande aux vi«, vii^ et vni« s. Le ch. ix du 1. VU consacré
à ce dernier sujet a une grande importance pour l'histoire littéraire
de l'Europe au moyen âge.
Temps moderxes. — Bien qu'un peu touffue et confuse, VÉtude
historique et littéraire sur Agrippa d'Aubigné publiée par M. E.
RéiuuE (V^« E. Belin et fils) sera lue avec intérêt. MM. Réaume et
Gaussade ont commencé à la libr. Lemerre une édition des Œuvres
complètes d'A. d'Aubigné où ont pris place des lettres, poèmes et
mémoires inédits tirés de la bibliothèque Tronchin, à Bessinges, près
Genève, mais où ne figure malheureusement pas la plus remarquable
des œuvres du vieux huguenot, l'Histoire universelle. M. Réaume ne
s'en console pas, non plus que nous, et il a porté à un autre éditeur
l'Étude biographique et littéraire qui devait être le couronnement des
œuvres complètes. La biographie proprement dite est d'une lecture
un peu difficile, car M. Réaume, s'imaginant que les lecteurs con-
naissent les faits aussi bien que lui, y fait allusion plutôt qu'il ne
les raconte ; l'étude littéraire est plus intéressante par les citations
qui y sont faites soit des jugements d' Agrippa sur ses contemporains,
soit des jugements portés au xvn^ et au xviii* s. sur lui, que par les
appréciations de M. Réaume lui-même *, mais les chapitres qui sont
consacrés au caractère et à l'autorité historique de d'Aubigné ont une
réelle valeur. M. Réaume juge son héros sans parti pris d'admiration,
et, comme il a vécu pendant longtemps dans son intimité, il nous
montre un d'Aubigné plus aimable, plus large d'esprit et plus géné-
reux de caractère que celui qu'on se figure d'ordinaire.
La lecture des t. II et III de l'ouvrage de M. Michaud sur Louis XIV
et Innocent XI (Charpentier) n'a point modifié le jugement que nous
avions porté sur le -1" vol. Les documents recueillis par M. Michaud
sont d'un très grand prix, mais il était difficile de les mettre en œuvre
d'une manière plus maladroite. Il est très vrai, comme M. Michaud
le fait remarquer dans la lettre que nous publions plus loin, qu'il
a prévenu dans sa préface les lecteurs du caractère incomplet de sa
publication, mais il n'en est pas moins vrai qu'il a eu tort de lui
donner le caractère d'un travail élaboré et personnel alors qu'il ne
mettait en œuvre qu'une seule catégorie de documents, et surtout de
tirer presque à chaque chapitre de ces documents des conclusions sur
ou plutôt contre Innocent XI et ses ministres. Il n'est pas permis de
prononcer un verdict en n'écoutant que les seuls témoins à charge.
440 BULLETIN HISTORIQUE.
Or c'est ce que fait à chaque instant M. Michaud et ce qu'ont fait
après lui les critiques superficiels qui ont cherché dans son livre des
armes de polémique plus que des documents historiques. Parce que
j'ai trouvé cette méthode peu scientifique, peu s'en faut que M. Michaud
ne m'accuse de manquer de patriotisme ; pour un peu il me traiterait
d'ultramontain. Je n'ai jamais nié la valeur des dépêches des agents
de Louis XIV, je prétends simplement qu'il est injuste déjuger Inno-
cent XI d'après ces seules dépêches et sans tenir compte des témoi-
gnages des partisans de là curie. Je n'ai aucune répugnance à croire
que le cardinal Cibo et le cardinal Casoni étaient de purs coquins, ou
qu'Innocent XI était un vieillard borné, intrigant et avare, mais je
tiens, avant de l'afQrmer, à me renseigner auprès d'autres garants
que le duc d'Estrées ou surtout M. de Lavardin. Je me permets de
douter de l'impartialité ou même de la bonne foi parfaite de gens qui
proposent de mutiler un monument dans une église en faisant croire
que les Romains sont les auteurs de la mutilation ou d'enlever un
cardinal pendant qu'il est chez sa maîtresse et de le faire disparaître.
M. Michaud a beau, dans l'introduction du t. II, déclarer « que son
ouvrage n'est nullement personnel, qu'il ignore tout parti pris, que
les passions du jour n'ont aucune prise sur lui, » il suffit d'ouvrir
son livre pour voir combien ses prétentions sont peu justifiées. Il
n'y a pour ainsi dire pas un seul acte de la politique pontificale où
il ne voie des intentions perverses, pas un acte des agents de Louis XIV
qu'il n'approuve ou n'excuse, à moins toutefois que ce ne soient des
actes favorables à la papauté. Il y a deux chapitres intitulés : « Fautes
de Louis XIV, » et « Fautes de ses ministres. » On n'y trouve abso-
lument que des reproches adressés à la condescendance, aux égards,
à la faiblesse de Louis XIV et de ses agents ; il ne semblerait pas que
jamais ils aient été violents, déloyaux ou rusés. Enfin, ce qui est
caractéristique, toutes les fois qu'il s'agit des gallicans M. Michaud
dit : le parti gallican ; quand il s'agit des oiltramontains, il dit : la
cabale ultramontaine. Est-ce là une preuve évidente de l'absence
de tout parti pris ? Au point de vue de la distribution des matières,
les défauts du premier volume se retrouvent dans les suivants. Nous
commençons par voir la politique d'Innocent XI avec l'Espagne,
l'Empire, la Pologne, la Russie, l'Angleterre; puis viennent une
série de chapitres sur les différents agents de Louis XIV à Rome,
sur les agents du pape à Paris, sur les principaux représentants du
parti gallican et du parti ultramontain ; un chapitre spécial est con-
sacré à l'évêque Le Camus; au t. III nous étudions l'affaire des fran-
chises, l'affaire de l'Électorat de Cologne, l'affaire de la Régale dans
ses rapports avec les assemblées du clergé de 4684 et de 4G82, puis
FRANCE. m
les mêmes assemblées du clergé indépendamment de la régale ; enfin
çà et là sont intercalés des chapitres intitulés : Notes sur quelques car-
dinaux, Fautes de Louis XIV, Fautes des ministres, Innocent XI et sa
politique révolutionnaire. De ce morcellement des questions, de cette
étude de la politique pontificale qui reprend chaque fois la série
chronologique des événements tantôt à un point de vue tantôt à un
autre, résulte pour Tesprit une incroyable confusion. Nulle part on
ne saisit le lien, pourtant très étroit, qui relie toutes les parties de la
politique d'Innocent XI et qui seul peut faire comprendre son atti-
tude dans les diverses affaires où il a été mêlé. Toutes les affaires
sont toujours présentées comme de petites intrigues particulières
tandis qu'il s*agit presque toujours de politique générale. Je ne parle
même pas de la malveillance constante avec laquelle sont interprétées
toutes les démarches du pape. Malgré ces très graves défauts, malgré
la lourdeur et Tincorrection du style qui ajoutent encore à l'impres-
sion confuse et pénible qui résulte de la lecture de ces volumes, ils
n'en renferment pas moins des renseignements et des documents de
la plus haute valeur. Les chapitres vi à xvii du t. II, où M. Michaud
étudie les agents du pape et du roi et les forces respectives des deux
partis, ultramontain et gallican, qui ont plus d'unité que le reste de
l'ouvrage et qui forment comme une étude à part très fouillée et très
complète, sont d'un puissant intérêt et nous apportent une foule de
renseignements nouveaux.
M. Ch. AuBERTiN a consacré un petit volume à un sujet fort impor-
tant : l'Éloquence politique et parlementaire en France avant 4789
(V^« E. Belin et fils). Bien qu'un peu superficiel, ce livre se lit avec
plaisir et les chapitres sur Téloquence parlementaire au xvii^ s., en
particulier pendant la Fronde, sont bien étudiés et contiennent même
des détails inédits qui font revivre les débats orageux du parlement
de Paris pendant la minorité de Louis XIV. Malheureusement le der-
nier chapitre, consacré au xviir s., est très insuffisant ; M. Aubcrtin
a laissé dans l'ombre le côté le plus intéressant de son sujet : le lien
étroit qui rattache l'éloquence parlementaire du xviiP s. à celle de
la Révolution, soit au point de vue des idées, soit au point de vue du
style. M. Aubertin est un littérateur aimable; il n'est point historien.
Ce n'est pas à nous à faire l'éloge ni la critique du livre de M. le
baron Du Casse sur les Rois frères de Napoléon (G. Baillière) , car, à
l'exception de l'appendice composé de la correspondance diplomatique
de Hollande pour les années 4806 à 4840, très intéressante d'ailleurs,
il a paru en entier dans la Revue. Mais nous pouvons dire que si
nous avons accepté, contrairement à nos habitudes, une aussi longue
série de documents se rapportant à un même sujet, c'est qu'ils nous
4A2 BULLBnif HISTOBIQUB.
ont paru offrir un intérêt exceptionnel. Aucun recueil relatif au pre-
mier empire ne contient un aussi grand nombre de documents confl-
dentlels. Le roi Joseph et le roi Louis sortent tout à leur honneur de
cette épreuve, et leurs lettres ne peuvent qu'accroître Testime pour
leur caractère et la pitié pour le rôle que leur frère les a réduits à
jouer. Il n'en est pas tout à fait de même pour Jérôme. Frivole,
débauché, dépensier et peu capable, il fait assez triste flgure dans les
dépêches de Reinhard. Ces dépêches sont le principal ornement du
volume de M. Du Casse. Elles ajoutent beaucoup à ce que Ton savait
sur rhistoire du royaume de Westphalie. Elles sont admirables de
netteté, de sagesse et de franchise.
Avec le prince Albert nous nous élevons à des régions plus nobles
et plus pures. Dans l'histoire des familles princières de notre siècle,
nous ne savons pas si aucune figure, à Texception peut-être de celle
de la duchesse d'Orléans, peut être mise à côté de celle du prince
Albert pour l'élévation morale et la largeur sereine de Tintelligence.
Nous avons déjà eu occasion de parler à plusieurs reprises de l'ou-
vrage de M. Théodore Martin dont les cinq volumes, composés
d'après les lettres et journaux du prince-époux et de la reine Victoria
ainsi que d'après les papiers du baron de Stockmar, forment un recueil
des plus précieux pour l'histoire contemporaine. M"*« A. CRAVEif en a
extrait avec un grand art et un sens historique très juste deux volumes
où nous retrouvons tout ce qu'il y a d'essentiel dans l'ouvrage de
M. Martin* (Pion, 2 v. in-8^). Elle n'a laissé de côté que ce qui était
relatif à des questions de politique intérieure anglaise. Nous connais-
sons peu de livres plus instructifs et d'une lecture plus attachante.
Histoire locale. — L'histoire locale a fourni dans ces derniers
temps la matière de plusieurs ouvrages intéressants. Celui qui a la
portée la plus générale est le livre de M. de Caloptne sur la Vie agri-
cole sous l'ancien régime en Picardie et en Artois (Guillaumin). De
môme que pour son précédent ouvrage sur la vie municipale au xv* s.
dans le nord de la France, M. de Calonne ne s'est pas préoccupé de
creuser son sujet en tous sens et de l'épuiser. Il s'est contenté de
donner une idée de l'intérêt que le sujet peut fournir à celui qui
l'étudié et de réunir sur chaque point un certain nombre de rensei-
gnements curieux ; mais ces renseignements sont pris à de bonnes
sources, souvent inédites, et l'esquisse un peu rapide qu'il a crayon-
née de la vie des paysans au xviii* s. sera consultée avec agrément
et profit. On verra qu'au x?hi° s. de grands progrès avaient été réa-
lisés, progrès en bien-être, en instruction, en civilisation, et que les
1. Le Prince Albert de Saxe^Cobourg^ époux de la reine Victoria,
FRANCS. 143
idées philanthropiques du siècle de la philosophie ont produit bien
avant la Révolution des résultats pratiques.
VHisioire de la ville de Sceaux, depuis son origine jusqu'à nos
jours, par M. V. Adviellk (Sceaux, Gharaire; Paris, Picard), est un
travail sérieux et agréable, où Tauteur, s'il s'est égaré dans des con-
sidérations étrangères à son sujet dans son premier chapitre, a eu le
mérite ensuite de s'en tenir aux renseignements bornés, mais cer-
tains, que lui fournissaient les documents. Ceux qu'il a tirés de
l'obituaire de 4480 et des actes de catholicité, si minutieux et spé-
ciaux qu'ils soient, sont bien à leur place dans une histoire locale.
En général d'ailleurs, M. Advielle a moins visé à être complet qu'à
donner sur chaque point des détails inédits ou curieux, et il y a
réussi. On lira avec intérêt les chapitres sur Colbert, sur la duchesse
du Maine, sur le duc de Penthièvre, sur Florian, et, malgré la bien-
veillance un peu banale de l'auteur, on gardera une vive image du
passé éclatant de cette résidence princière dont le nom n'éveille plus
guère aujourd'hui dans l'esprit que la pensée des joyeusetés triviales
de Robinson.
L'Histoire de la ville et chdtellenie de Creil, par feu le D^ Boursier
(Greil, Darcaigne; Paris, Picard), est conçue dans un mode plus
sévère que l'Histoire de Sceaux. La partie consacrée à l'histoire pro-
prement dite est assez restreinte, et l'ouvrage se compose d'une série
de dissertations érudites sur la topographie de la contrée, sur ses
institutions seigneuriales, royales, religieuses, sur ses châtelains,
enfln d'une étude architecturale, historique et diplomatique sur la
collégiale de Saint-Evremond. Ce livre est donc un recueil de notes
et de documents plus qu'un ouvrage savamment composé, et l'on est
étonné d'y voir les institutions seigneuriales y former le ch. iv du
1. I pendant que les droits seigneuriaux forment le ch. iv du l. II.
Telles qu'elles sont ces notes sont le résultat de recherches sérieuses
et font grand honneur à la mémoire du D** Boursier.
Montataire faisait partie de la châtellenie de Creil et son dernier
acquéreur, M. le baron de Coivoé, qui a sauvé ce château historique
d'une ruine probable, a eu l'heureuse idée d'en raconter l'histoire*.
C'est un récit plein de vie et d'humour où, après nous avoir entretenus
des fouilles faites à Montataire et dans les environs et raconté rapi-
dement l'histoire seigneuriale du domaine jusqu'à la seconde moitié
du XV* s.. Fauteur insiste avec raison sur les Madaillan de l'Esparre
qui l'ont possédé jusqu'au milieu du xyiii* s. Parmi eux se trouve
cet aventureux Armand de Madaillan, marquis de Lassay, . qui a
1. Histoire d'un vieux Château de France. Paris, Picard, 1883.
ReV. HiSTOR. XXII. 1" FA8C. 8
444 BULLETIN HISTORIQUE.
fourni à Sainte-Beuve le sujet d'un de ses plus jolis portraits et qui
épousa successivement une riche bourgeoise, M"* Sibour, la fille d'un
apothicaire, la belle Marianne Pajot, et la petite-fille naturelle du
grand Condé, Julie de Bourbon. Sachons gré à M. de Condé d'avoir
su à la fois sauver les restes de la résidence des Madaillan et en faire
revivre si aimablement l'histoire.
Le second volume de l'ouvrage de M. A. Martin sur les Origines du
Havre (Fécamp, Durand) n'offre pas le même intérêt que le premier.
Cependant il y a dans son chapitre sur la fondation du Havre des
observations très justes qui avaient échappé à M. Borély, et son his-
toire d'Ingouville, bien que la plus grande partie en soit consacrée à
répoque la plus voisine de nous, offre dans ses premiers chapitres
des faits utiles à l'intelligence du développement de la grande ville
qui l'a englobé.
6. MOROD.
ALLEMAGNE.
TRAVAUX RELATIFS A l'hISTOIRB ROMAINE.
Fouilles, Inscriptions, Topographie. — Le désir de trouver des
sources nouvelles et authentiques pour l'histoire romaine, à côté des
ouvrages plus ou moins dignes de foi que nous ont laissés les histo-
riens anciens, est devenu d'autant plus vif en Allemagne que ces
dernières années la critique y a été moins indulgente à l'égard des
documents littéraires qui ont servi jusqu'à ce jour à établir l'his-
toire romaine. En effet, on a émis des doutes sur l'autorité de ces
documents, on a relevé l'opposition de leurs témoignages et on a
essayé d'établir, par voie de combinaisons, l'état de choses réel, la
vérité vis-à-vis de la tradition. Cette vérité, on la cherche avec une
ardeur de plus en plus grande dans les ruines que nous a laissées
l'antiquité romaine : on s'efforce de réunir en un corps aussi com-
plet que possible les inscriptions et les œuvres de l'art antique ;
chaque année paraissent des travaux de plus en plus nombreux, qui
ont pour objet spécial d'expliquer ces nouveaux documents et de les
utiliser pour la connaissance de l'histoire et des mœurs.
Pendant l'année 4 884 , ce sont principalement les traces nom-
breuses laissées par la domination romaine dans le sud et Touest
de l'Allemagne qui ont attiré Tattention de la science. Gela nous
ALLEHiGNE. 4^5
entraînerait trop loin d'énumérer d'une manière même sommaire
toutes les fouilles qui ont été exécutées sur le vaste territoire
qui s'étend de la mer du Nord à l'Adriatique et des Vosges à la
Hongrie. Il nous sufQra de signaler les découvertes les plus impor-
tantes. U faut citer en premier lieu les travaux effectués sous
la direction de E. lus'u Weerth et qui ont amené la découverte de
deux grands camps romains à Bonn sur le Rhin et à Xanten \ on a
découvert non seulement les restes de différentes portes, de murs
d'enceinte, de bâtiments élevés^ de tours et de canaux, mais on est
même arrivé à fixer exactement, jusque dans les moindres détails,
l'étendue et la distribution des deux camps. D'un autre côté, le colo-
nel WoLF * a poursuivi ses recherches sur le Castellum de Deutz où
les fouilles ont été reprises, et a cherché à prouver que, déjà en 38
avant J.-C, Cologne et Deutz étaient reliés par un pont fixe.
DuEivTZER * s'est élevé contre cette hypothèse. Dans un article très
important, non seulement pour l'histoire du castellum de Deutz,
mais aussi pour déterminer les points où César passa le Rhin, il a
établi d'une façon assez probante que l'empereur Constantin a le
premier construit un pont fixe près de Cologne. A Mayence, les
fouilles qui ont été entreprises pour la construction du canal de la
ville ont amené la découverte de nombreuses pierres funéraires bien
conservées d'ouvriers romains, de légionnaires et de cavaliers, et les
fouilles exécutées pour l'établissement d'un nouveau pont de chemin
de fer ont mis au jour, outre d'autres débris, les restes de tombeaux
et d'un autel votif. Quant aux piles énormes qui reposent sur le fond
du Rhin et dont on plaçait autrefois la construction à Tépoque des
Carolingiens, on les regarde maintenant comme des ouvrages d'origine
romaine et comme les ruines d'un pont de pierres construit au m* s.
après J.-C. Les fouilles dirigées par Jul. Grium' ont fkit mieux
connaître le castellum romain relié par ce pont à l'ancien Magontia-
eum; ce castellum était situé sur la rive droite, sur l'emplacement
de l'actuel c Castel. » Les fouilles ont établi entre autres le tracé
des murs d'enceinte et l'étendue étonnamment restreinte du camp
romain. Les conclusions de l'auteur relativement à l'époque où
furent construits le castellum et le pont en pierre sont cepen-
dant rien moins que certaines. C'est donc avec un intérêt d'au-
1. Weitdeutsche ZeiUchHfi fUr Geschkhte und Kunti. Jahrgang I, 1881,
p. 49 et suiy.
2. Manatsschrifl fUr dUe Geschiehte WestdeuUchlands. Jahrgang 7, 1881,
p. 357-380.
3. Der rœmische BrUckenkopf in Kcatel bei Maênz und die darUge Rœmer-
briicke. Mayence, 1882, V. von Zabern.
446 BULLETIN HISTORIQUE.
tant plus grand qu'on lira le rapport général officiel sur les résul-
tats des fouilles, qui doit paraître avant peu. On a découvert
d'importantes ruines d'édifices romains et un grand nombre de
petits objets d'art, d'ustensiles, d'ornements, non seulement sur
l'emplacement de l'ancien castellum^ mais aussi sur celui de Tan-
cien cimetière romain à Mayence. A Sainte-Barbara près de Trêves on
a poursuivi avec succès le déblayement de quelques salles des
Thermes, tandis qu'à Inden près de Juliers on est parvenu à mettre
au jour un bain romain bien conservé avec son hypocaustum.
Gomme on place avec raison à Inden l'ancien cantonnement de Yala
Indiautty les fouilles que l'on poursuit actuellement pourraient bien
fournir à la science de nouveaux et d'importants documents. Des
tombeaux romains et francs véritablement grandioses ont été déblayés
près d'Andernach par le professeur E. aus'm Weerth aux frais du
musée provincial de Bonn. A Born sur la Sauer on a découvert les
ruines d'un monument funéraire considérable *.
Les fouilles entreprises par Conradt dans les ruines du cas*
tellum romain situé près de Walldiirn, au sud-ouest de Milten-
berg sur le Mcin, sont de la plus haute importance pour l'étude
du limes romaniis. Là aussi on a pu déterminer la forme du
camp et découvrir les murs de fondation des tours et des portes^.
Dans le Wurtemberg on a recherché avec une ardeur toute particu-
lière les traces nombreuses d'établissements romains : des fouilles,
couronnées d'un complet succès, ont eu lieu dans le voisinage de la
ville d'Aalen, dans le district de Jagst^, sous la conduite de E. Pau-
Lus, le même qui, en 4880, avait déjà soigneusement exploré
les restes d'un casteilum romain, près de Freudenstadt, sur le
versant occidental de la Forêt-Noire^. On a rencontré, en faisant ces
fouilles, les ruines de constructions romaines très étendues et entre
autres une tour angulaire ronde et deux grandes salles avec hypo-
caustes. D'après de nombreuses briques en terre cuite qu'on y a
trouvées, c'étaient une division de la legio octava Augusta et Vola
altéra Flavia qui composaient la garnison de cet important castel-
lum; ce fait prouve qu'Aalen, bien qu'on Tait contesté jusqu'à ce
jour, appartenait réellement à la province de la Germania superior.
1. Gomp. l'article de Ilettner dans la Monatsschrift fUr die GeschÀchie
Westdeutschlands. 7* année, fasc. 1 et 2.
2. KarUruher Zeitung. N^' 310 et 311, 30 et 31 déc. 1881.
3. Conf. Schwxbischer Merkur. 26 et 29 mars 1882.
4. Archxologische Entdeckungen und Untersuchungen im Jahre 1880, publié
dans les Wiirtembergische Viertemahrshefle fUr Landesgeschichie. 4* année,
1881, p. 50 et suiY.
ALLBMAG!VB. 4 il
Dans la Souabe supérieure, Tabbé Miller a bien mérité des archéo-
logues en découvrant des vestiges nombreux d'établissements romains,
p. ex. ceux d'un casiellum près d'Ummendorf et de deux autres
près de Altshausen et de Herrgottsfeld. Dans les environs de Neustadt
sur le Danube on a trouvé les restes d'un castellum romain et à
Augsbourg des débris de constructions romaines et des inscriptions.
L. AoER^ a démontré l'existence d'ouvrages de fortifications étendus,
d'origine romaine, sur le versant septentrional des Alpes bavaroises,
entre les rivières de Mangfall et de Leizach. Les ruines du Bri-
gantium romain mises récemment au jour près de Bregenz sur le
lac de Constance ont été l'objet d'une communication de S. Jennet*.
Sur la route entre Nomi et Aldeno, au nord de Roveredo, sur la rive
droite de TEtsch, on a ouvert toute une série de tombeaux romains
dont Tun ne renferme pas moins de 8 squelettes. Les tombes impor-
tantes découvertes à Martinsbùhel , près de Zirl , aux environs
d*Innsbruck, appartiennent aussi, pour la plupart, à la période de
l'occupation romaine du Tyrol.
Nous sommes heureux de constater que les travaux relatifs à la
topographie de la Germanie romaine prennent de jour en jour un
caractère plus scientifique. Beaucoup d'essais tentés pendant les années
précédentes n'étaient guère en effet que des œuvres d'imagination, des
travaux d'amateurs. Ici encore nous devons nous borner à l'énuméra-
tion des travaux les plus importants. On trouvera dans les extraits de la
Monatsschrift fur die Geschichte Westdeutschlands (année VII, \ 884),
publiés par la Revm historique^ tout ce qui a rapport, soit aux dis-
sertations de J. Schneider sur les routes romaines militaires et
commerciales et sur la situation si débattue du castellum d^Aliso,
soit aux articles de Cari Christ sur les castella dans la vallée de la
Lippe et sur les changements des garnisons romaines dans les pro-
vinces allemandes, soit enfin aux recherches si importantes de G. de
HiRscHFELD sur l'histoirc et la topographie du Rhin et de ses rives de
Mayence jusqu'à la Hollande à Tépoque romaine. J. Schneider^ a
essayé d apporter quelque lumière dans la question si discutée de la
position de l'antique Castra vetera et de la Colonia Troiana dont
quelques-uns ont fait une Colonia Trajana ; il a cherché aussi à
résoudre quelques points de la topographie antique, si compliquée,
1. Beitrxge zur Anthropologie und Urgeschichte Bayems. Vol. IV, 1881,
p. 146-196.
2. Mittheilungen der Ceniralcommission zur Erforschung der Kunsidenk-
nueler, VI, fasc. 4, 1881.
3. Monatsschrift fUrdie Geschichte Westdeutschlands. 7* année, 1881, p. 87
et suIy., 324 et suIy., 480 et suiy.
44H srixrn^i ■istouqtb.
des envîroDâ de Xanten. En même temps, le général de Vkith * s*esi
livré à des recherebes personnelles pour retrouver Templaeenient et
déterminer la valeur stratégique des fortiflcations romaines dans les
environs de Xanten. A. de Cohiijse3i' fournit des renseignements sur
les résultats des fouilles poursuivies, depuis nombre d'années, dans la
principauté oldenbourgeoise de Birkenfeld, et qui ont amené la décou-
verte d'un grand nombre de voies romaines. F. HEmrEi' rend
compte également 9 dans un article intéressant, des inscriptions
romaines, des ruines et des œuvres d'art qui ont été trouvées en
très grand nombre, dans ces dernières années, à Neumagen sur la
Moselle. Les monuments en pierre trouvés près du hameau de
Saint-Julien dans le Palatinat bavarois ont été étudiés en détail par
MiTEHOFER^.
On cberche depuis quelque temps à délimiter exactement la
frontière de la Germanie romaine, dans la contrée qui s'étend du
Mein au Danube. A coté de fouilles entreprises par des particu-
liers, le bureau wurtembergeois de statistique et de topographie
a taït faire en 4 880 des recherches très étendues sur la direction
du v€Ulum romain à la frontière, dans le royaume de Wurtem-
berg. D'autre part, le Oesammtverein der deutschen Geschichts^ und
AUerthunuvereine avait déjà créé Tannée précédente une commission
chargée spécialement d'étudier la direction du Limes romanus. Un
membre de cette commission, Cari Christ', dans un rapport très
intéressant sur les résultats de ses recherches, établit d'une &çon
définitive, f)Our les parties les plus importantes au moins, la ligne
suivie par le Limes dans l'Odenwald, depuis Miltenberg sur le Mein
jusqu'à Osterburken, à la frontière wurtembergeoise.
Après un intervalle assez long, F. X. Keads^ a repris la publi-
cation de l'ouvrage de statistique dont il avait été chargé par le
ministère impérial de l'Alsace-Lorraine sur les monuments de l'art
et de l'antiquité en Alsace et en Lorraine. Le second volume,
qui doit bientôt paraître, comprend la description de la Haute-
1. Vêlera Castra mit seinen Vmgehungen, Berlin, 1881, Mittler et Sohn.
2. Monatsschri/Ï fUr die Geschichte Westdeutschlands , T année, 1881,
p. 27-41.
Z.'xRheinUches Muséum fUr Philologie. Neue Folge, vol. 36, 1881, p. 435-
462.
4. Mittheilungen des hlstorischen Verdns der Pfalz, vol. IX.
5. Zeitschrift filr wissenschaftliche Géographie, 2* année, 1881, p. 61 et
ftuiy., 99 et ftuiv., 137 et suiy.
6. Kunst und Àlterthum in Elsass-Lothringen, II vol., I'* partie. Haate-Alsace,
Strassburg. G. F. S€hmidt,1881.
ALLEMAGIIB. 449
Alsace; il renferme bon nombre de renseignements nouveaux
et importants, dus d'un côté au dépouillement très complet
de toutes les publications antérieures , malgré leur extrême
dispersion, et de l'autre à Tappui complaisant de plusieurs savants
alsaciens. Dans la première partie de ce deuxième volume, les
articles sur Guebwiiler, Horbourg, Hirsingen et Dornach et sur la
forêt de la Hart présentent un intérêt tout particulier ; on a joint au
chapitre consacré à la Hart une excellente carte à vol d^oiseau des
nombreuses antiquités romaines de la Hart et des environs : entre le
Rhin et l'Hl et de Blodelsheim à la frontière suisse. — Hobrnbs * a
consigné, dans un rapport étendu, les résultats de la mission scien-
tifique dont il avait été chargé par le gouvernement autrichien dans
THerzégovine et dans la Bosnie méridionale; et y fait connaître
nombre d'inscriptions et d'antiquités romaines importantes.
L'institut archéologique allemand impérial s^est montré à la hau-
teur de sa tâche en publiant et en expliquant de nombreuses trou-
vailles archéologiques et épigraphiques faites à Rome ou dans
d'autres parties de l'Italie. Nous renvoyons, pour tout ce qui con-
cerne ces travaux, à VArchœologische Zeitung, aux Monumenti, aux
Annali et au Bullettino del Islituto ainsi qu'au rapport annuel de
A. CoNZE^. Ce rapport nous apprend que l'on poursuit activement
la grande publication sur les sarcophages romains, les terres cuites,
les vases et les miroirs étrusques ; le premier volume sur les terres
cuites, publié par M. de Rohden, a déjà paru. Les nouvelles décou-
vertes sur les emplacements du Gapitole et du forum ont été expo-
sées par H. Jordan ' dans une petite publication très intéressante,
qui retrace en détail toute l'histoire du forum romanum jusqu'au
règne d'Auguste. Les idées particulières de Th. Bindseil^ sur les
tombeaux étrusques, saQS avoir une bien grande importance scien-
tifique, méritent cependant d'être signalées à cause d'observations
souvent très fines sur la civilisation antique. Quant à Pompéi, les
dernières découvertes ont donné lieu, dans les Revues do l'Institut
archéologique^ à de nombreux articles qui ont été analysés d'une
1. Sitzungsberichte der philotophisch-historischen Classe der kaiserlichen
Àkademie der Wissenschaflen zu Wien, Vol. 97, 1881, p. 491-612, et vol. 99,
1882.
2. Archxologische Zeitung, 39* année, fasc. 2, p. 195-196.
3. CapUolf Forum und Via sacra in Bom. Berlin, Weidmann, 1881. Conf.
Jordan , Ma rettificatione délia piania del foro romano. Bullettino dell'
istitato per l'anno 1881, p. 103-107.
4. Die antiken Grxber Italiens, i'* partie : Die Grmber der Etrusker, Berlin,
Calvary et C'% 1881.
^120 BULLETIN HISTORIQOB.
manière intéressante par K. Wihterekeg^ D'un autre côté, la
seconde édition améliorée en plusieurs endroits et très augmentée
du luxueux ouvrage de E. Presuhn^ donne les résultats des fouilles
exécutées de 4874 à 4884, ainsi que des reproductions nombreuses
de peintures murales de Pompéî, de mosaïques, d'inscriptions, de
moulages de cadavres; le tout est accompagné d*un texte explicatif
très détaillé.
Le recueil des inscriptions latines publié par TAcadémie prussienne
est arrivé à son 8* volume, qui contient les inscriptions africaines
éditées par G. Wilhiuns '. L'auteur, un des élèves les plus dis-
tingués de Th. Mommsen, était professeur à Strasbourg depuis 4 872 -, il
n'a pas vu l'achèvement d'un ouvrage auquel, depuis 4873, il con-
sacrait toutes ses forces : il est mort en 4 878, âgé seulement de trente-
sept ans. Mommsen, secondé par H. Kiepert et H. Dessau, élève de
Wilmanns, a mis la dernière main à ce recueil qui devait tout
d'abord n'être qu'une édition des Inscriptions romaines de r Al-
gérie (4855-4858), refondue par Mommsen et L. Renier. « Dirempta
societate, » écrit Mommsen dans la préface, « nobis invitis, sed
fatis ita iubentibus, ab illa spe dejecti, soli perfecimus quod
aliquo modo ut perûceretur operis ratio cogebat. » Les mérites
principaux de Wihnanns consistent surtout dans le dépouille-
ment de tous les ouvrages anciens et modernes d'épigraphie, dans
Texamen critique des inscriptions publiées antérieurement et dans
la réunion de matériaux assez nombreux provenant d'excursions à
Tunis et en Algérie, dans les années 4 873-4 876. Malheureusement^
dans plusieurs localités, — et Mommsen le déplore vivement, — les
autorités ou les particuliers lui refusèrent l'autorisation de visiter
les monuments romains. « Quod — dit Mommsen — si hospitalis
comitas et alacre auxilium, quibus per Italiam et Hispaniam adeoque
per universum orbem Romanum usi sumus, Wilmannsio in Africa
quoque obtigisset, dubium non est non pauca de visu eum daturum
fuisse, quœ jam in hoc volumine aut ad apographa parum perfecta
prodeuntaut desiderantur. » (Prœfatio, p. xxxi.) L'auteur mentionne,
avec une reconnaissance toute particulière, le concours apporté à cet
ouvrage par la coopération de M. A. H. de Villefosse et de M. Gh.
Tissot, actuellement ambassadeur de la République française à
1. Vnsere Zeit, Année 1881, vol. I, "p. 720-736 et 853-873.
2. Pompeji. Die neuesten Atugrabungen von 1874-1881, 2. verbesserte und
sehr vermehrte Auflage. Leipzig, Weigel, 1881.
3. Corpus inscr^tionum latinarum, vol. VIII, Inscriptiones Africae laUnae,
pars 1-2. Berolini, Reimer, 1881.
ALLBMAGNB. 4 2^1
Londres. Le premier volume s'ouvre par une introduction histo-
rique importante de Mommsen sur la situation politique et militaire
des provinces africaines de l'empire romain et sur Thistoire des col-
lections d'inscriptions romaines. Cette introduction est suivie des
inscriptions de la Numidie et de l'Afrique proconsulaire (provincia
Tripolitana, Byzacena, proconsularis, Nuraidia,n**M-8366). Le second
volume contient les inscriptions des trois provinces mauritaniennes,
ainsi que les monuments, pierres milliaîres et légionnaires, vases et
inscriptions historiques (n~ 8367-40988) qui donnent des indications
générales sur les routes, sur la vie publique et privée et sur la situa-
tion militaire dans l'Afrique romaine; les 455 dernières pages de ce
volume sont consacrées aux Indices qui comprennent 4 9 divisions,
et à 3 grandes cartes dessinées par H. Kiepert.
Quant aux autres parties du Corpus inscriptionum ^ les deux
volumes relatifs à l'Italie méridionale, ainsi que le second volume
des inscriptions de la ville de Rome, sont sous presse et paraîtront
très probablement dans le courant de l'année 4883. On a continué
l'impression des volumes relatifs aux inscriptions de l'Itidie centrale
et de la France méridionale. L'impression des inscriptions du Latium
proprement dit a commencé. En outre, le professeur Hiibner a fait
en Espagne un voyage, dont les résultats seront prochainement
publiés. Les inscriptions qu'il a recueillies sont destinées au premier
grand supplément du Corpus, à celui du volume sur les inscriptions
espagnoles, le premier qui ait été publié. VEphemeris epigraphica\
(]ui est comme un supplément du Corpus inscriptionum^ a continué
de paraître pendant l'année 4884. Les deux derniers fascicules du
4* volume contiennent des additions, par Mommsen et Henzen,
aux fastes consulaires du Capitole et aux tables triomphales, et un
supplément (de 246 n**) aux inscriptions de la ville de Rome, con-
tenues dans le 6^ volume du Corpus ; ce supplément, dû à Henzen,
Bormann et Huelscn, se compose d'inscriptions tirées en partie de
publications antérieures datant surtout de ces dernières années, et,
en partie, d'inscriptions nouvelles. La dissertation de P. Cauer,
accompagnée d'additions de Mommsen, sur les sous-offîciers romains
(de muneribus militaribus centurionatu inferioribus^ p. 355-484),
est d'une très grande importance pour l'histoire de l'organisation
militaire chez les Romains. Il a donné une base certaine à toutes
les recherches futures sur le rang, la compétence et l'avancement des
sous-offîciers en comparant entre eux tous les passages du Corpus
inscript ionum imprimés ou prêts à l'être, qui se rapportent aux
!. Ephemeris epigrapMca, vol. IV, fasc. 3 et 4. Berolini, Reimer, 1881.
422 BULLETIN HISTOEIQUB.
signiferi, vexillarii^ aquiliferi, imaginiferi, aeneatores, bucinatoresy
comicines, ttU>ieineSy beneficiarii^ équités et pedites singulares,
quaestionarii^ speculatares^ etc. Gauer lui-même est arrifé déjà,
sur certains points, à des résultats assurés. VEphemeris contient
en outre : 6 privilégia miliium de civitate et conubio trouvés en ces
derniers temps et accompagnés d'éclaircissements par Mommsen;
cinq dissertations épigraphiques du même savant sur la question
de savoir si les Alpes pennines appartenaient à la Rhétie, sur les
Cognamina africains terminés en ostis et osa et les noms féminins en
itta^ sur les campements de la Legio XI Claudia j. en 455 environ
après J.-C, d'après une inscription nouvellement découverte, sur
Favancement des principales^ qu^on accordait à quelques ofQciers,
enfln sur l'authenticité d'une inscription importante, suspectée
autrefois par Mommsen lui-même, où il s'agit de la contribution
levée en Syrie par P. Sulpicius Quirinus, l'an de Rome 759-760.
D'excellents indices (p. 543-64 2) font de ce 4^ volume de VEphemeris
un instrument de travail des plus importants.
Nous ne ferons que mentionner, parmi la foule des communica-
tions et des dissertations de moindre étendue sur Tépigraphie, les
importants travaux de G. JikeSek ^ relatifs à la géographie ancienne
et à l'épigraphie de la Bulgarie et de la Roumélie, la dissertation de
DiLLMAFfN^ sur uuc inscriptiou punique trouvée en Sardaigne, les
rectiflcations de H. Joedafc^ à propos d'une inscription osque très
importante (le bronze de Bantia), et enfln les remarques de Deegke^
sur la lecture d'inscriptions messapiennes. Nous renvoyons, pour
tout le reste, aux publications déjà citées de l'Institut archéologique
ainsi qu'aux analyses de revues philologiques telles qaeV Hermès^
les Wiener Studien et les Archœologisch^pigraphische Mitthet"
lungen aus Oesterreich.
Auteurs anciens. Leurs sources et leur autorité. — Des deux
ouvrages d'exposition générale sur l'historiographie romaine, parus
dans le courant de l'année 4884, l'un, celui de A. ScHiSFER, est un
travail très remarquable, l'autre n'est qu'une compilation absolument
sans valeur. Il sufllra, pour caractériser ce dernier ouvrage dont
l'auteur est un M. Sghmitz^, de dire que la plus grande partie des
1. MonaUberichte der preussiscKen Àkademie, 1881, p. 434-469.
2. ilHdem, p. 429-433.
3. Beitrxge %ur Kunde der iadogermanischen Sprachen, roi. VI, 1881,
p. 195-210.
4. RheiHisches Muséum fUr PhUotoçie, toI: XXXVI, 1881, p. 576-597.
5. Quellenkunde der Rcrmischea GeschiehU bis auf Paulus Diacmius.
Gilitersloh, 1881, Bertalamuiii.
▲LLEMAGlfB. 423
détails sur la vie des historiens anciens et sur leurs procédés de com-
position est empruntée textuellement à l'histoire de la littérature
romaine de Teuffel, que les renseignements bibliographiques sur les
sources de l'histoire romaine sont incomplets et incertains et, qu'en-
fin, la partie personnelle à l'auteur fourmille de grossières erreurs.
L'ouvrage de ScHiCPsa * n'est qu'une esquisse (Abriss) , destinée
à mettre entre les mains des professeurs ou des élèves des univer-
sités les indications et les témoignages les plus importants sur les
sources de Thistoire romaine. Chaque article se borne donc à
une courte notice sur retendue, la division et la manière dont
nous ont été transmis les différents documents littéraires; on
trouve en outre, cités dans chacun de ces articles, les passages
les plus importants dans lesquels les auteurs primitifs ou ceux
qui les ont suivis s^expriment sur la composition, la tendance et
la valeur de chaque ouvrage historique ; enfin, lauteur donne un
aperçu, malheureusement trop sommaire, de l'état des recherches
sur les sources et sur l'autorité qu'on peut accorder aux différents
écrivains. Sans doute cette division répond au premier but de l'ou-
vrage qui est de préparer les commençants à l'étude des sources et
de les y guider; cependant nous regrettons vivement que Schœfer
n'ait pas essayé d^éiargir le cadre de ce volume et d'en faire un
véritable manuel pour l'histoire des sources. La science en a grand
besoin, et il aurait pu le faire en modifiant simplement la disposition
du livre, en donnant un catalogue à peu près complet des travaux
modernes qui se rapportent au sujet, et en s'àttachant plus qu'il ne
l'a fait à l'analyse des sources de chaque écrivain. Si cette lacune dans
la littérature historique n'est pas bientôt comblée, soit par A. Schœfer,
soit par un autre, Tétude des sources court grand risque de se mor-
celer en un nombre chaque jour croissant de monographies spéciales
qui resteront stériles, aucune ne tenant compte de celles qui l'ont
précédée.
Le travail très consciencieux d'Adolphe Brbska ^ a pour objet
les sources que Polybe a consultées pour le troisième livre de
son histoire et touche ainsi à la question capitale des sources
primitives du récit de la seconde guerre punique dans Polybe,
Tite-Live et leurs successeurs. L'étude de Breska aboutit à ce
résultat intéressant, que Polybe n'a puisé, en somme, que chez
1. AMss der Quellenkunde der grieehischen und rœmischen Getchichte.
Abth. II, Die Période des Rœmischen Reiches, Leipzig, Teubner, 1881.
2. Untersuehungen ûber die Quellen des Polifbiiu im dritten Bûche. Berlin,
Mayer et Huiler, 1880.
^124 BULLEHN HISTOBIQUE.
trois historiens : chez le carthaginois Silen, chez le romain Fabius
Pictor et enfin dans un récit quelque peu postérieur, composé par un
membre ou un proche de la famille des Scipions. Nous croyons
cependant qu'il va trop loin en prétendant retrouver dans la narration
de Polybe la trace de chacun de ces trois auteurs. A. Vollmeb * a étu-
dié toute la série des guerres d^Annibal à propos des sources de la
3' décade de Tite-Live. Se rattachant à l'opinion de A. Schœfer (His-
torische Zeitschrift, XXIII, p. 436 et suiv.), il cherche à prouver
que Tite-Live, dans sa 3* décade, est absolument indépendant de
Polybe et a suivi tour à tour Cœlius et Valerius Antias. Bien qu'il
y ait dans cette manière de voir un progrès évident sur l'ancienne
hypothèse qui n'admettait même pas que Tite-Live ait pu utiliser
deux sources à la fois, cependant, au point de vue de l'analyse des
sources de notre historien, les résultats du travail de Vollmer sont
de peu d'importance. Nous avons été fort étonnés également de voir
Vollmer feire un mérite à Tite-Live d'avoir utilisé les histoires de
Gœlius Antipater qui ont droit tout au plus au titre de roman his-
torique. Le travail de Schlichteisbn ^ sur Pautorité de Silius Italiens
a quelque importance pour la connaissance des sources de la
seconde guerre punique parce que, dernièrement, on a admis que
le poète de la Punica avait largement utilisé d^anciens annalistes
romains et qu'on a basé sur cette hypothèse de nombreuses induc-
tions sur les sources de Tite-Live. Schlichteisen a démontré d'une
manière évidente que Silius Italiens a suivi Tite-Live dans la partie
de beaucoup la plus importante des livres 3-5^ tandis qu'une foule de
détails, qui s'écartent de la narration de l'historien romain, n'ont
leur origine que dans l'imagination du poète. Les recherches simul-
tanées de L. Bauer^, moins approfondies que celles de Schlich-
teisen, aboutissent au même résultat. Ch. Huelsen^ est arrivé,
dans le détail, à des résultats dignes d'éloges sur les rapports déjà
reconnus entre les Fasies d'Ovide et l'œuvre de Varron, mais il ne
donne que d'insufïisants renseignements sur les sources des parties
où Ovide s'écarte de Varron. Le débat soulevé il y a déjà UO ans
sur l'authenticité des lettres de Gicéron à Brutus a été traité d'une
1. Die Quellen der driUen Dekade des livi\is, Berlin, Mayer et Mûller,
1881.
2. De fide fUstorica SilH Jtalici quaestUmes historicae et phUologicae, Kœnigs-
berg, Hartung, 1881.
3. Blxtter fur dos bayerische GymnasialschiUvDesen , XVII, 1881, p. 145-
159, p. 201-203.
4. Varranianae doetrifMe quaenatn in Ovidii f astis vejtigia extent. Berlin,
1880, Weidmann.
ALLEMAGNE. ^125
ikçon très habile et perspicace par P. Meter^ L'auteur arrive à ce
résultat, que toutes les lettres de cette collection, par leurs erreurs
en histoire et chronologie, par leur confusion des événements, etc.,
donnent lieu à des soupçons fondés qu'on ne saurait détruire et qui
sont fortifiés encore par de nombreuses divergences de langue avec
la langue usuelle de Cicéron. Meyer admet que cette correspondance
a été composée sous Auguste ou sous Tibère et que le faussaire s'est
servi des Philippiques, de lettres authentiques de Cicéron et d'autres
bonnes sources. Des nombreux écrits de G.-F. Unger ^ publiés Tannée
dernière (4884), le plus important est celui qui recherche le véri-
table auteur du livre attribué à Cornélius Nepos, De excellentibns
ducibus exterarum gentium. Les grossières erreurs historiques et la
langue, qu'il prétend très différente de celle des vies de Caton et
d'Atticus, décident Unger à admettre que l'auteur des vies des géné-
raux n'est autre que Julius Hyginus, l'affranchi d'Auguste, auquel il
faudrait attribuer aussi la plus grande partie du livre du Pseudo-
Aurelius Victor : De viris iUustribus urbis Bomae. Malgré la fine
argumentation développée par Unger à l'appui de son hypothèse,
nous pensons devoir nous en tenir à l'opinion qui fait de Cornélius
Nepos Fauteur des biographies des généraux. Klimke ^ continue ses
recherches sur les rapports entre Diodore et les annalistes romains
et combat Mommsen, qui a admis que Diodore avait utilisé des
annales de Fabius Pictor pour l'histoire des deux premiers siècles de
la république romaine. Bien que l'auteur ait attaqué avec habileté^
sur certains points, les hypothèses de Mommsen, cependant sa polé-
mique quitte trop souvent le terrain exclusivement scientifique pour
qu'on puisse attendre de ce travail une solution à cette question si
compliquée. KUmke remplace Fabius Pictor par Calpurnius Piso et
admet que Diodore s'est servi de Polybe pour l'histoire des rois de
Rome. Pauer^ a examiné dans un petit écrit la tendance et la compo-
sition de la vie d'Agricola par Tacite et a cherché à expliquer la dis-
proportion qui y règne entre la narration rapide et superficielle des
premiers et des derniers chapitres et la description détaillée de la
conquête de la Bretagne dans le corps de l'ouvrage. La révision que
1. Untersuchung Uber die Frage der Echtheii des Briefwechsels Cieero ad
Brutum. Stuttgart, 1881, Knapp.
2. Der sogenannle Cornelitis Nepos. Munich, Franz, 1881. (Extrait des
Abhandlungen der K. Bayer. Àkademie der Wiss., I d., toI. XVI, 1'* i)artie.)
3. Diodorus Sikulus und die Rœmische Annalistik. Konigshûtte> Lowacks,
1881.
4. De rerum ab Àgricola in Britannia gestarum narraiione Tadiea. Gœt-
lingae, Dieterich, 1881.
426 BULLBTnf HISTORIQUE.
j'ai entreprise^ des travaux relatifs aux sources de Dion Gassius,
pour la période qui s'étend de la fin de la 3« guerre de Macédoine
jusqu'en 49 av. J.-C, m'a amené à cette conclusion que Dion Gas-
sius s'est servi pour cette époque des Histoires de Tite-Live et de
Salluste, de la Guerre des Gaules de César et peut-être aussi des
Mémoires perdus de Gicéron sur son consulat. J. Kreutzer * a publié
une étude consciencieuse sur la vie d'Hérodien et les sources de
celui-ci pour son premier livre. Il a été établi d^une façon péremp-
toire qu'Hérodien^ désirant Ëdre de l'empereur Gommode un portrait
aussi favorable que possible, a fondu ensemble, de la manière la
plus arbitraire, ses deux sources : Dion Gassius et Marins Maximus.
E. Perino' a cherché à montrer dans les biographies d^Hadrien et
de Septime-Sévère, dues à Mlius Spartianus, une compilation du
même genre : pour la vie d'Hadrien notamment, il faudrait admettre,
outre Marins Maximus, encore deux sources principales ; l'auteur a
réussi, selon nous, à prouver qu'il se trouve dans les biographies de
Spartianus des morceaux d'origines diverses, mais, dans les détails,
il n'atteint pas à l'évidence. Dans un écrit assez superficiel, P. Ebe-
uhg* est arrivé à ce résultat, qu'Eutrope a suivi d'abord, pour
l'époque qui va de Gésar à l'empereur Nerva, un écrivain perdu qui
dérivait de Suétone, ensuite, pour le règne de Nerva jusqu'à celui de
Dèce, un ouvrage perdu de Junius Gordus, et enfin, pour la période
de Dèce à Garin^ un auteur inconnu, mais en tout cas aucun des his-
toriens qui nous aient été conservés; quant à l'hypothèse que Junius
Gordus a pu être utilisé comme source, elle est dénuée de tout fon-
dement. Il aurait aussi été à désirer que l'auteur, au- lieu de recher-
cher vainement la source perdue d'Eutrope, se fût occupé davantage
des rapports existant entre le récit d*Eutropo et les ouvrages des
autres historiens. Les sources très diverses auxquelles Ammien Mar-
cellin a puisé pour les digressions géographiques qui ont trouvé
place dans son histoire ont été signalées parMommsen', qui a réfuté
ainsi la supposition de Gardthausen qu'Ammien avait eu devant les
yeux une description de la terre unique et qui aurait été perdue.
M. ScHANz^ a montré dans VEpitome rei militaris de Végèce plu-
sieurs fragments de l'écrivain militaire Paternus, contemporain de
1. PhUologuSy vol. XL, p. 140-158.
2. De Herodiano rerum Rotnanarum scriptore.VtiTS I. Bonn, Neusser, 1881.
3. De foniibus vitarum Hadriani et SeptimU Severi imperatorum ab Aelio
Spariiano conscriptarum. Fribourg-en-fi., Dilger, 1880.
4. Quaesiiones Eutropianae, Magdebourg, Friese, 1881.
5. Hermès. Vol. XVl, 1881, p. 602-636.
6. Ibidem, p. 137-146.
ALLEMAGNE. 427
Uarc-Aurèle. La question relative aux sources des Saturnales de
Macrobe, question qui n*est pas sans importance au point de vue des
antiquités romaines, avait été mise au concours par TUniversité de
Breslau. Elle a excité l'émulation de H. Likke^ et de G. Wissowa^-)
tous deux sont arrivés à des résultats très probables. F. Vogel ' a
examiné s'il est vrai, comme on Tadmet généralement aujourd'hui,
que la traduction de l'ouvrage de Flavien Josèphe sur la guerre des
Juifs, traduction qui nous est parvenue sous le nom d'Hégésippe,
soit de saint Ambroise. U rejette cette hypothèse et estime que l'au-
teur était un Juif ayant reçu une instruction soignée et contemporain
de saint Jérôme. L'écrit de J.-V. Sarrazdc* jette un jour nouveau sur
les sources de la chronographie de Théophane ; il montre que Theo-
dorus Lector doit y occuper une place éminente: il établit aussi que
l'histoire de TÉgiise par Sozomène, sous sa forme actuelle, est incom-
plète et contient des lacunes. Nous sommes redevables à un élève de
Henri Gelzer, P. Sauerbrei ', d'une étude très consciencieuse sur les
sources des 4 4' et 4 5' livres de Zonaras. Ces livres embrassent la période
qui va du règne de Marcien à la mort de l'impératrice Irène-, selon la
démonstration, évidente à peu près sur tous les points, de Sauerbrei,
ils ont pour source un ouvrage de première valeur, sans compter
Théophane, Nicéphore et autres. On lira enfin avec intérêt, au point
de vue de l'historiographie byzantine, la dissertation dans laquelle
Jeep * examine soigneusement les lacunes qui se trouvent dans le
texte imprimé de la chronique de Jean Malalas.
Histoires et monographies. — La Remie historique a déjà rendu
un compte détaillé de l'histoire universelle de L. de Ranke , nous
n'avons donc pas à en parler ici. On peut en rapprocher l'histoire
de la république romaine à l'époque de sa décadence jusqu'à la mort
de Sylla, composée par Neumann ^, et publiée d'après les papiers
qu'il a laissés après sa mort. Cette histoire n'était destinée par son
modeste auteur qu a servir de base à son enseignement et non
point à être publiée sous forme de volume. Tous ceux qui pourront
parcourir les descriptions captivantes de Neumann remercieront
l'éditeur d'avoir livré au public un ouvrage qui s'appuie sur une
1. Quaeitiones de MacrobU saiurnaliorum ftmlibus. Breslau, Koebner, 18S0.
2. De MacrobU satumaliorum forUibus capita tria. Ibid., 1S80.
3. De Hegesippo, qui dicitur JoseplU interprète. Erlangen, Deichert, 1880.
4. De Theodoro Lectore, Theophanis fonte praecipuo» Leipzig^ Teubner, 1881.
5. De fontibus Zonarae quaestiones telectae. Ibid., 1881.
6. Rheinisches Muséum fur Philologie, Vol. XXXVI, 188U p. 351-361.
7. Geschichte Roms waehrend des Verfalles der RepubUk. Aas seinem
Nachlasse herausgegeben ron £. GoUieiu. Breslao, Koebner, 1882.
428 BULLETIN HISTORIQUE.
élude des sources très approfondie, sur une immense lecture et par-
dessus tout sur un jugement absolument indépendant. Certes, sur
plus d'un point il est d'une opinion tout à fait opposée à celle de
Mommsen et de Ranke, qui se rapproche beaucoup de Mommsen ;
mais il appuie ses jugements sur une grande abondance de preuves
et les expose avec une grande impartialité de jugement. L'influence
corruptrice et destructrice de l'aristocratie romaine, pendant Fépoque
dont Neumann s'occupait, a été relevée par lui avec une grande
vigueur. Nous lui savons un gré tout particulier de réagir contre la
tendance de L. de Ranke à exagérer les beaux côtés de cette
aristocratie et à trouver même des qualités éclatantes là où elles
n'existent absolument pas. Neumann a jeté un jour nouveau et
très vif sur les luttes intestines qui ont suivi les troubles des
Gracques; contrairement à l'opinion courante, il caractérise avec
raison le tribun populaire M. Livius Drusus (que Ranke appelle
aussi un idéaliste et un enthousiaste) , comme un partisan de
l'aristocratie, dont l'unique but était, avec l'aide de la plèbe
trompée par la promesse de répartitions agraires, de rendre au Sénat
et à l'aristocratie les tribunaux que Gracchus avait donnés aux che-
valiers. Malheureusement l'éditeur n'a pas apporté assez de soin à
l'achèvement définitif de l'ouvrage et n'en a pas élagué, comme il
aurait fallu, quelques petites mais réelles imperfections. G. F. Heitz-
BERG^ a continué par l'histoire de l'empire romain son histoire
romaine, qui fait partie de la remarquable collection dirigée par
M. Oncken. Gomme la première, cette seconde partie est une œuvre
d'un réel mérite. Le tableau de l'état social sous l'empire romain est
très fouillé; l'auteur a mis consciencieusement à profit les travaux
les plus récents et les documents fournis par les inscriptions. Son
ouvrage intéressera vivement le grand public des gens instruits, aux-
quels il est destiné.
Quant aux éludes relatives à des points particuliers de l'histoire
romaine, on a traité avec prédilection lesépoques de la royauté et de l'em-
pire, tandis que la période de la république n'a donné lieu qu'à un petit
nombre de publications. La question des limites du territoire auquel
s'étendait primitivement la dénomination d'Italie a été étudiée d'une
façon approfondie par B. Heisterbergk^. Après avoir réfuté, en s'ap-
puyant sur le témoignage d'Anliochus de Syracuse, les opinions anté-
rieures, notamment celle de Niebuhr, qui étendait, au nord, jusqu'au
1. Geschichte von Hellas und Rom. Berlin, Grote, deax vol., 1879-1881.
GeschichU des roemischen Kaiserreichs. Ibidem, 1881.
2. Ueber den Namen Italien. Fribourg-en-Brisgau, 1881, Mohr.
ALLEMAGNE. 429
Tibre, le pays appelé Italie, et celle de Nissen, qui regardait ce mot
oomme samnlte, il fixe comme frontière septentrionale à Tltalie primi-
tive la rivière de Laos et la ville de Métaponte. Le peuple des « Itali »
n'a jamais existé, et le nom d'Italie, venu plus tard de Sicile sans
aucune liaison avec des faits historiques, est probablement d'origine
phénicienne. L'auteur songe à une forme primitive Itania^ à laquelle
répondraient les noms de lieu phéniciens Itanum et lianui, La ques-
tion de linguistique laissée de côté, toute la démonstration acquiert
à un haut degré le caractère de la vraisemblance, bien que sa force
principale consiste dans la critique négative. On ne pourrait pas en
dire autant de la dissertation, assez naïvement prétentieuse^ de Fli-
GiBE ^ sur les temps primitif^ de la Grèce et de Rome ; il cherche à
établir, par des raisons tirées de l'ethnographie, la preuve que les
Pelages et les Ulyriens sont identiques et que l'ItaUe, ainsi que la
Grèce, était habitée originairement par une population illyrienne;
celle-ci aurait été déplacée par les populations italiques et les
Hellènes qui se seraient séparés en Pannonie. Les Japyges, les
Arunces, les Opiques, les Gampaniens sont réunis pêle-mêle à ces
tribus primitives illyriennes, sans que l'auteur semble seulement se
douter de la difficulté des questions philologiques et historiques ici
enjeu. La petite mais très intéressante dissertation de J. G. Guno^
sur les légendes qui se rattachent au nom do Tarquinius Priscus, de
Servius Tullius et de Tanaquil, conduit à cette conclusion, que ces
mythes ont été apportés sur le territoire de Rome par des conqué-
rants et des colons étrusques et que, dans le cours des temps, ils ont
été transformés par l'immixtion de noms et de légendes latines.
M. Poehlmann' néglige absolument les documents littéraires sur la
fondation de Rome comme dénués de certitude; il étudie les origines
de Rome d'après les analogies empruntées à l'ethnologie compa-
rée, et d'après de nombreux documents tirés de l'histoire de la civili-
sation : observations sur la nature du sol de la Campagna, trouvailles
importantes d'établissements préhistoriques, faites dans la plaine du
Pô et dans le Latium. Rome est sortie, suivant Pœhlmann, non,
comme on l'a admis jusqu'à ce jour, de la réunion de quelques cultiva-
teurs, mais d'une colonie italique urbaine, remontant à la plus haute
antiquité et probablement la plus ancienne de tout le Latium. L'au-
teur, en combattant les hypothèses jusqu'à présent en vogue et leur
1. Die Urzeit von HeUas und Italien. Braunschweig, Vieweg et û\%, 1881.
(Voir Revue hUiorigue, t. XVIII, p. 478.)
2. Jahrbilcher fUr classische Philologie. Vol. 123, 1881, p. 850-856.
3. Die Anfaenge Roms. Erlangen, Deichert, 1881.
RbV. HiSTOR. XXII. i**" FA8C. 9
430 BULLETIN HISTORIQUE.
tendance à représenter la situation de Rome comme très défa-
vorable, fait justement ressortir que les fièvres , qui sont endé-
miques dans la Gampagna , rendaient impossible une colonisation
isolée de celle-ci et qu'elles contraignirent les colons italiques à se
fixer, dans leur colonisation du Latium, sur les rochers du Gapitole
et du Palatin qui les protégeaient contre la malaria. Si on réussit,
dans la direction que Tauteur n'a fait qu'indiquer, à établir quelque
relation entre les résultats des fouilles et des recherches archéo-
logiques et la plus ancienne histoire du Latium, qui sait si Ton nVri-
vera pas à faire la lumière sur Tobscurité qui couvre Torigine
de la ville éternelle? La spirituelle étude de Mommsen^ sur la
légende de Rémus, le frère jumeau de Romulus, offre un exemple
frappant de la modification violente et dictée par Tesprit de parti
qu'on faisait subir au mythe de la fondation de Rome. Sous sa
première forme, la légende ne connaissait qu'un fondateur de la
ville; les jumeaux sont une création de la Rome républicaine. Pour
rendre le consulat semblable à la royauté et aussi ancien qu'elle, on
imagina, entre l'expulsion des rois et la guerre des Samnites, un
second roi à côté de Romulus. Celui-ci fût d'abord Rémus, puis
Titus Tatius. Une légende, créée postérieurement, inventa en outre
la double domination de Numitor et d'Amulius. La dissertation de
E. Hbrzog^ Élit voir que l'on ne peut guère ajouter plus de crédit à
la tradition relative aux premiers siècles de la république. De l'époque
comprise entre l'expulsion des rois et l'année 266 av. J.-C, des lois
nous ont été conservées en grand nombre. Mais comment nous sont-
elles parvenues? Tite-Lîve, Denys, nous les ont-ils transmises avec une
sufQsante fidélité ? Nous renseignent-ils exactement sur leurs auteurs
et sur leur contenu ? Les recherches dirigées avec un très grand soin
par Herzog prouvent qu'il n'en est rien : aucune loi, de l'époque dont
il s'occupe, ne nous a été transmise sous une forme authentique;
la plupart sont en contradiction directe avec la situation poli-
tique générale du moment auquel elles sont censées appartenir;
presque toutes enfin portent les traces évidentes d'une narration qui
cherche son éclat dans des contrastes violents et tire sa lumière
d'événements postérieurs. C'est donc à bon droit que l'auteur con-
clut à l'incertitude de l'histoire romaine primitive, telle que nous
l'ont transmise Tite-Live et Denys ; et il estime avec une juste raison
qu'une extrême prudence est nécessaire dans l'usage qu^on fait de
1. Hermès. Vol. XVI, 1881, p. 1-23.
% Ueber die GlaubwUrdigkeit der aut der roemischen Republik bii zum
Jahre 387 der Stadt ûberlieferten Gesetze. Tubiague, Faes, 1881.
ÂLLBMAGIfE. 434
toutes les anciennes lois^ lesquelles, pour la plupart, ne reposent sur
aucun fondement. On est surpris de voir, après cet examen si rigou-
reusement scientifique d'Herzog, la confiance avec laquelle Pluss *
et PrscHÀinK ^ basent, sur une tradition sans consistance, leur hypo-
thèse concernant la plus ancienne constitution romaine. Le premier
de ces écrivains défend contre L. Lange son ancienne supposition
que les six suffragia equitum^ créés par Servius Tullius, étaient un
groupement deux à deux des douze centuries de chevaliers, fondées
par Tarquin TAncien ; ainsi deux centuries réunies ne formaient qu'un
seul suffragium. Ptschanik critique avec vivacité les opinions cou-
rantes sur la c lex Valeria Horatia » et ressasse à nouveau la question,
tant de fois controversée, de savoir si les patriciens avaient siège
et suffrage dans les comices par tribu.
Sur rhistoire extérieure de la république romaine jusqu'à
Fexplosion des guerres civiles, nous n'avons à mentionner qu'un
petit écrit de A. Burxli-Metbr ^, qui cherche à déterminer au
point de vue stratégique la direction et le chemin suivis par
Annibal dans son passage des Alpes. — Les sources peu abon-
dantes où Ton peut puiser quelques renseignements sur la guerre
contre Mithridate, roi du Pont, ont été enrichies dernièrement par
une trouvaille faite à Athènes, dans les fouilles du Dipylon, et
qui a mis au jour des monnaies athéniennes. Ces monnaies portent,
comme nous l'apprend une dissertation intéressante de M. Weil'*,
tantôt le nom, tantôt les armes de Mithridate et permettent d'inférer
que raUiance du roi avec les Athéniens était conclue déjà en juillet 88.
Sur ces monnaies athéniennes, le fameux Aristion occupe la place
de second fonctionnaire, tandis que la première place est accordée à
Mithridate avec le titre de roi et les armes de Achéménides; il faut
voir dans ce fait non, comme le fait Weil , une preuve de l'avilisse-
ment de la démocratie athénienne, mais plutôt une preuve de la haine
passionnée que les Athéniens nourrissaient à Tégard de la répu-
blique romaine. J. Bessbr' traite de la valeur des sources littéraires
qu'on a conservées relativement à la conjuration de Catilina, et de rhis-
toire de cette conjuration, sans arriver cependant à des conclusions
1. JahrbUcher fUr classische Philologie, Vol. 123, 1881, p. 417-420.
2. Zeitschrifl fur oesterreichische Gymnasien. 32* année, 1881, p. 81-102.
3. HannihaVs Zug Hber die Alpen nack den Ergtimissen derneuesten mili-
Utriichen Kritik, Zurich, Orell-Fûssli etG'% 1881.
4. MUtheilungen des deutschen archaeologischen InsUiutes in Aihen.
6* année, 1881, p. 315-337.
5. De conjwralione Catilinaria, Neustadt-snr-Orla, 1880.
432 BULLETIN HISTOEIQUE.
définitives. M. Bûdingee * s'est efforcé de déterminer la situation et
rimportance du patriciat dans l'organisation civile de Rome, situa-
tion el importance que les rapports confus et partiaux des annalistes
empêchent d'apprécier à leur juste valeur dans les premiers temps
de la république. L'auteur a pensé arriver le plus sûrement à une
solution en cherchant quelle opinion Ton se faisait sur le patriciat
et sur ses divers représentants à l'époque de Cicéron et dans
la classe des gens instruits. Les différents écrits de Gicéron sont
pris naturellement comme sources principales. Sans doute l'au-
teur a fait des études très approfondies, mais nous n'en sommes guère
plus avancés. Comme il le donne à entendre lui-même dans sa pré-
face, ce travail a été exécuté très à la hâte ; tandis que, d'une part,
les riches matériaux, qui sont à notre disposition pour Phistoire
intérieure des dernières années de la république, sont loin d'avoir été
suffisamment dépouillés, de l'autre, Bùdinger perd trop souvent de
vue son but principal en se laissant entraîner à des digressions, qui
n'ont qu'un faible lien avec le sujet, sur les amis ou les gendres de
Cicéron, sur le dialogue entre Cicéron et Calenus transmis par Dion
Cassius, etc., etc. Le principal ft*uit de ce travail consiste dans
quelques chapitres importants sur les convictions politiques de Cicé-
ron, pendant les dernières années de sa vie, et sur ses rapports avec
César, Octave et quelques membres éminents du patriciat. —
P. Kgetschac^ a classé d'une façon judicieuse les firagments du
discours de Cicéron « in toga candida, » par lequel Vhotno novtis,
auquel on ne prenait pas garde jusqu'alors, gagna la faveur de la
noblesse et remporta ainsi la victoire sur son concurrent au consu-
lat : Catilina. Par la même occasion, il a expliqué et mis en nouvelle
lumière les événements des années 66-64. — La figure considérable
du fondateur de la monarchie romaine a, comme toujours, excité
l'intérêt tout spécial de la critique. La Beviie historique a déjà parlé
de la brochure de M. Sailfeld sur la politique de César à l'égard des
tribus gauloises (XXI, \ 73) ; nous n'y reviendrons pas. Les brillants
travaux de H. Nissen^ ont établi que César doit être rendu tout parti-
culièrement responsable de l'explosion de la guerre civile en 49 av.
J.-C, et que, par conséquent, le récit qu'il nous a donné dans ses
1. Cicero und der Patriciat, eine staatsrechtUche Untersuchung. (Extrait
des Denkschriften der K. Akademie der Wiss. zu Wien. Phil.-Uistor. Classe^
vol. 31.) Vienne, Gerold, 1881.
2. De M. Tullii Ciceronis oratione in toga candida h4ibita. Leipzig, Teub-
ner, 1880.
3. Der Ausbnich des BUrgerkrieges 49 v. Chr. Zweiter Artikel. Historische
ZeUschrift. Vol. 46, nouv. série, vol. 10, 1881, p. 48-105.
ALLEMAGNE. ^133
« mémoires sur la guerre civile » doit être soumis à une sévère
critique. Se fondant sur la correspondance de Cicéron, et sur le
témoignage des historiens anciens, qui sont en opposition presque
continuelle avec César, Fauteur arrive à ce résultat que César n*a
nullement pris les armes , comme il voudrait nous le faire croire^
pour la légitime défense de son propre honneur et de sa sûreté
ni pour la liberté du peuple. Tandis que le Sénat était allé jusqu'à
Textrème limite de la patience et de Tindulgence, César a eu des
exigences que rien ne pouvait justifier et dont Tunique but était
d'amener une catastrophe. D'autre part, Nissen regarde comme évi-
dent — mais en cela nous ne saurions partager son avis — que
César n'a été contraint à faire le dernier pas que par la répugnance
de Pompée à partager le pouvoir avec lui; pour lui, César a conti-
nuellement cherché à s'entendre avec Pompée ; mais pour le malheur
de Rome, Pompée, sur le modèle de son maître, Sylla, voulait réor-
ganiser, en dictateur, la république ébranlée, tandis qu'il ne pos-
sédait aucune des qualités nécessaires pour cela. On lira, avec un
intérêt tout particulier, ce que dit Nissen sur les changements
continuels des rapports entre les quatre partis politiques qui se dis-
putaient le pouvoir : les partisans de César, ceux de Pompée, les
ultra-conservateurs dirigés par Caton, et la majorité qui, dans le
Sénat, inclinait vers la paix. Ces différents partis se combattant et
s'alliant tour à tour donnèrent lieu, pendant l'année 50-49, aux com-
binaisons les plus diverses, jusqu'à ce que le glaive de César vint
trancher ce nœud gordien. — Le travail consciencieux de G. Grae-
BER^ est un commentaire animé d'un passage bien connu des
Annales (I, 2) où Tacite nous dépeint la noblesse romaine privée
par la guerre civile de ses membres les plus actifs et les plus
énergiques et réduite à l'impuissance par la faveur des nouveaux
maîtres et par les intrigues. Graeber a réuni les renseignements
épars de tous côtés sur les divers protecteurs et amis illustres du
poète Ovide -, il donne, outre des notes précieuses sur la biographie
du poète, des éclaircissements sur les principaux événements de
la vie de Paullus Fabius Maximûs, de M. Valerlus Messalla Corvi-
nus, de M. Aurelius Cotta Messalinus, de C. Pomponius Graccinus,
de L. Pomponius Flaccus et enfin de Sextus Pompeius, consul en
4 A av. J.-C.
L'auteur de l'histoire de la Grèce, E. Cdrtius^, a fait ressortir avec
1. Quaestionum Ovidianarum pars I. Berlin, Weidmann, 1881.
2. Die Rekhsbildungen im klcissischen Alterthum. (Rede am Gebartstage
Kaiser Wilbelms I.) Berlin, 1881.
^134 BULLETIN HISTORIQUE.
beaucoup de perspicacité la profonde différence qui existe entre la for-
mation des États à l'époque moderne et dans Tantiquité. Il compare
le sort des États grecs et de Fempire romain, et montre qu'aucun
d'eux n'a su s^élever de la conception de la cité à celle de Véiat.
L'empire romain, dit Curtius, reposait sur un accroissement du
territoire soumis à Rome, illimité et contraire à l'existence même de
la ville, dont il minait la stabilité en mettant à ses pieds les cou-
ronnes du monde. C'est pourquoi Fempire romain a toujours été,
non pas un organisme vivant, mais seulement une agglomération
de pays conquis, un cercle immense, dans l'intérieur duquel
s'émoussalent les qualités propres à chaque peuple et se reposait
le monde épuisé par les guerres. De temps en temps seulement les
flanmies des passions surgissaient de nouveau comme sur le théâtre
d'un incendie.
Cette situation, nettement déterminée par Curtius, de chacune des
provinces romaines, fut cause de leur ruine après que Fempire uni-
versel eut subsisté un petit nombre de siècles. Les provinces étaient
si affaiblies à l'intérieur qu'elles succombèrent sans résistance sous
l'attaque des Germains. Et pourtant, c'est même cette situation qui
semble à J. Jung^ dans son ouvrage sur les provinces de l'em-
pire romain, devoir être regardée comme le plus grand bonheur
de l'époque impériale. C'est grâce à elle que les affaires de Fempire
ne prirent que peu de place dans la vie des particuliers et que tous
les efforts purent se concentrer sur les affaires municipales (p. 453).
Heureusement pour le travail de Jung, cette gloriOcation d'un
égolsme mesquin et des idées séparatistes n'a pas influé sur sa con-
ception des conditions intérieures de Fempire romain. Appuyé
sur une somme de matériaux vraiment énorme puisés dans les
ouvrages des anciens, dans les inscriptions, dans les résultats des
fouilles, enfin dans toute la littérature philologique et historique
moderne, il a contribué, en plusieurs sens, à éclaircir et à faire
mieux comprendre le développement merveilleux de la romani-
sation des populations de FEspagne, de l'Afrique, de la Gaule, de la
Bretagne, de Flliyrie, de l'ItaUe et des pays du Danube. Après avoir
exposé un peu sommairement, il est vrai, de quelle manière ces dif-
férentes provinces vinrent sous la domination romaine, l'auteur
explique l'organisation politique et administrative par laquelle les
conquérants remplacèrent les institutions antérieurement existantes.
A cette occasion il expose d^une façon particulièrement appro-
1. IHe romanischen Landschaften des roemischen Reiches, Studien iiber
die inneren Entwickelangen in der Kaiserzeit. Innsbruck, Wagner, 1881.
ILLEMIGNE. 435
fondie les constitutions des villes, l'organisation militaire, adminis-
trative^ financière, la fondation des colonies et enfin rétablissement
des routes el des fortifications. Jung étudie aussi avec soin le déve-
loppement des conditions sociales et surtout agraires dans chaque
province, la marche ascendante et la décadence des villes, Thistoire
du commerce, des industries et de Tinstruction , l'introduction du
christianisme, les luttes de celui-ci contre le paganisme, ses sectes et les
formes nombreuses qu'il a revêtues dans les premiers siècles de Tère
chrétienne. En suivant attentivement le récit de Jung jusqu'à la fin des
invasions, on voit clairement se développer la civilisation des peuples
romans, développement qui eut pour conséquence la perte graduelle
de la nationalité. Il faut reconnaître cependant qu'au milieu de ces
nombreux documents on n'arrive que par un réel effort à une vue
générale. L'auteur domine assurément tous les matériaux qu'il a
réunis, mais il nous oblige à dégager nous-mêmes le Facit de toutes
ces explications souvent faiblement reliées entre elles et nous force
même à nous adresser aux remarques qui les accompagnent. Ce
défaut de l'ouvrage de Jung est d'autant plus déplorable que le con-
tenu en est riche et important et qu'on sera, à coup sur, obligé d'en
revenir toujours à lui dans les travaux ultérieurs. L'ouvrage de
A. BuDinsKT * sur la propagation de la langue latine en ItaUe et dans
les provinces de l'empire romain se rapporte au même sujet, mais
est de moindre valeur. L'auteur dit avoir tenté de poursuivre d'un
coté l'extension géographique de la langue latine et de déterminer de
l'autre si, quand et en quelle mesure cette langue est devenue domi-
nante dans les diverses provinces de l'empire^ aux dépens des idiomes
indigènes ; il a cherché aussi à indiquer les mesures qui ont accéléré
le progrès de la romanisation chez les différents peuples. Plus de la
moitié du livre est consacrée à Thistoire de la conquête des diverses
provinces romaines, des événements extérieurs et du développement
intérieur de ces provinces, jusqu'aux invasions barbares. L'auteur a
su combiner en un récit d'une lecture agréable les nombreux documents
épars dans les manuels de Mommsen, Kiepert, Marquardt, etc. Mais
malheureusement l'auteur ne s'écarte presque pas de ses guides et
n'essaie que dans un nombre de cas très restreint de contrôler ou de
compléter les résultats acquis par eux, au moyen de recherches
personnelles ou par l'usage direct des sources telles que le Corpus
inscriptionum , etc. Ajoutez que l'auteur ignore en grande partie
1. Die Ausbreitung der laieinischen Sprache Uber Italien und die Provinzen
des Bcemischen Reiches. Berlin, Herz, 1881. Voyez, plus loin, le compte-rendu
de M. d'A. de J.
436 BULLBTIIf HI8T0EIQUK.
la littérature historique, surtout moderne, ou que du moins il ne
Tutilise pas. On hésitera donc à le prendre pour guide dans Tétude
du développement des peuples romans.
Joseph Klein \ Fauteur d'un ouvrage remarquable sur les fonc-
tionnaires de l'administration romaine, a fourni un instrument
important pour la connaissance de l'histoire de l'empire par son édi-
tion critique des fastes consulaires de 49 av. J.-G. à 284 après. L'ou-
vrage est divisé en 4 colonnes : 4* les années de la ville d'après Var-
ron, 2^ d'après l'ère chrétienne, 3* les noms des consuls, et enfin
4* les témoignages épigraphiques et ceux des écrivains anciens,
ainsi qu'une bibliographie remarquablement complète. Une adno^
tatio critica^ au bas du texte, indique les principales leçons des
listes des consuls d'après les inscriptions et les documents littéraires.
L'auteur a réussi ainsi à grouper de la manière la plus heureuse et
la plus nette, comme il se le proposait, tous les matériaux scienti-
fiques nécessaires pour trancher les controverses existantes sur la
succession des consuls sous l'empire ; de plus, ce recueil de preuves
tirées d'historiens anciens et modernes est un véritable index biblio-
graphique et est le bienvenu pour ceux qui étudient l'histoire des
trois premiers siècles de l'empire.
En passant aux monographies relatives à des périodes ou à des
événements particuliers de l'époque impériale, nous citerons d'abord
l'étude de H. Duntzer^, dirigée contre d'anciennes assertions de
Th. Mommsen [Hermès^ XIU, p. 245-265), et qui traite de la
famille de Germanicus, de ses douze enfants, et de l'année de leur
naissance; nous citerons ensuite l'article de Grietz' sur Tétat poli-
tique de la Judée après la destruction de Jérusalem en 70 ap. J.-G.;
puis la dissertation excellente de J. Dubr^ sur les voyages de l'empe-
reur Hadrien. Les documents numismatiques et épigraphiques ont été
rassemblés soigneusement par l'auteur, et les relations des écrivains,
notamment la biographie d'Hadrien par Spartianus, ont été étudiées
jusque dans leurs sources avec une grande perspicacité. Les preuves et
les déductions que l'auteur en tire sont, à l'exception d'un petit nombre
1. Fa$H cansiUares Inde a Caesaris nece usque ad imperium Diocletiani.
Leipzig, Teubner, 1881.
2. Monatssckrift fur die Geschichte Westdeutschlands. Jahrgg 7, 1881,
p. 14-26.
3. Monatschri/t fUr Geschichte und WissenKhaft des JudenthiMU, Jahrg 30,
1881.
4. Die Reisen des Kaisers Hadrian. Dans les Âbhandlungen du séminaire
d'archéologie et d'épigraphie de rUniversité de Vienne. Il, Vienne, Gerold,
1881.
iLLEMlGNE. 437
de passages, dignes de confiance ou peuvent prétendre au moins à
un haut degré de vraisemblance. L'auteur voit avec raison, dans la
sympathie personnelle et la sollicitude du voyageur impérial pour
toutes les parties de Tempire également, la préoccupation de mettre
les provinces au même niveau que Tltalie, de les considérer comme
membres du corps impérial ayant autant de droits que Tltalie même
et autant d'importance. U remarque aussi que cette idée marque une
rupture éclatante avec toute la tradition de la politique romaine. A ce
point de vue , le travail de Dûrr fournit une base solide à toute
étude ultérieure sur la biographie du grand empereur, et mérite notre
attention toute particulière. La liste des provinces romaines, dite de
Vérone, publiée d'abord par Mommsen (Abhandlungen der Berliner
Akademiej i 862, p. 487 et suiv.) a été regardée par ce savant, auquel
se sont ralliés Marquardt et d'autres, comme le tableau delà division
de l'empire romain par Dioclétien en 297. Par contre, E. Kuhn (Jahr^
bûcher fur Philologie, 4877, p. 697 et s.) a émis l'opinion que dans
cette liste on avait intercalé presque toutes les modifications survenues
dans l'organisation de l'empire jusqu'en 380 et ne pouvait par consé-
quent servir de témoignage pour les réformes constitutionnelles
de Dioclétien. Cette opinion, basée principalement sur les listes des
évéques contenues dans les actes des conciles des m* et rv« siècles, a
été repoussée habilement par G. Gzwalina^ ; non seulement ces listes
ecclésiastiques ne sont pas sûres, mais encore elles sont défigurées
par des fkutes de toutes sortes, des lacunes et des interpolations. U
faut donc s'en tenir encore fermement à l'opinion que la liste, telle
que nous la possédons, a été composée au temps de Dioclétien. —
Les hypothèses courantes sur la position personnelle de l'empereur
Constantin le Grand vis-à-vis du christianisme ont été soumises par
Th. BaiEGER^ à une critique sévère. L^auteur arrive à cette conclusion
que l'empereur a été déterminé à accepter le christianisme par des
raisons d'État et pour le prendre à son service comme une puissance
invincible. Brieger fait ressortir justement que Constantin n'a pas
élevé d'abord le christianisme au rang d'une religion d'Etat, mais l'a
seulement fait égal au paganisme, avec une tendance cependant à lui
donner, dans le cours des temps, la prépondérance.
Le remaniement de 1' « Histoire des migrations des peuples » de
1. Ueber dos Verieichniss der rœmischen Provinzen vom Jahre 297. Wesel,
K&hler, 1881. Nous renvoyons d'ailleurs, sur ce point, au traTail publié dans
cette Revue même, par notre collaborateur, H. G. JuHian, XIX, 330.
2. ConstavUin der Groue aU ReUgionspoUiiker, GoUia, Pertbes, 1880. (Extrait
de la Zeitschrift fUr Kirchengetchiehte.)
•IdS BULLETIN HISTORIQUE.
E. DE WiBTERSHEiM, par F. DlHN^ occupe le premier rang parmi les
ouvrages relatifs aux invasions des barbares. Le second volume de
cet ouvrage commence à l'invasion des Huns en 375 *, il décrit la sépa-
ration des Ostrogoths et des Yisigotbs et le sort des empires fondés
par eux dans les contrées du Danube, la Gaule, PEspagne et PItalie;
il traite ensuite des migrations des Vandales jusqu'à leur soumission
par Bélisaire et à la conquête de Tltalie par les Lombards, en 568.
L'ouvrage se termine par des remarques et des additions beaucoup
plus étendues que celles de la i '^ édition, par un registre alphabétique
détaillé, ainsi que par une bibliographie du sujet, malheureusement
fort incomplète et mal distribuée. Les divergences entre le remanie-
ment de Dahn et la première édition sont également très sensibles
dans plusieurs parties de ce second volume ; seulement Dahn s'est
plus souvent contenté ici, au lieu de substituer sa façon de voir à
celle de Wietersheim, d'indiquer simplement en note les diver-
gences d'opinion et de renvoyer à ses propres ouvrages, notamment
à son Histoire des rois des Germains. Les additions de Dahn ne
sont pas très nombreuses ; cependant le savant éditeur y a résumé
consciencieusement tous les résultats des dernières recherches. Les
changements les plus considérables sont ceux qu'il a apportés
aux chapitres relatifs à l'introduction du christianisme chez les
Germains. Il repousse avec raison l'opinion que la mythologie des
peuples germains les prédisposait à recevoir le christianisme, car
l'ascétique conception du monde, telle que les chrétiens se plaisent
à l'imaginer, est en opposition aussi tranchée avec l'héroïsme joyeux,
vivant, des Germains qu'avec les idées des mondes grec et romain.
Les Germains reçurent le christianisme parce que c'était la religion
d'État de l'empire romain comme ils adoptèrent des termes, des
institutions et des ustensiles romains. Si le culte égyptien d'Osiris et
d'Isis avait été déclaré religion de l'empire par Constantin et apporté
aux Goths par Yalens, les Germains, selon Dahn, l'auraient adopté
avec autant de facilité, autant d'erreurs dans la façon de le com-
prendre, et aussi peu de conviction véritable que le christianisme.
— En même temps qu'il donnait le remaniement de l'ouvrage de
Wietersheim, Dahn^ a publié un ouvrage personnel sur l'histoire
primitive des peuples germains et romans ; cet ouvrage fait partie de
la grande collection dirigée par Oncken. Le 4*' vol. comprend l'histoire
1. Geschichte der Vœlkenvanderung , par Ed. von Wietersheim; seconde
édition complétée et remaniée par F. Dahn; 2 toI. Leipzig, Weigel, 1881.
2. Urgeschichie der germarUschen und romanischen Voeiker. Vol. I et II.
Berlin, Grote, 1880-1881-1882. (Fait partie de la collection Onken.)
ALLEMiGRE. -Idll
des Germains orientaux, notamment des Ostrogoths et des Yisigoths,
des Suèves en Espagne, des Vandales et des peuples germains qui
prirent part à la chute de Tempire occidental. Le second volume
revient en arrière de quelques siècles, et traite du sort des Ger-
mains occidentaux depuis leur apparition dans l'histoire jusqu'à la
fin du V* s. Écrit d^une façon très attrayante, Touvrage de Dahn ne
raconte pas seulement les événements extérieurs relatifs aux peuples
germains, mais il se distingue aussi par l'attention qu'il accorde au
développement des conditions politiques, sociales et religieuses des
Germains et des territoires romains occupés par eux. L'œuvre est très
érudite, sans étalage d'érudition. Les illustrations nombreuses et habi-
lement choisies, dont la maison Grote a accompagné cet excellent ou-
vrage, méritent une mention spéciale. — Fligier^ croit reconnaître des
traces d'anciens établissements de Bastarneset deGoths danslenombre
énorme des tumulus et des tombeaux en pierre qu'on trouve entre le
Dniester et le Dnieper. Des savants russes avaient démontré, ces der-
nières années, que des restes importants des Goths s'étaient main-
tenus dans les vallées de la Crimée méridionale jusqu'à la chute de
l'Éparchie gothique (4779-n86). Tomischbk^ base sur leurs travaux
et sur des recherches personnelles une étude intéressante et appro-
fondie sur les Goths en Tauride; il traite aussi en détail la
question de Torigine, des migrations et de la langue du peuple
allemand à l'époque héroïque. Les recherches de Buedinger^ sur la
situation politique de Sidoine Apollinaire nous transportent aux
dernières années de l'empire [d'Occident. L^auteur a mis à contri-
bution d'une façon très heureuse la correspondance de Sidoine
Apollinaire pour éclaircir Tépoque troublée où régna Odoacre.
Ce fut une destinée tragique que celle de ce Sidoine dont toute
l'existence intellectuelle reposait sur cet empire romain catho-
lique, dont il honorait le chef comme une force de la nature ou un
être supraterrestre -, et il fut contraint de voir, de ses yeux, non seu-
lement le reste de l'empire se morceler, mais aussi rattachement
qu'on avait porté à cet empire disparaître, et lui-même il dut finale-
ment se soumettre à ces barbares germains autrefois si amèrement
détestés, si méprisés, et se réconcilier avec eux. A la vérité, et
1. Mitiheilungen der arUhropologischen GeseUschaft in Wien. Bd. XI.
Neue Folge. Band I, 1881, p. 100 et suiv.
2. Die Gothen in Taurien. {Ethnologische Forschungen Uber Osi-Ewopa und
Nord-Asien, I.) Vienne, Hoelder, 1881.
3. ApoUiTiaris Sidonitu als PoliUker. (Dans les Sitiungsberichte de la PhUos,
historisehe Classe der kaiserliehen Àkademie des Wissenschafien.) Vienne, Bd.
97, 1881, p. 915-954.
140 BULLETIN HISTORIQUE.
Bûdinger le remarque avec raison, on ne trouverait pas facilement,
dans rhistoire du monde, un contemporain d'événements d'une telle
importance qui sache se plier avec aussi peu de préventions aux acci-
dents du sort. — Le remarquable manuel des antiquités allemandes,
publié par L. LindenschhitS fournit les renseignements les plus
importants sur Thistoire de la civilisation des tribus allemandes à
répoque des invasions. A Taide de nombreuses gravures, cet ouvrage
met devant les yeux tous les objets qui nous ont été conservés dans
les tombeaux allemands, tels que meubles, vases et ustensiles, depuis
les temps historiques les plus reculés et même les temps préhisto-
riques. Pour donner à son point de départ le plus de sûreté possible,
Fauteur commence par les antiquités des temps mérovingiens ; le
second volume embrasse l'époque germano-romaine et le troisième
répoque préhistorique. Contrairement à l'opinion courante, Tauteur
regarde l'hypothèse que les peuples européens seraient venus d'Asie
comme impossible à prouver et invraisemblable, et, pour expliquer
la parenté des Européens et des Ariens asiatiques, il suppose que
ces derniers — peut-être à une époque qui n'est pas très reculée —
auraient passé d'Europe dans l'Asie centrale. Lindenschmit met
encore plus de vivacité à réfuter la supposition que l'Allemagne
avant l'arrivée des Germains était habitée par des Celtes; il
déclare que tous les tombeaux qu'on avait attribués jusqu'à ce jour
aux Celtes et qui témoignent d'une activité industrielle et artistique
très développée, sont d'origine germanique ; il en conclut que les
Germains à l'époque de leur premier contact avec les Romains avaient
atteint un degré de civilisation bien supérieur à ce qu'on croit géné-
ralement. G. Kaufmanu ^ se place à un point de vue plus conser-
vateur dans son histoire des Allemands, depuis l'origine des tribus
germaniques jusqu'au règne de Gharlemagne. Le premier livre du
premier volume embrasse l'époque préhistorique et les luttes des
Germains et des Romains jusqu'en 375 après J.-C. -, le deuxième
livre traite des conditions politiques, juridiques et sociales des Ger-
mains ; le troisième livre comprend l'histoire du peuple visigoth de
375 à 429. Le second volume décrit, en commençant, la dissolution
de l'empire d'Occident. Deux tableaux historiques, exécutés par l'au-
teur avec un soin tout particulier, lui servent à caractériser cette
époque : c'est d'abord la biographie de saint Séverin et ensuite une
1. HandUmch der deutschen Alterthumskunde. Theil I. Die Alterihûmer
der Merovingischen Zeit. Liefer. I. Braunschweig, Vieweg et tils, 1880.
2. Deutsche Geschichte bis auf Karl den Grossen. Vol. I et II. Dancker et
Humblot, 1880-1881.
ALLEMiGNE. iÂi
description de Tétai intérieur de la Gaule au v^ siècle. Le deuxième
livre expose, d'une façon malheureusement trop succincte, Fhistoire
des États fondés sur le sol romain : Visigoths, Vandales, Ostrogoths,
Burgondes et Francs de 450 à 744 ; un chapitre spécial est de nou-
veau consacré à la situation intérieure de ces peuplades, à la forma-
tion des villes et des États, à la place occupée par TÉglise, au déve-
loppement de la royauté et de l'administration, etc. ; le troisième
livre, qui termine Touvrage^, nous fait assister à la naissance de la
monarchie universelle, spirituelle et temporelle du moyen âge pen-
dant la période qui va de 744 à 844. Kaufmann, de même que Dahn,
donne à son exposition une forme populaire et non scientifique ; il
n'a pu toutefois s'empêcher d'exposer, dans un excursus long et inté-
ressant, les différentes manières donta été conçue Thistoire allemande
primitive depuis Môser jusqu'à Roth et à Sohm. Cet ouvrage si ingé-
nieux et si riche en aperçus nouveaux fait faire à la science un grand
pas ; le principal mérite de l'auteur est d'un côté d'avoir tenu constam-
ment le regard Vïxé sur le but final auquel tendait Pouragan déchaîné
des invasions barbares, de l'autre, d'avoir cherché à saisir la relation
des faits particuliers, à la juste appréciation desquels beaucoup ont
déjà épuisé leur force. En ce sens l'ouvrage de Kaufmann peut pré- .
tendre au premier rang parmi les ouvrages publiés jusqu'à ce jour
sur les derniers temps de l'empire romain.
Moeurs et coutumes. — On a publié dans ces derniers temps non
seulement une 5« édition augmentée et très améliorée de l'excellent ou-
vrage illustré de Guhl et Koner ^ , maisencore deux nouveaux ouvrages
d'ensemble sur les antiquités romaines et la vie civilisée des Romains.
L'œuvre de J. de Falke^ se distingue par des illustrations très nom-
breuses et d'une exécution remarquable, mais le texte laisse beau-
coup à désirer au point de vue de l'exactitude. On trouvera beaucoup
plus de soin et de connaissance du sujet dans l'ouvrage de Bender^
dont la Revue historique a déjà parlé. A. Pellexgahr^ a esquissé
brièvement et avec clarté le développement de la chronologie romaine
depuis son origine jusqu'à la réforme grégorienne du calendrier ;
il a combattu à ce propos, mais d'une manière qui n'est pas tout
1. Dos Lebender Griechen und Roemer nachantiken Bildwerken. Berlin,
Weidmann, 1881.
2. HeUas und Rom, Eine Culturgeschichte des classischen Alterthums. Stutt-
gart, Spemann, 1880.
3. Rom und roemisches Leben im 4lierthum, Tubingue, Laupp, 1880. Yoy.
Revue historique, XX, 413.
4. Die technische Chronologie der Roemer in ihrer Entwickelungf vom An-
fange bis zur gregorianisehen Kalender-Reform. Rbeine, 1881.
444 BULLETIN HISTORIQUE.
classique ; le troisième volume, qui repose sur une base très large et
un emploi consciencieux de tous les documents originaux, traite de
la culture intellectuelle et corporelle des jeunes gens grecs et romains,
de leurs excursions de gymnastique, de leurs marches, de leur ins-
truction dans les combats à armes lourdes ou légères et dans la lutte^
de leurs exercices de natation, de leurs courses à cheval et de leurs
courses de chars, de l'enseignement qu'on leur donnait et enfin de
Torganisation des établissements auxquels était confiée l'éducation
des Éphèbes. Dans un chapitre spécial, dont il faut savoir gré à
Tauteur, celui-ci a réuni tout ce qui nous est parvenu de la culture
de la femme dans Tantiquité-, de plus, deux articles d'une cer-
taine étendue expliquent les rapports de l'éducation antique avec
rÉlat et la religion. L'auteur se prononce très défavorablement sur
la valeur de l'éducation romaine, qu'il a le tort de ne pas étudier
séparément, et qu'il confond sans cesse avec l'éducation hellénique.
Grâce à leur tendance pratique, les Romains ont abouti, selon
l'auteur, à un matérialisme qui a ruiné la religion et l'État et la
famille. Mais cette ruine n'a été que le résultat final de l'éducation
réaliste des jeunes Romains. Nous ne pouvons nous associer à la
sévérité de ce jugement. Tout d'abord il serait difficile de démon-
trer que l'éducation des Grecs, que l'auteur apprécie hautement,
ait donné à ce peuple un appui moral plus fort que le prétendu
matérialisme romain aux Romains. Ensuite, il n'est pas prouvé,
comme on l'admet d'ordinaire, que Rome ait péri à cause de sa cor-
ruption morale : que les mœurs aient été fort affaiblies à la cour
impériale, dans Tarislocratie de naissance ou de fortune, on n'en peut
conclure immédiatement à l'immoralité de la grande masse du peuple.
En rendant compte des ouvrages relatifs aux origines du christia-
nisme, nous aurons l'occasion de constater combien l'idée de la cor-
ruption morale du peuple romain à cette époque de son existence est
encore profondément enracinée, et combien on est encore enclin à
présenter cette corruption comme une suite directe de l'irréligion
romaine. La nouvelle édition de la mythologie romaine de L. Preller^ ,
due aux soins de H. Jordan, est d'une haute importance pour l'his-
toire de la religion romaine. Le savant éditeur a modifié fort peu
de choses au texte de Preller ; par contre l'appareil critique, rejeté
dans les notes,, a été soumis à une revision rigoureuse-, on a
complété soigneusement les lacunes et enregistré les résultats
obtenus dans ces derniers temps par l'étude des monuments et
1. Roemische Mythologie. 3* éd. revue par H. Jordan. Vol. 1. Berlin, Weid-
inann, 1881.
ALLEMAGNE. 447
dogme et Thistoire littéraire. Il est évident que dans un ouvrage
ayant ce caractère encyclopédique, surtout quand il s'y manifeste
des tendances apologétiques, la valeur des différents articles est assez
diverse. Cependant, en somme, cette encyclopédie, qui est ornée de
nombreuses illustrations, peut être considérée comme un guide digne
de confiance sur le terrain de Tarchéologie chrétienne. Enfin il faut
signaler, à propos de Fhistoire de TÉglise pendant le v* siècle, la
biographie de Cyrille d'Alexandrie, publiée par Kopallik^ Ce récit
repose sur une étude attentive des sources, mais il n'est pas suffi-
samment impartial.
Travaux relatifs a l'armée romaine. — Le travail d'ensemble
publié sur ce sujet par M. J^hns^ s'étend des origines à la renais-
sance et mérite l'attention surtout à cause de l'abondance des passages
cités d'après les ouvrages modernes et utilisés par Tauteur, à cause
aussi de ses remarquables illustrations. H. Bruncke^ a essayé de
reconstituer l'organisation de l'armée, attribuée au roi Servius Tul-
lius ; dans l'idée de l'auteur, on aurait reconnu l'insuffisance de cette
organisation dans la grande guerre contre les Gaulois, notamment
dans le combat de l'Allia ; on l'aurait alors écartée pour introduire
dans l'armée des réformes dues à Camille. Comme caractère
principal de cette réorganisation Brunckc indique la disposition
de trois lignes placées Tune derrière Tautre et difîeremment armées
(hoitati^ principes^ triarit], et leur répartition en unités tactiques :
les manipuli; cette dernière mesure cependant n'aurait tout d'abord
pas été appliquée à la troisième ligne (iriarii:. Une polémique très
vive s'est engagée entre H. Nissen'' et P. Hankel* sur la division,
rétendue et la fortification du camp romain décrit par Polybe (VI,
27, 32). D'un autre côté, E. Huebner® et A. Muelleh^ ont traité de
l'armement des légionnaires romains et Mommsen® a étudié les varia-
tions dans le nombre des cohortes urbanae et des cohortes preato-
riae. Nous avons déjà parlé plus haut des articles de Mommsen et
de Gauer sur les sous-ofliciers romains, les cantonnements des
1. CfrUlus von Alexandrien. Hayence, Kirchheim, 1881.
2. Handlmch einer Guchichte des Kriegswesens von der Urzeit bis zur
Renaissance. Nebst eioem Atlas von 100 Tafeln. Leipzig, Grunow, 1880.
3. Philologus, Bd. 40, 1881, p. 357-377.
4. JahrbOcher far classische Philologie, Bd. 123, 1881, p. 129-138.
5. IMem, p. 857-867.
6. Hermès. Bd. XVI, 1881, p. 302-308.
7. Philologw. Bd. 40, 1881, p. 122-138, p. 221-270.
8. Hermès. Bd. XYI, 1881, p. 643 et suiv.
446 BULLETIN HISTOEIQUB.
route morale du monde romain. On ne pouvait attendre d'ailleurs
de Tauteur, qui se place tout à fait sur le terrain de la révéla-
tion, une exposition absolument satisfaisante et impartiale : ainsi
Keim attribue la conversion de beaucoup de païens à Tinfluence des
signes et des miracles et il considère Tapparition de la peste à Smyrne,
en 468-469, comme un châtiment de Dieu pour le supplice de Poly-
carpe ; dans un autre passage, cependant, et avec plus de raison, il
désigne cette épidémie comme une cause importante de la persécution
des chrétiens à Smyrne. Les rapports entre l'État romain et le chris-
tianisme pendant les premiers temps de son existence ont été exposés
très minutieusement par Hilgbptfeld^ et par Mangold^. Ce dernier
nous apprend ce fait étrange que, dans les premiers siècles de Tère
chrétienne, des prières liturgiques furent instituées pour Tempereur
et les magistrats romains non seulement, comme Tavait admis Weiz-
sœcker, dans la communauté romaine, mais aussi dans toutes les
communautés chrétiennes de Fempire. Weihigaeten*, après s'être
livré à des recherches sur les caractères du gnosticisme , explique
d'une façon très admissible comment les communautés chrétiennes
primitives sont parvenues, en se transformant, à l'organisation hié-
rarchique de rÉglise catholique. La gnose, d'après Weingarten,
n'était pas autre chose qu'un essai tenté pour transformer le chris-
tianisme conformément aux anciens mystères, et pour le faire appa-
raître, dans un nouveau culte de mystères, comme l'accomplissement
de l'antique religion de la nature. La lutte contre cette gnose païenne,
qui comptait des adeptes dans de nombreuses communautés chré-
tiennes, a conduit la chrétienté du ii® siècle, encore désorganisée, à
s'unir étroitement et à fonder i'épiscopat, avec la conmiunauté de la
capitale du monde comme centre. L'encyclopédie des antiquités chré-
tiennes* publiée par F.-X. Kraus, en collaboration avec des savants
distingués, s'est imposé, en suivant l'exemple du Père Martigny dans
son Dictionnaire des antiquités chrétiennes^ la tâche de décrire la civi-
lisation et la vie artistique de l'ancienne chrétienté, pendant les six pre-
miers siècles de son existence, à l'exclusion absolue, par conséquent,
de tout le moyen âge et de tout ce qui regarde l'histoire de l'Église, le
1. Zeiischrift fur vHssenschaflliche Théologie. XXIV, 1881.
2. De ecclesia primaeva pro Caesaribus ac magistratibus Romanis precet
fundenie. Bonn, Georg, 1881.
3. Historische ZeiisckrifU Bd. 45. (Neue Folge, Bd. 9.) 1881, p. 441-467.
4. Real-Encyclopaedie der christUchen AllerthUmer. Bd. I. (Fasc. 1-7.) Fri-
bourg-en-B., Herder, 1880-1882.
ALLEMAGNE. 447
dogme et Thistoire littéraire. Il est évident que dans un ouvrage
ayant ce caractère encyclopédique, surtout quand il s'y manifeste
des tendances apologétiques, la valeur des différents articles est assez
diverse. Cependant, en somme, cette encyclopédie, qui est ornée de
nombreuses illustrations, peut être considérée comme un guide digne
de confiance sur le terrain de l'archéologie chrétienne. Enfin il faut
signaler, à propos de l'histoire de FÉglise pendant le v* siècle, la
biographie de Cyrille d'Alexandrie, publiée par KoPALLIK^ Ce récit
repose sur une étude attentive des sources, mais il n'est pas suffi-
samment impartial.
Travaux relatifs a l'armée romaine. — Le travail d'ensemble
publié sur ce sujet par M. J^chns^ s'étend des origines à la renais-
sance et mérite l'attention surtout à cause de l'abondance des passages
cités d'après les ouvrages modernes et utilisés par Tautcur, à cause
aussi de ses remarquables illustrations. H. Brunckb^ a essayé de
reconstituer l'organisation de l'armée, attribuée au roi Servius Tul-
lius ; dans l'idée de l'auteur, on aurait reconnu l'insufllsance de cette
organisation dans la grande guerre contre les Gaulois, notamment
dans le combat de l'Allia ; on l'aurait alors écartée pour introduire
dans l'armée des réformes dues à Camille. Comme caractère
principal de cette réorganisation Bruncke indique la disposition
de trois lignes placées Tune derrière l'autre et difïcremment armées
(hastati^ principes, (riarii), et leur répartition en unités tactiques :
les manipuli; cette dernière mesure cependant n'aurait tout d'abord
pas été appliquée à la troisième ligne (triarii;. Une polémique très
vive s'est engagée entre H. Nissex'' et F. Hankel* sur la division,
l'étendue et la fortification du camp romain décrit par Polybe (VI,
27, 32). D'un autre coté, E. Huebner^ et A. Muelleh^ ont traité de
l'armement des légionnaires romains et Mommsen® a étudié les varia-
tions dans le nombre des cohortes urbanae et des cohortes preato-
riae. Nous avons déjà parlé plus haut des articles de Mommsen et
de Gauer sur les sous-ofliciers romains, les cantonnements des
1. CyriUus von Alexandrien. Mayence, Kirchheim, 1881.
2. Uandlmch einer Geschichte des Kriegswesens tyon der Urzeit bis zur
Renaissance. Nebst eioem Atlas von 100 Tafeln. Leipzig, Grunow, 1880.
3. Philologus. Bd. 40, 1881, p. 357-377.
4. JahrbUcher far classische Philologie, Bd. 123, 1881, p. 129-138.
5. Ibidem, p. 857-867.
6. Hermès, Bd. XVI, 1881, p. 302-308.
7. PhUologus. Bd. 40, 1881, p. 122-138, p. 221-270.
8. Hermès. Bd.XYI, 1881, p.C43 et suiy.
4 48 BULLBTIN HISTORIQUE.
légions, etc. La publication de Touvrage de Pfitzner * semblait devoir
combler le vœu qu'on formait depuis longtemps de posséder une
histoire générale et complète des légions romaines sous Tempire. Il
n'en est rien. L'ouvrage de Pfitzner traite, dans la première partie,
de l'histoire générale des légions d'Auguste à Hadrien, d'après l'ordre
chronologique *, dans une seconde partie l'auteur s'occupe des garni-
sons des diverses provinces pendant la même période ; la troisième
partie enfin contient l'histoire même des différentes légions. Cette
division, qui va du général au particulier, qui fait voir dans la pre-
mière partie, par anticipation, les résultats contenus dans la troi-
sième, laquelle devrait être à la base du travail, éveille déjà nos.
scrupules ; malheureusement, dans les détails, notre attente à propos
de l'utilité du livre et de son autorité n'est que trop souvent trompée
elle aussi. Outre un très dangereux penchant à construire des hypo-
thèses que, dans le cours de ses recherches, l'auteur confond presque
toujours avec des résultats certains, on remarquera dans cet ouvrage
un mépris étrange des sources épigraphiques, auxquelles il aurait
fallu puiser cependant en première Ugne. Cet ouvrage ne peut pas
être considéré comme une étude définitive sur l'histoire des légions;
c'est cependant un travail utile où l'on trouvera consciencieusement
réunis un grand nombre de témoignages tirés des auteurs anciens.
La dissertation de E. Hûbnër^ est un petit, mais très remarquable
chapitre de cette histoire des légions. Elle décrit, à partir de l'expé-
dition d'A. Plautius jusqu'à Septime-Sévère , l'état primitif et les
principales modifications de l'armée romaine établie dans la province
de la Bretagne et des légions et troupes auxiliaires qui en faisaient
partie. Le savant auteur fait ressortir avec raison les difficultés qui
empêchent d'écrire une histoire générale de Tarmée romaine avant
Tachèvement du Corpus inscriptionum ; puisse-t-il faire suivre
bientôt cette étude de monographies pareilles sur les garnisons des
autres provinces de Tempire romain !
Nous voici arrivés au terme de notre bulletin. Le nombre des
publications allemandes sur l'histoire romaine n'a cessé d'aug-
menter. Les sujets traités dans les œuvres que nous avons ana-
lysées sont très divers, les méthodes d'investigation dont on a
fait usage sont nombreuses et les appréciations portées sur la valeur
de ces travaux difi'èrent beaucoup entre elles ; malgré cela, nous
1. GeschÂchte der Rannischen Kaiserlegionen van Auguslus bis Hadrianus.
Leipzig, Teubner, 1881.
2. Hermès. Bd. XVI, 1881, p. 513-584.
ALLEMAGNE. '149
devons constater — et le doute n'est pas possible — qu'en somme la
critique, telle qu'on la pratique aujourd'hui en Allemagne, est en
bonne voie. De plus en plus elle se détourne des parties obscures,
pour lesquelles on ne peut puiser à aucune source sûre ; de plus en
plus elle s'efforce de parvenir à la vérité en alliant à un jugement
critique rigoureux, qui se défie des sources littéraires , une étude
approfondie et minutieuse de la langue, des monuments et des
inscriptions. Si d'un côté, grâce à cette méthode, le domaine de
l'histoire authentique est considérablement diminué en plusieurs
sens, de l'autre, cette perte est largement compensée par une cer-
titude plus grande des résultats acquis et des conclusions qu'on en
peut tirer, soit pour l'histoire de la civilisation antique, soit même
pour celle des peuples modernes soumis à l'influence des peuples
anciens dont ils sont issus.
Herman Haupt.
450 . CORRESPONDANCE.
CORRESPONDANCE.
LETTRE DE M. GLASSON, MEMBRE DE L'INSTITUT.
Monsieur,
Je Tiens de lire la notice que tous avez consacrée, dans le numéro mars-
aTril de la Revue historiqtief à mon oayrage sur Y Histoire du droit et des ins-
titutions de V Angleterre, tomes IV et V (et non pas III et IV) ^. Permettez-
moi de TOUS adresser mes remerctments, et aussi de tous présenter une obser*
Tation sur une critique importante et qui cependant n'est pas exacte. Voas
paraissez croire que mon travail a été fait avec rapidité, parce qu'en effet les
volumes se suivent à intervalle^ rapprochés. Cet ouvrage est terminé depuis
trois ans et auparavant j'y avais travaillé pendant dix ans. La preuve en est facile
à fournir : il a été couronné par l'Institut il y aura bientôt trois ans, et le
manuscrit y est déposé. Mais votre remarque n'aurait aucune importance, et
je n'aurais pas pris la peine de la relever, si elle ne vous conduisait pas à une
autre observation d'une tout autre gravité et qui motive ma lettre. Vous con-
cluez, de ce que vous avez dit, que mon ouvrage est une compilation qui
d'ailleurs offre l'avantage de faire connaître les principaux travaux anglais et
allemands sur la matière. Ceci demande a être relevé avec quelques explica-
tions. Chacune de mes parties contient un exposé historique rapide de l'état
de l'Angleterre pendant la période dont je m'occupe : je vous accorde bien
volontiers que ce chapitre de chaque partie est une œuvre de seconde main
et j'ajouterai même que je n'y attache qu'une importance tout à fait secon-
daire : je me suis uniquement proposé dans ce premier chapitre de rappeler à
grands traits les faits généraux de l'histoire pour éclairer le droit et les insti-
tutions. Je vous accorde aussi que le chapitre consacré dans chaque partie au
régime politique a été, en général, fait avec des auteurs, les sources anciennes
ra'ayant paru d'un secours insuffisant. Mais le droit civil, la procédure,
presque toute Vorganisation Judiciaire, le droit pénale c'est-à-dire, pour un
jurisconsulte, les parties les plus essentielles de l'ouvrage et qui prennent les
quatre cinquièmes de chaque volume, ont été exclusivement, uniquement
écrites d'après les sources; et pour citer les principales : le I* volume avec
les lois anglo-saxonnes publiées par Schmid ; le II* volume avec Glanville ; le
III* volume avec Bracton, Britton, la Fleta ; le IV* volume avec Littleton ; le
Y* volume avec Coke et Blackstone. Je vous prierai de vouloir bien vérifier
l'exactitude de ce que j'avance et j'attends de votre impartialité une rectifi-
cation lorsque vous aurez occasion de parler encore de mon ouvrage ; le plus
tôt sera le mieux.
Veuillez agréer, Monsieur, je vous prie, l'expression de mes meilleurs sen-
timents.
Glabson.
t. Il y a en effet ici une erreur. U aurait fallu dire, p. 371, ligne 23 : le
tome IV comprend la cinquième partie ; le tome V, la sixième et la septième
partie, etc. On lit d'ailleurs deux lignes plus haut : c Avec le troisième
volume, il est arrivé à l'avènement d'Edouard III ; deux nouveaux volumes
viennent de paraître... »
COREBSPONDIRCE. 45i
Je demande la permission de répondre à cette lettre en quelques
mots. Je n*ai jamais douté que Touvrage de M. Glasson ne fût le fruit
d un très long travail. Je me contenterai de faire deux remarques : la
première, c'est que la Bévue historique devait apprécier Touvrage de
M. Glasson surtout au point de vue historique. En second lieu, j'ai cru
devoir relever un procédé de travail pour le moins fâcheux. Que Ton
veuille bien comparer Glasson, t. JTV, pp. 67, 71, 75, 77, 80, 86, 100,
102 et suiv., avec Fischel, t. I, pp. 201, 225, 245, 247,212 ; t. H, pp. 19,
181, 225, etc., et Ton verra si le mot de « compilation » est juste. Je ne
l'aurais pas employé si M. Glasson n'avait omis de citer l'ouvrage auquel
il a fait de si larges emprunts. Ceci dit, je ne ferai que répéter ce que
j*ai déjà écrit à propos des 1. 1 et II {Rev, hist.y XIX, 105) : c Abondant,
précis, toujours clair, parfois original quand il traite du droit civil ou
criminel, de la procédure et des peines, de la condition des personnes
et des biens, M. Glasson prête davantage le flanc à la critique quand il
aborde le terrain plus proprement historique. » Il n'y a peut-être pas
en définitive une si grande différence entre les observations présentées
par M. Glasson dans sa lettre et les critiques que je me suis permises
dans le Bulletin,
Ch. Bémont.
LETTRE DE M. E. MICHAUD.
Monsieur le Directeur,
Si les critiques que vous avez jointes à vos compliments dans votre compte-
rendu du tome 1*' de mon ouvrage sur Louis XIV et Innocent XI ne portaient
que sur ma médiocrité personnelle, je serais heureux de garder le silence.
Hais elles frappent plus que moi et plus que mon ouvrage ; elles incriminent
les sources auxquelles j'ai puisé, et elles supposent la question de la critique
historique tranchée dans le sens d'un subjectivisme et d'un personnalisme que
je crois dangereux.
J'estime trop les lecteurs de la Revue historique pour ne pas vous deman-
der la permission de leur soumettre quelques observations, audiatur et altéra
pars.
1. Vous dites : c Au lieu de donner à son ouvrage la forme d'un travail éla-
boré et personnel, prétendant offrir le jugement définitif de l'histoire, il
aurait bien mieux valu que M. Michaud se contentât de faire une publication
analytique de la correspondance diplomatique de Rome pendant le pontificat
d'Innocent XI. » (Numéro de mars-avril 1883, p. 375.)
Or, à la première page de mon Introduction, je déclare précisément que mon
travail n'est ni complet ni définitif, mais simplement un travail préparatoire,
en attendant que la publication des archives des autres États et surtout du
Vatican permette d'écrire une histoire complète et définitive. Vous m'imputez
donc, Monsieur, une prétention que j'estime non moins que vous déplacée,
mais que j'ai formellement écartée. Je regrette que la première page de mon
ouvrage vous ait échappé.
Quant à faire la c publication analytique » dont vous parlez, je l'ai faite
forcément, en dépouillant les documents mêmes. Mais permettez-moi de vous
i 52 CORRESPONDANCE.
faire remarquer que les analyses de ce genre, quand elles prennent de telles
dimensions, ne trouvent que peu ou point de lecteurs. Si vous aviez pris la
peine d'ouvrir un des quatre-vingt-six volumes in-4* que j'ai dépouillés, si vous
aviez lu une seule des dépêches diplomatiques qui y sont contenues, vous
auriez vu qu'elle touche à dix ou douze questions différentes, et que, dans de
telles conditions, l'analyse que vous voulez bien me conseiller ne pourrait pro-
duire qu'un inextricable fouillis. J'ai fait ressortir cette difficulté, avec des
détails qui me paraissent péremptoires, à la page xi de mon Introduction. Je
regrette. Monsieur, qu'elle vous ait échappé ainsi que la première, ou du moins
que vous n'ayez pas daigné réfuter mes raisons.
2. Vous dites : c Dans les volumes suivants, M. Michaud étudiera, je pense,
les grandes affaires du pontificat d'Innocent XI. »
Or, à la dernière page de cette même IntroducUon^ je dis expressément :
c Cet ouvrage comprendra quatre parties, chacune formant un volume. La pre-
mière sera consacrée à peindre Innocent XI, sa curie, les intrigues de sa cama-
rilla et les mœurs de la ville sainte pendant son pontificat. La seconde traitera
de sa politique générale et de ses agissements contre la France. La troisième
exposera les affaires de Rome et de France de 1676 à 1689 ; et la quatrième,
les débats ecclésiastiques et théologiques pendant le même laps de temps. »
Avouez, Monsieur, qu'il m'était difficile d'être plus précis, et que votre j6 pense
m'autorise singulièrement à croire que vous n'avez pas plus lu ma dernière
page que ma première.
3. Vous dites de mon travail : « Il est composé exclusivement avec les cor-
respondances des agents diplomatiques de Louis XIV à Rome, pendant le pon-
tificat d'Innocent XI. C'est dire d'avance que la critique historique est absente
de ce livre, puisque les rapports d'hommes notoirement et passionnément hos-
tiles au pape sont pris comme source unique. »
Je me suis borné aux sources diplomatiques françaises, sans me douter, je
l'avoue, que ce qui était français de 1676 à 1689 dût le paraître si peu à cer-
tains Français d'aujourd'hui. Je m'étonne. Monsieur, que vous soyez aussi
sévère envers des hommes comme les Colbert, comme le duc et le cardinal
d'Estrées, comme le marquis de Pomponne, comme le marquis de Lavardin, etc.
Jusqu'à preuve du contraire, je persiste à croire que ces hommes, qui n'étaient
point des sots et qui voyaient les choses de près, les voyaient au moins aussi
bien que les critiques d'aujourd'hui, qui, pour la plupart, ne prennent même
pas la peine de les lire. Vous les condamnez d'un mot : c Ils étaient notoire-
ment et passionnément hostiles au pape I » C'est expéditif et fort commode. Je
m'étonne, Monsieur, que vous n'ayez point distingué dans leurs correspon-
dances les faits qu'ils rapportent d'après le témoignage même des amis du
pape et les doctrines qu'ils formulent. Libre à vous de suspecter leurs doc-
trines, bien qu'il serait encore mieux de les réfuter. Mais pourquoi un adver-
saire du pape ne mériterait-il aucune créance, quand il rapporte des faits et
qu'il cite des paroles défavorables au pape ? Vous accordez là à la papauté un
bien grand privilège, qui ne peut que la réjouir fort, en faisant admirablement
son jeu. Devant tout tribunal, les témoins à charge sont entendus aussi bien
que les témoins à décharge, et permettez -moi de trouver étrange que vous
biffiez d'un trait de plume et sans scrupule tous les témoins appartenant à
l'école gallicane.
Je sais bien qu'aujourd'hui la vogue n'est plus au gallicanisme, qui était l'es-
prit français d'alors ; mais je ne croyais pas que cette défaveur pût vous trou-
ver sensible à ce point. D'ailleurs, si vous voulez considérer de près les doc-
CORRESPOnfDANCE. 453
trines et les conseils de ces personnages que vous croyez si passionnés et si
liosUles au pape, vous verrez bien vite qu'au fond ils ont fait plus de conces-
sions que de résistance. Etrange passion, étrange hostilité que celles d'un
homme qui, se voyant attaqué dans ses libertés par le pape, ose se débattre,
se défendre, et finit par courber la tête sous les coups de l'agresseur I
En vérité, je me demande qui, d'après vos principes de critique, aurait le
droit d'écrire l'histoire de l'Eglise catholique. Serait-ce les amis du pape?
Non, puisqu'ils sont engagés dans la partie. Serait-ce ses ennemis ? Pas davan-
tage, pour la même raison. Quels sont donc les heureux mortels qui ne sont
ni amis ni ennemis du pape? Je ne les envie point; car l'indifférence que vous
leur supposez ne me paraît pas rehausser leur intelligence. Au fond, vous
semblez admettre comme premier principe de critique que, pour juger impar-
tialement un parti et pour en écrire correctement l'histoire, il faut ne lui
point appartenir. C'est dire qu'un républicain ne peut pas écrire l'histoire
d'une république, qu'un monarchiste i(e peut pas écrire l'histoire d'une monar-
chie, qu'un libre-penseur ne peut pas juger sainement la libre pensée^ et qu'un
philosophe, qui entend quelque chose en philosophie, ne peut être qu'un mau-
vais historien de la philosophie.
Je ne saurais, Monsieur, vous suivre dans une telle voie, et je maintiens
qu'on peut, sans manquer de critique historique, faire entendre la note fran-
çaise non moins que les notes antifrançaises.
Votre opinion personnelle est une autorité à mes yeux, sans aucun doute ;
mais, partisan avant tout de la méthode objective et persuadé que l'historien
impartial et exact est celui qui subordonne son opinion aux faits et non celui
qui plie les faits à sa propre opinion, j'ai le regret. Monsieur, de ne pouvoir
vous sacrifier aucun des documents que j'ai cités. Ils ne m'appartiennent pas
plus qu'à vous, et, quoi que vous en disiez, ils s'imposent à vous comme à
moi. Tai voulu rapporter ce qui a été dit et fait en France, d'après les docu-
ments diplomatiques des archives françaises, dans le grand combat entre
Louis XIV et Innocent XI; et vos critiques ne relèvent aucune erreur de ma
part.
Libre à vous de trouver mon ouvrage d'une digestion difficile. Gela dépend
de la qualité des estomacs. Il serait d'ailleurs impossible au lecteur le mieux
doué de se faire une idée exacte de cet ouvrage en s'en tenant à votre article,
qui n'indique même pas une seule des questions qui y sont traitées. Ce n'est
point un compte-rendu objectif que vous avez fait, mais un simple jugement
subjectif et personnel que vous avez prononcé. Vous avez fait connaître votre
pensée au lecteur, mais la question reste absolument intacte.
Le public jugera laquelle des deux méthodes renferme le plus de vérité his-
torique et partant de véritable critique.
Croyez, Monsieur, que, malgré cette profonde divergence de méthode et
d'appréciation, je reste votre humble et reconnaissant serviteur.
E. MiCHAUD,
professeur d'histoire à l'Université de Berne.
M. Monod répond plus haut à cette lettre, en rendant compte des
tomes II et III do l'ouvrage de M. Michaud; voy. p. 109.
454 COMPTBS-HEIIDUS CRITIQUES.
COMPTES-RENDUS CRITIQUES,
ScHiAPAAKLLi. Lesioni solla etnografla dell* Italia antica. Turin,
Loescher, ^878, in-8*, 56 pages-, — I Pelasgi neU' Italia antica,
lettnra fatta nella seduta délia classe di scienze storiche e
fllologiche dei 2 e 16 marso 1879, stemperia reale de Torino,
4879, in-8*^, 55 pages; — I^ stirpi ibero-liguri neir Ocoidente
et nell* Italia antica. Torino, stemperia reaie, 4880, 443 pages.
— Bernhard Heisterbergk. Ueber den namen Italien, eine his-
torische Untersnchnng. Freiburg im Breisgau und Tiibingen,
Mohr et Paul Siebeck, 4880, in-8% 466 pages.
La thèse de M. Schiaparelli est que les Ligures sont le peuple histo-
rique le plus ancien de l'Italie, qu'ils arrivèrent d'Occident, qu'ils sont
de race ibérique et que les Ibères sont identiques aux Libyens. Il ajoute
que les plus grands hommes vivants ou morts de l'Italie du xix" siècle
sont d'origine ligure. Je me bornerai à mentionner cette dernière opi-
nion qui nous fait sortir du domaine de l'histoire ancienne. Quant au
reste des doctrines de l'auteur, il est exposé avec beaucoup de clarté et
défendu avec une science incontestable. En voici un exemple : les
savants qui se sont jusqu'ici occupés de recueillir les débris de la langue
des Ligures ont cité le passage de Pline où il est dit que suivant Métro-
dore de Scepsis le P6 dans la langue des Ligures s'appelait Bodinau*.
Mais une circonstance 6te à ce passage une grande partie de son auto-
rité. Métrodore de Scepsis paraît avoir vécu de l'an 145 à l'an 70 avant
notre ère*. Il aurait eu vingt-sept ans environ à la mort de Polybe,
128 avant notre ère. Or la doctrine que Pline attribue à Métrodore pour-
rait bien n'être autre chose qu'une reproduction défectueuse d'une indi-
cation que nous devons à Polybe. Dans le chapitre 16 de son livre U,
Polybe, après avoir parlé des Ligures, fait une description du Pô de la
source à l'embouchure, et il ajoute : les indigènes appellent ce fleuve
Bodencus : wapa ye \L^>f tôt; vfx'^ploiç à -ïtotapLo; icpodayopeuetai B6ô«pto;'.
Suivant Pline, Metrodorius Sceptius dicit Ligurum quidem lingua
amnem ipsum Bodincum vocari, quod significet fundo carenlem. Il est
permis de supposer que Ligurum lingua est simplement une traduction
un peu trop hardie du icapà toTc èyx^9^oiç de Polybe et que par consé-
t. Pline, livre III, § t22.
2. Fragmenta histaricorum graecorum, t. III, p. 203.
3. Edition Didot, p. 249, col. 2.
mSPOOLET : LES HfSTITVTIONS POLITIQUES DES BOMIINS. 455
queat le nom des Ligures a été introduit arbitrairement dans une obser-
vation géographique dont elle était originairement absente. Je suis
moins satisfait du passage où, citant un vers attribué à Hésiode par
Strabon, livre VU, ch. m, § 7 :
AlOfoicctc Te Aiyyjç xt iSk SxuOa; tnirQ{i.oXYO^c S
M. Schiaparelli affirme qu'au lieu de Aiyy^ ts il faut lire Ai6uac. Quelques
détails un peu précis sur les leçons que les manuscrits nous offrent
n'auraient pas été hors de propos. — M. R. Heisterbergk suppose que
le nom dltalus d'où vient Italia est identique à Itanos, nom d'origine
phénicienne, porté dans l'antiquité par une ville de Crète. Le nom
d'Italie rappellerait, à l'insu de tout le monde, le souvenir d'une coloni-
sation phénicienne dont toute autre trace aurait disparu.
H. d'Arbois de Jubainville.
MiSPOULET. Les institutions politiques des Romains. — Tome I*'.
La Constitution. — Paris, Pedone-Lauriel, \ 882, in-8^ de 390 p.
Ce livre n'est pas sans mérite. Il est sérieusement fait, d'après les
sources anciennes aussi bien que d'après les ouvrages modernes : sur
chaque point il contient l'essentiel, et les candidats à la licence le con-
sulteront avec fruit. Il traite de l'organisation des pouvoirs publics
depuis les origines de Rome jusqu'à la fin de l'empire; un second volume
sera consacré à l'administration proprement dite.
M. Mispoulet divise son sujet en trois périodes : la royauté, la répu-
blique et l'empire. La distinction semble toute naturelle; au fond elle
est factice. Il y a une très grande différence entre les institutions de
Rome vers l'année 500 et celles qui étaient en vigueur au temps de
Gicéron. Pourquoi dès lors les confondre ? Il eût mieux valu, à mon
sens, que l'histoire intérieure accompagnât l'exposé de la constitution
politique, du moins dans la mesure où il était nécessaire pour faire com-
prendre celle-ci. On eût ainsi subdivisé en trois parties la période de la
république : !• Depuis l'année 509 jusque vers 300, lutte entre les deux
ordres et modification lente de la constitution. 2^ De l'année 300 à l'an-
née 150, état à peu près stationnaire de la constitution; c'était le
moment de la décrire en détail. Z^ Des Gracques à Actium, histoire
de la chute de la république ; dernier état de la constitution républicaine.
M. M. déclare qu'il a surtout suivi les auteurs allemands. Il a eu rai-
son de mettre à profit leurs recherches. Mais les services qu'il a reçus
d'eux l'ont peut-être rendu injuste pour les travaux français. Parmi ces
derniers, il y en a beaucoup qu'il ne connaît pas ou dont il ne tient pas
assez grand compte. Croirait-on par exemple que dans tout l'ouvrage
1. Deuxième édition Didot, t. I, p. 79.
456 COMPTES-RENDUS CRITIQUES.
le nom de M. Fustel de (boulanges est cité, sauf erreur de ma part, une
seule fois, et encore dans une petite note de ia préface? Serait-ce par
hasard que cet admirable livre, la Cité antique^ ne serait point arrivé
jusqu'à M. Mispoulet ? Ou bien faut-il penser que, sans en ignorer l'exis-
tence, M. M. le trouve dépourvu de valeur ? On peut ne point partager
toutes les vues de M. Fustel de Coulanges ; mais ses ouvrages, par un
privilège rare, sont de ceux qui font réfléchir, et ils renferment une
multitude de faits et d^dées qui n'étaient pas indignes de l'attention
de M. M. Quelques-unes de ses théories sont d'ailleurs assez célèbres
pour mériter une mention^ et, quand il y a lieu, une réfutation som-
maire.
Le malheur est que M. M. tranche les questions plus qu'il ne les dis-
cute. Dès que son opinion est faite, les objections n'ont aucune prise
sur lui, et il rejette trop promptement les plus sérieuses. Il est sans
doute convaincu depuis longtemps qu'il y avait des sénateurs plébéiens
à l'origine môme de la république. M. Willems est ensuite survenu,
qui s'est efforcé de démontrer que le Sénat a été exclusivement patri-
cien jusque vers l'an 400. Je ne prétends pas que M. M. fût obligé aussi-
tôt de se ranger à son avis ; du moins aurait-il dû étudier de près son
argumentation, qui est très solide; il se contente de l'étrangler en
quelques lignes au bas d'une page. Je ne cite que cet exemple ; j'en
pourrais citer d'autres encore. Chaque fois qu'il est en présence d'une
question controversée, M. M. affirme, sans toujours prouver. Parmi les
solutions courantes, il en choisit une, qui parfois est en effet la plus
vraisemblable ; mais, à l'entendre, on dirait qu'il en est l'auteur. Dans
d'autres cas, il en apporte une qui est originale, mais, au lieu de l'in-
troduire timidement comme une simple hypothèse, il la pose carrément
comme l'expression môme de la vérité. Plus de prudence siérait mieux,
je crois, à un débutant*.
Paul GUIRAUD.
Die Ansbreitnng der lateinischen Sprache flber Italien und die
Provinzen des rœmischen Reiches, von Dr. Alexander Budinskt,
Professor an der Universitaet Czernowitz. Berlin, Wilhelm Hertz,
^ HSi , in-8% vii-267 pages.
Cet ouvrage est divisé en treize chapitres, consacrés chacun à une
partie de l'empire romain : 1® Italie et îles italiques; 2* Espagne;
3» Gaule; 4® Bretagne; 5* Helvétie; 6^ Germanie romaine; ?• Vindô-
licie, Rhétie et Norique ; 8o Pannonie ; 9« Illyrie et Dalmatie ; 10* Macé-
doine et Thrace; 11* Mésie et Dacie; 12o Grèce et Orient; IS» Afrique.
1. Je ne parle pas des fautes d'impression ; elles sont innombrables. Onpent
voir page 46, note 2^ un exemple de la manière dont les textes grecs sont
altérés.
BBIXGIIIBIBR : PRIKTISGHBS HINDEUCH DER HISTOB. CHBOlf . A 57
Au début de chacun de ces chapitres l'auteur expose en quelques mots
par quelle population était habité, au moment de la conquête romaine,
le pays dont le nom forme le titre de ce chapitre; puis il raconte la con-
quête, enfin il réunit les indications directes ou indirectes que les écri-
yains romains, les inscriptions antiques, leé monnaies fournissent sur
la diffusion de la langue latine dans la partie de Tempire romain dont
il s'agit. Ainsi dix-sept pages sont consacrées à l'Espagne : les deux
premières traitent des populations de l'Espagne antérieurement au
milieu du troisième siècle avant notre ère : Ibères, Celtes, colonies
phéniciennes; en deux autres pages M. B. résume la conquête momen-
tanée de la presqu'île par les Carthaginois, l'arrivée des Romains et la
guerre sanglante qui en un espace de douze ans détruisit définitivement
la domination carthaginoise dans la péninsule ; puis viennent les guerres
soutenues par les Romains contre les peuples d'Espagne qui préten-
daient rester indépendants et qui sont finalement subjugués, trois pages ;
Torganisation administrative et les colonies établies en Espagne par les
Romains, quatre pages. C'est après ces préliminaires, incontestablement
nécessaires, que l'auteur arrive à ce qui fait à proprement parler son
sujet, écoles latines établies dans le pays, auteurs latins qu'il a produits,
renseignements do toute sorte que nous avons sur le maintien des dia-
lectes locaux, etc. M, B. donne en note une grande partie des textes
sur lesquels il s'appuie, renvoie exactement aux autres. Son plan est
bien conçu; son exposition, claire; son livre est un bon résumé fait
avec science et talent, qu'on lira avec plaisir et profit. Mais je ne crois
pas qu'on y trouve beaucoup de résultats nouveaux.
U. d'Arbois de Jubainville.
Praktlsches Handbuch der historisclien Chronologie aller Zei-
ien nnd Vœlker, besonders des IHittelalters, von Dr. Eduard
Belngkmeieb. Berlin, Hempel, 4882, 2'' éd., xxiy-504 p.
Le livre de M. Brinckmeier est sans contredit un bon manuel pra-
tique de chronologie, surtout pour le moyen âge ; les indications théo-
riques et historiques y sont rangées de manière à en rendre Tétude
facile et méthodique. Sans doute Tœuvre magistrale des Bénédictins,
ÏÀrt de vérifier les dates, a servi de base au travail de M. B., comme il
doit arriver pour tout ouvrage semblable ; il faut même ajouter que le
Handbuch der histor, Chron. de H. Grotefend (Hanovre, 1872) n'a pas
été sans influence sur le nouveau manuel de M. B. ; mais en plus d'un
passage on constate que Fauteur a travaillé, comme il le dit lui-même,
d'après ses propres recherches.
Le livre est divisé en six parties : I. Introduction où sont données
les indications astronomiques et techniques sur la division du temps.
IL Ères et époques employées par les divers peuples de l'antiquité et
458 COMPTBS-BBNDUS GBITIQUBS.
de répoqae moderne, m et IV. Des calendriers en vigueur au moyen
ftge; travaux préparatoires et application de la réforme grégorienne.
V. De la manière de commencer Tannée dans les divers pays. VI. Tables
de recherches pratiques; elles occupent la majeure partie du volume.
De ces tables, les unes permettent de déterminer les dates du calen-
drier et des divers computs chronologiques ; les autres sont des listes
chronologiques des empereurs et des rois de Germanie, des rois de
France et d'Angleterre, des papes, des consuls romains, des conciles de
l'Eglise; en dernier lieu se trouve un commode tableau synchronique
des divers souverains de l'Europe qui ont régné dans le même temps.
Il est inutile d'insister sur l'utilité de ce manuel. Les problèmes de
chronologie pour ceux qui étudient le moyen âge sont si fréquents et
si complexes qu'il faut toujours savoir gré à ceux qui cherchent à en
rendre la solution plus courte et plus rapide ; il le faut d'autant mieux,
si le livre qui doit servir de guide est, comme celai de M. B., composé
avec conscience et avec zèle.
On pourrait faire quelques réserves sur l'arrangement général,
noter certaines lacunes, ainsi dans les listes des souverains, et cer-
taines inutilités, telles que la table des éclipses du soleil et de la lune,
désirer une méthode plus simple pour certaines recherches : je m^pelle
à ce sujet le modeste opuscule de M. G. Garraresi (Cronografia générale,
Florence, 1875), dont j'ai déjà parlé dans la Revue historique (I, S47),
et dont une expérience répétée m'a fait toujours apprécier davantage
Futilité, l'exactitude et l'excellent arrangement. Je préfère cependant
présenter quelques observations particulières.
Relativement à la naissance du Ghrist et à son rapport avec le début
de l'ère vulgaire, l'auteur aurait pu consulter avec profit un mémoire de
John Bond, The Christian era, inséré au 1. 1» des Transactions of the his-
torical Society (Londres, 1875), et qu'il ne cite pas. — On s'étonne surtout
que, pour l'histoire du calendrier grégorien, il ignore les importants
travaux de Ferd. Kaltenbrunner. — Sur l'indiction constantinienne ou
césarienne, qui commence le 24 septembre, il faut remarquer que, en
Italie, comme dauis les autres pays, où cette indiction fut employée, on
la fait généralement commencer trois mois et sept jours avant le com-
mencement de l'année commune ; à Gênes au contraire, le cycle des
indictions, bien qu'elles commencent le 24 septembre, retardait d'une
année par rapport au comput césarien, et par conséquent de huit mois
et vingt-quatre jours quant à l'année commune : ce fait ressort d'un
passage de Johannes de Janua cité par M. B., p. 38; mais il n'a pas
ensuite bien éclairci cette différence de la méthode génoise, qui cons-
titue un fait isolé dans le calcul commun de l'indiction césarienne. — Ge
calcul des indictions, dit M. B., s'est substitué à celui des olympiades, qui
cesse en 394, et sur lequel il donne d'exacts renseignements, p. 11. Mais
il importe d'ajouter que, même au moyen âge et jusqu'au x« siècle, on
trouve des exemples, surtout en France, de l'emploi des olympiades; seu-
lement, elles n'ont rien à faire avec les olympiades grecques; c'était une
fomns lEum bbenehsium. 459
fiiçon de calculer les années du prince régnant, en les divisant par
périodes de quatre en quatre ans. c Ainsi (dit le Nouv. traité de diplom,,
IV, 703), la seconde année de la cinquième olympiade de tel roi signi-
fiait la dix-huitième de son règne. » A ce propos, outre Du Gange et le
Nouv. traité de diplom., il me parait bon de rappeler les Etudes sur la
chronologie des rois de France et de Bourgogne, d'après les diplômes
et les chartes de Tabbaye de Gluny, publiées par M. A. Bruel, dans la
Bibl, de l'Ec, des chartes^ t. XLI : l'auteur cite deux pièces de Tan 856,
datées de la première olympiade du roi Lothaire, c'est-à-dire de son
premier quadriennium, Tannée 856 étant la seconde du règne de ce roi.
— Il est inexact que la réforme grégorienne du calendrier ait été intro-
duite en Toscane c en 1749 ou en 1751 » (p. 86) ; elle y fut acceptée
Tannée même de la réforme, et proclamée à Florence le 20 juin 1582,
par ordre du grand duc, qui avait pris un grand intérêt à cette réforme.
Ce qui se passa en 1749 ou 1751 est tout autre chose : on ramena les
divers styles employés pour le commencement de Tannée dans les diverses
localités de la Toscane au style commun du {^ janvier; cette réduction
fut ordonnée le 20 novembre 1749 par arrêt de François de Lorraine,
empereur et grand-duc de Toscane.
CSesare Paoli.
Fontes remm bemensinm. Berns Geschichtsquellen. — Berne,
J. Dalp. T. II, ^877; t. III, ^880, in-8^
Quoique Berne possédât déjà le vaste recueil diplomatique de
K. Zeerleder, publié de 1833 à 1855 en quatre volumes in-4o, les
Fontes rerum bcrnensiwn ne seront pas moins les bienvenues. Réduit
surtout à des cartulaircs, dont les transcriptions ne répondaient plus
aux exigences actuelles de la critique, Zeerleder a do plus ignoré au
moins la moitié des documents qu'il aurait fallu pour remplir son
cadre. Aussi le chancelier d'État du canton de Berne, M. Maurice de
Btûrler, qui avait procuré naguère à feu M. Trouillat le moyen de
publier ses Monuments de Vancicn évéché de Bdle^ a-t-il pensé avec rai-
son qu'il rendrait service aux études, en reprenant la tâche que son
prédécesseur n'avait pas poussée au delà de Tannée 1300, et en la pour-
suivant jusqu'en 1537.
Les deux volumes annoncés plus haut comprennent les années
1218 à 1299. Cette période a pour Thistoire de Berne une importance
exceptionnelle. C'est en 1218 que la mort de son fondateur, Berthold V
de Zshringen, recteur de la Bourgogne transjurane, remit la ville dans
Timmédiateté de l'Empire, au moment même où Frédéric II allait
reprendre la lutte héréditaire de sa famille avec le Sacerdoce. Pendant
l'anarchie qui désorganisa l'Empire et qui donna le signal à toutes les
entreprises contre le droit, il devint nécessaire de consacrer par des
actes les anciens us et coutumes, qui jusque-là avaient à la fois réglé
460 COMPTBS-BBNDUS CRITIQUES.
les contrats privés et le pacte social. On conçoit dès lors l'intérêt que
présente, pour toutes les branches de Thistoire, un recueil qui a Tam-
bition de ne négliger aucun des documents relatifs à la ville de Berne
et aux territoires qui lui furent soumis plus tard.
Cependant, malgré sa querelle avec Rome, le premier soin de Tem-
pereur Frédéric U fut de rattacher plus fortement la jeune commune à
FEmpire. Parmi les actes de son règne, M. de Stûrler ne compte pas
le statut municipal de 1218, qui n'est, à ses yeux, qu'un faux diplôme,
fabriqué après Tavènement de Rodolphe de Habsbourg, pour obtenir
de ce prince la confirmation des droits et des coutumes qui étaient
entrés en vigueur dans le cours du siècle. Par contre il est certain que
Frédéric retira le droit de patronage sur la paroisse de Berne aux
Augustins de Koeniz, qui pactisaient avec le saint-siège, pour le trans-
férer à l'ordre Teutonique qui était tout dévoué à l'Empire.
Plus tard, quand la mort du jeune Conradin eut légitimé l'élection
de Guillaume de Hollande, le nouveau souverain ne se montra pas
moins sympathique pour Berne que Frédéric II. Hors d'état de la pro-
téger contre les visées des comtes de Kibourg, il moyenna du moins un
rapprochement avec la maison de Savoie, dont la protection l'empêcha
d'être annexée aux possessions des comtes de Habsbourg, héritiers des
Kibourg. L'avènement de Rodolphe comme roi des Romains, en 1273,
remit Berne dans la dépendance de l'Empire ; seulement ces popula-
tions se lassèrent bientôt de son joug, et sans que les volumes des
Fontes aillent jusque-là, on voit néanmoins poindre les premières
alliances entre les cantons primitifs, qui devaient, quelques années
plus tard, définitivement affranchir la commune.
Non seulement M. de Stûrler n'a négligé aucun document ayant
directement rapport avec l'histoire politique de Berne, mais il a encore
inséré dans son recueil les constitutions, les rescrits et les autres actes
généraux du pouvoir souverain, qui ont eu force de loi dans ces pays.
Le retard qu'éprouva la publication du premier volume n'a même
d'autre cause que le souci de donner de la loi des Burgondes un texte
absolument au courant des derniers travaux de la critique.
Pour l'histoire du droit privé à une époque où il était surtout régi
par la coutume, on ne peut guère l'étudier que par ses applications.
M. de Stûrler a rendu un grand service en insérant dans les Fontes de
précieux matériaux sur les rapports des tenanciers avec le seigneur
direct, des vassaux avec le suzerain (II, 602 ; Kl, 603) ; sur les cours
d'eau (H, 78, 668, 675); sur les Allmend (II, 703; HI, 515, 579). Dans
une constitution d'emphytéose de 1293, le bailleur transmet au fermier,
avec le fond, sa part à la jouissance commune des forêts, des pâturages
et des eaux. Gela ne s'accorde guère avec l'opinion qui prétend qu'a-
vant les communes le seigneur était seul propriétaire de VAllmend, Ge
qui n'est pas moins significatif, c'est de voir figurer dans des actes
de 1236 (II, 153), de 1270 (H, 680), de 1293 (lU, 560), de 1299 (lU, 730,
734) des manses d'un caractère absolument allodial, et par conséquent
SGHULTZ : DAS H0BFI8GHE LBBEN ZOR ZBIT D. MINNESINGER. 461
plus anciens que les manses de la directe de TEmpire, dont il est
question notamment dans un titre de 1229 (II, 89) ou tenus autrement
en fief. On sait que le mansus ou hube germanique, c'est le corps de
bien, la terre arable partagée à divers titres entre les habitants, par
opposition à Vallmend qui était indivis ; quand ils le possédaient comme
franc-alleu^ il n'est pas possible de faire de ces propriétaires de simples
colons, des gens de main-morte, et il faut bien admettre qu'il existait
dans ces pays frontières, traversés par tant de races et d'institutions,
des corps moraux indépendants des communes, qui se sont formées
contre la féodalité et susceptibles de posséder des biens à usage com-
mun bien avant le régime féodal. L'avènement des communes, qui,
dans ces contrées, se sont surtout développées par l'accession des
hommes de métier à l'antique organisme colonger, n'a fait qu'en
étendre la jouissance à un plus grand nombre d'usufruitiers, quand les
usages primitifs ne s'étaient pas arrogé sur Vallmend un droit de pré-
ciput, ou ne se l'étaient pas autrement réservé ou approprié.
Une autre série de documents de 1269 (II, 675), de 1272 (III, 26), de
1273 (m, 40), de 1287 (lU, 445), de 1293 (HI, 572), de 1294 (lU, 692),
de 1299 (III, 731) nous montre le servage encore en pleine vigueur : on
donne, on vend les serfs de corps, on traite de leurs mariages, quand ils
appartiennent à deux maîtres différents, et on se partage leurs enfants.
Une seule fois on les affranchit : c'est un prévôt de Téglise d'Ânsol-
tingen qui, d'accord avec ses frères, les nobles de Wœdiswil, rend la
liberté aux enfants qu'il avait eus d'une dame Lutgarde d'Uebischi et
que leur naissance illégitime réduisait à la condition servile.
Par ce peu d'exemples, on peut juger de l'intérêt qu'offrent les Fontes^
môme pour l'histoire générale. Quant à la transcription des documents,
que M. do Stûrler nous garantit fidèle, tout ce que j'en puis dire, c'est
que nulle part à la lecture il ne vient de doutes sur leur parfaite cor-
rection. La seule observation que je me permette, c'est qu'à l'exception
des textes que l'éditeur a empruntés à des recueils antérieurs, il n'a pas
jugé nécessaire d'indiquer ceux que d'autres travaux diplomatiques
avaient fait connaître avant lui. C'est une lacune qu'il y a lieu de
regretter.
Alwin ScHULTz. Das hoeflsche Leben sur Zeit der IHiimesiiiger.
2**'Bd. Leipzig, Hirzel, 1880, 463 p. in-8^
Si l'on s'attendait à un ouvrage présentant de la société aristocra-
tique du XI i® et du xm« siècle un tableau à la fois exact et vivant, —
si l'on cherchait un historien qui non seulement connût les détails de
l'histoire du moyen âge, mais qui encore fût entré dans sa vie, qui
eût pénétre les sentiments, les aspirations, les passions qui l'agitaient,
ce n'est pas, il faut bien en convenir, au livre de M. Sch. sur la société
chevaleresque au temps des Minne^inger qu'il faudrait s'adresser, et
ReV. HiSTOR. XXII. l^*"* FASC. Il
162 GOHPTBS-RENDUS CRITIQUES.
le second volume réserverait à cet égard une déception encore plus
grande que le premier.
Si Ton se contente, au contraire, d'avoir dans sa bibliothèque un
ouvrage qu'on puisse consulter sur une foule de questions se rattachant
à répoque des croisades, — si l'on demande un auteur qui connaisse à
fond les poésies des troubadours, des trouvères, des Minnesinger, les
chansons de geste françaises et provençales, les épopées composées en
haut ou en bas-allemand, un érudit qui ait compulsé les historiens,
étudié les monuments de Tarchitecture, de la sculpture et de l'icono-
graphie, on trouvera dans le livre de M. Sch. des renseignements nom-
breux et variés, qui permettront, sinon de recueillir un jugement tout
fait, du moins de se faire soi-même une opinion sur une foule de ques-
tions touchant à cette époque. Le second volume tiendra largement ce
qu'avait promis le premier.
Sur les armes, sur les tournois, sur le duel judiciaire, sur la compo-
sition des armées, sur la marine, sur les sièges des places fortes, sur
l'ensevelissement des morts, ce second vol. réunit les détails les plus
circonstanciés, appuyés de citations des poètes, de récits des chroni-
queurs, de proclamations et de règlements des souverains, de 136 gra-
vures sur bois empruntées, en grande partie, aux ouvrages les plus
autorisés, d'une table alphabétique enfin, qui rend facile les recherches
et fait du livre de M. Sch. une source de documents aussi intéressants
qu'utiles pour les érudits comme pour les simples curieux des choses du
moyen âge.
C'est une source de documents, disons-nous, mais ce n'est pas le
livre que faisait espérer le titre. Non seulement nous y regrettons l'ab-
sence de chapitres importants, traitant d'une façon plus complète qu'il
ne le fait du rôle de la femme dans la société, de l'action des poètes,
de l'influence réciproque exercée, au temps des croisades, par les divers
peuples les uns sur les autres; nous y regrettons surtout l'absence
d'idées générales sur l'époque traitée. Et quand nous parlons d'idées
générales, nul ne nous soupçonnera de demander une énumération de
lieux communs, couvrant le vide des idées au moyen d'une rhétorique
surannée — et de quelle époque de l'histoire les lieux communs et la
rhétorique ont-ils fait plus insolemment leur pâture que du moyen âge?
Mais du moyen âge, et surtout de l'époque brillante qui nous occupe, se
dégagent des pensées dont un historien devait être frappé.
Il n'y paraît pas dans le livre do M. Sch. ; il n'est pas pensé.
Est-il, du moins, une source absolument sûre, rien qu'au point de
vue des informations qu'il nous donne ?
Déjà dans l'examen que nous avons fait du premier vol. nous avons
dû signaler la complaisance étrange avec laquelle M. Sch. accepte,
comme documents très autorisés, les descriptions et les récits des poètes.
Il reconnaît, il est vrai, dans le vol. qui nous occupe, que l'imagina-
tion des poètes a dû avoir une certaine part dans leurs assertions (p. 18)
et il veut bien admettre que l'acier dont il est question dans le Wiga-
SCHULTZ : DIS HOEnSCHB LEBEN ZUR ZKIT D. MINIIBSIXGER. 463
lois de Wimt de Graveoberg ne venait peut-être pas de Tlnde (p. 22) ;
mais le plus souvent il croit ses auteurs sur parole et, pour ne citer
qu'un exemple, il admet sans hésiter que les armes d'Ortnit valaient
50,000 marcs qui représentent 2 millions do marcs actuels ou 2 mil-
lions et demi de francs (p. 66).
Signalons, en passant, un point de détail qui parait lui avoir échappé.
Il établit, par force raisons, que la brogne était composée vraisembla-
blement de plaques ou d'anneaux d'acier, cousus sur une sorte de pour-
point en cuir, tandis que le haubert consistait en une tunique formée
d'anneaux à mailles (p. 27). Cette explication ne s'accorde pas avec un
passage d'Âye d'Avignon que M. Sch. cite lui-même dans une note, à
propos d'une autre question, et où il est dit : a mailles H trancha de sa
broigne safrée. > M. Sch., qui a raison au fond, a oublié d'ajouter qu'au
temps de Philippe-Auguste, comme le remarque M. Quicherat, les
termes de brogne et de haubert étaient devenus synonymes. Nous n'in«
sistons pas, parce que le plus souvent les faits énoncés sont contrôlés
par M. Sch. avec le plus grand soin et méritent une entière confiance.
Les ouvrages de seconde main sur lesquels il s'appuie sont en grande
partie les mêmes que ceux qu'il invoque dans son premier vol. Gomme
dans celui-ci, il rappelle souvent les deux ouvrages de M. VioUeULeduc ;
mais, en citant le Dictionnaire du mobilier, il a soin d'ajouter qu'il
est nécessaire d'en user avec circonspection. Nous ne lui savons pas
mauvais gré de l'avoir dit ; nous aurions même voulu qu'il en usât avec
un peu plus de réserve dans le premier vol.
Il cite encore, avec les plus grands éloges, l'ouvrage de M. Demay
sur le Costume au inoyen âge d'après les sceaux. Nous n'avons garde
de combattre l'enthousiasme de M. Sch. pour l'ouvrage de M. Demay ;
mais nous avouons qu'il en a fait, selon nous, un usage abusif. Que
M. Demay ait essayé d'enrichir l'histoire du costume par une étude
minutieuse des sceaux, c'est une entreprise originale et souvent utile.
Mais le livre de M. Sch. a une portée plus étendue, et ce dernier parait
avoir, au commencement de notre volume, trop sacrifié non seulement
les documents écrits, mais encore les renseignements que fournissent
la statuaire et les miniatures aux données moins complètes et surtout
moins probantes qu'il pouvait trouver dans la sigillographie.
Nous regrettons l'absence trop fréquente de jugement et la faiblesse
de composition que nous avons déjà dû relever dans le premier vol.
Après s'être donné beaucoup de peine pour lire les auteurs anciens et
modernes, qui pouvaient lui fournir des matériaux, après avoir com-
pulsé avec un soin infiniment louable les renseignements les plus divers,
M. Sch. s'est contenté de grouper ses notes, tant bien que mal, dans
un certain nombre de chapitres ou d ébauches de chapitres.
Gelui qui voudra refaire, après M. Sch., le tableau de la société aris-
tocratique au xif et au xni« siècle, y trouvera des matériaux nombreux
et intéressants. Peut-être M. Sch. se déciderà-t-il, dans une nouvelle
édition ou dans un nouveau travail, à refondre et à repenser l'ouvrage
464 COMPTES-EEIfDUS CRITIQUES.
dont nous signalons le second vol. Mais, avec son ignorance des règles
de la composition, avec la difficulté qu'il a de voir les questions autre-
ment que dans le détail et de dominer son sujet, nous doutons qu'il y
réussisse.
A. Lange.
Storia politica d*ltalla. — Storia délie signorie italiane dal 1313
al 1530, narrata da Carlo Gipolla. i vol. gr. in-8® de 973 p.
Milan, Francesco Yallardi; 4884.
Nous avons eu occasion de dire, à propos d'un autre ouvrage, qu'il y
a en Italie deux écoles historiques, l'une qui s'en tient aux banalités
déclamatoires de la rhétorique, si chères au bon vieux temps; l'autre
qui s'inspire des méthodes nouvelles et vise à l'exactitude, à la critique
plus qu'à l'éloquence : celle-là rappelant la vieille école française dont
elle a singulièrement exagéré les défauts, celle-ci relevant de la nou-
velle école allemande, dont elle a su en partie éviter les défauts et prendre
les qualités. Si ces deux écoles se sont fait quelque temps équilibre, la
déroute est complète aujourd'hui pour les historiens de la phrase ; leurs
rivaux triomphent sur toute la ligne, tiennent partout le haut du pavé.
L'ouvrage dont ou vient de lire le titre se recommande par les mérites
sérieux qui ont assuré cette victoire. Il appartient à une collection qui
embrasse ou se propose d'embrasser toute l'histoire politique d'Italie,
et il s'en est adjugé une bonne part, puisqu'il l'expose dans la période
du moyen âge la plus pleine, la plus riche en documents, de la mort
d'Henri VII de Luxembourg (1313) à la chute de Florence (1530). L'au-
teur, M. Carlo Cipolla, est un esprit exact, instruit, qui a su donner à
un manuel l'importance d'un livre. Le mot de manuel serait, en eËTet,
presque une injustice, comme il est une invraisemblance, appliqué à
un ouvrage si volumineux, de si grand format et d'une justification si
serrée. Il n'y a que Voltaire pour appeler portatif son Dictionnaire
philosophique en neuf volumes. M. Cipolla qui est grave, qui ne
rit et ne plaisante jamais, fait une histoire, et il veut qu'on le
sache. Il écrit de ce style terne et sans couleur si commun aujour-
d'hui parmi les enfants du pays de la lumière; mais il est net,
clair, précis, plein de modération, de justesse, de sens, tout à fait
dans le ton qui convient au genre historique. Les faits rapportés le
sont, en général, avec une grande exactitude : voilà la seconde fois
déjà que ce mot revient sous ma plume, et je ne le retire point, car il
n*en est aucun qui caractérise mieux notre auteur. Ce n'est pas un
faible éloge dans un ouvrage qui embrasse tant de matières, qui puise
à tant de sources, que de remonter aux sources originales, que de les
citer sans relâche et, le plus souvent, avec précision. A cet égard pour-
tant je ferai quelques réserves : 1* Les indications données, toujours
suffisantes pour ceux qui savent, pourraient bien être insuffisantes pour
ceux qui, ne sachant pas, seraient curieux des originaux ; 2® certains
ClPOLLi : 8T0RIA POLITICA d'ITILIA. 465
originaax n*ont pas été consultés ou, du moins, ne sont pas cités, par
exemple les Mémoires de Boucicaut, qui ont leur importance ; 3* cer-
taines publications très récentes ne paraissent pas avoir été connues :
ainsi le jeune docteur Pellegrini, qui a écrit sur Cosimo TAncien des
pages très étudiées et publié d'utiles documents ; les travaux de MM. Dur-
rieu et Delaviile Le Roulx, dans la BibL de l'École des cliartes, sur des
points particuliers de Thistoire d'Italie ; le cardinal Bessarion de M. Vast,
sur les conciles de Ferrare et de Florence; les quatrième et cinquième
volumes de VHistoire de Florence par M. Perrens, lesquels ont paru déjà
depuis trois ans ; M. GipoUa ne connaît que les trois premiers. Mais on
ne saurait lui en faire un reproche, à cause du temps considérable qu'a
dû réclamer l'impression. C'est le plus véniel de tous les péchés, si c'en
est un, que de reculer devant des cartons pour profiter des publications
nouvelles, ou pour montrer du moins qu'on les a connues.
Ce qui est plus regrettable, c'est que, dans un ouvrage de cette dimen-
sion, où il est parlé de tant de villes et d'États dont l'histoire est fort
emmêlée, où Ton est obligé soit de se répéter, soit, si l'on en veut évi-
ter l'ennui, de renvoyer à ce qu'on a dit précédemment, il n'y ait pas
l'ombre d'un index. Nulle part un index n'eût été plus nécessaire. Je
sais bien qu'il eût grossi le volume et nui à la bourse de l'éditeur; mais
dépasser le chiffre de mille pages dont on a tant approché, et ajouter quel-
ques centaines de francs à la somme respectable qu'a dû coûter l'impres-
sion, n'était qu'un inconvénient médiocre ; la crainte en devait céder à la
nécessité évidente de fournir un fil conducteur. Franchement, quand
M. Gipolla, pour éviter les redites, écrit presque à chaque page : a Gome
si è detto, » ou : a Gome s'è detto a suo luogo, > sans que rien, ni une
note au bas de la page, ni un index à la fin du volume permette de
retrouver ce qui a été dit ailleurs, on se sent pris d'impatience et l'on
est près de quitter le livre. De courts sommaires en tête des chapitres ne
sauraient suffire, et ils n'empêchent point, lorsqu'on veut faire quelque
recherche, de perdre un temps précieux à feuilleter le chapitre, à lire
ou parcourir bon nombre de pages dont on n'a que faire, avant de trou-
ver les lignes dont on a besoin.
Ici les précautions et les secours étaient d'autant plus nécessaires
que nous touchons à la difficulté essentielle de toute histoire générale
d'Italie, fût-elle limitée à une certaine période. Non seulement les menus
faits s'y succèdent comme à l'infini, sans pouvoir capter l'attention, car
il faut être Michelot pour donner la vie à un précis et y faire circuler
la lumière, mais encore les diverses parties sont solidaires, elles ont des
points communs, et, comme il faut raconter l'histoire de chaque Etat
l'un après l'autre, à propos duquel racontera- t-on tels ou tels de ces
faits communs ? L'auteur a-t-il fait son choix ? Le caprice y a souvent
présidé, et l'on pourrait par exemple se demander si le couronnement
de l'empereur à Rome est bien placé dans un chapitre sur Naples
(p. 394). Alors apparaît dans tous les chapitres moins un la nécessité
de suppressions qui leur ôtent tout intérêt, qui les rendent même inin-
466 COMPTES-RBIIOUS CaiTlQUBS.
telligibles, si Ton ne se réfère à des pages anténeares. Parvint-on à
les retrouver, et bien souvent ce n'est pas ici le cas, on est réduit
presque constamment à reconstituer soi-même, au moyen de ces
recherches malaisées, l'histoire qu'on veut connaître. Pressés comme
ils le sont aujourd'hui, la plupart des lecteurs n'en trouveront pas ou
n'en voudront pas prendre le temps.
Cest là, on ne l'ignore point, ce qui rend presque illisible toute his-
toire générale d'Italie, quel que soit le talent de l'auteur. Il faudrait
pouvoir supprimer les événements, à la manière de Bossuet; mais cette
manière-là n'est plus la nôtre. Non seulement vous déchamez trois ou
quatre chapitres au profit d'un seul, mais encore le récit d'un fait ne
sera plus le même, suivant que vous l'introduirez dans les annales de
Venise, de Milan ou de Florence. Si j'ai à raconter la guerre de Cent ans
ou de Trente ans, dans l'histoire de France, d'Angleterre ou d'Alle-
magne, il est clair que j'insisterai principalement sur les détails qui se
rapportent au pays dont je m'occupe ; que j'en prenne ensuite un autre,
je ne serai pas dispensé de recommencer sur nouveaux frais, à un nou-
veau point de vue. C'est pourquoi une histoire générale d'Italie est aussi
difficile à composer qu'une histoire universelle, peut-être môme davan-
tage, car elle a, en outre, des inconvénients qui lui sont propres. Ainsi,
la proximité de tant de communes qui ont une indépendance plus appa-
rente que réelle, qui dépendent les unes des autres par leurs intérêts,
par leur tendance moutonnière à l'imitation, est cause qu'on ne peut
guère qu'en parlant des temps primitifs les considérer séparément, car
les incidents se reproduisent invariablement les mêmes, dans un ordre
parfait. Qu'on parcoure, si l'on veut toucher du doigt cette difficulté
inextricable, le paradoxal mais curieux ouvrage de Giuseppe Ferrari
sur les révolutions d'Italie. C'est à désespérer l'historien, et certaine-
ment M. CipoUa a fait preuve de courage.
De là, il faut bien le reconnaître, viennent la plupart des reproches
qu'on lui pourrait adresser. Dans ce fouillis d'événements qui s'entre-
croisent, dans cet éternel recommencement qui revient à chaque cha-
pitre, comment s'étonner qu'il lui arrive par aventure de bouleverser
l'ordre chronologique, de raconter des faits de 1424 avant des faits de
1420, et la guerre pour l'acquisition de Pise par Florence avant la mort
de Bernabô Visconti et l'avènement de Gian Galeaz ? Comment s'éton-
ner qu'il ait laissé dans l'ombre des périodes entières, et, par exemple,
qu'entre la conquête de Pise et les événements qui ont amené l'exil de
Gosimo des Medici, on ne trouve rien sur les vicissitudes de Florence
sous ce régime oligarchique dont l'étroite et intolérable tyrannie explique,
sans la justifier, cette prosternation d'un peuple aux pieds d'un homme ?
Et ces embarras ne sont pas les seuls. On admettra bien que le choix
d'un titre donne des indications sur le sujet même. Or le mot signorie
n'est pas absolument clair, puisqu'il est susceptible de plusieurs accep-
tions. Il a un sens particulier, la seigneurie de Venise, les seigneuries
éphémères de Florence et d'autres villes faites à son image ; mais il a
CIPOLLl : STORIA POLITIGA d'ITALIA. 467
aussi un sens général que paraît avoir adopté M. Gipolla , domina-
tions ou États. Puisque notre auteur entreprend Thistoire de tous les
grands États italiens, durant une période déterminée, pourquoi n'a-t-il
pas écrit simplement, au frontispice de son livre : c Histoire d^Italie de
1313 à 1530?»
Ce n'est point une querelle de mots que je lui fais, puisque lui-même
il a senti et indiqué dans sa préface le nœud de la question. La limite
finale se comprend assez bien : Florence tombée, dit-il, il n'y a plus
d'Italie ; il ne s'agit plus que de savoir si la terre italienne appartiendra
à l'Autriche ou à la France. Et cependant, môme après la chute de
Florence, il y a encore des Républiques, des communes, telles que
Sienne et Lucques, et même des signorie comme Venise. Mais, admet-
tons ce point d'arrêt, car, à tout prendre, la chute de Florence marque
la fin d'une époque et le commencement d'une autre. Si quelques États
restent encore debout, c'est ou qu'ils sont en dehors de la sphère com-
mune, comme Venise, ou qu'ils s'appuient à plus grands qu'eux au
nord des Alpes, comme le marquis de Mantouo ou le duc do Savoie, ou
enfin qu'ils ne comptent pour rien, qu'ils ne donnent d'ombrage à per-
sonne, comme Sienne et Lucques. N'a-t-on pas vu les grandes puis-
sances, qui se sont disputé si souvent la domination en Italie, respec-
ter, c'est-à-dire dédaigner jusqu'à nos jours la lilliputienne république
de Saint-Marin?
Mais la date initiale donnerait lieu à plus de contestations, c Les
anciennes communes qui avaient vaincu Barbcrousse à Legnano, dit
M. Gipolla, laissèrent la place aux Signorie qui, s'agrandissant, fixeront
pour trois siècles la carte d'Italie. > De son aveu, son but est de cher-
cher, d'après les documents contemporains, par quels moyens s'accom-
plit cette transformation inséparable de celle de l'organisation sociale
et politique. Il y aurait donc une période des communes et une des
signorie princières ou populaires, aristocratiques ou monarchiques, ne
laissant aucune place à la liberté. Or l'auteur est fort empêché de dire
à quel moment finit la première période et commence la seconde, il
prend son point de départ à l'année 1313, alors que l'ère des communes
est dans son plein. Gesare Balbo voyait bien l'impossibilité d'une démar-
cation précise, car il ne fait qu'une seule ère des communes et des
signorie, G'est à coup sûr le plus prudent.
La division en livres et chapitres ne serait pas plus que le titre à
l'abri de tout reproche. Voyez plutôt sous quelles rubriques sont pré-
sentés les six livres : — La prépondérance de la maison d'Anjou; —
Le retour des papes à Homo; — Les seigneuries italiennes au temps
du schisme; — Les nouvelles seigneuries; — La politique des Gonfé-
dérations; — Les invasions. — Il est clair que ces sous-titres ne
répondent pas entièrement au titre et qu'ils se succèdent plutôt qu'ils
ne découlent les uns des autres. Que sera-ce si nous prenons dans un
livre les chapitres dont il se compose ? Au premier, il y a un chapitre
intitulé : Venise. Croyez-vous doue qu'au début du xiv« siècle, la mai-
i 68 COM PTES-RBxNOOS CaiTIQnBS.
8oa d'Anjou exerçât sa prépondérance jusque dans les lagunes ? Point.
Ce sont là des étiquettes qu'on aurait pu tout aussi bien, avec avantage
même, remplacer par d'autres. Heureusement, l'étiquette ne fait pas le
sac, pas plus que Thabit ne fait le moine, et le contenu, sous les réserves
faites, est fort bon.
Je ne saurais, on le comprend, entrer dans Texamen du détail. Il y
faudrait un volume. Je limiterai donc mes observations à un ou deux
chapitres. On y verra tout ensemble que le meilleur ouvrage ne saurait
entièrement échapper aux minuties de la critique et que celui-ci doit
être d'un grand mérite pour que, dans les pages examinées de plus
près, on ne trouve rien de plus sérieux que ce qui va suivre.
Prenons le chapitre intitulé : Florence et Pise (p. 193-221).
Page 197, note 3 et ailleurs. M. CipoUa cite Stefani, qu'il a appelé,
deux pages plus haut (p. 195, n. 1), de son vrai nom, Marchionne di
Cioppo Stefani. S'il veut abréger, que ne dit-il Marchionne ? Ainsi s'ap-
pelait le fils de Coppo, le petit-fils de^Stefani. Notre auteur le sait aussi
bien que personne, mais il se conforme à l'usage Injustifiable des
modernes. Les contemporains disaient : Marchionne di Coppo. Ils
n'ajoutent guère le nom de l'aïeul que si l'aïeul a plus de notoriété. Ce
luxe de noms patronymiques ne se rencontre quelquefois que parce
qu'il servait à éviter les confusions.
Page 203. M. Gipolla entre dans quelques détails sur la guerre de
Montefeltro. Pourquoi donc, à ce sujet, omet-il l'efiPet produit à Flo-
rence par la mort tragique de Charles de Durazzo en Hongrie, et les
conséquences de cet événement sur la politique florentine ? Cela est de
bien plus d'intérêt et d'importance que les incidents des hostilités.
Pages 207, 341. Obligé, dans un précis, de supprimer tant de choses,
comment notre auteur laisse-t-il le dilettante littéraire qu'il y a en lui
citer ici seize vers de Pétrarque, là vingt-quatre de Manzoni ? Il suffi-
sait de les indiquer en note. Se donner le superQu quand on se prive
souvent du nécessaire, ce n'est guère à propos dans un texte sèchement
historique. Qiwd abundat vitiat. Ces menus détails de composition ne
sont pas indifférents dans un ouvrage d'ensemble.
Rages 208, 209. Nous ne reviendrons pas sur le reproche de s'être
parfois affranchi de l'ordre chronologique ; mais nous regretterons que
d'autres fois, pour le suivre, M. Cipolla mêle les faits d'ordre intérieur
aux faits d'ordre extérieur, car il est absolument nécessaire de les sépa-
rer, si l'on veut que l'enchaînement des uns et des autres soit intelli-
gible et que le récit ne paraisse pas trop haché menu.
Page 21 i . M. Cipolla donne Gherardo , fils de Jacopo d'Appiano ,
comme seul survivant, en 1399, des héritiers de ce personnage. Or Sozo-
meno dit que le troisième, Manuele, vivait dans une grande pauvreté
en Ligurie. Voy. Muratori, Rer. ital. script., tom. XVI, p. 1153.
Au lieu de Broglio, par erreur typographique, il écrit Braglio. Nous
signalons la faute en considération do notre famille de Broglie qui
réclame ce œndottiere comme un de ses ancêtres.
GIPOLLA : STORIA POLITICA d'ITALTA. 469
Page 215. Par une des erreurs les plus communes et les plus difficiles
à éviter quand on s'occupe d'histoire florentine, M. GipoUa se trompe
ici chronologiquement d*une année, parce qu'il oublie de tenir compte
du < style florentin, t qui faisait 'commencer Tannée au 25 mars, fête
de r Annonciation. Il met au 20 mars 1401, au lieu de 1402, le traité
de la République avec Bentivoglio de'Bologne. L'impossibilité est mani-
feste, puisque cet ambitieux n'avait réussi contre les Gk)zzadini et les
Zambeccari que le 28 mars 1401. Rien de plus fréquent, dans les auteurs
modernes, que ces erreurs de date sur les trois premiers mois de chaque
année. Il faudrait une attention bien soutenue pour penser toujours à
cette dififérence entre le style florentin et le style commun, qui était
préféré aux portes mômes de Florence.
Pages 217-219. L'auteur s'interrompt de faire le récit du siège dé Pise
pour entamer une dissertation épisodique sur les compagnies et les
armes, laquelle a beaucoup plus d'étendue que le récit même du siège.
Cest là une faute de composition et de proportion qu'il aurait fallu
éviter.
Page 221. Nous trouvons mises dans la bouche d'un Pisan les paroles
ignominieuses qui furent prononcées au moment de la soumission de
Pise. Ainsi la défaite perdrait toute sa dignité. Mais on voit dans les
Ciommentaires de Gino Gapponi l'Ancien sur l'acquisition de Pise (Rer,
ital. script., XVIII, ad finem, et Bibl. scella Silvestri, t. 468, p. 367),
— M. Gipolla, à cet endroit, ne cite pas cette autorité qui est la princi-
pale, — qu'elles furent dites par un citoyen de Piombino. Venant d'un
Florentin, de celui justement qui joua dans raifaire le principal rôle,
l'assertion mérite créance. Elle confirme, d'ailleurs, tout ce qu'on sait
de l'attitude honorable des Pisans dans la sujétion.
Page 460. M. Gipolla dit que le catasto, ou cadastre, fut proposé à
Florence dès 1368. Peut-être y a-t-il ici quelque confusion, et l'on peut
regretter de ne trouver aucune indication de source pour une assertion
si contestable. Des plaintes, des projets sur une plus équitable répar-
tition des impôts, on en trouve tout au moins depuis l'année 1250, et
il est probable qu'on en trouverait auparavant si les documents ne fai-
saient défaut. Mais, jusqu'aux premières années du xv« siècle, on ne
pensait qu'à Vestimo, qui ne frappait que la richesse immobilière et ne
faisait la répartition que d'après le nombre des citoyens, tandis que
le calasto fut imaginé sous le régime oligarchique, après la défaite des
Ciompi, pour frapper les biens meubles comme les immeubles, et d'après
la quantité ou la qualité de la richesse, non d'après le nombre des con-
tribuables. En 1378, dix ans après l'année que notre auteur indique
comme étant celle où l'on commença à parler du catasto, la pétition du
menu peuple en ébullition ne demandait encore qu'une chose, c'est
qu'on ne pût édicter un emprunt forcé sans faire un estimo. Voy. Prov-
visioni, reg. LXVIII, p. 5-9, l'appendice de la brochure de M. Fossati
sur le Tumulte des Ciompi, et G. Gapponi, Stor. di Fir., I, 594.
Page 461. En thèse générale, il est vrai de dire que, dans les repu-
470 C0MPTES-RBIVDU8 CRITIQUBS.
bliques, les citoyens seuls ont le droit de prendre part aux aflaires
publiques, tandis que, dans les monarchies, tout le monde y peut
prendre part sous le maître; mais quand c'est à propos de Florence
qu'on parle ainsi, on semble dire que tous les citoyens exercent leur
droit. Ce serait oublier qu'il y avait toujours des vaincus, des exilés,
des ammoniti, des posti a sedere, c'est-à-dire des gens exclus pour un
temps ou à toujours des emplois. C'était souvent un quart de la cité et
peut-être plus.
Page 462, n. 5. M. GipoUa disculpe « Gino > Gapponi d'avoir provo-'
que l'entreprise de Fortebracci contre Lucques en 1429; mais, 1* c'est
de Neri Gapponi, et non de Gino son père, qu'il peut être question ici ;
2<^ quand on risque une assertion nouvelle, il faudrait la mieux étayer
de preuves. Le passage allégué dit, en effet, simplement que Forte-
bracci avait été poussé à ce coup de main (essendo confortato di caval-
care. Comment, di Neri Capponi, Rer, ital. Script, XVIII, 1166); mais
comment le témoignage de Neri, ou plutôt son silence, prouverait-il
qu'il est innocent de ce dont tout le monde l'accuse? Tout mauvais cas
est niable. Nous voyons que dans les Consulte il recommandait de
suivre l'affaire de Lucques ( a Teneatur pratica per dominationem cum
oratoribus Oomini Lucani. » Commissioni di Rinaldo degli Alhizzi, Gom-
miss. LIV, tom. III, p. 191). De plus, son quartier de San Spirito est
pour la guerre avant tous les autres {ihid,^ p. 194-195), et l'on sait fort
bien qu'il y donnait l'impulsion. A vrai dire, on lit dans ses Commen-
taires {Rer. ital. Script. XVIII, 1166) qu'il faut toujours être clément et
ouvrir ses bras ; mais ce sont là de ces banalités qui ne tirent pas à
conséquence, et dont on savait à merveille couvrir les plus mauvais
desseins.
Nous nous en tiendrons là. Ces critiques soit de détail, soit d'ensemble
suffiront à montrer qu'il s'agit ici d'un écrivain sérieux, qui se trompe
sans doute parfois, mais aussi peu souvent que le comporte l'humaine
nature, et qui a fait un manuel savant, un précis solide, appelé à
rendre aux historiens, comme au public, les plus grands services.
F.-T. Perrbns.
Baudrillart. Histoire du luxe. T. m : Le moyen âge et la renais-
sance. Paris, Hachette, 1880, 704 p.
Ni les éloges ni les critiques n'auront manqué à l'ouvrage de M. B.
Beaucoup de lecteurs ont été séduits par la masse de faits accumulés
dans ces gros volumes et par l'intérêt des tableaux. D'autres, plus scru-
puleux sur le fait de la méthode, ont contesté à M. B. le sujet même
de son livre. Le luxe en effet est un domaine immense dont on ne peut
guère définir les frontières. Faire l'histoire du luxe, c'est toucher à
toutes les époques et à tous les peuples, parler plus ou moins de toutes
les civilisations, de tous les arts et de la plupart des industries. La
BAUDRILLART : HISTOIRE DU LUXB. 471
Uche est lourde et difficile à remplir, môme en quatre volumes. Il
eût fallu ou bien se contenter d'aperçus très généraux, ou bien, si l'on
voulait entrer dans les détails, faire œuvre de bénédictin et multiplier
les in-folio. M. B. n'a su prendre tout à fait ni Tun ni l'autre parti :
il s'est longuement étendu sur certaines époques, il en a sacrifié d'autres,
sans qu'on puisse saisir les raisons qui ont déterminé son choix. S'ex-
pliquera-t-on par exemple que, dans un volume sur le luxe au moyen
Age, il n'y ait pas un seul chapitre sur le luxe byzantin dont Tinfluence
a été si profonde et a rayonné si loin ?
D semble d'ailleurs qu'en écrivant son ouvrage M. B. ait souvent
ressenti la môme fatigue qu'on éprouve en le lisant; malgré ses efforts,
il n'a pu éviter la monotonie : c'est qu'on ne retrouve pas ici l'intérêt
qui s'attache à une institution ou à un art dont on suit le développe-
ment progressif, ' et cette longue revue des folies fastueuses de tous les
temps fait naître un sentiment de lassitude. Aussi le livre gagne-t-ii à
être lu, non pas d'une manière suivie, mais à bâtons rompus. On saisit
mieux alors toute l'habileté que l'auteur a déployée dans chacun de ces
tableaux qui réunis perdent de leur attrait.
8i l'idçe môme de l'ouvrage, si la méthode qui y a présidé prêtent à
la critique, les détails de l'exécution sont loin d'être irréprochables.
Une pareille entreprise suppose une érudition prodigieuse : le luxe
étant un peu partout, il faudrait pour ainsi dire avoir tout lu et avoir
tout vu. Aussi M. B. a-t-il renoncé à des recherches personnelles et
s'est-il contenté de prendre ses renseignements dans des ouvrages de
seconde main. Ne soyons pas trop difficiles, c'est souvent œuvre méri-
toire que de réunir et de coordonner les matériaux disséminés dans
mille ouvrages divers ; encore faudrait-il choisir avec soin les meilleurs
guides. On ne peut dire que M. B. y ait toujours réussi. Pour citer un
exemple, parmi les livres qui lui auraient été le plus utiles pour
le moyen âge, il faut placer en première ligne ÏHiMoire des arts indus-'
triels de Labarte. Il ne la cite qu'une fois et je lis à l'index, p. 699,
< Labarte, son livre sur les Arts somptuaires i, ce qui semble prouver
qu'il a confondu la publication de Labarte avec celle de Louandro qui
du reste n'est point nommé. J'ai relevé un certain nombre d'inexacti-
tudes et de taches qui légitimeront mes critiques :
P. 13, note 2 : c Fustel de Cîoulanges, Histoire des Constitutions (sic)
politiques de Vancienne France. »
P. 14, note 1. M. B. renvoie à César. III, 1; c'est une citation
inexacte. Il est question d'Adiatunus (et non d'Adiatius), 1. III, c. 22;
d'Orgétorix (et non Orgétaric) et du fait qu'indique M. B., 1. I, c. 4.
Ch. m : dans un ch. consacré au luxe pontifical, le Liber Pontificalis
n'est pas une seule fois indiqué comme la principale source.
P. 34. M. B. parle des c Césars de Byzance qui avilissaiont les arts
par leur faux goût, t Or c'était à Byzance que les arts se développaient
surtout depuis trois siècles, pour étendre de là leur influence sur l'Oc-
cident.
n2 COMPTES-EENDUS CRITIQUES.
P. 35. Leudaste est qualifié de c comte de Leudaste. »
P. 36. M. B. cite en note Grégoire de Tours, sans autre indication.
C'est vague.
P. 47. M. B. cite les objets du tombeau de Ghildéric comme spéci-
mens de Torfèvrerie mérovingienne; il devrait savoir qu'on en a soutenu
la provenance étrangère.
Gh. V. M. B. ne montre pas les emprunts faits par Gharlemagne à
ritalie et à TOrient et ne cite môme pas le dôme d'Aix-la-Ghapelle.
P. 72. c Le luxe laïque fleurit encore à Byzance; un Basile le macé-
donien semble vouloir racheter par la richesse de ses monuments les
fureurs iconoclastes de ses prédécesseurs, i Mais les empereurs icono-
clastes ne s'étaient attaqués qu'aux images religieuses, le luxe laïque
s'était développé sous leur règne.
P. 77. f Ebron, t lisez « Ebbon. t
P. 77-78. M. B. fait de forts emprunts à Émeric David, HisL de la
Peint. ; il serait juste de l'indiquer en note.
P. 98. M. B. parle de • fondations d'ordres, dont plusieurs opulentes,
comme Giteaux, Fontevrault, Glairvaux que fonde saint Bernard, t Ces
exemples ne sont pas très heureux, puisque saint Bernard et les Gistcr-
ciens ont réagi contre le luxe religieux. Par contre il eût fallu citer
l'ordre de Gluny qui fit tant pour les arts.
P. 105, note 1. a Si Ton veut se faire une idée vivante des temps et
surtout des châteaux féodaux, il faut relire les premiers chants de
rOdyssée... t Je crois qu'il est plus sûr de lire les chroniques et les
documents du moyen âge.
P. 108. c Elle semblait faite pour vous, dames châtelaines... i Ges
apostrophes peu scientifiques ont une allure pseudo-romantique qui
ne convient guère ici.
P. 114. f Lit-on dans la chronique. » Laquelle ?
P. 117. Dans un chapitre sur la renaissance du xi« s., il est singulier
de parler aussitôt de l'ogive, etc. Au reste ces pages contiennent beau-
coup de phrases et peu de faits.
P. 121, note 1. a Voir ce qu'en dit Viollet le Duc, Dictionnaire d'ar-
chitecture. » Mais dans quel volume, à quel article ? Au reste ces cita-
tions vagues et inexactes sont fréquentes. Ainsi, p. 145, note 2 : c Gol-
lection traduite des historiens de France ; Albert d'Air (sic). » Il s'agit
sans doute de la collection Guizot et d'Albert d'Aix. — P. 168, note 2 :
a V. Historiens de France, préface. » Que signifie un pareil renvoi?
P. 167. M. B. cite d'une façon inexacte et inintelligible le ch. vi de
Joiuville où il est question de Robert de Sorbon. Joinvillc, comparant
le surcot de Robert et celui du roi, n'aurait aucune raison de dire :
« or regardez si j'ai du vair. i II dit : « or esgardez se je di voir, t ce
qui signifie : « regardez si je dis vrai. »
P. 204. M. B. place au xii« siècle la renaissance des arts à Florence
avant le xvP siècle. Le mot de renaissance peut s'entendre comme cha-
cun veut, mais enfin Gimabûe est né en 1240.
PIGNOT : BARTHiSlEIIT DE GHASSE.fEUZ. 473
P. 226-228, 233, 278. M. B. aurait dû citer M. Renan à qui il
emprunte ses renseignements, y compris les citations.
P. 251. M. B. ne montre pas que les ordonnances somptuaires de
Philippe le Bel ont un but fiscal et en revanche il lui attribue « d'avoir
établi un parlement sédentaire, t
P. 340. Est-il exact de montrer le jeune Michel- Ange c errant le
plus souvent dans Florence, sans atelier, sans étude fixe ?» Il ne faut
pas substituer à la biographie de Michel-Ange qui est bien connue une
biographie romanesque.
P. 404. Est-il bien juste de dire que l'architecture de la renaissance
française, et notamment de Ghambord, est une < architecture peu sen-
sée, où rien ne sert à rien ? t
P. 458. M. B. parle de Robert, fils de saint Louis, dont il décrit le
mariage à la date de 1227 ! Louis IX avait douze ans en 1227.
P. 481, note. < Chronique manuscrite de Nangis. » Mais Guillaume
de Nangis est publié, et en 1378 il ne peut être question que d'un de
ses continuateurs.
P. 540, 541. La même citation est répétée sans raison au bas des pages.
P. 574. c Philibert Delorme... n'avait jamais vu l'Italie. » La biogra-
phie de Philibert Delorme est trop bien connue sur ce point, grâce à
ses ouvrages, pour qu'on puisse excuser une telle erreur.
Je ne veux pas multiplier outre mesure ces critiques de détail. Gelles
que j'ai faites prouvent que M. B., lancé dans cette immense entreprise,
a dû travailler à la hâte, sans prendre le temps d'étendre ses lectures,
ni de vérifier les ouvrages qu'il citait. Les qualités d'exposition de
M. B. assureront le succès de son livre auprès du public, mais les his-
toriens n'y trouveront leur profit que si l'auteur nous en donne une
nouvelle édition longuement remaniée.
G. Bayet.
Barthélémy de Clutseeiieiu, premier commentatenr de la cou-
tume de Bourgogne et préeideiit du Parlement de Prorenee,
sa vie et ses œuvres, par J.-Henri Pigrot. Paris, Larose, 4880.
4 vol. 10-8'» de 324 pages.
Le personnage qui est le sujet de cette biographie a été avant tout
un homme d'étude, et cependant rien de plus varie que le tableau de sa
vie et l'analyse de ses ouvrages. Chasf^eneuz était du nombre de ces
érudits, aussi utiles que mrjdestes, qui, au milieu des orages du
XVI* siècle, gardèrent intacts en eux le calme delà [K^nsée, Tintelligeoce
et la pa.«^iion de la justice et de la vf^rité. Il était né à Autun en 1480;
son éducation litti^raire et juridique se fit successivement à Dole, à Poi-
tiers, à Turin, à Pavie. Après avoir exercé un emploi dans l'adminis-
tration du duché de Milan sous la domination française, il rentra dans
sa ville natale, y vécut durant de longues années, et devait mourir en
474 COMPTES-RENDUS CRITIQUES.
1541 président du Parlement de Provence. Ainsi entre une jeunesse
errante et une vieillesse comblée d'honneurs, se place pour lui une
longue période d'existence recueillie, éprouvée à certains égards, pour-
tant laborieuse et féconde. M. Pignot a trouvé dans l'ordonnance môme
de sa vie la division naturelle de son livre, et le récit des pérégrina-
tions de Ghasseneuz encadre Texamen de ses écrits de jurisprudence et
de morale.
La partie bibliographique, on n'oserait dire littéraire, de Touvrage n'ex-
cite qu'un intérêt restreint; car elle a trait à de volumineux écrits que
les analyses de M. Pignot, si limpides qu'elles soient, ne donneront pas
envie à d'autres de relire. Les amateurs du droit coutumier parcourront
encore les commentaires sur la coutume de Bourgogne, les dissertations
sur la main-morte, les censives ou le retrait lignager; mais qui songera
à rouvrir ce Catalogus dont les titres seuls indiquent les bizarreries, vrai
dédale d'érudition en même temps que débauche d'imagination ? Il
faudrait plaindre M. Pignot d*en avoir secoué la poussière, si on n'avait
à le remercier d'avoir dispensé ainsi désormais qui que ce soit de faire
directement connaissance avec cette étrange encyclopédie.
Les ouvrages de Ghasseneuz ont du moins un mérite très appréciable
ici, celui de fournir des renseignements assez nombreux sur la vie de
leur auteur. Ils forment la source principale à laquelle M. Pignot a
puisé, tout en ayant recours à d'autres documents dispersés çà et là,
tels que les manuscrits de la bibliothèque d'Aix. De là dans cette bio-
graphie plus d'une partie accessoire, ou en d'autres termes bon nombre
d'éclaircissements qui concernent l'histoire politique, religieuse ou litté-
raire du temps. Chacun pris à part a son intérêt, mais quelques-uns
pourraient être qualifiés de digressions. Ainsi, dès les vingt premières
pages, on relève successivement une description d'Autun à la fin du
xv« siècle, des détails sur plusieurs universités françaises ou étrangères,
plusieurs pages sur l'étude du droit en Italie; plus loin c'est un tableau
de la vie municipale et sociale à Autun, qui ne fait guère que résumer
le tableau beaucoup plus complet tracé par M. Abord (Histoire de la Réforme
et de la Ligue à Autun, t. I). En revanche, les chapitres consacrés à la
réformation de la justice, à l'invasion de Charles-Quint en Provence et
surtout au procès des Vaudois ne paraissent point trop longs ; car ici
Ghasseneuz se révèle comme homme public; dans de délicates circons-
tances il déploie une haute intelligence, un noble et ferme caractère,
et se place d'emblée parmi ces magistrats élevés au-dessus des passions
de leur temps, créateurs de la glorieuse tradition personnifiée plus tard
en Lhopital, Guillaume du Vair et Jeannin. Qui sait si pour ce dernier,
né un an après sa mort, dans la môme ville que lui, il n'a pas été un
modèle ?
Sans parler de la conscience et de l'étendue des recherches, il y a
dans cette étude biographique un mérite qui ne contribue sans doute
pas à l'agrément du récit, mais qui le nourrit singulièrement et lui
donne sa couleur propre ; c'est le soin que M. Pignot a eu de faire à sa
CIPOLU : 8T0RIA POLinCÀ d'ITâLU. 467
aussi un sens général que parait avoir adopté M. GipoUa , domina-
tions ou États. Puisque notre auteur entreprend l*hi8toire de tous les
grands États italiens, durant une période déterminée, pourquoi n'a-t-il
pas écrit simplement, au frontispice de son livre : c Histoire dltalie do
1313 à 1530?!
Ce n'est point une querelle de mots que je lui fais, puisque lui-mômo
il a senti et indiqué dans sa préface le nœud de la question. La limite
finale se comprend assez bien : Florence tombée, dit-il, il n'y a plus
d'Italie ; il ne s'agit plus que de savoir si la terre italienne appartiendra
à l'Autriche ou à la France. Et cependant, même après la chute de
Florence, il y a encore des Républiques, des communes, telles que
Sienne et Lucques, et môme des signorie comme Venise. Mais, admet-
tons ce point d'arrôt, car, à tout prendre, la chute de Florence marque
la fin d'une époque et le commencement d'une autre. Si quelques États
restent encore debout, c'est ou qu'ils sont en dehors de la sphère com-
mune, comme Venise, ou qu'ils s'appuient à plus grands qu'eux au
nord des Alpes, comme le marquis de Mantoue ou le duc de Savoie, ou
enfin qu'ils ne comptent pour rien, qu'ils ne donnent d'ombrage à per-
sonne, comme Sienne et Lucques. N'a-t-on pas vu les grandes puis-
sances, qui se sont disputé si souvent la domination en Italie, respec-
ter, c'est-à-dire dédaigner jusqu'à nos jours la lilliputienne république
de Saint-Marin?
Mais la date initiale donnerait lieu à plus de contestations, c Les
anciennes communes qui avaient vaincu Barbcrousse à Legnano, dit
M. Gipolla, laissèrent la place aux Signorie qui, s'agrandissant^ fixèrent
pour trois siècles la carte d'Italie, t De son aveu, son but est de cher-
cher, d'après les documents contemporains, par quels moyens s'accom-
plit cette transformation inséparable de celle de l'organisation sociale
et politique. Il y aurait donc une période des communes et une des
signorie princières ou populaires, aristocratiques ou monarchiques, ne
laissant aucune place à la liberté. Or l'auteur est fort empêché de dire
à quel moment finit la première période et commence la seconde. Il
prend son point de départ à l'année 1313, alors que l'ère des communes
est dans son plein. Gesare Baibo voyait bien l'impossibilité d'une démar-
cation précise, car il ne fait qu'une seule ère des communes et des
signorie. C'est à coup sûr le plus prudent.
La division en livres et chapitres ne serait pas plus que le titre à
l'abri de tout reproche. Voyez plutôt sous quelles rubriques sont pré-
sentés les six livres : — La prépondérance de la maison d'Anjou; —
Le retour des papes à Rome; — Les seigneuries italiennes au temps
du schisme; — Les nouvelles seigneuries; — La politique des Confé-
dérations; — Los invasions. — Il est clair que ces sous-titres ne
répondent pas entièrement au titre et qu'ils se succèdent plutôt qu'ils
ne découlent les uns des autres. Que sera-ce si nous prenons dans un
livre les chapitres dont il se compose ? Au premier, il y a un chapitre
intitulé : Venise. Croyez-vous donc qu'au début du xiv« siècle, la mai-
n6 COMPTES-RENDUS CRITIQUES.
politiques de Rousseau. Mais Hommel (1761), Jngler (1775), Hugo
(1812. ..1829) n'ont point oublié Althaus; il est caractérisé brièvement
dans les études de Kaltenborn sur les précurseurs de Grotius (1848) et dans
le Droit naturel de Walter (1863) ; M. de Stintzing lui a consacré des
notices suffisamment détaillées, soit dans V Histoire de la science du droit
en Allemagne, qui était déjà sous presse lorsque M. Gierke a publié son
livre, soit, il y a huit ou neuf ans, dans la Biographie générale allemande ;
je l'ai nommé aussi (en doux lignes, il est vrai) dans la première édition
de mon Introduction historique au droit romain (1872) ; on le trouve
d'ailleurs dans V Encyclopédie d'Erscli et Gruber et dans les répertoires
biographiques français de Michaud et de Didot. M. Gierke remarque que
M. Ratjen, professeur à Kiel, ne Ta pas compris au nombre des auteurs
qu'il a énumérés au tome Vin de la Zeitschrifl fur Rechtsgeschichte
sous le titre : Die Ordner des Rœmischen Rechts ; mais ce petit article
traite seulement de quelques « Reconcinnatores » (Pothier, Eusèbe
Beger) et Systématistes (Gonnan , Doneau , — auxquels sont ajoutés
Hilliger, Vinnius, Vultéius et Oomat), et je ne suis pas sûr qu'Althaus
ait dû entrer dans le cadre étroit adopté par M. Ratjen.
Ceci soit dit sans vouloir déprécier en rien le service que M. Gierke
a rendu à la science historique, et spécialement à Thistoire du droit
public, en remettant en pleine lumière une figure qui commande le
respect et en en .faisant le centre de ses consciencieuses études sur
Phistoire des idées politiques.
Jean Althaus, qui signait en 1585 Althauss selon l'orthographe usitée
alors, naquit en 1557 à Diedershausen, dans l'ancien comté de Witt-
genstein-Berlebourg, lequel fait partie actuellement de la régence
prussienne d'Arnsberg. Il fut immatriculé en mai 1585 à l'université
de Bàle par le recteur Henri Pantaléon. Gomme il appelle Denys Gode-
froy I virum optime de me meritum^ » on a supposé qu'il avait étudié
ou du moins séjourné à Genève ; son nom ne figure pas au Livre du
recteur. Il fit paraître à Bàle, en 1586, son système de droit romain selon
la méthode ramiste ; on sait que Bàle était alors, comme le furent jus-
qu'au xviii« siècle Berne et Lausanne, un foyer de ramisme, à
la suite du séjour qu'y avait fait Ramus, et grâce en partie à l'activité
de Jean Thomas Frei (Freigius, 1543-1583), qui aimait à se dire l'héri-
tier du grand philosophe. En la môme année 1586, Althaus fut nommé
professeur de droit au gymnase académique d'Herbom, que le comte
Jean de Dillenbourg venait de fonder (1584). Le ramisme, que Vultéius
(1555-1634) représentait brillamment à Marbourg, fleurit ainsi à Her-
born dès le principe ; il y fut renforcé encore en 1589 par la nomina-
tion de Jérôme Treutler (1565-1607) à la chaire de rhétorique.
La première partie do la carrière d' Althaus fut consacrée à l'ensei-
gnement de la philosophie et du droit à Herborn, Steinfurt, Siegen et
de nouveau à Herborn, et accessoirement à la pratique de la judicature
en la chancellerie comtale de Dillenbourg. La seconde partie appartient
à la politique, au droit public et à l'administration; le professeur
6IERKB : JOHiNIUBS ÂLTHUSIUS. 477
d'Herbom fut appelé en 1604 aux fonctions importantes de syndic
(Syndicus, Rathsconsulent) de la ville d'Ëmden en Frise. Il les remplit
jusqu'à sa mort, survenue en 1638, et y joignit dans ses dernières années
le décanat ou séniorat du conseil ecclésiastique. Il a refusé des appels
à Leyde et à Franeker, où on lui offrait la principale chaire de droit,
que Denys Godefroy venait de refuser (1606). — L'historien de la Frise,
Ubbo Ëmmius (1547-1625), qui était l'intime ami d'Althaus, vante son
habileté, son énergie, son dévouement à la cause de la liberté ; il l'ap-
pelle consultissimus et clariasimus vtr, doctrina^ virtute^ fide singulari
plane eximius et ingenii sui monumentis aeternum victuris illustris.
Un autre Frison célèbre, le chancelier Brenneisen (1670-1734), disposé
en sa qualité d'absolutiste à condamner la politique de la ville d'Emden
et celui qui en avait été l'inspirateur, constate la grande autorité d'Alt-
haus et dit que ses doctrines se reconnaissent dans toutes les transac-
tions et résolutions municipales, dans tous les actes faits par la ville
durant son syndicat. Les témoignages des contemporains sont unanimes
à montrer dans Althaus un protestant austère, un homme hautement
respectable; ses écrits attestent qu'il fut un penseur profond et un
inflexible logicien.
Il s'est distingué comme théoricien de la démocratie et comme métho-
diste du droit romain. C'est sous ces deux aspects, surtout sous le pre-
mier, que M. Gierke l'étudié, avec une ampleur, une compétence et
une conscience dignes de tout éloge. Je me permets seulement de
regretter que le savant auteur n'ait pas pris plus de souci de la forme.
Son excellent ouvrage n'est pas agréable, ni môme facile à lire; la
richesse du contenu méritait une ordonnance meilleure. Les données
positives sont accumulées en masse un peu confuse dans le texte et
dans des notes plus étendues que le texte. Aucun répertoire alphabé-
tique ne facilite l'orientation; la table analytique, fort détaillée cepen-
dant, est encore insuffisante. Étudiant les idées politiques d' Althaus,
M. Gierke approfondit leurs origines à partir du moyen âge et suit
leurs destinées jusqu'à la fin du xvni* siècle; malgré le haut
intérêt du sujet, il faut avouer que ce long voyage à travers six ou sept
siècles, recommencé pour chaque idée principale, ne laisse pas que
d'être un peu monotone. On voudrait voir circuler plus de vie dans ce
fouillis de noms qui reviennent à chaque page en longues kyrielles
sans cesse répétées et sont trop souvent pour le lecteur peu initié de
pures abstractions, d'autant plus incolores que la forme latine en est
seule indiquée, du moins en général. C'est le cas pour Althaus lui-
même, et l'on peut s'étonner que M. Gierke n'ait pas jugé bon de s'as-
surer du nom véritable de l'homme pour lequel il dépensait tant de
travail et d'érudition ; il n'aurait eu pour cela qu'à s'informer à Bàle :
le registre des immatriculations porte : Joannes Althauss Vuitgensteinensis* .
1. Je dois ce renseignement à l'obligeance de M. le professeur Charles Meyer,
auquel je suis heureux de réitérer ici mes remerciements.
Rbv. Histor. XXII. 1" PASc. 12
478 GOMPTES-RElVDnS CRITIQUES.
L'impression de fatigue que l'on éprouve à la lecture de ce livre est
encore accrue par l'arrangement typographique, qui est peu élégant.
Quinze pages environ sont consacrées à l'ouvrage de droit proprement
dit qui a fondé la réputation d'Althaus. La JuHsprudentia romana a eu
au moins dixéditions ou réimpressions après l'édition de 1586 et jusqu'en
1688 ; en outre, elle a été remaniée et développée dans la Dicéologique,
Dicœologicx libri III, totum et universum jus quo utimur methodice corn"
plectentes, cum parallelis hujus et judaïci juris^ etc., 1617, 1618, 1649.
Grâce à ces deux ouvrages, où se révèle une remarquable vigueur de
raisonnement, Âlthaus occupe une place distinguée dans le groupe peu
nombreux des Systématistes, que forment en Allemagne Jean Thomas
Frei, déjà nommé, Nicolas Vigel (1529-1600), Dethard Horst (1548-1618),
dont la Tribonianea jurisprudentia a paru en 1579, et le célèbre Vul-
téius, — tous d'ailleurs inférieurs à Doneau et aussi, me semble-t-il, à
Pierre Grégoire le Toulousaine Althaus est le premier qui ait appliqué
la méthode ramiste à la construction d'un système général de l'ensemble
du droit. Les divisions qu'il a établies ont laissé leur trace dans les
ouvrages systématiques plus récents, chez Domat et chez nos contem-
porains.
Mais la Jurisprudence n'est pas l'œuvre capitale d'Althaus. C'est par
sa Politique, Politica methodice digesta et exemplis sacris et profanis illus-
trata^ qu'il a surtout fait date et mérité d'occuper une place préémi-
nente dans l'histoire de la pensée. La Politique a eu huit éditions, de
1603 à 1654. C'est le premier système développé de politique qui ait été
publié en Allemagne. M. Gierke y a consacré la seconde et principale
partie de son livre, intitulée Histoire du développement des idées politiques
exprimées par Althaus dans sa théorie de l'État; il examine successive-
ment, de la manière approfondie que j'ai indiquée, les éléments religieux
de cette théorie, la doctrine du contrat social, celles de la souveraineté
populaire^ du principe représentatifs du fédéralisme, de VÉtat légal ; il
recherche, toujours avec un soin minutieux, les germes de ces doctrines,
leur développement antérieur à Althaus, la forme et le caractère qu'Alt-
haus leur a donnés, enfin leurs destinées ultérieures. Pour que l'on
se fasse une idée, nécessairement très incomplète, de la méthode de
M. Gierke et de l'intérêt qu'éveille son livre malgré les défauts de
forme que j'ai signalés, je le suivrai, de loin, dans son exposition
de l'histoire du dogme de la souveraineté populaire.
On sait que les glossateurs et après eux les commentateurs étaient
partagés sur la nature juridique de l'évolution qui a transformé la
république romaine en monarchie. Selon les uns, le peuple a conféré
Vimperium à Auguste définitivement, irrévocablement; Accurse ap-
prouve cette théorie, que Bartole et Balde reproduisent. Selon les
autres, auxquels ont adhéré Cinus, Zabarella, Paul de Castro, le peuple
1. M. Gierke indique 1591 comme date de la mort de Grégoire; c'est pro-
bablement une faute d'impression, car je crois que Grégoire est mort en 1597.
GIERKE : JOHAUTNES ALTHUSIUS. 479
a concédé seulement Tadministration de Vimperium, mais a gardé
Vimpen'um même ; c'est ce qu'enseignent durant toute la seconde partie
du moyen âge une série de penseurs, de jurisconsultes, de publicistes
d'élite, tels que l'auteur du Songe du Vergier, le pape Innocent IV,
Guillaume Durant le Spéculateur, — puis Occam, Marsilius de Padoue,
Lupold de Bebenburg, le grand cardinal Nicolas de Gués, Wicleff, etc.
— Nicolas de Gués formule nettement le caractère indélébile et inalié-
nable de la souveraineté populaire ; Marsilius insiste sur le fait que le
peuple est législateur et par conséquent souverain, que le prince est
subordonné au peuple et doit gouverner ;us^a subditorum suorum voluti'
tatem et consensum ; Lupold, tout bon monarchiste qu*il est, dit que le
peuple est mc^or ipso principe, peut déposer l'empereur, confier l'em-
pire à un prince étranger i. — Ges idées sont encore celles des monar-
chomaques du xvi« siècle ; ils les développent le plus souvent en
des pamphlets de circonstance. Althaus le premier les a enchâssées
dans une œuvre d'ensemble, dans un système complet de droit public
général; il leur a donné avec l'expression juridique une plus haute
valeur scientifique, et il y a ajouté des pensées politiques nouvelles,
d'une portée considérable. Il applique au peuple le terme et la notion
de Majesté^ c'est-â-dire de la souveraineté telle que Bodin l'a comprise;
il n'admet plus de majesté monarchique ; le prince n'est que le magis-
trat suprême ; entre la monarchie et la république il n'existe qu'une
différence de forme. Le magistrat suprême est le mandataire du peuple
souverain. Les effets de ce mandat sont déduits avec une rigueur stric-
tement juridique ; le mandataire infidèle est un usurpateur, un tyran ;
Althaus détermine les caractères de la tyrannie, la procédure à suivre
contre les tyrans, les peines qui leur doivent être infligées. Toujours il
reste sur le terrain du patriotisme et de la plus scrupuleuse légalité, en
opposition directe au jésuite Mariana qui recommande le régicide, et
aux autres monarchomaques qui prêchent la révolution ou autorisent
le recours à l'intervention de l'étranger. Il règle d'une manière géné-
rale et permanente la participation du peuple au gouvernement. Il donne
à l'assemblée populaire le droit de prendre seule les résolutions les plus
importantes, et le magistrat suprême est tenu de les exécuter. Enfin et
surtout, combinant les déductions tirées de la notion du contrat avec
celles qu'il tire de la souveraineté, il déclare que les droits de majesté
appartenant au peuple sont immédiats, inaliénables, imprescriptibles. Ce
principe, on vient de le voir, avait déjà été posé au moyen âge, mais
nul ne Ta formulé et proclamé avec la même rigueur. Rousseau l'a
repris, presque dans les mêmes termes. Entre la dernière édition de la
Politique et la première du Contrat social (1762), il s'est écoulé un peu
plus d'un siècle; M. Gierke se demande si Rousseau a lu Althaus. Il
1. Quelques pages de M. Gierke (50-55) sont dirigées contre l'appréciation
émise sur Lupold et ses écrits par Riezler {Oie liierarischen Widertacher der
PxptUy 1874).
480 GOMPTES-RBIfDUS CRITIQUB8.
croit que c'est probable. On peut dire que c'est certain : Althans est
cité dans les Lettres écrites de la Montagne, {^ part., lettre 6. Real,
dont le tome VIII a paru en 1764, connaissait bien la Politique ; il
déclare, après J. H. Bœckler, que ce livre mérite le feu.
Althaus lui-même, dans la préface de sa première édition, insiste
sur sa théorie de la souveraineté populaire comme étant Fun des traits
essentiels de la Politique, U déclare qu'en opposition à la doctrine géné-
rale, représentée notamment par Bodin, lui Althaus et un petit nombre
d'hommes qui pensent comme lui attribuent les droits de majesté, non
au prince, mais entièrement et pleinement au peuple. Le prince, magis-
trat suprême, n'a que l'administration des droits de majesté, dont la
propriété, avec l'usufruit, appartient au peuple dans son ensemble, au
populus universus, à la consociatio universalis, qui est regnum ipsum.
Et cette propriété, cet usufruit, le peuple ne peut pas plus les transférer
à autrui qu'une personne ne peut transférer à une autre personne la
vie même qui lui est propre; ils constituent Fe^prif du peuple, son
âme, sa force vitale : c proprietatem vero illorum et usum fructum adeo
c jure ad regnum seu populum pertinere contendo, ut hisce, etiamsi
c velit, se abdicare eosque in alium transferre et alienare nequaquam
< possit, non minus quam vitam quod quisque habet alii communicare
a potest. » Cette profession de foi est répétée avec quelques modifica-
tions dans la deuxième édition, dédiée aux États de Frise, et dans les
suivantes ; c'est sur ce fondement, déclare Althaus, que repose la liberté
de la Frise et celle des Pays-Bas. On voit quelle importance le syndi-
cat d'Althaus avait pour la ville d'Emden, qui était en lutte ouverte
avec les comtes de Frise.
M. Gierke poursuit la théorie de la souveraineté populaire chez
Milton, Sidney, Locke, chez Rousseau, et après lui chez Sieyès, Kant
et Fichte.
Jean Althaus a eu de son vivant des disciples fidèles. Le fécond Jean-
Henri Alstedt (1588-1638), théologien et philosophe, reproduit ses doc-
trines dans le traité De statu rerum publicarum (1612), comme fait Phi-
lippe-Henri de Hoen (Hœnonius, 1576-1640), savant jurisconsulte, homme
d'Etat et homme de cour, dans ses Disputationes politics (1615), et l'on
voit clairement l'influence qu'il a exercée sur l'illustre publiciste et
juriste Dominique van Arum (Arumaeus^ 1579-1637). Les adversaires,
d'autre part, ne lui ont jamais manqué. Grotius le combat sans le nom-
mer; Henning Amisaeus, de Halberstadt, mort à Copenhague en 1636, a
entrepris de le réfuter en divers écrits, principalement dans le traité
De auctoritate principum in populum semper inviolabili (1611). Les
œuvres politiques d'Amisaeus ont été colligées et rééditées à Strasbourg
en 1648 ; à ce moment-là, le grand Conring régnait à l'université de
Helmstaedt et traitait sévèrement les doctrines de feu le syndic d'Emden
dans les dissertations qu'il rédigeait ou faisait rédiger par des aspirants
au doctorat. De auctoribus politicis, de civili prudentia, de civili philoso"
GIBRKE : JOHANNES ALTHUSIUS. 484
phia, de regno, de summae potestatis subjecto ^ etc. Dès lors, les appré-
ciations rigoureuses se succèdent, une quasi-unanimité défavorable se
manifeste à l'égard d'Althaus. L'absolutisme monarchique se consolide,
en Allemagne surtout ; on cesse de réimprimer la Politique, Et cepen-
dant ce serait une erreur do croire que les idées semées par Althaus
aient été complètement étouffées en Allemagne; M. Gierke montre,
entre autres, que la théorie d'une double souveraineté, la personnelle
appartenant au prince, la réelle et supérieure appartenant à la respublica^
que cette théorie, exposée par de nombreux auteurs du xvii« siècle,
dérive de la doctrine d'Althaus ; la souveraineté réelle n'est autre chose
au fond que la souveraineté^ telle qu'il l'a comprise.
L'étude historique que M. Gierke fait du dogme de la souveraineté
populaire, il la répète, ainsi que je l'ai dit, pour les autres idées poli-
tiques d'Althaus ; il montre partout leur influence persistant alors môme
que le livre qui les contenait cessait d'être en constant usage et que
le souvenir de l'auteur s'effaçait; je note en passant qu'il voit dans
Althaus le véritable théoricien du contrat social'. Je ne puis suivre le
1. Je trouve dans les Œuvres politiques du célèbre professeur de Heirostaedt
plusieurs pièces relatives à une polémique qui présente quelque intérêt. Althaus
eut un défenseur en la personne d'un Prussien d'Insterburg, nommé Jean
Fichlau, Figlovius, qui fut chassé de l'université de Helmstaedt et soutint à
Leipzig) en 1650, avec l'approbation du doyen (lequel n'était autre que Tillustre
B. Carpzow), une fort médiocre thèse De imperio absolufe et relative conside-
rata ejusgue jure; il dédia cette thèse an conseil de la ville de Brunswick, et
annonça an titre même qu'elle était dirigée contre la dissertation De summae
potestatis subjecto, publiée sous le nom et les auspices de Gonring par un
nommé Naaman Bensen, probablement un Holsténois, Slesvigois ou Oldenbour-
geois. Bensen répliqua; sa dédicace, datée des nones d'août 1651, est adressée
à Frédéric, prince héritier de Norvège, duc de Sleswig-Holstein, etc. Gonring
a mis en tête de cette seconde brochure une épttre introductoire, datée du
22 avril 1651, où il se montre de fort mauvaise humeur contre Garpzow et
reproche à Fichiau d'avoir voulu flatter les conseillers de Brunswick tout en
propageant a impiam Anglicanorum parlamentarium haeresin, » Il remarque,
assez justement, que les républicains, tels que les Suisses, les Grisons, les Hol-
landais et maintenant aussi les Anglais, n'appliquent nullement ces principes
subversifs à leurs relations avec leurs propres sujets : c Populis sibi subjectis
negant omnia jura,,, — Liberae quoqite imperii nostri urbes non profecto
cedunt suum in vicinos pagos dominium a su/fragio agrestium dependere. t
On sait en effet que le joug des villes et républiques a très souvent été parti-
enlièrement lourd et oppressif. Gonring avait jugé bon, dès le 12 février 1650,
d'écrire au conseil de Brunswick pour se laver du reproche d'avoir mis dans
la dissertation De summae potestatis subjecto quoique ce soit de préjudiciable
aux intérêts de leur ville.
La thèse de Fichiau n'est qu'un indigeste ramassis de citations et de digres-
sions. Bensen est incontestablement supérieur.
2. Si H. Hornung avait connu Althaus, il n'aurait probablement pas dit :
a Uobbes est le véritable auteur du contrat social ; il l'a construit de tonte
482 G01IFTB8-RR3IDD8 CaiTIQCBS.
savant auteur dans ces études ; je me bornerai à relever un trait carao-
téristique, qui distingue absolument Althaus des monarchomaqnes de
la Ligue et le rapproche au contraire des Languet, des Daneau, des
Hotman. Il est essentiellement calviniste. La Bible, le judaïsme, le
droit juif tiennent une grande place dans sa Politique; il rejette, il ignore
le droit canon et tout ce qui s'y rattache ; pour lui, d'ailleurs, TÉtat et
rÉglise se confondent, et naturellement il n'a aucune idée de tolérance.
Mais en même temps, au point de vue formel, il est rationnaliste. (Test
par voie de déduction logique qu'il procède. Les textes bibliques lui
servent de pièces à l'appui ou d'exemples ; son État, tout biblique qu'il
paraît, n'est point une théocratie. L'autorité émane du peuple; c'est
par le peuple et dans le peuple qu'elle est de Dieu, et aussitôt qu'elle
viole le contrat qui la lie au peuple, elle perd la sanction divine ; alors
le peuple, en déposant le tyran, fait l'œuvre de Dieu.
Parmi les autres ouvrages, de moindre importance, qui sont dus à
Althaus, il faut mentionner Y Avis au juge concernant les procès de sor-
cellerie, qui est imprimé à la suite du traité de Jean-Georges Godel-
mann (1559-1611), De magis, veneficis et lamiis. Althaus s'y montre,
comme Godelmann, fort supérieur à Bodin. La brève indication donnée
à ce sujet par M. Gierke (p. 15) doit être rectifiée conformément à l'^û-
toire de M. de Stmtzing, p. 646-648.
U est temps de clore ce compte-rendu trop long et pourtant fort incom-
plet. Je crois avoir montré l'importance du livre de M. Gierke, ainsi
que la haute valeur de Jean Althaus, soit comme penseur, logicien,
systématiste, soit comme théoricien de la politique et du droit public,
soit comme citoyen. Sans prétendre faire l'apologie de la tendance abso-
lutiste qui a étoufifé les idées d'ordre légal et de liberté populaire dont
il s'était constitué l'apôtre, je pense que cette tendance a eu sa raison
d'être historique, économique et morale ; je ne crois pas que les meil-
leurs et les plus grands esprits qu'ait produits l'Allemagne au xvii* et au
xvni* siècle soient condamnables pour l'avoir servie et appuyée de
leur autorité. Mais j'estime en môme temps qu'on ne peut qu'admirer
l'inflexible droiture, la vigueur et la pureté morale du savant syndic
d'Emden. M. Gierke, dans son intéressante appréciation, l'appelle un
doctrinaire radical : • der gebome radicale Doctrirufr, i Ceci peut paraître
juste à condition d'oublier les radicaux d'aujourd'hui, l'horizon borné,
la pauvreté d'idées de la plupart d'entre eux et les appels plus ou moins
déguisés qu'ils font trop souvent aux instincts des classes ignorantes,
fatalement préoccupées des intérêts matériels. Je dirai plutôt que Jean
Althaus fut l'un des théoriciens les plus conséquents d'une démocratie
idéale.
Alphonse Rivieb.
pièce, etc. o Jean-Jacques Rousseau jugé par les Genevois d^ aujourd'hui,
p. 170 et 8. Voyez Gierke, p. 76-117.
BERNER TiSCHElVBUCH 4880-4884. 483
Berner Tasohenbuch aof das Jahr 1880. Berne, 4880. B. F.
Haller. 4 vol. in-8* de 298 pages.
Berner Taschenbuch auf das Jahr 1881. Berne, 4884, B. F.
Haller. 4 vol. in-8^ de 308 pages.
Cette publication annuelle n'a pas de prétentions à l'érudition, l'in-
térêt en est local, la tendance patriotique. Plusieurs morceaux d'auteurs
dififércnts y trouvent leur place, le poète y coudoie riiistorien.
Pour ne parler que de Thistoire, citons dans le volume de 1880 une
dissertation de M. le prof. Vetter sur le nom de la ville de Berne ;
signalons aussi deux travaux qui s'étendent au-delà des limites de cette
ville : l'un est relatif au séjour des enfants de l'amiral de Goligny en
Suisse, après le massacre de la Saint-Barthélemy ; l'auteur, M. G. Fr.
Ochsenbein, raconte d'une manière intéressante les efiforts faits par les
< Magnifiques Seigneurs » de Berne pour obtenir du duc de Savoie la
mise en liberté de la comtesse d' Entremonts, veuve de Tamiral. L'autre
est intitulé : Ce que Berne a fait pour les Vaudois (du Piémont et de la
Provence) dans les années 1637 à 1655. Sous ce titre un peu exclusif,
M. R. von Sinner expose les relations que ces malheureuses populations,
si souvent f pugnies, i selonTexpression de François !•', entretinrent,
non seulement avec Berne, mais encore avec Zurich, Bàlo et Genève.
Dans le volume de 1881, l'élément historique n'est guère représenté
que par des biographies ou par des fragments biographiques. Dans le
nombre, distinguons le travail de M. Emile Blœsch sur Jean Heynlin
de Stein; recteur de l'Université de Paris en 1469, puis professeur à la
Sorbonne, ce théologien séjourna à plusieurs reprises à Berne. Pour
l'histoire des temps modernes, c'est aussi M. Blœsch qui a publié, en
l'accompagnant de commentaires, une lettre de Louis-Napoléon Bona-
parte demandant à servir comme officier d'artillerie dans le contingent
bernois. Elle est datée du 18 juin 1834.
Tous ces morceaux détachés sont en général d'une lecture facile; il
est regrettable que le style en soit parfois gâté par des mots tels que
c akzeptieren^ » pour n'en citer <qu'un. La richesse de la langue alle-
mande est trop vantée pour que la fabrication de mots pareils soit
excusable.
Edouard Favre.
Mémoires de Jacques Carorguy, greffier de Bar-sor-Seine,
1582-1395, publiés pour la première fois par M. Edmond Bau-
WAERT. — Paris, A. Picard, 1880, in-8* de 247 p.
Voici de bons mémoires provinciaux, qui peuvent servir de complé-
ment au journal de Claude Haton, publié par Bourquelot dans la Collec-
tion des Documents inédits sur l'Histoire de France, Il no faut pas cher-
cher dans les mémoires de ce genre les grands événements et les ressorts
474 GOHPTBS-RBNDUS CRITIQUES.
1541 président du Parlement de Provence. Ainsi entre une jeunesse
errante et une vieillesse comblée d'honneurs, se place pour lui une
longue période d'existence recueillie, éprouvée à certains égards^ pour-
tant laborieuse et féconde. M. Pignot a trouvé dans l'ordonnance môme
de sa vie la division naturelle de son livre, et le récit des pérégrina-
tions de Ghasseneuz encadre Pexamen de ses écrits de jurisprudence et
de morale.
La partie bibliographique, on n'oserait dire littéraire, de l'ouvrage n'ex-
cite qu'un intérêt restreint ; car elle a trait à de volumineux écrits que
les analyses de M. Pignot, si limpides qu'elles soient, ne donneront pas
envie à d'autres de relire. Les amateurs du droit coutumier parcourront
encore les commentaires sur la coutume de Bourgogne, les dissertations
sur la main-morte, les censives ou le retrait lignager; mais qui songera
à rouvrir ce Catalogus dont les titres seuls indiquent les bizarreries, vrai
dédale d'érudition en même temps que débauche d'imagination? Il
faudrait plaindre M. Pignot d'en avoir secoué la poussière, si on n'avait
à le remercier d'avoir dispensé ainsi désormais qui que ce soit de faire
directement connaissance avec cette étrange encyclopédie.
Les ouvrages de Ghasseneuz ont du moins un mérite très appréciable
ici, celui de fournir des renseignements assez nombreux sur la vie de
leur auteur. Ils forment la source principale à laquelle M. Pignot a
puisé, tout en ayant recours à d'autres documents dispersés çà et là,
tels que les manuscrits de la bibliothèque d'Aix. De là dans cette bio-
graphie plus d'une partie accessoire, ou en d'autres termes bon nombre
d'éclaircissements qui concernent l'histoire politique, religieuse ou litté-
raire du temps. Chacun pris à part a son intérêt, mais quelques-uns
pourraient être qualifiés de digressions. Ainsi, dès les vingt premières
pages, on relève successivement une description d'Autun à la fin du
xv« siècle, des détails sur plusieurs universités françaises ou étrangères,
plusieurs pages sur l'étude du droit en Italie ; plus loin c'est un tableau
de la vie municipale et sociale à Autun, qui ne fait guère que résumer
le tableau beaucoup plus complet tracé par M. Abord (Histoire de la Réforme
et de la Ligue à Autun, t. I). En revanche, les chapitres consacrés à la
réformation de la justice, à l'invasion de Charles-Quint en Provence et
surtout au procès des Yaudois ne paraissent point trop longs ; car ici
Chasseneuz se révèle comme homme public; dans de délicates circons-
tances il déploie une haute intelligence, un noble et ferme caractère,
et se place d'emblée parmi ces magistrats élevés au-dessus des passions
de leur temps, créateurs de la glorieuse tradition personnifiée plus tard
en Lhopital, Guillaume du Vair et Jeannin. Qui sait si pour ce dernier,
né un an après sa mort, dans la même ville que lui, il n'a pas été un
modèle ?
Sans parler de la conscience et de l'étendue des recherches, il y a
dans cette étude biographique un mérite qui ne contribue sans doute
pas à l'agrément du récit, mais qui le nourrit singulièrement et lui
donne sa couleur propre ; c'est le soin que M. Pignot a eu de faire à sa
BRUWAERT : MlîllOiaES DE JACQUES GIRORGDT. 485
Aussi comme Ton respira à Taise, quel soulagement Ton éprouva, lorsque
la conversion de Henri IV eut amené une trêve en 1593. c II semble
par la volonté de Dieu, dit Garorguy, que nous entrions en son Para-
dis et que l'enfer est refermé. » Mais la trêve est rompue et, tandis que
les habitants des campagnes sont livrés de nouveau à la merci des pil-
lards, les bourgeois de Bar-sur-Seine subissent de nouvelles exactions,
dont le produit est employé à fortifier le château. Ces épreuves, il est
vrai, durèrent moins longtemps que les précédentes, et, lorsque au
mois de mai 1594 le gouverneur de Bar-sur-Seine se fut soumis au roi,
la paix intérieure ne tarda pas à se rétablir.
Ce gouverneur, le sire de Gramont, fut tué la même année, dans des
circonstances tragiques, qui montrent qu'il est un certain degré d'inso*
lence et d'oppression que le peuple ne peut tolérer. Des « vinotiers •
ou vignerons des Riceys, revenant de Troyes où ils avaient vendu leur
vin, rencontrèrent sur le grand chemin le sire de Gramont et ses cava-
liers: comme ceux-ci firent mine de vouloir les rançonner et tuèrent
deux d'entre eux, les c vinotiers, > qui étaient armés d'arquebuses, ripos-
tèrent, et l'une de leurs balles vint frapper le gouverneur qui c tomba
mort sur la place. > Son escorte prit la fuite, et les gens des Riceys
eurent t loysir de prendre Tescharpe, les espérons et l'espée dudict sei-
gneur Grandmont, laquelle escharpe vault bien huict cens escus »
(page 203). On ne dit pas si les meurtriers furent poursuivis ; comme
ils avaient parmi eux un homme d'armes de M. de Praslain, royaliste
dévoué, il est probable qu'ils furent considérés comme ayant agi en
légitime défense.
Il faut savoir gré à M. Edmond Bruwaert d'avoir publié les curieux
mémoires de Garorguy, dont le manuscrit lui a été communiqué par
la bibliothèque de Troyes, qui l'avait acquis en 1854. Il a fait précéder
son texte d'un avertissement dans lequel il fait connaître la personne
de l'auteur et les quelques traits biographiques qu'il a pu recueillir sur
son compte ; quant au texte lui-même, il l'a accompagné de notes qui
pourraient être plus détaillées et plus précises; il serait facile de rele-
ver quelques inexactitudes dans les indications des distances des loca-
lités; ainsi Polisot (p. 81) n'est pas à 9 kilomètres de Bar-sur-Seine,
mais à 4; Arrelles (p. 136) n'est pas à 2 kilomètres, mais à 8. Le
volume se termine par une table chronologique des faits et par une
table des noms propres.
A. B.
Vie d'Artas Prunier de Saint-André, conseiller du Roy en ses
Gonseils d^Estat et privé, premier président anx parlements
de Provence et de Dauphiné (1548-1616), d'après un manus-
crit inédit de Nicolas Ghorier, publié avec introduction, notes,
appendices et la correspondance inédite de Saint-André, par Alfred
486 COMPTES-RENDUS CRITIQUES.
Vellot, avocat. Paris, Alphonse Picard, 4880, in-8o deLxv-590p.
Titre rouge et noir et portrait.
La vie d*Artus de Prunier de Saint-André, composée environ soi-
xante-dix ans après sa mort par Nicolas Ghorier, d'après des documents
que lui communiqua en partie la famille de Prunier, apporte un nom-
breux contingent de faits nouveaux ou peu connus jusqu'à ce jour sur
l'histoire si troublée du Dauphiné, durant la seconde moitié du xvi« siècle
et les premières années du siècle suivant. Il n'est pas en effet d'événe-
ments remarquables qui se passèrent alors en Dauphiné, auxquels ne
fut mêlé Artus de Prunier, qui exerça successivement les charges de
conseiller et de président au parlement de Dauphiné, de conseiller
d'Etat, de premier président aux parlements de Provence et de Dau-
phiné, et fut chargé de l'intérim de la lieutenance générale au gouver-
nement de cette dernière province.
Cependant pour faire un sain usage du nouvel ouvrage de Ghorier,
que vient de publier pour la première fois M. Vellot, d'après un manus-
crit appartenant à M. le marquis de Virieu, il faudra le consulter avec
discernement, en contrôler au moyen d'autres documents historiques
les faits et en rectifier les erreurs, car, comme toutes les autres œuvres
de Ghorier et notamment son Histoire générale du Dauphiné, la vie
d' Artus de Prunier est dénuée de toutes preuves et est obscurcie par
une multitude de déclamations philosophiques et par une emphase vul-
gaire de style que son auteur a maladroitement empruntées aux histo-
riens italiens de la renaissance des lettres.
M. Vellot a bien cherché dans les quelques notes dont il a enrichi
sa publication à jeter quelques lumières sur un certain nombre de per-
sonnes ou de faits relatés par Ghorier, mais ses annotations, qui du
reste ne concernent en général que les hommes ou les événements les
plus connus, sont loin d'avoir toute l'exactitude que Ton était en droit
d'espérer. Quelques rectifications aux notes de M. Vellot suffiront à
faire apprécier à sa juste valeur le travail de cet auteur.
Ainsi à la page 5, note 1, pour fixer la date de la naissance d' Artus
de Prunier, que Ghorier fait simplement naître à Grenoble, en 1548,
dans le môme mois que le roi Henri U y passa en allant en Piémont,
M. Vellot affirme que ce souverain dut arriver à Grenoble quelques
jours après son passage à Lyon, qui eut lieu le 31 juillet, et que par
conséquent Artus de Prunier naquit au commencement d'août 1548.
Or M. Vellot n'aurait point dû ignorer que le récit des préparatifs faits
par la ville de Grenoble pour recevoir Henri II ainsi que la description
de son entrée dans cette ville, qui eut lieu seulement le lundi 10 sep-
tembre, ont été publiés dès 1843 par M. Pilot dans une brochure inti-
tulée : Mœurs et coutumes anciennes en Dauphiné. — A la page 49,
note 2, le môme nous apprend que François de Bourbon, fils de Louis de
Bourbon, fut nommé gouverneur du Dauphiné en 1567, alors que ce
personnage ne fut nommé à cette charge que par lettres patentes du
20 décembre 1569, en remplacement de son père, qui lui-même l'avait
R. L. POOLE : HISTOtT OF m HCCCEXOTS. 187
été à U mort de son frère aine, Charles de Bourbon, le 13 octobre laGd.
— Â la page 155, note ij d'après l' Armoriai du Daaphiné de M. RiToire
de la Bâtie, ouvrage des plus médiocres et qu'il aurait dû se dispenser
de consulter, M. Vellot avance qu'Eustache Poculot fut maître eu U
Chambre des comptes de Grenoble au xvn* f:iècle. ce qui est inexact.
Du reste, le catalogue des membres de la Chambre des comptes du
Dauphiné, placé en tête du deuxième volume de rii<vestaire
sommaire des archives de l'Isère . que M. Vellot connaît pariai*
lemenL» puis«pi'il en fait dans le cours de sa publication àe
fréquentes mentions, ne contient aucun personnage de ce nom.
— A la page 16<X note t, toujours d'après le même Arm^^rial da
Dauphiné. on lit que Claude Fustier vint se fixer en Dauphix;é où il
fui secrétaire da Parîemest en li-îî», et que Frasrois Fu?li^r, K/û fili,
fut président au même Par>n[ieat en WJh. A ce pro;^^. aouç dir^os
que Claude Fusûer ne fut nonime s«crétaire qu>a 1^41 et que Fraii'/^îs-
petit-àls et noc èls de Cauie. fut nommé preçid^'Ot '/u >ur*« pa«fiii«
du 23 mai I55Î. Son ;»?Te- Gabriel, avait été nommé yr:CT*i'jkiT> a- mézie
parlement le 15 février !ST4, ^-n r^mpliCrrm*!*: de ••'>:* ;rfre. fZau^e.
Tous ces reiL5i?içi*m*i.is M#iî ézaLem^i^ c^nei^u* dai.» ïizAryljr^oa
da deuxième volunie de :"Iaveniair* d** arcûi^** de ilwrre. — A ia
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488 COMPTES-RENDOS CRITIQUES.
sente ou des appréciations fautives, ou des lacunes regrettables. Sans
doute le groupement des faits n'est pas sans habileté, des détails
curieux sont rapportés, mais il est aisé de voir que Fauteur n'a connu
les Réfugiés que d'après les jugements des uns ou des autres. Pour
écrire une histoire du Refuge, il est nécessaire de connaître de près
les hommes, les livres et les choses de la fin du xvii« siècle, car ce
n'est pas assez de donner des chiffres de statistique, ou de citer quelques
événements. Le grand défaut de cette étude est d'avoir laissé dans
Tombre ce qui a été le grand intérêt de l'émigration française du
xvii« siècle, c'est-à-dire le mouvement des idées religieuses et politiques.
Si M. R. P. avait étudié de près par exemple l'œuvre comme la per-
sonne de Jurieu, s'il avait simplement consulté les State papers , le
dixième volume des Archives de la Bastille^ il n'eût certainement pas
écrit que cet écrivain était c incapable de suivre avec calme et préci-
sion un argument » (p. 53.) Il n'aurait pas réédité ces déclamations
contre le a pamphlétaire fanatique > dont ses adversaires abusaient avec
tant de violence, s'il avait su avec quelle fermeté il lutta contre le des-
potisme de Louis XIV. Au moins aurait-il dû avoir quelque recon-
naissance pour celui qui servit avec passion la fortune de Guil-
laume III et défendit ses droits avec une éloquence qui effraya Bossuet.
Mais M. R. P. semble avoir ignoré cette grande controverse, autrement
intéressante que celle qui mit l'évêque de Meaux aux prises avec Bas-
nage, qui pour lui est le représentant autorisé des Réfugiés.
Sans doute l'influence de Basnage fut grande, mais elle ne peut être
comparée à celle de Jurieu dont les Lettres pastorales c volant, comme
il le disait, par dessus les remparts » arrêtèrent les succès de la mis-
sion dragonne. Ecrire un livre sur les Réfugiés et passer sous silence
les négociations qui amenèrent la formation de la ligue d'Augsbourg,
ne citer Brousson qu'une seule fois et en passant, c'est enlever à ce
livre son plus puissant attrait. Que pour M. R. P. Jurieu soit un
visionnaire et un théologien irascible, soit, mais encore aurait-il fallu
parler des Soupirs de la France esclave et rappeler son rôle au traité de
Ryswick. Gela eût été préférable que de vouloir soutenir que les Réformés
formaient un parti politique sous Louis XIV (p. 2), malgré, dit-il, les
dénégations de leurs auteurs. Que M. R. P. relise le texte de l'Edit de
révocation et il verra mieux son erreur, car s'il avait été possible de
trouver un prétexte de cet ordre pour justifier l'iniquité de cette mesure,
assurément on n'y eût pas manqué. Pourquoi prétendre que Golbert,
seul dans le gouvernement de Louis XIV, était opposé aux mesures
de rigueur prises contre les réformés (p. 9) ? Mais alors comment expli-
quer sa signature au bas de ces édits sans nombre qui tous frappaient
les protestants dans leur fortune, dans leur position, dans leur honneur.
On voit donc que M. R. P. est encore sous l'influence de traditions
anciennes et, pour s'en convaincre, il suffît de savoir que l'un des auteurs
auquel il revient avec complaisance est Anciilon dont il cite trop sou-
vent les jugements débonnaires.
RIBDER : JOHANN III. 489
Cette histoire du Refuge est donc incomplète et nous en donnerons
une dernière preuve en marquant que, dans son appréciation trop élo-
gieuse de Bayle, l'auteur n'a pas môme fait allusion à la publication de
VAvis aux Réfugiés qui suscita des divisions si profondes entre les exilés.
C'est donc un abrégé qui, paraissant vingt-sept ans après l'ouvrage de
Weiss, devait être plus précis et plus riche dans ses informations. Cepen-
dant il a son utilité comme répertoire de faits intéressant une période
de notre histoire.
Frank Puaux.
Georges Rieder. Johann III, Kœnig von Polen, Sobieski, in "Wien.
Un vol. in-8*». Vienne, Braumiiller. 4842, 400 p. in-8^
La ville de Vienne se prépare à célébrer le deuxième anniversaire
séculaire de sa délivrance due à Théroïsme de Jean Sobieski. 11
est tout naturel que des écrivains autrichiens aient Tidée d'honorer
la mémoire du chevaleresque souverain. Si les bonnes intentions suffi»
saient, l'ouvrage de M. Rieder serait excellent. Malheureusement l'au-
teur n'a aucune idée de la méthode historique ; il ne connaît ni les
sources, ni même les ouvrages de seconde main qui pourraient être
consultés avec fruit. Il cite les auteurs à tort et à travers. Il est d*une
ignorance tellement naïve qu'on ne peut même pas discuter ses asser-
tions. Un seul exemple suffira. P. 65, M. R. parle de la bataille de
Saint-Gothard où figura comme on sait un corps d'auxiliaires français
commandé par La Feuiilade et Coligny (juillet 1664). Or savez- vous
quel est pour lui ce Coligny ? C'est l'amiral qui fut plus tard tué du
haut d'un balcon dans la nuit de la Saint-Barthélémy I (unter dem
Admirai Coligny, spxter in der Bartholomsus Nacht aus einem Fenster su
Paris erschossen t ! /). C'était un livre à ne pas écrire; et c'est un livre
à ne pas lire.
L. Lbobr.
CShronlqnes et récits de la Rèrolation dans la ci-devant Basse-
Auvergne (département du Pay-de-D6me). — Les Bataillons
de Volontaires (4794-4793), par FaArfciSQDE-MÈGB. Un vol. in-8«
de 205 p. — Paris, Glaudin, 4880.
M. Francisque-Mège avait déjà, dans son remarquable travail sur le
Puy-de-Dôme en 1793, parlé des volontaires de 1792 ; il avait montré,
contrairement à la tradition, que ces fameux volontaires étaient sou-
vent partis malgré eux. M. F. -M. est revenu sur ce sujet, et il a fait
dans la mesure du possible, car les documents lui ont parfois manqué,
l'histoire des bataillons de volontaires du Puy-de-Dôme. Cette histoire
est curieuse à plus d'un titre ; elle a l'importance qu'ont toujours les
travaux de M. F.-M. et elle est très instructive. On y voit en effet que
490 COMPTES-RENDUS CRITIQUES.
Tenthousiasme est de sa nature chose éphémère, et que le patriotisme
véritable, celui qui consiste à s'imposer de longues souffrances pour la
patrie, n'existe guère que dans ce qu'on appelle les classes éclairées. Il
ressort de cette nouvelle étude si intéressante une leçon bonne à retenir.
En cas de danger, on ne doit pas compter outre mesure sur la bonne
volonté des enthousiastes; il faut surtout, si Ton a sous la main de
nombreux volontaires, ne pas commettre la faute que commirent nos
aïeux ; il est imprudent de former avec ces volontaires des bataillons ou
des régiments à part.
A. Gazier.
Henri Lisicki. Le marquis 'Wlelopolski, sa vie et son temps
(4803-4877), 2 vol. in-8« de vii-346 et 440 p. Vienne, 4880, Faesy
et Frick, éditeurs.
Cet ouvrage bien qu'édité à Vienne est imprimé à Gracovie à l'impri-
merie du célèbre journal le Czas*. L'auteur qui occupe un rang distin-
gué parmi les publicistes polonais est né en 1841 dans le gouvernement
de Lublin (royaume de Pologne). Il a fait ses études dans les villes de
Lublin et de Kielce. U vit actuellement en Galicie et compte parmi les
collaborateurs les plus assidus de la Revue polonaise de Gracovie {Prze^
glad Polski), Si j'insiste sur ces détails, c'est qu'il est nécessaire d'éta-
blir dès le début l'identité de l'écrivain *. Nous avons affaire à un Polo-
nais pur sang, grandi au milieu même des événements qu'il entreprend
de raconter, instruit par les rudes leçons de l'expérience, exempt des
préjugés généreux mais funestes qui se développent dans le sein des
émigrations. Les faits dont M. Lisicki s'est fait l'historien ont eu jadis
chez nous un immense retentissement ; ils ont passionné l'opinion des
partis les plus opposés, des ultramon tains, des césariens et des radi-
caux. Ils ont exercé sur la génération, qui entrait vers 1860 dans la vie
politique, un attrait et une influence presque irrésistible. Depuis, beau-
coup d'entre nous les ont oubliés; quelques-uns regrettent les entraîne-
ments de leur jeunesse ; le spectacle de nos propres épreuves nous a
rendus plus indifférents à celles d'autrui; d'ailleurs l'esprit critique et
la méthode d'observation ont fait des progrès chez nous. Autrefois nous
n'avions d'oreilles que pour les Polonais; aujourd'hui nous essayons de
comprendre la Russie. Le livre de M. Lisicki arrive à point pour ceux
qui aimeraient à contrôler leurs impressions d'autrefois; il sera bien
1. Le Temps.
2. J'emprunte ces détails à l'intéressante histoire de la littérature polonaise
de MM. Zdanowicz et Sowinski (en polonais, Vilna, 1874-1878). Elle signale parmi
les principaux ouvrages de M. Lisicki des Notes de voyage sur Paris et Londres
c pleines d'observations profondes, i des nouvelles et des articles de politique
contemporaine.
LISICEI : LE MARQUIS WIELOPOLSKI. 494
vena de ceux qui veulent s'éclairer sur des événements dont ils n*ont
pas été les témoins et qui viennent à peine d'entrer dans l'histoire.
Au premier abord ce livre surprend. On s'étonne qu'un Polonais ait
eu assez de sang-froid et d'esprit critique pour l'écrire. Nous voilà bien
loin des efifusîons mystiques, des élans lyriques auxquels les contempo-
rains et les disciples des Mickiewicz nous avaient accoutumés. Il ne
s'agit plus ici de la Pologne a Christ des nations > ou c Kopernik du
monde moraH i dont on nous entretenait jadis. M. Lisicki débarrasse
le terrain de tout ce lyrisme étranger à la politique et se prend corps à
corps avec la réalité. On ne saurait trop le remercier d'avoir écrit son
livre en français. Il réclame dans sa préface notre indulgence pour les
c hésitations et les incorrections de son style, excusables peut-être chez
un étranger. » Il n'a nul besoin de notre indulgence; son œuvre est
écrite d'un style franc, ferme et nerveux, et beaucoup d'entre nous s'ho-
noreraient de manier aussi bien la plume. M. Lisicki justifie complète-
ment le vers célèbre :
Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement.
La netteté du style répond chez lui à la netteté absolue des idées.
M. Lisicki a évidemment eu communication de tous les papiers du
marquis Wielopolski; il ne s'est pas contenté de raconter sa vie; il Ta
encadrée dans une histoire politique du royaume de Pologne depuis les
traités de 1815 ; les hors-d'œuvre tiennent dans ces volumes plus de place
que le sujet même; mais il serait à regretter qu'il n'en fût pas ainsi. Le
marquis Wielopolski avait pris en quelque sorte pour règle de sa poli-
tique le mot souvent cité de l'empereur Alexandre II aux gentilshommes
polonais : c Messieurs, point de rêveries ; » il voulait que le royaume de
Pologne cessât de se laisser conduire par les combinaisons illusoires de
l'émigration, par les rêveries mystiques des poètes, qu'il se plaçât résolu-
ment sur le terrain de la réalité. M. Lisicki est à la fois l'historien de
cette politique et son apologiste. Il est d'une sévérité impitoyable pour
l'esprit révolutionnaire en quelque pays et sous quelque forme qu'il se
manifeste. Les révolutions de Pologne ont assez mal réussi pour justi-
fier cette sévérité. Notre auteur, partisan convaincu — je dirai même
rehgieux — du principe d'autorité, applique la même règle à tous les
temps et à tous les États. La soumission aux pouvoirs établis prêchée
par saint Paul est pour lui un dogme politique. Pour lui d'ailleurs
toutes les autorités, celles de la famille, celles de l'église, celles du pou-
voir sont également solidaires. Tous les révolutionnaires, quels qu'ils
soient, sont enveloppés dans une même proscription. L'historien Lelewel
est « une véritable incarnation du génie du mal. > En revanche le
prince Windischgrœtz, celui qui bombarda Prague, est c une des plus
belles figures historiques de notre temps; il se distinguait par la fer-
1. Expression des poètes Krasinski et Brodzinski dont les œuvres sont très
populaires en Pologne et dans l'émigration.
492 COHPTBS-RBNDUS CRITIQUES.
meté de ses convictions, Télévation de ses vues, la parfaite connais-
sance de rétat et des besoins de la société à notre époque. • Sur ce
point et sur bien d'autres nous faisons nos réserves et plus d'un lecteur
les fera sans doute avec nous.
En revanche tout le monde sera d'accord à reconnaître la netteté du
récit et le talent de l'historien. Le portrait de Wielopolski tel qu'il res-
sort de cette remarquable étude n'est pas sans analogie avec celui de
François Deak. Mais Deak avait afifaire à une nation à la fois chevale-
resque et légiste ; il trouvait chez la plupart de ses compatriotes un
point d'appui qui manqua à Wielopolski. U fut d'ailleurs, qu'on ne
l'oublie pas, secondé par les circonstances. C'est au lendemain du
désastre de Sadowa que l'empereur François-Joseph consentit à faire
à la Hongrie les importantes concessions que l'on sait. Il céda parce
qu'il se souvenait de l'insurrection de 1849 et qu'il ne voulait pas la
voir se renouveler. Deak recueillit au fond l'héritage de Kossuth. Je
regrette que M. L. n'ait pas songé à un parallèle qui semblait s'imposer
de lui-môme. Quoi qu'il en soit, son livre est une des œuvres histo-
riques les plus fortes qui aient paru de notre temps. L'auteur a eu
l'excellente idée de reproduire en appendice un curieux document : la
lettre du marquis Wielopolski au prince de Metternich sur les mas-
sacres de Galicie, en 1846. H y a joint un autographe du marquis et un
autre de M. de Bismarck qui n'est pas sans intérêt ^
Louis Lboer.
1. Parmi les corrections de détail je signalerai celles-ci. Tome I, p. 72. Plu-
sieurs milliers de Ueuss séparaient la France de la Vistule. M. L. ne se rend
pas compte de la valeur de la iieue française. De Paris à Varsovie il y a envi-
ron 1 ,600 kilomètres, soit 400 lieues. — Ib., p. 377, M" Cornu n'était pas la
nourrice f mais la sœur de lait de Napoléon III.
RBCCBILS PERIODIQUES. 493
RECUEILS PÉRIODIQUES ET SOCIÉTÉS SAVANTES.
1. — Revue des Questions hlstorlqaes. i7« année, 1883, i«' avril.
— Abbé Martin. Le Aià Teaaapcov de Tatien (cet écrit, composé en
Mésopotamie entre 160 et 170, est un essai de concordance entre les
quatre évangiles canoniques; on nen connaît que des fragments en
arménien, qui ont été traduits en latin en 1876, et une version arabe
qui existe à la bibl. du Vatican, et qui doit être publiée au tome FV
des Analecta sacra^ par le P. A. Ciascft; le texte complet de Tatien
apporterait un élément précieux à Tétude critique des Évangiles; il
contribuerait à en établir a l'authenticité et la canonicité »). — D' A.
Battandier. Sainte Hildegonde, sa vie et ses œuvres (d'après l'édition
donnée par le cardinal Pitra). — Le R. P. Pierlino. Grégoire XUI et
Ivan le Terrible; préliminaires de la paix de Kivérova Gora, 1582
(article important et curieux à la fois; c'est l'histoire de Tambassade du
jésuite Possevino s'etforçant, à la demande du tsar, de ménager un
traité, ou du moins une trêve, entre Etienne Bathory, roi de Pologne,
et Ivan le Terrible. L'auteur a pu mettre à profit, outre de nombreuses
sources russes et polonaises, les registres du Vatican). — V. Pierre.
La déportation à l'île de Ré et à l'île d'Oléron après Fructidor (le résul-
tat pour les deux déportations : 1« à la Guyane, 2® à Ré et à Oléron,
est celui-ci : à la Guyane, jusqu'en août 1798, 398 personnes; à Ré et
à Oléron, jusqu'à la fin de nov. 1799, d'une part 1,064, de l'autre 251 ;
ce sont en tout 1,643 individus qui ont été déportés dans ces trois
endroits après le 18 fructidor. On sait, par les études de M. Destrem
dans la Rev. hist., l'histoire des déportations après le 18 brumaire.
Bonaparte, en ce point comme en plusieurs autres, ne fit que continuer
la Révolution). — Abbé Allain. Les derniers travaux sur l'histoire de
l'instruction primaire ; l'état actuel de la question (étude bien conduite ;
bibliographie très complète relative à la question. On ne pourra désor-
mais négliger cette étude dans tout travail sur l'enseignement primaire
avant 1789). — Abbé Ranck. Une nouvelle correspondance de Fénelon :
Marie-Christine de Salm, chanoinesse de Remiremont; 2«art. (ces lettres
intéressantes ont fourni à l'auteur le sujet d'une lecture au dernier
congrès des sociétés savantes; nous en parlons plus loin). — Baque-
NAULT DE PucuEssE. Les dix dernières années de Tadministration de
Mazarin (surtout d'après le livre de M. Chéruel). — M. de La Roche-
TERiE. Frédéric II et Mario-Thérèse (d'après le livre de M. de Broglie).
— Baudrillart. Trois amis des paysans au xviii^ s. : le noble, le
prêtre, le savant (le duc de La Rochefoucauld-Liancourt, l'abbé Lefèvre
et Lavoisier, d'après les Procès-verbatix du Comité d'administration de
Rev. Histor. XXII. l»' pasc. 13
494 RECUEILS PERIODIQUES.
l'Agriculture publiés par M. Pigeonneau et M. Foville). — Gandy. Les
Mémoires de Metternich. — Polémique : les légendes de Saint-Maixent
et la victoire de Glovis en Poitou, réponse à D. Ghamard, par A. Richard ;
réplique de Dom Ghamard (contrairement à l'opinion de D. Ghamard,
que nous avons résumée dans notre dernier numéro, XXI, 440, M. R.
croit que la défaite d' Alaric a réellement eu lieu à Vouillé ; que Gré-
goire de Tours n'a pas emprunté le nom du campus Yogladensis à l'au-
teur de la Vie de saint Maixent et que nous ne possédons pas la légende
primitive de ce saint). = Bulletin bibliographique. Coen. Di una leg-
genda relativa alla nascità e alla gioventù di Gonstantino Magno (traité
avec beaucoup de science et de sagacité). — Jacquot, Défense des Tem-
pliers contre la routine des historiens et les préjugés du vulgaire (par-
tial, mal informé et mal écrit). — Ghronique d'Etienne de Gruseau,
1588-1616 (texte important, tables copieuses, mais aucune note). —
Céleste. Voyage du duc de Richelieu, de Bordeaux à Rayonne, 1759
(relation adressée à la duch»»" d'Aiguillon par un des officiers de l'escorte
du duc, G. de Rulhière, le futur membre de l'Académie française).— La
Grande. Ghartreuse , par un chartreux (bon). — Foulques de Villaret.
Recherches histor. sur l'ancien chap. de l'église d'Orléans (excellent). —
Abbé P. Grégoire, État du diocèse de Nantes en 1790 (beaucoup de don-
nées statistiques sur Tévôché, le chapitre, l'Université, les deux sémi-
naires et le collège de Nantes, les établissements religieux du diocèse).
— Gautier. Études sur la liste civile en France (détails utiles). — Picot
et Bengesco. Alexandre le Bon, prince de Moldavie, 1401-1433 (savante
biographie).
2. — Bibliothèque de l'École des chartes. 1882, 6* livraison. —
N. Valois. Le conseil du roi et le grand Gonseil pendant la première
année du règne de Gharles VUE; l*"" art. (utilise une copie des procès-
verbaux des États de Tours, du 4 mars au 16 juillet 1484, copie conser-
vée dans un des vol. de la coll. Baluze, et qui aide à combler une lacune
des Procès-verbaux du Conseil de régence de Charles VII, publiés dans les
Doc. inéd.; étudie l'organisation qu'Anne de Beaujeu, sous la pression
des États, donna au a Gonseil Étroit > ; note en passant l'existence de
a secrétaires de la guerre » sous Louis XI). — Em. Molinier. Liven-
taire du trésor du saint-siège sous Boniface YIU ; suite. — L. de Mas
Latrie. Le fief de la Ghamberlaine et les chambellans de Jérusalem
(donne la liste des chambellans depuis Stabelon en 1099 jusqu'à Nicolas
de Glirissia en 1372). — S. Luge. Gours d'étude critique des Sources
de l'histoire de France professé à l'École des chartes ; leçon d'ouverture
(trace le programme de ce cours nouvellement créé à l'École des chartes).
= Bibliographie. Kandako/f. Voyage au Sinai en l'an 1881 ; les anti-
quités du monastère (résume les précieux renseignements fournis par
ce livre sur la bibliothèque du Sinaï). — Rocchi. Godices Gryptenses scu
abbatiae Gryptae Ferratae in Tusculo, 1»* livr. (commence le catalogue
des mss. de Grottaferrata, au nombre de 500 environ; cette première
livraison en contient 47, tous textes de l'Ancien et du Nouveau Testa-
RBCUBILS PERIODIQUES. 495
ment et livres d'office grecs, importants pour la paléographie). —
Palustre, La Renaissance en France, 7« et 8« livr. : lie-de-France (la
7« livr. est consacrée aux tombeaux de Sainte-Denis, la 8* aux églises
de Paris; publication très remarquable, malgré la part laissée à l'hy-
pothèse).
3. — Revue critique. 1883, n* 8. — Schûrer. Die Glemeinde-
verfassung der Juden in Rom in der Kaiserzeit (curieux travail fait à
l'aide d'inscr. trouvées dans quatre cimetières juifs qu'on a fouillés à
Rome). -» N* 9. Pastenacci. Die Schlacht bei Enzheim, 4 oct 1674
(bon). = N° 10. Waitz. Annales maximi Golonienses, cum continuatio-
nibus (très bon texte). — Ghassin. Les cahiers des curés (incomplet,
mais contient d'intéressants détails). —> N* 11. Ledrain. Histoire d'Israël,
t. II (compilation sans critique). — Bernecker. Beitnege zur Chronologie
der Regierung Ludwigs IV des heiligen, Landgrafen von Thûringen
(bonne monographie). ^ N<' 12. Casati, Fortis Etruria; origines étrus-
ques du droit romain (curiosité d'esprit ingénieuse, mais grande inex-
périence dans le maniement des sources). — Winkelmann. Acta imperii
inedita saecuii xni (publie près de 900 pages de documents inédits très
importants pour l'histoire de la Sicile de 1198 à 1273). — Variétés.
Gazirr. Lettres des Ursulines du CSanada à l'abbesse de Port-Royal,
1642-43 (montrent qu'en 1642 Port -Royal envoyait de l'argent au
Canada et secondait l'effort des Jésuites dans cette colonie). == N" 13.
Fr. Arnold. Untersuchuàgen iiber Theophanes von Mytilene und Posi-
donius von Apamea (étudie les sources du livre qu'Appien a consacré
aux guerres de Rome contre Mithridate; étude bien conduite, mais
conclusions peu sûres). — Lindner, Geschichte des Reiches unter
Kœnig Wenzel. Bd. II (consciencieux; jugement modéré et équitable
sur Venceslas).
4. — Bolletin critique. 1883. l"" mars. — Brocher de la Fléchère,
Les révolutions du droit (livre d'une valeur incontestable). — Vanden^
peerebooin. Corn. Jansénius, septième évoque d'Ypres; sa mort, son
testament, ses épitaphes (important; dissipe les légendes qui entourent
la mort de Jansénius; il n'a pas, avant de mourir, soumis son livre au
jugement du saint-siège : rien ne prouve qu'il ait jamais eu aucune
crainte au sujet de ses écrits, que, c si Jansénius eût vécu, il eût été
janséniste »). ^ 15 mars. Fillion. Atlas archéologique de la Bible (ren-
ferme 960 figures empruntées aux grands ouvrages de Champollion,
Lenormant, Layard, etc., et qui forment un excellent commentaire
archéologique de la Bible). — Caron. Monnaies féodales françaises (ce
l*"" fasc. contient près do 200 pièces, dont un bon nombre d'inédites;
important). = l*»" avril. Crotset. Essai sur la vie et les œuvres de Lucien
(très bon livre). — Kurth. Les origines de la ville do Liège (étude
pleine d'humour et d'érudition). — Sebille, Saint-Sernin-du-Bois et son
dernier prieur (ce prieur est le petit-neveu de Fénelon, grand homme
de bien et maître de forges). — Bord, La prise de la Bastille et ses
conséquences (déclamatoire; n'apprend rien de nouveau).
496 RECUEILS PIÎRIODIQOES.
6. — Jonmai des Savants. 1883, févr. — H. Wallon. Frédéric II
et Marie-Thérèse ; suite en mars. — Lévéque. Raphaël, sa vie, son
œuvre et son temps. — Frank. Marsile de Padoue (sur l'ouvrage de
M. B. LAblanca). — Boissier. Les actes des Martyrs (sur l'ouvrage de
M. Le Blant). — R. Dareste. Les papyrus gréco-égyptiens (esquisse,
d'après des textes aujourd'hui assez nombreux, les principaux traits de
la législation égyptienne ; c'est un nouveau chapitre de l'histoire du
droit).
6. — Bulletin de correspondance hellénique. 7« année, n* t.
janv. 1883. — Hauvette-Besnadlt. Inscr. de Délos (décrets des Nrjaiôrat;
un d'eux confère des éloges et une couronne à Sostratos, fils de Dexi-
phanès de Gnide, l'architecte qui construisit la tour de Pharos au port
d'Alexandrie. 2* Décret en l'honneur d'un descendant d'Alexandre.
3* Dédicace faite par les KoiLizexakiaaral, datée par les fonctions de
Medeios, du Pirèe, comme épimélète de Délos, en 97-96). — Ramsay.
Inscr. de la Galatie et du Pont (publie 23 inscr., grecques pour la plu-
part). — Mylonas. Deux tablettes judiciaires inédites. — Reinagu.
Inscr. de Méthymna, auj. Molyvo (décret des prytanes en l'honneur
d'Anaxion, pour le remercier d'avoir veillé à ce que les sacrifices aux
dieux de la tribu fussent bien accomplis. Fin du m* s.) — Mangeaux.
Inscr. de Thessalie; le calendrier thessalien d'après une inscr. inédite
de Métropolis de Thessaliotide. — Dubois. Lettre de l'empereur Auguste
aux Gnidiens (texte très amélioré et traduction). -^ Fougart. Inscr. du
Pirée de la collection Alex. Mélotopoulos : offrande aux Motpai; décret
des Orgéons; dédicace de McXXéçriSoi.
7. — Revue de THistoire des Religions. T. VI, n* 6. 3* année.
— Beauvois. La magie chez les Finnois ; fin. — Hild. La légende
d'Énée avant Virgile; fin.
8. — Remania. 1882, oct. — G. Paris. Le Carmen de prodicione
Guenonis et la légende de Roncevaux (nouvelle édition de ce poème
latin, déjà publié en 1837 par Pr. Michel. Étudie les rapports de cette
légende avec celle qui fait le fond de la chanson de Roland). — G. Ray-
NAUD. Le miracle de Sardenai (ce miracle a un fondement historique; il
se rattache à l'histoire de l'abbaye de N.-D. de Sardenai fondée par
Justinien, près de Damas ; cette abbaye, dirigée par une abbesse, com-
prenait douze nonnes et huit moines ; elle était l'objet de nombreux
pèlerinages non seulement de la part des chrétiens, mais aussi des
musulmans, attirés par la réputation miraculeuse d'une image de la
Vierge qui guérissait toutes les maladies).
9. — Nouvelle Revue historique de droit français et étranger.
1883. N® 1. — R. DE Maulde. Chartes municipales d'Orléans etdeMou-
targis (publie la charte municipale d'Orléans, du 2 mars 1385 n. st.;
une délibération municipale d'Orléans t touchant les gaiges du capi-
taine » de la ville, xiv' s.; un arrêt du Grand Conseil sur la création de
la mairie d'Orléans, 8 oct. 1504; enfin la charte municipale de Montar-
RECUEILS PERIODIQUES. ^\)7
gis, 8 mars 1484 n. st. Ces textes sont précédés d'un résumé de l'histoire
municipale de ces deux villes, types intéressants des communautés du
centre de la France soumises directement à Tautorité royale). —
Laboitlaye. Les axiomes du droit français du sieur Catherinot. sieur
de Ghamproy, jurisconsulte et antiquaire du xvii* s., 1083 (suivi d'une
bibliographie raisonnée des écrits de Catherinot par J. Flach). —
EsMBiN. Études sur les contrats dans le très ancien droit français ; suite :
la plègerie et la gageric.
10. — La Révolution française. 1883, 14 février. ^ IL Moulin.
I^ marine républicaine : le vaisseau « les Droits de l'homme > et le
chef de division Lacrossc (combat du 24 niv. an V contre doux frégates
anglaises commandées par sir Ed. Polew, plus tard lord Exmouth). —
I> Robinet. Danton d'après les documents; 3' art. (répons(» aux
imputations do vénalité : des bénéfices que Danton retira de sa
charge d'avocat aux Conseils du roi; 4' art. 14 mars). — Colfavru.
Do l'organisation et du fonctionnement de la souveraineté nationale
sous la Constitution de 1701 ; G» art. ?• art. le 14 mars. — Bouvière.
Meyère do Loudun, juge au tribunal révolutionnaire de Paris; suite le
14 mars. — G. Lecocq. Le papier-monnaie des communes de France
pendant la Révolution; suite le 14 mars. — Charavay. Claude le Coz
(lettre à Grégoire, 14 sept. 1796, évéque constitutionnel d'Illo-et- Vilaine;
il ne s'y montre pas fort Lion disposé envers la République). — Rouvier.
Le siège de Mayence en 1793 ; fin (admet que Mayence pouvait encore
résister, et qu'au moment de la capitulation elle allait être secourue et
sans doute débloquée par l'armée du Rhin). = 14 mars. Folliet. Les
Savoisiens dans les Assemblées législatives de la Révolution, 1792-1800.
— Ch. OsTYN. Le procès de Marie-Antoinette; suite.
11. — Revue des Deux-Mondes. 1883, 15 févr. — Henri Houssayb.
L'ostracisme à Athènes. = l*»" mars. H. Taine. Le programme jacobin
(morceau vigoureusement écrit, mais qui n'est pas sans exagération ;
les Jacobins n'ont pas toujours voulu ni accompli tous les actes, les
réformes, dont on leur fait honneur. Malgré la grande part de vérité
contenue dans l'exposition de M. T., l'excès do déduction logique met
le lecteur en défiance. N'y a-t-il pas là une espèce de jacobinisme his-
torique ? Ce remarquable morceau d'histoire philosophique avait été lu
au cercle Saint-Simon). — Fr. Lenormant. A travers l'Afrique et
r.\pulie; notes de voyage, l"" article : la Capitanate, Termoli, Foggia,
8i[)onto, Manfredonia, Lucora; suite le 15 mars : l'intérieur de la Rouille;
Molfi et Venosa. — Michel Rr^al. La jeunesse d'un enthousiaste :
Charlos-Bonoit Hase (son voyage en France et son arrivée à Paris,
d'après sa correspondance en 1801 et 1802; étude tn»s piquante, qui, elle
aussi, a fait d'abord le sujet d'une conférence au cercle Saint-Simon),
12. — La Nouvelle Revue. 1883, 15 févr. — IL IU:ynald. Corres-
pondance do Louis XIV : instructions données au comte deTallard en
1698 (Tallard était envoyé en Angleterre pour proposer à Guillaume III
498 aSGUBILS PétIODIQUBS.
le partage de la succession espagnole ; sans apprendre rien de nouveau,
les deux pièces publiées ici résument d'une façon remarquable la poli-
tique française à cette époque critique de notre histoire), a l*** mars.
Ferd. de Lbsseps. Jugements sur la révolution de 1848 par un grand
écrivain espagnol (don Jaime Balmès, le c De Maistre espagnol >;
extraits de son dernier ouvrage, que sa mort prématurée laisse ina-
chevé. Pas de faits nouveaux et peu d'idées nouvelles).
13. — Revue politique et littéraire. 24 févr. 1883. — J. Reinagh.
Le Ministère du 14 novembre 1881 (suite les 3 et 17 mars. Ce remar-
quable exposé de la politique suivie par M. Gambetta depuis 1877, fait
par un homme qui a été placé de manière à la suivre jour après jour
et à en connaître les vrais mobiles, contribuera beaucoup à faire tomber
les accusations portées contre lui à Toccasion de son rôle avant et pen-
dant son ministère. M. H. montre que ce qui a pu paraître incorrect
dans sa conduite lui a toujours été inspiré soit par les circonstances,
soit par les hommes politiques qui Tentouraient. Il fait remonter la
principale responsabilité à M. Grévy, qui n'a pas appelé M. Gambetta
à former un ministère au lendemain de sa nomination comme prési-
dent de la République). — Livet. Marie Mancini (critique vivement
M. Ghantelauze qui a été très injuste pour Mazarin, qui a cru à tort à
Tauthenticité des Mémoires de Marie Mancini et a méconnu le vrai
caractère de l'Apologie ; rétablit d'une manière fort intéressante divers
points et diverses dates de la biographie de la malheureuse connétable,
et donne le texte exact de son épitaphe). =: 24 mars. L. Havet. L'écri-
ture chez les Romains (tandis que chez les Grecs la littérature a pré-
cédé l'écriture, chez les Romains elle en a été une application tardive.
L'écriture à Rome a existé dès l'époque royale). = 31 mars. G. Charmes.
Le protectorat catholique de la FranCtî en Orient.
14. — Le Correspondant. 1883. 10 févr. — Vicomte de Meaux. La
France dans les luttes religieuses de l'Europe ; 6* art. (la Pologne au
XVI" s. inaugure le régime de la liberté religieuse ; elle montre l'Église
romaine capable de résister non pas seulement à l'attaque violente,
mais aussi à la liberté permanente d'une autre croyance; suite le
10 févr.). — Welsghinqer. Les almanachs politiques sous la Révolu-
tion; l"' art. (insiste surtout sur la confection du calendrier révolution-
naire) ; 2« art. le 25 févr. — Feuillet de Conghes. La marquise de
Gréquy, d'après des documents inédits (emprunte à la correspondance
inédite de la marquise de nouvelles preuves que les prétendus Souvenirs
de la marquise de Créquy sont une impudente falsification ; on sait que
le véritable auteur de ce recueil de médisances est Cousen de Saint-
Malo) ; 2» art. le 25 févr. = 10 mars. Ed. Fremy. Les poésies inédites
de Catherine de Médicis ; suite le 25 mars (étude sur la vie privée, les
goûts littéraires, et même la politique de C. de M.). = 25 mars. For-
NERON. La garde nationale de Paris, 1789-92.
16. — Le Contemporain. 1883. 1*' févr. — Comte Alex, de Puy-
aSGUEILS ptfaiODIQUKS. 499
MAiORE. Souvenirs, 1789-1833; suite (détails intéressants sur les séjours
de Charles X à C!ompiègne, sur la petite cour do Chantilly, sur l'en-
tourage du roi, où ne se trouvait aucun homme vraiment énergique,
etc.); fin le 1" mars (après les élections de 1827, le comte de P. fut
envoyé en demi-disgrâce de Beauvais à Autun. Il constate l'effet désas-
treux produit sur Tesprit des gens de tous les partis par la création du
ministère Polignac-La Bourdonnaye-Peyronnet. En appendice est
reproduite la relation du séjour de la dauphine en Màcon, en juill. 1830;
la dauphine n'approuvait pas les ordonnances; « c'est peut-être un très
grand malheur que je n'aie pas été à Paris, > disait-elle au préfet, le
28 juillet). — An. de G allier. Les hommes de la Constituante : l'abbé
Grégoire et le schisme constitutionnel; 2* art.; fin le l*' mars. =
l**^ avril. M. de Taffanel. Trois expéditions françaises en Algérie :
1830, 1844, 1881 (condamne l'expédition de Tunisie).
16. — Le Spectateur militaire. 1883, 15 fôvr. — Souvenirs mili-
taires du général baron J.-L. Hulot; 5* art.; 6« art. le !•' mars, 7* le
15 mars, 8' le 1*' avril. =r 1«' mars. Expédition française en Tunisie,
10* art. — Faust-Lurion. Guerre turco-russe, 1877-78 ; suite : Suley-
man Pacha et son procès. = 15 mars. DABORMmA. La bataille de T As-
siette; étude historique, trad. de l'italien par Ch. Laporte; suite le
!•' et le 15 avril (ces trois articles ne contiennent encore qu'un exposé
de l'état où se trouvait l'armée piémontaise vers le milieu du xvin* s.).
17. — Académie des inscriptions et belles -lettres. 1883.
Séance du 9 févr. — M. Lenormant lit un mémoire sur l'emplacement
des villes de Terina et de Temesa (Calabre, prov. de Catanzaro) ; fin le
16 févr.; Terina doit être identifiée avec Santa-Eufemia. = 2 mars.
M. Hauréau donne une seconde lecture de son mémoire sur quelques
chanceliers de l'église de Chartres; M. Oppert propose la traduction
d'une inscr. de la collection de Sarzec au Louvre : « Ur-Ninâ, roi de
Sirtclla, fils de Haldu, a fait le temple de Ninsah; il a fait le palais,
etc. > = 9 mars. M. Miller lit une note sur un décret en trois langues,
hiéroglyphique, démotique et grecque, trouvé à Canope, et destiné à
perpétuer le souvenir d'un grand congrès de prêtres, délégués de tous
les temples d'Egypte, n'»unis pour remercier le roi Ptoléméc et la reine
Bérénice du service qu'ils avaient rendu au pays en ramenant dos sta-
tues de dieux enlevées par les Perses. — M. Sénart lit un mémoire sur
les inscr. sanscrites découvertes au Cambodge par M. Aymonier; une
d'elles, qui date du x' s. de notre ère, célèbre les mérites que s'est acquis
un certain ministre en restaurant au Cambodge renseignement et la
pratique du bouddhisme.
18. — Académie des Sciences morales et politiques. Compte-
rendu dos séances. T. XIX, nouv. série, 1883, févr. -mars. — P. Dareste.
Ijes impôts indirects chez les Romains (art. déjà paru au Journal des
Savants), — Vicomte d'Avenel. I^ budget de la France sous Ix)uis XIIL
Contributions directes : la taille (M. d'A. juge tout autrement la taille
200 11B€IIEIL8 PÉRIODIQUES.
que M. Gallery : c Jamais, dit-il, il n'a pa exister un impôt plus mai
combiné, plus mal réparti entre les provinces et entre les individus,
plus mal perçu et coûtant plus cher à percevoir que la taille person-
nelle sous Louis XIIL v II justifie ce jugement dans un travail très
sérieux et qui emporte la conviction. D'après ses calculs, en 1639, la
France, qui ne comptait alors que 17 millions d'habitants, payait, pour
impôt direct, une somme de 70,150,000 liv. équivalant à plus de 420 mil-
lions de nos francs, d'ailleurs très inégalement répartie).
19. — Société nationale des Antiquaires de France. Séance du
7 février 1883. — M. de Lastevrib communique la copie d'une inscr.
récemment découverte dans l'église de Villemanoche. Cette inscr., qui
est du xvi« siècle, fait connaître le nom de la nourrice de saint Louis,
appelée Lenfant. = 14 février. M. Tabbé Thédenat communique de
la part de M. Bretagne, de Nancy, la copie d'une inscription inédite
(Fidelis Silvani libertus Apollini votum solvit libens merito) trouvée à
Grand, dans les Vosges. — M. Roman fait connaître quelques détails
nouveaux sur le camp romain qu'il a découvert en 1879 à Aspres-les-
Veynes (Hautes- Alpes). Ce camp parait dater de la fin de l'empire. On
y a trouvé des monnaies appartenant à cette époque, trois petites
chambres recouvertes de stuc peint, une salle de bain, enûn des pote-
ries portant des marques de fabrication. =r 21 février. M. Ghabouillet
lit un mémoire sur l'empreinte d'une monnaie frappée en 1373 à Moi-
rans (Jura) par l'abbé Guillaume II, de la maison de Beauregard. Cette
empreinte, conservée au cabinet de France, fait connaître une variante
du franc du même abbé, dont le premier et unique spécimen a été
trouvé à Paris, rue Vieille-du-Temple, en 1882. — M. l'abbé Thédenat,
revenant sur le poids de bronze communiqué à la Société par M. Mowat,
annonce que ce petit monument, d'après les récentes découvertes de
M. François Lenormant, provient d'Ostuni, non de Canosa. Ostuni est
une ville de la province de Lecce (terre d'Otrante) ; la découverte qui y
a été faite tend à confirmer l'opinion que cette localité est identique au
municipe de Stulnini, mentionné par Pline et Ptolémée. — M. de Vil-
LBFOssB annonce qu'il a reçu de M. Demaeght, commandant de recrute-
ment dans la province d'Oran, une notice sur une intéressante borne
milliaire, appartenant au règne de Philippe et probablement à l'an-
née 244 ; l'inscription qui y est gravée montre que c'est une des bornes
de la voie romaine de Portus Magnus à Caesarea. — M. de Villefosse
signale en outre une inscription votive latine découverte sur le Mont-
Beuvray par M. Bulliot, au sommet d'un mamelon de roche vive. Il a
très certainement existé au Mont-Beuvray un sanctuaire païen. L'étude
des monnaies qui y ont été recueillies prouve que ce temple a été ruiné
à la fin du iv« siècle, à l'époque de la mission de saint Martin. — M. de
Laurière communique l'empreinte d'une monnaie envoyée de Portugal
par M. de Veiga. Cette pièce porte à la face l'inscription iESVRI, nom
d'une localité mentionnée dans l'itinéraire d'Antonin, et en établit
l'orthographe définitive. — M. de Rouqé lit un mémoire sur les anti-
RECUEILS PMaiODiQUES. 204
quités égyptiennes du Musée de Nantes. Parmi les objets assez nom-
breux de cette collection, qui est due à la générosité de M. Gaillaud, il
signale un ostracon, une palette de scribe, quelques bijoux intéres-
sants, enfin des inscriptions. M. l'abbé Thédenat, présente un petit
autel provenant d'Augst, canton de Bâle, et faisant partie de la collec-
tion de feu M. Marquaire. Cet autel porte l'inscription DEC INVIGTO
SECVNDV8 et se rattache au culte de Mithras. = 21 mars 1883.
M. Roman annonce qu'un écusson récemment découvert dans les fouilles
du Louvre contient les armoiries de Marguerite de Bourgogne, épouse
du dauphin Louis, ûls de Charles VL Cette princesse porta ces armoi-
ries depuis son premier mariage, en 1404, jusqu'à son second mariage,
en 1423. — M. Raybt lit un chapitre d'un ouvrage qu'il préparc sur
la Topographie d* Athènes. Ce chapitre concerne la statue de Zeus Ëlcu-
thcrios et le portique dédié au dieu et qui s'élevait derrière la statue
en bordure sur le côté occidental de l'Agora. Ce portique était décoré
de célèbres peintures murales d'Euphrauor; la première composition
représentait les douze dieux, la seconde, Thésée, la Démocratie et le
Peuple, la troisième enfin, qui se développait sur toute la longueur du
mur de fond, reproduisait la bataille de Mantinée. — M. de Villkfosse
communique le texte de plusieurs inscriptions inédites : i* une inscr.
découverte par M. Schmitter, receveur des douanes à Cherchell, pro-
vince d'Alger, et débutant par les mots IN HIS PRifCDIlS; 2« une
nouvelle borne milliaire découverte sur la voie romaine de Portus
Magnus à Caesarea, par M. Demaeght. Cette borne appartient à Tannée
216 ; 3* plusieurs inscriptions funéraires trouvées à Nîmes, et qui lui
ont été adressées par M. Alfred de Surville.
20. — Société de THistoire de France. Annuaire-Bulletin;
t. XIX, 1882. — A. DE BoisLisLE. Notice biographique et historique
sur Etienne de Vesc, sénéchal de Beaucaire ; suite (campagne d'Italie,
1495-98; récit de la mort de Charles VIII, d'après le ms. fr. 17519, qui
suit Gommynes, en y ajoutant quelques traits). — P. Mever. Richard
CxEur de Lion et Philippe- Auguste en 1199; d'après l'histoire de Guil-
laume le Maréchal, comte de Pembroke (publie les vers 11311 à 11724
du poème, relatifs aux négociations entamées entre les deux rois. Le
IK>ème confirme et dramatise le récit de R. de Wendover). — A. B.
Une lettre de M. de Bonrepaus (raconte à son frère, M. d'Usson, les
circonstances où il faillit, en 1690, recueillir l'héritage ministériel de
Colbert et de Seignelay. La lettre est des premiers mois de 1093). —
Noél Valois. Fragment d'un registre du Grand Conseil do Charles VII;
mars-juin 1455 (publie le texte de ce document intéressant, retrouvé à
la Bibl. nat.). — H. Lkpaqk. Les dernières années de .Michel de la
Iluguerye (1593-1610; mourut assassiné à Vandipuvre; analyse les
pièces de la procédure instruite à propos de ce crime).
21. — Société de rHistoire du Protestantisme français. Bul-
letin, 1883, 15 février. — Ad. Funck. La réforme à Valonciennes au
202 RECUEILS P<EI0DIQUB8.
XVI* 8. — GoÛARD-LuTS. Registre de Tétat civil de Téglise réformée de
Mooy, i292-94 (texte d'après Toriginal conservé aux archives de l'Oise).
— L'assemblée de la Baume des Fées, 15 janv. 1720; lettre et rapports
officiels. *» 15 mars. Bonnet. Laurent de Normandie (biographie de
Tami de Calvin, lieutenant royal de Noyon). — Le ministre Enoch et
l'église de Montargis, 1567-68. — Treize lettres du marquis de Ruvigny,
1695. — Lettre de Ck)urt de Gébelin à Duplan avec la réponse, août
i760. — Frossart. La Révocation dans la vallée d'Aure. — M. de Robert.
Pierre CSorteis ou Cortez (rectifications à Tart. de la France protestante).
22.— Société de lliistoire de Paris et de ITle-de-France. Bull.
9* année, 6« livr., nov.-déc. i882. — J.-J. Guifprey. Concours ouvert
entre Barthélémy Prieur et Germain Pilon fils, 1594 (on connaissait déjà
les noms de trois des fils du grand Pilon ; comme leur père, ils étaient
sculpteurs; le quatrième, Germain, voulut marcher sur leurs traces,
mais il échoua; à Germain, catholique comme son père, fut préféré
Prieur, protestant avéré). — Épitaphe du prince de Conti à Villeneuve-
lez-Avignon, 1666. — GuiFFREY. La famille de Salomon de Brosse,
d'après des documents nouveaux. — Delteil. Procès- verbal de nomi-
nation d'électeurs aux assemblées primaires réunies à Paris en vue de
rélection des députés aux états généraux, 13 avril-3 mai 1789.
23. — Annales de la Faculté des lettres de Bordeaux. 1882,
n* 4. — Lallier. La prise de Cirta par Jugurtha (M. Ihne prétend que
la prise de cette ville, le supplice d'Adherbal, le meurtre de la garnison
dont les marchands romains formaient la plus vaillante partie, n'ont eu
qu'une importance secondaire dans Thistoire de Jugurtha. C'est au con-
traire un fait de premier ordre qui décida le sénat, après avoir inutile-
ment envoyé plusieurs ambassades, à diriger une armée contre Jugur-
tha. Ses cruautés attirèrent contre lui une guerre où il devait succomber.
Salluste ne mérite donc pas la sévérité avec laquelle il est traité par
Thistorien allemand). — Luchaire. Sur la chronologie des documents et
des faits relatifs à l'histoire de Louis VII pendant l'année 1150 (ces
documents se rapportent à racquisition par Louis VII du Vexin nor-
mand en retour de Tappui qu'il prêta au comte Geoffroi d'Anjou contre
Etienne de Boulogne dans la guerre de la succession d'Angleterre, en
mars 1150, aux plaintes de rarchevôque de Rouen, Hugues III, contre
le roi de France qui détenait indûment plusieurs églises du Vexin, en
mai; eniin au projet de croisade dont Suger avait pris l'initiative et qui
échoua devant rindiiTérenco de la plupart des prélats français ; l'assem-
blée de Chartres et les lettres qui s'y rapportent sont de l'année 1150.
Quant à Suger, il mourut le 13 janvier 1152). — Ch. Joret. Un épisode
du voyage do f Jacques III » dans le midi de la France en 1711 (d'après
un récit anonyme envoyé à Lamoignon do Basville, intendant du Lan-
guedoc). — Fr. Michel. Notice sur Marie, reine do Portugal, connue en
France sous le nom do M"« d'Aumale (d'après ses lettres inédites adres-
sées pour la plupart à Louis XIV). = N* 5. Moratin à Bordeaux; hn.
aECUBILS P^RIODIQUBS. 203
24. — Annuaire de la Faculté des lettres de Lyon. Fasc. 1. —
Bbrlioux. Les Atlantes; histoire de l'Âtlantes et de l'Atlas primitif, ou
introduction à l'histoire de l'Europe (très curieuse étude, enchaînement
de si séduisantes hypothèses qu'on voudrait que ce iùt vrai. L'auteur
s'attache à démontrer que l'Afrique septentrionale a été peuplée d'abord
par deux peuples : les Libyens, peuple au teint rosé, aux yeux bleus et
aux cheveux blonds, venus d'Europe par le détroit do Gibraltar, et
établis dans toute la région de l'Atlas ; puis les Gétules-Berbères, venus
de l'Ethiopie. Les Libyens de l'Atlas créèrent un empire puissant sur
la côte occidentale de l'Afrique, du sud de l'Espagne jusque vers le Séné-
gal. Le centre de cet empire était placé dans le massif le plus mon-
tagneux do tout l'Atlas, celui qui forme aujourd'hui le promontoire de
Ghir, eu face des Canaries. La capitale était Cerné, située au sud de
ces monts, au bord d'un vaste golfe aujourd'hui desséché. Le pays était
riche en mines d'or et d'argent. Le peuple était un peuple de hardis
navigateurs en relations constantes avec l'Amérique, et de bons cava-
liers souvent en guerre avec les Égyptiens. A la suite de guerres mal-
heureuses, ils furent conquis ; à la suite d'un grand cataclysme, le golfe
ou mer d'Uespérie ne forma plus qu'un marais boueux. Les Atlantides,
qui avaient rempli tout l'ancien monde de l'éclat de leurs richesses et de
leurs expéditions, furent soumis et ruinés. Il en subsiste cependant encore
aujourd'hui des vestiges : certaines tribus de l'Aurès ont le teint blanc
et les cheveux blonds; mais le témoignage le plus irrécusable de leur
passé, ce sont ces dolmens et ces tumulus qu'on retrouve en grande
quantité dans l'Afrique septentrionale). = Bayet. L'élection de Léon III;
la révolte des Romains en 799 (étude érudite sur la cause de cette révo-
lution aristocratique et sur ses conséquences : Charlemagne, qui son-
geait depuis plusieurs années déjà à prendre la couronne impériale, y
fut déterminé par la coïncidence de ces deux faits : l'attentat d'Irène
contre son fils Constantin en Orient, et la révolte dos Romains contre
Léon III en Italie). — Clédat. La chronique de Salimbene (étude sur
le ms. de la chronique; présente de nouveaux arguments pour établir
qu'il est autographe).
25. — Société de Thlstolre de Normandie. Bulletin. Exercice
1881-82. Séance du 23 nov. 1882. — Discours du président Ch. de
Beaurepaire (publications annoncées ou en voie d'impression : un
volume relatif à l'histoire de Neufchâtel au xvni«» s., formé de trois doc.
inédits, pub. par M. Bouquet; le Draco normanicus, poème historique
d'Etienne de Rouen, suivi des poésies de ce dernier, d'après un ms.
de la Bibl. nat., pub. par M. H. Omont; V Histoire rfc l'abbaye royale de
Jumièges, par l'abbé J. Loth, mise aujourd'hui en distribution. A propos
de ce dernier ouvrago, le président retrace la biographie de l'abbé de
Vertot, qui fut curé de Saint-PaïT-sur-DucIair de l(;9C à 1708). —
IIellot. Chronique d'un bourgeois de Verneuil, Hi5-22 (très courte;
complète en 8 pages; contient quelques détails bons à noter pour la
guerre contre les Anglais).
204 RECUEILS ptfUODIQUES.
26. — Société des Antiquaires de Picardie. Mémoires. 3« série,
t. VII (Amiens, 1882). — Salmon. L'établissement des Carmélites à
Amiens (en 1607, au moyen d'une somme d'argent donnée à cet effet
par M"«» Anne de Viole, fille d'un conseiller au Parlement, quand elle
entra en religion). — £dm. Soyez. Rapport sur le concours d'histoire
de 1879, prix Le Prince (ce prix est décerné à l'auteur d'une Histoire
des communes rurales du canton de Doullens ; une mention très hono-
rable à celui d*un mémoire sur la ville et le château de Ham). — Abbé
DE Gaony. Rapport pour le concours au prix d'archéologie, fondation
Ledieu (le prix est décerné à M. Vallois, pour son mémoire sur Péronne,
son origine et ses développements). — Id. Étude sur l'éloquence de la
chaire appliquée aux fameux prédicateurs des xv* et xvi« siècles prin-
cipalement. — Rapport de la commission d'archéologie sur le concours
de 1880 (ce prix est décerné à une excellente description archéologique
du canton de Nesle). — Poujol de Fréchencourt. Rapport sur le con-
cours d'histoire (deux mémoires sont décernés à M. G. d'Hangest,
auteur de La guerre de Cent ans en Picardie, et à l'abbé Gosselin,
pour une Notice sur Marquivillers, Grivillers et Armancourt). — Josse.
Histoire de la ville de Bray-sur-Somme (description minutieuse de la
ville, avec cartes; son histoire avant l'établissement de la commune;
fondation de l'échevinage en 1210; son organisation jusqu'en 1790;
destinée de la ville pendant les guerres du xiv« au xvm« s.; châtellenie
et seigneurie principale, fiefs et seigneuries secondaires, établissements
charitables et hospitaliers; église, cure et confréries religieuses; Bray
pendant la Révolution et l'Empire; événements militaires do 1870 et
1871. Travail très sérieux accompagné de nombreuses pièces justifica-
tives et suivi d'une table des noms de personne et de lieu).
27. — Société d'émulation du Doubs. Mémoires. 5<> série, 6* vol.,
1881 (Besançon, 1882). — Castan. Le missel du cardinal de Tournai à
la bibliothèque de Sienne (avec la biographie de Ferry de Clugny^
évoque de Tournai, de 1474 à 1483, pour qui ce missel a été richement
enluminé; son portrait authentique s'y trouve). — Id. Une inscription
romaine sur bronze mentionnant les eaux thermales de l'Helvétie (cor-
rige la lecture faite par Mommsen d'un fragment d'inscr. sur bronze,
conserve au musée d'Avenches : au lieu de HEC'GEMELLIANVSF,
il faut lire HEL (vetianis Aquis). — Id. Quatre stèles gallo-romaines de
la banlieue de Besançon. — Trtoon. Simon Renard, ses ambassades,
ses négociations, sa lutte avec le cardinal de Granvelle (première ambas-
sade en France, 1549-51; ambassade en Angleterre, 1553-55; la trêve do
Vauxelles et seconde ambassade en France, 1556-57. Lutte de S. Renard
contre Granvelle pendant le ministère de ce dernier aux Pays-Bas,
1559-64; son triomphe avec le parti aristocratique en 1564; sa disgrâce
définitive, 1564-73. Étude consciencieuse et intéressante). — Ed. Besson.
Le président Philippe, négociateur franc-comtois au xvn» s. (envoyé à
Ratisbonne pour demander les secours de l'Allemagne après, la pre-
RECUEILS PERIODIQUES. 205
mière conquôte de la Franche-Comté par Louis XIV, puis à Berne
après la seconde. Il échoua partout, et mourut tranquillement dans son
siège de président au parlement de Besançon organisé par le vainqueur
en 1670). — Vaissier. Les poteries estampillées dans l'ancienne Séqua-
nie (catalogue avec planches).
28. — Revue historique et archéologique du Maine. T. XIII,
1883, 1*' trim. — Alouis. Les Coesmes, seigneurs de Lucé et de Pruillé ;
1" partie, de 1370 à 1508; suite. — Abbé G. Esnault. Entrées et funé-
railles au Mans au xvni« s. (l® réception de M. le sénéchal de Beauvau,
1759; 2* cérémonial de Tenterrement de M. de Lorchère, lieutenant
général, 1764 ; 3« réception de M. le comte deTessé, lieutenant général
de la province du Maine, 1764 ; 4® cérémonie de Tenterrement de
Mgr de Froullay, évéque du Mans, 1767 ; 5® réception de M. le comte
de Mellet, gouverneur du Maine, 1767). — Abbé Leoru. Un duel dans
les bois de Pescheseul, 1548 (d'après l'information faite par le sergent de
la chàtellenie).
29. — Archives liistoriques de la Saintonge et de l^Aunis.
T. IX, 1881. — Musset. Le chartrier de Pons (publie 131 pièces en
latin, allant de 1214 à 1387; elles présentent presque exclusivement un
intérêt local). — Id. Mémoire sur la ville de Pons en Saintonge, par
Cl. Masse, ingénieur du roi à la Rochelle, au xvm*s. — Audiat. Mémoire
pour rhistoire ecclésiastique de Pons (écrit de 1778 à 1783 par Domi-
nique Fortet, curé de Saint-Martin de Pons). — Audiat et Valleau.
Lettres de Henri IV, Henri de Bourbon, maréchal d'Albret, Turenne,
duc de Bouillon^ M"»» de Maintenon, Ninon de Lenclos, 1576-1672.
30. ~ Société d^ètudes des Hautes- Alpes. Bulletin. Pre-
mière année, 1882, in-8', 307 p. — F. Vallenti.n. Épigraphie gallo-
romaine des Hautes-Alpes. — P.* Guillaume. Louis XI à Embrun ;
Fragment d'un roman de chevalerie en langue vulgaire du xiii* s. ;
Notice sur les sources historiques des Hautes-Alpes. — A. de Rochas.
Le Briançonnais au commencement du xviii« s. — G. Amat. Une page
inédite de l'histoire de Gap. — Ghabraud. Aperçu historique sur Brian-
çon, son vieux château, ses fortifications, ses gouverneurs et ses milices
(travail fort médiocre). — Gruvellier. Note sur Texpulsion des Sarra-
sins au X* s., d'après un extrait du Livre vert de Tévôché de Sisteron.
— J. Roman. Note sur les invasions sarrasines dans les Hautes-Alpes.
— D.-S. HoNNORAT. Quelques mots sur le culte persan de Mithra à
Mons-Seleucus.
31. — Société départementale d^archéologie et de statis-
tique de la Drôme. Bulletin. T. XVI, 1882, in-8% m p.— D' Ul.
Chevalier. Abbayes laïques de Romans ; Les familles Gottafred, Mou-
teux et Veilheu ; Présents de la ville de Romans sous les consuls. —
J. Roman. Le comte de la Roche. — A. Lacroix. Essai historique sur
la tour de Grest. — Abbé Fillet. État des diocèses de Die et de
Valence en 1501). — Marrjuis ub INs\Nf:oN. Guillaume de Poitiers. —
206 ascuBiLS p^riodiquis.
A. DE Gallier. Madame de Villedieu. — A. de B. Monographie de la
famille de Loulle. — Abbé Didelot. Portes historiées récemment
découvertes à la cathédrale de Valence. — Abbé Perrossier. Recherches
sur les évéques originaires du diocèse de Valence (travail fait avec soin).
— VoissiER. Recherches historiques sur Glaveyson. — fl. de Terre-
basse. La maison du Mont-Calvaire à Romans.
'32. — Société de statistiqiie du département de Tlsére. Bul-
letin. 3« série, t. XI, 1882. — A. de Rochas. La science des philo-
sophes et l'art des thaumaturges dans l'antiquité (savante étude de 215 p.
accompagnée de 24 pi. et suivie d'une traduction des pneumatiques de
Héron et do Philon).
33. — Bnlletinf dliistoire eoclésiastlque (Romans). 3« année,
livr. 4 ; mars-avril 1883. — Abbé J. Chevalier. Mémoires des frères
Gay, pour servir à l'histoire des guerres religieuses en Dauphiné au
XVI* s. ; suite. — D»* Ul. Chevalier. Notice historique sur le Mont-Cal-
vaire de Romans. — Abbé Cruvellier. Notice sur l'église de N.-D. du
Bourg, ancienne cathédrale de Digne ; suite. — Blaïn. Autobiographies
des prêtres des diocèses de Valence, Die, etc., en 1802.
34. — Nemausa. 1*^ année, n' 1, janv. 1883. — MARuéJOL. Imbert
Pécolet et l'ancienne École de Nîmes (Pécolet fut nommé régent de
l'École en 1530 ; il en fut chassé pour cause d'hérésie en 1537. L'École
fut transformée en Université et collège des arts en 1539. Intéressant).
= N" 2. Bouvière . La révolution à Nîmes (dit simplement qu'il serait
fort utile de faire sérieusement cette histoire). — Donnedieu de Vabres.
Sépulture de d'Andelot. — Bondurand. Deux pièces inédites sur le
refuge de Nîmes, 1699, 1703.
35. — Société archéologiqae de Tam-et-Garonne. Bulletin.
T. X, 1882, 4« trim. — fl. de France. La casemate et la porte des Cor-
deliers à Montauban (construites en 1620). — Em. Forestié. Les fossés
et les portes de la ville de Montauban. — Abbé C. Daux. Le grand
séminaire de Montauban avant la Révolution ; fin. — Notes pour servir
à l'histoire du département (prières publiques célébrées dans l'église
d'Auvillars à l'occasion de la mort de Louis XIII et de la victoire de
Rocroy. Hébrard de Saint-Sulpice, abbé de Belleperche après le cardi-
nal G. d'Armagnac).
36. — Revue de Gascogne. T. XXIV, 1883, 3« livr. — La Plaqne-
Barris. Les régents de latin à Nogaro, Vic-Fezensac (xvii* et xviii® s.).
— Carsalade du Pont. Bertrand de Poyane ; fin (mort en avril 1646, à
l'âge do 67 ans). — Plieux. L'ancienne paroisse de Vicnau ; supersti-
tions, mœurs et coutumes locales. — Frayssinet. Les reliquaires de
Grandselve. — Ph. T. de L. Une lettre de dom B. de Montfaucon
(adressée le 1" juin 1711 à Louis de Thomassin, conseiller au parle-
ment de Provence).
RECUBIL8 PjfaiODIQUBS. 207
37. — Revue des Basses-Pyrénées et des I^andes. 1883, janv.
\^ livr. — GiRY. Les institutions de Bayonne au moyen âge. — E. de
J AUROAiN. Troisvilles, d'Artagnan et les trois mousquetaires ; suite au n^2,
— Tamizey dk Larroque. Documents inédits sur la ville de Dax (lettres
de diverses personnes, 1470 à 1751). — Ducéré. Documents inédits pour
servir à l'histoire de Bayonne (dépenses de la ville à l'entrée du duc
d*Épernon, 9 sept. 1G23); suite au n** 2 (relation du passage et séjour à
Bayonne du comte d'Artois, en juillet 1782). — Labroughe. Le duché
d'Albret (publie à nouveau le titre d'érection de la seigneurie d'Albret
en duché, déjà publié par le P. Anselme, déc. 1556). = 2* livr. Abbé
Landemont. Procès de sorcellerie en Basse-Navarre (d'après deux pièces
de 1450 et de 1515 provenant des papiers d'Oyhénart, aujourd'hui con-
servés dans les archives de la comtesse de Brancion, descendante de cet
historien). — T. de L. Documents inédits sur la ville de Dax; suite
(3 lettres de 1556, 1559 et 1560). — Gadarra. Pontonx sur Adour et le
prieuré de Saint-Gaprais. — Brutails. Une erreur de trois siècles (res-
titue à l'année 1270 une charte que d'Achery, le nouveau traité de
Diplom., M. de Wailly, rapportaient à Tan mil; c'est un acte par lequel
Gaston VU, vicomte de Béarn, promet sa fille Guillemine à Sanche,
fils du roi de Gastille, Alphonse le Sage. M. B. aurait bien dû donner
un texte plus correct de cette charte).
38. — Revue d* Alsace. 1883. Janvier-mars. — G. Paira. Lettres
inédites du général Rapp à M. Michel Paira, banquier à Paris (cette
première série de lettres va de 1805 à 1814 ; elles apprennent peu de
chose, sinon sur les infortunes conjugales de Rapp. Une lettre datée de
Kiew, le 29 avril 1814, donne quelques détails sur la défense de Dantzig).
— Ganel. Les corporations à Héricourt ; lettres patentes du duc de
Wurtemberg, 10 févr. 1647 ; statuts des corporations. — Tuepfero.
L'Alsace artistique ; suite. — Arth. Benoit. Les ex-libris dans les trois
évéchés ; suite. — Stoffel. Dictionnaire biographique de l'Alsace ; liste
des généraux et officiers supérieurs ayant servi dans l'armée française.
— Barth. Notes biographiques sur les hommes de la Révolution ; suite.
39. — Messager des sciences historiq[iies de Belgique. 1882.
4* livr. — Alph. de Vlamink. Les Aduatuques, les Ménapiens et leurs
voisins ; position géographique de ces peuples à l'époque de Jules Gésar
(avec une carte). — Autorisation accordée à Ant. Kindt d'exercer son
art et invention, 1611 (« de graver avec diverses ligures et ornomens
toutes sortes de chamois et peaux de moutons i). — Van Spildeeck.
L'abbaye de Soleilmont et la ville de Gand (publie les pièces les plus
importantes des archives conservées à Soleilmont, en attendant le car-
tulaire de l'abbaye, ou Estât du monastère).
40. — Historische Zeitschrift. Bd. XIII, Ileft 2. — F. von Bezold.
208 RECUEILS PERIODIQUES.
Conrad Geltis, c le prince des humanistes allemands > ; suite et fin (ses
opinions politiques, religieuses, sociales ; Tidée qu'il se fait du monde
et de la nature, ses rêves sur la société et Tâge d'or). — Sattler. Orga-
nisation de Tordre teutonique en Prusse à Tépoque de sa splendeur
(d'après les travaux récents). — Kerler. Archives italiennes ; notes de
voyage (relativement au séjour de Tempereur Sigismond en Italie en
1431-1433, et aux négociations qui lui permirent enfin de se faire cou-
ronner à Rome le 31 mai 1433. Quelques pages seulement). — Lehmann.
Le centre et les journaux politiques (réponse à certaines imputations de
députés du centre à. la chambre des députés prussienne qui accusèrent
M. Lehmann d'avoir systématiquement écarté de son ouvrage : Preussen
und die katholische Kircfieseit 1640, toutes les pièces contenant les griefs
des catholiques prussiens). = Bibliographie. Schliemann» Bericht ùber
mcino Ausgrabungen im bœotischen Orchomenos (analyse du livre). —
Jung, Die romanischen Landschaften des rœmischen Reiches (plus
d'érudition que de méthode et de critique, style négligé ou incorrect).
— SeydeL Das Evangelium von Jesu in seinen Verhaeltnissen zur Bud-
dha-Sage und Buddha-Lehre (signale de curieux rapprochements entre
le bouddhisme et le christianisme primitif, sans d'ailleurs apprendre
rien de nouveau). — Harnach. Das Mœnchthum, seine Idéale und seine
Geschichte (dissertation intéressante et spirituelle). — Schultze. Die
Katacomben (bon résumé des travaux sur l'histoire des catacombes). —
Zimmermann. Die kirch lichen Verfassungskâgmpfe im XV Jahrhundert
(simple esquisse, qui n'apprend rien de nouveau). — Kolde. Friedrich
der Weise und die Anfœnge der Reformation (le caractère de l'électeur
de Saxe est très bien étudié ; l'auteur montre qu'il resta toujours « un
bon fils de l'Église romaine »). — Zwiedineck-Sûdenhorst. Venetianische
Gesandtschaftsberichte ûber die bœmische Rébellion (important ; cepen-
dant il ne faudrait pas accorder à ces rapports une autorité exagérée ;
ils sont bien souvent dans l'erreur). — Tadra. Die Kaiserwahl 1619
(met en lumière le rôle de la Saxe dans cette élection). — Hooft van
Iddekinge, Fricsland en de Friezeii in de middeleeuwen (étudie 3 points
principaux : 1' de l'époque où furent rédigées les t 17 keures » de la
Frise ; l'auteur la place sous le règne d'Otton III, 983-996 ; 2" des pays
où les leges Upstalsbomicae du 18 sept. 1323 furent mises en vigueur ; elles
ne furent pas confinées dans la Frise, mais furent appliquées aussi dans
la Frise orientale, et jusqu'au Weser ; 3* des plus anciens maîtres des
monnaies en Frise. La numismatique a fourni à l'auteur un grand
nombre de faits nouveaux). — Analyse des publications de la Gesellschaft
fiXr bildende Kunst und Vaterlxnd. AUertliUnier zu Emden, des sociétés
historiques du Rhin inférieur et de la Westphalie en 1879-1881 de
VI/istoi\ Verein fUr Dortmund und die Grafschaft Mark (très long compte-
rendu des documents publies sur l'histoire de Dortmund). — Von Hock,
Der œsterreichische Staatsrath 1760-1848 (important pour l'histoire
administrative, surtout à l'époque de Marie-Thérèse et de Joseph II).
— Egger. Geschichte Tirols von den œltesten Zeiten bis in die Neuzeit
RECUEILS PERIODIQUES. 209
(excellente monographie). — Jxger, Geschichte der landstœndischen
Verfassung Tirols (bon). — Schlesinger. Deutsche Ghronikon aus Bœh-
men, II : Simon Hùttel's Chronik der Stadt Trautenau, 1484-1601
(bonne édition). — Thaly, Die Jugend des Fursten Fr. Rakoczi (comme
tous les autres travaux du même auteur sur l'époque des Rakoczi, ce
volume témoigne d'une connaissance approfondie des sources, d'un
grand enthousiasme pour son héros, et en même temps d*une certaine
inexpérience critique). — Salzer, Der kœnigl. freie Markt Birthœlm in
Siebenbùrgen (c'est trop de consacrer 50 feuilles d'impression à This-
toire d'une petite localité de la Saxe transylvanienne ; recherches très
étendues ; des erreurs nombreuses). — Galendar of state papers :
Domestic séries, of the reign of Gharles I, 1640 ; éd. by Hamilton. Id.
1654-1655, edited by M. A. Green (très instructif). — Frassi. Il governo
feudalo degli abbati del monastero di S. Ambrogio maggiore di Milano,
nella terra di Givenna in Valassina (fait trop vite et avec peu de cri-
tique). — Hartwig. Quellen und Forschungon zur œltesten Geschichto
der Stadt Florenz, II (analyse et critique minutieuse de cette publica-
tion, € une des plus importantes de ces derniers temps »). — P. de
hagarde. Johannis Ëuchaitorum metropolitae, quae in codice Vaticano
graeco 676 supersunt (publication intéressante sur un homme qui a
joué un rôle important dans l'histoire politique et religieuse de l'empire
byzantin au xi«s.). — H. von Prittwitz et Ga/fron. Verzeichniss gedrukter
Familiengeschichten Deutschiands und der angrenzendenLaender (biblio-
graphie à laquelle il manque deux qualités indispensables, d'être claire
et d'être complète). — Ariovistvon Fûrlh. Beitroîge und Material zur Ge-
schichte der Aachener Patrizierfamilien, II (bon). — //. von Uttow. Bei-
traîge zur Geschichte des G^schlechtes von Lettow-Vorbeck (bon).
41. — Historisches Jahrbuch. Ed. IV, Heft 1. Munich, 1883. —
FuNK. Sur rhistoire ecclésiastique de la Bretagne ancienne (Ëbrard
avait prétendu que cette église avait un caractère strictement évangé-
lique, que la Bible y était la seule source de la foi, qu'enfin il n'y avait
pas de loi ordonnant le célibat des prêtres. L'auteur réfute Ebrard point
par point ; il montre que les chrétiens de la Grande-Bretagne avaient
reconnu le primat romain et qu'ils ne s'étaient éloignés en rien des dogmes
de l'Église catholique). — Graubrt. La donation de Gonstantin ; suite
(recherches sur la forme et le contenu de l'acte de donation , ainsi que
sur ses sources. L'auteur pense que, par cette masse de territoires que
le diplôme de Gonstantin transmet au saint-siège, il faut entendre l'em-
pire romain d'Occident tout entier ; il montre que le diplôme, falsifié,
a été rédigé sur des documents vrais de l'époque impériale, qu'en partie
même il renvoie à des documents du vni* et du ix« s, ; quant aux faits
tju'il contient, la source principale doit en être cherchée dans la légende
ecclésiastique). — F. R. von Krones. Des ouvrages relatifs à l'histoire
de François Rakoczi II, parus de 1872 à 1882 ; suite (raconte en môme
temps certains épisodes de la vie de Rakoczi ; parle surtout de ses rap-
ports avec la Pologne, la Suède, la Prusse et la Russie pendant la
Rev. Histor. XXIL 1««" fasc. 14
240 BBGUBILS PiaiODIQUBS.
guerre du Nord). = Comptes-rendus : Escher, Die Glaubensparteien in
der Eidgenossenschaft 1527-31 (partial, mais méritoire). — Dittrieh,
Regesten und Briefe des Cardinals Contarini (très bon ; de nombreuses
rectifications et additions). — Mantels, Beitraege zur Lûbiscb-hansischen
Geschichte (important).
42. — Neues Archiv. Bd. VIU, Heft 2. — Jul. von Ppluok-
HARTTUNa. 1* Les registres de Grégoire Vn (il a existé un autre registre
de Grégoire VII que celui qui nous a été conservé ; la preuve s'en trouve
dans le recueil des canons de Deusdedit, contenu dans le ms. Vat. 3833,
du xij« s., et publié en 1866 par Martinucci. Analyse ce ms.). 2* Bulles
pontificales à Karlsruhe antérieures à l'année 1198 (après Munich et à
côté de Cologne, c'est Karlsruhe qui possède dans ses archives le plus
grand nombre de ces documents. Ils ont d'ailleurs été presque tous
publiés. Liste des documents et références). — Th. Ltndner. Additions
aux regestes de Charles IV (analyse et extraits de 216 pièces provenant
de diverses archives, surtout de Berlin et de Coblentz). — Wattenbach.
Notice sur 3 mss. d'Eisleben {i^ f Liber iste est fratrum Garthusiensium
prope Erffordiam > ; il contient de nombreux écrits de Nicolas de Cusa
et autres. 2* c Liber beatorum Pétri et Pauli apostolorum in Erffordia »;
contient divers traités juridiques, des notes historiques, etc. 3^ Très
brèves notes sur des empereurs du xui« et du xrv* s. et sur des rois de
Bohême et de Pologne du xiv« et du xv* s., etc.). — Nûrnbbroer. Com-
ment nous sont parvenus les mss. des œuvres de saint Boniface. ^-
Wattenbach. Les mss. de la collection Hamilton (notes sommaires sur
ceux de ces mss. qui intéressent l'histoire et la paléographie du moyen
ftge ; les numéros correspondent à ceux du catalogue de la vente. Note
détaillée sur un Recueil des conciles du viii* ou du «• s. n* 132, et sur
le n* 251, qui est un splendide ms. des évangiles écrit en lettres d'or
sur parchemin teint en pourpre). — Mommsen. Les gardes du corps
germains des empereurs romains. — Id. Jamblique cité par Jordanès.
— Id. Une pièce du butin des Vandales en Italie (dans un village
•près de Fonzaso, et non loin de Feltre, on trouva divers objets en
argent, l'un d'eux avec l'inscr. : c Geilamir Vandalorum et Alanho-
rum rex ». C'est certainement une pièce du trésor des rois vandales
apportée en Italie par Bélisaire). — P. Ewald. 1* Du mot de bar-
bare dans le Sermo de informatione episcoporum (ne signifie pas autre
chose que guerrier). 2° La prière aux abeilles dans le ms. de Saint-
Gall, n* 190 (texte). 3* Notes de paléographie espagnole. 4* Trois
lettres de papes inédites (de Grégoire I^***, de Léon U et de Syl-
vestre II). — R. Kadb. Description d'un recueil de légendes (d'après un
ms. latin du xv« s.). — Kindscher. Un diplôme original de Henri U,
22 mars 1003. — Wattenbach. Mélanges (textes concernant les reliques
de Gand). — Pannenborg. Sur Emo et Menko. — 0. Hartwio. Notes
sur divers mss. (1^ sur un ms. perdu de Ilugo Falcandus, Historia de
rébus gestis in Siciliae regno ; 2* sur un ms. du xvi* s. d'une Vita Hen*
rici J imperatoris), — Will. Sifridus t Byrnensis » prepositus, et non
RECUEILS PJaiODIQUES. 244
c Bunoensis * ou « Bingensie ». — Simonsfeld. Rapports de Tolomeo
de Lucques avec les anciennes chroniques florentines. — Holder-Eogeb.
Nouveaux mss. du British Muséum, d'après leCatal. Addit. de 1876-81.
43. — Gœttingische gelehrte Anzeigen. 1883. N*« 7-8. — Wahtz.
Deutsche Verfassungsgeschichte, Bd. U et III, 1* H. (annonce par l'au-
teur lui-môme). — Monumenta Germanise historica, t. XXVI (ce volume
est composé d'extraits de chroniqueurs français du xiii* s., pour les par-
ties relatives à l'histoire d'Allemagne. L'article est de M. Waitz. Le
prochain volume se composera d'extraits de chroniqueurs anglais). =
N«» 8, 9-10. Leroux. Recherches critiques sur les relations politiques de
la France avec l'Allemagne de 1292 à 1378 (l'auteur a rassemblé beau-
coup de matériaux ; au lieu de n'étudier que des points particuliers de
l'histoire des relations entre l'Allemagne et la France, il a traité d'en-
semble l'histoire de ces relations pendant un siècle ; il est d'autant plus
.regrettable qu'il n'ait pas apporté plus de critique, de soin, et môme de
connaissances ; le critique discute plusieurs points de détails du cha-
pitre sur Philippe le Bel et Adolphe de Nassau). = N®» 11-12. Dœbner.
Urkundenbuch der Stadt Hildesheim (contient 965 numéros, dont plus
de 500 pièces inédites, commençant à la fin du xn« s. ; publication très
soignée). = N^» 13-14. Delpeck. La bataille de Muret (discussion longue
et minutieuse de ce travail ; l'art, est plutôt encore à vrai dire un tra*
vail nouveau sur la question).
44. — PhilologuB. Bd. XLl, Heft 4. — G. F. Unoer. La chronique
d'Apollodore (on admet généralement que, dans sa description de la
terre, Skymnos de Chios a utilisé la chronique en vers d'Apollodore
d'Athènes ; l'auteur combat cette hypothèse et montre que les données
de Skymnos, ou ne conviennent pas exclusivement, ou môme ne con-
viennent pas du tout à Apollodoro ; sa chronique a été composée entre
les années 100 et 60 av. J.-G. ; les fragments de la chronique com-
mencent bien avant l'an 1184 av. J.-G. et plusieurs conduisent bien
après 144 av. J.-G. Le chroniqueur employé par Skymnos fut vraisem-
blablement Artemon de Glazomène. Intéressantes recherches sur l'em-
ploi d'Apollodore chez les historiens postérieurs). — G. Busolt. Le
tribut payé par les alliés d'Athènes de 446-445 à 426-425 (contre Kœhler
et Lœschke ; importantes contributions à l'histoire de la politique
d'Athènes à l'égard de ses alliés. Pendant et aussitôt après le soulève-
ment .des Samiens, les villes de la Ghalcidique et Ainos se montrèrent
insoumises et refusèrent de payer le tribut et de fournir les contingents
militaires. En conséquence un certain nombre de communautés jusqu'a-
lors dépendantes furent séparées de leurs chefs- lieux et le nombre des
membres de la confédération de 439-438 à 437-436 fut considérablement
augmenté, sans augmenter cependant d'une manière notable le domaine
de la confédération. Pour la contribution de Tannée 439-438, le chiffre
du tribut fut élevé dans plusieurs villes ; la somme totale du tribut ne
monta pourtant pas à 600 talents, mais à 460, parce que les augmenta-
tions durent couvrir le déficit causé par la défection des villes cariennes
242 BicmLs rfuoDiQCEs.
et autres. Platarqne dit qu'en 435-434 le chiffre da tribat fut très aug-
menté ; mais il se trompe : c'est de 454-453 à 45(M49 que le tribat fat
le plas élevé de toute la période qai s'étend jusqu'en 425-42 4 1. —
F. GcEBBEs. Critique de quelques écrivains de la période impériale à
Rome (interprète et commente le passage de Juvénal, sat. IV, 150-154,
où, comme le montre Fauteur, il n'est nullement question de la persé-
cution dirigée par I>omitien contre les chrétiens). — A. Ecssicbb.
Compte-rendu des publications les plus récentes sur les œuvres de
Tacite. — F. Blass. Un papyrus grec à Vienne (contient les impréca-
tions d'une Égyptienne contre son mari qui l'avait abandonnée, elle et
ses enfants. Texte et commentaire). — Boyse:«. Un catalogue des mss.
grecs de la bibliothèque de Fontainebleau (intéressant pour la question
de l'authenticité du Violarium de l'impératrice £udoxie).
46. — Jahrbflcher fOr cUssische PhUolof^e. Bd. CXXVH,
Heft i. Leipzig, 1883. — F. Rûhl. Le dernier combat des Âchéens
contre Nabis (critique ingénieuse des renseignements fournis par
Polybe, Pausanias, Tite-Live et Plutarque, et de leurs rapports les uns
à l'égard des autres. Contre Nissen, l'auteur admet que Pausanias a
utilisé Polybe. La guerre ne fut pas terminée par une retraite volon-
taire de Philopémen, mais par une trêve, conclue par l'entremise de
Flaminius, jaloux de Philopémen). — Cauer. Communications épigra-
pbiques (corrige et complète les inscr. pub. dans Leipziger Slttdien, I,
319 ; Revue archéologique, VUI, 469 ; C. J, G., 3046 = Le Bas, Voy.
arch,, m, n<> 85). = Compte-rendu critique : Pais. La Sardegna prima
del domino romano (éloge du livre ; le critique Metzer y ajoute le
résultat de ses recherches personnelles sur la domination des Carthagi-
nois en Sardaigne).
46. — Leipziger Stndien zar clasischen Pliilologie. Bd. V.
I^ipzig, 1882. — MiRSGH. De Tcrenti Varronis antiquitatum rerum
humanarum libris XXV (recherches sur le plan, la division, le contenu
des Antiquitates, sur l'emploi qu'en ont fait les écrivains postérieurs.
Nouvelle classification des fragments, auxquels l'auteur en ajoute beau-
coup de nouveaux). — F. Violet. De l'emploi des noms de nombre
dans les indications chronologiques par Tacite (indique avec précision
la méthode chronologique de Tacite). — L. Lange. De pristina libelli
de Ilepublica Atheniensium forma restitucnda ; suite (parle des hypo-
thèses qu'on a mises en avant jusqu'ici, retranche de nombreuses
interpolations, rétablit l'ordre de l'ouvrage en transportant de nombreux
fragments bouleversés dans les niss.).
47. — Petermajin's Mittheilungen. Bd. XXIX, Heft 2. — C. Vfm-
TERnERO. La topographie et la condition sociale de l'Attique contempo-
raine. = Fasc. supplém. n« 67. BLUMENTRm. Essai sur l'ethnographie
des Philippines (les habitations, la civilisation, la religion, les institu-
tions de la famille, la situation politique dos races établies aux Philip-
pines : Ncgritos, Malais, Chinois, races blanches ; étudie en particulier
RECUEILS P^aiODIQUBS. 243
les découvertes maritimes des Espagnols aux Philippines ; carte ethno-
graphique et carte pour Tintelligcnce de l'histoire des découvertes).
48. — Mittheilongen des deatschen archœolog. Institates in
Athen. Jahrg. VII, fleft 3. Athènes, 1882. — Weil. Déhats pour les
frontières de la Messénie (montre, d'après l'examen de monnaies et
d'inscr., qu'après la détermination de ces frontières par Tibère en faveur
des Messcniens, une autre eut lieu au second siècle après J.-G. en
faveur des Lacédémoniens, à qui fut attribué le district de Dentheliatis).
— LoLLiNQ. Notes sur la Thessalie (transcrit plusieurs inscr. funéraires,
des actes d'affranchissement, etc., provenant des environs de Larisseet
de Pharsale). — Koehler. Los épées de Mycènes (fait remarquer que
ces épées sont de style égyptien, et en conclut que les tombeaux de
Mycènes doivent remonter à l'époque immédiatement postérieure au
rè^ne de Ramsès le Grand, soit vers la fin du xii* s.). — Mordtmahn.
Sur l'épigraphie de Gyzique (communique une inscr. inédite concernant
l'érection d'une statue pour la prêtresse Kleidikè). — Ranqabé. L'Erech-
theion (nouvelle hypothèse sur l'arrangement intérieur de ce sanctuaire).
— Dœrpfeld. Contributions à la métrologie antique (montre : i^ que le
pied attique et le pied romain étaient identiques et valaient 0,296 mil-
lim. ; 2* que la coudée orientale et la coudée égyptienne mentionnées
par Hérodote n'étaient pas identiques ; 3' que le pied philétérique et le
pied ptolémaïque ne Tétaient pas davantage ; 4* que le pied italique est
différent du pied gréco-romain ; 5^ que les mesures de capacité et de
système des poids reposaient, dans la plupart de^ États de l'antiquité,
sur la mesure de longueur). — Kcehler. Le tribut de 20 0/0 de Thra-
sybule (communique une inscr. de l'an 389-8, qui renverse l'opinion de
Swoboda, sur une tentative de rétablissement de Thégémonie athénienne
à cette époque).
49. — Zeitschrift fftr œg^srptische Sprache and Alterthums-
knnde. Jahrg. 1882, Heft 4. Leipzig, 1883. — Lepsius. La 21<> dynastie
selon Manéthon (généalogie de cette dynastie d'après les inscr. Il semble
que cette 21" dynastie, établie à Tanis, ait déjà été reconnue pendant
les derniers temps où dura la domination de la 20«, au moins dans la
Basse-Egypte). — Erman. Dix traités du Moyen empire (texte, com-
mentaire et traduction de la grande inscr. funéraire de Siout). — Inscr.
funéraire de Wâdi Gasùs près de Quosér (texte et traduction de cette
inscr. importante pour la géographie de la contrée).
60. — Zeitschrift fOr die aittestamentliche "Wissenschaft.
Jahrg. 1883, Heft l. Giessen. — Stade. Le texte du rapport sur les
constructions de Salomon (cherche à rétablir le texte original de la
Bible, qu'il donne à la lin in exten.«îo). — Adler. Le jour de la récon-
ciliation dans la Bible; son origine et sa signification (cette fête fut
tout d'abord un jour de pardon pour l'autel propitiatoire qui était dans
la tente de Talliance, elle fut ensuite étendue à l'expiation pour tous
les péchés commis inconsciemment dans Israël). — Kaufman.n. Quel âge
214 UCOEILS PEIIODIQUES.
avait Saiomon à son avènement ? (croit, d*accord avec Isak Âbranavel,
qu'il était alors âgé de 20 ans, et non de 12).
61. — ArchiT ttkr kaiholisches Kirchenreelit. Nonv. sériey
Bd. XLn, Heft 4-5. Mayence, 1882. — Erlbb. Les persécutions contre
les Juifs au moyen âge ; suite (expose la situation juridique des Juifs
en Italie du v« au xvni* s., surtout dans l'Italie méridionale et en Sicile).
= Comptes-rendus : Wetxer et Welte, Kirchen-Lexicon (très bon). —
Oehsenbein. Âus dem schweizerischen Volksleben des XV«n Jahrh.
(critique défavorable de ce livre).
62. — Theologische Stadien nnd Kritlken. Gotha, Jahrg. 1883,
Heft 2. — Ryssbl. Une lettre de Georges, évèque des Arabes (portrait
de cet évèque monophysite ; publie des extraits de sa lettre au prêtre
Jeshn'a, relative à des matières théologiques ; elle est très intéressante
en ce qu'elle montre à quel degré de culture étaient arrivés les savants
et les prêtres syriens au vin* s. ap. J.-C). — Usteri. L'original des
articles de Marbourg en 1529 (on a trouvé à Zurich un duplicata de ce
texte ; texte et fac-similé. Explication sur les différences que ce texte
présente avec celui de Gassel). = Comptes-rendus : Evers. Ânalecta ad
fratrum minorum historiam (des fautes nombreuses).
63. — Historisch-politische Blœtter fflr das katolische Dents-
chland. Bd. XC. Munich, 1882. Vittoria Colonna (biographie de cette
dame d'après le livre de Reumont). — Grubb. Sur l'auteur de l'Imita-
tion de Jésus-Christ (admet avec Spitzen et Santini que c'est Thomas
A Kempis, et réfute les arguments favorables à Gersen). — De quelques
points douteux sur l'histoire de la déposition du roi Yenceslas (\^ montre
que le pape Boniface IX est resté étranger à cet acte ; 2« que l'élec-
teur de Mayence Jean II n'a pas trempé dans le meurtre du duc
de Brunswick en 1400). — Knoepfler. Sur la question de l'inquisition
(distingue l'inquisition d'Église et l'inquisition d'État, et tient pour
démontrée l'opinion de Hefele, contrairement à celle de Rodrigo et
d'Orti y Lara, que l'inquisition fut une institution d'État). — Les catho-
liques disséminés dans l'Allemagne du Nord (histoire et statistique des
missions dans le nord de l'Allemagne : Hambourg, Brème, Lubeck,
Schleswig-Holstein, Mecklembourg, Eutin et Schaumbourg Lippe). —
Le dernier ouvrage d'O. Klopp (très élogieuse analyse de son livre : Das
Jahr 1683 und der folgende grosse Tilrkenkrieg bis zum Frieden von Kar-
lowitz 1699). — Bellesheim. D' Edw. Bouverie Pusey (sa biographie;
ce n'était ni un hérésiarque ni un réformateur). = Comptes-rendus :
Janssen. Friedrich-Leopold Graf Von Stolberg (bon). — Martens. Die
rœmische Frage unter Pipin und Karl dem Grossen (bon). — Sauer.
Die œltesten Lehnsbiicher der Herrschaft Bolanden (bon). — Otto.
Merkerbuch der Stadt Wiesbaden (bon). — Gramich. Verfassung und
Verwaltung der Stadt Wùrzburg XIII-XV Jahrh. (remarquable). —
Cxerny. Die geistlichon Geschîuftszweige im Mittelalter (bon).
64. — Deutsche Rundschau. Bd. XXXIV, 1883, janv.-mars. —
REGUBILS PéjtlODIQUBS. 215
R. Pauli. Les visées de la maison de Hanovre à la couronne d'Angle-
terre en 1711 (raconte la mission confiée par la cour de Hanovre à Hans
Gaspar de Bothmer, envoyé à Londres pour décider la reine Anne en
faveur de la ligue protestante de Hanovre, en contreminant les influences
cléricales qui la poussaient à se déclarer pour son frère, le fils de
Jacques H). — Frbnsdorfp. Reinhold Pauli ; notice nécrologique. —
E. Du Bois-Reymond. Frédéric II jugé par les écrivains anglais. — La
dynastie allemande en Roumanie. == Avril. Righthofen. Vie d'un
fonctionnaire prussien (autobiographie extraite d'un ouvrage que l'au-
teur va faire paraître sur l'histoire de sa famille ; 1» article racontant
les tribulations d'un fonctionnaire prussien de 1830 à 1850).
55. — Preassische Jahrbûcher. Berlin, 1883, Bd. LI, Heft 2. —
Von der BRûaoEN. La situation agraire dans les provinces caspiennes
de la Russie (avec une introduction historique). — Jul. Schmidt. Max
Duncker (met en lumière les services qu'il a rendus aux études his-
toriques).
56. — Auf dep Hœhe. Leipzig et Vienne, 1883, févr. — R. Armand.
Léon Gambetta (sa biographie et son caractère ; l'histoire ne verra en
lui que le patriote, et lui pardonnera pour ce motif les fautes qu'il a
commises), a Mars. M. Brusgh. L'idée d'une paix perpétuelle par rap-
port à la politique et au droit des gens (l'idée que la guerre est un mal
inévitable, fondé dans la nature même de l'homme, est condamnable ;
exposé minutieux et intéressant des efforts tentés pour établir la paix
perpétuelle depuis l'abbé de Saint-Pierre jusqu'à nos jours).
57. — Deutsche Revne. 1883, janv. — ScmjLTZE-DELrrzscH. Les
réunions des délégués allemands en 1862 et 1863 (expose les efforts faits
en 1862 et 1863 par le peuple lui-même, et en complète opposition avec
le gouvernement prussien, pour établir en Allemagne une unité natio-
nale. Publie des extraits des débats et des résolutions prises à Weimar
et à Francfort-sur-lc-Mein dans les réunions des représentants des
chambres impériales qui existaient alors. On y protesta, non contre la
situation prépondérante de la Prusse, mais contre tout projet tenté pour
mettre cettepuissance hors de l'Allemagne; leur but était de faire de l'Alle-
magne une grande puissance sous l'hégémonie de la Prusse).— J. Bernayb.
Empires et époques (d'après les papiers laissés par l'auteur. Le monde
a connu jusqu'ici deux âges principaux : l'époque grecque, de Périclès
à Constantin ; et l'époque française, de 16i8àl870. L'époque allemande
formera le 3* &ge du monde). — E. Laspeyres. Les universités alle-
mandes (leur développement et leur histoire au xix« s. , d'après des don-
nées statistiques ; suit« en févr.). = Févr. H. Schulze. L'Autriche et
rAllemagno, politi(]ucment séparées, unies par le droit des gens (déve-
lop[)cment historique des rapports de l'Autriche avec l'Allemagne depuis
les premiers temps du moyen âge. Le rôle de l'Autriche est d'être l'élé-
ment civilisateur et fécondant pour des peuples nombreux et dispersés
qui, sans cela, auraient disparu dans un émiettcment indéfini, ou
216 RECUEILS PéllODlQOBS.
auraient \1§gété dans la barbarie). — U. Hùffer. Pièces tirées des papiers
laissés par le conseiller de cabinet prussien J. W. Lombard (lettres très
intéressantes envoyées du quartier général de Frédéric-Guillanme II de
Prusse pendant la campagne contre la France en 1792, avec introduction,
commentaire, et avec la biographie de Lombard ; fin en mars). — Kronbs.
Un pamphlet bohémien contre le clergé utraquiste des années ioSâ-
1535 (extraits tirés d'un ms. tchèque ; l'auteur est vraisemblablement
un partisan des doctrines hussites primitives que toucha la Réforme).
=: Mars. F. Dahii. Sur l'histoire des Français et de leur littérature
(1 • réflexions sui les traits fondamentaux du caractère des peuples romans,
et sur son reflet dans la littérature française, de Sidoine Apollinaire
jusqu'à nos jours ; 2* parle avec éloge de l'histoire de la littérature fran-
çaise par Ëngel). — G. comte oe Gadorna. Une page de l'histoire con-
temporaine de l'Italie (expose le développement politique de l'Italie et
de son unité depuis 1814 ; met en relief les services rendus par la mai-
son de Savoie ; raconte en détail les événements politiques qui suivirent
la bataille de Novarre en 1849, et auxquels l'auteur prit une grande
part en qualité de ministre piémontais;.
58. — Nord and Sud. Breslau, 1883, janv. — Sgherr. Le meurtre
d'un tsar (récit détaillé du meurtre d'Ivan VI en 4764 ; ses motifs, tirés
de la situation intérieure de la Russie ; la culpabilité de Catherine IL,
sans être démontrée, est très vraisemblable). = Mars. G. Winter. La
catastrophe de Wallenstein (le nœud de la destinée de Wallenstein se
trouve bien plutôt dans la marche des événements politiques eux-mêmes,
et dans la situation contre nature où il se trouvait à l'égard de l'empe-
reur, que dans les intentions personnelles de ceux qui entrèrent dans le
complot. I>a catastrophe se produisit nécessairement dès qu'une pro-
fonde divergence d'opinion éclata entre Wallenstein et Ferdinand II.
Wallenstein fut écarté sans qu'il l'eût mérité par aucun fait nettement
caracU'îrisé ; sa mort fut résolue avant môme qu'il eût sérieusement
songé à s'allier avec les Suédois).
59. — K. Preassische Akademie der 'Wissenschaften. Sitzungs-
iKîrichte. 1883, n* 1. — 0. Puchstein. Rapport sur un voyage dans le
Kourdistan (contient de nombreuses indications sur les découvertes de
ruines, sculptures et inscr. antiques; signale l'importance toute parti-
culière d'un monument trouvé près de Bibol sur l'Euphrate, et que fit
construire le roi Antiochos de Commagènc, G9-34 av. J.-G. ; publie les
très instructives inscr. de ce monument). = N' 4. E. du Bois-Reymond.
Discours d'apparat pour la fête anniversaire de la naissance de Frédé-
ric II de Prusse (expose eu détail les vicissitudes des rapports entre la
Prusse et l'Angleterre sous Frédéric II, les sympathies et les antipathies
dont sa personne a été l'objet de la part de la nation anglaise, depuis
la guerre de H(>pt ans jusqu'à nos jours; traite surtout ici de Garlyle).
— N* 5. G. Waitz. Les Annales Berliniani (pour remplacer l'édition
insuffisante qui se trouve au t. I dos Mon. Germ, hist., on prépare une
RBCUBILS PERIODIQUES. 217
édition inS^ de ces Annales, pour laquelle Heller a récemment colla-
tionné le ms. de la bibl. de Saint-Omer n* 706. Détails sur les particu-
larités, les fautes et les lacunes du ms. Pour l'établissement d'un texte
correct, sont encore entrées en ligne de compte des chroniques posté-
rieures qui procèdent des Annales, puis, pour certains documents admis
par Hincmar dans ses Annales, une rédaction indépendante de ces docu-
ments, qui se trouve dans un des mss. parisiens, B. N. n* 4761, passés
depuis dans la bibl. de lord Ashburnham).
60. — Zeitschrift fUr preassische Oeschichte nnd Landes-
kande. Jahrg. XIX, n«>» 11-12. Berlin, 1882. — G. Wintkr. Les Etate
de la Marche brandebourgeoise à Tépoque de leur plus complet épanouis-
sement, 1540-1550 (décrit la vive opposition faite par ces Etats aux
demandes d'argent de l'électeur Joachim U, et les différends qui s'éle-
vèrent entre les prélats et les seigneurs, d'une part, les villes, de l'autre,
sur la quotité de l'impôt afférente à chacun d'eux ; l'électeur finit par
établir un comité permanent formé de quatre délégués de chaque
Kreistag, et chargé de l'assister dans l'administration ; publie le texte
ou l'analyse de 68 pièces pour la plupart inédites). — G. Sello. L'irrup-
tion des Hussites dans la Marche de Brandebourg (critique acérée des
récits qui, jusqu'ici, ont parlé de triomphes remportés par le Brande-
bourg sur les Hussites, et qui n'ont jamais existé; montre comment les
historiens se sont trompés les uns les autres pour fausser l'état réel des
faits ; recherche les traces des sympathies que le hussitisme a trouvées
en Brandebourg; raconte en détail la campagne entreprise par les
Hussites en 1432; une grande défaite qu'ils auraient subie le 23 avril
1432 près de Bernau n'a pas eu lieu).
61. — Franconia. Bd. I, Rothenburg, 1882; n» 1. —G. R. Histoire
de la ville de Gunzenhausen sur rAltmùhl, 750-1743. -» N»» 2-3.
L. Zapp. Goup d'œil etnographique dans et près le Fichtelgebirge (dis-
tingue les éléments bavarois et franconiens de la population). =: N<* 5-9.
Le comte Rudolf de Stillfried ; art. nécrol. — Ghrist. Les retranche-
ments romains dans l'Odenwald sur la frontière de Tempire (rapport
sur un voyage d'exploration accompli pour rechercher la direction et
l'extension du Limes romanus; donne une liste très détaillée des noms
de lieu où l'un voit des traces de monuments romains). — Z. La justice
de l'abbaye de Bildhausen (sur les conflits de compétence entre l'abbaye
et les tribunaux wurzbourgeois de 1588-1677). — Bossert. Sources iné-
dites sur l'histoire de la réforme à Rothenburg sur la Tauber (trouvées
aux archives du cercle de Nuremberg). — Plachmann. Histoire de la ville
de Marktbreitet de son conseil municipal, 1182-1806. — Le règlement
militaire de Rothenburg en 1411.
62. — Archiy fûr Gtoschichte and Alterthamskniide von Ober-
franken. Bd. XV, Heft 1. Bayreuth, 1881. — Will. Description et his-
toire du Fichtelgebirge (publie un ouvrage composé en 1692, et resté
jusqu'ici inédit : t Das Teutsche Paradeiss im dem Vortrefilichen Fich-
208 RECUEILS PERIODIQUES.
Conrad Geltis, c le prince des humanistes allemands t ; suite et fin (ses
opinions politiques, religieuses, sociales ; Tidée qu'il se fait du monde
et de la nature, ses rêves sur la société et Tâge d'or). — Sattler. Orga-
nisation de Tordre tcutonique en Prusse à Pépoquc de sa splendeur
(d'après les travaux récents). — Kerler. Archives italiennes; notes de
voyage (relativement au séjour de l'empereur Sigismond en Italie en
1431-1433, et aux négociations qui lui permirent enfin de se faire cou-
ronner à Rome le 31 mai 1433. Quelques pages seulement). — Lehhann.
Le centre et les journaux politiques (réponse à certaines imputations de
députés du centre à.la chambre des députés prussienne qui accusèrent
M. Lehmann d'avoir systématiquement écarté de son ouvrage : Preussen
und die katholische Kirche seit 1640, toutes les pièces contenant les griefs
des catholiques prussiens). =: Bibliographie. Schliemann. Bericht ûber
meine Ausgrabungen im bœotischen Orchomenos (analyse du livre). —
Jung, Die romanischen Landschaften des rœmischen Reiches (plus
d'érudition que de méthode et de critique, style négligé ou incorrect).
— SeydeL Das Evangelium von Jesu in seinen Verhœltnissen zur Bud-
dha-Sage und Buddha-Lehre (signale de curieux rapprochements entre
le bouddhisme et le christianisme primitif, sans d'ailleurs apprendre
rien de nouveau). — Harnach, Das Mœnchthum, seine Idéale und seine
Geschichte (dissertation intéressante et spirituelle). — Schultze. Die
Katacomben (bon résumé des travaux sur l'histoire des catacombes). —
Zimmermann. Die kirchlichen VerfassungskaBmpfe im XV Jahrhundert
(simple esquisse, qui n'apprend rien de nouveau). — Kolde. Friedrich
der Weise und die Anfœnge der Reformation (le caractère de l'électeur
de Saxe est très bien étudié ; l'auteur montre qu'il resta toujours « un
bon fils de l'Église romaine »). — Zmedineck-Stidenhorst. Venetianische
Gesandtschaftsberichte iiber die bœmische Rébellion (important ; cepen-
dant il ne faudrait pas accorder à ces rapports une autorité exagérée ;
ils sont bien souvent dans l'erreur). — Tadra. Die Kaiserwahl 1619
(met en lumière le rôle de la Saxe dans cette élection). — IJooft van
Iddekinge. Friesland en de Friezen in de middeleeuwen (étudie 3 points
principaux : l' de l'époque où furent rédigées les t 17 keures » de la
Frise ; l'auteur la place sous le règne d'Otton III, 983-996 ; 2* des pays
où les leges Upstalsbomicae du 18 sept. 1323 furent mises en vigueur ; elles
ne furent pas confinées dans la Frise, mais furent appliquées aussi dans
la Frise orientale, et jusqu'au Weser ; 3* des plus anciens maîtres des
monnaies en Frise. La numismatique a fourni à l'auteur un grand
nombre de faits nouveaux). — Analyse des publications de la Gesellschafl
fur bildende Kunst und Vaterlœnd. AUerthUmer zu Emden, des sociétés
historiques du Rhin inférieur et de la Westphalie en 1879-1881 de
VIJistor. Verein fur Dortmund und die Grafschaft Mark (très long compte-
rendu des documents publies sur l'histoire de Dortmund). — Von JJock.
Der œsterreichische Staatsrath 1760-1848 (important pour l'histoire
administrative, surtout à l'époque de Marie-Thérèse et de Joseph II).
— Egger. Geschichte Tirols von den aîltesten Zeiten bis in die Neuzeit
RECUEILS P1ÎRI0DIQUE8. 209
(excellente monographie). — Jxger, Geschichte der landstaendischen
Verfassung Tirols (bon). — Schlesinger. Deutsche Ghroniken ans Bœh-
men, II : Simon Hùttors Chronik der Stadt Trautenaii, 1484-1601
(bonne édition). — Tlialy. Die Jugend des Fùrsten Fr. Rakoczi (comme
tous les autres travaux du même auteur sur l'époque des Rakoczi, ce
volume témoigne d'une connaissance approfondie des sources, d'un
grand enthousiasme pour son héros, et en même temps d*une certaine
inexpérience critique). — Salzer. Der kœnigl. freie Markt Birthoîlm in
Siebenbûrgen (c'est trop do consacrer 50 feuilles d'impression à ThiB-
toire d'une petite localité de la Saxe transylvanienne ; recherches très
étendues ; des erreurs nombreuses). — Galendar of state papers :
Domestic séries, of the reign of Charles I, 1640 ; éd. by Hamilton. Id.
1654-1655, edited by M. A. Green (très instructif). — Frassi, Il governo
feudale degli abbati del monastère di S. Âmbrogio maggiore di Milano,
nella terra di Givenna in Valassina (fait trop vite et avec peu de cri-
tique). — Hartwig, Quellen und Forschungon zur aeltesten Geschichte
der Stadt Florenz, II (analyse et critique minutieuse de cette publica-
tion, c une des plus importantes de ces derniers temps t). — P, de
hagarde. Johannis Ëuchaitorum metropolitae, quae in codice Vaticano
graeco 67G supersunt (publication intéressante sur un homme qui a
joué un rôle important dans l'histoire politique et religieuse de l'empire
byzantin au xi<»s.). — H. von Prittwitx et Gaffron. Verzeichniss gedrukter
Familiengeschichten Deutschlands und der angrenzendenLaender (biblio-
graphie à laquelle il manque deux qualités indispensables, d'être claire
et d'être complète). — Ariovistvon Fûrlh. Beitraege und Material zur Ge-
schichte der Aachener Patrizierfamilien, II (bon). — //. von Leitow. Bei-
trœge zur Geschichte des Geschlechtes von Lettow-Vorbeck (bon).
41. — Historisches Jahrbuch. Bd. IV, Heft 1. Munich, 1883. —
FuNK. Sur l'histoire ecclésiastique de la Bretagne ancienne (Ebrard
avait prétendu que cette église avait un caractère strictement évangé-
lique, (]ue la Bible y était la seule source de la foi, qu'enfin il n'y avait
pas de loi ordonnant le célibat des prêtres. L'auteur réfute Ebrard point
par point ; il montre que les chrétiens de la Grande-Bretagne avaient
reconnu le primat romain et qu'ils ne s'étaient éloignés en rien des dogmes
de l'Église catholique). — Gbauert. La donation de Gonstantin ; suite
(recherches sur la forme et le contenu de l'acte de donation , ainsi que
sur ses sources. L'autour pense que, par cette masse de territoires que
le diplôme de Gonstantin transmet au saint-siège, il faut entendre l'em-
pire romain d'Occident tout entier; il montre que le diplôme, falsifié,
a été rédigé sur des documents vrais de l'époque impériale, (ju'en partie
même il renvoie à des documents du vui* et du ix« s. ; quant aux faits
Tju'il contient, la source principale doit en être cherchée dans la légende
ecclésiastique). — F. R. von Krones. Des ouvrages relatifs à l'histoire
de F'rançois Rakoczi II, parus de 1872 à 1882 ; suite (raconte en même
temps certains épisodes de la vie de Rakoczi ; parle surtout de ses rap-
ports avec la Pologne, la Suède, la Prusse et la Russie pendant la
ReV. HiSTOR. XXII. l»"- FASG. 14
24 0 RBGUBILS PERIODIQUES.
guerre du Nord). = Comptes-rendus : Escher, Die Glaubensparteien in
der Eidgenossenschaft 1527-31 (partial, mais méritoire). — Dittrich.
Regesten und Briefe des Gardinals Gontarini (très bon ; de nombreuses
rectifications et additions). — Maniels. Beitraege zur Liibisch-hansischen
Geschichte (important).
42. — Neaes Archiv. Bd. VIII, Heft 2. — Jul. von Pfluqk-
Harttunq. 1* Les registres de Grégoire VIE (il a existé un autre registre
de Grégoire VII que celui qui nous a été conservé ; la preuve s'en trouve
dans le recueil des canons de Deusdedit, contenu dans le ms. Vat. 3833,
du xij* s., et publié en 1866 par Martinucci. Analyse ce ms.). 2" Bulles
pontificales à Karlsruhe antérieures à l'année 1198 (après Munich et à
côté de Cologne, c'est Karlsruhe qui possède dans ses archives le plus
grand nombre de ces documents. Ils ont d'ailleurs été presque tous
publiés. Liste des documents et références). — Th. Ltndner. Additions
aux regestes de Charles IV (analyse et extraits de 216 pièces provenant
de diverses archives, surtout de Berlin et de Coblentz). — Wattenbach.
Notice sur 3 mss. d'Eisleben (l» c Liber iste est fratrum Garthusiensium
prope Erffordiam t ; il contient de nombreux écrits de Nicolas de Cusa
et autres. 2* c Liber beatorum Pétri et Pauli apostolorum in Erffordia >;
contient divers traités juridiques, des notes historiques, etc. Z** Très
brèves notes sur des empereurs du xui« et du xrv" s. et sur des rois de
Bohême et de Pologne du xiv* et du xv* s., etc.). — Nûrnberqer. Com-
ment nous sont parvenus les mss. des œuvres de saint Boniface. —
Wattenbagh. Les mss. de la collection Hamilton (notes sommaires sur
ceux de ces mss. qui intéressent l'histoire et la paléographie du moyen
fige ; les numéros correspondent à ceux du catalogue de la vente. Note
détaillée sur un Recueil de8ix)nciles du vin* ou du ix* s. n* 132, et sur
le n* 251, qui est un splendide ms. des évangiles écrit en lettres d'or
sur parchemin teint en pourpre). — Mommsen. Les gardes du corps
germains des empereurs romains. — Id. Jamblique cité par Jordanès.
— Id. Une pièce du butin des Vandales en Italie (dans un village
■ près de Fonzaso, et non loin de Feltre, on trouva divers objets en
argent, l'un d'eux avec Tinscr. : c Geilamir Vandalorum et Alanho-
rum rex ». C'est certainement une pièce du trésor des rois vandales
apportée en Italie par Bélisaire). — P. Ewald. 1« Du mot de bar-
bare dans le Sermo de informatione episcoporum (ne signifie pas autre
chose que guerrier). 2^ La prière aux abeilles dans le ms. de Saint-
Gall, n* 190 (texte). 3* Notes de paléographie espagnole. 4* Trois
lettres de papes ii^édites (de Grégoire I*»*, de Léon II et de Syl-
vestre II). — R. Kade. Description d'un recueil de légendes (d'après un
ms. latin du xv« s.). — Kindsgher. Un diplôme original de Henri U,
22 mars 1003. — Wattenbach. Mélanges (textes concernant les reliques
de Gand). — Pannenborq. Sur Emo et Menko. — 0. Hartwio. Notes
sur divers mss. (1« sur un ms. perdu de Hugo Falcandus, Historia de
rébus gestis in Siciliae regno ; 2*» sur un ms. du xvi« s. d'une Viia Hen*
rici J imperatoris). — Will. Sifridus t Byrnensis » prepositus, et non
RECUEILS P1ÎRI0DIQUE8. 2\4
c Bunnensis t ou « Bingensis o. — Simonsfeld. Rapports de Tolomeo
de Lucques avec les anciennes chroniques florentines. — Holdbr-ëqqbb.
Nouveaux mss. du British Muséum, d'après le Gâtai. Addit. de 1876-81.
43. — Grœttingische gelehrte Anzeigen. 1883. N*« 7-8. — WArrz.
Deutsche Verfassungsgeschichte, Bd. II et III, 1* H. (annonce par l'au-
teur lui-môme). — Monumenta Germanise historica, t. XXVI (ce volume
est composé d'extraits de chroniqueurs français du xiii« s., pour les par-
ties relatives à l'histoire d'Allemagne. L'article est de M. Waitz. Le
prochain volume se composera d'extraits de chroniqueurs anglais). =
N»» 8, 9-10. Leroux. Recherches critiques sur les relations politiques de
la France avec l'Allemagne de 1292 à 1378 (l'auteur a rassemblé beau-
coup de matériaux ; au lieu de n'étudier que des points particuliers de
l'histoire des relations entre l'Allemagne et la France, il a traité d'en-
semble l'histoire de ces relations pendant un siècle ; il est d'autant plus
.regrettable qu'il n'ait pas apporté plus de critique, de soin, et môme de
connaissances ; le critique discute plusieurs points de détails du cha-
pitre sur Philippe le Bel et Adolphe de Nassau). = N»» 11-12. Dœbner,
Urkundenbuch der Stadt Hildesheim (contient 965 numéros, dont plus
de 500 pièces inédites, commençant à la tin du xii« s. ; publication très
soignée). = N»* 13-14. Delpech. La bataille de Muret (discussion longue
et minutieuse de ce travail ; l'art, est plutôt encore à vrai dire on tra-
vail nouveau sur la question).
44. — Philologus. Bd. XLI, Heft 4. — G. F. Ungbr. La chronique
d'Apollodore (on admet généralement que, dans sa description de la
terre, Skymnos de Ghios a utilisé la chronique en vers d'Apollodore
d'Athènes ; l'auteur combat cette hypothèse et montre que les données
de Skymnos, ou ne conviennent pas exclusivement, ou môme ne con-
viennent pas du tout à Apollodore ; sa chronique a été composée entre
les années 100 et 60 av. J.-G. ; les fragments de la chronique com-
mencent bien avant l'an 1184 av. J.-G. et plusieurs conduisent bien
après 144 av. J.-G. Le chroniqueur employé par Skymnos fut vraisem-
blablement Artcmon de Glazomène. Intéressantes recherches sur l'em-
ploi d'Apollodore chez les historiens postérieurs). — G. Busolt. Le
tribut payé par les alliés d'Athènes de 446-445 à 426-425 (contre Kœhler
et Lœschke ; importantes contributions à l'histoire de la politique
d'Athènes à l'égard de ses alliés. Pendant et aussitôt après le soulève-
ment «des Samicns, les villes de la Ghalcidique et Ainos se montrèrent
insoumises et refusèrent de payer le tribut et de fournir les contingents
militaires. En conséquence un certain nombre de communautés jusqu'a-
lors dépendantes furent séparées de leurs chefs- lieux et le nombre des
membres de la confédération de 439-438 à 437-436 fut considérablement
augmenté, sans augmenter cependant d'une manière notable le domaine
de la confédération. Pour la contribution de l'année 439-438, le chififre
du tribut fut élevé dans plusieurs villes ; la somme totale du tribut ne
monta pourtant pas à 600 talents, mais à 460, parce que les augmenta-
tions durent couvrir le déficit causé par la défection des villes cariennes
242 IBCUEILS PiuODIQUES.
et autres. Plutarque dit qu'en 435-434 le chiffre du tribut fut très aug-
menté ; mais il se trompe : c'est de 454-453 à 450-449 que le tribut fut
le plus élevé de toute la période qui s*étend jusqu'en 425-424). —
F. Gœrres. Critique de quelques écrivains de la période impériale à
Rome (interprète et commente le passage de Ju vénal, sat. IV, 150-154,
où, comme le montre l'auteur, il n'est nullement question de la persé-
cution dirigée par Donatien contre les chrétiens). — Â. Eossnbe.
CSompte-rendu des publications les plus récentes sur les œuvres de
Tacite. — F. Blass. Un papyrus grec à Vienne (contient les impréca-
tions d'une Égyptienne contre son mari qui l'avait abandonnée, elle et
ses enfants. Texte et commentaire). — Boysen. Un catalogue des mss.
grecs de la bibliothèque de Fontainebleau (intéressant pour la question
de l'authenticité du Violarium de l'impératrice Ëudoxie).
45. — Jahrbûcher flir classische Philologie. Bd. GXXVII,
Heft 1. LfCipzig, 1883. — F. Rûhl. Le dernier combat des Achéens
contre Nal)is (critique ingénieuse des renseignements fournis par
Polybe, Pausanias, Tite-Live et Plutarque, et de leurs rapports les uns
à l'égard des autres. Contre Nissen, l'auteur admet que Pausanias a
utilisé Polybe. La guerre ne. fut pas terminée par une retraite volon-
taire de Philopémen, mais par une trêve, conclue par l'entremise de
FlaminiuB, jaloux de Philopémen). — Cauer. Communications épigra-
pbiques (corrige et complète les inscr. pub. dans Leipziger Sludien, I,
319 ; Revue archéologique, VUI, 469 ; C. J, G., 3046 = Le Bas, Voy.
arch., III, n» 85). = Compte-rendu critique : Pais. La Sardegna prima
del domino romano (éloge du livre ; le critique Metzer y ajoute le
résultat de ses recherches personnelles sur la domination des Carthagi-
nois en Sardaigne).
46. — Leipziger Stadien zur clasischen Philologie. Bd. V.
Leipzig, 1882. — Mirsch. De Terenti Varronis antiquitatum rerum
humanarum libris XXV (recherches sur le plan, la division, le contenu
des Ântiquitates, sur l'emploi qu'en ont fait les écrivains postérieurs.
Nouvelle classification des fragments, auxquels l'auteur en ajoute beau-
coup de nouveaux). — F. Violet. De l'emploi des noms de nombre
dans les indications chronologiques par Tacite (indique avec précision
la méthode chronologique de Tacite). — L. Lanqe. De pristina libelli
de Republica Atheniensium forma restituenda ; suite (parle des hypo-
thèses qu'on a mises en avant jusqu'ici, retranche de nombreuses
interpolations, rétablit l'ordre de l'ouvrage en transportant de nombreux
fragments bouleversés dans les mss.).
47. — Petermann's Mittheilongen. Bd. XXIX, Heft 2. — C. Win-
TERBERQ. La topographic et la condition sociale de l'Attique contempo-
raine. = Fasc. supplém. n» 67. Bldmentritt. Essai sur l'ethnographie
des Philippines (les habitations, la civilisation, la religion, les institu-
tions de la famille, la situation politique des races établies aux Philip-
pines : Negritos, Malais, Chinois, races blanches ; étudie en particulier
RECUEILS PERIODIQUES. 213
les découvertes maritimes des Espagnols aux Philippines ; carte ethno-
graphique et carte pour Tintelligence de l'histoire des découvertes).
48. — Mittheilnngen des deutschen archœolog. Institates in
Athen. Jahrg. VII, Heft 3. Athènes, 1882. — Weil. Débats pour les
frontières de la Messénie (montre, d'après Fexamon de monnaies et
d'inscr., qu*après la détermination de ces frontières par Tibère en faveur
des Messéniens, une autre eut lieu au second siècle après J.-G. en
faveur des Lacédémoniens, à qui fut attribué le district de Dentheliatis).
— LoLLiNO. Notes sur la Thessalie (transcrit plusieurs inscr. funéraires,
des actes d'afifranchissement, etc., provenant des environs de Larisseet
de Pharsale). — Koehler. Los épées de Mycènes (fait remarquer que
ces épées sont de style égyptien, et en conclut que les tombeaux de
Mycènes doivent remonter à l'époque immédiatement postérieure au
règne de Ramsès le Grand, soit vers la fin du xii* s.). — Mordtmann.
Sur l'épigraphie de Gyziquo (communique une inscr. inédite concernant
rérection d'une statue pour la prêtresse Kleidikè). — Ranoadé. L'Erech-
theion (nouvelle hypothèse sur l'arrangement intérieur de ce sanctuaire).
— Dœrpfeld. Gontributions à la métrologie antique (montre : \^ que le
pied attique et le pied romain étaient identiques et valaient 0,296 mil-
lim. ; 2* que la coudée orientale et la coudée égyptienne mentionnées
par Hérodote n'étaient pas identiques ; 3" que le pied philétérique et le
pied ptolémaïque ne Tétaient pas davantage ; A* que le pied italique est
différent du pied gréco-romain ; 5® que les mesures de capacité et de
système des poids reposaient, dans la plupart des États de l'antiquité,
sur la mesure de longueur). — Kœhler. Le tribut de 20 0/0 de Thra^
sybule (communique une inscr. de l'an 389-8, qui renverse l'opinion de
Swoboda, sur une tentative de rétablissement de Thégémonie athénienne
à cette époque).
49. — Zeitschrlft fUr œgyptische Sprache and Alterthoms-
kunde. Jahrg. 1882, Heft 4. Leipzig, 1883. — Lepsius. La 21« dynastie
selon Manéthon (généalogie de cette dynastie d'après les inscr. Il semble
que cette 21<> dynastie, établie à Tanis, ait déjà été reconnue pendant
les derniers temps où dura la domination de la 20«, au moins dans la
Basse- Egypte). — Erman. Di.v traités du Moyen empire (texte, com-
mentaire et traduction de la grande inscr. funéraire de Siout). — Inscr.
funéraire de Wàdi Gasùs près de Quosér (texte et traduction de cette
inscr. importante pour la géographie de la contrée).
60. — Zeitschrift fur die alttestamentliche "Wissenschaft.
Jahrg. 1883, Heft l. Giossen. — Stade. Le texte du rapport sur les
constructions de Salomon (cherche à rétablir le texte original de la
Bible, qu'il donne à la fin in extenso). — Adler. Le jour de la récon-
ciliation dans la Bible; son origine et sa signification (cette fête fut
tout d'abord un jour de pardon pour l'autel propitiatoire qui était dans
la tente de Talliance, elle fut ensuite étendue à l'expiation pour tous
les péchés commis inconsciemment dans Israël). — Kaufmann. Quel âge
2\Â RECUEILS PEIIODIQDES.
avait Saiomon à son avènement ? (croit, d'accord avec Isak Abranavei,
qu'il était alors âgé de 20 ans, et non de 12).
61. — Archiv ttkr katholischea Kirchenrecht. Nouv. série,
Bd. XLn, Heft 4-5. Mayence, 1882. — Erler. Les persécutions contre
les Juifs au moyen âge ; suite (expose la situation juridique des Juifs
en Italie du v« au zvni« s., surtout dans l'Italie méridionale et en Sicile).
= Comptes-rendus : Wetxer et Welte. Kirchen-Lexicon (très bon). —
Oehsenbein. Ans dem schweizerischen Volksleben des XV«n Jahrh.
(critique défavorable de ce livre).
62. — Theologische Stadien nnd Kritlken. Gotha, Jahrg. 1883,
Heft 2. — RvssBL. Une lettre de Georges, évèque des Arabes (portrait
de cet évèque monophysite ; publie des extraits de sa lettre au prêtre
Jeshn'a, relative à des matières théologiques ; elle est très intéressante
en ce qu'elle montre à quel degré de culture étaient arrivés les savants
et les prêtres syriens au vm* s. ap. J.-C). — Usteri. L'original des
articles de Marbourg en 1529 (on a trouvé à Zurich un duplicata de ce
texte ; texte et fac-similé. Explication sur les différences que ce texte
présente avec celui de Gassel). = Comptes-rendus : Evers, Analecta ad
fratrum minorum historiam (des fautes nombreuses).
63. — Historisch-politische Blœtter fflr das katolische Deats-
chland. Bd. XG. Munich, 1882. Vittoria Colonna (biographie de cette
dame d'après le livre de Reumont). — Grubb. Sur l'auteur de l'Imita-
tion de Jésus-Christ (admet avec Spitzen et Santini que c'est Thomas
A Kempis, et réfute les arguments favorables à Gersen). — De quelques
points douteux sur l'histoire de la déposition du roi Yenceslas (\^ montre
que le pape Boniface IX est resté étranger à cet acte ; 2« que l'élec-
teur de Mayence Jean II n'a pas trempé dans le meurtre du duc
de Brunswick en 1400). — Knoepfler. Sur la question de l'inquisition
(distingue l'inquisition d'Église et l'inquisition d'État, et tient pour
démontrée l'opinion de Hefele, contrairement à celle de Rodrigo et
d'Orti y Lara, que l'inquisition fut une institution d'État). — Les catho-
liques disséminés dans l'Allemagne du Nord (histoire et statistique des
missions dans le nord de l'Allemagne : Hambourg, Brème, Lubeck,
Scbleswig-Holstein, Mecklembourg, Eutin et Schaumbourg Lippe). —
Le dernier ouvrage d'O. Klopp (très élogieuse analyse de son livre : Das
Jahr 1683 und der folgende grosse Tilrkenkrieg bis zum Fn'eden von Kar-
lowitz 1699). — Bellesheim. D' Edw. Bouverie Pusey (sa biographie;
ce n'était ni un hérésiarque ni un réformateur). = Comptes-rendus :
Janssen. Friedrich-Leopold Graf Von Stolberg (bon). — Martens. Die
rœmische Frage unter Pipin und Karl dem Grossen (bon). — Sauer,
Die aeltesten Lehnsbùcher der Herrschaft Bolanden (bon). — Otto.
Merkerbuch der Stadt Wiesbaden (bon). — Gramich. Verfassung und
Verwaltung der Stadt Wùrzburg XIII-XV Jahrh. (remarquable). —
Czerny. Die geistlichen Geschaeftszweige im Mittelalter (bon).
64. — Deutsche Rnndschaa. Bd. XXXIV, 1883, janv.-mars. —
RBCUBILS PéjtlODIQUBS. 215
R. Pauli. Les visées de la maison de Hanovre à la couronne d'Angle-
terre en 1711 (raconte la mission confiée parla cour de Hanovre à Hans
Gaspar de Bothmer, envoyé à Londres pour décider la reine Anne en
faveur de la ligue protestante de Hanovre, en contreminant les influences
cléricales qui la poussaient à se déclarer pour son frère, le fils de
Jacques II). — Frensdorfp. Reinhold Pauli ; notice nécrologique. —
E. Du Bois-Reymond. Frédéric II jugé par les écrivains anglais. — La
dynastie allemande en Roumanie. =: Avril. Righthofen. Vie d'un
fonctionnaire prussien (autobiographie extraite d'un ouvrage que Tau-
leur va faire paraître sur l'histoire de sa famille ; 1 ^ article racontant
les tribulations d'un fonctionnaire prussien de 1830 à 1850).
55. — Preussische Jahrbacher. Berlin, 1883, Bd. LI, Heft 2. —
Von der Brûoqen. La situation agraire dans les provinces caspiennes
de la Russie (avec une introduction historique). — Jul. Sghmidt. Max
Duncker (met en lumière les services qu'il a rendus aux études his-
toriques).
56. — Aaf der Hœhe. Leipzig et Vienne, 1883, févr. — R. Armand.
Léon Gambetta (sa biographie et son caractère ; l'histoire ne verra en
lui que le patriote, et lui pardonnera pour ce motif les fautes qu'il a
commises), a Mars. M. Brusgh. L'idée d'une paix perpétuelle par rap-
port à la politique et au droit des gens (l'idée que la guerre est un mal
inévitable, fondé dans la nature môme de l'homme, est condamnable ;
exposé minutieux et intéressant des efforts tentés pour établir la paix
perpétuelle depuis l'abbé de Saint-Pierre jusqu'à nos jours).
57. — Deatsche Revne. 1883, janv. — ScmjLTZE-DELirzsGH. Les
réunions des délégués allemands en 1862 et 1863 (expose les efforts faits
en 1862 et 1863 par le peuple lui-même, et en complète opposition avec
le gouvernement prussien, pour établir en Allemagne une unité natio-
nale. Publie des extraits des débats et des résolutions prises à Weimar
et à Francfort-su r-le-Mein dans les réunions des représentants des
chambres impériales qui existaient alors. On y protesta, non contre la
situation prépondérante de la Prusse, mais contre tout projet tenté pour
mettre cette puissance hors de l'Allemagne ; leur but était de faire de l'Alle-
magne une grande puissance sous rhégémonie de la Prusse).— J. Bernays.
Empires et époques (d'après les papiers laissés par l'auteur. Le monde
a connu jusqu'ici deux âges principaux : l'époque grecque, de Périclès
à Constantin; et l'époque française, de 1648 à 1870. L'époque allemande
formera le 3« âge du monde). — E. Laspeyres. Les universités alle-
mandes (leur développement et leur histoire au xix« s., d'après des don-
nées statistiques ; suite en févr.). = Févr. H. 8ghulzb. L'Autriche et
l'Allemagne, politiquement séparées, unies par le droit des gens (déve-
l()p{)ement historique des rapports de l'Autriche avec l'Allemagne depuis
le» premiers temps du moyen âge. Le rôle de l'Autriche est d'être l'élé-
ment civilisateur et fécondant pour des peuples nombreux et dispersés
qui, sans cela, auraient disparu dans un émiettcment indéfini, ou
21$ ÊÊCCtus riwMi0kitct^.
^unieai ^^hiiçiMàMn3t\M.yu\iskJVt). — ILH-oiteil Piâoe» tirées despa^âers
Uumè$ yv i« ^aumniUsr de cul^met pruMco i. W. Lcimiarâ Vcttre^ tr»
liiiércxtoUai eoYOvéïgg du çtzartier (râènl de FrBdêriC'-Ooilliixme II de
ï*rusm peadtfjt ia cuDjiagDe oc^zitre k Frssoe en 1 7 j«i. «Tec ûatrcidiictîaiL,
«OfDOieiiUufe, et aree U bioçraphie de Ix>mb&rd : fin en marf^-. — Kbosef.
L'o fMUDpblet bohémien ^unUe le cier^ utnqniste des années 1534-
!lï$5 (ezifaiu tiré* d'un nu. tdièqae ; l'auteur ed misemblablement
au paitiua de« docUioei hnsf ite« primitives que Umcha U RefonneL
^s Mar». F« Dah*. 8ur i'iiif foire des Français et de leur lluératore
(!• réflexion* mii lea traiu fondamentaux du caractère des peuples romans^
et sur «on reflet dans la littérature française, de Sidoine Apollinaire
jusqu'à nos jours ; ^ parle avec éloge de Thistoire de la littérature fran-
çaise par Eugei^ — C. comte de CADoaxA. Une page de rhistoire con-
temp^iraine de iltalie <ezpose le développement politique de Tltalie et
de son unité depuis 1814 ; met en relief les services rendus par la mai-
son de Ha voie; raconte en détail les événements politiques qui suivirent
la bataille de Novarre en 1849, et auxquels l'auteur prit une grande
part en qualité de ministre piémontais;.
66. — Mord and Sud. Breslau, 1883, janv. — Scherr. Le meurtre
d'un tsar (ntcit détaillé du meurtre d'Ivan VI en 1764 ; ses motifs, tirés
de la itituation intérieure de la Russie ; la culpabilité de Catherine II,
sans être démontrée, est très vraisemblable). =: Mars. G. Wikter. La
catastrophe de Wallenstein (le nœud de la destinée de Wallenstein se
trouve bien plut/it dans la marche des événements politiques eux-mêmes,
et dans la situation contre nature où il se trouvait à l'égard de Tempe-
reur, que dans les intentions personnelles de ceux qui entrèrent dans le
C/Oniplot. I>a catastrophe se produisit nécessairement dès qu'une pro-
fonde divr»rj(enco d'opinion éclata entre Wallenstein et Ferdinand II.
WallenKU5in fut écarté sans qu'il l'eût mérité par aucun fait nettement
(Uiract^îrisé ; sa mort fut résolue avant môme qu'il eût sérieusement
songé à s'allier avec les Suédois).
69. — K. Preassisohe Akademie der 'Wlssenschaften. Sitzungs-
horichte. 1883, ii* 1. — 0. Puchstein. Rapport sur un voyage dans le
Kourdistiin (contiiMit de nombreuses indications sur les découvertes de
ruines, sculptures nt inKcr. antiques; signale l'importance toute parti-
culière d'un monument trouvé près de Bibol sur lEuphrate, et que fit
construire le roi Antiochos do Coramagone, G9-34 av. J.-G. ; publie les
tr^s iuHtructiviîS inscr. do ce monument). = N' 4. E. du Bois-Reymond.
DiscourH d'apparat [)Our la féto anniversaire de la naissance de Frédé-
ric Il de PniHHO (oxposo eu détail les vicissitudes des rapports entre la
PruHse et l'Angleterre sous Frédéric II, les sympathies et les antipathies
dont sa pornonnu a été l'objet de la part de la nation anglaise, depuis
la guerre de Sept ans jusqu'à nos jours; traite surtout ici de Garlyle).
— N* 5. (i. Waitz. Los Annales Beriiniani (pour remplacer l'édition
iuBufUsuuto qui se trouve au t. I dos Mon, Germ. hist., on prépare une
RBCUBILS PERIODIQUES. 247
édition in-8<> de ces Annales, pour laquelle Heller a récemment colla-
tionné le ms. de la bibl. de Saint-Omer n* 706. Détails sur les particu-
larités, les fautes et les lacunes du ms. Pour l'établissement d'un texte
correct, sont encore entrées en ligne de compte des chroniques posté-
rieures qui procèdent des Annales, puis, pour certains documents admis
par Hincmar dans ses Annales, une rédaction indépendante de ces docu-
ments, qui se trouve dans un des mss. parisiens, B. N. n* 4761, passés
depuis dans la bibl. de lord Ashburnham).
60. — Zeitschrift fUr preassische Oeschichte nnd Landes-
kande. Jahrg. XIX, n«>» H-12. Berlin, 1882. — G. Wintkr. Les Etate
de la Marche brandebourgeoise à Tépoque de leur plus complet épanouis-
sement, 1540-1550 (décrit la vive opposition faite par ces Etats aux
demandes d'argent de l'électeur Joachim U, et les différends qui s'éle-
vèrent entre les prélats et les seigneurs, d'une part, les villes, de l'autre,
sur la quotité de l'impôt afférente à chacun d'eux ; l'électeur finit par
établir un comité permanent formé de quatre délégués de chaque
Kreistag, et chargé de l'assister dans l'administra lion ; publie le texte
ou l'analyse de 68 pièces pour la plupart inédites). — G. Sello. L'irrup-
tion des Uussites dans la Marche de Brandebourg (critique acérée des
récits qui, jusqu'ici, ont parlé de triomphes remportés par le Brande-
bourg sur les Hussites, et qui n'ont jamais existé ; montre comment les
historiens se sont trompés les uns les autres pour fausser l'état réel des
faits ; recherche les traces des sympathies que le hussitisme a trouvées
en Brandebourg; raconte on détail la campagne entreprise par les
Hussites en 1432; une grande défaite qu'ils auraient subie le 23 avril
1432 près de Bernau n'a pas eu lieu).
61. — Franconia. Bd. I, Rothenburg, 1882; n* 1. — G. R. Histoire
de la ville de Gunzenhausen sur l'Altmùhl, 750-1743. — N«» 2-3.
L. Zapp. Coup d'œil etnographique dans et près le Fichtelgebirge (dis-
tingue les éléments bavarois et franconiens de la population). =: N<* 5-9.
Le comte Rudolf de Stillfried ; art. nécrol. — Ghrist. Le^ retranche-
ments romains dans l'Odenwald sur la frontière de l'empire (rapport
sur un voyage d'exploration accompli pour rechercher la direction et
l'extension du Limes romanus; donne une liste très détaillée des noms
de lieu où l'un voit des traces de monuments romains). — Z. La justice
de l'abbaye de Bildhausen (sur les conflits de compétence entre l'abbaye
et les tribunaux wurzbourgeois de 1588-1677). — Bossert. Sources iné-
dites sur l'histoire de la réforme à Rothenburg sur la Tauber (trouvées
aux archives du cercle de Nuremberg). — Plaghmann. Histoire de la ville
de Marktbreitet de son conseil municipal, 1182-1806. — Le règlement
militaire de Rothenburg en 1411.
62. — Archiv fûr Gtoschichte and Alterthnmslniiide von Ober-
franken. Bd. XV, Heft l. Bayreuth, 1881. — Will. Description et his-
toire du Fichtelgebirge (publie un ouvrage composé en 1692, et resté
jusqu'ici inédit : c Das Teutsche Paradeiss im dem Vortrefflichcn Fich-
248 BEGUEILS PfolODIQUES.
telberg t). — Uibsgh et Egkmayer. Recherches étymologiques et histo-
riques sur le nom et Torigine de la ville de Bayreuth et de PÂltenstadt
(Bayreuth était jadis le faubourg de la ville de Reut, et était dite en con-
séquence « bei Reut »). — Âlb. Sghbnk. Kulmbuch à l'automne de 1806
(d'après un ms. du temps ; détails sur le blocus de la forteresse par les
troupes bavaroises, sur la capitulation de la garnison prussienne, sur
les charges militaires et les dangers courus par la ville à cette époque).
— H. VON Reitzenstein. Les « Burggûter » et les « Freihaeuser » à
Bayreuth (intéressant pour Thistoire, les institutions primitives, et les
familles de la ville; en partie d'après des doc. inédits). — Id. Explica-
tions de noms de lieu d'après les chartes. — Bilabel. Notices histo-
riques sur le château et le parc de Bayreuth (depuis sa fondation en
1758 jusqu'à nos jours; sur les princes qui habitèrent le château).
63. — Zeitschrift des hlstor. Vereins fflr Niedersachsen.
Jahrg. 1882. — Meinardus. Les sources de l'histoire de la ville de
Hameln (sur l'importante chronique de Johann de Pohle et ses sources ;
J. von Pohle était un historien érudit et soigneux, qui utilisa ses sources
avec prudence et habileté. Publie la « Legenda de ordinatione sancti
Bonifacii » et la a GhronicaecclesiaeHamelensis t). — Mûller. Fouilles
exécutées près de Harpstedt en Hanovre (monuments en pierre, tumuli,
monnaies romaines, etc., parle des campagnes de Germanicus). —
BoDEMANN. Les coufréries religieuses, et en particulier les frères de la
calande et les frères de la cagoule à Lunebourg au moyen âge (publie
de nombreuses chartes inédites et des listes de membres de ces confré-
ries). — Id. Lettres adressées au ministre hanovrien A. Ph. von dem
Bussche par l'électrice Sophie, la princesse héréditaire Sophie-Dorothée,
Elisabeth de Palatinat, Leibnitz et madame de Harling, de 1677 à 1697
(d'après les archives patrimoniales des comtes von dem Bussche; la
plupart sont intéressantes pour l'histoire de la maison de Hanovre, pour
la catastrophe bien connue du comte Kœnigsmark, pour la succession
espagnole, pour les relations du Hanovre avec l'Autriche, etc.). — Id.
Le jugement de Leibnitz sur la légalité de la mise au ban de Tempire
de Henri le Lion en 1180 (publie deux lettres de 1716). — Koecher.
Jugements de la duchesse d'Orléans Elisabeth-Charlotte sur la princesse
d'AhlJen (publie 15 lettres de 1694 et 1695, où la duchesse s'exprime
en termes fort méprisants sur la princesse, compromise dans l'affaire
Kœnigsmark). — Id. Mémoires d'Eléonore von dem Knesebeck, dame
du palais de la princesse d'Ahlden (publication de ces mémoires ; pour
leur critique, voir Histor. Zeitsch, de Sybel, nouv. série, Bd. Xll). —
Id. Deux lettres de la princesse d'Ahlden (de 1698, adressées à l'élec-
teur et à l'électrice de Hanovre). — Meinardus. L'élément historique
de la légende du Preneur de rats de Hameln (cette légende bien connue
a son origine dans un fait historique : l'épidémie de danse frénétique
qui éclata en 1284 à Hameln et à laquelle succombèrent un grand nombre
d'enfants ; publie les documents relatifs à cet événement). — Herquet.
L'ordre de noblesse de la • Treue Freundschafi » en Brunswick (fondé
BBGUBILS PERIODIQUES. 249
CQ 1731, il disparut en 1744 ; pablie les statuts et la liste des membres
de l'ordre). — Gùnther. Coutumes judiciaires (Weisthùmer) du terri-
toire de Hildesheim ; suite. — Bodemann. Lettres relatives à Thistoire
de la duchesse Ëléonore, née d'Olbreuse (publie sa correspondance avec
le duc Jean-Frédéric de Hanovre, 1664).
04. — Henneberglscher alterthamaforschender Vereln. Ein-
ladungsschrift fûrFeier des 50ja)hrigen Bestehens des Vereins. Meinen-
gen, 1882. — Jacob. Les trouvailles faites dans les tombeaux de l'an-
cienne principauté de Henneberg (28 tombeaux ou groupes de tombeaux
appartenant à Tépoque préhistorique ont été fouillés jusqu'ici ; décrit
leur situation, leur forme, leur modèle de construction, leur contenu,
leur âge). — G robe. Les archives de la Société des antiquaires de Hen-
neberg (analyse de 130 chartes de 1331 à 1782, d'actes divers, de chro-
niques).
05. — Zeitschrift des Vereins fur Thûringische Geschichte.
Nouv. série. Bd. HI, Heft 1-2. léna, 1882. — Devrient. Les comédies
à la cour du duc Ernest le Pieux de Saxe-Gotha et Altenbourg en
1656-1661 (publie et commente les pièces de théâtre que le duc faisait
représenter dans des intentions de moralisation et d'enseignement; elles
caractérisent son genre de piété).
66. — 'Westdentsclie Zeltschrift fOr Geschichte und Konst.
Jabrg. II, Heft 1. Trêves, 1883. — Hettner. Sur la civilisation de la
Germanie et de la Gallia belgica (exposition précise et pénétrante :
dans les champs décumates et dans la Germanie, le bien-être ne cessa
de progresser jusqu'en 280; à cette époque les champs décumates
furent perdus, et la propriété fut compromise sur les bords du Rhin ;
la Gaule belgique jouit encore pendant un siècle d'une prospérité inin-
terrompue). — SoLDAN. Le cimetière romain de Maria-Munster près de
Worms (rapport sur les fouilles qu'on y exécuta en 1882 ; dessin des
urnes qu'on y découvrit). — Zurbonsen. Histoire de la paix publique
sur les bords du Rhin en 1254 (Paccession des villes du Rhin infé-
rieur et de la Westphalie à cette paix publique est due à l'influence
de Cologne ; cette paix a reçu l'organisation que se donna en 1253 la ligue
des villes formée à Werne). — Ejken. Sur l'histoire du taux lé^l dans
les pays du Rhin inférieur et de la Westphalie (le taux le plus élevé
fut de 10 0/0 au xiii* s., il descendit peu à peu au minimum de 3 0/0
qui fut atteint à l'époque de la Révolution française). = Comptes-ren-
dus : Gœrz. Mittelrheinische Regesten (très bon). — Becker, Das Necro-
logium der vormaligen Praemonstratenser-Abtei Arnstein an der Lalm
(insuffisant). — BilbeL Dortmunder Urkundenbuch (excellent). — Wen-
ker. Sprach-Atlas von Nord und Mitteldeutschland (très bon). — Marx.
Die Burgkapclle zu Ibon (très bon). — Bergk. Zur Geschichte und Topo-
graphie der Rheinlande in rœmischer Zeit (remarquable).
67. — Gœrres-Oesellschaft. Dritte Vcreinsschrift fur 1882.
Cologne, 1882. — Tuijm. Philippe do Marnix, seigneur de Sainte-Aide-
220 RBGITEILS PJBIODIQUBS.
gonde (biographie détaillée de ce personnage, d'après les sources ; d'ac-
cord avec Quinet, Tanteur voit en lui un apostat Nombreux détails sur
la situation religieuse et politique des Pays-Bas à 1 époque de la rupture
avec TEspagne).
68. — Wûrttembergische ViertelsiJalirshefte fOr Ijaiidesge»-
cbichte. Jahrg. Y, Heft 4. Stuttgart, 1882. — Adam. Les archives des
Etats à Stuttgard (leur histoire depuis le règne du duc Ulrich). — Bossbrt
et Meyer. Lettres de Martin Frecht, le réformateur d'Ulm, à sa femme
en 1548 et 1549 (pendant qu'il était en prison à Tépoque de Tintérim).
— BossERT. 1* Le domaine de Schiring près de Wangen. 2* Extraits
des actes judiciaires de la ville de Riedlingen. — Hohemlohb. Armoi-
ries de la c Tunis Gaesaris » à Monopoli (armoiries des chevaliers de
Hobenlobe près de la porte qui donne sur le port de cette ville de
Fouille de 1229 à 1234). — Heyd. Une charte inconnue jusqu'ici de
Gœtz de Berlichingen (cette charte, rédigée en allemand, se rapporte à
des demandes d'argent adressées par ce chevalier au duc Christophe de
Wurtemberg; elle est de 1551). — Bûhlbr. Gharles-^int à Kirchberg
sur la Jagst (publie le rapport de Vimhaber, gouverneur de Kirchberg,
sur les mesures de défense qu'il prit à l'approche de Tempereur, dans la
l'* année de la guerre de Smalcalde; détails très intéressants). —
ScHAUFFELE. Prisouniers français à Hall au commencement du xvm* s.
(c'étaient des prisonniers faits à la bataille de Hochstedt; intéressants
détails d'après les archives de la ville de Hall). — Von Alberti. Chartes
relatives à un siège ignoré de Dœrzbach en 1417. — Bossert. Les plus
anciens seigneurs de Weinsberg (indique des seigneurs possédant
Weinsberg sous Conrad H). = Comptes-rendus : Schsffler et Brandi.
Wùrttembergisch-Franken im aeltesten Lehenbuch des Bisthums
Wùrzburg (remarquable). — Vœlter. Die Sekte von Schwaebisch Hall
und der Ursprung der deutschen Kaisersage (très bon).
69. — Mittheilnnc^n des Instituts fur CBSterreichische Ges-
chichtsforscliiiiii^. Bd. IV, Heft 1. Innsbruck, 1883.— Ficker. Com-
mentaires sur l'histoire impériale au xiii« s. (1» sur la destinée des fils
du Hohenstaufen Manfred ; il n^est pas douteux qu'un de ses fils, Fré-
déric, n'ait réussi à s echapj)er. 2* Conradin fut marié à Sophie, fille du
margrave Frédéric de Landsberg. 3* Alfonse de Castille renonça à la
couronne impériale, à Beaucaire, sous la pression du pape). — Huber.
La chronique rimée de Styrie et l'interrègne autrichien (examine quelle
foi mérite cette chronique pour l'espace compris entre l'extinction des
Babenbcrg et l'avènement de Rodolphe de Habsbourg; estime que sa
valeur au moins dans les parties anciennes est très faible). — Thode.
Le cadavre romain de Tan 1485 (estime qu'on ne peut nier la réalité de
la découverte qu'on fit d'un cadavre romain sur la voie appienne en
1485, et croit en retrouver des copies dans un buste en cire du Musée
"Wicar de Lille, dans un dessin au crayon du Muséum Albertinum de
BBCUEIL8 P^BIODIQUES. 224
Vienne, Tun et l'autre d'auteurs inconnus). — Sickel. Lems. du Liber
diurnus aux archives du Vatican. — Von Zallinoer. Le serment des
Juifs d'Augsbourg (publie une formule de serment, en allemand, du
xiv« ou du xv« s. ; elle paraît une preuve à Tappui de ce fait que le
Schwabenspiegel a son origine à Augsbourg). = Comptes-rendus : Birt.
Das antike Buchwesen in seinem Verha3ltniss zur Literatur (bon). — Las-
chitzer. Die Archive und Bibliotheken des JesuitencoUcgiums in Kla-
genfurt, zu Eberndorf und zu Millstadt (très bon). — Sickel. Beitrœge
zur Diplomatik unter der Regierung Kaiser Otto's I (remarquable). —
Ferrari, Intorno ad un diploma dell* imperatore Gorrado il salico
deir anno 1038 (bon). — Tumbntt. Mittolalterliche Siegelfaelschungen
in Westfalen (bon). — Delaville Le Roulx. 1* Notes sur des sceaux do
l'ordre de Saint- Jean de Jérusalem ; 2* Des sceaux des prieurs angla.is
de Tordre de l'Hôpital aux xii« et xiii« siècles (très intéressant). — Zeu-
mer, Formulae merovingici et karolini aevi (très bon). — Hirsch. Die
Schenkungen Pippins und Karls des Grossenftrès important). — Moroni.
L'invito d'Eudossia a Genserico (critique brillante du récit de Procope).
— Brûnneck. Siciliens mittelalterliche Stadtrecte (très bon ; cf. Rev. hist,^
XIX, 483). — Salvioli. I titoli al porlatore nel diritto longobardo (tra-
vail sans originalité). — Rondoni, I più antichi frammentidel costituto
florentino raccolti e pubblicati (excellent). — Ardinolfi. Roma nelF età
di mezzo (estimable). — Endrulat. Niederrheinische StsBdtesiegel des
XII-XVI Jahrh (sans valeur). — Mùller. Geschichte der kœnigl. Ilaup-
stadt Olmiitz von den îeltesten Zeiten bis zur Gegenwart (bon). — Von
Zwiedineck-Stidenhorst, Venetianische Gesandtschaftsberichte ûber die
bœhmische Rébellion (très bon).
70. — Œsterreichische Rundschau. Vienne, 1883. Jahrg. I, Heft 1.
— 0. Lenz. Miknâsa et les ruines de Volubilis au Maroc (description
géographique, ethnographique et historique, surtout pour l'époque
romaine; publie une inscr. en latin). — Fournier. Les Français en
Allemagne ; fin au n<> 2 (publie des lettres très intéressantes d'un agent
secret de l'Autriche (fui, en 1806, adressait à la cour de Vienne des rap-
ports sur l'opinion publique en Bavière et en Wurtemberg; elles
montrent clairement la jalousie mesquine des princes allemands, le jeu
d'intrigues de leurs ministres, le mécontentement que l'Allemagne du
Sud nourrissait en 1806 contre les Franchis à cause de la lourdeur des
impôts, de l'avidité et de Forgueil des conquérants). == IIeft2. E. Schmidt.
Heinrich von Kleist (biographie; son portrait historique et littéraire).
— Alex. VON Warsuerg. Un voyage à travers l'empire de Sarpedon
(description de la Lycie, en particulier des ruines archéologiques et des
lieux les plus importants pour l'histoire grecque); suite au n* 3 (détails
sur les fouilles pratiquées par l'expédition archéologique autrichienne
en Lycie). = Heft 3. Schipper. La civilisation des Anglo-Saxons (archi-
tecture, monuments ecclésiastiques et profanes, vêtements, approvision-
nements, classes de la société, vie de famille, état politique des anciens
Anglo-Saxons).
220 BBGUEILS PERIODIQUES.
gonde (biographie détaillée de ce personnage, d'après les sources ; d'ac-
cord avec Quinet, Fauteur voit en lui un apostat. Nombreux détails sur
la situation religieuse et politique des Pays-Bas à l'époque de la rupture
avec TEspagne).
68. — Wûrttemberglselie Viertelfljahrshefte fttr Ijandesges-
chichte. Jahrg. Y, Heft 4. Stuttgart, 1882. — Adam. Les archives des
Etats à Stuttgard (leur histoire depuis le règne du duc Ulrich). — Bossert
et Meyer. Lettres de Martin Frecht, le réformateur d'Ulm, à sa femme
en 1548 et 1549 (pendant qu'il était en prison à l'époque de l'intérim).
— Bossert. 1* Le domaine de Schiring près de Wangen. 2* Extraits
des actes judiciaires de la ville de Riedlingen. — Hohenlohb. Armoi-
ries de la c Turris Gaesaris » à Monopoli (armoiries des chevaliers de
Hohenlohe près de la porte qui donne sur le port de cette ville de
Fouille de 1229 à 1234). — Hbyd. Une charte inconnue jusqu'ici de
Gœtz de Berlichingen (cette charte, rédigée en allemand, se rapporte à
dos demandes d'argent adressées par ce chevalier au duc Christophe de
Wurtemberg; elle est de 1551). — Bûhler. Charles-Quint à Kirchberg
sur la Jagst (publie le rapport de Vimhaber, gouverneur de Kirchberg,
sur les mesures de défense qu'il prit à l'approche de l'empereur, dans la
l**" année de la guerre de Smalcalde; détails très intéressants). —
ScHAUFFELE. Prisouniors français à Hall au commencement du xvm« s.
(c'étaient des prisonniers faits à la bataille de Hochstedt; intéressants
détails d'après les archives de la ville de Hall). — Von Alberti. Chartes
relatives à un siège ignoré de Dœrzbach en 1417. — Bossert. Les plus
anciens seigneurs de Weinsberg (indique des seigneurs possédant
' Weinsberg sous Conrad II). = Comptes-rendus : Schwffler et BrandL
Wiirttembergisch-Franken im œltesten Lehenbuch des Bisthums
Wùrzburg (remarquable). — Vœlter. Die Sekte von Schwaebisch Hall
und der Ursprung der deutschen Kaisersage (très bon).
69. — Mittheilnngen des Instituts fOr œsterreichische Ges-
chichtaforsclmiis. Bd. IV, Heft 1. Innsbruck, 1883.— Ficker. Com-
mentaires sur l'histoire impériale au xiii« s. (i» sur la destinée des fils
du Hohenstaufen Manfred ; il n'est pas douteux qu'un de ses fils, Fré-
déric, n'ait réussi à s'échapper. 2* Conradin fut marié à Sophie, fille du
margrave Frédéric de Landsberg. 3* Alfonse de Castille renonça à la
couronne impériale, à Beaucaire, sous la pression du pape). — Huber.
La chronique rimée de Styrie et l'interrègne autrichien (examine quelle
foi mérite cette chronique pour l'espace compris entre l'extinction des
Babenborg et l'avènement de Rodolphe de Habsbourg; estime que sa
valeur au moins dans les parties anciennes est très faible). — Thode.
Le cadavre romain de l'an 1485 (estime qu'on ne peut nier la réalité de
la découverte qu'on fit d'un cadavre romain sur la voie appienne en
1485, et croit en retrouver des copies dans un buste en cire du Musée
Wicar de Lille, dans un dessin au crayon du Muséum Albertinum de
RECUEILS P^EIODIQUES. 224
Vienne, Tun et l'autre d'auteurs inconnus). — Sickel. Lems. du Liber
diumus aux archives du Vatican. — Von Zalltnqer. Le serment des
Juifs d'Augsbourg (publie une formule de serment, en allemand, du
xiv« ou du xv« s. ; elle parait une preuve à Tappui de ce fait que le
Schwabenspiegel a son origine à Augsbourg). = Comptes-rendus : Birt,
Das antike Buchwesen in seinem Verhaeltniss zurLiteratur (bon). — Ioj-
chitzer. Die Archive und Bibliotheken des Jesuitencollegiums in Kla-
genfurt, zu Ebemdorf und zu Millstadt (très bon). — Sichel. Beitraege
zur Diplomatik unter der Regierung Kaiser Otto's I (remarquable). —
Ferrari, Intorno ad un diploma dell' imperatore Gorrado il salico
deir anno 1038 (bon). — Tumbûtt. Mittelalterliche Siegelfaelschungen
in Westfalen (bon). — Delaville Le Roulx. 1* Notes sur des sceaux de
l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem ; 2* Des sceaux des prieurs angltds
de l'ordre de l'Hôpital aux xii« et xhi« siècles (très intéressant). — Zeu-
mer, Formulae merovingici et karolini aevi (très bon). — Hirsch, Die
Schenkungen Pippins und Karls des Grossen (très important). — Moroni.
L'invito d'Ëudossia a Genserico (critique brillante du récit de Procope).
— Brûnneck, Siciliens mittelalterliche Stadtrecte (très bon ; cf. Rev, hist.y
XIX, 483). — Salvioli. I titoli al porlatore nel diritto longobardo (tra-
vail sans originalité). — Rondoni. I più antichi frammenti del costituto
florentiuo raccolti e pubblicati (excellent). — Ardinolfi, Homa nelF età
di mezzo (estimable). — Endrulat. Niederrheinische Stœdtesiegel des
XII-XVI Jahrh (sans valeur). — Millier. Geschichte der kœnigl. Haup-
stadt Olmûtz von den aeltesten Zeiten bis zur Gegenwart (bon). — Von
Zwiedineck'Stidenhorst. Venetianische Gesandtschaftsberichte liber die
bœhmische Rébellion (très bon).
70. — Œsterreichische Rundschau. Vienne, 1883. Jahrg. I, Heft 1.
— 0. Lenz. Miknâsa et les ruines de Volubilis au Maroc (description
géographique, ethnographique et historique, surtout pour l'époque
romaine; publie une inscr. en latin). — Fournier. Les Français en
Allemagne ; fin au n» 2 (publie des lettres très intéressantes d'un agent
secret de l'Autriche qui, en 1806, adressait à la cour de Vienne des rap-
ports sur l'opinion publique en Bavière et en Wurtemberg; elles
montrent clairement la jalousie mesquine des princes allemands, le jeu
d'intrigues de leurs ministres, le mécontentement que l'Allemagne du
Sud nourrissait en 1806 contre les Français à cause de la lourdeur des
impôts, de l'avidité et de l'orgueil des conquérants). = Heft 2. E. Schmidt.
Heinrich von Kleist (biographie; son portrait historique et littéraire).
— Alex. VON Warsberg. Un voyage à travers l'empire de Sarpedon
(description de la Lycie, en particulier des ruines archéologiques et des
heux les plus importants pour l'histoire grecque); suite au n* 3 (détails
sur les fouilles pratiquées par l'expédition archéologique autrichienne
en Lycie). = Heft 3. Schippbr. La civilisation des Anglo-Saxons (archi-
tecture, monuments ecclésiastiques et profanes, vêtements, approvision-
nements, classes de la société, vie de famille, état politique des anciens
Anglo-Saxons).
222 RECUEILS PJBIOOIQUBS.
71. — MIttlieiliiiigeii der aathropologlflclieii OeBellschalt in
"Wien. Nouv. série, Bd. Il, Heft 2. Vienne, 1882. — Heobr. Décou-
verte considérable de bronzes préhistoriques à Dux en Bobôme (dessin
des objets trouvés, pour la plupart des fibules). — Much (contre Ficker
qui, dans le Kosmos^ Jahrg. V, Heft 8, avait contesté l'existence d'une
période de la pierre taillée ; montre que, déjà à Tàge de la pierre, une
partie du travail était développée, fait qui permet de supposer un
assez haut degré de civilisation et une certaine organisation politique).
— HcERNEs. Instruments en bois et architecture en bois en Bosnie
(charrues, charriots, moulins, etc., d*une forme très primitive, et qui
rappelle les premiers temps de la civilisation). — Rapport sur des décou-
vertes préhistoriques en Hongrie, en Bohême, en Egypte, dans leTyrol,
etc. — Fliqier. a quelle race appartenaient les Etrusques ? (parle des
travaux récents de Deecke, Pauli, Bugge, Nicolucci, etc.; tient les
Etrusques et les Rhétiens et Euganéens, apparentés avec eux, pour
des peuples de race indo-germanique, mais ils étaient fort différents des
peuples italiques : ceux-ci étaient dolichocéphales, et les Etrusques
brachycéphales). — Senoner. Rapport sur les discussions auxquelles
donna lieu l'ethnologie ancienne de Tltalie au 3* congrès international
de géographie tenu à Venise. — Rapport sur les ouvrages récents sur
Tanthropoiogie.
72. — K. K. Akademie der 'Wissenschaften. Philosophish-histo-
rische Classe. Sitzungsberichte. Vienne, 1882. Bd. CI, Heft 2. — Zra-
OERLE. Etudes critiques sur la 3« décade de Tite-Live (critique du texte,
conjectures et explications, qui servent de complément à l'édition de
Tite-Live que prépare l'auteur). — E. Steffenhaqbn. Les t Petrinische
Glossen » du Sachsenspiegel ; suite (les mss., les particularités caracté-
ristiques, les sources et la valeur de ces gloses). — Pfizmaier. Explication
de mots japonais inconnus ou difficiles.
73. — Szazàdok. Revue historique hongroise, 1882 (Buda-Pest). —
I. Salamon. La Pannonie sous les Goths et les Longobards. — Mirgse.
Mémoires sur les derniers jours du roi Mathias. — Szilady. Trois poé-
sies de troubadours. — Abel. Nos universités au moyen âge (compte-
rendu). — SzABO. Un dénombrement à Koloszvar (Klausemburg) en
1453.— Les travaux de l'université de Gracovie.=:II. Pulssky. Joseph II
en Hongrie. — Récsey. Un épisode de la vie de Tékély. — Zieqlauer.
Le mouvement politique et les réformes en Transylvanie sous Joseph II
et Léopold III (compte-rendu). — Les Archives nationales. =r III. Frak-
NOi. La Hongrie et la ligue de Gambrai. — Salamon. Les Huns en Pan-
nonie. — Thaly. Les Rakoczy et la famille d'Arpad. — Les guerres du
prince Eugène de Savoie : publication des Archives militaires (compte-
rendu). « IV. Lanczi. Szeckènyi, archevêque de Kalocza, et la poli-
tique nationale en Hongrie. — Margzaly. Les sources hongroises dans
les archives étrangères. — Kbrèkgyartô. Ghronologie de la Hongrie.
— Hecht, Les colonies lorraines et alsaciennes en Hongrie (compte-
RECUEILS PERIODIQUES. 223
rendu). = Dbak. La vie de Fr. Wesselényi. — Fraknoi. La Hon-
grie et la ligue de Cambrai. — Zilahyhiss, Tékély et les émigrants
(compte-rendu).
74. — The Academy. 1883, 10 févr. — Bancroft, The history of the
Pacific States of America, t. I : Central America 1501-30 (très remar-
quable). — Mason, The history of Norfolk; I (faible). = 17 févr. Craik,
The life of Jonathan Swift (biographie exacte et complète). — Durnford,
A soldier^s life and work in South Afrika 1872-79 (ce livre jette un
jour singulier sur les mœurs des colons anglais dans l'Afrique du Sud;
le colonel Durford se fit détester d'eux et s'honora en prenant la défense
des indigènes contre les colons). — Menendez Pclayo. Historia de los
heterodoxos espafioles, t. III (rauteur n'a jamais rien écrit de plus vivant
que les premiers et les derniers chapitres de ce volume. Considéré dans
son ensemble, cet ouvrage, aujourd'hui terminé, est indispensable à
toute personne qui étudie la littérature ecclésiastique de TËspagne). —
Bigelow, Molinos, the Quietist (simple biographie qui n'est pas toujours
irréprochable). — Waters, Parish registers in England (excellent petit
livre, rempli de détails précis et muni de bonnes tables). = 24 févr.
B, Smith. The life of lord Lawrence (importante biographie d'un de
ceux qui contribuèrent le plus à fonder l'empire anglais dans l'Hin-
doustan). — Hamilton. Calendar of state papers; domestic séries 1640-41
(très utile). — Conway. Les mss. à miniatures de la collection Ash-
bnrnham. = 3 mars. Sir Ch. Duffy. Four years of irish history 1845-49
(hi.<^toire remarquable de la grande famine irlandaise). = 10 mars. Rule.
The life and times of Saint Anselm archbishopofCanterbury (M. R. est
un clergyman qui s'est fait catholique; il s'appelait autrefois Luther
Rule, maintenant Martin ; c'est plus qu'un écrivain catholique, c'est un
écrivain papiste ; sa biographie est une hagiographie faite avec cons-
cience, mais avec un évident parti-pris. L'art, est de M. Freeman qui,
attaqué par l'auteur, combat pro domo sua). = 17 mars. Cartwright.
The Wentworth papers 1705-39 (utiles extraits de la correspondance
des Wentworth qui remplit 100 vol. au Brit. Mus.). = 24 mars. Halton
et Hervey. Newfoundland, the oldest british colony (beaucoup d'utiles
données statistiques; livre pénible à lire). = 31 mars. Guest. Origines
celticae and other contributions to the history of Britain (on a eu tort
de publier le fragment de feu E. G. sur les origines celtiques ; l'auteur
s'y est entièrement fourvoyé).
75. — The Athenaeum. 1883, 17 févr. — Craik. The life of Jonathan
Swift, doan i»f Saint-Patrick's, Dublin (excellent). = 24 févr. Th. Grie-
singer. The Jesuits; trad. de l'allemand (il était inutile do traduire ce
livre où la polémique ardente du Kulturkampf tient plus de place que
l'histoire). = 3 mars. Mackcnsie. The history of highland clearances
(étude peu critique sur les expropriations des paysans dans le nord de
rÉcosse). =» 10 mars. B. Smith. Life of lord Lawrence (important pour
224 BEGUEILS PJBIODIQUES.
l'histoire de la révolte des Gipayes en 1857 ; écrit avec beaucoup de soin
et de chaleur). — Vibart, The military history of the Madras engineers
and pioneers (cette histoire commence à la prise de Madras en 1746.
Beaucoup de cartes et de plans accompagnent ce remarquable ouvrage).
= 17 mars. The correspondence of Thomas Carlyle and Ralph W. Emer-
son 1834-72 (intéresse surtout l'histoire littéraire). — The free-trade
speeches of tbe R. H. Charles Pelham Villiers (l'auteur a été un des
plus anciens partisans du libre-échange ; il est entré à la Chambre des
Communes en 1838, trois ans avant Cobden ; ses discours sont aujourd'hui
autant de documents historiques). — Stephen, A history of the crimi-
nal law of England (sera d'une très grande utilité pour l'historien comme
pour le légiste).— Foj^er. Members of Parliament, Scotland 1357-1882 (très
bien fait). = 24 mars. Duffy. 4 years of irish history 1845-49 (il aurait
mieux valu pour la jeune Irlande ne pas écrire son histoire, mais on ne
pouvait trouver d'historien aussi capable et aussi sympathique que M. D.j.
= 31 mars. Records of the borough of Nottingham (collection de textes
importants; le l^' vol. contient les chartes municipales allant de 1155
à 1399).
76. — The Nation. 1883. 1«'' févr. — Creigthon. The papacy during
the Reformation (trop compact, mais exact, et très bien informé). —
Hazen. History of Billerica, Mass. (bon). — Geddie, The russian empire;
historical and descriptive (ouvrage surtout descriptif). = 8 févr. Trollope.
Lord Palmerston (biographie qui fait grand honneur au romancier,
mais qui reste avant tout l'œuvre d'un romancier). = 22 févr. Morison.
Macaulay (la plus intéressante et la plus juste des études qu'on ait
encore publiées sur Macaulay). — Scott. The development of constitu-
tional liberty in the english colonies of America (trop d'abstraction,
mais cependant utile et intéressant). = l" mars. Bolles. The financial
history of the U.-S. 1789-1860 (beaucoup de faits consciencieusement
recueillis, mais mal distribués et mal présentés; les faits principaux
disparaissent sous l'entassement des détails). = 8 mars. Parkman. Les
Jésuites dans le nord de l'Amérique; trad. fr. par M"»« la comtesse de
Clermoht-Tonnerre (la traductrice a pris avec son texte les plus étranges
libertés; non contente de supprimer ou de transposer les chapitres de
l'original, elle altère le sens même de certains passages, et transforme
M. Parkman en un historien que tout bon catholique pourra désormais
lire sans être choqué par le moindre petit mot défavorable aux Jésuites.
Traduttore, traditore), — Durnford. A soldier's life and work inSouth-
Africa, 1872-79 (très intéressant). — Lamnan. Leading men of Japan
(donne 51 biographies des personnages qui ont le plus marqué au Japon
dans les événements qui aboutirent à la révolution de 1868). = 15 mars.
Blunt. The reformation of the church of England, vol. II, 1547-1662
(consciencieux; écrit au point de vue strictement anglican).
77. — Archivio storico italiano. T. XI, 2» disp. de 1883. Le
BBCUEILS piSbiodiqces. 225
Journal de Palla di Noferi Strozzi, 1423; suite. — Saltini. L'éducation
du prince don Franc, de' Médici; suite : documents. — Mazzatinti.
Lettres politiques de V. Armanni, de 1642 et 1644 (Vincenzo Armanni
fut secrétaire du nonce Carlo, des comtes Rossetti, qu'Urbain VIll
avait envoyé en Angleterre; il assista aux débuts de la révolution
anglaise, dont il prévit longtemps à l'avance les extrêmes conséquences.
Sa correspondance est importante pour l'histoire de cette époque ; on
n'en publie ici qu'une analyse sommaire et quelques pièces in extenso).
— GiORQETTi. Laurent de Médicis, capitaine-général de la république
florentine (nommé membre de la Balia en avril 1513,1e fils de Pierre II
eut bientôt entre les mains, malgré sa jeunesse, le gouvernement de sa
patrie; il devint capitaine le 12 août 1515). — Reumont. Lettres de
Polyxène, reine de Sardaigne, sur l'abdication et Temprisonnement de
Victor- Amédée II (ces lettres sont en général insignifiantes. La Société
littéraire de Stuttgard avait eu d'abord l'intention de les publier, comme
celles de la princesse palatine; elle y a renoncé et elle a eu raison). ^
Bibliographie. Nani. Gli statuti dell' anno 1379 di Amedeo VI conte di
Savoia (important). — Guglielmotti. La squadra permanente délia marina
romana ; storia dal 1373 al 1644 (forme le 7* vol. d'une histoire générale
de la-marine pontificale). = A part. Les papiers Strozzi, !■*« série; suite.
78. — Archivio veneto. T. XXIV, 2« partie. — Simonsfeld. Au
sujet de Marino Sanudo le Vieux (trad. de l'allemand par G. Soranzo).
— CipoLLA. Mesures prises par le Conseil de Vérone à l'occasion d'un
débordement de l'Adige en 1757. — Bullo. La bourgeoisie de Gh loggia
et la noblesse de ses anciens conseils; suite et fin. — Giomo. Les
rubriques des Libri misti du Sénat, qui sont perdus; suite. = Bulletin
bibliographique. Monticolo. La cronaca del diacono Giovanni e la
storia politica di Vcnezia sino al 1009 (important). — Papadopoli, Sulle
origine délia veneta Zeccha (remarquable travail de numismatique ; en
étudiant l'origine de la fabrication monétaire à Venise, l'auteur jette de
nouvelles lumières sur les rapports des Vénitiens avec les empereurs).
— Swiedineck'Sûdenhorst. Die Venetianische Inquisition (le meilleur
travail qu'on ait encore sur ce sujet ; mais il y aurait plus d'une cri-
tique de détail à faire). — Manno, Una qncstione famosa di storia
veneta e di morale politica (discute et apprécie les publications de
MM. de Mas Latrie, Lamansky et Fulin sur l'assassinat politique à
Venise). — Feste date da Toscan! e Veneziani in Gostantinopoli nel
carnavale 1524, narrate da C. Zeno a J. (borner, 12 feb. (curieux). —
D'Ancona. G. Casanova e le sue Memorie (début d'un important travail
sur ce ctîlèbre aventurier; paru dans la Nuova Antologia^ ce travail est
actuellement interrompu, parce que l'auteur est à la recherche et sur
la piste de documents nouveaux). — Giulari. La pseudonimia veronese
(bon).
79. — Archivio storico per Trieste, l^Istria ed il Trentino.
Vol. II, fasc. 1. 1883, janv. — B. Malfatti. Les frontières de la prin-
ReV. HiSTOR. XXII. l^TASC. If)
226 RECUEILS P^BIODIQOBS.
m
cipauté de Trente. — Gipolla. Le val de Pruviniano dans un diplôme
de Bêrenger I«'. — Joppi. Inventaire du Trésor de Téglise patriarcale
d'Aquilée, rédigé en 1408. — Ferrai. P. P. Vergerio le jeune à Padoue.
— NovATi. La biographie d'Albcrtino Mussato dans le De scriptoribus
illustribus de Secco Polentone. — Cesca. Deux documents relatifs à
Marco Ranfo, de Trieste, 1311. — Gipolla. Document relatif à Uberto
da Brentonico, de 1174. = Bibliographie : Cesca. La sollevazione di
Gapodistria nel 1348 (publie 100 doc. inédits sur cet épisode de l'histoire
distrie). — V. de Vit. Dissertazione sui Gimbri e sulla via tenuta da
essi per calare in Italia (nie que les Gimbres aient pénétré en Italie
par le Brenner et la vallée de l'Adige ; on a confondu à tort r'Atuiâv de
Plutarque avec TAdige ; c'est de la Tosa ou Atosa dans le val d'Ossola
qu'il doit être question. Les Gimbres ont donc remonté le Rhône, fran-
chi le Simplon, et c'est par là qu'ils sont arrivés en Italie pendant que
Gatulus, retiré derrière le Pô, attendait Marins en avant de Yerceil.
Gette dissertation fait partie du t. VI des Opère varie de V. de V.).
80. — Archivio storico, artistico, archeologico e letterario
(de Gori). Vol. IV, fasc. 1 (6« année, 1880). — Bertolotti. L'exécution
capitale des frères Missori au xvii* s. (on a fait de ces Missori des héros
de roman, mis à mort pour s'être convertis au protestantisme ; les pièces
de leur procès prouvent au contraire que ce sont des assassins ; après
avoir blessé une première fois leur victime, qui parvint à guérir, ils
l'attaquèrent à nouveau, et cette fois ne la manquèrent pas). — Id. Un
inventaire de pièces conservées aux archives de l'Inquisition, fait
au xvi« s., 1590-97). — In. Guriosités historiques et artistiques; suite
(la corruption au collège romain, xvii* s. ; vente de la ville de Porto,
de sa juridiction temporelle et des revenus de la mense épiscopale,
contrat passé le 12 sept. 1725 ; etc.). = Fasc. 2. Gori. Les principaux
faits d armes et les campements des Ostrogoths conduits par Vitigès
autour des murs de Rome. — Bertolotti. Exportation d'objets d'art de
Rome pour r Angleterre, 1626-1808. = Fasc. 3. Babtolim. Un singulier
arrèt du conseil approuve par Lucrèce Borgia, dame de Spolète et de
Foligno, en 1499 (curieux mode de voter sur la proposition d'un con-
seiller de Trevi relative à la fabrication des tuiles, briques, etc.). — Ber-
tolotti. Les Français à Rome aux xv« et xvi« siècles (textes extraits des
archives criminelles de Rome). — Id. Guriosités historiques et artis-
tiques ; suite (procès-verbal de la mort du cardinal Baronius, d'après le
Liber defunctorum de la paroisse de S*« Marie et S« Grégoire in Valli-
cella ; supplique pour demander la liberté d'un prince Orsini après une
détention de 20 ans, 1676; vols de livres à la bibliothèque de la Sapienza,
1678; demande de remise ou adoucissement de peine en faveur d'un
très docte théologien condamné aux galères « per essere incorso, come
huomo, nel pecato délia carne, » xvii* siècle, elc.\ — Gori. Les Borgia
à la Rocca di Subiaco. — Pibralisi. Registre des fabriques du pape
Alexandre VI. = Fascicule 4. Bertoloto. Le plan de Rome de Leo-
nardo Buffalini (le testament de Buffalini, retrouvé, a permis de jeter
BECUEILS PERIODIQUES. 227
la lumière sur la biographie de ce graveur sur bois). — Gori. Les
dernières fouilles opérées à Rome au Forum, à la Voie sacrée et à la
Farnésine ; trésor découvert dans la tombe de Marie, femme d'Ilonorius;
inscriptions de Stilicon et de Gordien ; de l'emplacement véritable du
quartier des Carènes ; tombeau de la gens Sulpicia. — Beltramj. Les
droits de propriété sur les inventions mécaniques et industrielles intro-
duites dans rÉtat romain au xvi« et au xvn« s., d'après les documents
contemporains. = Fasc. 5 (7« année, 1881). Gori. Documents tirés de
TArchivio Sublacense (publie les chap. 33 et 34 du Ghronicon Subla-
cense, relatifs à Clément VU et au cardinal P. Golonna, et 4 lettres de
Charles-Quint relatives à la querelle entre les moines allemands et ceux
du mont Cassin pour la possession des monastères de S. Scolastique et
du S. Speco de Subiaco, 1522-35 ; enûn la charte de donation faite à
leglise de Saint-Laurent de Subiaco par Marsius, patrice romain,
en 369). — Bertolotti. Curiosités historiques et artistiques ; suite. =
Fasc. 6. Id. Notes contemporaines sur les papes du milieu du xv« s. au
milieu du xvi«, et sur le sac de Rome en 1527. — Gori. Monuments
historiques, artistiques et épigraphiques de Tivoli. = Fasc. 7 (8* année,
1882-83). Gori. Les Septa Julia, la basilique et-le portique de Neptune,
les thermes d'Agrippa (résume les dernières recherches et les derniers
résultats qu'ont donnés les fouilles). — Barbier de Montault. Les docu-
ments inédits d'Anagni du xn« s. (a Pactum conventum inter dominos de
Castro quod Turris vocatur et alios bomincs suos eiusdem castri, de
senr'itiis et consuetudinibus que ipsi homines jamdictis suis dominis
facere et obscrvare cum jure jurando promiserunt. » Daté de l'an 1180
de l'incarnation, 20* année du pontiflcat d'Alexandre III, 13« indiction,
7« jour de février). — Rossi. Prise et sac d'Afile par les insurgés en 1799.
— Gori. Les dernières fouilles exécutées à Rome (publie deux inscr. :
Tune, déjà connue, appartient au tombeau de C. Menius Bassus, que
Ton vient récemment de dégager, l'autre à celui d'un a magister ab
atmissione » (5j*c), affranchi de l'empereur Marc-Aurèle).
81. — Studl e docamenti di storia e diritto. 4' année, fasc. 1,
janv.-mars 1883. — Re. Statuts de la ville de Rome; fin de la préface;
suite du texte. La fin du texte et les tables seront donnés dans le
fasc. 2.
82. — Indicateur d^hlstoire suisse. Nouvelle série, 13* année,
1882. — Th. DE Liebenau. Sur les comtes de Lenzbourg. — A. Ber-
NouLLi et J. FiALA. Notes sur la bataille de Sempach. — J. Rourbr.
Archidiacres et commissaires do Tévéché de Constance. — W. Tobler-
Meyeb. Une lettre inédite de Tschudi. — A. Bernoulli. Le manuscrit
bàlois do la chronique du Ropgau. — K. DiE.NOLiKER. Pourquoi Melchior
Russ n'a rion dit do l'exploit de Winkelried. — Th. de Liebenau. Démêlé
de Pellogrin de Hondorf avec les confédérés, 1468. — J. Fiala. Michel
d'Eggernstorf, dernier abbé de Tous-les-Saints , à SchafThouse. —
A. Daguet. Élection d'un avoyer à Fribourgen, 1770. — Th. dk Liebe-
228 RECUEILS PIÎRIODIQUES.
NAu. Notes sur le couvent de Saint-Urbain. — J. Gremaud. Le dernier
des Biandrate en Vallais. — A. Daquet. Papiers inédits du xvi« siècle
(suite). — G. DE Wyss. Discours prononcé à Genève, le 8 août 1882, à
l'ouverture de la séance générale de la Société générale d'histoire suisse.
— J. Teiqe. Étudiants suisses de Tuniversité de Prague pendant le xrv«
et le xv« s. — Th. de Liebenau. Le duc Léopold d'Autriche à Willisau,
1386. — Idem. Falsifications d'obituaires. — G. Meyer von Knonan.
Conquête de Domo d'Ossola par la Savoie en 1414.— W. Gisi. Mathieu
Schinner et le conclave de 1522. — Th. de Liebenau. Les dernières
'heures des Cent Suisses à Paris. — J. Fiala. Notices nécrologiques, 1882.
83. — Mittheilongen des historichen Vereins des Kantons
Sch'wyz. Heft I, Einsiedeln, 1882. — K. Styger. Le landammann Die-
trich in der Halten, 1512-1584. — J.-B. KiELiN. L'avouerie de l'abbaye
d'Einsiedeln, 1"* partie.
84. — Mittheilunsen der antiquarischen Gesellschaft in
ZOrich. Ed. XXI, Heft 4, 1883. — J.-R. Rahn. Uéglise d'Oberwinter-
thur et ses peintures murales.
85. — Thurganische Beitraage znr vaterlœndischen Ges-
chichte. Heft XXII, 1882. — J.-G. Sulzberger. Contribution à This-
toire de l'instruction publique en Thurgovie.
86. — Jahrbuch des historichen Vereins des Kantons Glams.
Heft XIX, 1882. — G. Heer. Histoire de l'instruction publique à Claris,
2* partie.
87. — Archiv des historichen Vereins des Kantons Bem.
Bd. X, Heft 3, 1882. — A. Nuschelbr. Inscriptions des cloches dans la
partie réservée du canton de Berne (fragment d'un travail sur les cloches
de la Suisse tout entière. Le présent recueil remplit, à lui seul, 160 pages;
la première section renferme, dans l'ordre alphabétique des paroisses,
les inscriptions de 638 cloches; la deuxième réunit, dans quelques
rubriques générales, les résultats de cette laborieuse enquête).
88. — Mémoires et documents pobiiés par la Société d^his-
toire et d^archéologie de Genève. 2* série, t. I, 1882 (la 3« livraison
du t. XX de la 1"» série paraîtra ultérieurement). — A. Sarasin. Obi-
tuaire de l'église cathédrale de Saint-Pierre de Genève (document
important, publié pour la première fois, quoiqu'il fût depuis longtemps
connu à Genève. L'éditeur y a joint une introduction, des notes et un
index qui en facilitent singulièrement l'usage).
89. — Bolletino storico délia Svizzera italiana. 1882, n* 12. —
MoTTA. Des personnages célèbres qui passèrent le Saint-Gothard aux
temps anciens et modernes; suite. — Liste des archiprôtres de Bellin-
zona. — Documents et régestes suisses de 1578, tirés des archives
milanaises. — L'imprimerie Agnelli à Lugano, 1476-1799. = 1883, n* 1.
Droits de cité milanaise accordés à divers habitants du canton suisse au
xv« s. = No 2. Sur l'histoire de Castel S. Pietro (trad. de l'allemand du
D' Alf. Pioda).
CHROl^IQUB ST BIBLIOGRAPHIE. 229
CHRONIQUE ET BIBLIOGRAPHIE.
France. — Le Congrès annuel des Sociétés savantes s'est réuni
comme de coutume à la Sorbonne pendant la semaine de Pâques
(27-30 mars); il comprend actuellement cinq sections : histoire et
philologie, archéologie, sciences économiques et sociales, sciences
naturelles et géographiques, sciences mathématiques, physiques,
chimiques et météorologiques. Dans la Section d'histoire (président,
M. L. Delisle), nous signalerons les lectures suivantes : Lemurb.
Sur un ms. du xv* s., contenant les statuts de la corporation des tisse-
rands à Goutances. — Ducrogq. Sur un mémoire ms. du comte de
Boulainvilliers, imprimé, avec quelques changements, dans le Détail de
la France. — M. d'Aussy. Sur les t Cœurs navrés, • conjuration qui se
forma, en 1573, entre les ministres protestants de la Rochelle. — Abbé
PoTTiER. Statistique des villes neuves et bastides dans le département
de Tam-et-Garonne. — M. de Lagrèze soulève à nouveau, mais sans y
apporter de documents inédits, la question du mariage secret de Jeanne
d^Albret avec le comte de Goyon. — J. Roman. Des routes suivies par
les pèlerinages à travers les Alpes, et des maisons hospitalières qui se
trouvaient sur ces routes; il y en a 70 dans le département des Hautes-
Alpes, à une distance moyenne de quatre kilom. et demi. — Durieux.
Sur un document relatif aux corps de métiers avant le xvi* s., trouvé
aux archives de Cambrai; un autre ms., conservé aux mêmes archives,
fait connaître les règlements de police appliqués depuis 1406 aux arti-
sans et marchands de cette ville. — Castonnet- Desfosses. Pondichéry
au xvn* s., d'après de nombreux documents inédits. — Abbé Range.
Vingt lettres inédites de Fénelon à la chanoinosse de Remiromont ; les
dix premières relatives à un procès que cette dame (Marie-Christine,
princesse de Salon) soutenait à Paris, 1693-95; les autres, 1700-10, sont
des lettres de direction. — Laval. Sur l'Université d'Avignon. —
RorcHARD. Histoire des petites écoles en Bourbonnais avant 1789. —
Mauqiolo. Statistique de l'enseignement primaire avant 1789 et 1833 ; ses
recherches ont porté jusqu'ici sur 260 cantons et 4,432 communes;
4,134 avaient une école avant 89. — M. Rioollot. L'instruction
publique à Vendôme avant la Révolution. — Demaison. Cahier de
doléances rédigé en 1424 par les bourgeois de Reims pendant l'occupa-
tion anglaise. — Morev. Situation des Juifs dans la Franche-Comté
au XIV* s. = Section darchéologie (président, M. Henri Martin). Borrel.
Les in.scriptions latines de la Tarentaise, arrond. de Moutiers; elles
sont au nombre de 30, dont 26 proviennent d'Aimé, deux de la Côte-
230 CHBONIQUB ET BIBLI06BAPHIB.
d'Aimé, une de Villette, une de Bourg -Saint -Maurice; il con-
cernent des empereurs, 5 des procurateurs impériaux, 2 des divi-
nités ( parmi lesquelles sont mentionnées des Matronae ) ; 6 sont
funéraires; Fauteur propose une interprétation nouvelle de celle de
Bourg-Saint-Maurice, qui est la plus importante, et qui se rapporte à
Tempereur L. Verus. — R. P. de la Croix. Les fouilles de Sanxay ;
description du temple, des thermes, du théâtre, des hôtelleries. Dans
ce théâtre, on a trouvé les restes nombreux d'une grande inscription ;
mais ils n'ont pu être encore ni rassemblés ni déchiffrés. La destination
de cet ensemble considérable de bâtiments (le temple et son péribole
pouvaient contenir 8,000 personnes) ne peut ôtre encore fixée avec pré-
cision. Le R. P. de la Croix incline à croire que ce fut un lieu de réu-
nion politique pour le peuple des Pictons.
Le Congrès a été clos, le samedi 31 mars, par un discours très élevé
da ministre de l'instruction publique. Après avoir rendu un juste
hommage aux travaux des Sociétés savantes, il a fait ressortir avec
beaucoup de force et un grand bon sens l'importance du rôle joué dans
notre démocratie par renseignement supérieur. « Dans une société
laborieuse et égalitaire comme la nôtre, a-t-il dit, renseignemeQt supé-
rieur n'est pas le superflu, c'est le nécessaire ! C'est le tronc puissant
dont la sève alimente l'enseignement primaire et l'enseignement secon-
daire ; ceux-ci n'en sont que des émanations, ils ne sont que des vulga-
risateurs qui font passer dans la masse quelques-uns des résultats
acquis, mais il n'ont pas le pouvoir de créer la science ; la science se
crée, se développe, la méthode prend naissance, où? Dans l'enseigne-
ment supérieur et dans toutes les institutions qui s'y rattachent. L'en-
seignement supérieur, dans une société républicaine, remplit encore un
autre office, et non moins important. Non seulement il élève les âmes,
mais il discipline les esprits.
« L'esprit scientifique, se propageant de proche en proche, peut seul
tempérer et assouplir ce penchant vers l'absolu, vers la chimère, qui est
recueil des démocraties souveraines.
« L'esprit scientifique, pénétrant la société peu à peu, descendant de
l'enseignement supérieur dans les deux autres ordres d'enseignement,
est véritablement la seule digue à opposer à l'esprit d'utopie et d'er-
reur, si prêt, quand il est abandonné à lui-même, quand il n'est pas
réglé et éclairé par la science, à devenir l'esprit de désordre et d'anarchie^ . »
1 . Nous avons emprunté cet extrait au journal le Temps, auquel nous avons
aussi emprunté l'analyse que nous donnons des lectures faites au Congrès.
Le discours du ministre confirme officiellement une bonne nouvelle : on sait
que la riche bibliothèque de mss. possédée par lord Ashburham a été mise en
vente et offerte an British Muséum. Deux des fonds qui composent cette collec-
tion, le fonds Libri et le fonds Barrois, sont en grande partie composés de mss.
provenant de bibliothèques françaises; ces mss. ont été soustraits à nos dépôts
publics, plusieurs, et les plus importants, par le trop fameux Libri. L'admi-
nistrateur général, M. L. Oelisle, a lu à l'Académie, puis publié, dans le Temps
CHBONIQUE ET BIBLIOGRAPHIB. 23\
— La Revue historique de Béarn et de la Navarre, dont nous avons
annoncé précédemment le premier numéro, a cessé de paraître. La
place, laissée libre par la disparition de son directeur en chef, vient
d'être prise par la Revue des Basses-Pyrénées et des iMndes, publiée sous
le patronage de MM. Tamizey de I^rroquo, V. Lespy, S. Soulicc, etc.
Elle paraîtra par fascicules mensuels, au prix do 20 fr. par an.
— La Revue numismatique va reparaître chez Rollin et Peuardent,
80US la direction de MM. An. de Barthélémy, Schlumberger et Babelon.
— Nous avons annoncé précédemment, XX, p. 219, la notice de
M. Hellot sur un ms. de Rouen, qui renferme une chronique composée
d'après G. de Nangis. Il convient d'y ajouter qu'à partir do l'an 1318,
cette chronique s'écarte entièrement de son modèle, et qu'elle devient
une source nouvelle pour l'histoire des règnes de Philippe le Long,
Charles le Bel et Philippe de Valois.
— Sous le titre de Ciialon^sur-Sa^me pittoresque et démoli, M. Jules
Ghevrier a publié chez Quantin un ouvrage de grand luxe, contenant
50 pi. à l'eau-forte et une centaine de dessins dans le texte.
— Nos collaborateurs, MM. Alf. Leroux, Ém. Molinibr et Ant.
Thomas, annoncent la publication de documents historiques bas-latins,
provençaux et français concernant principalement la Marche et le
Limousin (obituaires, inscriptions, bulles et chartes, statuts ecclésias-
tiques, etc.); ils annoncent comme devant paraître en premier lieu des
documents provenant des archives départementales et hospitalières de
la Haute- Vienne (sur l'inventaire de ce fonds, voy. Rev. hist,, XX, 137),
l'obituaire de Saint- Martial de Limoges, le registre consulaire de
Rochechouart, du xv« s., la chronique inédite d'un notaire de Pierre-
Buffîère, du xv« s., le mémoire de M. de Bernage sur la généralité do
Limoges (1G98), etc. Nous souhaitons bon succès à leur courageuse
entreprise. — Sur l'histoire de ces mômes régions, on annonce en
outre un important chartrier de Limoges, remontant au xiii* s., le car-
tulairo d'Aureil, que M. de Senneville doit bientôt publier, celui de
Saint-Ëtienne de Limoges, reconstitué par M. R. de Lasteyrie, les
du 25 férr. (et à part), un important mémoire sur les très anciens mst, du
fonds Libri dans les collections d' A shburham place ; il y prouve, avec la der-
nière évidence, la provenance plus que suspecte de ces mss., dont certains sont
des raretés paléographiques du plus haut intérêt. Le British Muséum a, dès le
premier jour, très noblement reconnu le droit de préemption du gouvernement
français A l'égard de ces mss. volés ; des négociations, entamées avec les
trustées de la grande bibliothèque anglaise, ont abouti : deux cents mss., dont
M. Delisle a pu avec une science consommée reconstituer l'histoire, ont été
mis à part et doirent élre adjugés au gouvernement français au prix de
60U,(K)0 fr. Toute cette affaire fait le plus grand honneur à la science et à l'ha-
bileté de M. Delisle, cl nous nous associons aux applaudissements prolongés
qui, dans la Sorbonne, ont accueilli l'annonce faite par le ministre que M. De-
lisle était nommé commandeur de la Légiun d'honneur.
232 CHRONIQUE ET BIBLIOGRAPHIE.
Mémoires historiques de Bullat, vicaire de Saint-Martial à la fin du
XVIII* s., des documents relatifs à Tabbaye de Solignac, etc.
— M. L. Lanier vient de publier (Eug. Belin) le premier volume
d'un Choix de lectures de géographie, conçu d'après un plan nouveau et
destiné à rendre de grands services à notre enseignement classique.
Pour chaque pays, l'auteur donne d'abord un résumé géographique et
historique très rapide, mais très substantiel, puis viennent les extraits
et analyses empruntés aux auteurs les plus récents; à la suite, et c'est
Pinnovation la plus importante, est donnée une bibliographie très
complète de tous les ouvrages ou articles de revue parus en France
dans ces vingt dernières années. On regrette cependant que M. L. se
soit entièrement abstenu de citer au moins les principaux ouvrages
étrangers; c'est une omission volontaire qu'il sera facile de réparer
dans la prochaine édition. Le vol. déjà paru se rapporte à V Amérique;
il est des plus attachants ; l'historien y trouvera son profit autant que
le géographe, car c'est la vie môme des peuples modernes que l'auteur
s'est efforcé de nous peindre d après les récits des savants ou des voya-
geurs les plus autorisés ; il y a pleinement réussi. Cinq autres volumes
seront consacrés aux régions polaires, à la France, à l'Europe, à
l'Afrique, à l'Asie et à i'Océanie.
— M. H. Galli vient de publier le Journal d'un officier de Varmée
d^ Egypte (Charpentier). Ce sont des notes du capitaine Vertray, mises
en ordre et rédigées. Sans rien renfermer de très nouveau, ces notes
ont cependant de la vie et du piquant. On voudrait pourtant savoir
dans quelle mesure l'éditeur a remanié et complété les notes qui lui
étaient fournies.
— M. H. BoRDiER, malgré l'activité avec laquelle il mène à bien la
grande entreprise de la refonte de la France Protestante, a trouvé encore
le temps d'achever un travail important pour l'histoire de l'art et pour
celle de la paléographie, la Description des peintures et autres ornements
contenus dans les mss. grecs de la Bibliothèque nationale (Champion, in-4',
l"*® liv.). L'ouvrage comprendra 4 livraisons à 7 fr. 50 chaque. Dans une
introduction, M. Bornier donne le catalogue des mss. contenant des orne-
ments, et analyse le caractère des sujets auxquels on rapporte ces orne-
ments. Si les sujets bibliques intéressent l'histoire religieuse, l'historien
trouvera encore à glaner parmi les sujets familiers ou les portraits.
— Nous signalerons deux volumes qui, sans parler de leur valeur
littéraine, sont des documents pour l'histoire contemporaine : le second
vol. des Souvenirs littéraires de M. Maxime Du Camp (Hachette), qui
comprend toute l'époque de l'Empire, et où l'historien remarquera
surtout ce qui concerne la Revue des Deux-Mondes et le Journal des
Débats, deux des puissances de l'époque; et leîV« vol. de la Correspond
dance de G. Sand (Lévy), qui comprend les dix années de 1854 à 1863.
Sans avoir l'intérêt des lettres du t. III, relatives à la révolution de 48,
on trouvera dans celles-Kîi bien des traits utiles pour l'histoire du second
empire, surtout dans les lettres à Barbes et au prince Napoléon.
GHRONIQUB ET BIBLIOORAPHIB. 233
— Dans une brochure intitulée : Les Vols d'Autographes et les Archives
du Ministère de la Marine (Picard), M. J. Flammbrmont vient d'appeler
de nouveau l'attention dn monde savant sur la déplorable incurie qui
règne dans cet important dépôt. Non seulement il n'y a pas d'inven-
taire, mais les documents ne sont ni foliotés ni estampillés, et le9 chefs
actuels des archives s'opposent à toute amélioration dans ce système
aussi blâmable au point de vue administratif qu'au point de vue scien-
tiûque. MM. Cloué et Gougeard avaient entrepris de porter remède à
cet état de choses, mais M. Jauréguiberry s'est hâté d'entraver les
réformes promises par ses prédécesseurs. Au Ministère de la guerre les
archives sont du moins bien classées et bien inventoriées, grâce aux
soins de M. Rousset (qui depuis, victime de rancunes politiques, a été
écarté d'un dépôt auquel il avait rendu de si éminents services) ; mais
il y a d'autres inconvénients ; elles sont presque inabordables. C'est le
ministre seul qui autorise les savants à y travailler; il faut dire exac-
tement quelles pièces on veut consulter et, à moins d'être particulière-
ment recommandé, on ne peut rien obtenir. Ce système est doublement
absurde, il gêne les travailleurs et il oblige le ministre à prendre une
responsabilité pour des choses sur lesquelles il est nécessairement
incompétent. L'expérience faite aux Affaires étrangères a montré quel
est le seul système sensé : confier les archives à un bureau historique
composé d'hommes compétents; placer à côté d'eux une commission
chargée de partager avec eux la responsabilité des communications au
public; faire un règlement qui détermine ce qui doit être communiqué.
Tout travailleur sérieux doit être sûr de pouvoir obtenir communication
de tous les documents qu'un intérêt d'État n'oblige pas à garder secrets.
LiTRss NOUVEAUX. — HisToiRB LOCALE. — À. Petit. Notes historiques sur
rorigiae, les seigneurs, le tief et le bourg de Damyille, Eure. Evreux, Ilérissey.
— Tardieu. La ville gallo-romaine de Beauclair, Puy-de-Dôme. Clermont-
Ferrand, l'auteur. — Prarond. La topographie historique et archéologique
d'Abbeville. Abbeville, Prévost; Paris, Dumoulin. — Vicomte de Broc.
Notice sur les seigneurs et le château de Turbilly en Anjou. Le Mans,
Monnoyer. — Desmaze. La Picardie. Saint- Quentin , Leroux. — Abbé
Guélon. Histoire de La Sauvetot-Rosille, chef -lieu d'une commanderie
de Saint- Jean de Jérusalem en Auvergne. Clermont-Ferrand, Thibaud. —
0. Bled. Un épisode des élections échevinales de Saint-Omcr, 1704-67. Saint-
Orner, impr. d'Homont. — Charvériat, Politique d'Urbain VllI pendant la
guerre de Trente ans, 1623-44 (Acad. des Sciences de Lyon. Mémoires, t. XXll).
— E.de Salve. Le pape Benoît Xlil et le cardinal Martin de Salva à Avignon
(extrait de la Revue Sextienne). — - Ledieu. Histoire de la ville de Roye (extrait
de c la Picardie »). — Maxe-Werly, Collection des monuments épigraphiques
en Barrois. Cham|>ion. — V, de Valons. Recherche des usurpateurs des titres
de noblesse dans la généralité de Lyon, 1696-1718. Lyon, Brun. — Bordas.
Histoire du comté de Dunois ; t. H. Cbâteaudun, impr. Lecesne. — Storeili.
Notice historiffuc et archéologique sur le château de Chaumont-sur-Loire. Ras-
chet. — Tamizey de Larroque. Les vieux papiers du château de Cauzac, 1592-
1627. Agen, impr. Lenthéric. ^ A. de Barrai, Les chroniques de l'histoire de
France : légendes carlovingiennes. Tours, Cattier. -^ C. de Beaurepaire. Notes
234 GHRO?IIQUE ET BIBLIOGRAPHIE.
historiques et archéologiques coaceraant le département de la Seine-Inférieure
et spécialement la ville de Rouen. Rouen, impr. Cagniard. — Courbe. Prome-
nades historiques à travers les rues de Nancy au xvui* siècle, à l'époque révo-
lutionnaire et de nos jours. Nancy, impr. Gébhart. — Huet. Histoire de Gondé-
sur-Noireau ; ses seigneurs, son industrie. Caen, Le Blanc-Hardel. — Docu-
ments concernant l'histoire du village de Beaucourt et environs. Montbéliard,
impr. Barbier. — Moulinet. Tableaux généalogiques de la maison de La Tour-
du-Pin, dressés en 1788, continués jusqu'à nos jours. Paris, 1880, in-f^. —
À. Périer, Histoire abrégée du Dauphiné de 1626 à 1826 ; fait partie d'un recueil
de Documents relatifs à l'histoire politique, littéraire du Dauphiné, réunis par
un bibliophile dauphinois (£. Chape), l*' fasc. Grenoble, Allier, 1881, gr. in-8*,
yui-120 p. — J.'J.'A. Pilot. Les maisons fortes du Dauphiné. Ibid. In-8*, 160 p.
(font partie de la Bibliothèque historique du Dauphiné). — À, de Rochoi.
Aymond I*% général de La Calotte. Valence, Céas. — Àudouy. Notice histo-
rique sur le cardinal de Tenein. Lyon. — F. Valleniin. Les Alpes Cottiennes et
Graies; géographie gallo-romaine. Champion. — Piollet. Etude historique sur
Geoffroy Caries, président du parlement de Grenoble et du sénat de Milan. Gre-
noble, Baratier et Dardelet. — C^ de Balincourt Histoire de la maison de
Gênas, originaire du Dauphiné, et de quelques autres familles du Languedoc
qui lui étaient alliées, 1260-1867. Epinal, Bruyères-Melun. — Baron de Ros-
taing. Armoiries des comtes de Forez de la 1*^ race. Montbrison, Huguet. —
Abbé P. Guillaume, Recherches historiques sur les Hautes-Alpes, 2* partie.
Gap, Jouglard.
HiSToms RBUGIBUSB. — Abbé L. Servières. Saint Fleuret, é?éque de Cler-
mont et patron d'Estaing. Rodez, Garrère. — Toustain de Billy. Histoire ecclé-
siastique du diocèse de Coutances; t. II. Rouen, Métérie. — Abbé Deladreue.
Histoire de Tabbaye de Lannoy, ordre de CIteaux. Beanvais, Père. — GuiUo'
Un de Corson. Pouillé historique de l'archevêché de Rennes; t. III. Rennes,
Fougeray; Paris, Hatton. — Guigue. La fundation du monasteyre des Cèles-
tins de Lyon, depuis l'an 1407 jusques en l'an 1537, par frère Cl. Berchier,
dépositaire dudit couvent. Lyon, Georg. — Nadal. Essai sur les origines monas-
tiques dans le diocèse de Valence. Valence, Céas. -r- Id. L'abbaye royale de
Saint-Jean-l'ETangéiiste de Soyous ; ibid. — J.-J, Pilot. La chartreuse de Pré-
mol près Uriage. Grenoble, Drevet. — Roman. Origine des églises des Hautes-
Alpes. Grenoble, Allier. — Abbé Blaln, Sainte Marguerite, vierge et martyre,
avec une notion sur le pèlerinage de Combovin. Grenoble, Vincent et Perroux.
— Abbé Mortel. Le culte de la sainte Vierge à Marsanne. Grenoble, Baratier
et Dardelet.
Documents. — Baron de Testa, Recueil des traités de la Porte ottomane
depuis 1526 jusqu'à nos jours ; t. V. Muzard. — Rendu, Inventaire analytique
des chartes des xi*, xii* et xiii' siècles de l'abbaye de Saint-Quentin de Beau-
vais. Beauvais, Père. — Tillette de Clermont-Tonnerre. Documents inédits
sur Abbeville et le Ponthieu, xvii*-xviii' s. Abbeville, Prévost. — L. Barthé-
lémy. Inventaire chronologique et analytique des chartes de la maison de Baux.
Marseille, Barlatier-Fessat. — V. de Beauville. Recueil de documents inédits
concernant la Picardie, 4* et 5* parties. Paris, impr. nat. — Leuridan. Inven-
taire sommaire des archives communales, antérieures à 1790, de la commune
de Linsellcs, Nord. — Merlet. Cartulaire de l'abbaye de la Sainte-Trinité de
Tiron; t. 1", fasc. 2 (Soc. archéol. d'Eure-et-Loir). — J. C. Marris. Monaco;
pièces historiques et traités (Soc. des lettres, arts et sciences de Nice). — Lettres
de Louis XIV au card. de Bouillon, publiées par l'abbé Verlaque. Impr. nat. (t. IV
CHRO?IIQUB ET BIBLIOGRAPHIE. 235
des Mélanges historiques de Documents inédits). — Testoire^Lafayette et
V. Durand. Archives du château de Feugerolles : comprornis, sentence arbi-
trale et accord entre les seigneurs de Feugerolles et de Malmont, 1312, 1314,
1324. Saint-Étienne (extrait des Mémoires de la Diana, 1882). — G. Dumay.
Etat militaire et féodal des bailliages d'Autun, Montcenis, Bourbon-Lancy et
Sémur-en-Brionnois, en 1484. Autun (Extrait des Mémoires de la Soc. éduenne,
t. XI).
Belgique. — Le général Eenens, dont les Conspirations militaires
d^ 1831 ont fait tant de bruit, est mort en janvier dernier à Bruxelles;
il était âgé de 78 ans.
— Nous avons annoncé en 1882 le premier volume du grand ouvrage
de feu M. le professeur Edmond Poullet, de Louvain : Histoire politique
nationale. Origines, développements et transformations des institutions
dans les anciens Pays-Bas (Louvain, Ch. Peeters). L'auteur a laissé ina-
chevé cet excellent ouvrage. Cependant une partie du manuscrit existe
heureusement, et Téditeur a publié à la fin du mois de décembre der-
nier les 272 premières pages du tome H. Elles embrassent la période
communale du xiv* siècle et la période de formation monarchique
du xv«, jusqu'aux chartes d'inauguration arrachées à Marie de Bour-
gogne en 1477.
— M. Ferdinand Vanderhaeohen, bibliothécaire de l'Université do
Gand, poursuit avec activité son admirable Bihliotheca belgica (Gand,
Vuylsteke et Vyt), avec la précieuse collaboration de MM. Arnold et
Vandon Berghe. Les livraisons XXIX à XXXII contiennent Simon
Stevin et Baudaert, ainsi que des suppléments pour Gommines, Bus-
becq, etc.
— Le père jésuite P. Ch. de Smedt, le savant boUandiste, vient de
réunir en un volume, sous le titre de Principes de la critique historique
(Liège, Société bibliogr. belge), les remarquables dissertations qu'il
avait publiées en 1869 et 1870 dans les Études religieuses de Paris.
— M. Kkrvyn de Lettenhove vient de faire paraître la première partie
d'un recueil varié de Documents inédits relatifs à l'histoire du XVI* s,
(Bruxelles, llayez). Ils sont tirés des dépôts de Bruxelles, la Haye,
Londres, Paris, Simancas et Saint-Pétersbourg. Le m^me a fait récem-
ment une lecture à l'Académie royale de Bruxelles, où il prétend éta-
blir la préméditation de la Saint-Barthélémy à l'entrevue de Bayonne
en 1565.
— M. Godefroid Kurth, professeur à l'Université de Liège, dans ses
Origines de la ville de Liège (Liège, Grandmont Donders), passe en revue
les premiers siècles de la vieille cité épiscopale et présente l'ôtymo-
logie nouvelle de vicus Lendicus pour Lcodium et Legia.
— M. Jules Lameere, procureur général près la Cour d'appel de
Gand, a consacré une étude importante aux « Communes vérités » dans
le droit flamand (Brulles, Alliance typographique).
— M. Alph. DE Vlamtnck, dans sa monographie sur Les Aduatiques,
les Ménapiens et leurs voisins (Gand, Eug. Vanderhaeghen), s'eflbrœ do
236 GIIB0!fIQ1IB ET BIBLIOORAPHIB.
déterminer la position géographique de ces peuples à Tépoque de Jules
César.
— M. Frans de Potter commence la publication d'un grand ouvrage
(en flamand) sur Thistoire de la ville de Gand. La première livraison
comprend une revue des sources consultées et des monographies
publiées sur Gand depuis le xvi« s. jusqu'à nos jours, ainsi que le com-
mencement de Thistoire de la cité des Arteveldes. {Geschiedenis der
gemeenten der prov. Oost, Vlaanderm,-Gent, Gand, Annoot-Braeckman.)
— Le Bulletin de la Société liégeoise de littérature wallonne (tome VI)
contient un recueil de chansons politiques, épigrammes, etc., en fran-
çais et en wallon, relatifs à la révolution liégeoise de 1789 et à l'inva-
sion française. Cette collection est l'œuvre de M. A. Bon y (environ.
400 p. in-S'»). Le tome IV contient du môme un mémoire couronné sur
les noms de famille de la région liégeoisç (2« partie) .
— M. KuNziGER, professeur à l'athénée d'Arlon, adonné une seconde
édition, remaniée et augmentée, de son bon résumé de la révolution
des Pays-Bas contre Philippe II, sous le titre un peu bruyant de Nos
luttes contre l'intolérance et le despotisme au IVI* siècle (Verviers, biblio-
thèque Gilon, 60 cent, le vol.).
— M. Julien Schaar a publié le 2<» et dernier fascicule de son Essai
sur la législation économique de la Belgique de 1830 d 1880, qui fait
partie de la collection publiée sous la rubrique patriotique : Cinquante
ans de liberté (Bruxelles, Weissenbruch).
— M. Joseph Demarteau a publié dans la Revue générale (Bruxelles,
et à part) une étude sur la célèbre Théroigne de Méricourt, d'après des
documents inédits.
Allemagne. — Le 12 janvier dernier est mort à son château de
Fahnenburg près de Dusseldorf, à l'âge de 78 ans, Ant. Fahnen, un des
écrivains les plus féconds dans le domaine de l'histoire des pays
rhénans et westphaliens. Parmi ses nombreux ouvrages, nous signale-
rons : Geschichte des Carneval (Cologne, 1854); Geschichte der kœlnischen,
jûlischen und bergischen Geschlechter (ibid.^ 1848); Geschichte der Grafs^
chaft und freien Reichsstadt Dortmund (1854) ; Geschichte der Dynasten,
Freiherrn und Grafen von Bocholtz (1856) ; Chroniken und Urkun-
denbûcher hervorragender Geschlechter, Stifter und Klœster (1861);
Geschichte der westphxlischen Geschlechter (1858); Geschichte der Fûrsten
zu Salm, mit Urkundenbuch (1858) ; Forschungen auf dem Gebiete der
rheinischen und westphalischen Geschichte (5 vol., 1864-75); Livland
(Dusseldorf, 1875) ; Denkmale und Ahnentafeln in Rheinland und West-
falen (ibid,, 1876), etc.
— On annonce encore la mort, à Francfort-su r-le-Mein, du D^ Emil
Bremtano, qui composa de nombreux écrits sur l'emplacement de l'an-
cienne Troie, où il attaquait très vivement Schliemann (10 mars); de
M. Haueisen, directeur de la bibliothèque municipale, âgé de 73 ans
(30 janv.); à Munich, du D' Cari Meyer von Mayerfels, auteur d'un
CHRONIQUE BT BIBLIOGEiPHIB. 237
ouvrage considérable sur la héraldique (8 févr.); à Hambourg, de
M. E. W. Fischer, à qui i'oD doit les si utiles Zeittafeln der rœmischen
Geschichte f23 janv.) ; à Fribourg-en-Brisgau, de l'archiviste D' Bader,
auteur de nombreux travaux sur Thistoire de l'Allemagne du sud-ouest,
d'une histoire du grand-duché de Bade, d'une histoire laissée inachevée
de Fribourg, autrefois directeur de la revue Badenia, etc. (7 févr.) ; à
Tubingue, du prof. Ad. von Kellbr, auteur d'un ouvrage sur les
anciennes légendes poétiques de la France (2« édit. en 1876) et de nom-
breux écrits sur l'histoire de la littérature, de la mythologie et de la
civilisation (13 mars); à Halle, du D** G. WrrrE, professeur de droit à
l'Université, un de ceux qui se sont le plus occupés de Dante. On cite
de lui sa traduction de Dante en allemand (Berlin, 1865), ses Dante^
forschungen (2 vol., 1869-78), son édition du plus ancien commentaire
sur Dante par ser Graziolo de Bologne. Mort à 83 ans, c'est à 14 ans
qu'il avait obtenu le titre de docteur. Sa riche bibliothèque et tous ses
manuscrits, relatifs à l'étude de Dante, ont été légués à la bibliothèque
de Strasbourg.
— On annonce la mort de M. J. Marquardt, le collaborateur bien
connu de Mommsen pour le grand ouvrage sur les antiquités romaines;
il est décédé le 30 nov. dernier, à l'âge de 70 ans.
— M. Gh. Samwer, collaborateur de M. J. Hopf pour le Nouveau
recueil général des traités, est mort à Gotha le 8 nov., âgé de 63 ans.
— M. le D^* Ed. Heydenreigh a été nommé docent pour l'histoire à
la Berg-Akademie de Freiberg. — M. le D^* Klein, docent pour la phi-
logie et l'histoire ancienne à l'Université de Bonn, a été nommé pro-
fesseur.
— La bibliothèque de la cour et de l'État de Munich a reçu en legs
les papiers du D» Pruner-Bey, mort à Pise le 29 sept. 1882; ils forment
treize forts vol. in-fol. contenant les recherches de l'auteur sur l'an-
thropologie, l'histoire des idées et des mœurs et l'ethnographie, des
ébauches sur des dialectes peu connus, etc.
— L'Université de Munich promet un prix de 3,000 m. pour la
meilleure histoire de la gravure et de la sculpture sur bois en Alle-
magne; terme : le 1«' janv. 1886..
— Le 13 févr. dernier s'est constituée à Magdebourg une Société
pour l'histoire de la réforme. Son but est • de rendre accessibles au
grand public les résultats les plus assurés des études sur l'origine de
l'église évangélique, sur les personnes et les faits de la réforme et sur
leur action dans tous les domaines de la vie populaire ; » elle espère y
parvenir en publiant de petits ouvrages historiques mis à la portée de
tout le monde et d'un prix modéré, de façon a être largement répandus.
A la tète de cette Société se trouvent les prof. Kasstlin, Kolde, Kawerau,
Riggenbach, etc.
— On assure que le cardinal Hbrgbnrgether songe à publier les
registres du pape Léon X. Si cette nouvelle était confirmée, elle serait
accueillie avec joie par le public savant.
238 CHRONIQUE ET BIBLIOGRAPHIE .
— Le volume de mélanges historiques {Histarische Untersuchungen)^
publié pour célébrer la vingt-cinquième année du professorat de
M. Arnold Sghaefeb aux Universités de Greifswald et de Bonn, com-
prend entre autres les mémoires suivants : Niese, sur l'hist. de Selon et
de son temps ; Loeschke, la mort de Phidias et la chronologie du Zeus
olympien; Fbllner, les helléniques de Xénophon; Ad. Baubr, des
idées que se faisaient les anciens sur la crue annuelle du Nil; Soltau,
Taediles plebis, sa signification et son importance; H. J. Mùller,
Omesa ; Sonnenburo, Thistorien Tanusius ; Panzer, la conquête de la
Bretagne par les Romains ; Hachtmann, la Germanie de Tacite; Asbach,
histoire du consulat sous l'empire romain; Kreutzeb, sources de l'his-
toire de Septime-Sévère ; Philippi, reconstruction de la carte du monde
d'Agrippa; Volz, le combat de Pollentia; Auleb, Victor de Vita;
G. de Boor, la chronique universelle de Georgios Monachos ; ëwald,
le registre de Grégoire VII; Hasse, l'avènement de Frédéric I»' Bar-
berousse; Tannert, de la part prise par le duc Henri de Bavière à
Télection impériale de 1257 ; Hoffmann, la paix de Wordingborg et la
liberté du Sund (Bonn, Strauss, in-8<»; prix : 13 m. 50).
— Le Verein fur deutsche Literatur, fondé en 1873 sous le protectorat
du grand -duc Charles-Alexandre de Saxe et du prince Georges de
Prusse, institue 3 prix de 4,000, 3,000 et 2,000 marcs pour les trois
meilleurs travaux sur Thistoire de TAUemagne ou de la c Gultur-
geschichte; » ces travaux devront être originaux, comprendre de 20 à
23 feuilles d'impression, mais conçus et écrits de façon à intéresser,
non les érudits spéciaux, mai? le grand public. Terme utile : le 1^ oct.
1883; le jugement sera rendu le 31 déc.
— La librairie Duncker et Humblot (Leipzig) va publier une nou-
velle édition très remaniée de la vie de Laurent le Magnifique, par
M. de Reumont.
Livres nouveaux. — Histoire oiNÂRALE. — Cetro, Ueber eine Reformations-
schrift des XVen Jahrh. Danzig, Bertling. — Prowe, Nicolaas Coppernicus.
Bd. I : das Leben. Berlin, Weidemann. — Muth. Die Beurkundung und Publi-
kation der deutschen Koenigswahlen bis zum Ende des XVen Jahrh. Gœt-
tingue, Vandenhœck. — Kohler. Beitraege zur germaniscben Privatrechtsges-
chichte. 1*' fasc. : Urkunden aus den Antichi archivi der Biblioteca communale
von Verona. Wurzbourg, Stahel. — Kolde, Analecta Lutherana : Gotha, Perthes.
— G. von Buchwald. Bischof- und Furstenurkunden des XII a. XIII Jahrb.
Rostock, Werther. — Priitwitz et Gaffron. Verzeichniss gedruckter Familien-
geschichten Deutschlands und der angrenzenden Lœndcr. Berlin, Stargardt. —
Aus den Papieren des Ministers Th. von Schœn, 3* partie. Berlin, Simion. —
DelbrUck, Das Leben des Feldmarscballs Grafen Neithard von Gneisenau; 2 vol.
Berlin, Reimer. — Schwemer. Innocenz III und die deutsche Kirche 1198-1208.
Strasbourg, Trûbner. — Ladewig. Poppo von Slablo, und die Klotterreformen
anter den erslen Saliern. Berlin, Puttkammer.
Histoire locale. — Mehlis, Studien zur œltesten Geschichte der Rheinlande.
6* part. Leipzig, Duncker et Humblot. — Huesing. Der Kampf um die katol.
Religion im Bislhume Miinster, nach der Vertreibung der Wiedertœufer 1535-
CHRONIQUE ET BIBLIOGRAPHIE. 239
85. Munster, Regensberg. — FrofUng. Die beiden Frankfurter Chroniken des
Johannes La tomes und ihre QÛellen. Gkettingue, Vandenbœck. — Knothe. Ges-
chichte des Tuchmacherhaiidwerks in der Oberlausitz bis Anfang des XVllen
Jahrh. Dresde, Burdacb. — K, von Richtofen. Untcrsucbungen iiber fricsisc.be
Rechtsgescbicbte. 2' partie. Berlin, Besser. — /. Richier, Die Cbronicken Ber-
tbolds und Bernolds. Cologne, Du Mont Scbauberg. — Horawitz. Frankfurter
Rabbinen ; 1, 1200-1614. Francfort-sur-Mein, JdBger. — Speyer. Die aeltesten Cre-
dit-und Wechselbanken in Frankfurt 1402-3. Ihid.— Ley. Die Kœlniscbe Kircben-
gescbicbte. 2* part. Cologne, A bn.— ffâ^A/^aum. Mittbeilungen ausdem Stadt-
arcbiv von Kœln. Cologne, Du Mont Scbauberg. — Bodetnann. Die œlterea
Zunflurkunden der Stadt Liineburg. Hanovre, Habn. — Schnedermann. Zur
Gescbicbte der Emder Riistkammer. Emden, Haynel. — Âlberti, Urkunden zur
Gescbicbte der Stadt Scbleiz im Mittel alter. Scbleiz, Baumann.
HiSTOiRB ÉTRANGÈRE. — Stcffcn. Die Laudwirtbscbaft bei der altamerikaais-
cben Kulturvœlkern. Leipzig, Duncker et Humblot. — Buch. Die Wotjœken,
eine elbnol. Studie. Stuttgart, Cotta. — ConraU Das Florentiner Recbtsbucb ;
ein System rœm. Privatrecbts aus der Glossatorenzeit. Berlin, Weidmann.
Antiquité. — Huhfeldt. De capitoliis imperii romani. Berlin , Weid-
mann. — Jordan. Symbolae ad bistoriam religionum italioarum. Kœnigsberg,
llartung. — Waldmann. Der Bernstein im Altertbum. Berlin , Friedlœnder.
— Sauppe, Commentatio de Atbeniensium ratione suiTragia in judiciis
ferendi. Gœttingue, Dietericb. — StUrenburg. De Romanorum cladibus Trasu-
mena et Cannensi. Leipzig, Hinricbs. — Buschmann. Bilder aus dem alter
Rom. Leipzig, Teubner. — Brugsch. Tbesaurus inscriptionum aegypliacarum,
1'* partie. Leipzig, liinricbs. — Krauss. Agrikola und Germania des Tacitus;
iibersetzt. Stuttgart, Metzler. — Schiller, Gescbicbte der rœmiscben Kaiserzeit,
t. L Gotba, Pertbes. ~ Krieg. Grundriss der rœmiscben Alterlbiiiuer, 2* édit.
Fribourg-en-B., Herder. — Stolze, Persepolis; die acbaBroenidiscben und Sassani-
discben Denkmaeler und Inscbriflen. Berlin, Asber, in-foL — Kuntze. Rœmiscbe
Bilder aus alter und neuer Zeit. Leipzig, Naumann.
Antriche-Hongrie. — Le 20 févr. dernier, est mort à Vienne M. le
D' Ed. Freiherr von Sacken, directeur du Cabinet impérial des mon-
naies et antiquités; il avait 58 ans. C'était un écrivain distingué en
matière d'archéologie, d'histoire de l'art et d'histoire primitive; on lui
doit d'excellentes descriptions des trouvailles faites en Autriche relati-
vement à l'histoire préhistorique et romaine, ainsi que des publications
soignées sur les collections impériales de monnaies, bronzes, sculp-
tures, etc., qui se trouvent à Vienne. On a aussi de lui un Compendium
der HeraUlik und Arcfiiteklur^Gesckichte.
— Le prof. Kaltenrrunner et le D' Fanta ont été chargés par le
gouvernement autrichien de faire, aux archives du Vatican, des
recherches sur les rapports de Rodolphe de Habsbourg et d'Albert !«■
avec la curie romaine; la publication des pièces nombreuses qu'ils ont
trouvées ne se fera pas attendre.
— H va paraître à Trente un Archivio Trentino, à raison de 6 fasc.
par an ; il contiendra à la fois des mémoires sur T histoire et sur les
sciences physiques.
— Sous ce titre : Historische Skixzen aus GEsierreich Ungarn, M. G.
240 GtfROHIQUE ET BIBLIOGEiPHIB.
WoLP vient de publier à Vienne (librairie Alfred Hœlder) un volume
de mélanges fort intéressants pour Tbistoire anecdotique de l'Autricbe.
M. Wolf a recueilli dans les archives de Vienne, de Berlin et de Dresde
de nombreux détails sur la vie publique et privée des Autrichiens; il
en a extrait des feuilletons publiés dans la Presse, la Neue freie Presse,
le Tagblatt, TAllgemeine Zeitung, etc. Ce sont ces feuilletons aujour-
d'hui réunis qui constituent le présent volume. M. Wolf les a groupés
sous six rubriques : Instruction publique. — Questions ecclésiastiques
et confessionnelles. — Militaria Josefina (épisodes du règne de Joseph II).
— Viennensia-Miscellanea. — Ce recueil échappe nécessairement à
l'analyse. Il est d'ailleurs d'une lecture curieuse et agréable.
Livres noutbaux. — Rohde. Die Mûnzen des Kaisers Aarelianus, seiner
Frau Severina und der Fiirstin Palmyra. Vienne, Helf. ~~ Finaly. Der altrœ-
miscbe Kalender. Budapest, Kilian. — ZobL Vincenz Casser, Fûrstbischof von
Brixen in seinem Leben and Wirken. Briien, Weger. — SmeU, Wien in and
aus der Tûrken-Bedrœngniss 1529-1683. Vienne, Gk)ttlieb. — Pauly, Salviani
presbyteri Massiliensis opéra omnia (forme le t. VllI du Corpus scriptoram eccle-
siasticorum). Vienne, Gerold. — Jxger, Geschichte der Landstœndischen Ver-
fassung TirolSy t. III. Innsbruck, Wagner.
Grande-Bretagne. — Nous avons le re^et d'annoncer la mort de
M. John Richard Green, Fauteur si distingué de la Short history of the
englisch people, décédé à Menton en mars dernier, à l'âge de 45 ans.
Cette « brève histoire, » dont le succès fut si éclatant, il l'avait, on le
sait, reprise, élargie, au point d'en faire, en 4 gros volumes, une his-
toire complète du peuple anglais (cf. Rev. hist., IX, 199; XI, 395);
enfin, dans ces derniers temps, il avait repris cette œuvre de toute sa
vie au début même et publié sur les origines de l'histoire anglaise un
volume que nous avons annoncé en son temps, et sur lequel nous
reviendrons : The making of England (Macmillan). Brillant écrivain,
M. Green était aussi un causeur charmant; sa conversation était très
suggestive. Les études historiques le passionnaient; il rêvait de leur
donner en Angleterre une plus grande impulsion en leur créant un
centre de direction sous forme d'une Société historique, et un instru-
ment d'informations analogue à notre Revue, Une santé toujours chan-
celante l'empêcha de réaliser ce double projet; une maladie qui ne
pardonne pas vient de l'emporter prématurément avant qu'il ait même
pu mettre la dernière main à ses travaux personnels.
— M. T. E. ScRUTTON a été nommé professeur de droit constitution-
nel et d'histoire au collège de l'Université, Londres, et M. Al. Henry,
professeur de jurisprudence et de droit hindou.
— M. Oscar Browning est chargé de publier pour la Camden Society
un mémoire politique du duc de Leeds sur les négociations pour les
changements de ministère en 1792 et 1793. £n publiant des documents
sur une période plus rapprochée de nous, la Société espère gagner bon
nombre de souscripteurs, dont elle a le plus grand besoin.
CHRONIQUB ET BIBLIOGRAPHIt. 244
— M. F.-E. Warren va prochainement publier (Giarendon Press,
Oxford) le Missel de Lcofric, un des principaux trésors de la Bodléienne
au point do vue liturgique et paléographiquo. Il contient aussi des
notes d'un réel intérêt historique, des actes (raffranchissement, des
lettres de personnages distingués, des notes relatives à l'histoire
ancienne de l'abbaye d'Exeter et des diocèses de Devon et de Gor-
nouailles {Âcademy, 17 févr. 1883).
— M. A. -H. MiLLAR prépare une histoire de Robroy d'après des
documents originaux.
— Le 9* rapport de la /?. Commission of historical mss. sera présenté
au Parlement anglais avant la tin de la session courante. Il contiendra
la mise des rapports précédents sur les documents de la Chambre des
Lords et sur les papiers de famille du marquis d'Ormonde, et en outre
une analyse des collections appartenant aux comtes de Devon, Lcices-
ter, Pembroke, Manvers, à MM. Ghandos Pole-Gell, A If. Morison,
Stopford Sackville de Drayton House, etc.; en Angleterre, à lord
Elphinstone, à sir Dalyell, à sir A. Grant, etc.; en Ecosse, au duc do
Leiuster, au marquis de Drogheda, etc.; en Irlande, une description
des archives anciennes des cathédrales de Saint-Paul, Ganterbury et
Garlisle, et des corporations de Ganterbury, Garlisle, Ipswich, Ply-
mouth, Wisbeach, Great Yarmouth, etc. {Academy, 24 mars 1883).
— M. L. Gomme, dans VAthenaeum du 3 mars, p. 278, donne d'inté-
ressants détails sur la façon dont est encore réglée aujourd'hui la pro-
priété commune de la terre dans la « corporation « irlandaise de Kells
au comté de Meath ; cette localité reçut sa première charte d'incorpora-
tion sous Richard I»'.
— Une société se forme en Angleterre pour continuer la publication,
depuis longtemps interrompue, des plus anciens rôles de la Pipe ; ces
rôles, où sont enregistrés les principaux revenus de la couronne, ont
une importance historique toute particulière. On souscrit chez M. Graens-
treet, 16, Montpelier road, Peckham (Londres), au prix annuel de
une guinée ; on recevra environ 2 vol. par an.
— I^ collection du maître des rôles vient de s'enrichir de plusieurs
volumes : le t. VIII du Polychronicon Ranulphi Higden, monaehi
Cestrensis, avec la traduction anglaise de John Trevisa et d'un auteur
anonyme du xv« s., publié par M. J.-R. Lumby; ce volume termine le
texte de Higden ; il contient le livre 7, chap. xix-44, comprenant l'es-
pace compris entre 1143 et 1347; — le t. VI de Mathieu Paris, conte-
nant les Additamenta ; — le t. VI des Materials for the history of Thomas
Becket, comprenant les lettres 227 à 530; deux volumes restent à
paraître; ils contiendront les témoignages contemporains relatifs à l'ar-
chevêque de Ganterbury; — le t. X du Calendar of State papers,
Domestic séries, 1655-56, publ. par M»* Green.
— Le t. VIII du Camden Miscellany, mis en distribution pour l'exer-
cice 1882-83, contient : 1» 4 lettres de lord Wentworth, depuis comte
ReV. HiSTOR. XXII. 1" FASC. 16
242 CHRONIQUE ET BIBLIOGRAPHIE.
de Strafford, avec un poème sur sa maladie, publiées par 8.-R. Gardi-
ner; 2» des pièces relatives à la culpabilité de lord Savile, publ. par
Gartwright; 3* une négociation secrète avec Charles I<", publ. par
Mn»«8.-R. Gardiner; 4' un mémoire de M»* de Motteville sur la vie de
Henriette-Marie, publ. par G. Hanotaux; S*» des lettres adressées au
comte de Lauderdale, publ. par 0. Airy ; 6» des lettres originales du
duc de Monmouth, publ. par sir G. Duckett; V la correspondance de
la famille de Haddock, publ. par E. Maunde Thompson; 8<> des lettres
de Thompson, publ. par Gartwright.
— La Society for promoting Christian knowledge publie avec activité
un grand nombre de petits ouvrages de vulgarisation, parmi lesquels il
s'en trouve de très remarquables. Plusieurs d'entre eux font partie de
diverses collections où ils paraissent dans le môme format et au môme
prix. A la série de V c Histoire ancienne d'après les monuments » (à
2 sh.), appartiennent: Assyria, from the earliest times to the fall of Nine-
veh, par le célèbre George Smith; The history of Bahylonia, publiée
d'après les papiers du môme érudit par M. Sayge ; Egypt from the earliest
times to B. C. 300, par M. Birgh ; Greek cities and islands ofAsia Minor,
par M. W. Vaux ; Persia, from the earliest period to the arab conquest,
par le môme ; Sinai, from the fourth egyptian dynasty to the présent time,
par M. H. Spencer Palmer. — Trois autres séries sont consacrées aux
« Systèmes des religions non chrétiennes i (in-8**, à 2 sh. 6 d.), au
a monde payen et saint Paul i , aux c Principales philosophies de l'an-
tiquité » ; nous n'avons pas à y insister autrement. Nous ne pouvons
qu'annoncer, sans en avoir pris connaissance, celle des c Pères de
l'Église pour les lecteurs anglais » (in-8®, à 2 sh.), où saint Léon, Gré-
goire le Grand, saint Ambroise, saint Augustin, saint Basile le Grand,
saint Jérôme, Bède le Vénérable ont chacun leur biographie. — La
série des « Histoires diocésaines i de l'Angleterre comprend déjà? vol. :
Canterbury, par M. Robert G. Jenkins, 1880 ; York, par M. George
Ornsby (s. d.) ; Oxford, par le rév. Edw. Marshall, 1882 ; Durham, par
M. J. L. Low, 1881 ; Peterborough, par M. Ayliffe Poole (s. d.) ; Selsey-
Chichester, par M. W. Stephens, 1881 ; Salisbury, par M. W. Henry
Jones, 1880. Ce n'était pas chose facile de faire tenir en un mince
volume toute l'histoire d'un diocèse, il fallait éviter un double écueil :
celui de donner une liste fastidieuse de prélats, et celui de confondre
0
l'histoire de chaque diocèse avec l'histoire générale de l'Eglise ou môme
du royaume d'Angleterre. Les divers auteurs y ont en général assez
bien réussi. L'histoire de Durham n'est guère cependant qu'une série de
biographies des prélats qui gouvernèrent le diocèse, un des plus impor-
tants de l'Angleterre, puisque l'évoque était en môme temps comte
palatin (jusqu'en 1836) ; York et Canterbury, par leur situation de sièges
métropolitains, étaient nécessairement môles aux affaires générales de
l'Église, le dernier surtout ; son historien M. Jenkins a su, sans sortir
du diocèse proprement dit, écrire un livre intéressant. Pour Oxford et
Peterborough, diocèses qui datent seulement de la Réforme, les auteurs
CHRONIQUE ET BIBLIOGRAPHIE. 243
ont fait plus que Thistoire du diocèse en retraçant celle de l'abbaye de
Saint-Benoît (à Peterborough) et des églises des comtés d'Oxford, Berks
et Buckingham avant et depuis le xvi« s. Une remarque générale à pro-
pos de ces petits livres, c'est qu'ils sont écrits au point de vue anglican,
épiscopal, pour ainsi dire ; cVst avec un respect voisin parfois de l'atten-
drissement que ces membres du clergé protestant parlent de l'ancienne
Église, racontent les destructions ordonnées par Henri VIII, protestent
contre les excès commis par les puritains. L'Eglise d'Angleterre, « que
n'a pas fondée Henri VIII » (Peterborough, p. 39), leur présente le con-
solant spectacle d'une longue continuité, d'une tradition sans rupture
(Cantorbury, p. 253, etc.). Le ton est d'ailleurs toujours modéré, l'éru-
dition suffisante, sans pédantisme. Quand cette série sera terminée, elle
présentera un tableau assez fidèle en somme, et, malgré des répétitions
peut-être inévitables, attachant de l'Église d'Angleterre dans son déve-
loppement historique. — La • Conversion de l'Occident » est racontée
par l'histoire des grandes familles de peuples européennes : The Celts,
the English, ihe Northmen, the Slavs, tous les 4 par le Rév. Maclear ;
the Continental Teutons, par le très rév. Ch. Merivale (coll. à 2 sh.) — La
série dite • Bibliothèque du foyer • (home librarj*) est destinée à illus-
trer l'histoire de l'Église, et à servir t surtout, mais non exclusivement,
de lecture pour le dimanche » ; il est donc à craindre que les livres qui
la composent ne soient pour la plupart des livres d'é<lification ; plusieurs
sont cependant des ouvrages strictement historiques : Military religious
orders of the middle âges, par le Rév. F. G. Woodhouse ; Constanttne
the greet, par le Rév. E. L. Cutts ; Judaea and her rulers from Nebu-
chadnezzar to Vespasian, par M. Bramston, est l'histoire sainte comme
nous l'entendons, écrite au point de vue de la tradition; les découvertes
récentes de l'assyriologie et de l'égyptologie n'y ont pas été utilisées.
The Church in Roman Gaul, par M. Richard T. Smith, est décri»^ sur-
tout au point de vue dogmatique ; l'auteur donne trop de place aux
disputes theologiques, pas assez à l'organisation de l'Église franque ; il
passe si rapidement sur la conversion de Clovis, qu'on s'en douterait à
peine ; enfin son livre manque de conclusion ; on ne sait pourquoi il
s'arrête avec S. Gaesaire plutôt qu'avec un autre. La plupart de ces
lacunes sont comblées dans le livre de M. Cutts, Charlemagne ; en réa-
lité l'histoire du grand empereur n'occupe que la seconde moitié du
volume (chap. xiv-xxiv) ; le véritable titre eût été : Histoire de l'Église
de Gaule sous les Francs jusqu'à la mort de Charlemagne. Tel qu'il est,
cet ouvrage est infiniment supérieur au précédent ; sans apporter ni
idée nouvelle ni fait nouveau, il résume avec clarté et avec justesse les
grands faits de cette longue histoire. Mistlav, or the conversion of Pome-
rania in the Xlith cent., est une réédition du livre publié en 1853 par
le très révérend Robert Milman, évéque de Calcutta, aujourd'hui décédé ;
nous n'y insisterons pas autrement. La biographie de /. Huss, par
M. Whatislaw, est un livre doiit il faut tenir compte : c'est un excel-
lent résumé des travaux récents des historiens tchèi]ues, surtout de
244 CHROinQUB et bibliographib.
Palacky ; mais l'auteur ne parait pas connaître la thèse de M. Denis,
qu'il n'est plus permis d'ignorer, quand on traite de Huss et des hus-
sites (le livre, le seul de la série qui soit daté, est de 1882). Quoi qu'il
en soit, cette biographie, d'une érudition sûre, est en outre d'une lecture
très attachante. — Une dernière série a été ouverte tout récemment
pour l'histoire ancienne de la Bretagne (Early Britain). Deux ouvrages
ont déjà paru : Celttc Britain, par M. J. Rhys, et Anglo-^saxon Britain,
par M. Grant Allen. Ces deux petits ouvrages doivent être mis à une
place tout à fait à part dans l'œuvre volumineuse de la Société : à vrai
dire, ce ne sont plus là des œuvres de vulgarisation, mais des travaux
vraiment originaux ; la science qui s'y dissimule y est profonde et du
meilleur aloi ; celui de M. G. Allen surtout est très suggestif; il montre
tout ce que l'histoire primitive des Anglo-Saxons a d'incertain ; il
reconstitue, d'après les recherches ethnographiques et anthropologiques
les plus récentes, la formation de la population anglaise ; si à la place
des légendes qu'il renverse il met parfois des hypothèses, il a du moins
l'art de les rendre vraisemblables. De pareils livres sont l'honneur d'une
collection.
Livres nouveaux. — Bisset. A short history of the englisch parliament; t. II.
Londres, William et Norgate. ~ Owen. A history of England and Wales, from
the Roman to the Norman conquest ; nouv. édit. Londres, GL Philip. — Bar-
raws, The life of Edward, Cord Hawke, first cord of Adminalty 1766-71. Londres,
Allen.
Etats-Unis. — M. G. Washington Greene, professeur d'histoire à
Brown University, puis à Cornell University, est décédé le 2 février
dernier à East Greenwich, sa ville natale, à l'âge de 72 ans. Il était
petit-fils de Nathanael Greene, général américain pendant la guerre de
l'Indépendance, et il en écrivit la vie en trois volumes, dont le dernier
parut en 1871 ; c'est un modèle d'histoire biographique. Revenu aux
Etats-Unis après avoir été pendant plusieurs années consul à Rome
(1837-45), il publia, outre la biographie de son grand-père, divers
ouvrages historiques d'une grande valeur : des Historical studies rela-
tives surtout au génie et à la littérature italienne (1850) ; History and
geography of the midle âges (1851); Historical view of the american
révolution (1863). Il songeait en dernier lieu à écrire la biographie de
Longfellow, avec lequel il était lié d'une chaude amitié {The Nation ^
8 févr.).
— M. Bancroft vient de publier le l»' vol. de la 3« édition de son
History of the United States (Appleton) ; cette nouvelle édition est forte-
ment remaniée : elle comprendra six volumes au lieu des douze de
l'édition dite du Centenaire ; plusieurs chapitres qui faisaient hors-
d'œuvre ont été supprimés; la plupart des autres ont été subdivisés :
des 18 chapitres que contenaient les deux premiers volumes de l'édition
du Centenaire, on en a formé 38. Ces changements sont une sérieuse
amélioration do l'ouvrage primitif.
— Le il* des Index publics par M. W.-M. Gris^^old (Bangor, Maine)
CHtOlfIQUE ET BIBLIOGRAPHIE. 245
est c ii gênerai index to ihe Gontemporary review, ihe Fortnightly review,
and the Nineteenth century; » il remplit 36 pages et comprend les
années 1865 à 1882. M. Griswold entreprend ainsi toute une série d'in-
dex, dont la collection sera certainement fort précieuse.
LiYRBB NOirvBAUX. — Heffley. Biography of the father of stenography :
M. T. Tiro. Brooklyn. — P. Hood. 0. Cromwell ; his life, times, battlefields
and contemporaries. Funk et Wagnalls. — Topelius. Times of Gustaf-Adolf ;
from the swedish. Chicago, Jansen et C'*. — Beardsley. History of the episco-
pal church in Connecticut, 4* édit. Boston, Houghthn, MiiTlin et C*. — Mac
Master. History of the people of the United States ; vol. I. New York, Appleton.
Italie. — On annonce la mort d'Antonio BARACcm, décédé le 20 sept.
1882 à Venise; c'était un des plus actifs archivistes employés à TAr-
chivio notarile deFrari; — dlgnazio Zbntt, décédé le 16 déc.; il était
directeur de la bibliothèque communale de Vérone. Il avait publié des
Blementi di bibliografla (1872), un Elenco dei doni pervenuti alla hiblio^
teca di Verona^ 1864-75, un mémoire sur / santi martiri Fermo et Rustico
in Verona, etc.
— La A. Deputazione di storia patria pour la Toscane, les Marches et
rOmbrie a décidé, après avoir terminé le Codice diplomatico OrvietanOy
de publier le Libro di MontaperU\ ou Libro delV Arbia, qui contient le
registre des délibérations des capitaines de l'armée Qorentine dans les
deux expéditions contre Sienne en 1260, et une collection de documents
relatifs à l'histoire de la Stamperia orientale des Médicis. Les éditeurs
seront, pour le premier ouvrage, M. Gesare Paoli, et, pour le second,
M. Baltini.
— \jBLR,Accademiadiscienze, /«^(«readarttdeLucquesapubliélet. XXI
de ses Atli (Lucques, Giusti, 1882). Il contient entre autres mémoires :
une étude sur les rapports de Fr. Pétrarque avec Pise, par M. Pagano
Paoanini; quatre documents de l'époque consulaire, 1170-1184, publiés
par M. S. BoNOi; un essai sur Francesco Maria Fiorentini et sur ses
contemporains à Lucques, par M. Giov. Sforza ; un discours suf les
Mécènes de Lucques au xvi* s., par M. G. Sardi.
— Un décret du ministère de l'Instruction publique, du 8 avril 1880,
a fondé des prix en faveur des professeurs de l'enseignement secon-
daire; sur le rapport de M. Luhbroso, l'Académie royale des Liucei a
décerné (16 déc. 1882) des prix de 3,000 l. à M. Monticolo, la Chronaca
del diacono Giovanni e la storia politica di Venezia sine al 1009 ; M. Ga-
lahti, / Tedeschi sub versante méridionale délie Alpi ; M. Fornari, Studi
sopra A . terra e Marcantonis Desantis,
— La même Académie a remis au concours, pour le prix Gerson da
Gunha, une étude sur les relations anciennes et modernes de l'Italie
avec rinde. Les mémoires devront être remis au président avant le
31 mars 1884 (1,000 fr. en or). — La municipalité de Sassoierrato a
mis à la disposition de l'Académie une somme de 5,000 l. pour le meil-
leur mémoire sur Bartolo de Sassoferrato, son temps et ses doctrines.
246 CHRONIQUE ET BIBLIOGRAPHIE.
— Enfin 3 prix d'une valeur totale de 9,000 1. seront décernés aux meil-
leurs travaux historiques. Terme, le 30 avril 1885.
— Dans un opuscule intitulé Statuti antichi inediti e statuti recenti
del ordine supremo délia SS. Annunziata (Torino, Candeletti, 1882, in-4o,
82 p.), M. Gaudenzio Glaretta expose brièvement l'histoire de cet ordre
de chevalerie, Tun des plus anciens de l'Europe, fondé en 1362 par
Amédée VI, comte de Savoie. Ce ne fut qu'au xvi« siècle, sous Charles ni,
que l'ordre prit définitivement le nom d'Ordre de VAnnonciade : à l'ori-
gine ce n'était que l'ordre du Collier. Le nombre des membres fut porté
de quinze à vingt par le même Charles III, qui modifia aussi la forme
du collier. De fort simple qu'il était, il devint un enchevêtrement de
nœuds et de roses accompagné de la fameuse devise FERT, jusqu'ici
inexpliquée, et d'un médaillon représentant l'Annonciation; tous ces
détails, en apparence bien petits, présentent au point de vue iconogra-
phique un certain intérêt. Ce sont les statuts rédigés en 1518 par
Charles III dont M. C. donne le texte; ces statuts, dont plusieurs dis-
positions rappellent le fameux ordre de l'Etoile, fondé par Jean le Bon^
sont en français. On trouvera à la tin de l'ouvrage un acte de 1785 con-
férant le titre d'historiographe de l'ordre à Vittorio-Emanuele Cigna-
Santiet enfin les derniers statuts promulgués en 1869.
Livres nouvbaux. — Ghelti. Storia délia independenza italiana. Turin, Lœs-
cher. — Favaro, Galileo Galileidelo studio di Padova. Florence, Le Monnier.
— Magenta, I Visconti e gli Sforza nel castello di Pavia, e loro attinenze con
la certosa e la storica cittadina. Milan, Hœpli. — Motta. J. Sanseverino, feu-
datarii di Lugano e Balerna 1434-84 (extraits de la Soc. stor. per la prov. di
Gomo). — Vaccaroux. Le pertuis du Viso, étude historique d'après des docu-
ments inédits du xv* s. Turin, Casanova. — Cugnoni. Documenti Chigiani
concerncnti F. Peretti (Sisto V). Rome, tip. Forzani (extrait de l'Arch. di Roma).
— Comparetti et de Petra, La villa Ercolanese dei Pisoni, suoi monument! e
la sua biblioteca. Turin, Lœscher. — Ottolenghi, La vita e i tempi di G. Pro-
vana di Collegno, avec le Journal du siège de Navarin, 1825, pub. pour la pre-
mière fois ; ibid. — Cardon. Svolgimento storico délia costituzione inglese,
vol. 1; ibid. — Landucci. Diario fiorentino 1450-1516, continuato da un ano-
nimo fino al 1542, pub. p. J. Del Radia. Florence, Sansoni. — Calvi. Famiglie
notabili milanesi; disp. 11 (Borri, Bolognini, Landriani). Milan, Vallardi. —
Cecconi. La storia di Castelfidardo dalla prima origine del castello a lutta la
prima età del sec. xvi. Osimo, Quercetti. — Sigismando dei conti da Foli-
gno. Le storie dei suoi tempi 1475-1510, 2 vol. Florence, Barbera.
Espagne. — M. Antonio Maria Fabié a lu, dans la séance publique
annuelle de l'Adadémie royale d'Histoire, un discours sur Rodrigue de
Villandrando, comte de Ribadeo. A l'aide de documents nouveaux, il
rectifie certains points de la biographie que M. Jules Quicherat nous a
donnée de ce hardi capitaine. Il fixe la date de sa mort qui doit être
placée entre le 15 avril et le 12 juin 1448.
Danemark. — Le docteur Kristian Erslev vient d'être nommé pro-
fesseur d'histoire à l'université de Copenhague.
— Le directeur des archives royales de Copenhague, C. F. Wegener,
GHROIflQUB ET BIBLIOGRAPHIB. 247
vient de donner sa démission ; M. Â. D. Jorqensen a été nommé à sa
place.
— Notre correspondant M. Steenstrup nous annonce qu'il vient de
paraître doux nouveaux fascicules (vol. 1, p. 2; vol. II, p. 1) du livre
de M. NiELSEN sur l'histoire de Copenhague, dont il a été rendu compte
dans notre dernier numéro (vol. XXI, p. 419-21); ils prouvent d'une
manière encore plus favorable la profondeur des études de M. Nielsen
et son activité infatigable pour l'histoire de la ville.
Pologne. — M. le D' Jos. Szujski, professeur d'histoire polonaise à
l'université de Cracovie, est mort dans cette ville le 7 févr. dernier. —
Le 10 févr., est mort à Varsovie, à l'âge de 90 ans, l'historien Waclaw
Alex. Maciejowski.
— M. BoBRZYNSKi a publié, chez Friedlein à Cracovie, un vol. intitulé :
Acta expeditionum bellicarum palatinatus Calissiensis ei Pomaniensis in
Valachos et Tarcos U97-98.
Roumanie. — M. Gregor G. Tocflescu commence à Bucarest la
publication d'une Revista pentre Istorie, Archéologie zi Filologie., qui
doit paraître par fasc. trimestriels de 12 à 15 feuilles, accompagnées de
fac-similés et de planches.
Suisse. — La direction des archives fédérales vient de publier le
tome I" d'un Inventaire sommaire des documents relatifs à l histoire de
Suisse conservés dans les archives et bibliothèques de Paris (Berne, impr.
Gollin, un vol. in-8' de xii et 471 p.). Cet inventaire, dressé avec le
plus grand soin par M. lo D' Ed. Rott, est destiné à donner aux histo-
riens suisses un aperçu du champ nouveau qui s'ouvre à leurs inves-
tigations, et à faciliter la tâche des copistes actuellement occupés à réu-
nir, pour les archives fédérales, les pièces éparses de la correspondance
échangée entre les ambassadeurs de France en Suisse et leur gouver-
nement. Le tome I" embrasse les années 1444-1610.
— M. le D' J. Strickler vient de publier la 1" livraison du tome V
de son Aktensammlung zur Schweizerischcn Refonnationsgeschichte, qui
doit renfermer, avec un certain nombre de documents complémentaires
(1529-1532), la table des matières de ce grand recueil. La 2* livraison
paraîtra au commencement de l'année prochaine.
— M. A. -P. DE Seqesser vient de publier les tomes III et IV de son
ouvrage sur Louis Pfyffer et son temps (Berne, Wys, 496 et 374 p.). Ces
deux volumes ont pour sous-titre : Die Zeit der Ligue in Frankreich und
in dcr Schweiz^ 1585-1594; ils sont, comme les précédents, consacrés
aux affaires de France autant qu'à celles de la ConftHlôration suisse. —
L'Appendice du tome IV renferme, en outre, sur l'entrevue de Iteyonne
de 1565, uno dissertation fort instructive (p. 309-324) qui montre à quel
point M. Combes s'est trompé lorsqu'il a voulu tirer à toute force du
côté de la Saint-Barthélémy les documents découverts par lui dans les
archives de Simancas. L'entrevue de Bayonne n'avait point été pro-
vo(iuée par Catherine de Médicis dans une intention politique, et le
remedio dont il est parlé dans la lettre de Philippe II au cardinal Pacheco
248 CHRONIQUE ET BIBLIOGRAPHIB.
doit s'entendre soit de Tabrogation de Tédit d'Âmboise, soit de pour-
suites juridiques à exercer contre cinq ou six des chefs réformés. La
seule donnée nouvelle que les pièces publiées par M. Combes fournissent
à rhistoire c'est la promesse que Catherine aurait faite de prendre,
aussitôt après son retour, les mesures nécessaires pour remettre en
ordre les choses de la religion. Encore faut-il ajouter que cette pro-
messe assez vague n*a été, en aucune façon, réalisée par la reine.
— M. le professeur Ch. Le Fort vient de publier le mémoire sur
VEmancipation politique de Genève et les premières relations de cette ville
avec les cités suisses, qu^l avait présenté, le 8 août dernier, à la Société
générale d'histoire suisse (Genève, impr. Fick, brochure in-8* de 48 p.).
C'est une excellente page d'histoire, où l'auteur a réussi à caractériser
d'une façon plus nette qu'on ne l'avait fait jusqu'à présent les phases
de la lutte soutenue par les citoyens de Genève, avec l'aide de Fribourg
et de Berne, contre les prétentions et les empiétements du duc de Savoie.
— La librairie H. Georg a mis en vente la 2* édition de l'ouvrage de
M. Du Bois Melly : Les mœurs genevoises de 1700 à 1760, d'après tous les
documents officiels (organisation politique, religieuse et judiciaire ; com-
merce et industrie; vie privée; divertissements et fêtes publiques ;
impôts; écoles et institutions de bienfaisance, etc.).
Lxv&BS NOUVEAUX. — J. Àmiet, Der Mûnzforscher Andréas Morellias von
Bern. Berne, Haller. — BemouilU, Basel im Kriege mit Oesterrich 1445-49.
Baie, Desloff. — Meyer-Kraus. Wappenbuch der Stadt Basel; ibid. — MoUa,
Documenli e regesti svizzeri del 1478, tratti dagli archivi railanesi. Baie, Georg.
Mexique. — De très importantes découvertes archéologiques ont été
faites près de Mitla, village mexicain situé à 20 ou 30 milles d'Oajaca
dans le plateau de Mixtecopan ; on y a trouvé des restes considérables
de palais et de tombeaux anciens, et l'on dit qu'ils sont exceptionnelle-
ment remarquables, en ce que le toit y est soutenu par des colonnes,
système de construction propre au district de Mexico, où ils ont été
trouvés. Ces ruines ont été étudiées par M. Emil Herbruqer et photo-
graphiées, mais il n'a pu obtenir l'autorisation d'entreprendre des fouilles
dans l'endroit. L'explorateur et les Indiens de sa suite se sont pendant
quelque temps servis des tombeaux comme de chambres à coucher ;
plus tard, les Indiens refusèrent d'y dormir, sous prétexte qu'ils étaient
hantés. L'explorateur prépare sur ce sujet un grand ouvrage illustré de
nombreux dessins d'après des photographies.
Erratum du dernier numéro.
P. 404. Titre de l'art,, au lieu de : Greeks writers, lire : Greek writers.
P. 419. Titre de l'art, y au lieu de : Aavene, lire : A arène.
P. 420, 1. 20. Au lieu de : kos godt Folk, lire : hos.
P. 486, 1. 6. Au lieu de : et le Faucigny, lire : et la partie da Genevois.
L'un des propriétafyeS'-gérantSf G. Monod.
Nogent-le-Rotrou, imprimerie DÀursLEY-GouvsRNBUR.
ETUDE
SUR
LIMMUNITÉ MÉROVINGIENNE
I.
Il y a deux raisons pour étudier de près Timmunité méro-
vingienne. L'une est qu'elle jette un grand jour sur les institu-
tions et les habitudes de Tépoque; l'autre est qu'elle annonce et
prépare le régime féodal des époques suivantes.
Quelques mots d'abord sur nos documents. Aucun écrivain du
temps, pas même Grégoire de Tours, ne parle de l'immunité. A
peine le mot apparait-il quelquefois, sans aucune explication qui
nous éclaire. Elle est mentionnée dans les actes du concile d'Or-
léans de 511 S dans un édit de l'un des rois qui ont porté le nom
de Clotaire*, dans une lettre de l'évêque Rauracius qui est de la
première moitié du vu* siècle^. Ce serait assez pour attester que
la concession d'immunité est ancienne; ce n'est pas assez pour
nous apprendre en quoi consistait l'immunité. Mais nous possé-
dons les actes eux-mêmes, c'est-à-dire les diplômes qui ont été
écrits par l'ordre des rois francs et signés de leur main. Ces
diplômes, en même temps qu'ils confèrent l'immunité, la défi-
1. Concilium Aarelianense, c. 5 (Mansi, YIII, p. 352; Labbe, IV, 1405) :
agronim Tel clericoruin immunitate concessa.
2. Chlotarii constitution c. 1 1 (Pertz, Leges^ I> P- 3 ; Boretius, Capitularia, p. 18) :
Ecclesiae Tel clericiâ... qui immunitatem meruerant. Sirmond a attriboé cet
édit à Clotaire I*', à cause du mot germani qui se trouve dans ce même article.
Waitz et Boretius préfèrent l'attribuer à Clotaire II, et il est Traisemblable
qu'ils ont raison. Seulement, la raison qu'ils donnent, à savoir que le grand-
père de Clotaire I*' étant païen n'a pu donner d'immunités à des églises, est
une de ces raisons à priori qui ont peu de valeur historique. Childéric, sans
être chrétien, a bien pu traiter avec des évéques.
3. Epistola Rauracii, Nivernensis episc. ad Desiderium (dom Bouquet, IV,
44) : Sicut et immunitas noslra ex hoc conlinet. ^ Vita S. Balthildis, 9, dans
les Acia SS, ord. S, Benedicti, II, 780 : eis emanitates concessit.
Rev. HisTon. XXII. 2« fasc. 17
250 FCSTEL DE COULÀRGES.
nissent en termes très nets et en énumèrent minutieusement les
effets * .
Ces documents nous paraissent devoir être rangés en deux
catégories, suivant qu'ils précèdent ou suivent Tavènement de
Dagobert I^.
En premier lieu, nous avons un diplôme qui est attribué à
Clovis et qui paraît daté de 497*. On y lit que le roi franc
fait donation d'une terre à Jean , fondateur du monastère de
Réomé^, et la suite de l'acte montre qu'une pleine immunité est
accordée à lui et à ses successeurs sur cette terre. Si l'authenticité
de cet acte était certaine, nous pourrions saisir dès le temps de
Clovis tous les caractères de l'immunité mérovingienne; mais le
texte du diplôme porte des marques trop visibles d'interpolations
d'une époque postérieure^. Il n'est probablement qu'une copie
altérée et allongée d'un ancien diplôme'^. Clovis a accordé l'im-
munité, mais non pas sous cette forme. Nous inclinons même à
croire que deux actes s'y trouvent réunis, l'un qui est une charte
de mainbour, l'autre qui est une charte d'immunité, et que ces
1. Nous nous sommes servi de l'édition de Pardessus, Diplomata, chartae,
epistolae, legeSy 1843-1849, édition qui reste encore la meilleure après la publi-
cation des Diplomata par K. Pertz, dans les Monumenta Germaniae, 1872. —
Pour les diplômes qui sont aux Archives nationales, le texte en est dans Tardif,
Monuments historiques, cartons des rois. — Sur plusieurs de ces diplômes il
faut lire Th. Sickel, Beitratge zur Diplomatik, dans les comptes-rendus des
séances de l'académie de Vienne, juillet 1864, p. 175 et suiv.
2. Diplomata, n* 58, t. 1, p. 30.
3. Reomaus, dans le pagus Tornodorcnsis (Cf. Grégoire de Tours, De gloria
confessorum, 87). Ce pagus ne faisait pas partie, comme on l'a dit, du royaume
des Burgondes ; d'après VHistoria epitomata, c. 19, il était du territoire de
Clovis dès 493. Ainsi tombe l'une des objections qu'on a faites contre la sincé-
rité de ce diplôme.
4. Par exemple, il est inadmissible que Clovis ait compté les àbhates parmi
les dignitaires de son temps et les ait mis à côté des évêques ; cf. concile d'Or-
léans de 511, can. 7 et 19. — Clovis n'a pas pu écrire propter meritum ianti
patroni peculiarem patronum nostrum^ dominum Jokannem, Jean n'étant
pas encore un saint au moment où la concession de terre lui était faite. —
Le petit monastère de Jean ne possédait pas encore les vicos et les villas
dont il est parlé dans Tacte. — Les expressions ptimo sutjugationis Gallorum
anno sont tout à fait inusitées et elles s'expliquent d'autant moins que Clovis
savait parfaitement qu'il n'avait pas conquis la Gaule d'un seul coup ni à
une date précise. — Voyez Junghans, Childéricet Chlodovech, trad. G. Monod,
p. 145.
5. C'est l'opinion de Bréquigny et de Pardessus; je la crois plus juste et
plus sage que celle de Junghans qui rejette absolument ce diplôme comme
n'ayant aucune valeur.
KTUDË sra L'iMMUXITé MÉROVINGIEXXE. 254
deux actes ont été réunis et mal fondus ensemble par un succes-
seur assez éloigné du premier concessionnaire. Nous ne regar-
dons pas ce diplôme comme une pièce absolument fausse^ mais
comme une pièce très remaniée et en tout cas très postérieure à
la date qui y est inscrite. Nous nous en servirons, mais comme
s'il était un acte du vii« siècle, et nous y chercherons ce qu'était
l'immunité, non pas au temps de Clovis, mais deux siècles après
lui.
Nous ne parlons pas du diplôme que Clovis aurait donné
au monastère de Saint-Pierre-le-Vif de Sens * ; il est univer-
sellement regardé comme apocryphe. Une lettre du même roi,
dont l'authenticité est généralement admise, nous montre Clovis
donnant un domaine à Euspice et à Maximin, et assurant en
même temps à ce domaine une exemption perpétuelle des impôts*.
Ce n'est pas encore là l'immunité complète, telle que nous la
verrons tout à l'heure; mais ce qui est assez curieux, c'est que
nous possédons en même temps deux diplômes relatifs à la même
concession et attribués au même prince^, qui sont plus longs
que la lettre originale, et où les privilèges de l'immunité sont
bien plus étendus. Le monastère n'est plus seulement exempté
des impôts ; il est affranchi de toute autorité civile et ecclésias-
tique. Ne pouvons-nous pas croire que ces diplômes sont des
copies postérieures dans lesquelles les successeurs des premiers
concessionnaires ont inséré ce qu'ils ont pu? La concession se
serait ainsi développée de copie en copie.
Des fils et des petits-fils de Clovis nous possédons quatre
diplômes qui touchent à notre sujet : deux de Childebert P' et un
de Chilpéric en faveur du monastère d'Anisola, et un de Clo-
taire I*^ qui confirme celui que Clovis avait accordé au monas-
tère de Réomé. Ces actes passent généralement pour authentiques,
sauf quelques points de forme. Mais nous devons faire observer
1. Diplamata, édit. Pardessos, n* 04; édit. Pertz, Spurki, n* 2. Il contient,
à la tin, la formule de pleine immunité.
2. Diplomata^ édit. Pardessus, n* 87 : Absque tributo, naulo et exactione. —
II faut observer que cet acte se distingue de tous ceux qui concernent l'immu-
nité, en ce qu'il est sous forme de lettre adressée aux concussionnaires. Il faut
ajouter que le mot immunitas ne s'y trouve pas. Enfin, les deux concession-
naires sont placés sous la tuitio d'un év^ue, ce qui est C4)ntraire à toutes les
chartes d'immunité que nous connaissons. Cette lettre ne peut donc pas être
prise comme type.
3. Diplomata, édit. Pardessus, n" 88 et 89.
252 FDSTBL DE COCLANGËS.
qu'ils sont plutôt des diplômes de mainbour que des diplômes
d'immunité, bien que la clause essentielle de l'immunité s'y trouve
comprise. Nous pourrons nous en servir; mais ils ne suffiraient
pas à nous éclairer. Ainsi, depuis Clovis jusqu'à la fin du
vf siècle, les documents sont peu nombreux, peu précis et peu
sûrs. Ils laissent bien voir que l'immunité existait déjà, mais ils
ne permettent pas d'affirmer qu'elle allât plus loin que l'exemp-
tion des impôts.
Cette dernière remarque est confirmée par la lecture de Flodoard ;
ce chroniqueur écrivait au x* siècle ; mais il avait dans les mains
des diplômes qui remontaient beaucoup plus haut. Or, quand il
parle de l'immunité accordée par Clovis à l'église de Reims, il
est visible qu'il n'y voit qu'une exemption des impôts * . Il en est
de même quand il parle du diplôme accordé à la même église par
Childebert II*, et ce n'est que plus tard, en parlant d'un évêque
du vu^ siècle, qu'il décrit une inmiunité plus étendue.
Dès le vii« siècle, en effet, les diplômes abondent, et l'immu-
nité s'y présente dans son développement complet et avec tous les
caractères qu'elle conservera pendant six siècles.
Un grand nombre de ces diplômes sont attribués à Dago-
bert P' ; nous citerons seulement celui de 627 en faveur de l'église
de Worms^, celui de 632 pour l'église de Trèves^ celui de 635
pour les matricularii de l'abbaye de Saint-Denis^, celui de 635
en faveur du monastère de Rebais, dans le diocèse de Meaux^,
1. Flodoard, HisL eccles. remensis, II, n : A tempore domni Remigii et Clo-
do?ei régis, ab omni functiooum publicanim jogo liberrima exsUtit.
2. Id., ibid., Il, 2 : Praesul Egidius apud regiain • majestatem immanitatis
praeceptum ecclesiae suae obtinuil ut ab omni fiscali functione vel mutilatione
haberetur immunis.
3. Diplomata, n* 242. L'autbenticité en est contestée, sans preuTes tout à fait
conraincantes, du moins eu ce qui concerne le fond. — M. Pertz le range parmi
les Spuria. On sait que Pardessus a inséré dans son recueil, et à leur date, les
diplômes contestés, et même les diplômes reconnus faux ; et il a eu raison. Un
acte altéré, interpolé, remanié peut être fort utile à l'bistorien. On peut tirer
quelques lumières même d*un acte entièrement contrefait, surtout si l'on peut
ilistinguer à quelle date il a été fabriqué, et à la condition qu'on applique les
renseignements qui s*y trouvent, non à la date qui y est inscrite, mais à la date
où l'acte a été fait.
4. Diplomaiaf n* 258.
5. Dipiomata^ n* 268. La signification d'immunité ressort de l'emploi des
mots aUsque introitu judécum que nous expliquerons plus loin.
C. Dipiomata, n* 270. Comparez à ce diplùme, qui accorde l'immunité cinle.
éruDC SUR L'nmumTis MéROvnrGiENXE. 253
celui que le même prince a donné à l'abbaye de Saint-Denis
entre 631 et 637*.
Nous trouvons ensuite deux diplômes deClovis II, l'un pour le
monastère de Saint-Maur, l'autre pour le monastère de Saint-
Denis*; deux diplômes de Clotaire III en faveur de l'abbaye de
Corbie^; quatre de Childéric II pour les monastères de Sénones,
de Montier-en-Der, de Saint-Grégoire en Alsace, et pour l'église
de Spire^ ; cinq de Thierri III pour les monastères d'Anisola, de
Saint-Denis, de Saint-Bertin, d'Ebersmunter en Alsace, de Mon-
tier-en-Der^ ; deux de Clovis III pour Anisola et pour Saint-
Bertin ^ ; deux de Childebert III dont le texte original se trouve
aux Archives nationales, l'un en faveur du monastère de Saint-
Maur', l'autre en faveur deceluideTussonval*; quatre du même
prince en faveur de Saint-Serge d'Angers, des églises de Vienne
et du Mans^, et d'un couvent de femmes à Argenteuil *® ; deux de
Dagobert III en faveur du monastère d'Anisola et de l'église du
deux bulles de Jean IV et de Martin 1** qui accordent l'immunité ecclésias-
tique au même monastère (Diplomata, n** 302 et 311).
1. Nous avons trois textes de ce diplôme : deux dans un cartulaire de Saint-
Denis, qui est du XIV* siècle (Bibliothèque nationale, lat., 5415), et un troi-
sième aux Archives nationales, K, 1, 7. Celui-ci est semblable au premier
texte du cartulaire ; le second texte du cartulaire est sensiblement diflTërent des
deux autres. D'ailleurs, celui qu'on a aux archives n'est pas l'original, il n'est
qu'une copie du ix* siècle. Pardessus, Pertz et Sickcl sont d'accord pour penser
que le diplôme, dans quelque texte qu'on le lise, est faux. Il faut entendre
qu'il est faux dans la forme où il nous est parvenu, c'est-à-dire qu'il est tout
au plus une copie altérée d'un diplôme vrai. On a dit que Clovis II était
l'auteur de la première immunité accordée à Saint-Denis ; mais cela ne ressort
pas des documents. — On trouvera le premier texte du cartulaire dans les
Diplamaia de Pardessus, n* 282 ; le deuxième texte au n* 281, et le texte des
archives dans les Monuments historiques de Tardif, p. 7-8.
2. Diplomata, n- 291 et 322.
3. Diplotnata, n** 336 et 337.
4. Diptomata, n- 341, 367, 368, et Additamenta, t. II, p. 424.
5. Diplomata, n- 372, 397, 400, 402, 403.
6. Diplomata, n" 417 et 428.
7. Archives nationales, K, 3, 12*. Il a été publié par Bordier, dans la BibliO"
thèque de C École des chartes, 1849, p. 59, et par Tardif, Monwnents histo-
riqueSy cartons des rois, n* 41, p. 34. Il a été inséré dans les Diplomata de
K. Pertz, p. .64.
8. Archives nationales, K, 3, 10; Diplomata, éd. Pardessus, n* 436. Ce diplôme
confirme un diplôme antérieur de Thierri III.
9. Diplomata, n** 444, 445, 463.
10. Diplomata, n* 441. Ce diplôme présente une forme particulière, et l'immu*
nité y est, on le comprend, moins étendue que dans les autres. L'appendice de
254 FOSTEL OB C0DU3IGES.
Mans *; un de Chilpéric II en faveur de l'abbaye de Saint-Denis,
dont l'original se trouve aux archives* ; un autre du même prince
en faveur du monastère de Saint-Bertin ^ ; quatre de Thierri IV
pour Saint-Bertin, pour Anisola, pour le couvent de Maurmuns-
ter, près de Saverne, et pour celui de Murbach^ ; un de Childè-
ric III pour Saint-Bertin 5, et enfin un de Pépin, agissant encore
comme maire du palais, en faveur de l'église de Mâcon ^.
Tous ces diplômes ne sont pas d'une authenticité également
certaine. Pour un très petit nombre seulement nous possédons les
originaux ; pour quelques autres, des copies du ix° ou du x* siècle.
Le plus grand nombre s'est trouvé dans des cartulaires d'époque
postérieure où ils ont pu être altérés par les copistes. Mais quand
même nous ne posséderions que les deux diplômes originaux de
Childebert III et celui de Chilpéric II qui sont aux archives
nationales, ce serait assez de ces trois documents irréfutables
pour nous faire connaître l'immunité mérovingienne. Or, les
autres diplômes ressemblent fort à ces trois-là et contiennent pres-
que toujours les mêmes clauses. On peut contester certaines dates
et certaines signatures; on peut soupçonner çà et là quelques
lignes ; mais tous ces diplômes forment un ensemble dont la valeur
historique n'est pas contestable^.
L'énumération que nous venons de faire donne lieu à une autre
remarque. Ce grand nombre de diplômes d'immunité qui ont
échappé à la destruction permet de juger de la multitude de con-
cessions de cette nature qui ont été obtenues des rois mérovin-
giens. Tous les rois semblent en avoir accordé. L'immunité ne
date pas de la décadence des Mérovingiens ; elle est à peu près
Marculfe, n» 44 (Rozièrc, n* 23; Zeamer, p. 200-201), présente aussi une immu-
nité accordée à un couvent de femmes.
1. Diplomata, n" 482, 486.
2. Arciiives nationales, K, 3, 17; Tardif, Monuments hisforiques, p. 38-30;
Diplomatùy n* 495.
3. Eitrait du cartulaire rédigé par le moine Folquin au x* siècle. Guérard,
Cartulaire de Saint-Bertin, p. 27. Diplomata, n*> 507.
4. Diplomata, n" 515, 522, 531, 542.
5. Diplomata, n* 570.
6. Diplomata, n* 5C8.
7. Flodoard a eu sous les yeux d'anciens dipl<>mes d'immunité : Quorum
adhuc regalium monumenta praeceptionum in archivo eccleiiae conservantur.
Il ne les a pas insérés dans son histoire : mais il en a résumé le contenu {Hist.
eccl. remensiSy II, ii); or, son résumé concorde pleinement avec les diplômes
que nous avons.
éTUDE SUR l'immcnit)^ mi(rovingienne. 255
aussi ancienne que la monarchie franque. Elle n'a pas été arra-
chée à la faiblesse de quelques princes ; c'est de Dagobert P',
c'est-à-dire du plus puissant et du plus absolu des rois, que
nous avons le plus grand nombre de diplômes. En un mot,
la concession d'immunité n'est pas un acte exceptionnel et anor-
mal ; c'est un acte très ordinaire et très régulier dans l'adminis-
tration mérovingienne.
Il y a lieu de penser qu'il en existait des formules officielles et
des modèles constants, comme pour tous les autres actes, dans les
bureaux du palais, scrinia palatii. Nous le reconnaissons à
l'unité de style de presque tous ces diplômes. Qu'ils soient écrits
en Austrasie ou en Neustrie, c'est toujours le même langage, la
même phraséologie soignée et arrêtée, c'est surtout le même fond.
Nous n'avons pas ce formulaire de la chancellerie royale. Mais
le moine Marculfe a composé, au vu* siècle, un recueil des for-
mules qui étaient employées soit au tribunal du palais, soit dans les
tribunaux des comtes, in palatio aut in pago. Parmi les pre-
mières, il en insère six qui sont des formules d'immunité *. Ces for-
mules, que Marculfe a copiées sur un grand nombre d'actes, ont
la même valeur que les diplômes eux-mêmes dont elles sont
l'image, et elles se trouvent en effet conformes, dans tous leurs
traits essentiels, aux diplômes royaux que nous citions tout à
l'heure.
Tels sont nos documents. Insuffisants pour le vi* siècle, ils
sont pour le vu* très nombreux. Ds sont, dans leur ensemble,
authentiques et presque officiels. Toutefois, nous devons faire
observer que tous ces documents sont d'une seule nature et d'une
seule sorte. Or, l'historien n'est vraiment maître d'un sujet que
lorsqu'il possède sur ce sujet des documents de nature diverse. Il
lui faut des sources divergentes et parfois opposées. Cela est sur-
tout vrai pour celui qui étudie les institutions ; il a besoin de docu-
1. Marculfe, I, 3 (édit. de Rozière, tS59, n* 16; édit. Zeamcr, dans les Monu-
menta Gtrmaniae, in-4% 1882, p. 43); cette fonnule porte pour titre Emuni-
tas regia. — Marculfe, I, 4 (Rozière, 20; Zeumer, p. 44), Confirmatio de cmu-
nitate. — Marculfe, I, 14 (Rozière, n* 147; Zeumer, p. 52). — Marculfe, I, 17
(Rozière, n* 152 ; Zeumer, p. 54), Confinnatio ad seculares viros. — La formule 1,
16, contient aussi mention d'immunité. La formule I, 2, concerne à la fois l'im-
munité vis-à-vis de l'évéque et l'immunité vis-à-vis des pouvoirs civils. — Enfin
TAppendix ad Marculfum, 44 (Rozière, n* 23; Zeumer, p. 200), renferme aussi
une concession d'immunité ; mais elle est probablement d'âge caroUngien ; cf.
formules de Lindeobrog, n*> 8.
256 FUSTEL DE COULAKGBS.
ments qui le renseignent sur l'état légal, et d'autres documents
qui lui laissent voir l'état réel , avec toutes les diversités et les
nuances de l'application. Voyez quelles idées fausses quelques-
uns se font de la société firanque quand ils la jugent d'après les
seuls textes législatifs. Si l'on veut connaître les différentes faces
d'une même société, d'une même institution, il faut faire sortir la
lumière des documents les plus contradictoires. C'est pourquoi
nous voudrions posséder, à côté des diplômes et des formules qui
nous présentent les formes légales de l'immunité, quelques phrases
d'historiens ou d'annalistes, quelques lettres, quelques anecdotes
qui nous fissent voir ce qu'elle était dans la pratique. C'est l'ab-
sence de textes de cette nature qui fait la difficulté du sujet et la
limite de notre étude *.
II.
Avant d'entrer dans l'étude directe de l'immunité, il est
utile de jeter un coup d'œil sur le gouvernement des rois Francs
et leur administration. On y verra au milieu de quelles circons-
tances l'immunité s'est produite, et l'on y discernera peut-être les
causes qui l'ont engendrée.
Le gouvernement des successeurs de Clovis était la monarchie
absolue. La royauté était héréditaire et se partageait entre les fils
comme un domaine. Les nombreux écrits qui dépeignent la vie
du temps ne nous montrent jamais rien qui ressemble à des
assemblées nationales. Nous y voyons souvent des guerriers
réunis, mais nous n'y voyons jamais un peuple qui délibère. La
royauté franque était sans limites légales.
Le roi réunissait dans ses mains tous les pouvoirs. Il était le
juge suprême de tous les hommes du royaume, sans distinction
1. Parmi les traTaux modernes nous citerons : Pardessus, Loi salique,
p. 588 et suiv. — Lehueron, Institutions carolingiennes, p. 245-252. — Rotti,
Geschichte des Beneficialwesens, 1850, p. 118-119. — Zœpfl, Deutsche Rechts-
geschichte, 1872, t. II, p. 223-228. — Zœpfl, AlterthUmery 1860, t. I, p. 39-54.
— Waitz, Deutsche Verfassungsgeschichte, t. Il, p. 634-645 de la seconde édi-
tion. — Th. Sickel, Beitrxge zur Diplomatik, III, dans les Sitzungsberichte
de l'académie de Vienne, 18C4, juillet, pages 175 et suiv. — Tout récemment,
M. Prost a publié dans la Revue historique du droit français et étranger une
étude sur l'immunité, étude sérieuse, mais où beaucoup d'affîrmatioVis nous
paraissent inexactes. Il s'est d'ailleurs peu occupé de la période méro?in-
gienne qui fait l'objet spécial de notre traTail.
ETUDE SUR L'iMMUXIli MBROVIlfGIEIfXE. 257
de races. Entouré de hauts fonctionnaires du palais, il vidait les
procès et punissait les crimes*. Il condamnait à la prison, à la
confiscation des biens, à la mort*. On le voit même assez souvent
frapper de mort un accusé, gaulois ou franc, sans aucune forme de
jugement, et aucune protestation n'indique qu'on crût qu'il outre-
passait son droit ^. Soit que, comme Chilpéric, « il multipliât les
condamnations afin de s'enrichir par la confiscation des biens
des condamnés, » soit que, comme Dagobert, « il jugeât avec tant
d'équité qu'il frappait les grands de terreur et remplissait les
pauvres de joie ^ » dans l'un et l'autre cas il était le grand juge
du royaume.
Il percevait des impôts et en fixait lui-même le chiffre*, sans
que nous voyions jamais qu'un peuple fût consulté sur cette
matière. Il commandait l'armée et ordonnait à son gré les levées
militaires. Tous les sujets, sans distinction de races, prenaient les
armes sur son ordre et se portaient où il voulait^. Il faisait à
son gré la guerre ou la paix, obligé sans doute de plaire h ses
guerriers et surtout de satisfaire leur cupidité, mais n'ayant
jamais à consulter une nation ou une assemblée sur la guerre à
entreprendre ou le traité à conclure.
1. Voyez les nombreux arrêts rendus par le roi, ou en son nom, dans les
Diplomata, n- 331, 332, 334, 349, 394, 429, 431, 434, 440, 473, etc. — Marculfe,
1, 25 : Cui Dominus regendi coram commitUt, cunctorum jurgia diligent! exa-
minatione rimari oportet. Ergo cum nos in palalio nostro ad universorum cau-
sas audiendas cum pluribus optimalibus nostris, rcferendariis, domesticis,
senisc^lcis, cubiculariis et comité palatii resideremus... — Cf. Grégoire de
Tours, H. Fr., VII, 23; Vita S. Rigomeri, dans dom Bouquet, III, 427; Vita
S. Proijecti, dans les Acta SS. Ord. S. Benedicti, II, 644.
2. Vita S. Eligiif I, 31 : Omnia humana corpora quae régis severitate perima-
bantur. — Vita S. Radegundis, c. 8 : Si quis pro culpa criminali, ut assolet, a
rege deputabatur interfici.
3. Grégoire de Tours, H. F)r., VIIl, 11 : Rex jussit Boanlum gladio percuti. —
Id., VIll, 36 : Magnoyaldus, causis occultis, ex jussu régis interficitur. — Id.,
IV, 13; V, 5; V, 17; V, 48; VIII, 44; IX, 8; IX, 9-10; X, 27. - Frédégairc,
Chronique, 43 : Chlotarius pacem sectatus multos inique agentes gladio Iruci-
davit. Id., 44, 52, 54.
4. Grégoire de Tours, VI, 46. Frédégaire, Chronique, 57.
5. Grégoire de Tours, V, 29 : Chilpericus rex descriptiones noras et graves in
umui regno suo fieri jussit. — Id., VII, 15 : Multos de Francis publico tributo
subegit. ^ Id., IV, 2; V, 35; IX, 30; X, 7. Dans ce résumé nécessairement
très court, nous laissons de côtelés questions controversées; elles feront l'ob-
jet d'autres études.
C. Grégoire de Tours, V, 27; VI, 31 ; VII, 24; VIII, 18; VIII, 30; IX, 12;
IX, 18; IX, 31 ; X, 3. — Frédégairc, Chronique, 38, 74, 78, 87. — Lex Ripua-
rioruro, LXV.
258 FIJSTEL DE COULilVGES.
Telle fut la royauté méroyingienne jusqu'à la an. Même sous
les rois que depuis on a appelés, à tort ou à raison , les rois fainéants,
la royauté ne fut pas moins absolue. Il y eut plus de désordres,
plus d'ambitions autour du trône, plus de révoltes ; il n'y eut pas
plus de liberté. On fît et l'on défit des rois dans des guerres
civiles; nul ne paraît avoir songé à fonder des institutions libres
ou à amoindrir légalement la royauté.
Pour se faire obéir dans les provinces, cette royauté avait à sa
disposition tout un corps administratif qu'elle tenait de l'empire
romain. Loin de le supprimer, elle le développa. Elle augmenta
le nombre des agents du pouvoir. Elle eut ses duces et ses
comités y à peu près comme l'empire; elle eut de plus des vica-
rii, des tribuni, des centenarii^. Cela fit un réseau qui cou-
vrit tout le royaume et qui rendit la royauté présente dans les
moindres cantons. Les ducs et les comtes étaient nommés par le
roi, et pouvaient être révoqués par lui *. Les vicaires, tribuns et
1 . Ce n'est pas ici le lieu d'entrer dans le détail de l'administration mérovin-
gienne. Snrles vicarii^ lesprincipanx textes sont: Grégoire de Tours, Hisi.y VIII,
23 ; X, 5; Marculfe, 1, 6 (Rozière, n*> 477); addUtam. ad Marc, Zeumer, p. 111
(Rozière, n* 10) ; formules de Rozière, n" 460 bis, 499, 502 bis, 886, on Mer-
kelianae dans Zeumer, pages 252-259 ; Bignonianx, 13, dans Zeumer, p. 232,
dans Rozière, n* 502 ; Appendix ad MarctUfum, 3, dans Zeumer, p. 212, dans
Rozière, n* 472 ; Diplomata, éd. Pardessus, n** 340 et 532. — Sur le tribunus^
terme vague qui répondait peut-être à des attributions assez diverses, voir
Grégoire de Tours, Hist., VII, 23 ; X, 21 ; Miracula Martini, 1, 40 ; De glo-
ria confessorum, 41. Vita Columbani, 34, 35, 36,* dans les Acta SS. ord. s.
Benedictiy II, 20; Vita GermatU a Fortunato, 62, 68; Vita Radegundis, 38;
Fortunati carmina, VII, 16 ; Viia Dalmatii, dans Bouquet, III, 420 ; Vita
Gallif dans Pertz, Script., II, p. 12 et la note ; Diplomata, n*> 230, pages 208
et 214, n" 543, page 355. — Sur les centenarii, voir : Childeberti decretiOf 9;
CfdotarH decretio, 16; Lex salica, 44 et 46, éd. Behrend, p. 57 et 60; Vita
Eligii, II, 60; Vita Salvii, dans Bouquet, III, 647; Lex Aldmannorum, 36;
Diplomata, t. II, p. 432 et 475. — M. Sohm, Reichs und Gerichts Verfas-
sung, p. 215-219, 237, a essayé d'établir l'identité entre le vicarius, le tribunus,
le centenarius ; mais ses raisonnements nous semblent peu sûrs et il ne s'ap-
puie pas sur des textes ; il y a même des textes qui sont formellement opposés
à sa théorie.
2. Pour la nomination des ducs et comtes par le roi, voyez : Grégoire de
Tours, HUt., IV, 40 ; IV, 42 ; V, 49 ; VIII, 18 ; Vita Desiderii cat. cp., I ;
Vita Licinii, dans Bouquet, III, 486 ; et surtout la formule de Marculfe, I, 8,
Rozière, n* 7. — Pour leur révocation, voyez des exemples dans Grégoire de
Tours, Hist., IV, 24 ; IV, 44 ; V, 14 ; V, 48 ; VIII, 18 ; IX, 7 ; IX, 14. — Nous
ne parlons pas ici des nUtsi a latere, missi regales, missi discurrentes, parce
qu'il ne sera pas question d'eux, sauf une exception, dans nos diplômes d'im-
munité.
KTLDE SDR L'iMMUXITÉ MBROVnTGIENIVE. 259
centeniers paraissent avoir été nommés par les comtes, dont ils
étaient les délégués*. Les ducs et les comtes recevaient directe-
ment les ordres du roi ; les vicaires et centeniers recevaient les
ordres du comte *. Tous représentaient l'autorité royale vis-à-vis
des populations.
Le terme général, dont on désignait les membres de cette vaste
hiérarchie administrative, était celui de judices. Ce terme venait
de Tempire romain où il avait désigné les gouverneurs des pro-
vinces. Il resta usité dans toute la période mérovingienne. Quand
nous rencontrons le moi judex dans les lois ou dans les textes
historiques, il ne faut pas croire qu'il s'agisse simplement d'un
magistrat de l'ordre judiciaire, moins encore d'un homme privé
qui serait investi temporairement du droit déjuger. Le judex est
un duc, un comte, un vicarius ou un centenier, c'est-à-dire un
agent de l'administration ^. Les textes l'appellent souvent judex
i. L'opinion contraire a été soutenue, surtout en ce qui concerne le ce^ite-
natius ou iunginus, par Waitz, Deutsche Verfcusungsgeschichte, t. Il, p. 36
de la 2* édition ; Schulte, Hist. du droit et des inst. de V Allemagne, trad.
Foumier, p. 115; Tbonissen, l'Organisation Judiciaire de la loi salique, pages
56-60 de la 2* édition. Je ne puis pas partager cette opinion. Sur le sens des
mots electi cenienarii du décret de Clotaire, Toyez l'explication ingénieuse et
que je crois vraie de M. Sohm, Reichs und Gerichts Verf., p. 188-189 et 241.
— Il n'y a aucun texte qui présente le centenier comme c un élu du peuple, »
comme a un chef populaire. » On le voit, au contraire, figurer sur la liste des
fonctionnaires et agents royaux : Ille rex... ducibus, comitibus, domesUcis,
vicariis, centenariis, vel (et) omnibus agentibus nostris {Appendix ad Marcul'
fum, 45, Rozière, n' 31, Zeumer, p. 301) ; Ille rex... ducibus, comitibus, viga-
riis, centenariis vel omnibus agentibus (Rozière, n* 10, Zeumer, p. 111); Ille
rex... magnificis viris ducibus, comitibus, vigariis, centenariis seu vassos nos-
tros Tel omnes missos nostros discurrentis {App. ad Marc,, 35, Rozière, n* 23,
Zeumer, cartx senonicXy p. 200). On compte le centenier parmi les ministe-
riales régis (1*' capitulaire de 802, c. 40) ou encore parmi les ministri comi-
tum (concile de Châlon de 813, c. 21). Je crois que les centeniers sont com-
pris dans les qiu>scunque per regtonem sitd commissam {comités) instituuntf
dont il est parlé dans la prxceptio Guntramni, édit. Boretius, p. 12. Ils sont
compris aussi, à notre avis, parmi les juniores comitum dont il sera question
très souvent dans nos diplômes.
2. Voir sur ce point une curieuse formule d'ordre adressé par le comte au
vicariuSf dans le recueil de Rozière, n* 886, ou dans Zeumer, p. 259.
3. Le plus souvent, dans la langue du vi* et du yii* siècle, le terme judex
s'applique spécialement au comte. Judex hoc est comes aut grafio (Capit. ad^
dita legisalicXy dans Pcrtz, Leges, t. II, p. 3, Behrend, p. 91, Merkel, p. 36).
Judicem liscalem quem comitcm vocant (Lex Ripuaria, 53). In cujuslibet judi-
cis pago (Decreiio Chiideberti, 4). Dans l'édit de Contran {CapUularia, éd.
Boretius, p. 12), le mot judices désigne visiblement les comtes, puisqu'il est
260 F0STBL DE COULANGES.
publions, ce qui ne signifie pas autre chose que juge royal ou
agent royal * . Les rois disent indifféremment judices publici
OMJudices nostri*. Les mêmes hommes sont désignés par les
mots agentes nostri, nos agents, les agents du roi ^, de même
que les évêques ont leurs agents ou intendants, agentes episco-
porum, de même que les riches propriétaires ont leurs agents qui
administrent leurs domaines, agentes potentum^. Ces termes,
appliqués aux ducs, comtes et centeniers mérovingiens, corres-
dit qu'Us ont une regio sibi commUsa et qu'ils nomment des vicarii. Dans
Grégoire de Tours, HisL, YI, 8, le même personnage est appelé judex et
cornes ; ailleurs, IV, 47, le comte d'Auvergne est appelé judex; le comte de
Poitiers, Macco, est qualifié tantôt eomeSf tantôt judex (X, 15) ; de même, dans
les Vita Patrum, VIII, 9. Le judex loci dont le même écrivain parle (IV, 18
et V, 50) est le comte de Tours dans un cas, le comte de Bourges dans l'autre.
Le judex civitatU dans la Vita s, Lupi CabUlonensiSj c. 7, est le comte de
Chàlon. Voyez d'autres exemples dans Fortunatus, Carm., X, 22. VitaAlbini,
16 ; Vita Fidoliy 18 ; Vita Walarid, 8 ; Vita DesiderU Viennensis, 6. Quel-
quefois aussi le terme judex a un sens plus général et s'applique à tous les
agents de l'administration ; cenlenarium aut quemlibet judicem {Decreiio ChU"
debertiy 9); in prœceptionibus quas rex ad judices pro suis utilitatibus dirige-
bat (Grégoire de Tours, HUt., VI, 46).
1. Dans la langue mérovingienne, le mot publicus se dit de tout ce qui
appartient au roi. Villa publica est un domaine royal. Persona publica, dans
redit de Clotaire II, art. 5, est un homme ou une femme appartenant au roi.
Publica functio est l'impôt qui est payé au roi (Grégoire de Tours, Hist., V,
27). Sacellum publicum est le trésor royal {Diplomatay n" 433). ServiUum
publicum signifie le service du roi (Grégoire de Tours, Hist.^ III, 15). De même
l'expression judices publici, qui revient très fréquemment chez les écrivains et
dans les diplômes, signifie les agents et ofliciers du roi. Elle est synonyme de
judex fiscalis que l'on rencontre dans la Lex Ripuaria et qui désigne visible-
ment le comte. Elle s'oppose tantôt à judices privatif tantôt à judices eccle^
siastici qui sont les agents des grands propriétaires ou des évêques.
2. Voyez un diplôme de 683, n» 402, où les mots a judicibus nostris tiennent
la place qu'occupent dans les diplômes semblables les mots a judicibus publicis,
3. Clericis nullam requirant agentes publici functionem (Constitutio Chio-
tarii, cil; Boretius, Capitularia, p. 19). — Chlotarius rex omnibus agentibus
tam praesentibus quam futuris {Diplomata, n» 337; cf. n" 258, 264, 270, 279,
281, 285, etc.). — Chilpericus mittit nuntios comitibus ducibusque et reliquis
agentibus (Grégoire de Tours, H, Fr., VI, 19). — 111e Rex omnibus agentibus
(Marcuife, I, 11). — Judices vel agentes nostri (Diplomata, n» 319). — De
même le mot actio désigne une fonction administrative : Marculfe, I, 8 ; Gré-
goire de Tours, VIII, 12 ; Concile de Paris de 614, c. 15 ; pour dire destituer
un comte on disait removere ab actione (Grégoire, V, 48) ; lui continuer sa
fonction se disait renovare actionem (Id., IV, 42).
4. Edictum Chlotarii, c. 20 : Agentes episcoporum aut potentum; dans
l'art. 15 du même édit (Boretius, p. 22), les agentes ecclesiarum seu potentum
sont opposés aux agentes publici qui sont visiblement les fonctionnaires du roi.
lilUDE SUR L'niMUNITé MBBOYINGIBNNE. 264
pondent exactement à Texpression d'officiers du roi qu'employait
le xvn^ siècle. Dans notre langue actuelle le mot qui s'approche
le plus pour le sens du terme judices de la langue mérovin-
gienne, est celui de fonctionnaires.
Ces hommes étaient chargés d'administrer les cités et les
cantons, au nom du roi et pour son service. Ce qu'on enten-
dait alors par administration, ce n'était pas le soin de veiller
sur les intérêts moraux ou matériels des populations, d'entretenir
des routes ou des écoles. L'administration, judiciaria potestas *,
comprenait la police, la justice*, la perception des impôts', la
levée et le commandement des soldats*. Tout cela était réuni
dans les mains du même fonctionnaire. Dans la circonscription
que le roi lui confiait, il était à la fois l'administrateur, le juge,
le receveur des impôts et le chef militaire. Dans chacune de ces
attributions, il agissait à sa guise et comme maître, n'ayant de
comptes à rendre qu'au roi. Les documents ne montrent jamais
qu'il existât à côté de lui aucun pouvoir légal pour restreindre
son autorité ou contrôler ses actes. Nous apercevons bien que
dans la pratique il avait besoin de ménager les grands proprié-
taires du canton et surtout les évoques; mais nous n'apercevons
jamais qu'il y eût rien à côté de lui qui ressemblât à une assem-
blée provinciale ou cantonale. Contre ses actes arbitraires, la
population n'avait qu'une ressource, le recours au roi; mais on
conçoit que cette ressource ne fut permise qu'aux plus grands et
aux plus riches; d'autant plus qu'une foule d'exemples nous
donnent à penser que pour obtenir d'être jugé par le roi, il fallait
avant toute chose lui offrir des présents '*. Le duc, le comte, le
centenier pouvait donc être un petit tyran local. Il pouvait oppri-
mer comme juge, opprimer comme receveur des impôts, opprimer
conune chef militaire®. L'omnipotence du comte était d'autant
1. Dans la langue mérovingienne, les moi% jwUckaria poteUas s'appliquent à
toute fonction publique conférée par le roi : Ducibus, comitibus, seu quacum-
que judiciaria potestate praeditis {Diplomata, n** 306 et paaim),
^. Grégoire de Tours, H. Fr., V, 49; VI, 8; VIII, 18.
3. Marculfe, I, 8 (Rozière, n» 7). Gr^oire de Tours, H. Fr., VII, 23; X, 7;
X, 21 ; De gloria confess., 41. — Diplôme de Chilpéric II aux Archives natio-
nales, K 3, 18, Tardif, n* 47 : Ubicumque teioneus, portaticus, vel rellquae
redibuliones a judicibus publicis exigitur.
4. Grégoire de Tours, VI, 19; VII, 29; X, 3.
5. Grégoire de Tours, H. Fr., IV, 47; VIII, 43; X, 21. Vita S. Rigomeri,
dans dom Bouquet, III, 427.
G. Il pouvait surtout abuser de l'amende appelée hériban. Voyez quelques
262 FUSTEL DE COULINGES.
plus grande que tous les foDctionnaires inférieurs étaient choisis
par lui et par conséquent à sa dévotion. C'est ce qui ressort bien
de cette prescription du roi Gontran qui défend aux comtes « de
choisir pour vicaires ou de déléguer dans les diverses parties du
comté des hommes qui, par vénalité, soient de connivence avec
les malfaiteurs * . »
Quant aux comtes eux-mêmes, leur cupidité était pour ainsi
dire excusable. Ils avaient acheté, le plus souvent, leur fonction
au roi^. Comme d'ailleurs ils ne recevaient aucun traitement, et
qu'ils n'avaient, pour s'enrichir et pour entretenir leur nom-
breuse suite, qu'une part des amendes judiciaires et des produits
fiscaux, ils avaient intérêt à ce que la justice fût très sévère, les
impôts très lourds, le service militaire très rigoureux. Tous les
abus de pouvoir étaient pour eux des profits.
On peut voir dans Grégoire de Tours une série de traits qui
montrent l'avidité et la violence de presque tous ces personnages,
à qui les évêques seuls osaient tenir tête ^. Nous avons une lettre
d'un évêque qui redoute pour ses terres et pour ses esclaves « les
déprédations des fonctionnaires ^ » Ce que les rois eux-mêmes
pensaient d'eux, nous pouvons le lire dans leurs ordonnances.
Clotaire P' parle du comte « qui condamne injustement^. »
Gontran croit nécessaire de prescrire à ses comtes « de ne rendre
que de justes jugements, » et il craint que leurs vicaires « ne
prêtent la main aux criminels et ne s'enrichissent de dépouilles
injustes^. » Un autre roi menace de la peine de mort les fonction-
exemples dans Grégoire de Tours, H, Fr,, V, 27 ; VII, 42. Cf. Lex Ripuaria, 65 ;
Diplomata, t. If, p. 233.
1. Gunlcbramni praeceptio, dans Boretius, Capitul.y p. 12. Pertz, Leges^ I, 3.
Cf. Gapitulaire de 884 : cornes praecipiat suo Ticecomiti suisquc centenariis.
Concile de Chalon de 813, c. 21 : Comités... ministros quos vicarios et ccnte-
narios vocant, justos habere debent. — Sur la subordination du vicarius au
comte, voy. Rozière, n» 886; Zeumer, p. 259.
2. Grégoire de Tours, H. Fr,, IV, 42; VIII, 18.
3. Grégoire de Tours, H. Fr., III, 16; IV, 40; V, 48, VIII, 43, etc.
4. Epistola Rauracii episcopi ad Desiderium (Bouquet, IV, 44) : Ut de judi-
cum infestatione liceat eis vivere cum quiète.
5. Constitutio Chlotarii, 6 : Si judex aliquem contra legem injuste damnave-
rit, in nostri absentia ab episcopis castigetur (édit. Boretius, p. 19}.
6. Guntramni edictum (Boretius, Capitul., p. 12) : GuncU judices jusla
studeant dare judicia ; non vicarios aut quoscumque de laterc suo per regionem
sibi commissam instituere praesumant qui malis operibus consentiendo venali-
tatem exerceant, aut iniqua quibuscumque spolia inferre praesumant.
éTUDE SUR L'omUNITé MlfROYnGIEXXE. 263
naires qui, par cupidité, relâcheraient les coupables ^ Dans
leurs diplômes, on voit sans cesse les rois défendre à leurs agents
de dérober*, d'usurper la terre d'autrui^, de susciter d'injustes
procès^ D'après ce que les rois pensaient de leurs propres offi-
ciers, nous pouvons juger ce qu'en pensaient les peuples.
En résumé, puissance absolue et illimitée du roi dans le
royaume, du fonctionnaire dans sa circonscription, nulle borne
légale ni pour l'un ni pour l'autre, nul droit assuré aux popula-
tions contre leurs gouvernants à tout degré, le fonctionnaire
apparaissant aux hommes, non comme un protecteur, mais
comme un spoliateur qui ne peut s'enrichir qu'à leurs dépens,
voilà les faits qui précèdent et entourent l'immunité, qui peut-
être l'engendrent. C'est de ce milieu qu'elle surgit. Nous recon-
naîtrons, en effet, dans la suite de cette étude, que ce privilège
personnel ne pouvait naître que dans un régime où les libertés
publiques faisaient défaut.
m.
Le plus sûr moyen de nous faire une idée exacte de l'immu-
nité est d'analyser l'un des documents qui la définissent de la
façon la plus complète. Prenons la formule qui, dans le recueil
de Marculfe, porte le n® 3. On peut la regarder comme le type le
plus usité de ce genre de concession au vu® siècle.
En voici d'abord le préambule : « Nous croyons donner à
notre autorité royale toute sa grandeur, si nous accordons, d'une
intention bienveillante, aux églises — ou à toute personne — les
bienfaits qui leur conviennent, et si, avec l'aide de Dieu, nous
en faisons un écrit qui assure la durée de nos faveurs. Nous fai-
sons donc savoir à votre zèle que, sur la demande de l'homme
apostolique, seigneur un tel, évêque de telle église, nous lui
avons accordé, en vue de notre récompense éternelle, la faveur
suivante ^. » Ce préambule n'est pas sans importance, et il faut
l'étudier presque mot par mot.
1. Decretio Childeberti, art. 7 (édit. Boretias, p. 17).
2. Ut nulli judicuro licentia sit aliquid defraudare (Diplomata, n* 270).
3. Diplomata, n- 111, 341, 372, 531.
4. Nullam calumniam generare praesumatis [ibidenit n* 441).
5. Marculfe, 1, 3 (Rozière, n* 16 ; Zeumer, p. 43) : Maximum regiii nostri augere
crcdimus mouimcntum, si bénéficia opportuna toica ecclesiarum, aut cui Tolueris
264 FUSTBL DE GOULANGES.
« Nous croyons. » C'est manifestemeût le roi qui parle. Tous
nos diplômes, en effet, commencent par le nom du roi et par ses
deux titres officiels, Rex Francorum, vir illtister. Il est digne
de remarque que tous les diplômes d'immunité émanent du roi
directement, et du roi seul. Jamais l'immunité n'est accordée par
un duc ni par un comte. Elle est exclusivement un acte royal. Il
n'est jamais dit non plus qu'elle soit concédée sur l'initiative ou
le conseil d'un de ces hauts fonctionnaires. Le consentement des
grands de la cour, qui semble nécessaire pour d'autres actes,
n'est jamais mentionné dans ceux-ci ^ Le roi est le seul auteur
de la concession.
Nous remarquons, en second lieu, que cette concession se
produit toujours sous la forme d'un acte officiel. Elle ne se feiit
pas verbalement ou par simple lettre. L'acte est une véritable
ordonnance royale. On l'appelle une auctoritas ou uxiprœcep^
tum^. Ne supposons pas que cet acte soit rédigé par l'évêque
intéressé, apporté tout fait par lui, présenté par lui à la signa-
ture royale. Il est rédigé dans les bureaux du palais, et présenté
au roi par le référendaire, qui y appose son nom comme pour en
conserver la responsabilité 3. Puis il est signé du roi et scellé de
l'anneau royal comme tout autre décrets
dicere, beniTola deliberatione concedimus ac, Domino protegente, stabiliter
perdurare conscribimus. Igitur noverit soUertia vestra nos ad petitionem apos-
tolico yiro domino illo, illius urbis episcopo, talem pro aeternam retributionem
beneficium visi fuimus concessisse ut...
1. Quelques actes portent plusieurs signatures d'éTéques on de comtes; mais
ces actes ne sont pas parmi les plus authentiques.
2. Praesens auctoritas (Marculfe, I, 3). — Haec auctoritas (Marculfe, I, 4).
— Ut haec auctoritas firmiorem habeat vigorem (Diplôme de 528, n** 111). —
Per propriam nostram auctoritatem (Dipl. de 637, n* 281). — Huic nostrae
auctoritatis decreto (Dipl. de 661, n* 341). —Hac auctoritate concedimus (Dipl.
de 683, n» 402). — Per praesentem praeceptum (Dipl. de 546, n» 144). — Prae-
ccptum decreti nostri (Dipl. de 635, n* 270). — Per hoc praeceptum decerni-
mus (Dipl. de 682, n* 400). — Per hune praeceptum jubemus (Dipl. de 710,
n* 495). — Per praesente praeceptione decernimus urdenandum (Dipl. de Chil-
debert 111, aux Archives nationales, Tardif, Monum. historiques, n* 41).
3. Nordebertus obtulit (Dipl. de Childebert III pour Tussonval) ; Sygobaldus
jussus obtulit (Dipl. de Childebert III pour Saint-Maur); Actulius jussus optulit
(Dipl. de Chilpéric II pour Saint-Denis); Chrodebertus recognovit (Dipl. de
Chilpéric II pour le même monastère). Archives nationales, K 3, 10; K3, 12';
K 3, 17; K 3, 18.
4. Marculfe, I, 3 : Et ut praesens auctoritas tam praesentis quam futuris
temporibus inviolata permaneat, manus nostrae subscriplionibus infra roborare
decrevimus. Cette phrase se retrouve dans presque tous les diplômes.
irvDE SUR l'immunité mérovingienne. 265
« Si nous accordons, d'une intention bienveillante, des bien-
faits aux églises. » Cette phrase de la formule n'est pas un pur
ornement, une élégance de chancellerie. Elle a, à notre avis, une
grande importance. Elle signifie que la concession est absolument
bénévole de la part du roi. On peut voir, en effet, dans tous les
diplômes, que l'immunité n'est jamais présentée comme un droit
des églises. Elle est toujours une faveur, beneficiwnK Elle
émane de la seule bonté du roi, ex nostra mdulgentia, ex
noslra munificentia^ , Les rédacteurs des actes multiplient a
dessein les expressions qui marquent l'initiative propre du roi et
sa volonté d'accorder un bienfait 3. Souvent le roi donne comme
motif de ce bienfait sa piété ou le soin de son salut ^ Il écrit, par
exemple : € Pensant au salut de notre àme et à la récompense
éternelle, nous avons décidé^. » Ces phrases sont là, à notre
avis, pour signifier que le roi agit de son plein gré, sans pres-
sion ni obligation d'aucune sorte, surtout sans aucun motif
d'ordre temporel. L'immunité n'est toujours, d'après la formule
acceptée de tous, qu'une faveur.
Aussi lisons-nous, deux lignes plus loin, dans la formule de
Marculfe : « A la demande de tel évêque, nous avons accordé. )►
Il faut bien que ce mot « demande > ait eu une grande impor-
tance, car nous le trouvons dans tous les diplômes*. Nous saisis-
1. Ce terme beneficiumy qui est dans la fonnule de Marculfe, se retrouve
dans presque tous les diplômes d'immunité : Taie nos praestitisse beneticium
(Diplôme de 660, n* 337) ; taie beneficium concessimus ut (Diplôme de 682,
no 400); ipsa bénéficia conccssa (Diplôme de 718, n* 507). Quand le mot hene-
/icium ne se trouve pas, il y a un synonyme; les termes indulsimus, indultum
reviennent sans cesse.
2. Diplômes de 635, n- 270; de 661, n* 341, etc.
3. Gratanti animo nos praestitisse (Diplôme de 516, n* 144); libenti aoimo
(Dipl. de 528, n* 111); nos promptissima voluntate concessisse (Dipl. de 637,
n* 281); plena et intégra voluntate visi fuimus concessisse (Dipl. de 673, n*368).
4. Marculfe, I, 3, in fine : Quod nos propter nomen Domini et animae nostrae
remedium indulsimus.
5. Diplôme de G27, n* 242 : De remedio animae nostrae et de futura retribu-
lione cogitantes. — Diplôme de 632, n* 258 : Pro divini cultus amore et ani-
mae nostrae remedio. — Diplôme de 705, n» 463 : Pro coclesti amore vel pro
aetema retributione.
6. CujuH |>etilloncra (Diplôme de 528, n* 111). — Si petitionibus sacerdotum
(Dipl. de 539, n* 136; Dipl. de 673, n- 368: Dipl. de 683, n» 402; Dipl. de 692,
n* 428: Dipl. de 696, n* 430; Dipl. de 724, n*531). — Sacerdotum rcctis petitio-
nibus annuentes (Dipl. de 632, n* 258). — Inter cacteras petitiones (Dipl. de
037, n- 281 ; Dipl. de 635, n* 270; Dipl. de 061, n- 341 : Dipl. de 716, n* 495).
— IIujus viri sancti petitione suscepta (Dipl. de 601, n* 341).
Rev. Histor. XXU. "!• fasc. 18
266 FUSTEL DE COULANGES.
sons encore ici l'un des caractères de la concession d'immunité :
il faut qu'elle ait été réellement et expressément demandée par le
concessionnaire, et le diplôme ne manque pas de constater que
cette condition a été remplie ^ Ainsi Childebert P^ écrit que
Cariléphus, premier abbé de Saint-Calais, lui a adressé une
demande, postulavit^. Dagobert écrit que Tévêque Modoald lui
a adressé une prière, deprecatus fuit, ou que l'abbé Aigulfe a
supplié sa bonté royale, clementiam regni nostri suppli-
caviP. Au siècle suivant, Chilpéric II se sert encore des mêmes
expressions^. Quelquefois on ajoute que la demande a été faite
« humblement 5. »
La règle ordinaire était que la demande fût adressée par le
pétitionnaire en personne ; ainsi l'évêque ou l'abbé devait se pré-
senter lui-même devant le roi®. Pourtant, il n'est pas sans
exemple que l'évêque ou l'abbé transmît sa demande par des
envoyés^. Cette obligation de se présenter en solliciteur devant
le roi, ou tout au moins de lui envoyer une supplique, me paraît
digne d'attention. Menus détails, dira-t-on peut-être, et pures
formes; mais c'est l'ensemble de ces détails et de ces formes qui
nous donnera l'explication de l'immunité.
« Si nous accordons des bienfaits aux églises — ou à toute
1. Magnoaldus abba peliit celsitudinem nostram ut (Diplôme de 696, n**436).
— Quod poposcitis, quia digna est petitio et postulatio vestra (Dipl. de 697,
n" 444). — Nosprecibus tanti viri aurem accommodantes (Dipl. de 673, n* 367).
2. Diplôme de 528, n- lll.
3. Diplôme de 632, n« 258 : Praesul Modoaldus deprecatus fuit sublimita-
tem nostram ut — Diplôme de 637, n* 281 : Aigulfus abba clementiam regni
nostri supplicavit. — Diplôme de 674, n« 372 : Siviardus abba supplex clemen-
tiae regni nostri expetiit ut
4. Diplôme de 716, n° 495 : Chillardus abbas de basilica peculiaris patroni
nostri Dionysii clementiae regni nostri supplicavit.
5. Amandus episcopus bumiliter petiit (Diplôme de 637, n" 280). — Humili-
ter deprecatus est (Diplôme de 638, n* 291).
6. Diplôme de 638, n" 291 : Blidegisilum nostrae sublimitatis praesentiam
advenisse. — Diplôme de 691, n» 417 : Venerabilis vir Bertinus abba... ad
nostram accessit praesentiam. — Diplôme de 705^ n* 463 : Venerabilis vir Théo-
debertus abba ad nostram accessit praesentiam et clementiae regni nostri sug-
gessit ut — Diplôme de 7Z1, n« 515 : Venerabilis vir Erkembodus abba ad
nostram accedens praesentiam. — Diplôme de 743, n° 599 : Episcopus Dubanus
ad nos venit.
7. Diplôme de 546, n* 144 : Daumerus abba, missa petitione, clementiae
regni nostri suggessit. — Diplôme de 562, n" 168 : Gallus abba, missa peti-
tione. — Diplôme de 692, n* 428 : Ibbolenus abba per missos clementiae regni
nostri detulit in Dotitiam.
^TCDB SUR l'immunitiî mebotingieniie. 267
personne, aut cui volueris dicere. » Ces derniers mots forment
dans le texte de Marculfe une parenthèse. Comme il écrit une
formule qui doit pouvoir s'appliquer à plusieurs sortes de conces-
sionnaires, il avertit son lecteur ou le praticien pour lequel il
écrit que le mot églises devra être remplacé par un autre terme,
si ce n'est pas une église qui est concessionnaire. Cette paren-
thèse de Marculfe est significative; elle marque que la concession
pouvait être faite à des personnes de toute sorte, cui volueris.
Il est vrai que tous les diplômes d'immunité qui nous sont par-
venus des Mérovingiens s'appliquent à des évêchés ou à des
monastères. Il n'en faut pas conclure que la concession n'ait
jamais été faite à des laïques. L'église savait garder ses chartes
et les faisait renouveler à chaque génération; les grandes
familles laïques gardaient moins bien les leurs, et d'ailleurs ces
familles se sont éteintes. Ce qui prouve que l'immunité pouvait
être accordée à d'autres qu'à des clercs, c'est que nous trouvons
dans le recueil de Marculfe la formule de l'immunité accordée à
un laïque ^ L'acte est rédigé avec moins de détails que lorsqu'il
s'agit d'une église ; mais les traits essentiels et caractéristiques
de l'immunité s'y rencontrent. Nous avons aussi la formule de
renouvellement d'immunité en faveur des laïques, ad seculares
viroSy et nous pouvons remarquer qu'elle est exactement sur le
même type que les formules de renouvellement qui concernent
l'église*. La différence la plus notable est que le roi donne pour
motif de son bienfait, non plus sa piété et le salut de son âme,
mais la fidélité du concessionnaire ^.
Quelques autres documents confirment ces deux formules. Dans
la Vie de saint Eloi, écrite par un contemporain qui était fort au
courant des usages de la cour mérovingienne, nous voyons que
1. Marculfe, I, 14 (Rozière, n* 147; Zeumer, p. 52). Dans celte formule il
s'agit d'une donation de terre avec immunité. L'immunité est bien marquée
par ces mots : in intégra emunitate, absque tUlius introitu judicum de quas-
libet cauias freda exigendum.
2. Marculfe, I, 17 (Rozière, n* 152). La phrase si peîitionilms fidelium rem-
place la phrase ordinaire si peiitionibus sacerdotum. La requête du conces-
sionnaire est mentionnée dans les mêmes termes : Illustris Tir ille clementiae
regni nostri suggessit... petiit ut. La faveur toute bénérole du roi est marquée
dans les mêmes formes : Cujus petitionem gratanti animo nos praestitissa
cognoscile. L*acte s'appelle aussi une auctoriitis.
3. Pro fidei suae respectu (ibidem). Une autre différence est que l'immunité
ne s'étend pas, comme pour les églises, à tous les domaines qui seront acquis
à l'avenir.
268 FUSTEL DE COULANGES.
rimmuDité fut accordée à un domaine de ce personnage, alors
qu'il était encore laïque ^ Dans un acte de donation fait par
Harégarius et sa femme Truda, nous lisons que le domaine de
ces deux laïques jouissait d'une pleine et entière immunité*. Plus
tard, au ix® siècle, nous verrons des diplômes d'immunité qui
sont accordés, non plus seulement à de grands seigneurs pro-
priétaires, mais à des marchands et même à des Juifs. On doit
donc admettre que l'immunité n'était pas réservée aux églises et
aux abbayes. Elle pouvait être accordée à toute classe de
personne.
« Nous faisons savoir à votre zèle, noverit solertia vestra. »
Ces mots de la formule de Marculfe sont ceux dont les rois se
servaient quand ils s'adressaient à leurs fonctionnaires. Nous
retrouvons les mêmes termes ou des termes analogues dans tous
les diplômes. Dans la langue de ce temps, on disait au roi :
Vestra Sublimitas, Vestra Gloria, aux évêques, Vestra
Sanctitas, aux fonctionnaires du premier rang, Vestra Magni-
tudOy aux fonctionnaires du second ordre, Vestra Industria,
Vestra Solertia y Vestra Vtilitas. Ces trois mots de la formule
de Marculfe nous indiquent donc que la lettre royale est adressée
à des fonctionnaires publics. Cela est d'ailleurs conjBj:*mé par les
mots non prœsumatis qui se trouvent plus loin. Il en est ainsi
de tous nos diplômes. La plupart ont encore la phrase initiale
que Marculfe a omise : « Un tel, roi des Francs, aux ducs,
comtes, vicaires, centeniers, et à tous nos agents 3. » Dans les
1. Vita S. Ëligii ab Audoeoo, 1, 15. — De même nous remarquons dans le
diplôme 292 que Blidégisile est simple diacre et que c'est comme particulier
qu'il reçoit, avec une terre, le privilège d'immunité.
2. Diplomata, n"* 108 : Gharta Haregarii et Trudae conjugis... nuUas functio-
nes, vel exactiones, neque exsquisita et lauda convivia, neque gratiosa vel
insidiosa munuscula, neque caballorum pastus atque paravereda vel angaria
aut in quodcunque funcUonis titulum judiciaria potestate dici potest... sub
intégra emunitate sicut a nobis hucusque possessa est. — Il y a dans Marculfe
une formule de donation de magna re, c'est-à-dire d'un grand domaine, à un
monastère ou à une église, et nous y lisons que le donateur, lequel est cer-
tainement un laïque, cède sa terre, remota officialium publicorum omnium
potestate, sub intégra immunitate, sicut a me possessa est (Marculfe, 11, 1 ;
Rozière, n" 571, p. 720; Zeumer, p. 72). Cette formule donne à penser que
l'immunité accordée à la terre d'un laïque n'était pas rare.
3. Clilotarius rex Francorum vir illustris omnibus episcopis et illustribus
viris ducibus, comitibus, domesticis, vicariis, grafionibus, centenariis Tel (et)
omnibus junioribus nostris (Diplôme de 539, n* 136).— Dagobertus... ducibus,
comitibus, domesticis, et omnibus agentibus (Diplôme de 632, n* 258). — llil-
KTUDE SUR l'immunité MÉROVINGIEISNE. 2<>t)
diplômes où cette phrase a été omise par les copistes ou a dis-
paru, on rencontre dans le texte les mots cognoscat magni-
tudo seu utilitas vestra qui indiquent clairement que le roi
s'adresse à ses fonctionnaires ^ Il est digne de remarque que le
roi, quand il accorde l'immunité à un personnage, n'adresse
jamais sa lettre à ce personnage. Il parle toujours, comme dans
toute ordonnance royale, aux agents de son administration*. Il
est vrai que c'est au concessionnaire que l'exemplaire original
était remis^; il n'est pas bien sûr que des copies en fussent
envoyées aux ducs et aux comtes ; je doute même qu'on en con-
servât copie dans les archives du roi^ Il n'en est pas moins vrai
que la concession d'immunité avait toujours la forme, non d'une
lettre adressée au privilégié, mais d'un ordre prescrit aux fonc-
tionnaires royaux; et nous verrons aussi que c'étaient eux que
l'acte visait.
Nous avons encore à faire une remarque sur cette phrase de
la formule de Marculfe : « A la demande de l'homme apostolique,
dericus vins illastribus ducibus seu comitibus (Dipl. de 6C5, t. II, p. 424). —
Quelquefois le roi emploie la formule plus courte omnibus agentilms (DIpl. de
t)60, n- 337; de 692, n* 428; de 705, n- 463; de 712, n" 482). — Parfois laclc
myal est adressé à un seul duc ou comte; c'est que les domaines sur lesf|uels
on accorde l'immunité sont situés dans un seul duché ou comté (Dipl. de 635,
n* 208; do 638, n* 291) ; autrement le roi s'adresse à tous les fonctionnaires du
royaume, au moins à tous ceux dans le ressort desquels l'immuniste possède
des biens, in quorum actionilnu habet (Dipl. de 721, n* 515; de 743, n* 570).
— Souvent le diplAme est adressé aux évéques en même temps qu'aux comten;
dauA re cas, il s'agit ordinairement de monastères, lesquels avaient à se pré»
munir autant contre les évéques que contre les officiers du roi.
1. Cognoscat magnitudo seu utilitas veslra {Diplomata, n*' 281, 337, 368, 402,
163, 495, etc.). — Cognoscat industria vestra (n* 268). — Cognoscat strenuitas
vestra (n* 336). — Cognoscat magnitudo seu industria vestra (n* 337). — Voyez
encnie les n** U4, 400, 441, 463. — Deux ou trois fois, ces mots mêmes ont
disparu, mais on trouve alors le mot cognoscite, qui ne peut se rapporter qu'aux
agents du roi.
2. Je ne vois d'exception à cette règle que la lettre de Clovis à EutfMce et à
Maximin (Diplomatay n* 87). Il y a aussi une lettre de Childebert III adressée
a l'abbé Ephibius; mais cette pièce, fort différente de tous nos diplômes, etX
jugée très suspecte par Pardessus. Sauf ces deux cas, t^mte concession d'im-
munité est adressée aux fonctionnaires royaux.
3. Ideo bas litteras nostra manu firmatas domino Johanni dedimus (Diplôme
de i97, n* 58). — Litteras meas mea manu firmatas eidem dedimus (Dipl. de
743, n- 499)
i. Si les rois avaient ganlé la copie on la minute, il n'aurait pas été néces-
saire que les concessionnaires représentassent l'original à chaque changement
de règne, ainsi que nous le voyons dans les diplômes de confirmation.
270 FUSTEL DE COULANGES.
seigneur un tel, éveque de telle église, nous avons accordé la
faveur suivante. » On reconnaît bien ici que la concession est
donnée nommément à Tévêque. Elle s'applique, il est vrai, à
toutes les terres et domaines appartenant à son église. Mais ce
n'est pas la terre d'église qui obtient l'immunité, c'est l'évêque.
Si ces terres deviennent privilégiées, ce n'est pas parce qu'elles
sont des biens ecclésiastiques, mais seulement parce que l'évêque,
qui en est le propriétaire légal, a adressé une prière et a sollicité
une faveur. Ce trait ne doit pas être négligé. Nous le rencon-
trons dans tous nos diplômes sans exception. Dans toute conces-
sion d'immunité, nous trouvons un nom propre, nom d'évêque
ou d'abbé, et c'est toujours sur ce nom que porte la concession.
Il n'y a jamais d'immunité collective. L'immunité n'est jamais
accordée à l'ensemble des biens ecclésiastiques ^, ni même à plu-
sieurs églises par le même diplôme, ni à plusieurs monastères à
la fois, ni à une classe d'hommes, ni à une race, ni à une région.
Elle est toujours accordée à une personne, et il faut toujours que
cette personne soit nommée dans l'acte.
L'immunité avait ainsi le caractère d'une faveur tout indivi-
duelle. Était-elle viagère ou perpétuelle, c'est ce qu'il est assez
difficile d'établir. D'une part, les diplômes sont remplis d'expres-
sions qui impliquent la perpétuité. « Nous voulons que notre
bienfait profite à toujours à cette église*. » < Nous voulons que
notre décret dure à perpétuité, dans toute la suite des rois qui
nous succéderont^. » Presque toujours on ajoute au nom de
l'évêque les mots « et ses successeurs. » On écrit encore que les
avantages de l'immunité s'étendront aux domaines que l'église
ou le monastère acquerra dans l'avenir ^ Que serait cette clause
si la concession ne devait pas durer toujours?
1. L'article XI de la Constitutio ChlotarU ne Tise que les églises et les clercs
qui ont obtenu l'immunité, qui immunilatem meruerunL
2. Ecclesiae proficiat in perpetuum (Marculfe^ 1, 3).
3. Quod perpetualiter mansurum esse jubemus (Marculfe, I, 14). — Hoc in
perpeluo volumus esse mansurum (jD(p^>77mto, n»* 400, 436, 441, 486, 496, etc.).—
Hoc perenniter maneat inconvulsum (Marculfe, I, 4). — Tarn nobis praesenti-
bus quam per tcmpora snccedentibus regibus {Diplomaiaf n* 341). — Tarn nos-
tris quam futuris temporibus (n" 367, 402, 403, etc.).
4. Marculfe, I, 3 : In villabns ecclesiae quas modcrno tempore habere vide-
tur Tcl quas deinceps in jure ipsius sancti loci voluerit divina pielasampliare.
— Diplôme de 673, n* 367 : Quod ad praesens in quibuslibet locis possidere
vidcntur, seu quod adhuc inantea a christianis hominibns fuerit additum vel
condonatum. — Cf. n" 258, 270, 281, 403, etc.
ÉTrOE SUR L'iMMUmié M^ROVnGIENXE. 274
Mais, d'autre part, la série des diplômes nous montre que Ton
Éaisait renouveler Tacte à chaque génération. Était-ce une obli-
gation stricte, on ne saurait le dire; c'était certainement un
usage. L'immunité accordée au premier fondateur du monastère
de Saint-Bertin a été renouvelée huit fois en l'espace d'un siècle*.
Or, les nombreux diplômes confirmatifs que nous possédons,
ainsi que les formules qu'en donne Marculfe *, montrent par leur
teneur qu'il ne s'agissait pas d'une pure formalité, que les rois
ne se croyaient pas obligés de renouveler la concession, qu'ils
exigeaient qu'on leur adressât une nouvelle demande et qu'ils
s'exprimaient comme s'ils accordaient une nouvelle faveur^. Ainsi
l'abbé Bertin eut à demander quatre fois l'immunité, parce qu'il
vécut sous quatre rois ; son successeur Erkembod l'obtint une
première fois de Chilpéric II en 718, et dut la demander, à trois
ans d'intervalle, à Thierri IV ; d'où l'on peut conclure, à ce qu'il
semble, que la concession, pour être valable, devait être renou-
velée à la mort du roi qui l'avait accordée. Une remarque en
sens contraire peut être faite sur les chartes du monastère
d'Anisola; on y voit le même roi, Childebert I®', accorder succes-
sivement deux diplômes d'immunité^; c'est qu'il y a eu deux
abbés, Cariléphus d'abord, puis Daumerus. D'où il semble natu-
i^el de conclure que le privilège avait besoin d'être renouvelé,
non seulement à la mort du roi qui l'avait signé, mais aussi à la
mort du concessionnaire qui l'avait reçu.
Ainsi, d'une part, l'acte contient des termes qui indiquent que
1 . Le premier diplôme a été donné par Clovis II ; nous ne l'avons |»lus, mais
il est cité dans un diplôme de 691 où il est dit qu'il en a été donné lecture
(voyez le Cartulaire de Saint-Bertin, p. 35). Le second diplôme est de 662 ; il est
dans les Diplomata, n* 343, ot dans Guérard, Cart. de Saint-Bertin, p. 20;
c'est proprement une autorisation d'échange de terres; mais la clause d'im-
munité s'y trouve à la lin. Puis la concession a été renouvelée par Childéric II,
dont nous n'avons plus le diplôme, par Thierri III {DiplomatOy n* 400; Cartu-
lairey p. 27): et elle l'a été successivement par Clovis III, Childebert 111, Chil-
péric II, Thierri IV et Childéric 111 {Diphmaia, n" 417, 507, 515, 580; Cartu-
taire, p. 34, 42, 47, 51).
2. Marculfe, I, 4; I, 17.
3. Voyez particulièrement les diplômes de 632, n* 258, et de 691, n* 417.
4. Diplôme de 528, n' 111 ; Diplôme de 540, n' 144. — Pardessus croit que
les deux diplômes sont authentiques; Sickel conteste le premier à cause de
quelques mots et de quelques formes qui ne lui paraissent pas être de cette
époque (Sickel, Beitrœge zur Diplomaiik, dans les comptes-rendus de l'acadé-
mie de Vienne, juillet 1864, p. 188).
272 FUSTEL DE GOILANGES.
la concession est perpétuelle; d'autre part, on demande sans
cesse le renouvellement de la concession, comme si elle était via-
gère. Cette contradiction n'étonnera pas ceux qui sont familiers
avec l'époque mérovingienne. Le roi qui accorde veut que son
bienfait dure à perpétuité; mais le roi qui le suit tient à marquer
que l'immunité ne dure que parce qu'il la renouvelle. D'après la
lettre des diplômes, l'immunité est perpétuelle ; d'après la pra-
tique, il semble bien qu'elle soit révocable. Il est vrai que nous
ne voyons pas souvent que le roi reprenne la concession faite
par ses prédécesseurs < ; mais à voir le soin des évêques et des
abbés à faire renouveler les diplômes, on reconnaît que l'idée qui
régnait dans les esprits était qu'il pouvait la reprendre. La rai-
son de cela s'aperçoit bien si l'on fait attention à la teneur des
diplômes. Nous n'y lisons pas que la concession ait été accordée
parce que les terres sont des terres d'église ; cette raison n'est
jamais donnée ; elle a été accordée uniquement parce qu'elles
appartiennent à tel évêque ou à tel abbé qui a personnellement
demandé la concession. L'immunité est par essence une faveur,
un benefidum ; elle vient après une requête, petitio, preces,
qui a été personnelle ; il semble naturel aux hommes qu'elle soit
personnelle aussi. Que la personne meure, on se demande aussi-
tôt si la faveur se continue; on doute; et dans le doute on renou-
velle la requête, et le roi renouvelle la faveur. Il n'est pas
inutile de signaler ces idées et ces pratiques ; elles sont un des
traits caractéristiques des mœurs du temps, et elles ne sont pas
sans rapport avec les idées féodales qui commencent déjà à
poindre dans les esprits.
Nous en avons fini avec le préambule de la formule de Mar-
culfe. Nous y avons déjà saisi quelques-uns des caractères de
l'immunité. 1** Elle est un acte exclusivement royal. 2® Elle doit
émaner de la libre volonté du roi, que le concessionnaire a du
préalablement solliciter. 3^ Elle se produit sous la forme d'une
onlonnance, que le roi adresse, non au concessionnaire, mais
aux fonctionnaires et agents de son administration. 4? Elle n'est
jamais accordée collectivement à un clergé, à une caste, à une
1 . Je n'en connais d'autre exemple que celui que donne Grégoire de Tours en
]>arlant de Chilpéric (Vf, 46) : ipsas patris sui praeceptiones saepe calcavit.
L'ensemble de la phrase indique qu'il s'agit de praeceptiones in ecclesias cons-
criptae, c'est-à-dire Traiseroblablement de diplômes d'immunité.
ÉTCDE SCR L'iirirrNITé MÉROyiNGIE?f:<ïE. 273
classe; elle est toujours le privilège d'une personne, soit que
cette personne représente un évêché ou un monastère, soit qu'il
ne s'agisse que d'un individu laïque. 5** Cette concession conserve
toujours la forme d'un pur bienfait, et n'est perpétuelle que par
le renouvellement qu'on en fait à chaque décès du concédant ou
du concessionnaire; l'inununité ne devient jamais un droit.
Tels sont les caractères, pour ainsi dire, extérieurs de l'immu-
nité. Nous pouvons chercher maintenant quels en étaient les
caractères intimes, en quoi elle consistait, de quels privilèges
et de quels avantages elle se composait.
IV.
Voici la suite de la formule donnée par Marculfe* : < La
faveur que nous accordons est telle que, dans les domaines de
l'église de cet évêque, tant dans ceux qu'elle possède aujourd'hui
que dans ceux que la bonté divine lui fera acquérir dans la suite,
aucun fonctionnaire public ne se permette d'entrer, soit pour
entendre les procès, soit pour exiger les freda, de quelque
source qu'ils viennent, mais que cela appartienne & l'évèque et à
ses successeurs en toute propriété. Nous ordonnons en consé-
quence que ni vous, ni vos subordonnés*, ni ceux qui viendront
après vous, ni aucune personne revêtue d'une fonction publique,
vous n'entriez jamais dans les domaines de cette église, en
1. Marculfc, I, 3 (Rozière, n* 16) : ... taie beneficiura ut in villabuft ecclesiae
doinni illius qaas inoderno tempore aut nostro aut cujuftlibet munere habere
\idotur,velqaasdeince|»s in jureipsius sancti loci Toiueritdivinapietasainpliare,
nullus judex publicus ad causas audiendo aut freda undiquc exigendum non
praesumat ingrcdere: sed boc ipse pontifex vel successores ejus, propter
noinen Domini, sub intograo emunitatis nomine valeant dominare.
2. Nous traduisons ainsi les mots yuniores vestri. Dans la langue niônmn-
^ienne, senior signifie le supérieur, junior l'inférieur. Junhres s'appliquait
particulièrement aux agents inférieurs de l'administration. Voici des exemples :
(Milotarius rex ducibus, comitibus, doraesticis, Ticariis, grafionibus, centena-
riis, vel omnibus junioribus nostris {Diplomatay n* 136). — Theodoricus rex
viris illustribus, gravionibus, seu et omnibus agentibus vel junioribus eorum
(ibidem, n* 515). — Dans le Diplùme, n* 402, les mots junioribus veUris sont
remplacés |>ar subdiiis veslris, ce qui signihe littéralement vos sulmrdonnés,
l«>s agents sous vos ordres. Nous avons vu en effet plus haut que les vicaires
et les centeniers n'étaient que les subordonnés et les agents des comtes. Juniores
était donc synonyme de subditi. — Dans Grégoire de Tours, V, V, les mots
junioribus erclesiae désignent les serviteurs d'une église, ceux qu'on ap|>elle
ailleurs homines ecclesiae. De même dans le 1*' concile de Paris, can. 4.
274 FUSTEL DE COOLANGES.
quelque endroit de notre royaume qu'ils soient situés, ni pour
entendre les procès, ni pour percevoir les amendes. Nous vous
défendons d'oser y exiger le droit de gîte et les prestations, ainsi
que d'y saisir des répondants*. »
Dans cette page où chaque mot a son importance, il y a deux
lignes qui dominent tout le reste, et dont il faut parler d'abord :
4c Nous accordons qu'aucun fonctionnaire public ne se permette
d'entrer sur ces terres... Nous vous défendons, à vous, nos
agents, de mettre le pied sur ces domaines. » C'est ici que se
trouve le trait principal et ce qui fait le fond de l'immunité.
Toutes les autres clauses peuvent être supprimées ou sous-enten-
dues, et elles le sont en effet dans beaucoup de diplômes ; mais la
clause qui interdit aux fonctionnaires l'entrée du domaine se
trouve dans tous nos actes. Il n'y a pas d'immunité sans elle.
Cette interdiction est exprimée dans les chartes sous deux
formes légèrement différentes. Tantôt le roi emploie la forme
indirecte et dit qu'aucun agent de l'ordre administratif, nullus
judeœ publicUSj neque quUïbet judiciaria potestate accinc-
tics, n'entrera sur les domaines privilégiés*. Tantôt il emploie la
forme directe, et s'adressant à ses ducs et à ses comtes, il leur
dit : « Ni vous ni vos agents, neque vos neque juniores vestri,
vous n'entrerez sur ces domaines^. » Nous trouvons la première
forme dans dix-sept de nos diplômes, la seconde dans vingt-
deux. Toutes les deux expriment la même chose avec la même
netteté et la même force : non prœsumatis ingredi ; nullus
judeœ publicus ingredi audeat ; judices publiai non habeant
introitum^.
1. Statuenles ergout neque vos neque juniores neque successores Testri nec
nulla publica judiciaria potestas quoque tempore in villas... aut ad audiendas
altercationes ingredere, aut freda de quaslibet causas cxigerc, nec mansiones
aut paratas vel fidejussores tollere non praesumatis.
2.Diplomata, n- 242, 258, 270, 291, 336, 341, 357, 436, 402, 403, 444, 487,
507, 515, 542, 570, n» 4 des Additamenia. Comparez Marcnlfe, I, 2 : Nulla
judiciaria potestas nec praesens nec succidi va ibidem non praesumat ingredere.
3. Diplomala, n" 58, 111, 144, 168, 281, 3G8, 372, 400, 402, 428, 436, 441,
463, 482, 486, 491, 495, 522, 531, 568, 599. — Les deux formes sont employées
concurremment dans la formule de Marculfe et dans plusieurs diplômes, par
exemple dans celui de Ghildebert III pour Saint-Maur-des-Fossés qui est aux
Archives nationales.
4. In illas possessiones nulla unquam judiciaria potestas praesumat ingredi
(Diplôme de 661, n" 341). — Ut nullus judex publicus vel quilibet judiciaria
potestate accinctus in villas ipsius monasterii nuUum debuissel habere introi-
KTUDE SIR l'immunité MÉROVINGIENNE. 275
Il arrive qudquefois que le rédacteur du diplôme Tabrège et
omette tous les détails que nous avons vus dans la formule de
Marculfe. Il se contente alors d'écrire que telle église, tel monas-
tère, ou tel laïque possédera ses domaines en pleine immunité,
sans que les oflSciers royaux y puissent entrer, absque introitu
judicum. Toute l'immunité est comprise dans ces trois mots*.
Quelques érudits ont pensé que les rois, en accordant l'immu-
nité, renonçaient pour eux-mêmes à touteautorité sur les domaines
de rimmuniste. Pour appuyer cette doctrine, on a dit que les
diplômes portaient, non pas neque vos neque juniores aut stio-
cessoy^es v est ri, mais neque nos neque juniores aut suo-
cessores nostri. Il est visible que ce seul changement de trois
lettres transforme le sens de la phrase et même du diplôme tout
entier. Dans un cas, l'interdiction s'adresse seulement aux agents
du roi; dans l'autre, le roi s'interdit à lui-même l'entrée des
terres privilégiées. M. Boutaric, dans un essai trop rapide sur
les origines du régime féodal, cite, en effet, une charte où se
lisent les mots nos et nostri, et il en conclut que les rois renon-
çaient à toute autorité*.
Il est regrettable que M. Boutaric ait choisi pour type de l'im-
munité la seule charte où les mots nos et nostri se rencontrent,
et sans nous avertir qu'elle soit la seule. Dans toutes les autres,
ce sont les mots ro5 et vestri que l'on trouve^. D'ailleurs, ce
tam (appendix ad Marculfum, 44). — NuUus judex publicas ibidem introi-
tu tn nec iogressum habere debcrct (Diplôme de 696, n* 436, aax Archives natio-
nales, K 3, 10). — Par un acte de 659, Clotaire III donne au monastère de
Corbie dix domaines et il ajoute : NuUus de judicibus ncc ad ipsum monaste-
rium nec in curtes suas praesumat ingredi, sed pars ipsius monasterii vel omnis
congregalio ibi consistent absque introitu judicum sub intégra iromunitate pos-
sidere valeat Tel dominare {Diplomata, n* 336).
1. Diplôme de 635, n» 268: Diplôme de 681, n* 399 : Sub emunitaUs nomine
absque inlroilu judicum. — Marculfe, I, 4; I, 14; I, 17. — Quelques diplômes
(n** 367 et 403) portent a^s^u^ interdictu judicum ; il y a apparence que inier-
dictu est |>onr introitu.
2. Boutaric, De Vorigine et de l'établissement du régime féodal^ dans la
Hetue des questions historiques, 1875, tirage à part, p. 45-50. Le diplôme qu*il
rite est celui qui fut donné par Dagobert I^ à l'abbaye de Saint-Denis, entre
r>31 et 637, dont une copie se trouve aux Archives nationales (K, 1, 7; cf.
Diplomata, n* 282).
3. Dans les deux diplômes en faveur de Réomé, tous les deux fort
suspects, on trouve les mots nos nostrique successores; mais il faut noter
que la phrase n'est pas la même que dans les autres diplômes ; il s'agit
d'une concession de terre, et le roi dit que ni lui ni ses successeurs ne
276 FCSTEL DE COILI.^GES.
diplôme de Dagobert P*" est suspect ; l'exemplaire qu'on en pos-
sède aux Archives nationales n'est qu'une copie, et cette copie
n'est pas antérieure au ix® siècle. Ajoutons que, de cette même
charte de Dagobert en faveur de l'abbaye de Saint-Denis, nous
avons deux textes légèrement différents ; Pardessus les a insérés
tous les deux dans son recueil, en nous prévenant que le premier
est suspect et le second plus suspect encore * . Or, le premier
porte neque vos neque successores vestri, et c'est seulement le
second qui porte nos et nostri. Quel fond peut-on faire sur un
document de si peu d'authenticité, quand tous les autres docu-
ments lui sont contraires ? On a aux Archives nationales quatre
diplômes d'immunité, qui ne sont pas des copies, mais qui sont,
paraît-il, les originaux eux-mêmes* ; tous les quatre portent les
mots vos et vestri, et ce sont eux aussi que nous lisons dans tous
les autres diplômes comme dans les formules de MarcuKe ^. Ce
qui est d'ailleurs décisif, c'est que la moitié des diplômes emploient
la forme indirecte, nullus judeœ puJbUcus, ce qui ne permet
aucune contestation ^
reprendront cette terre ; ce n'est pas là Timmanité. De même Clotaire I*' s'in-
terdit le droit de lever des contributions, nec nos nec pitblici jvdicet requUi-
Hones requiramus. L'immunité n'est pas là. Dans les 40 diplômes et les 4 for-
mules où (t l'entrée • est interdite, ce sont les mots vos et vestri qui se
lisent, et ils s'adressent aux ducs et aux comtes. — Il est vrai que dans un
diplôme de 660 donné par Clotaire III à l'abbaye de Corbie (n* 337), on lit nos
et nostri; mais il faut faire attention que le verbe de cette phrase est prae-
sumatis; cette seconde personne du pluriel suppose pour sujet vos et vestri;
il est donc très probable que nos et nostri sont une faute du copiste.
1. Voyez Pardessus, Diplomata, prolégomènes, p. 55. H a tiré ces deux
copies d'un manuscrit de la Bibliothèque nationale, n* 5415. — K. Pertz range
ce diplôme parmi les spuria^ et il n'est pas attaqué sur ce point par Sickel
dans la critique (pie ce savant a faite de son édition, Berlin, 1873.
2. Archives nationales, K 3, 10; K 3, 12»; K 3, 17; K 3, 18. Tardif, Cartons
des roiSy u»* 37, 41, 46, 47.
3. Comparer d'autres formules analogues, relaUves à la mainbour royale^ où
on lit : nec vos nec juniores aut successores vestri (Marculfe, I, 24 ; Rozièro,
9); nullus ex vobis (Lindenbrog, 38; Rozière, 10); neque vos (Lindenbrog, 177;
Rozière, 11); nullus ex vobis sive ex junioribus vestris (Rozière, 12); jube-
mus ut nullus vestrum (Rozière, 13); concessirous ut neque vos neque juniores
atque successores vestri (app. ad Marc, 31 ; Rozière, 38).
4. Nous avons à faire une remarque sur les mots neque successores vestri.
On s'étonne au premier abord que le roi, s'adressant à ses comtes, leur dise :
vos successeurs, et cela s'éloigne fort de nos idées. Mais il faut songer 1* que
les fonctionnaires mérovingiens étaient fréquemment déplacés ; 2* qu'ils n'étaient
pas solidaires entre eux. Un comte aurait donc pu alléguer que le diplôme ne
s'adressait pas à lui, puisqu'il n'était pas comte à la date qui y était inscrite.
ÉTUDE SUR L'lBnnJ!IITK BIÉROVÎ?ICIBN\E. 277
Cette discussion pourra paraître peu utile. Pour les hommes
de nos jours, il est assez indifférent que l'interdiction concerne le
roi, ou qu'elle concerne les agents du roi; ce serait la même
chose aujourd'hui. C'étaient deux choses fort différentes, et nous
le constaterons plus loin , pour les hommes du vu" ou du vni'' siècle.
Or, l'intelligence historique consiste à comprendre ces différences
d'idées, et l'exactitude à les signaler.
Le sens de l'immunité n'est donc pas que le roi s'interdit à lui-
même l'entrée des domaines du concessionnaire, mais qu'il l'in-
terdit à ses ducs, comtes et autres agents de son administration*.
Elle a pour effet de soustraire les domaines privilégiés, non pas
précisément à l'autorité royale, mais à l'autorité de tous les offi-
ciers royaux. C'est contre ceux-ci qu'elle est faite*. Assurer
Timmuniste contre eux est la grande préoccupation qui paraît
régner dans l'esprit des auteurs des diplômes : « nous ne voulons
pas, disent-ils, qu'aucun fonctionnaire public soit contraire à ce
que nous accordons '. » « Nous ne voulons pas qu'aucun fonc-
tionnaire fasse obstacle ou mette empêchement à notre bienfaits »
< Nous ne voulons pas que cette église ait à redouter aucune
oppression, aucun procès injuste, aucune usurpation de la part
de nos officiers^. > Cela est répété sous toutes les formes. La
Cela était surtout ?rai quand le diplôme était spécialement adressé A tel duc
ou à tel comte désigné par son nom, comme cela est dans plusieurs diplômes.
11 était donc de toute nécessité qu'un mot indiquât qu'en cas de changement,
le successeur serait lié aussi bien que l'était le titulaire actuel.
1. Flodoard résume cette clause des diplômes qu'il ayait sous les yeux, on
ces termes : ut nullus judex publicus in ipsas terras auderet ingredi {Hùti.
eccl. rem, y II, 11).
'2. Ut de judicum infestationc, sicut immunitas nostra continet, llceat eis
vivere cum quiète (Epistola Rauracii ep., dom Bouquet, IV, U).
3. Jubemus ut neque vos neque juniores seu successores vestri ex hoc c^n-
trarii non existatis (Diplôme de 673, n* 368).
4. Ut nullam refragationem, nullum impedimentum a judicibus publicis per-
timescant {Diplomata, n- 417, 486, 507, 515, 570).
5. Ut nuUi judicum licentia sit aliquid dcfraudarc (n* 270). — Nullus judi-
cum audcat... sibi usuri>are (n* 341). — Nec de rébus monasterii abstrahere
nec minuere praesumatis (n* 59f)). — Ut neque vos netfue juniores vestri...
aliquid de rébus monasterii minuere cogitetis aut in aliquo molesli esse veli-
lis (n* 111). — Nec nullam ralumniam generarc non praesumatis (n* 441). —
Jubemus ut nullus vestrùm eos de qualibet causa injuste calumniari praesu-
mat (Formules, édit. de Rozière, n* 13). — Ut neque vos neque juniores vestri
homines injuriari praesumatis (Dipl. de 72i, n* 531). — Ut neque vos... inquio-
tare et depravare nec de rébus abstrahere praesumatis (Dipl. de 748, n* 5'.I9).
278 FUSTEL DE COUUIfGBS.
méfiance du roi à l'égard de ses fonctionnaires perce dans
toutes nos chartes. Pour être plus sûr qu'ils n'opprimeront pas,
il leur interdit toute action. Pour être certain qu'ils n'agiront
pas, il leur interdit jusqu'à l'accès et l'entrée des maisons,
terres, champs et domaines du privilégié. L'immunité ne se
borne pas à donner quelque sécurité et quelque droit vis-à-vis
du fonctionnaire royal ; elle écarte et exclut le fonctionnaire * ,
V.
Après avoir signalé le point capital de la formule d'immu-
nité, nous reprenons dans le détail l'analyse de cette formule.
Nous y verrons quels étaient les pouvoirs d'un officier du roi, et
quelle était l'étendue d'une immunité qui consistait à être sous-
trait à ces pouvoirs.
« Le fonctionnaire public, est-il dit, n'entrera sur aucun des
domaines de l'immuniste pour entendre les procès. » Voilà le
point qui est marqué le premier dans les formules et dans tous
les diplômes. Les expressions employées sont très claires ; la for-
mule dit ad causas audiendas * et plus loin elle emploie comme
synonjrmes les mots ad audiendas altercationes . La première
des deux expressions était la plus usitée ; nous la trouvons dans
— ut nuUi jodicum licentia sit... iniquiter defraudare aut suis usibus usur-
pare (Marculfe, I, 2).
1. L'exclusion est quelquefois prononcée même contre les missi ex palaiio
discurrentes. Cependant, je ne trouve cette exclusion que dans trois diplômes
(n*" 144, 168, 172). Encore faut-il noter que ces trois diplômes appartiennent
au môme monastère, celui d'Anisola, et ne forment, en quelque sorte, qu'un
seul document. Je voudrais trouver d'autres textes avant d'affirmer que les
missiy les missi a latere régis, représentants directs du roi, fussent exclus,
comme les comtes et les centeniers, des domaines immunistes. — 11 n'est pas
de notre sujet de parler de l'immunité ecclésiastique par laquelle un monas-
tère était afixanchi de Tautorité de l'évèque. Les principaux documents sur ce
sujet sont : 1* Bulles des papes Jean IV et Martin 1*'; lettres de Grégoire le
Grand, VllI, 12; IX, 3; XIII, 8; 2* Lettres et chartes d'évéques dans les
Diplomata, n- 172, 201, 221, 320, 333,335, 344,345, 391, 401, 512; 3- Lettres
ou diplômes des rois, particulièrement pour le monastère de Rebais (n* 270),
et pour le monastère de Stavelot (n" 575) ; 4** Formules de Marculfe, I, 1 ; I, 2
(Rozière, n"* 574 et 575). — Le formulaire de ces immunités ecclésiastiques res-
semble en plusieurs points à celui des immunités civiles; elles consistent
essentiellement à écarter l'évèque et à lui interdire c l'entrée, • sauf certains
cas déterminés dans l'acte.
2. Marculfe, I, 3 (Rozière, n* 16); appendix ad Marc, 44.
ETCDE SIR l'immunité Ml^ROTINGIENNE. 279
25 de nos diplômes*. Deux autres emploient les mots ad judi-
candum, ad agendum^, qui sont visiblement synonymes. Il y
en a trois qui expriment la même idée par le mot condemnay^e^.
On sait par une série d'autres documents que les ducs et les
comtes, représentants du roi, ainsi que leurs subordonnés, vicaires
et centeniers, rendaient la justice aussi bien au civil qu'au cri-
minels C*est l'exercice de ce pouvoir judiciaire qui leur est inter-
dit par la charte d'immunité.
Ici se pose naturellement une question : Est-il possible que
l'immunité exempte le concessionnaire de toute juridiction et fasse
disparaître pour lui toute justice publique? Quelques érudits ont
reculé devant cette conclusion, qui choque en effet toutes les
idées modernes. Tout récemment, M. Prost a essayé de ce pas-
sage de nos diplômes une autre explication^. Suivant lui, l'ex-
pression audire causas ne signifie pas juger ; elle signifie seu-
lement écouter les débats ; elle s'applique à un comte ou à un
centenier qui « tiendrait les plaids, > et qui présiderait un tribu-
nal populaire dont il ne ferait qu'exécuter la décision. Partant
de là, M. Prost croit que la charte d'immunité interdit seulement
au comte de « tenir le plaid, > c'est-à-dire de réunir le peuple
dans l'intérieur des domaines privilégiés ; elle ne lui interdit pas
t. Diplomaia, éd. Pardessus, n- 58, 242, 258, 270, 281, 291, 336, 3U, 367,
403, 417, 428, 436, 482, 486, 487, 495, 507, 515, 522, 542, 568, 570, 599.
Joignez-y le diplôme de Childeberl III en faveur de saint Maur. — Je ne Tois
l'expression ad audiendas altercationes que dans un diplôme de 743, n* 568,
et dans la formule de Marculfe.
2. Diplôme de 697, n" 44 & ; diplôme de 705, n* 4G3. Les mots ad agendum
se trouvent aussi dans la formule de Marculfe, I, 4, et ils y occupent exacte-
ment la miMne place que les mots causas audiendas occupaient dans I, 3.
3. Non condemnare praesumatis (Diplôme de 546, n* 144; de 67i, n* 372:
de 72), n* 531). La m^me expression se trouve dans la formule de Lindenbmg,
177 (Rozière, n- 11).
4. (Grégoire de Tours, //. /Ir., VIII, 18 : Oundobaldus comitatum Meldensem
acripiens, ingressus urbem, causarum aotionem agere roepit; exindo dum
pa^uiii urbis in hoc offirio circumiret... — Id., VIII, 12 : Ad discutiendas
causas Ratharius quasi dux dirigitur. — Cf. Fortunati carminaf \\\, 5. — La
loi des Ripuaires, art. 88, énuinère tous ceux qui rendent la justice : major-
domus, domesticus, comes, grafio. — Exemjdes de jugements rendus par le
comte jugeant directement et prononçant souverainement : (îrégoire de Tours,
Hist.y IV, 44; VI, H; De gloHa conffssorumy 101 ; De gloria martyrum^ 73;
Miracula Martini, III, 53; Vitae patrum, VII, 0. Cf. Vita Walarici dans les
Acta. SS. ord. S. Benedicti, H, 81; Vita Amandi, ibidem, II, 714.
5. Aug. Prost, L'immunité, dans la Nouvelle Revue historique du Droit, mars
1882, p. 137 et sui?.
280 FDSTEL DE COULANGES.
de réunir le plaid en dehors et à côté de ces domaines et d*y
appeler l'immuniste ou ses honames pour juger leurs procès et
punir leurs délits. D'après cette interprétation, la juridiction du
comte resterait entière ; seulement , elle ne s'exercerait qu'à
distance. Tout le privilège se bornerait à n'avoir pas le juge
chez soi.
Les textes ne justifient pas cette interprétation. Les diplômes
et les formules n'ont pas un mot qui implique que les habitants
du domaine devront se rendre au tribunal du comte. Non seule-
ment cela n'est jamais dit, mais nous verrons tout à l'heure cer-
taines clauses de nos diplômes qui empêchent le comte d'appeler
devant lui les hommes du domaine. A quoi eût-il servi d'ailleurs
à l'immuniste d'être exempté d'avoir le juge chez lui, s'il eût été
tenu d'aller se présenter devant ce même juge et de lui amener
ses hommes ?
Nous ferons remarquer aussi que, dans la langue mérovin-
gienne, l'expression audire causas signifie juger. Elle se dit
de celui qui, après avoir entendu les débats, décide et prononce.
Les textes ne laissent aucun doute sur ce point ^ Aussi nos
diplômes emploient-ils quelquefois comme terme synonyme le mot
judicare ou le mot condemnare.
Observons enfin que nos formules et nos diplômes d'immunité
ne parlent pas une seule fois de plaids. Us ne disent pas au
comte : vous ne réunirez pas le peuple. Ils ne disent pas au
peuple : vous ne vous assemblerez pas. Ils disent, s'adressant au
comte : ni vous ni vos agents, vous n'entrerez pour juger sur ces
domaines. Toutes ces chartes, qui pourtant appartiennent à tous
les règnes et à toutes les provinces de l'État franc, n'ont pas un
seul mot sur le plaid populaire. Elles ne le connaissent pas. Le
seul juge qu'elles connaissent est le comte, ou bien son vicaire
et ses centeniers.
C'est donc ce droit de juger, et de juger seul, qui est enlevé
au comte par l'immunité. Flodoard, qui avait sous les yeux
les vieux diplômes accordés à l'église de Reims, exprime
1 . Ainsi le roi dit en tête de ses arrêts judiciaires : Cum nos ad universo-
rum causas audiendas in Palatio nostro resideremus. — Cf. lex Alamanno-
rum, 41 : nullus causas audire praesumal nisi qui a duce judex constitutus est
ut causas judicet. ~~ Déjà dans la langue des jurisconsultes romains, causam
audire signifiait juger; on peut voir des exemples décela au code Justinien, 1,
4, 8; 1, 4, 13; 111,24,3, etc.
^TDDB SUR l'immunité MiROVINGlENNB. 284
cette clause de la manière la plus nette quand il dit qu'ils inter-
disaient aux fonctionnaires royaux d'entrer sur les terres de
cette église et de faire des jugements, judicia facere * .
Mais il faut nous demander s'il s'agit de toute espèce de
jugements. Remarquons d'abord que, si la juridiction du comte
est supprimée, celle du roi ne Test pas. On conçoit en effet
que, lorsque l'évêque, l'abbé ou le simple laïque s'est présenté
devant le prince et lui a demandé, plus ou moins humble-
ment, l'immunité, il ne lui demandait certainement pas d'être
exempté de sa justice. Ni le solliciteur ni le roi n'entendaient
qu'il Ait question de cela. L'évêque demandait au roi d'être sous-
trait à l'autorité du comte ; rien de plus. Si le roi avait renoncé
à son propre droit de justice, il l'aurait écrit dans la charte,
comme il y écrit quelquefois qu'il renonce à l'impôt. Il ne parle,
au contraire, que de la juridiction du comte et des subordon-
nés du comte, neque vos neque juniores vestri. Mais il ne
s'interdit pas à lui-même d'entrer sur la terre de l'immuniste
pour le juger, lui ou ses hommes. Encore moins s'interdit-il
d'appeler l'immuniste ou ses hommes devant son propre tribu-
nal, le tribunal du Palais.
Aussi voyons-nous dans Grégoire de Tours et Frédégaire que
des évêques et des abbés étaient jugés par le roi ou portaient leurs
procès devant lui. Cette vérité apparaît encore mieux dans la
série des diplômes judiciaires. Nous avons aussi des formules
mérovingiennes où nous voyons un évêque mandé au tribunal
du roi'; plus que cela : un évêque, si l'un de ses clercs est
accusé d'un délit et refuse satisfaction , est tenu à le faire con-
duire de force au tribunal royaP. Il faut donc admettre que le
maintien de la juridiction royale était sous-entendu dans les
chartes d'immunité, et, si l'on ne prenait pas la peine de l'expri-
mer, c'est qu'il n'entrait dans l'esprit de personne de supj)rimer
cette juridiction*.
t. ut nullus judex publicus audcret ingredi ut quaelibet judicia praesumeret
(Flodoard, Hi$t. rememis eccl., II, 11): ut nullus judex publicus in terra<i
ipsius ecclesiae auderet ingredi vel quaelibet judicia facere (Ibidem, II, 17).
2. Marculfe, I, 26 (Zeumer, p. 59).
3. Marculfe, 1, 27.
\. Nous pouvons citer comme exemple l'église de Reims qui, au temps de
l'éTéque Nivard (6S0-670), chargeait un de ses prêtres de soutenir ses procès
devant le roi, causas apud regiam majestatem pro rébus eccletkuUcis rtl
Rev. HisTon. XXII. 2« fapc. 19
282 FUSTBL DE COCLANGES.
Il y a même plusieurs diplômes où Ton voit que la justice de
l'État est expressément maintenue. Le roi s'exprime ainsi : « S'il
s'élève contre le monastère ou contre les hommes de Tabbé
quelque procès dont le jugement par le comte ou par ses subor-
donnés serait trop préjudiciable au monastère, le procès sera
porté devant nous, et c'est par nous que la sentence sera ren-
due*. » On voit bien dans ce texte que la juridiction même du
comte n'était pas absolument supprimée. Si un procès était
intenté au monastère immuniste , c'était le comte qui était
d'abord saisi de l'affaire. Il en était le juge naturel, à moins que
le monastère, alléguant que cela lui était < trop préjudiciable, )>
ne voulût porter l'affaire devant le roi. L'abbé n'échappait donc
pas à la justice publique ; son privilège se bornait à être jugé,
s'il le voulait, par le roi au lieu de l'être par le comte.
Il faut nous tenir au texte littéral des diplômes. Ils ne disent
pas : « Le juge royal ne jugera jamais ni l'abbé ni ses hommes. >
Cette manière de s'exprimer ne se rencontre jamais. Ils disent,
ce qui n'est pas la même chose : « Le juge royal n'entrera pas
dans les domaines de l'abbé ou de l'évêque pour rendre la jus-
tice. » Ne dépassons pas nos textes ; ils ne parlent que de la
justice qui serait à rendre dans l'intérieur du domaine. Ils ne
veulent pas dire que l'immuniste et ses hommes échappent,
pour toutes sortes de procès et de délits, à la justice du comte.
Si un étranger porte plainte contre l'évêque ou contre un de
ses hommes, si un procès s'élève, si, par exemple, il y a con-
testation entre un laïque et l'évêque pour la possession d'une
colonorum legibus agere; et pourtant l'église de Reims possédait déjà au inoins
deux diplômes d'immunité (Flodoard, Hist. eccl. rem., II, 10).
1. Diplùme de 56*2, n' 168; de 674, n* 372 : Si aliquas causas advcrsus ipsum
monasterium aut mitio ipsius abbatis ortas fuerint, quas a vobis vel junioribus
vestris absque eoruminiquo dispendio terminatas non fucrint... in praesentiam
nostraro serventur et ibidem finitivam sententiam debeant accipere. — Diplôme
de 748, n" 599 : Si laies causae advcrsus Dubanum abbatem aut homines suos
ortae fuerint, quae in pago absque suo ini(iuo dispendio rerte detinitae non
fuerint, jubemus ut sint suspensae vel reservatae et poslea per nos pro lege
et justilia finitivas accipiant sentenlias. — Marculfe, 1, 24 (Rozière, n° 9) : Si
aliquas causas adversus euro vel suo mitio surrexerint, quas in pago absque
ejus grave dispendio definitas non fuerint, in nostri praesentia rcserventur. —
Cf. Formules de Lindenbrog, n" 38 (Rozière, n* 10). — Les diplômes et les for-
mules que nous citons ici concernent plutôt la roainbour que l'immunité;
mais nous verrons plus loin quel lieu il y avait entre les deux choses.
ÉTUDE SCR l'immunité MÉROVINGIENNE. 1283
terre S ou si un laïque se plaint qu'un clerc de l'évêque ait lait
violence à un de ses serfs*, le débat est porté devant le comte ou
devant le roi. Ainsi les textes marquent bien que dans tout
conflit entre un homme du domaine et un étranger, la juridiction
publique subsiste. Dès lors, quels peuvent être les cas où cette
juridiction disparaît? A quelles affaires pense le rédacteur du
diplôme quand il dit que le juge royal n'entrera pas dans le
domaine pour les juger? Il nous semble que ce sont les affaires
où les deux parties appartiennent également au domaine privi-
légié ; il ne se peut agir que des procès issus sur le domaine lui-
môme ou des délits qui y ont été commis.
On sait bien qu'il existait sur chacun de ces grands domaines
toute une population mêlée de serfs, d'affranchis, d'hommes
libres. On ne doutera pas que dans cette i)opulation d'origine
diverse, d'intérêts inégaux et discordants, il n'y eût des procès,
des conflits, des délits et des crimes. C'est le jugement de toutes
ces affaires intérieures qui, suivant nous, est interdit au comte.
A cela se réduit, si nous ne nous trompons, le privilège de
l'immuniste en matière de justice ; mais nous montrei\)ns plus
loin la grande importance de ce privilège et les conséquences qu'il
a produites.
VI.
A la défense de juger, l'immunité ajoute l'interdiction de
percevoir les freda^. On sait que presque tous les jugements
alwuti.ssaient à un fredum^. Notre mot amende rend imparfai-
tement ce mot de la langue mérovingienne; car il y a grande
apparence que l'idée qui s'y attachait s'éloignait assez de celle
que notre esprit moderne attache au mot amende. Les honmies
considéraient que, dans tout crime ou délit, il y avait deux jHîr-
1. C'est II* cas spécifié dans la formule de Marciilfe, I, 26.
2. C'est le cas spécifié dans la fonnule de Marciilfe, I, 27.
3 Nullus judex publicus... aiit ad freda exi^^enduin... ingredi praesumat
(Marculfe, I, 3; id., I, 4 ; Diplomata, n- 58, 212, 2:»8, 270, 2U1, 33G, 3(i7, 368,
40-2, 403, 417, 428, 436, 463. 482, 486, i87, 495, 507, 515, 522, 542, et le
diplôme de Cliildebert III en faveur de Saint-Maur.
4. De quaslibet causas freda exigendum (Marculfe, I, 14; I, 17). -~ De i|ua-
libet causa freda exilât (Lex Kii»uar., 80).
284 FUSTEL DE COULANGES.
sonnes lésées, la victime d'abord, ensuite le roi, dont le criminel
avait enfreint la volonté et violé les lois. Il fallait donc com-
poser avec le roi comme avec la famille de la victime. Il y avait
ainsi deux compositions, en quelque sorte, Tune payée à la
victime, l'autre payée au roi. C'est cette seconde partie de la
composition que Ton appelait fredum, Grégoire de Tours
indique nettement que c'est ainsi que le fredum était compris
par les hommes de son temps*. Même dans beaucoup de procès
civils, l'intervention du magistrat donnait lieu au payement
d'un fredum'^. Dans la pratique ordinaire, il semble bien que le
fredum était le prix dont le juge, c'est-à-dire le roi ou le comte,
faisait payer sa juridiction ^, Ce revenu faisait partie du droit de
justice, et nous pouvons même penser que, pour beaucoup de
fonctionnaires, il en était la partie principale. En ôtant au comte
le droit de juger sur les domaines privilégiés, il semble qu'il ne fût
pas nécessaire d'ajouter qu'on lui enlevait du même coup le droit
d'y percevoir les freda ; pourtant les rédacteurs des diplômes
n'ont pas jugé inutile d'avertir le fonctionnaire que ce n'était pas
1. Grégoire de Tours, miracviaS. Martini, l\, 26 : Affirmavit rex quosdam
ex his qui absolut! fucrant (il s'agit de quelques condamnés qui avaient été
délivrés de leurs fers) ad se venisse atque compositionem fisco debitaro, quam
illi fredum vocanl, a se fuisse eis induUam. — Id., //. Fr., VI, 23 : Jubet rex
omnes custodias relaxari, vinctos absolvi, compositionesque negligentium iisco
débitas non exigi.— Dans la lex Salica, XIII, freius n'a pas d'autre sens que celui
de composition; mais c'est qu'il s'agit d'un cas où le roi est la partie lésée, et
alors la composition et le fredum se confondent. — Voyez sur le fredum la
decretio Chlotarii, art. 16, éd. Boretius, p. 7; lex Baiuwar.f I, 6, 7, 9; IX, 14 ;
XIII, 2, 3. — Nous ne pouvons pas admettre l'opinion de M. Prost qui croit
que le fredum était payé au roi par la victime elle-même ou par sa famille
(page 144).
2. Cela ressort du titre 50 de la lex Salica ; cf. lex Alamannorum, XXXVI, 3 ;
lex Baiuwar., XIII, 2 et XIII, 3. Diplôme de 693, n« 431 : £i fuit judicatum ut
in exfaido et fredo soUdos 15 pro hac causa fidem facere deberet.
3. Voyez lex Wisigothorum, II, 1, 25 : Judex pro labore suo et pro judicata
causa et légitime deliberata... — Lex Baiuwariorum, II, 15 (Pertz) ou II, 16
(Baluze) : Judex partcm suam accipiat de causa quam judicavit. — Le fredum
parait avoir été, le plus souvent, le tiers de la composition : duas partes ille
cujus causa est ad se revocel, tcrtiam partem ad se grafio fredum rccoUiget
(Lex salica, 50); cf. capitulaire de 801, c. 24 (Pertz, p. 86) : tertiam partem
fisco tribuat. Mais nous ne savons pas quelle était la proportion entre la part
du roi et la part du comte. La loi des Bavarois fixe la part du juge à un
neuvième de la composition totale; celle des Visigoths à un vingtième seu-
lement.
^TIDC SUR l'iMMUMTK MÉR()YI1G1EN>E. 285
seulement la justice qui lui était enlevée, mais aussi les profits de
la justice*.
La charte d'immunité défend aussi au fonctionnaire royal « de
saisir des répondants, tollere fidejicssorcs^. » Pour comprendre
le sens de cette interdiction, il est nécessaire de jeter un coup
d'œil sur quelques procédés de la police judiciaire des Méro-
vingiens.
Quand un homme était accusé d'un crime ou d'un délit que le
comte devait juger dans son mallus, il pouvait rester libre jus-
qu'au jour du jugement, a la condition de fournir des répon-
dants, si fidojussores habuerït^. Les répondants d'un accusé
étaient garants de sa comparution en justice'*. Quand le jour du
jugement était arrivé, il était d'usage, sinon de règle, qu'ils le
conduisissent eux-mêmes au tribunal du comte ^.
Il en était de même quand il s'agissait du tribunal du roi.
L'homme qui était sommé d'y comparaître pouvait rester libre
jusqu'au jour fixé, en donnant des répondants, datis fidejusso-
ynbus^; puis, au jour du jugement, il était amené devant le roi
par ces répondants eux-mêmes'.
1. L-n <liplôm6 porte injusta freda toUendum (Dipl. de (>38, n* 291); mai» je
ne trouve le mot injusta dans aucun autre; et d'ailleurs ce diplùme est très
susjiect (Voyez Pardessus, Prolégom., p. 73). Nous devons donc penser, con-
formément à tout l'ensemble des documents, que ce ne sont pas seulement les
freda illégaux, mais bien tous les freda qui sont interdits aux fonctionnaires
royaux sur les terres d'immunité.
2. Neque ad fidejussores tollendos (Marculfe, I, 3; 1, 4; DiplomatOy n** 258,
281, 291, 3G7, 403, 417, 4G3. 486, 495, 507, 515, 522, 568).
3. Voyez une anecdote racontée i»ar Grégoire de Tours (IV, 44) où l'historien
cite comme contraire A l'usage qu'un duc ait fait mettre en prison un prévenu
qui demandait à rester libre daiis fidejussoribus. Il cite ailleurs (VI, 12) une
femme quoe^ datis fidejussoribus j Tolosam dirigitur. — Cf. CapHularia
Caroli Calvi, XLV, 3 (Baluze, CapUul.y\\,^%)) : Comprehensus, si fidejussores
iiabere i>otuerit, per fidejussores ad mallum adducatur; si fidejussores haberc
non potuerit. a ininistris comitis custodiatur et ad mallum perducatur.
\. Pérard, Instrumenta hisi. hurgundicae. p. 35 : Dédit Maurinus fidejus-
sorem, nomine Autardo, de sua presentia.
5. Per fidejussores ad mallum adducatur (Capit. Caroli Calvi, XLV, 3).
6. Orêgoire de Tours, Hist., VIII, 43 : Antestius vero, acceptis fidejussoribus
ab episco|M) ut in praesentia régis adesset. — Id., ibidem : datis fidejussoribus de
praesentia sua ante regem. — Id., VIII, 7 : Cautiones et fidejussores de«lenjnt
ut decimo Kalendas mensis noni ad synodum convenirent. — Id., VI, \\ :
multi tamen eorum per idoneos fidejussores dimissi ad regem jussi sunt
ambiilare.
7. Si fidejussores habuerint qui eos in praesentia régis addur^nt (Capitul.
286 FCTSTEL DE COCLA^TGES.
L'importance de ces répondants se devine bien si Ton songe
que les crimes et les délits étaient punis, le plus souvent, par la
composition et le fredum. Presque toute justice se résolvait en
argent. D'après ces usages et d'après les conceptions que les
hommes se faisaient de la justice, l'accusé était regardé pré-
ventivement comme un débiteur. Il suivait de là que les répon-
dants étaient regardés comme les cautions d'une dette. Si l'ac-
cusé s'échappait avant le jugement, ils étaient responsables sur
leurs biens propres. C'est pour cela apparemment qu'ils se char-
geaient de conduire le prévenu au tribunal du comte, et même au
tribunal du roi, fallût-il traverser la Gaule entière. Leur intérêt
propre les y engageait.
Il faut remarquer que, si l'accusé possédait des biens fonciers
d'une valeur suffisante, on n'exigeait pas qu'il présentât des
fidejussores ; on l'exigeait s'il n'avait pas de biens fonciers ou
s'il en possédait trop peu*. Cette règle nous montre assez claire-
ment ridée qu'on se faisait du fidejussor; c'était un homme
qui offrait sa propre fortune en garantie pour un accusé dont la
fortune était insuffisante.
Le fidejussor ne répondait pas seulement de la présence de
l'accusé au tribunal; il répondait aussi de l'exécution du juge-
ment, c'est-à-dire du paiement intégral de la composition et de
l'amende*. C'est pour cela qu'on voulait que ces répondants
(le 793, arl. 6, dans Baluzc, 1, 542). — De his qui Icgem ser?are contcinnunt,
ut per iidcjuftsores in pracsentiain régis deducantur (CapUularia y livre III,
arl. 34; livre VI, art. 219). Per fidejussores àd praesentiam régis perducatur
(Gapitul. Caroli Calvi, XIV, 4 ; Raluze, II, 65).
1. Cela ressort de deux textes un peu postérieurs à l'époque qui nous
occupe; mais la rè^le est certainement ancienne. Per fidejussores, si res et
mancipia in illo comitatu non habet, ad praesentiam nostram adducatur
(Capitul. Caroli Caivi, XXXVI, 23; Baluzc, II, 185). - Si liber homo de furlo
accusatus fuerit et res proprias habuerit, in roallo ad praesentiam comitis se
adhramiat, et, si res non habct, lidejussores donet qui eum adhramire et in
placitum adduci faciant (Capilulaire de 819, c. 15; Baluze, I, 603).
2. On a en effet plusieurs exemples où les /id^ussores sont donnés, non pas
pour la comparution en justice, mais pour l'exécution de l'arrêt. Ainsi, dans
Grégoire de Tours, H, /V., IX, 8, Childebert dit : vcniat coram nobis et datis
fidejussoribus in praesentia patrui mei, quidquid illius judicium decreverit,
ex8c<iuamur. — De même dans le De gloria confessorumf 71 : Convenilur
episcopus datisque fidejussoribus in praesentia re-gis adsistit ; si l'évéque donne
des fidejussores, c'est pour assurer le payement de l'amende de 300 aurei dont
il va élre frappé. — La formule de Sinnond, n* 32 (Rozière, n* 465), nous
montre deux accusés pi>ur lesquels la peine de mort est commuée en une com-
ETUDE SrR l'iMHDNITB MéROYINGIENNB. 287
fussent credibiles, idonei, firmissimiK Par ces épithètes nous
devons entendre, non la moralité des répondants, mais leur sol-
vabilité. On tenait à ce qu'ils fussent cautions solvables.
Gardons-nous bien d'attribuer aux hommes de ce temps des
idées qu'ils n'avaient pas. En pratiquant la fidejussio, ils ne
songeaient pas à assurer la liberté ; ils n'avaient pas dans l'esprit
de supprimer l'emprisonnement préventif, dont nous savons
qu'ils usaient largement. Ils ne voyaient en elle qu'une assu-
rance de paiement. Aussi était-elle pratiquée dans l'intérêt de
l'administration, et non pas dans l'intérêt des accusés. Grâce à
ces répondants, l'accusé se voyait entouré de surveillants qui
étaient intéressés à ce qu'il ne s'échappât pas, et qui ne man-
quaient guère de mettre la main sur sa personne pour sauver
leurs propres biens. Les répondants, de leur coté, avaient une
lourde charge ; ils se voyaient obligés à de nombreuses démarches,
à des pertes de temps, à des dépenses, surtout s'il fallait aller
jusqu'au roi ; et, ce qui était pis encore, ils étaient menacés, en
cas de condamnation, d'avoir à payer pour le condamné. Si l'on
songe à quel taux exorbitant les rois mérovingiens portèrent les
compositions et les freda^ on devinera qu'il était fort dangereux
d'être fîdejussor. L'administration seule se trouvait bien de
cette pratique ; car elle était sûre que les prévenus seraient bien
gardés, sûre aussi que ses freda lui seraient intégralement payés.
Le moyen était bon ; le gouvernement mérovingien en abusa.
Non seulement il permit aux accusés d'offrir des répondants
volontaires afin de rester libres, mais il en vint à obliger des
hommes à être répondants malgré eux et malgré les accusés. Ce
fait étrange s'aperçoit à la lecture de quelques textes. Ainsi,
nous voyons dans Grégoire de Tours un duc arrêter un évêque
et le faire conduire immédiatement devant le roi ; et en même
temps ce duc cherche lui-même et requiert des fidejussores '. Il
ne se peut agir ici de cautions volontaires que Tévêque offrirait
position; ils donnent immédiatement un fidtiiuuor pour garantir le paye-
ment : Hdejussorem pro solidis obligaTemnt.
1. Per idoneos (idejussores (Grégoire de Tours, VI, It). — Per ûrmissimos
fidejussores (Capitul. de 873; Baluze, II, 228). — Per credibiles fidejussores
ante nos Tcnire pennittatur (Capit. de 882; Baluze, II, 281)). Cf. Papianus, XI,
3, dans Pcrtz, Leges, t. III, p. G04 : Fidejussoreiii idoneum donet qui quid
fuerit judicatum se permittat implere.
2. Grégoire de Tours, H. Fr., VIII, 12 : Ratherius quasi dux a parte régis
dirigitur... Episcopum vallat, fidejussores requirit,et ad praesentiam régis dirigit.
288 FHSTEL DE COULANGES.
pour rester libre ; car il n'est pas libre, et tout au contraire on le
meneau roi « sous bonne garde*. » Il s'agit de cautions que l'au-
torité choisit elle-même pour répondre sur leurs biens de tout ce
que le jugement pourra prononcer contre Tévêque. Ailleurs, nous
voyons un envoyé du roi qui arrête deux accusés en prenant des
fidejiLSSOres et qui les envoie au tribunal du roi*. Une autre
fois, c'est un évêque que l'on veut obliger à comparaître à ce
même tribunal; un envoyé du palais prend des fidejitssores qui,
de l'Auvergne, amènent l'évêque jusqu'à Trêves^. On reconnaît
dans ces exemples que le fide)ttsso7'' n'est plus ce répondant que
l'accusé présentait pour rester libre; il est au contraire un
homme choisi par l'autorité pour amener l'accusé au jugement et
assurer l'exécution de l'arrêt.
De même dans une formule mérovingienne, nous voyons que
le roi prescrit à un évêque, dans le cas où un clerc de son église
serait coupable d'un délit, de l'envoyer au tribunal du roi per
fidejussores positos, c'est-à-dire par des répondants, qui ne
sont pas choisis assurément par l'accusé, mais qui lui sont assi-
gnés^ Dans une autre formule, le roi prescrit à ses comtes de
faire justice d'un coupable ; « et si vous ne pouvez faire justice,
saisissez des fidejussores et faites-le conduire devant notre tri-
bunal'^. » Ailleurs encore le roi dit à ses comtes : « Si un brigand
poursuivi dans un comté se réfugie dans un autre comté, le comte,
dans le ressort duquel il s'est réfugié, le contraindra per fide-
jussores à revenir dans le comté où il doit être jugé ^. »
1. M., ibidem : cum ad praeseotiam régis sub ardua custodia duc^retur.
2. Vila S. Rigomeri, dans doni Bouquet, III, 427 : roissus de Palalio ut
Rigomerum et puellam per fidejussores coltigaret ut ad Palatium pergerent.
3. Vita S. PraejccU. c. 10, 11, dans les Acta SS. ordinis S. Benedicti, II,
p. 643^4 : missos ex latere dirigit qui euni per fidejussores nuntiarent et in
auli régis facerent praesentari... Depromit quo modo per fidejussores venisset.
4. Marrulfe, I, "21 : Indiculus ad episcopum... Ipsum abk>atero aut clericuni
praeseiitaliter constringalis qualiter banc causam legaliter studeat emendare;
eerte si noiuerit, ipso illo per fidejussores positos ad nostram studeatis diri-
gere praesentiaro. — Cf. Capitulaire de 756 (Baluze, I, 178} : Tune cornes
ipsam personam per fidejussiHts positam ante re^em fariat Tenire.
5. Marculfe, I, ^8 : Ule rei illo comiti... Constringator qnaliter banc causai»
studeat emendare: rerte si noluerit, ... tultîs fidejussoribus ad nostram diri-
gère faeiatis praesentiam. — Cf. Le\ Rii»uanonim. XXXII. 4 : Judex fidejus-
sores ei exigat ut se ante regem repraesentet. ~ Praeceptum Cbildeberti I
;Ri>i«tius, p. ^> : datis fidejussoribus non aliter discedant nisi in nostris obtn-
tibiis praesententur,
tv Si Utrx> de uno comitatu in alium comîtatum fu^erit. cornes in cujos
KTKDË SUR l'immunité MKROVnCIENNE. 280
Ainsi l'usage s'est établi de « saisir » des fidejussores. Ces
répondants font une sorte d'office de police, et même quelque
chose de plus, puisqu'ils répondent de la pleine exécution de la
sentence. L'autorité publique, ayant affaire à un accusé, ne se
contente pas de s'emparer de sa personne ; elle met la main sur
des répondants, afin d'être bien certaine que ni l'accusé ni
l'amende ne lui échapperont.
C'est là ce que nos diplômes appellent tollere fidejussores.
Il y a sur cette pratique un texte qui, bien qu'il soit postérieur à
l'époque qui nous occupe, mérite d'être cité. On y voit des
évêques se plaindre « d'une coutume oppressive qui s'est établie;
les comtes et juges royaux obligent par force les prêtres à venir
à leurs plaids; ils les saisissent comme répondants, aussi bien
que s'ils étaient des laïques * . > On devine aisément ce qu'il y
avait de cruel pour des hommes qui étaient occupés ou de leur
sacerdoce, ou de leur travail, ou de leur culture, à être ainsi
mis en réquisition et enlevés à leur foyer, pour arrêter un accusé,
pour le garder, pour le conduire au tribunal ; on devine surtout
quelles pouvaient être les conséquences de cette responsabilité, et
combien d'hommes elle conduisait à la ruine. L'immunité, en
interdisant au fonctionnaire royal de saisir des répondants dans
l'intérieur du domaine, accordait donc un privilège précieux.
Mais voici la conséquence. Cette saisie des répondants était le
principal moyen de police judiciaire. Supprimez-la, il n'y a plus
de justice. Le comte ne pourra plus obliger Thabitant du domaine
privilégié à comparaître à son tribunal. S'il prononce un juge-
ment contre cet homme, il n'aura plus la garantie du payement
de l'amende. Ainsi, la clause qui défend au comte de saisir des
répondants équivaut pour lui à la défense de juger. Déjà on lui
a interdit de faire aucun acte judiciaire dans les limites du
domaine privilégié; maintenant on lui 6te le moyen d'ap|)eler à
lui les hommes de ce domaine et de les juger dans son plaid, à
moins qu'ils n'y viennent volontairement.
coinitatuin fugit per fidejussores coDStriii(^t ut, velit nolit, illuc revcniat et ibi
inalum emendet ubi iUud perpetravit (Capitul. Caroli GaWi, XLV, 1, dans
Baluze, II, 227).
1. In sua parochia gra?issima ÎDcreTÎt consuetudo quod comités atque judices
seu ministri iltoruin, sac^rdotes Doiiiini sive reliquos ecclesiac ministros ad
placitum suum ducerc et fidejussores tollere atque eos more laicoruni distrin-
gère |»raesumant (Diplôme de Gbarles le Simple dans les Historiens de France,
t. IX, p. 479).
290 F. DE COULAXGES. — KTCJDE SUR h'iMUUmié MBROVIPÎGIENI^E.
Quelques diplômes ajoutent encore une interdiction qui est for-
mulée en ces termes : « Neque ad homines distringendos^. »
Ce mot distïHngere^ dans la langue mérovingienne, s'entend de
toute espèce de contrainte, aussi bien de la contrainte par corps*
que de la contrainte par saisie des biens ^. Il désigne spécialement
la contrainte pour exécution des arrêts de justice ^ C'est tout
cela qui est interdit à TofBcier royal. Par conséquent, si l'un des
hommes de l'immunité est accusé d'un crime ou d'un délit, le
comte ne pourra ni se saisir de sa personne ni mettre la main
sur ses biens. Il n'aura donc pas le moyen d'exécuter son
jugement.
En résumé, grâce à cette série de précautions que le roi prend
contre son propre agent, celui-ci n'a plus aucune juridiction sur
les hommes du domaine privilégié, et toute action judiciaire sur
eux lui est devenue impossible.
FUSTEL DE COULANGES.
{Sera continué. )
1. Diptomata, n" 242, 258, 291, 417, 507, 515. — Marculfe, I, 4 : neque
homines ipsiu ecclesiac de quaslibet causas distringendum. — Diplôme de
Childebert III en faveur de Saint-Maur : nec homines lam ingenuos quam ser-
vicntes distringendum.
2. Ad latrones distringendos {CapittUaria, III, 87; Baluze, I, 770). — Siquis
contompserit, romes eum distringerc facial (Gapit. de 756, art. 3; Baluze,
I, 178).
3. rt vcniant ad mallum, per res et mancipia et mobile distrinj^antur (Capit.
do 873, art. 3; Raluze, II, 228). — Si jussa facere neglexerint, licentiam eos
distringendi comitibus permiltimus per ipsas res (Capit. de 812; Baluze, 1. 547).
A. nie rei illi comiti. Jubemus ut... Tohis distringentibus memoratus ille
imrtibus istius ooiiiponerc et satisfacere non recusct (Formule de Sirmond, 33,
Rozière, n" 445, Zeumer, p. 155).
JEAN DE SERRES
mSTORIOGRAPlIE DU ROI
SA VIE ET SES ÉCRITS
DIAPRÉS DES DOCUMENTS INÉDITS
1540-1598.
Le nom de Jean de Serres a presque entièrement disparu dans
rillustration de son frère aîné, Olivier de Serres, le patriarche
de Tagriculture moderne. Il mérite pourtant quelque attention.
Olivier a eu la bonne fortune d'écrire en français^ et dans un
style plein d'abandon et de charme, un livre savant et pratique
sur un sujet éternellement jeune et intéressant. Honoré de l'es-
time de Henri IV, il fit paraître de son vivant jusqu'à huit édi-
tions de son Théâtre (t agriculture et mesnage des champs.
Et si, après avoir joui encore pendant un demi-siècle d'une
grande célébrité*, cet ouvrage est tombé en discrédit dans notre
patrie, c'est que la science rurale elle-même avait été aban-
donnée ; et il a suffi que cette science fût remise en honneur à la
fin du siècle dernier, pour que le grand agronome, admiré d'ail-
leurs par les nations étrangères, reprît chez nous le rang qu'il
n'aurait jamais dû perdre. Depuis la fondation de la Société
nationale d'agriculture, en 1761, et surtout depuis la réimpres-
sion de son immortel ouvrage, en 1804 (2 vol. in-4^), sa
renommée a pris un nouvel essor ; et aujourd'hui les médailles
décernées par cette Société aux lauréats des concours portent
son effigie*. On lui a même érigé deux statues : Tune, le 29 août
t. Il y eut encore onze ou douze éditions juivqu'en 1G75.
2. Cette décision fut prise en pleine Restauration, en 1811). Le portrait ori-
ginal (aquarelle sur vélin) d'Olivier de Serres, qui a servi de modèle, fut peint,
en 1599, par son fils Daniel, avocat à Villeneuve-de-Berg, et se consenre reli-
gieuseraent au domaine du Pradel dont le grand agronome était seigneur, et
qui est à quatre kilomètres de Villeneuve.
292 CE. DAEDTER.
1858, à côté de la maison qu'il possédait à Villeneuve-de-Berg,
et l'autre, plus récemment, le 2 mai 1882, à Aubenas, en pré-
sence de l'illustre M. Pasteur.
Tout autre a été la destinée littéraire de Jean de Serres. Comme
théologien, philosophe, controversiste, poète, et surtout comme
historien, il eut de son vivant une grande notoriété, avant même
que son frère eût publié une seule ligne de son Théâtre dCagri--
culture. Il avait aussi, durant les troubles, joué un rôle dans
les affaires politiques de son temps, ayant servi de négociateur
entre les chefs du parti protestant et les églises réformées, soit
dans l'intérieur du royaume, soit au dehors. Mais après sa mort,
le silence se fit bientôt autour de l'homme et de ses œuvres.
A ce silence il y a plusieurs causes. Ce n'est pas que le meilleur
de ses ouvrages : Commentaires sur l'état de la religion et
de la République dans le royaume de France, ait reçu un
mauvais accueil : nous verrons au contraire qu'il eut le plus
grand succès; les historiens les plus impartiaux, J.-A. de Thou
en particulier, lui ont fait de continuels emprunts.
La première cause, tout extérieure, de cette défaveur a été la
langue dans laquelle ces Commentaires sont écrits. Le latin était
alors la langue universelle; et comme l'auteur a voulu raconter
l'histoire de nos guerres civiles surtout en vue des étrangers qui
lui en avaient exprimé le désir, il a dû se servir de la langue de
Cicéron, qu'il maniait du reste, comme tous les lettrés du
xvi*' siècle, avec une grande aisance. Mais sa popularité en a
beaucoup souffert.
La seconde cause, plus profonde, a été la méfiance qu'il a
soulevée contre lui chez la grande majorité des protestants et des
catholiques de l'époque, par son projet de rapprochement entre
les' deux religions. Ce projet auquel s'intéressait Henri IV, et qui
prit un instant les proportions d'un événement national, est très
peu connu dans ses détails et ses diverses péripéties ; il souleva
contre lui les consistoires, les colloques et les synodes, gardiens
jaloux de la loi exclusive et de la discipline rigide établies par
Calvin, et même provoqua des manifestations hostiles de la part
des églises réformées du dehors. J. de Serres n'eut pour lui que
quelques personnages des deux communions, magistrats ou
nobles du parti- des politiques, dont la passion religieuse était
tempérée par un patriotisme clairvoyant. Ceux-là eurent à déplo-
rer sa mort au moment où ils se flattaient de lui voir mettre au
JEAN DE SERRES. 293
jour un grand ouvrage qu'il préparait sur ce sujet délicat. Il ne
put en donner au public que l'esquisse ou le programme dans de
petits livrets imprimés ou manuscrits. Le vieux cri payen : Vœ
victis! fut poussé contre ce vaincu de la tolérance; la calomnie
s'attacha à ses intentions ; et quoiqu'il se fût défendu victorieu-
sement et avec une certaine fierté dans les assemblées synodales,
sa mémoire resta suspecte, et ses ouvrages antérieurs, d'allure
j)ourtant très huguenote, ont eu malheureusement à souffrir de
cette suspicion.
Et puis, il faut bien le dire, son style français ou latin n'a
point cet éclat ni cette originalité primesautière qui étaient alors
des qualités assez comnmnes, et qui après avoir attiré l'attention
des contemporains s'imposent à la postérité. Dans les diverses
voies où il s'est engagé, notre auteur n'a jamais pu, comme on
l'a dit, « atteindre les sommets* ; > il ne s'est placé qu'au second
rang.
Et si, depuis que les méfiances d'un autre âge se sont éteintes,
la réparation n'est pas encore venue pour lui, il faut en chercher
la raison dans l'extrême rareté de son principal ouvrage. La
plupart de ceux qui en parlent ne l'ont jamais lu, et ils ne
peuvent que reproduire les jugements formulés par l'esprit de
parti.
Notre ambition serait donc de remettre en lumière cet historien
consciencieux et bien renseigné, qui fut aussi un ami du bien
public. Une foule de documents inédits que nous avons pu tirer les
uns il près les autres et jour après jour de la poudre des archives
ou des bibliothèques publiques, et aussi de précieux renseigne-
ments qui nous ont été gracieusement communiqués*, nous ont
rendu cette tàclie facile, en dissipant peu à peu l'obscurité qui en-
veloppait la vie, les écrits et les projets de notre historiographe.
Cette obscurité était à peu près complète. « On dirait qu'un
voile épais couvre tout ce qui est arrivé à cet homme, > a écrit
Sénebier en commençant la notice qu'il a consacrée à J. de
1. A. de Gallior, J. de Serres, historiographe de France. Lyon, libr. anc.
d'Aiii;. Brun, 1873, p. 9, in-8' de 20 pages.
2. Nous nous faisons un devoir de remercier ici MM. Théodore Claparède,
Louis et Théophile Dufour, Grivel, de Genève, Henri Rordier, J.-A. Barrai, de
Paris, llerniinjard, Ërnesl Chavannes, de Lausanne, E. Arnaud, de Crest, Ana-
U)le de Gallier, de Tain, Charles Sagnier, D' Puech, Alph. Dumas, de Nfmes,
qui ont bien voulu nous fournir des extraits de documents, des indications
ou des notes.
294 Cfl. DAEBIBE.
Serre»*. Et le savant bibliothécaire genevois avait raison. Bayle,
si curieux pourtant et si chercheur, se plaignait dans ses lettres
de n'avoir trouvé personne qui pût lui dire s'il était le même que
SerranuSf le traducteur de Platon. Chauffepié, le P. Lelong,
Nicéron, Prosper Marchand même n'étaient guère parvenus à
lever le voile : leurs notices sont confuses, pleines d'erreurs et
aussi très incomplètes. Ménard cite quelques faits concernant de
Seri-es alors que celui-ci était pasteur dans l'église de Nîmes*;
mais il se tait sur tout le reste. Sénebier soulève bien un coin du
« voile épais » dont il parle ; ainsi il est le premier à faire con-
naître un incident fâcheux qui mit an au ministère de notre
historien dans l'église de Genève ; mais il ignore presque tous les
autres événcîments de sa vie. U a même induit en erreur tous les
biographes qui sont venus après lui, en écrivant que J. de Serres
< se retira h Lausanne pour échapper à la persécution excitée
contiv les protestants de France sous Charles IX, > et qu'il
« le dit lui-même dans la dédicace du troisième volume de son
Platon. » Nous verrons qu'il dit tout autre chose, et même le
contraire, et qu'il était ^i Suisse bien longtemps avant le règne
du successeur de François II.
Depuis Sénebier, l'obscurité n'a guère été dissipée. A. Borrel,
grAce aux registres du consistoire de Nimes qu'il avait en main,
a pu ajouter quelques faits nouveaux à cette biographie ; mais il
est oncon> bien incomplet ; et de plus il se lais:>e, comme bien
d*autivs, ôgaivr par Agrippa dWubignè, quand il prétend que
de SiTivs fut a^nvaincu de malversation et qu'il abjura le pro-
tt^îitantisnu»*. Lt\ lUofffHtphie universelle de Michaud ne fait
que ivpi\Hluiiv les inexactitudes de ses devanciers; elle fait en
outiv étudier la thtvlosrie h J. de Serres en France ^ Haas:
èjvaissit encon> le voile qui tvuvn? notre historien, en mettant sur
le ivmpte de ^mï jviv (qui s'appelait [H>urtant Jacques et non
J«\in ^ et qui ne fut jaitt;ùs pasteur^ des faits qui lui 5*.^nt arrives
I* îr:. i^î^ :^î.^ ^*t. ^îsV ^4.
X ii0S dfi ^fhsit de Xt«M«L Nî»e*. IS5C. jv l >îh\
JEAN DE SERR8S. 295
h lui-même*. Enfin Y Encyclopédie de Herzog ne connaît pas
notre personnage ; à l'article Serranus Joannes il y a cette
simple ligne : « C'est le pseudonyme de François Lambert d'Avi-
gnon. » Cela est vrai, Lambert a porté ce surnom en Alle-
magne*. La publication d'outre-Rhin ignore donc notre J. de
Serres, qui mérite cependant d'être connu presque autant que le
réformateur de la Hesse.
Grâce k quelques points de repère indiscutables fournis par
des documents officiels jusqu'ici ignorés, mal compris ou négli-
gés, nous avons pu nous orienter sur cette route obscure.
Jean de Serres nous apprend lui-même, dans une dédicace,
que « jeune enfant > (puer) il a étudié à Lausanne, et que, « aussi
loin que peuvent remonter ses souvenirs^, > il se souvient avec
gratitude de ce que les magistrats de la république de Wevne ont
fait pour lui. Il rappelle que Jérôme Manuel, « homme très cul-
tivé, une des plus grandes lumières de la république, » était
« alors bailli de Lausanne » {Lausannœ tum prœfectus). Or,
ce Manuel a exercé cette charge du mois de septembre 1553 à la
Saint-Michel (29 septembre) 1557^
C'est donc à Lausanne que J. de Serres a fait ses études clas-
siques. Et comme il est né vers 1540, peut-être faut-il croire
qu'il était dans cette ville avant 1553, car les premiers souvenirs
d'un enfant remontent plus haut que l'âge de treize ans. Quoi
qu'il en soit, il a passé la frontière pour échapper à la persécu-
tion, soit après les massacres des Vaudois de Provence par le
fois, rroyoDft-nuuft, dans les Jugements sur la noblesse de Languedoc (p. 32 i
de la "1' partie du t. I" des Pièces fugitives pour servir à Ikiil. deFrance)^ a
été reproduite par tous les historiographes, et a été ellc-inéine la cause d'autres
erreurs plus grayes. L'acte notarié, qui date de 1569, doit faire évidemment
autorité à cet égard. J. de Serres savait le prénom de sou |)ére mieux que ne
le savaient, un siècle plus tard. les descendants d'Olivier, quand ils fournirent
à M. de Bezons, intendant du Languedoc, les notes généalogiques qui tirent
maintenir les Serres du Pradel dans leur noblesse. Au reste, ces Jugements
publiés par le marquis d*Aubais et Ménard, dans leur ouvrage de IT.VJ, pré-
sentent une inexactitude inconcevable qui nous donne le droit de ne pas tou-
jours les croire sur parole, car « l'historiographe du roi i nous est donné
comme » (ils w d'Olivier, alors qu'il était son frère cadet (Ibid.).
1. /r. prot., t. IX, p. 256.
2. Ilerminjard, Correspondance des Rt^formateurs^ t. I, p. 116.
3. a Quoad longissimè |H)test mens mea respicere spatium praeteriti tem-
poris, et pueritiae memoriam recordari ultimam.,. i (Kpître dédie, aux
magistrats de la rép. de Berne dans le t. 111 de la trad. de Platon, VtlS.)
4. Archives cantonales, comptes des baillis de Lausanne pour MM. de lierue.
296 CH. DIRDIBR.
baron d'Oppède, soit après l'odieux édit de Châteaubriant qui
pouvait faire craindre de nouvelles exécutions générales. Et il
n'eut aucun danger à courir lors de la Saint-Barthélémy, car il
n'était pas encore rentré dans sa patrie à cette époque.
Il nous l'apprend encore lui-même dans cette précieuse dédi-
cace aux Bernois du t. III de son Platon ^ à laquelle nous avons
fait tout à l'heure allusion. En rappelant le souvenir de « cette
nuit désastreuse dans laquelle sa patrie en délire se déchira avec
fureur ses propres entrailles*, » il ne se met pas personnellement
en cause ; il dit au contraire qu'en outre de la gratitude par-
ticulière qu'il doit à la république de Berne pour les bienfaits
dont il a été jadis comblé par elle, comme personne privée,
lors de son arrivée à Lausanne, il ne peut oublier tout ce qu'elle
a fait pour la France entière en faveur des réchappes du mas-
sacre, ni les ambassades qu'elle a envoyées à la cour, durant les
guerres de religion, pour ramener la paix*. Le danger pour lui,
après quatorze ans passés hors de Lausanne (nous verrons que
ce fut à Genève, de 1559 à la fin de 1572), aurait été d'avoir k
rentrer dans sa patrie au lendemain de la nuit terrible ; il aurait
été certainement enveloppé dans cette effroyable tempête. Mais
cette éventualité menaçante ne se présenta pas pour lui. En quit-
tant Genève, à la suite d'une fâcheuse mésaventure qui compro-
mit un instant son avenir, il fut accueilli avec empressement et
affection par les magistrats du pays de Vaud, « non comme un
étranger, mais comme un combourgeois. » Il fut ainsi sauvé par
eux du péril qui l'attendait, et il leur en 4émoigna avec effusion
toute sa reconnaissance^.
Cette discussion sur le texte de cette dédicace nous a paru
nécessaire pour asseoir la biographie de Jean de Serres sur une
base vraie et solide. Nous comprenons du reste qu'on se soit
1. « Feralis illius noctis quâ insaniens patria in propria ?iscera debacchata
est. >
2. « At praeter privatas mihi peculiaresque has rationes accedit quoqxie
communis patriae obligation etc. »
3. « At quum posi annos quatiLordecim me varia emensum discrimina (ce
dernier mot doit se traduire par épreuves, traverses et non par dangers), Deus
ad vos me reduxisset, haud me ut peregrinum gravissimis temporibus mets,
opportunissimè eicepistis... sed ut penè civem vestrum amplexi estis ; quum
ea tempestas quae in patriam meam universam inundabat, me quoqi^ pecu-
liariter involutare videretur (remarquons ce futur conditionnel) faToreni
auxiliumque vestrum mihi clementer obtulistis, etc. »
JEAN DE SERRBS. 297
mépris jusqu'à présent sur le sens de ce texte, parce qu'on igno-
rait certains incidents désagréables de la vie de l'auteur, et que
celui-ci n'a voulu faire allusion à ces incidents qu'en termes
discrets et intentionnellement vagues. Rien ne l'obligeait, en
effet, à faire au grand public la confidence de ses ennuis per-
sonnels.
Essayons maintenant de tracer les lignes principales de sa vie
et de ses œuvi'es, en nous attachant avant tout, sinon d'une
manière exclusive, à ce qui entre plus particulièrement dans le
cadre de cette Revue.
I.
VILLENEUVE-DE-BERO. PREMffiR SEJOUR A lAUSANNE. GENEVE.
1540-octobre 1572.
Jean de Serres naquit, vers 1540, aux environs de Villeneuve-
de-Berg*, évidemment au Pradel, domaine paternel qui ne fut
érigé que plus tard en fief par suite de l'illustration d'Olivier,
car dans le contrat de mariage de notre historien, en 1569, le
père est simplement qualifié de « bourgeys de Villeneuf\'e en
Vivarays. » Sa mère s'appelait Louise de Léris (ou Lheris). En
outre du célèbre agronome, qui fut l'aîné de la famille et seigneur
du Pradel, il y eut un troisième fils, Raymond, qui est appelé
par Dorthès, dans son Eloge d'Olivier, « seigneur de Lauriol, en
Dauphiné. » Toutefois, dans le contrat de mariage de Jeanne de
Serres, fille de Jean, avec Salomon de Mercz, passé à Loriol, le
8 octobre 1611, dans la maison de Raymond, celui-ci n'est pas
indiqué comme seigneur du lieu. S'il avait eu cette noblesse, le
notaire n'aurait pas négligé ce détail alors important. Le pané-
gyriste a voulu donner ce qualificatif au frère de son héros par
pure politesse*.
Quant aux ascendants des Serres, ils étaient, d'après l'opi-
nion jusqu'ici accréditée, originaires du Vivarais. Un document
du xiv® siècle retrouvé sur les lieux par l'abbé Mollier prouve la
présence du grand-i)ère et du père d'Olivier et de Jean à Ville-
1. t VtH (Ic ViUcneufvcMlc-Bcrc, » dit un mémoire autographe de son gendre
Salomon de Merez, cité par M. de Gallier (/. de Serres, p. 17)-
2. Ibid.y p. 6.
HeV. IllSTOR. XXn. 2« FASC. 20
298 CH. DiRDtER.
neuve-de-Berg*. D'un autre côté, on pourrait induire de quelques
renseignements fournis par Prosper Marchand* que la Tour-de-
Serres, près d'Orange, qui sera, nous le verrons, « le bien prin-
cipal » de notre historien, aurait été le berceau de la famille;
ce serait dans tous les cas d'une branche aînée dont le chef se
serait appelé François^.
Après avoir fait ses études classiques à Lausanne, jusqu'à la
fin de 1558 ou au commencement de 1559, J. de Serres alla à
Genève pour suivre un cours de théologie. Il nous dit lui-même
dans répître au lecteur du t. I de son Platon qu'il s'était con-
sacré « dès l'âge le plus tendre » {ab ineunte œtate) au service
de réglise de Dieu. Il fit partie de la première fournée d'étudiants
qui, en 1559, peuplèrent la nouvelle académie fondée par Calvin.
Il est inscrit sur le livre du recteur : Joannes Serranus Viva-
riensis*. Il avait alors dix-neuf ans. Ses études théologiques
terminées, il fut bientôt élu, en juin 1566, « pédagogue desenfants
en l'hospital ^, » place modeste qu'il échangea au mois de juillet
contre celle de Jussy, quand le ministre de cette église de cam-
pagne, Jean Pinault, passa à la ville.
Au printemps de Tannée suivante, le vendredi après Pâques
1567, « il partit pour aller en son pays pour donner ordre à
quelques siennes affaires particulières*. > Ces congés reviennent
fréquemment et nous les signalons ici, parce qu'ils aident à com-
prendre un fait qui sans cela serait inexplicable, à savoir que le
pasteur réfugié ait pu connaître à fond et en détail les divers évé-
nements qui se déroulaient loin de lui dans sa patrie. Avec son
esprit investigateur et sa passion pour Tétude, il aura mis à
profit ces loisirs qu'il se ménageait très souvent, trop souvent
au gré des églises qu'il desservait.
Il se maria, le lundi 25 avril 1569, avec Marguerite, fille de
feu Pierre Godary ' et de IJernardine Richier. Cette famille, qui
t. Recherches hist. sur VUlen.'de-Berg, Avignon, 1866, p. 206.
2. Dict, hist.y t. ll« p. 213.
3. De Gallior, /. de Serres, p. 5.
4. Catalogue des Étudiants de l'Académie de Genève, de 1559 à 1850.
GenvHo, J.-G. Fick. ISlU). p. 3.
5. Archives de la Coiu|Kignie des Pasteurs de GenèTC, reg. B.
6. Ibid.
7. Ce nom de Giniary esl écril de diverses manières dans les documents
que nous avons consultés : Godarri, Godani, Godavi, Godari. Nous donnons la
vraie orthivgraphe d'après une signature autographe de Marguerite Godary qui
se trouve au bas d une redonniissance faite par J. de Serres à sa femme
(minute du notaire de Mme», Sabatier, datée du ï mai 1583}.
JEAN DE SERRES. 299
s'était réfugiée à Genève pour cause de religion*, était originaire
de Saint-Mihiel en Lorraine. Le mariage fut bénit dans la cathé-
drale de Saint-Pierre, « au sermon de six heures, » par le
ministre Nicolas Colladon *.
I^ contrat de mariage avait été passé, le 26 mars 1569, par
« Jehan Ragueau, notaire public et bourgeys de Genève, » « en
la maison de Jean d'Alamont, bourgeys de Genève, » qui était,
comme la famille de la fiancée, du pays de Lorraine'.
Trois semaines avant la célébration du mariage, le consistoire
s'était disciplina irement enquis de ce projet d'union « pour le
bas aage qu'on prétend la dicte fille pouvoir estre. > La mère et
la fille avaient dû comparaître devant le vénérable corps. « La
dicte Bernardine, lisons-nous dans le procès-verbal de ce jour, a
dict sa fille pouvoir estre aagée de quatorze ans, si elle avoit
atteint le premier dimanche de juillet prochain ; > et sur les
observations du consistoire qu'elle était bien j)ressée de marier sa
fille, la mère déclara que « combien qu'elle l'heust promise à
présent elle heust bien préféré de la garder encore ung an ou
deux n'heust esté le bon party qui luy est survenu présentement,
lequel elle n'a osé laisser passer. Sur ce que dessus, combien que
la dicte fille soit de petite et debille stature, estant néanmoins
1. Pierre Godary fut rorii bourgeois de Oenève gratis, le 8 mai 1559, f A
cause des services qu'il peut rendre |H)ur les fortifications, o Ailleurs, il est dit
qu' c il est homme ingénieux pour les forteresses, et est venu icy pour la
parole de Dieu • (Amédée Roget, Hist du peuple de Genève, t. V, p. 55Î). Son
beau-ptïrc, Ligier ou Léger Ricbier, célèbre sculpteur lorrain, s'était aussi
n*liré à Genève |>our cause de religion, et il y mourut deux ans avant le mariage
de sa |>etite-(ille avec J. de Serres. Il y a dans les minutes de J. Ragueau,
notaire, t. IX, p. 539, aux archives de Genève, à la date du 23 septembre t567,
un acte de partage de ses biens, sis à Saint-Mibiel, en Barrois, et de sommes
])Iacées à Genève, entre sa veuve, Marguerite Royer et ses deux enfants, Gérard
et Bernardine. C« grand artiste, dont on s'occupe beaucoup à cette heure, est
une des gloires du protestantisme français.
2. Reg. des mariages du Saint-Pierre, vol. 1558-1571.
3. Arch. de Genève, iiiinutes de J. Ragueau, t. XI, p. 232. Nous pouvons
ainsi rectifier une erreur commise par un des gendres de J. de Serres, Salo-
mon de Merez, dans un Mémoire publié par M. de Gallier (p. 17). D'après ce
Mémoire f le mariage aurait eu lieu i à Losane, le 2G* mars 15G9. » Otte date
est celle du contrat, non du mariage, et c'est à Genève que contrat et mariage
ont eu lieu. I^ jeune é|N»use apporta on dot « la somme de quinze centz
esculz en deniers faisant la somme de troys mille sept centz cinquante Uvres
tournons et en meubles cent escutz. i La mère devait garder l'argent en
payant l'intérêt jusqu'à ce que ré|K)ux eût de quoi représenter et garantir la
dot. 1^ somme de trois mille francs était due à celui-ci « par son frère The*
ritier » (Olivier de Si»rres).
300 CH. DARDIEn.
parvenue à Taage susdict on a renvoyé les parties à nos très
Hon. Seigneurs, qui sont priés les ouir de ce chef et après avoir
considéré lefaict en faire telle vuidance que leurs prudences sau-
ront trop mieulx congnoistre et estre expédient*. » Le conseil
autorisa le mariage, la loi ne s'y opposant point. Au reste, la
jeune épouse grandit et se fortifia devant Dieu et devant les
hommes, pour le bonheur de son époux, car elle lui donna neuf
enfants*.
Quelques mois après son mariage, J. de Serres éprouva une
singulière difficulté, unique peut-être dans son genre. Il était
allé en ville, où sévissait la peste ; ses ouailles de « Fonsonay >
(Foncenay, alors annexe de Jussy) ne voulurent point, par
crainte de la contagion , qu'il allât leur prêcher. Le pasteur ,
embarrassé , demanda au conseil ce qu'il devait faire. Sur
1. Reg. du consist. de Genève, extraits Cramer, autogr., in-4% p. 160. —
Nous trouvons dans la minute du contrat la confirmation de la f petite et
debille stature > de Marguerite dont parle le registre du consistoire. Sa mère
a gardé entre ses mains, depuis la mort du père, « la somme de douze centz
esculz en deniers prenant chascung escut pour cinquante soiz tournoys, • qui
était une partie du a bien et fond paternel. » Et en rendant compte de la ges-
tion de cette somme, elle ajoute : f Et ce depuys neuf ans ou environ pen-
dant lequel temps elle a nourry et entretenu sa dicte fille, mesmes pour ce
qu'elle estoyt de petite complexion et souvent mallade a extraordinairement
frayé grandz deniers aux médecins et apothicaires dont toutesfoys elle n'a
heue aucung mémoire ou registre pour n'avoir tousiours heu la commodité
d'ung cler. »
2. Nous donnons ici, en la complétant d'après les registres du consistoire
et ceux de l'état civil de Nîmes et aussi un mot d'une lettre inédite de Serres,
la liste de ces neuf enfants, que nous trouvons dans l'opuscule de M. de Gai-
lier, p. 14 :
1* Marie, déjà morte en 1612, épousa Louis Giraud;
2** Suzanne, épousa Salomon Faure ou du Faure ;
3** Jeanne, née sans doute à Villeneuve-de-Berg en décembre 1579 (Reg. du
consist. de N., t. III, p. 85), épousa Salomon de Merez en 1011;
4* Bonne, baptisée à Nîmes le 24 mai 1581, épousa à Loriol Claude de Cliou ;
5*> Isabeau, baptisée à Nîmes le 2 octobre 1582, épousa Jacques Pissis,
notaire et procureur à Crest;
6*" Catherine, sans alliance ;
7* Gabrielle, épousa Jean Cuchet, docteur en théologie à Châteaudouble ;
8* Jean, né sans doute en octobre 1589 (Reg. consist., t. V, p. 284), inscrit
comme étudiant en théologie à Genève {Livre du Recteur , p. 82) : Johannes
Serranus Auransionensis (d'Orange) fUius lohannis Serrani hùtoriographi
regii, die 23 aprilis 1616;
9* Théodore, né avant le mois de juillet 1594, car le 25 de ce mois, de
Serres écrit à Th. de Bèze : « Et mesme mon petit Théodore qu'on appelle
vostre fiUeul, s'il savoit parler, vous en diroit autant » (Bibl. nat., collect.
Dupuy, t. CIV, f. 132). U mourut à Nîmes le 3 janvier 1610.
JEAN DE SERRES. 301
quoi ce dernier arrête < qu'on en ayt avis des ministres*. >
Dans cette même année 1569, il se mit à la composition de son
premier ouvrage, qui devait jeter un si grand lustre sur son nom,
et qui est aujourd'hui pour nous la meilleure et la plus intéres-
sante partie de son bagage littéraire : Commentariorum de
statu Religionis et reipublicœ in Regno Galliœ I. Partis^
Libri II L Regibus Henrico secundo ad illius quidem
regni finem, Francisco secundo, et Carolo Nono. Reco-
gniti et plensque in locis emendati, Excusum anno salu-
tis 1572. Nous donnons le titre de la seconde édition. La
première a dû paraître Tannée précédente, mais nous n'avons pu
jusqu'à présent nous en assurer de visu; car si les cinq parties
de ces Commentait^es sont rarissimes, la première édition de la
première partie est introuvable*. Dans tous les cas, la deuxième
partie et la troisième ont paru pour la première fois en 1571,
puisque les deux volumes qui portent cette date et que nous
avons vus à la bibliothèque du protestantisme français, place
Vendôme, à Paris, ne disent pas que ce soit une édition nouvelle,
revue et corrigée, ce que les auteurs même anonymes ne
manquent jamais d'indiquer.
Chacun de ces trois volumes ou parties est divisé en trois
livres. Le premier volume va du mois de septembre 1557 (sur-
prise et massacre de l'assemblée des protestants à Paris dans la
rue Saint-Jacques) à l'édit de janvier 1562. Le dernier tiers du
volume est consacré au colloque de Poissy.
Le second volume raconte la première guerre civile. Il va de
redit de janvier 1562 k l'édit de mars 15^3 et au supplice de
Poltrot de Méré, assassin de Fr. de Guise.
Le troisième volume va du printemps de 1563 au mois
d'août 1570 et contient le récit de la seconde et de la troisième
guerre civile.
1. \\ù%. du conseil (lo Genève, 5 août 1569.
2. Nous croyons que rêdition princc|)8 du premier volume ou première
partie n'est pas de 1570, comme le dit Bninet {Manuel du libraire, II, 187),
mais de 1571. entre autres raisons parcelle-ci; l'auteur lui-même, dans la qua-
trième édition de ce volume, dit : c Cet opuscule a dépassé num attente; je
croyais qu'il ne durerait ((u'un jour, et \oilà la septième année qu*il est sorti
de son berceau u {seplimus annus a suis incunatmlis ridet adhuc supersti-
tem). La (fuatrième édition étant de 1577, la première dtmt il parle doit donc
être de 1571. Au reste, il fallait bien au moins deux ans complets à l'auteur
|HMir prendre toutes les informations et recueillir tous les documeots histo-
riques dont il a rempli son ouvrage.
302 CH. DARDIËR.
Le tome quatrième ou la quatrième partie conteDant les
livres X, XI et XII parut en 1575, et va du terrible hiver
de 1570-71 à la mort de Charles IX, 30 mai 1574.
Cinq ans plus tard, la cinquième partie ou cinquième tome
comprenant les livres XIII, XIV et XV sortit des presses de
Jean Jucundus de Leyde, 1580. Ce volume va de la mort de
Charles IX à l'édit du 6 mai 1576.
Le dernier volume est le seul qui indique le lieu d'impression.
Tous les autres se taisent à cet égard. Mais les trois premiers
durent paraître à Genève et le quatrième à Lausanne.
L'auteur n'a mis son nom à aucun de ces volumes ; toutefois
l'hésitation n'est pas permise. Brunet prétend^ que « la première
partie de cet ouvrage curieux est une traduction des Commen-
taires de V estât de la religion^ de Pierre de la Place. » C'est
une erreur*. Et il ajoute que « les autres volumes sont attribués
à Jean de Serres. » Nous devons être plus affirmatif sur ce der-
nier point. Les quinze livres de nos Commentaires sont incon-
testablement de notre historiographe ; il en a revendiqué haute-
ment la paternité dans un ouvrage qu'il a signé de son nom.
Dans la préface sous forme d'épître aux Français qu'il mit eu
tête de son Inventaire général de Vhist, de France^ et qui
fut écrite en 1595 (c'est du moins la date du « Privilège du Roy »
qui fut signé à Lyon le 13 de septembre de cette année), il dit :
« Il y a vingt et six ans environ (donc en 1569) qu'on me
poussa fort jeune sur le théâtre, pour y faire voir l'histoire de
nos malheurs. Le désir des nations estrangeres enfanta ce des-
sein, curieuses de sçavoir le particulier récit de ces tragédies. A
raison de quoi je presentay ce coup d'essay en latin, pour estre
entendu par les estrangers. Je le tenois pour avorton, et estimois
sa mort à fort petite perte. Le succez neantmoins en a esté plus
grand que mon projet. Car ayant esté caressé par le public outre
son mérite, il s'est tellement acreu que d'un livre en voila quinze,
et mesme refaits par diverses impressions. Et à mesure que l'en-
fant s'est augmenté, aussi son père a eu diverses commoditez de
lui faire du bien. »
Il est donc bien l'auteur, le « père » des quinze livres des
1. Man. duHhr,, II, 187.
2. J.-A. de Thou, dans son Hist. univ.y indique parmi Jcs sources où il a
puisé : Johannes Serranus et P. de la Place, preuTe que ces deux auteurs
aTaient publié des ouvrages qu'il savait distincts.
JEi\ DE SEKEES. 303
Commentaires. Si la première partie avait été une simple tra-
duction de l'ouvrage de Pierre de la Place, c'aurait été une
insigne maladresse de no pas le dire, car il n'aurait pu le cacher
longtemps au public. Il suffit, d'ailleurs, de confronter quelques
lignes des deux opuscules pour voir que l'un n'est pas du tout
une traduction de l'autre. Ce qui nous parait vrai, c'est que J. de
Serres a eu sous les yeux, pour composer son premier volume,
les Commentaires de La Place, dont deux éditions avaient paru
en 1505. Et il y fait, croyons-nous, allusion dans la Praefatio
ad leciorem de la quatrième édition de son ouvrage (1577) :
« A part, dit-il, certains écrits nés des circonstances mêmes, et
certains Commentaires en français, rien, que je sache, n'a été
publié, et j'ai écrit de manière à être compris de tous*. » Il y a
des pages entières qui sont identiques, cela est vrai, mais ce
sont des documents officiels, requêtes, arrêtés ou disœurs, qu'il
fallait reproduire textuellement sous peine d'infidélité : ainsi le
discours de Th. de Bêze au colloque de Poissy (p. 128-141) et sa
réponse au cardinal de Lorraine (p. 148-163). Il y a pourtant
dans le récit de ce colloque quelques détails qui ne se tnjuvent
pas dans l'ouvrage de La Plaoe.
J. de Serres a eu certainement d'autres sources à sa di«p>sition.
Lesquelles? Nous avons intérêt à le rechercher, car un historien
n'a de valeur que par les d^xruments qu'il a pu œnsult/;r, Ir»
informations qu'il a prises, \f> mf>i*;les dont il .s'est inspiré, l'es-
prit enfin qu'il a apporté à la mi-se en œuvre de ces rens^'igne-
ments.
Disons d'abord qu'il a pris j<iur guide le plus célèbre de tous
les historiens prot^tants du wt siècle. Slei^lan, qu'il ap[Kflle
avec raison < vir dc^-tissimus > et dont les CoynmerUarii de
statu religionis et reipuhlicae Carolo V caesare excitaient
une admiration uL-vervrlle. Il commence T^m hist/^ir»? au [Kjint
précis où son illu.%tre uï<A^\^ l'avait laLsjséie. a savoir en 1557 ; et
il semble s'être emparer dj litre de .v>n fj\i\rà'^h, fK>ur marquer
qu'il suivra la mérr-^ rr^tb-yie.
Nous ne mettoLs pa.» e:. doute que J. de .Serr*î» n'ait eu en
main YHist. des Ma* t*/r$ de Crespin, dor,t cinq êriitions (leH
f. € Prêter «irn *^n;U q*»**l*î*i 4 r*: tt*U HjU, *-i q'iOt4am fjailiro «^r-
moM^ comment fanion mi.: 'f\j4 ki/utt* t/ru^n^tutn ^-lUI rn* îU <onw rij»-
tam ot àb otB^iibu* f^^taf.\z'iMr isULiiiJ |-f/**jt » ;• ^-^it , !", t. I, f' ij r.
304 CH. DiRDIER.
deux premières et la cinquième en français » la troisième et la
quatrième en latin) étaient déjà sorties de presse, à Genève, du
vivant de l'auteur, le célèbre imprimeur-libraire : 1554, 1555,
1556, 1560, 1570. On pourrait sans peine indiquer les emprunts
divers qu'il a faits à cet ouvrage. Et il faut convenir qu'il ne
pouvait mieux trouver en fait d'exactitude et d'indépendance;
car le Martyrologe^ suivant le témoignage de La Faye, dans
sa Vie de Bèze, a été composé avec le plus grand soin, un tra-
vail incroyable et une bonne foi extrême. Et ce témoignage d'un
contemporain est confirmé par les découvertes qui, depuis la
renaissance des études historiques, sont faites chaque jour dans
les diverses archives d'État où sont déposés les documents officiels.
J. de Serres a pu également utiliser les deux opuscules de Th.
de Bèze, qui avaient paru à Genève en 1561 : Les harangues
de Bèze faites au colloque de Poissi, et Ce qui a été pro-
posé au colloque de Poissipar Th. de Bèze. I^s pièces qu'il
y trouvait étaient d'une authenticité indiscutable.
A quelles autres sources écrites notre historiographe a-t-il
puisé? — Pour les éditions de son ouvrage autres que la première,
nous croyons pouvoir indiquer les Mémoires de la troisième
guerre civile et les derniers troubles de la France,
C /taries IX régnant, composés en quatre livres contenant
les causes y occasions, ouverture et poursuite d'icelle guerre,
Marc, XIII, 7. 1571, 481 pages in-l2, plus 4 pages d'indice*.
C'est probablement un des écrits auxquels il fait allusion dans
l'épître dédicatoire de l'édition de 1575 de son t. III, et qu'il
avoue « avec ingénuité > avoir mis largement à contribution *.
Ces Mémoires lui sont généralement attribués, mais à tort.
S'il en avait été l'auteur, il l'aurait dit, en particulier dans la
préface de son Inventaire (1597). Il n'aurait eu alors aucun
motif sérieux de garder l'anonyme, puisqu'il avouait la paternité
des quinze livres de ses Commentaires, qui sont pourtant écrits,
1. Un exemplaire de ces Mémoires se tn>uTe, à noire connaissance, à la bibl.
lie la place Vendôme, et un autre à la bibl. publ. de GenèTe, sauf le titre qui
manque. Ils ont été reproduits à la tin du t. 111 dos Mémoires de lestai de
lYance sous Charles Heufviesmet èdit. de 1578, dite en gros caractères, Mei-
delbourg. II. Wolf ; il y a une autre édition, de la même année 1578, en petits
caractères, qui iie les retmnluit pas.
'2. c .\ccedit etiam aliorum quorumdam scriptorum coUatio. ex quibus ali-
quid utilitatis nos n^iHuiâsse ingénue fètemur. »
JEAN DK SERRES. 305
comme les Mémoires, dans un esprit très sjmipathique aux
réformés. Nous savons, d'ailleurs, qu'il a écrit en latin sur le
désir des étrangers ; pourquoi alors aurait-il écrit des Mémoires
en français?
Les meilleures et les plus récentes de ses informations, et il le
dit lui-même dans les préfaces des diverses éditions de son
ouvrage, il les a recueillies de la bouche de ceux qui avaient vu
de leurs yeux les événements dont il avait à donner le récit.
Genève et Lausanne étaient des centres où aboutissaient toutes
les nouvelles qui intéressaient les églises réformées de France;
c'est dans leurs murs surtout que les réfugiés affluaient de tous
les points du royaume* ; et le futur historien était parfaitement
placé pour apprendre de ces « témoins oculaires > une foule de
détails authentiques concernant les diverses provinces, mieux
peut-être que s'il n'avait pas été « exilé sur la terre étrangère. »
Aussi avait- il le droit de dire : « Nous pouvons affirmer
loyalement que nous n'avons rien écrit qui ne soit l'exacte
vérité*. »
Et dans la préface de la quatrième édition, de 1577, l'auteur
répète en les soulignant ces mêmes déclarations. « Quant à nous,
dit-il, nous attestons et confirmons que nous avons écrit en toute
vérité, simplicité et candeur, sans aucun esprit de parti. Ce n'est
point sur de simples rumeurs que nous avons recueilli les faits
rapportés, mais sur des preuves certaines ; aussi ne craignons-
nous pas d'en appeler au témoignage de ceux qui ont vu ces
choses de leurs yeux et qui sont encore vivants'. »
1. A Genève, les Français étaient si nombreux qu'on se serait cru n au
milieu de la France, » dit un de ces réfugiés, Lambert Daneau : c II le Galli
inter Gallos tanquam m média ipsa GalHa, multi antea nobis mutuo noti,
versemur i (Lettre k Zanrhius, datée de Genève 9 mars 1577 : P. de Félioe,
Lamh. Daneau).
2. « Hoc quideni sanctè |K)ssumus affirmarc, nihil nos scriptis mandasse,
quod à v«'rilate alienum esset. Collatis tamen cum iis bominibus, qui illarum
reruni ferè fuissent avt/jTCTai. sermonibus, et in iis quidoin ipsis rébus quibus
nos in pere^rino solo exules minime interfuissemus, fatemur in ipsarum renim
rouimemoratione inultas circumstancias rerum, lemporum, personarum, facto-
rum, dictonimque ila notasse, ut nova haec editio superiori multô sanè sit
anteponenda o (t. 111, tô7r> : Chrisliano et veritatis studioso lectori).
2. « De nobis testamur et confirmamus, nos omnia verè, simpliciter, can-
dide, nullo prorsum partium praejudicio perscripsisse : et ea quidcro quae
non rumoribus collecta, sed certissimis argumentis explorata sunt : ut eos
qui adhuc supersunt, rerum istarum quas describimus, oculatos testes,
306 CH. DARDIER.
Il ne se flatte pas d'écrire une histoire complète (justam) de
rétat de la religion en France : le moment n'est pas encore venu,
dit-il; les événements sont trop récents et ils n'ont pas déroulé
toutes leurs conséquences. Son ambition a été d'en donner une
simple esquisse (oxoYpaç^av). D'habiles gens viendront plus tard
qui feront cette œuvre. Pour lui, il veut fournir des matériaux à
ces futurs historiens, et aussi offrir aux étrangers qui déplorent
nos malheurs^ une idée des grandes choses qui se sont passées dans
sa patrie. Son ambition a été pleinement satisfaite sous ce double
rapport.
Il ne cache point ses sympathies pour les « Fidèles > qui à l'ori-
gine étaient, dit-il, cruellement persécutés par cet unique motif
qu'ils préféraient la véritable et pure doctrine de l'évangile renais-
sant aux vieilles traditions des hommes*. Quand, à bout de
patience, ils prennent les armes pour défendre leur liberté que des
édits royaux leur avaient octroyée, il repousse avec vivacité le
reproche qu'on leur adressait d'être séditieux et rebelles. « Et
d'où partent ces accusations? s'écrie-t-il, de ceux qui, abusant
du nom et de l'autorité du roi dans l'intérêt de leur tjrannie,
voudraient anéantir la majesté royale elle-même ; et parce qu'ils
en sont empêchés par les Fidèles, ils vomissent contre eux pour
ces prétendus forfaits tout le venin de leur haine... Les vrais
rebelles sont ceux qui, prenant faussement le nom et l'autorité des
princes et violant effrontément toute justice, persécutent l'Église,
s'efforcent d'éteindre l'Evangile, et à la manière des géants font
à Dieu une guerre furieuse^. »
Ces lignes sont sévères, mais elles s'expliquent par la date de
leur composition : c'était peu de temps après la Saint-Barthélémy,
et alors que la Ligue, fomentée par le pape et par le roi d'Es-
pagne, songeait à enfermer Henri III dans un monastère- et à
mettre la couronne sur la tête du duc de Guise. Ce n'étaient pas
ipsumque adeô tempus, non dubitemus appellare i {Praef. ad lectorem, 1577,
l. I, f» iij vo).
1. c Peregrinarum nationum hominibus yicem nostram dolentibus > {ibid.,
f* iij r).
2. « Ea tantum de causa quod nascenlis Erangelii germanarn puramque doc-
trinam inveteralis hominum commentis anteponant i {Ibid,),
3. a Itaque crimina ab illis opponuntur qui Régis Majestatem maxime exlinc-
tam vellent : et quod a Fidelibus fuerint impedili, omne suorum odiorum
virus in illos confictis criminibus cvomunt... gigantumque more cum Deo
furiose beUigerantur i (Ibid.).
J£A> DE SERRES. 307
seulement les protestants qui pensaient comme notre auteur,
c'était le grand parti national des Politiques.
J. de Serres a répondu d'avance à une objection qu'il prévoyait,
à savoir qu'il aurait dû narrer les faits purement et simplement,
avec indifférence (azaOû;), sans un mot de louange ou de blâme,
(^tte manière d'écrire l'histoire ne lui plaisait point, et elle n'était
guère possible, il faut l'avouer, alors qu'on était encore sous le
coup des premières émotions. Tout ce que peut demander le lec^
teur le plus exigeant, c'est que l'auteur ait une exacte connais-
sance des événements qu'il raconte; or J. de Serres n'a rien
négligé pour l'avoir aussi exacte que possible ; il l'a cherchée soit
dans les actes publics, soit dans les lettres de ceux qui ont joué
quelque rôle et dont il a en main, dit-il, les autographes, soit
dans leurs discours et déclarations ; il a d'ailleurs été lui-même
en position de voir bien des choses et il les a notées avec soin * .
Aussi, d'une édition à l'autre, ses Commentaires sont-ils
enrichis de faits nouveaux et de documents qu'il n'avait pu d'abord
i*ecueillir. « Pour ne pas abuser de ta patience, dit-il au lecteur,
je n'ai pas voulu te présenter cette quatrième édition négligée
(iTTijjiiXYjTov) et sans aucune augmentation. Si tu en retires quelque
utilité, j'en rendrai grâce à Dieu, et m'estimerai bien payé de ma
I)eine'. »
Il a, d'ailleurs, la plus haute idée de la charge et des devoirs
de l'historien. Il fait de celui-ci le ministre et la trompette de la
Providence divine^. « L'histoire, dit-il, non seulement dresse la
liste des accusations contre les impies et en consacre l'éternel
souvenir, mais encore elle les traîne bon gré mal gré devant le
tribunal de Dieu. Que peut-il y avoir de plus amer pour les cou-
pables, que d'avoir à redouter les sévères arrêts de leur juge ? La
véridique histoire doit donc s'attendre à soulever des haines;
mais Dieu suscitera toujours des ministres de sa vérité. Que si les
Néron, les Caligula, les Commode, les Héliogabale et les autres
monstres n'ont pu, dans leur cruelle et impuissante fureur, emi)è-
cher les libres jugements et les libres paroles de ceux de leurs cour-
1. c Kx artis publiri» vel ex litcris gerentium (quortim autographa pênes
nos habemus), vel ex ipsoruin illorum ore et sernionibus, Yel ex iis ipsis, quâe
ipsi vidiinus et notavimus » {Praef,, 1580, t. V).
2. T. I, 1577, f-j V.
3. « Libertatem historiae, quam Divinae Providentiae mioistram et (ubam
apjiellare debemus » (t. V, 1580).
308 CH. DARDIER.
tisans qu'ils n'avaient pas tués, est-ce donc aujourd'hui que dans
l'église de Dieu et pour juger les forfaits des ennemis de la vérité,
la pointe des jugements des hommes pieux sera émoussée et leur
bouche fermée ?» Il parlera donc hardiment ; il mettra en lumière
ce qu'il a appris d'une manière sûre. « Le seul moyen de venger
les victimes n'est-il pas de flétrir la cruauté et l'injustice des bour-
reaux* ? »
Il faut donc s'attendre à voir dans les Commentaires bien des
lignes où l'on sent que la plume a tremblé dans la main de l'au-
teur. Mais comme il s'attache scrupuleusement à ne dire que la
vérité, cette émotion donne à son récit une chaleur qui se commu-
nique et qui n'est pas sans une certaine éloquence.
Pour se faire une juste idée de sa manière, qu'on lise les pages
qui racontent le massacre de la Saint-Barthélémy. Elles se
trouvent dans le tome IV (f. 28-45), qui parut en 1575*, assez
près de l'événement pour que l'auteur ait été un des premiers à
donner les détails de cette nuit terrible. C'est là que la plupart
des historiens postérieurs ont puisé, largement et avec confiance.
Aujourd'hui ces derniers sont cités, qui pourtant n'ont été que
les copistes, et l'original est oublié. Nous voudrions bien réparer
cette injustice ; mais ici comment faire rendre à César ce qui est
à César ? Il faudrait entreprendre une nouvelle édition des Com-
mentaireSy ou mieux encore en publier une bonne traduction.
C'est le vœu émis récemment par M. de Gallier, président de la
Société d'histoire et de statistique de la Drôme ; celui-ci toutefois
relève avec raison la difficulté d'une œuvre semblable 3.
Notre historien ne se demande pas si la Saint-Barthélémy a
été préméditée ou non : cette question ne se posait pas pour les
1. Ibid.
2. Nous avons eu eo main la seconde édition du t. IV, 1577, qui csl à la
bibl. publ. de Genève. Ce tome présentait, comme les quatre autres de cet
ouvrage, cette particularité remarquable, qu'il n'avait jamais été coupé, par
conséquent jamais lu, chose rare pour un livre vieux de trois siècles, mais
qui prouve dans quel oubli notre historiographe est tombé. Il y a, à la même
bibliothèque, les quatre premiers volumes d'un second exemplaire, mais de
diverses éditions, comme c'est du reste le cas pour l'exemplaire complet.
3. 0 II serait à désirer qu'un érudit entreprit une nouvelle édition de ce
livre, devenu d'une extrême rareté, malgré les réimpressions contemporaines
de quelques-unes de ses parties. Mieux vaudrait encore, pour le mettre à la
portée de tous, une bonne traduction, que rendrait fort difficile, il est vrai, la
forme latine un peu arbitraire des noms de personne et de lieu » (A. de Gal-
lier, /. de SerreSj p. 7).
JEAN DE SERRES. 309
contemporains, tellement la préméditation était évidente à leurs
yeux. Pour lui, même avant l'entrevue de Bayonne (1565),
Catherine et le duc d'Albe s'étaient déjà entendus pour arriver à
la destruction du protestantisme, et les massacres du mois
d'août 1572 ne furent que l'exécution du complot*.
Les trois premières parties des Commentaires avaient été
favorablement accueillies par le public. Encouragé par son succès
même à poursuivre ses recherches, l'auteur se voyait à regret
retenu à Jussy par ses fonctions pastorales. Les congés qu'on lui
accorde assez souvent ne lui suffisent plus ; il veut rompre et non
simplement dénouer de temps en temps les liens qui le retiennent
dans sa cure de campagne. Et à cette occasion il lui advint cette
aventure à laquelle nous avons fait précédemment allusion, et
qui le fit revenir précipitamment à Lausanne. Nous transcrivons
ici, en les abrégeant, les procès- verbaux de quelques séances de
la Compagnie des pasteurs de Genève*.
Le 15 août 1572, il fait demander par Th. de Bèze un congé
de six semaines ; il faut qu'il parte ; il a, dit-il, des « fascheries >► ;
sa belle-mère est malade ; lui-même l'a été ; des affaires pressantes
l'appellent dans sa patrie. Il y avait quelque chose de vrai dans
ces raisons; mais en réalité il estimait, d'après un propos de lui
rapporté par un de ses collègues, « qu'il avoit assez traîné la
chamie d'avoir esté six ans à Jussy, > et il veut reconquérir sa
liberté en se démettant d'une charge qu'il ne saurait plus remplir
« avec joie. > Il est sommé de venir lui-même s'expliquer devant
la Compagnie, le vendredi 29 août. Et là, * il insiste jusqu'au
bout, disant qu'il estoit pour en devenir fol si on le laissoit là plus
longuement. » A toutes ses supplications, ses instances, ses col-
lègues répondent avec une certaine dui'eté : que s'il a été malade,
c'était un jugement de Dieu qui « luy avoit envoyé cette maladie
pour l'advertir et pour manifestement le détourner de son méchant
et lâche propos, pour l'amener à amendement ; > et que si sa belle-
mère n'avait pas de santé et < se vouloit remuer, » il la laissât
1. c Con(irmati veri) hune in inoduin focderis istius ad Religiosorum niioaro,
effecta posl apparuerunt » (l. III, f* Cl, cdit de 1575). — Celle quesUon de la
prémédilalion a été agilée de nos jours, et nous semble résolue dans le sens
do l'affinnative par les travaux de MM. Henri Bordier, Wuttke, Arlon,
Wijono, Baumgarten^ Combes, P. de Félice et Jules Doinel (BuUeiin du Prot.
fr.y n- du 15 juin 1882).
2. Reg. B.
340 CH. DARDIBR.
partir, attendu « qu'il ne Tavoit pas espousée. > Le pauvre pas-
teur, froissé, vexé de cette obstination à le retenir malgré lui,
perd un instant la tête. Il avait dit à Cujas, l'illustre légiste, alors
à Valence, qu'il serait dans cette ville à la fin du mois d'août, et
il prend ses mesures pour que cette promesse se réalise. Il fait
emballer secrètement ses meubles et ses livres et les fait transpor-
ter au delà du Ponlr-d'Arve, qui était alors la frontière de la
petite république. Il aurait pu, convenons-en, trouver un moyen
moins brutal de briser sa chaîne. Il fiit sévèrement puni de cette
inconvenance. La Compagnie, le trouvant « mal affectionné à sa
charge » et « en grande variété de propos, » l'accusa « d'ingra-
titude et avarice. » Rapport est fait à Messieurs du Conseil, qui
interrogent le prévenu, le samedi 30 août, et l'envoient en prison
« pour l'ouyr puis après plus amplement ; » il est en outre sus-
pendu du ministère et de la cène par la Compagnie.
On doit comprendre qu'après une telle mésaventure il ait été
heureux de revenir à Lausanne.
II.
SECOND SÉJOUR A LAUSANNE. FIN DE 1572 A LA FIN DE 1578.
Les préparatifs de départ durent se faire même en grande hâte,
car il emporta par mégarde le livre des baptêmes de son église
de Jussy : il fallut le lui redemander par lettre, à la fin de
novembre 1572. En exprimant, dans la dédicace du t. III de son
Platon, toute sa gratitude à Messieurs de Berne pour leur gra-
cieux accueil, il ne s'est pas senti disposé à dire urbi et orbi
pour quel motif il revenait auprès d'eux après quatorze ans d'ab-
sence. Il nous semble même, en un certain endroit, avoir voulu
dépister les indiscrets, car il a l'air de se mettre sur la même
ligne que les réchappes de la Saint-Barthélémy qui arrivaient à
Lausanne en même temps que lui. « Quand, par la volonté
insondable, mais toujours juste de Dieu, les temps néfastes arri-
vèrent où, après la dispersion de nos églises, un grand nombre
de fidèles cherchèrent un refuge auprès des nations étrangères,
moi aussi, dit-il, avec ma famille , je me retirai à Lausanne
au sein de votre répubUque, comme dans un port assuré, et je fus
accueilli par vous avec la plus grande humanité. Là, après
m'être remis peu à peu de cette épouvantable consternation qui
JEAN DE SERRES. dH
frappait tous mes frères, fêlais cependant moi-même tour-
menté par d'incroyables chagrins, et je ne voyais luire aucun
espoir d'une situation meilleure. Comme après une grave maladie,
mes forces étaient abattues ; il ne s'offrait à moi aucun genre
d'études qui pût m'assurer le repos; et je cherchais anxieusement
de divers côtés comment j'emploierais mes loisirs, ne sachant k
quoi m'arrêter. Dieu me fournit alors une occasion qui me tint
occupé deux années durant à l'étude de la philosophie de Platon.
Ce fut pour moi une grande volupté et un adoucissement aua^
préoccupations de diverse nature qui m'avaient assailli*. >
Cette occasion providentielle qui s'offrit à lui d'étudier Platon
fut sa nomination par Messieurs de Berne à la place de principal
du collège de Lausanne et régent de première*. Et il put leur dire
que c'était < chez eux, c'est-à-dire avec leur aide, dans un de leurs
édifices publics, et sous les auspices et les conseils de leurs hommes
de lettres, que son œuvre avait été conçue et poursuivie 3. >►
Il voyait alors dans l'intimité Biaise Marcuard, qui fut de 1573
à 1576 professeur de philosophie à l'académie de Lausanne, et
qui, depuis 1570, donnait aussi par intérim des leçons de théolo-
gie ^ Ce professeur eut connaissance par hasard des notes que de
Serres avait mises autrefois au Phédon de Platon pour son propre
usage, et il l'encouragea fortement non seulement a poursuivre
ces annotations pour les autres livres du disciple de Socrate, mais
1. c ... Non sino magna Yoluptatc, magni laboris contentioncni variorumque
negotiorum in me ingruentium taedia teniente occupatum detinucrit • (Plat.,
t. III, ij).
2. Archives cantonales vaudoiscs, t. II des Kirchen und Académie Gescha^fle.
De Serres succéda, comnie principal, à Ch. Vemet, min. de château d'Oex,
qui avait été nommé le 8 novembre 1570. Nous verrons qu'il se démit de sa
charge le 17 février 1578.
3. « Quippe qui (foetus) apud vos, id est praesidio vestro, restris in aedibus,
vestrorumque homioum aus{)iciis atque consiliis, natus sit atque educatus >
[Plat., l. III, ij V).
4. RI. Marcuard, de Paverne, avait succédé, eo 1559, comme principal du
collège [Schulmeister)y à Fr. Uerald, qui avait succédé lui-même à Mathuriu
Cordier. H parait avoir rempli sa charge jusqu'en 15Gi. De 156i à 157G, il fut
« maître des douze enfans de Messieurs de Berne, » titre qui, dès 156*2, se con-
fond avec celui de profetsor artium. Ce dernier litre, dès lors, prévaut seul.
C'est ce <|u'on appelait le professeur de philoso{)hie. Ses prédécesseurs avaient
été : Caelius Secundus Curio, Zebcdaeus, Quintin le Boiteux, Kustache du
Quesnoy, Jean Tagault, Béat Comte. Il prit ctmgé le 7 mars 157G pour aller au
collège de Berne, et dut mourir l'année suivante, car de Serres, dans la dédi-
cace du t. IIl de son Ptaton, datée du 1*' octobre 1577, |>arle de sa mort
récente.
Si2 CH. DARDIER.
encore à préparer une traduction nouvelle de ses œuvres U De
nouveaux encouragements lui furent donnés par quelques hommes
de lettres auxquels il avait communiqué ses premiers cahiers.
Après un dur labeur, Tœuvre entière fut parachevée et sortit des
presses de l'illustre imprimeur de Genève, Henri Etienne*. Les
caractères grecs et latins sont d'une admirable pureté et d'une
« magnificence royale. > L'imprimeur en donne la raison dans
son épître « lectori (ptXoTrXaxévi » : « Il fallait bien, dit-il, faire
cet honneur au roi des philosophes 3. » Le t. I est dédié à la reine
Elisabeth d'Angleterre ; le t. II, au roi d'Ecosse, Jacques VI,
sur le conseil de Th. de Bèze; le t. III, « Inclytis Bet^natum
reipublicae consulibus, »
Le latin de notre traducteur est élégant ; la phrase se déroule
avec une ampleur toute cicéronienne. Mais la pensée de Platon
n'est pas toujours serrée d'assez près. Cette nouvelle traduction
ne parvint pas à faire oublier celle de Marsile Ficin (1491), qui
jouissait alors d'une grande réputation. Elle peut encore cepen-
dant, au témoignage du P. Lami, être consultée avec fruit pour
les sommaires très bien faits de la doctrine du philosophe grec
que de Serres a mis dans son ouvrage, et aussi pour les discussions
critiques du texte dont H. Etienne l'a illustrée. Th. de Bèze en
faisait le plus grand cas; il lui a consacré une pièce de vers latins
dont voici le dernier distique (il y en a treize) :
Nos igitur tibi multa, Plato, debemus : at ipsum
Debemus, fateor, tibi nos, Serrane, Platonem.
A l'occasion de l'impression de cet ouvrage et quand il s'agit
sans doute de régler les comptes, il y eut débat entre le traduc-
teur et l'imprimeur. Celui-ci, dont le caractère était assez difficile,
au témoignage même de son gendre, le placide et véridique Isaac
Casaubon^ avait écrit à J. de Serres « une lettre par laquelle il
\,md.
2. lUatwvo; otuotvTa ta (twJ;6(16voi. Plaionis opéra quae extant omnia, etc.
3 magnifiques yoI. in-fol. I^ page a deux colonnes : dans l'une le grec, dans
l'autre le latin. A l'exemplaire qui est à la Bibl. nat. de Paris, il y a des filets
rouges à chaque page.
3. c Régis phiiosophorum libris emendandis regiam quamdam (ut ita dicam)
magnificentiain adhibuerain » (t. 1).
4. Dans une lettre que Casaubon écrit à J. de Serres, de Genève, IV kal.
jun. (29 mai) 1504, il dit au sujet de son beau-père : Quem ego nec amare
saiis, nec odisse possum. Is. Casauboni Kpistolae, édit. de Rotterdam, 1709,
|Kige 570.
JEAN DE SERRES. 343
le chargoit d'estre indigne du ministère, d'estre perfide et autres
tels oultrages*. » De Serres porta plainte dans la séance de la
Compagnie du vendredi 24 octobre 1578. Le lendemain Fun et
l'autre sont appelés devant le vénérable corps; leur affaire est
examinée; l'imprimeur est reconnu coupable; il avoue lui-même
sa faute et prie de Serres de lui pardonner. La réconciliation a
lieu; la lettre injurieuse est déchirée le lundi 27 du même mois,
et une note est transcrite au registre comme attestation de l'hono-
rabilité du traducteur.
Tout en travaillant à cette traduction et à des éditions revues
et augmentées des parties déjà publiées de ses Commentaires ^
J. de Serres mit sous presse, comme pour se délasser, une traduc-
tion en vers grecs des psaumes latins de Buchanan, dont une édi-
tion se trouve à la Bibl. nat. A. 1403*. L'épître dédicatoire,
datée de Lausanne, kal. aug. (l°''août) 1575, est adressée au bailli
de Lausanne, Jérôme Manuel, qui l'avait jadis si bien accueilli,
alors que la persécution allumée en France l'avait forcé à se
réfugier en Suisse^. Le latin de Buchanan est sur une page, la
page de gauche, et le grec de Serres sur la page de droite. Ce tra-
vail se distingue, de l'aveu de tous, par une grande élégance et
une singulière pureté de style, que l'auteur avait su prendre sans
doute au philosophe grec dans son conunerce journalier avec lui.
Une seconde édition parut en 1580 (Genève), in-12.
m.
NIMES.
1579-31 octobre 1589.
Tous ces ouvrages, accueillis avec honneur parle public lettré,
attirèrent les regards sur J. de Serres, et le firent appeler à Nîmes
par le conseil ordinaire et extraordinaire de la maison de ville
1. Arr.h. de la Compagnie, reg. B.
2. Psalmorum Davidis aliquot metaphrcuis graeca Joannis Serranif
adjuncta è regione paraphrasi laiina G. Buchananif Precationes ejusdem
graecoladnae, quae ad singulorum Psalmorum argumenlum sunt accommo'
datae. Anno 157ô, Excudebat Uenr, Stephantu (GenèTe), in-12 de 157 p.
3. c Quuin miserae incendia patriae me illufttrisft. reip. reslrae ftiaum perfu-
gium adduxerint. »
Uev. Histor. XXIL 2« pasc. 2i
3H CH. DARDIGR.
qui avait à cœur le relèvement de son collège. Le traité fut passé
le 3 septembre 1578. Le consistoire de cette église s'était empressé,
même avant ce jour, d'attacher à son service un homme de cette
valeur; il l'avait nommé pasteur et professeur dans la séance du
27 août ; et le 28 janvier 1579, il le chargea « de faire par
semaine deux leçons en théologie et deux leçons en philosophie*.»
En arrivant dans la cité languedocienne, le nouvel élu remit
au consistoire un témoignage d'honorabilité et d'afiection en sa
faveur, écrit de la main de Th. de Bèze au nom de ses anciens
collègues de Genève : « Nostre frère, y est-il dit, s'est pleine-
ment et à contentement reconcilié à cest' église, et nommeement
a tellement satisfaict à nostre Compagnie, que nous l'avons des
lors embrassé comme frère, comme aussi il départ d'avec nous en
ceste union et fraternité, priants le Seigneur qu'il bénie son œuvre
entre les mains d'iceluy jusques à vous en foire sentir et perce-
voir tant en vostre église en général qu'en vostre escole aultant
de fruict que nous vous en desirons et en espérons aussi*. »
Nous n'avons pas à parler longuement dans cette Revue de
son séjour à Nîmes et du bien qu'il fit à l'église et au collège^.
Notons seulement quelques points qui sont d'un intérêt plus
général.
Quelques semaines après son installation définitive, il dota la
cité de la première imprimerie qu'il y ait eu dans ses murs. Le
traité passé par les consuls avec Sébastien Jaqui, du diocèse
d'Embrun, fut signé en sa présence à l'hôtel de ville, le 24 fé-
vrier 1579 ^
Cet établissement toutefois ne fut pas assez vite installé pour
que de Serres lui remît un manuscrit déjà prêt pour l'impression.
Le manuscrit fut envoyé à Genève et imprimé par Pierre Saint-
André. C'est un commentaire en latin sur le livre de VEcclé-
siaste, dont il se flatte de rattacher toutes les déclarations à une
1. Reg. du consist. de N., t. III, fol. 35 et G7.
2. Bibl. publ. de Genève, portef. 197aa2, lettre inédite datée de Genève,
21 novembre 1578; c Th. de Besze au nom et par Tadvis de la Compagnie. »
3. Le collège ne marcha pas si bien après lui. Des plaintes sont portées
contre Jean Rulman et Chrétien Pistorius qui, depuis le dépari de J. de Serres,
négligent leurs fonctions et commettent toutes sortes d'injustices dans les pro-
motions des élèves. Les consuls nomment une commission pour remédier A
ces abus. Le pasteur Jean Moynier est contirmé comme recteur (Re^. commu-
nal de N., L. 13).
4. Ibid.
JEAN DE SERRES. 345
unité supérieure, à savoir le souverain bien*. Pour lui, l'écrivain
sacré qu'il croit être Salomon a voulu établir : 1® ce que le bon-
heur n'est pas ; 2® ce qu'il est ; 3* l'usage qu'on doit faire de cette
notion du bonheur.
Il réorganisa l'université et collège dont il était le recteur;
et s'inspirant de ce qu'il avait vu à Genève et à Lausanne, il
publia de remarquables statuts qui font de lui le digne successeur
de Claude Baduel, et qui nous disent dans les plus minutieux
détails la manière dont les jeunes gens d'alors étaient élevés*.
Nous ne pouvons que mentionner les < Quatre Antijésuites >
qu'il publia successivement de 1582 à 1586, soit en latin, soit en
français, contre les Jésuites de Toumon et leur défenseur Jean
Hay, Écossais. Nous n'avons pas surtout à intervenir dans le
débat. Disons seulement que dans cette controverse, parfois très
vive, le champion du protestantisme fut soutenu et encouragé par
ses coreligionnaires^. Il est, du reste, très fort dans l'attaque,
quand il montre les erreurs, les abus, les superstitions du catho-
licisme ; mais il nous a paru moins heureux dans la défense, quand
il cherche à établir le bien fondé de certains dogmes calvinistes.
Dans la position qu'il occupait au collège et dans l'église de Nîmes
et avec la notoriété dont il jouissait, il ne pouvait évidemment
décliner l'honneur de défendre le drapeau réformé. Mais il faut
regretter que cette nécessité lui ait été imposée par les circons-
tances et qu'il ait ainsi éparpillé ses forces sur une foule de sujets.
Nous aurions préféré qu'on lui eût laissé le temps nécessaire pour
se livrer tout entier aux études historiques, pour lesquelles il nous
semble avoir eu des aptitudes particulières.
Sa position matérielle à Nîmes n'était pas très brillante. Sa
famille, déjà nombreuse, s'accroissait assez régulièrement, et
comme ses gages de pasteur et professeur étaient fort modiques,
et que, dans ces temps de troubles et de misère générale, le con-
sistoire lui en faisait souvent attendre le paiement, il se plaint
1. /. Serrant Commentarius in Sotomonis Ecclesiasten. Genève, 1580,
\02 p. pet. in-8'. Nouv. édil., 1588; Irail. en anglais. Lood., 1585.
2. Academiae nemausensis Leges, ad optimarum academiarum exemptât^
etc. i\emauM, 158*2, 32 fT. in-8*. Dédicace à Henri III. Un bel exemplaire c Sx
dono domini Serrani huiuA academiae rectoris » se trouve à la bibl. publ.
de Nfmcs.
3. Les synodes d'Anduze (mars 1583, avril 1595) et le consistoire de Ntmet
(7 so]>tembrc 1583) trouvent bon qu'il réponde aux Jésuites, et ils le remer-
cient de la manière dont il a rempli cette tâche.
d46 CH. DARDIBR.
plus d'une fois de l'impossibilité où il se trouve de vivre dans la
cité avec son « grand mesnage, vu le peu de moyens que l'église
lui donne ; » et il demande qu'on lui permette d'accepter la voca-
tion que lui adressent d'autres églises, Villeneuve-de-Berg,
Orange*, ou bien « luy fere obtenir payement de ses gaiges. »
Le consistoire s'empresse de lui donner satisfaction en parlant
aux consuls, et il peut ainsi le retenir à son service, « vu le fruict
qu'il a apporté en ceste ville, est-il dit, et combien il y est chéri
par l'église, et quel mal son absence nous apporteroit*. »
Souvent, toutefois, c'était pour un motif plus sérieux que de
Serres demandait congé au consistoire : il était appelé à remplir
quelque mission politique, soit auprès des églises réformées, soit
auprès des chefs du parti protestant, Condé et Henri de Navarre.
Ces princes en particulier avaient en lui la plus grande confiance ;
ils connaissaient son dévouement, son habileté, sa répugnance à
se porter aux extrêmes; et volontiers les églises l'envoyaient
auprès d'eux comme persona grata.
C'est ainsi qu'au mois d'octobre 1579 les églises de Languedoc
le députèrent au roi de Navarre pour « faire entendre les affaires »
à celui-ci ; et le roi l'envoya à son tour au maréchal de Montmo-
rency, en écrivant à ce dernier la lettre missive suivante :
* ... J'ay trouvé ses discours tendans du tout à moyenner une
bonne paix et assoupir et esteindre tous différens et dissentions.
Qui est cause que je le renvois vers vous, pour les vous reciter,
comme il sçaura bien faire, s'il vous plaist l'ouïr. Dont je vous
prie, mon cousin, et luy octroyer les passe-ports qui luy sont
nécessaires, pour aller, venir et s'employer en une si saincte
légation 3. »
Quelques mois plus tard, alors qu'on était à la veille de la
guerre dite des Amoureux, Henri de Navarre voulut s'assurer
de l'appui des protestants de la sénéchaussée de Nîmes, et une
assemblée politique se tint à Sommières, qui discuta la question
1. Ce n'étaient pas seulement ces églises qui réclamaient le ministère du
pasteur de Ntmes; il était aussi demandé par l'Université d'Orthez, pour rem-
placer Montambert, comme nous l'apprend une lettre de L. Daneau récemment
publiée. Et dans cette lettre écrite d'Orlhez, le 19 février 1585, Daneau l'ap-
pelle f notre de Serres • : a De Justo Lipsio etiam hue evocando agi tu r, item
Serrano nostro ut in locum Montamberii succédât t (P. de Félice, L, Daneau,
page 378).
2. Séance du 9 mai 1582, Reg. consist., t. III, fol. 327.
3. 4 novembre. Recueil de Lettres miss, de Henri IV, t. I, p. 256.
JEAN DE SERRES. 347
(le Topportunité de la reprise des armes. Jean de Serres était pré-
sent et parla, selon le désir du prince, pour l'affirmative. Mais il
rencontra des difficultés inattendues ; avant de se prononcer défi-
nitivement, les députés voulurent savoir si la guerre était abso-
lument nécessaire et si telle était bien l'intention du roi de
Navarre. Ils ne savaient pas que la reine Marguerite et les dames
de la petite cour de Nérac poussaient à la guerre, et que Henri,
suivant docilement cette impulsion féminine, avait déjà donné des
ordres pour que de nombreuses troupes fussent prêtes et * cin-
quante milliers de pouldre > aussi : « J'en ay à faire, avait-il
écritàSaint-Genyès, et j'aydesjàadvisé où il les fault employer*. »
La guerre recommença, en effet, vers la fin d'avril. De Serres
rend compte en ces termes de la décision prise à l'assemblée de
Sommières :
Sire,
Je donnay ad vis dernièrement à Votre Majesté des difflcultez qui
sont aux affaires de ce pays, prévoyant ce qu'est advenu en ceste
assemblée de Sommières en la convocation de laquelle, sy on eut
suivy un autre ordre (comme méritoit bien ung affaire de si grande
conséquence) on en eust eu ung meilleur et plus agréable succès.
J'ay esté tesmoing et spectateur de ce qui est intervenu en ceste ville,
à laquelle toute la senechaucée a accoustumé de se conformer. Sire,
je vous suis fidèle serviteur et ne cèderay jamais à homme du monde
en cette dévotion et intégrité. Cecy n'est advenu pour disputer s'il
falloit promptement obéir à Vostro Majesté ou pour ne vouloir gaie-
ment courir la fortune en laquelle vous vous embarquez pour la
commune conservation des Esgliscs de Dieu, mais pour le désir qu'ont
le^ gens de bien d'estre informez de vostre volonté, et mesme en
une chose d'une si grande importance. Il n'y a peuple, en toute la
France, qui vous soit dédyé que cestuy-cy et de qui Vostre Majesté
puisse tirer plus prompte et plus fidèle obéissance : Ayant si souvent
senly les efforts de la guerre, il ne se voudroit précipiter et mesmcs
sur la récolte, qui luy est un subject de crainte et d'espérance. Comme
il aymc et embrasse la paix, aussi il se resoult à la guerre quand la
légitime auctorité luy en déclare la nécessité, comme il vous apperra
en cest affaire si tost que vostre intention luy sera expressément
déclarée. C'est l'humeur de ce peuple qu'estant las des fatigues et
calamités passées, doibt cstre dextrement manyé. S'il y a quelqu'ung
qu'interprète autrement les procédures, la vérité fera preuve d'elle
1. Ibid., p. 274.
348 CH. DARDIER.
mesme par le succès. De ma part, Sire, je ne souscriprois jamais à
choses qui préjudiciast à vostre service, à Thumble dévotion et fidé-
lité duquel se rapporte très bien Tamour et le respect que nous deb-
vons à TEsglise de Dieu et à la patrye.
Si par grand effect je ne vous peux déclarer ceste mesme volonté
et résolution, au moins j'espère. Sire, moyennant l'aide de Dieu,
d'en laisser quelque tesmoignage par escript, qui ayant pour recom-
mandable subject vos louables et vertueuses actions, consacre vostre
nom à la postérité. — Je prie Dieu qu'il vous en veuille de plus en
plus enrichir et les fasse vallolr en Taduancement de sa gloire et
repos de son Esgliso, accompagnant, Sire, vos sainctes entreprinses
d'une saincte et heureuse prospérité. — De Nysmes, ce xvi™* jour
d'apvril 4 580.
De Vostre Majesté le très humble et très obéyssant serviteur,
Jehan de Serres * .
Et au-dessus : Au Roy de Navarre.
A la fin de cette année 1580, une nouvelle mission est confiée
à Jean de Serres : il est prié par le prince de Condé d'aller en
Vivarais « pour les affaires des églises; > et un congé de quinze
jours lui est accordé « avec toutesfois bonne escorte qu'on luy
fera audit voyage pour la surté de sa personne, attendu le
temps*. »
Quand il s'agit, en 1583, de rendre les villes qui, par Tédit de
Poitiers (septembre 1577, art. 59), avaient été < baillées en garde
aux protestants pour le temps et le terme de six ans, » le roi de
Navarre aurait voulu qu'on les rendît à l'expiration du terme.
Le gros du parti s'y opposait, se méfiant de la cour. Le prince
eut donc recours au crédit de J. de Serres pour que les villes
fussent restituées au moment convenu. Il lui fit écrire, le
18 juin 1583, de Nérac, par le sieur de Beaumont une lettre dont
nous relevons les lignes suivantes : « Comme de chose bien impor-
tante, je vous prie d'avoir souvenance de ce qui concerne le temps
de la reddition des villes ; j'en escris à Messieurs les consuls de
Castres, Montpellier, Nismes et Uzès, et encores que le fait leur
soit recommandé, je crains toutesfois qu'ils auront besoin de
1. Cette lettre, inédite, se trouve dans les manuscrits de la bibliothèque de
Toulouse, manuscrit 10, volume B, pièce u* 29. Elle nous a été signalée par
M. J. Roman, et nous en devons la copie à M. Charles Pradel : nous sommes
henreux de les remercier l'un et l'autre de leur obligeance.
2. Reg. consist. de N., t. III, fol. 156.
JEiX DE SERRES. 349
vostre sollicitation à quoy il vous plairra vous employer * . > Mal-
gré sa < sollicitation, » de Serres échoua dans cette circonstance :
on sait que le parti protestant obtint prolongation du terme « pour
autres années. »
Dans un jour de danger, le 26 avril 1584, à la nouvelle qu'une
armée nombreuse venant du côté de Lyon se dirigeait vers le
Languedoc, le conseil de ville de Nîmes prit ses mesures de défense,
et confia à de Serres le soin de faire un amas de salpêtre en aussi
grande quantité qu'il sera possible*.
Au commencement de 1589, le duc de Montmorency agissant
au nom du roi de Navarre le chargea, conjointement avec le sieur
Sarrasin, de faire passer en Allemagne, par les mains de Th. de
Bèze, la somme de 20,000 écus, sans doute pour payer ou recru-
ter des reîtres. Sur le conseil du réformateur, cette somme fut
convertie en soie, en drap < cadisses > et en blé, pour qu'elle lui
parv'înt plus facilement à Genève. Il est parlé de cette commis-
sion dans la séance du 12 avril 1589^, parce qu'un marchand
de Nîmes, nommé Jean-Pierre Posterle, qui avait été chargé de
négocier l'affaire, eut un différend à ce sujet avec le pasteur et
Sarrasin, qui l'accusèrent de n'avoir pas exactement rempli les
conditions du contrat. Après examen, le consistoire donna tort à
Posterle; et comme celui-ci proférait par la ville « des oultrages
et aultres parolles indignes > contre de Serres, il fut censuré et
menaa» d'être suspendu de la cène (18 mai 1589). Ce pénible
débat revint quelquefois en consistoire (29 avril 1592, 1*"' juin
1591). Des arbitres furent nommés. Le synode national de Mon-
tauban (juin 1594) fut aussi appelé à s'en occuper et réclama
vivement que les comptes fussent rendus^ Enfin dans la séance
du consistoire du 21 février 1596, tout est en règle et les comptes
sont « mis au cofl're pour la descharge dudit sieur de Serres*. »
Nous trouvons aussi dans nos vieux registres deux autres inci-
dents désagréables dont J. de Serres sortit avec honneur, mais
qui prouvent qu'il était en suspicion auprès des exaltés du parti
protestant. Nous devons en dire un mot.
1. Lettre inédite. Arch. commun, de Nfmes, D. 3, n* 145.
1, Re^. commun., L. 12, fol. 189.
iî. Reg. consist., t. V, fol. lii.
1. .\ymou, Syn. nni., 1, 187. Seulement, par suite d'une mauvaise lecture,
Aymon a transformé Posterle en Fusera! C'est du reste son habitude d'estro-
pier les noms propres.
5. Reg. consist., t. VI, fol. 33.
320 CH. DARDIER.
IV:
ORANGE.
Fin de 1589-1598.
Après la mort de Henri III, le combat d'Arqués et l'accès au
trône ouvert au Béarnais, le colloque de Sommières (26 octobre
1589) choisit J. de Serres comme député « pour un voiage à la
cour pour aller saluer le roy de son adveneraent à la couronne,
au nom des Eglises. > Les églises voisines, en particulier celle
de Montpellier, se plaignirent vivement que cette assemblée syno-
dale se fût occupée d' « ung affaire purement civil et politic et
non ecclésiastique ou pour le moins mixte. » Le consistoire de
Nîmes, à l'insu duquel cette nomination avait été faite, désavoua
avec quelque solennité son pasteur et aussi l'un de ses diacres,
nommé Bosquier, qui était dans le même cas. Dans les pages con-
sacrées à cette affaire* on remarque un vif dépit contre de Serres,
dont le caractère moyenneur n'inspirait pas une grande confiance.
C'était le moment où les seigneurs catholiques insistaient auprès
du roi pour qu'il abjurât ; et les protestants désiraient que les
intérêts du parti fussent défendus par quelqu'un de plus décidé,
de plus ferme. Et pour montrer mieux encore que par un simple
désaveu combien déplaisait la nomination faite par le colloque de
Sommières, le consistoire prend le pasteur au mot et accepte
définitivement la démission qui avait été plusieurs fois offerte ; il
fut arrêté < d'ung commun advis et consentement, qu'il lui sera
escript qu'il prenne en bonne part que on acquiesse et condes-
cande aux instances et tant réitérées réquisitions par luy faictes
advant son dernier retour de luy donner son conged pour servir
alheurs où il sera appelle » (31 octobre 1589). — U alla desser-
vir l'église d'Orange.
L'autre incident fut plus grave. Dans la séance du consistoire
de Nîmes du l*"* septembre 1591, il fut donné lecture d'une lettre
du consistoire de Montpellier, du 26 août précédent, qui accusait
J. de Serres d'avoir mal versé dans « l'administration des deniers
donnés pour le service de Dieu, et, pour couvrir le trafic et abus,
1. Reg. coasist., t. V, foL 291-299.
JEAN DE SERRES. 324
d*avoir parjuré. » « Ce sera en vain, ajoutait la lettre, qu'on
appellera les particuliers au consistoire pour dances, mascarades,
excès d'accoustremens, juremens et blasphèmes, vu que les par-
jures en la personne des ministres y sont tollerés sans que la cen-
sure portée par la discipline y aye esté observée. » La lettre rap-
pelait que le synode tenu à Sauve quelques jours auparavant
(le 13 août) avait arrêté « que M. de Serres confesseroyt parti-
culièrement avec humilité, et sellon Taduis d'aulcuns les genoux
à terre en plaine assemblée d'avoir offencé Dieu par ses parjures
et par aultres moyens. » Rien de cela n'a été fait. Bien au con-
traire, « on l'a député pour aller en cour au nom des églises de
ce Languedoc ; on luy a bailhé des blancz signes au roy, à M. de
la Noue, M. de Chastillon, M. de Plessis, M. du Fain et à Mes-
sieurs les ministres de la maison du roy, qui seront remplis par
ledict M. de Serres seul et selon son intention, ce que nous esti-
mons ne debvoir estre souffert*. » Le 9 septembre, un pasteur de
Montpellier, nommé Payan, arrive à Nîmes pour souligner en
quelque sorte les violentes récriminations de la lettre de son con-
sistoire. Le consistoire de Nîmes agit avec sagesse : il renvoya
l'affaire à un prochain synode, refusant « de faire aulcune plainte
ny parler » contre le prévenu * en considération qu'il a esté leur
pasteur et ministre, et défendant aulcune information contre lui
en la ville sans l'autorisation dudit synode*. > Il consentit seule-
ment à ce que les blancs-seings fussent retirés de ses mains jus-
qu'à la décision officielle.
Comme l'accusation persistait, de Serres se rendit au synode
d'Anduze en avril 1595; il dit « estre venu à la Compagnie pour
le debvoir de bienséance et pour rendre compte à la Compagnie
du maniement de l'argent qu'il a de l'église, qui sont deniers du
roy, et les deniers qui se lèvent par collectes sont proprement
deniers des églises. Et de ceux qu'il a en maniement estans du
roy, il en a ses quittances et a en main pappiers de sa justifica-
tion qu'il a exhibez à la Compagnie^. »
Le synode national de Saumur (juin 1596) ne croyait pas à sa
culpabilité, car il le substitua « suivant l'avis de la province » à
Daniel Chamier sur la liste des vingt et un pasteurs parmi lesquels
l./Wrf., t. V,foI. 719-723.
2. Ibid., fol. 733.
3. Syn. prov. du Bat-Lançtiêdoe et Cevennes, Bibl. nat., fondit fr. 8669, dont
une copie a été faite par M. L. Auzière pour la Bibl. du Prot. fr., p. 464.
322 GH. DIRDIER.
on devait en choisir douze c pour entrer en conférence avec ceux
de l'Eglise romaine. > Il le chargea aussi d'écrire aux églises de
Provence « pour les consoler dans leur affliction > et « aux fibres
pasteurs de l'église de Metz sur le conseil qu'ils demandent tou-
chant les habits dissolus. » Il lui confia également la mission
délicate de répondre aux écrits du ministre apostat Pierre Cayet,
de rile-de-France, qui avait été déposé et qui s*était mis à atta-
quer les protestants de concert avec le cordelier Fr. Feu-Ardent*.
L'église de Nîmes, qui, dans un moment de mauvaise humeur,
avait accepté la démission de J. de Serres, lui garda néanmoins
un fond de gratitude et d'estime. La preuve en fut donnée au mois
de juillet 1592, quand on sut qu'il avait été pris près de Nyons
par les ligueurs, au moment où il négociait « certaines choses
entre les églises du Dauphiné et celles de Provence et de Langue-
doc. » Une procuration oflBcielle qu'il avait sur lui servit de pré-
texte à son arrestation. Il fut mené à Apt en Provence. « On lui
disoit, a écrit le biographe du magistrat catholique qui s'intéressa
à lui, qu'il estoit prisonnier de guerre, et on luy demandoit ran-
çon. Il n'estoit riche qu'en monnoye de Parnasse qui n'est de mise
que chez les vertueux*. »
Quand cette triste nouvelle parvint à Nîmes, l'émotion fut géné-
rale et profonde. Le consistoire, dans sa séance du 29 juillet 1592,
« conclud qu'il sera faict prières pour luy aux prières de l'Eglise,
que Dieu le vuelle deslivrer de sa captivité, et d'escrire à sa
femme une lettre de consolation et de luy présenter tout ce que
ceste église pourra fere pour luy^. » Dix mois plus tard, le mal-
heureux n'était pas encore délivré ; et le synode tenu à Uzès, le
5 mai 1593, s'empressa d'arrêter « que la Compagnie s'employera
par tous moyens possibles tant envers Sa Majesté que la grandeur
de Mgr de Montmorenci et tous autres qu'il appartiendra, pour
1. Aymon, Syn, nat., I, 196, 200, 207, 209. — Agr. d'Aubigné a donc eu lort,
dans son Hist. univ., liv. IV, ch. xi, et liv. V, ch. ii, d'accoler le nom de
Serres à celui de Cayet sur la liste des « révoltés. » Dans cette circonstance et
dans quelques autres, nous le verrons (t. I, p. 5; t. II, p. 355-6, édlt. de 1616-
1620), le grand satirique a agi par dépit et rancune en prodiguant les insinua-
tions malveillantes à l'adresse d'un homme dont le crime à ses yeux était
d'avoir en politique et en religion des tendances modérées et pacificatrices.
2. Vie d'Artus Prunier de Saint-André ^ d'après un manuscrit inédit de
Nicolas Chorier (écrit vers 1682), publié par Alfred Vellot. Paris, A. Picard,
1880, p. 104.
3. Reg. consist., t. VI, fol. 86.
JEilf DE SERRES. 323
luy fere ayder au payement de sa rançon *. » Il ne sortit de pri-
son que vers la fin de l'année 1593*.
Ce fut évidemment pendant sa détention qu'un ligueur (Bar-
rillon qui l'arrêta ^ ou tout autre) lui vola les « dix mille écus »
dont il sollicita la restitution du roi lui-même et que rappelle par
deux fois d'Aubigné avec une malveillance évidente*. « Il n'estoit
pas raisonnable, écrit-il à Théod. deBèze, que je fusse pire qu'in-
fidèle, en méprisant neuf pauvres enfans et laissant leur bien à
un brigant, qu'il m'avoit ravi, lorsque j'estois en voyage pour le
service et par le mandement des églises. Si Dieu m'a donné grâce
envers le roy pour me rendre justice et m'a donné accès envers
plusieurs pour porter la vérité librement ne leur estant odieux,
ce n'est pas pour quitter la defence d'icelle vérité. Je loue mon
Dieu qui m'a fait la grâce de me joindre (la copie porte : faindre)
à son œuvre à toutes occasions qui s'en sont présentées et m'a
doublé la volonté à son service^. » Cette restitution, dont il
remercie publiquement Henri IV dans l'épître dédicatoire de son
Inventaire^ j a pourtant fait accuser J. de Serres de s'être vendu
à la cour et d'avoir apostasie.
Le moment serait venu, si nous suivions rigoureusement l'ordre
chronologique, de parler de son projet d'accord entre les deux
religions. Mais avant d'aborder ce sujet, nous voulons épuiser ce
qui nous reste à dire sur ses travaux historiques.
1. Syn. prov. du Bas- Languedoc, Bibl. du Prot. fr., p. 428.
2. c Pour se tirer de la misère où il estoit, il implora la protection du prési-
dent (A. P. de Saint-André); et Lesdiguières mesme le demanda jHiur luy;
(liraud, l'un des secrétaires, n'espargna ny prières, ny soins envers l'un et
l'autre pour do Serres <|u'il nomme son père dans ses lettres. Mais ce malheu-
reux fut traduit d'Apt à Aix, ce qui rendit sa délivrance plus difficile. Néant-
moins le président ne s'estant pas rebuté des difficultés, elle luy fut enûn
accordée. On le remit au président, zélé protecteur des lettres ■ {Vie de Saint-
André, p. lOi).
3. Vie de Saint-André, p. 104.
4. Hist. Univ., t 11, p. 85; t. III, p. 200.
5. Lettre inédite, datée de Montpellier, 17 aoi\t 1597. Bibl. nat., collect.
Dupuy, t. 104, fol. 135, copie.
G. « Ce mien droict victorieusement maintenu par vous, Sire, et Messei-
;;neurs de vostre conseil, tesmoigne à tout le monde combien vous désirez
qu'un chacun vive en seurté et paii sous l'obéissance de vos commandemens.
Mais en ceste cx)mmune obligation, la particulière que j'ai à vostre équité et
clémence, embrase en mon âme une plus ardente affection de voiier le reste de
ma pénible carrière au service de Vostre Majesté • {Inventaire général, etc.,
édit. de ICOO, t. I, p. 7 de i'épitre (non paginée).
324 CH. DiRDIER.
Son Inventaire parut en 1597'. Ce court résumé de l'histoire
de France devait embrasser nos annales « depuis Pharamond
jusqu'au règne de Henri IV. » Mais l'auteur, sur le conseil de
« doctes amis, » offrit le commencenient de son œuvre « comme
un échantillon de toute la pièce. » Avant de pousser plus loin
que Charles VI, il voulut savoir quel accueil serait fait à cet
« échantillon. » Il comprenait que le récit d'événements si trou-
Wés, dont on n'était pas encore sorti, provoquerait des apprécia-
tions différentes. Il exprime cette idée dans des termes qui méritent
d'être cités : « Et mesme, dit-il, m'embarquantde terre ferme en
la mer tempestueuse, qui ne me peut estre qu'effroiable et par le
sentiment de ma foiblesse et par l'appréhension des divers juge-
mens comme de âus et de reâus de l'Océan, je n'ay eu le coeur de
bazarder pour ce voiage, tout ce petit modeÛe. Aille donc ce pre-
mier fardeau le premier, et coure la risque, pour recognoistre
sur les empors le cours du marché : afin que par son succez je me
résolve avec moins de danger à l'embarquement de mon reste,
qui attendra cependant sur la rade le vent de vostre favorable
contentement*. >
La mort l'empêcha d'achever son œuvre. Nous savons, depuis
la publication d'un récent ouvrage, qu'il < avait commencé la
vie de Louis XP. » Nous pouvons donc lui attribuer désormais
avec certitude le résumé de la période qui va de 1422 à 1461. Et
pour le reste, il est probable que son premier continuateur' a pu
1. Inventaire géntral de l'kist. de France, illustré par la conférence de
l'Église et de l'Empire. Paris, 1S9T, chez A. Saugrain et G. des Rues, rue
Saint-Jean-dc-B eau vais, avec < Pririlege du Aof , u daté de Lyon 13 septembre
tâ95. 2 vol. iD-l6i le iiremier, de 640 jiages, s'arrête à Loui» IX, 1227; le
second, A Charles VI, 1421. L'édition princeps est rarissime : nous ea avoas vu
le premier volume i la Bibl. du Prot. fr,
2. Préface sons Tonne d'Epltre aux Français, non psg.
3. Vie de Saint-André, p. 146. C'est pour cela uns doule que dans l'édition
de 1600, il y a, après le règne de Charles VII, 1461, au milieu du 1. II, UM
pagination nouvelle avec ces mots sur un feuillet blanc : t Suite de l'Inventaire
général de l'histoire de France. ■ Ce qui précide est l'œavre de i. de Serre*.
Le reste est fait d'après ses notes.
4. Le premier continuateor de l'/nt re ae fui pas le niini-stre
Hontlyard, sieur de Melleray en Bunce. is l'un des lils du mlnislre,
donnons raison sur ce point i Pn t baod contre Uum IFr. prot., t. IX,
267, et vil, 491). Le père, réfngié k rnn, fat d'abord n'*- """mï ministre
à Draillans, le 12 août 15M, pais tà57. iCiligny;"- 'tinBji
Tier 1563; car son nom. Écrit • 'O ofSdel
semble une déformation de " «-*• -
JEAN DE SERRES. 325
utiliser les notes plus ou moins complètes que l'auteur avait lais-
sées dans son cabinet, et qui ne furent pas sans doute retirées des
mains de ses héritiers, comme le furent tant d'autres de ses manus-
crits par Tordre du synode national de Montpellier (1598).
Le succès de VInventaire fut immense, et il était mérité.
C'était un incontestable progrès sur les compilations indigestes
ou infidèles de Robert Gaguin (f 1501) et de François de Belle-
forest (f 1583) . Pour la première fois, les faits sont présentés dans
l'ordre chronologique, avec clarté et méthode. Cet ouvrage ne
sera éclipsé que bien plus tard par V Abrégé chronologique de
Mézeray (f 1683).
Nous avons déjà dit, à propos de ses Commentaires^ à quelles
sources il avait puisé. Nous devons pourtant citer ici les Ugnes
qui se trouvent à ce sujet dans la préface de son dernier ouvrage
historique : c J'ay soigneusement recerché la vérité en beaucoup
de bons livres... J'ai puisé fidèlement des sources de mesme que
ceux qui m'ont devancé... Dieu m'ayant fait survivre pour estre
tesmoin de très grandes choses, non seulement comme l'un de
mes patriotes, pour regarder du port le danger : mais par les
conmiunes tempestes m'ayant embarqué en haute mer. Car estant
emploie en grandes affaires et dedans et dehors le royaume, j'ai
eu l'honneur d'entrer aux cabinets des Rois et des Princes, de
manier les actes publiques des provinces, et communiquer avec
les chefs des partis, pour apprendre de leur bouche mesmes, et
d'autres qui sous eux avoient l'autorité et l'entremise, au vray
tout ce qui s'est passé. Ainsi pouvant rendre raison de beaucoup
de choses pour les avoir veues, aussi je peux dire qu'il y en a
bien peu dont je n'en puisse donner conte par les produits et ins-
qui avaient été reçus bourgeois graUs, eu 1559, en même temps que lui. Ce
fut l'un de ces fils qui continua VInventaire y le même sans doute qui,
d^ 1580 à 1620, a publié plusieurs ouvrages, entre autres, en 1602, les Méta~
tnorphases ou VÂne d'or d'Apulée, VInventaire fut d'abord continué jusqu'à
la mort de Henri 111, en 1589, puis jusqu'à la paix de Vervins, en 1598 (Paris,
1600, chez Saugrain et des Rues, rue Saint-Jean-de-Latran, aux Deux- Vipères,
3 vol. in-8*). Une autre édit. : 1608,4 vol. in-8*. Paris, chez Matth. Guillemot
et P. Mettayer, va jusqu'au 14 septembre 1606, baptême des enfants de
Henri IV, Louis, Elisabeth et Christine. La dernière édition, la 19*, croyons-
nous, est de 1660 (Paris, 2 vol. in-fol.). — L'Inventaire fut traduit en latin
par l'Espagnol Cassiodore de Reina (Francfort, 1612, in-4*). La traduction fut
continuée depuis, jusqu'à Louis XIH, et impr. dans la même ville de Franc-
fort, 1625, in-fol. Il y eut aussi deux trad. angl. Lond., 1611 et 1624.
326 CH. DA&DIER.
tructions des deux partis. J'adjouterai à ceste commodité la dévo-
tion particulière qui a tousjours tenu mon esprit bandé à ce soin,
de recueillir tout ce qui se faisoit lorsque la nécessité des affaires
me portoit aux négociations : et le bon succez de ce mien désir,
qui a si bien rencontré que et les grands et les petits m'ont favo-
rablement départi tout ce qui me pouvoit estre utile à ce sujet.
D'où est advenu que j'ai fait un juste amas de toute la matière,
qui peut solidement suffire pour bastir une parfaite histoire depuis
le commencement des troubles jusqu'à maintenant. »
Notre historiographe s'adressait, en effet, à tous les person-
nages qui pouvaient le renseigner exactement. Nous verrons qu'il
avait interrogé à cet égard le premier président des parlements
de Provence et de Dauphiné, A. P. de Saint- André, qui avait
pu connaître le fond de bien des choses. Etienne Pasquier nous
apprend dans sa correspondance avec J. de Serres qu'il encou-
ragea celui-ci à poursuivre son dessein, tout en lui montrant les
diflScultés de l'œuvre. < On m'a dict, lui écrit-il en 1594, que
travaillez sur l'histoire de nos troubles : je loiie vostre intention.
L'entreprise est grande, mais infiniment chatouilleuse : car il est
fort malaisé qu'au milieu de nos guerres civiles, un homme soit
composé d'un esprit si calme qu'il ne suive ou l'un ou l'autre
party. » Il le renvoie à des lettres qu'il avait déjà publiées sur ce
sujet en 1568 : « Cela vous pourra servir d'un crayon quereves-
tirez d'enrichissements ; » et il s'en remet « à la diligence et fidé-
lité » de sa plume. Dans une nouvelle lettre du l®*" janvier 1595,
il lui fait une recommandation dont notre historien n'avait pas
précisément besoin, puisqu'il avait écrit ses Commentaires dans
cet esprit, mais qui prouve la hauteur pliilosophique et religieuse
du point de vue auquel se plaçaient les hommes sérieux de cette
époque. « Puisqu'avez entrepris notre histoire, lui dit-il, si les
prières d'un amy tiennent lieu de commandement dessus nous,
je vous supplie de ne séparer les affaires d'estat d'avec les juge-
mens de Dieu ; comme font un tas de corrompus courtisants, qui
n'ont autre religion en leurs âmes, que celle qui despend de leurs
commoditez et profits. Je souhaite que soyez un Philippe de Com-
mines au milieu de nous. » Et après avoir, < par forme d'avant-
jeu, dit l'observation > qu'il avait faite < sur nos calamitez et
misères, > il termine ainsi : « Croyez qu'en tout cela il y a de
grands et très exprès jugemens de Dieu, que vous sçaurez bien
employer en déployant vostre plume et vostre papier sur ce sub-
JEAN DE SERRES. 327
ject. Quant à moy, je ne pense point que depuis mil ans, il y ait
histoire jJus admirable que la nostre*. »
Au reste, c'est un pur sentiment de patriotisme qui l'a porté h
écrire cette histoire. Il veut que la connaissance du passé apprenne
à chacun à mieux comprendre et à mieux remplir ses devoirs de
citoyen. Et rappelant la plainte de Thucydide, « l'un des princi-
paux ouvriers de l'histoire, » il dit que < c'est une grande honte
que les François soient estrangers en France. »
M. de Gallier' a relevé avec raison le passage de YInventaire
relatif à la conversion de Clovis. On y voit la préoccupation dont
alors était obsédé l'esprit de l'auteur, et le prix qu'il attachait à
l'unité de religion dans le royaume. « Geste publique profession
de la chrestienté, dit-il, acquit entièrement tous les cœurs des
Gaulois à Clovis, acheva la concorde et union entre eux et les
François, la domination desquels estant mal aisée s'apprivoisa
et s'affermit par le lien de la religion et jeta le fondement à l'en-
tière grandeur de ceste Royauté... Les Gaulois, ne servant plus
à regret les François victorieux, qui s'estoient laissez vaincre à
la vérité, et ayans une foy et une loy commune, ne pouvoient
que souhaiter le bien de leur commune patrie. Tant peut la reli-
gion pour unir les cœurs dans l'Estat^. »
J. de SeiTes a été accusé, par d'Aubigné entre autres, d'avoir
été du nombre de ces « ministres avaricieux et affamez > qu'on
< pratiqua pour oster au Roi l'horreur qu'il avoit du siège de
Rome, et pour rendre moindres les diferens des religions^ » Notre
historiographe a été calomnié à cet égard par d'Aubigné, qui
était parmi les intransigeants du parti protestant. Aucune preuve
n'existe qu'il ait conseillé au roi de faire « le saut périlleux. » Il
croyait seulement, et il a pu le dire, qu'on pouvait faire son salut
dans l'Kglise romaine ; il se séparait en cela de la généralité de
ses coreligionnaires, qui ne lui pardonnèrent pas cette tolérance;
mais où était le mal ? La conversion du Warnais a dû être pour
lui ce qu elle a été pour le prince, une mesure politique qui devait
i^endre la paix au royaume. Et la page de l'Inventaire où se
trouve le récit de la comédie de Saint-Denis, du 25 juillet 1593,
exprime bien sa pensée à cet égard : « Mais voici un grand coup
1. Œuvres dCEslienne Pasquier. Ainsterd., 1723, in-fol., t. II, col. 4i5-454.
2. /. de Serres y p. 9.
3. Inrentaire, cdit. do ICOO. t. I, p. 71-2.
\, Hist. univ., t. III, 1620, p. 2ÎK).
328 GH. DARDIBR. — JEAN DE SERRES.
qui par son esclat destruit ce tiers parti par lequel plusieurs
catholiques estoient desja prêts de poulser le royaume en nou-
velles combustions ; et couppe broche tant à ceux qui font scru-
pule de combattre sous les enseignes d'un roy d'autre religion
que la leur, comme aux autres qui dès si long temps voilent de
ceste spécieuse couverture la continuation de leurs mutineries et
révoltes*. »
D'Aubigné a dit un mot de ce dernier ouvrage de notre histo-
rien et nous devons le consigner ici : « Je ne mets point, dit-il,
V Inventaire de Serres en ce rang (les perles de notre âge), quoi-
que docte et éloquent, puisqu'il s'est contenté du labeur et de
l'honneur que porte Y Inventaire^. » D'Aubigné ignorait-il que
J. de Serres avait publié un grand nombre d'autres écrits, ou fei-
gnait-il de l'ignorer ? Dans tous les cas, le propos est étrange.
Gh. Dardier.
{Sera continué.)
1. Inventaire, édit. de 1600, t. III, p. 1854. Le t. II a une nouvelle pagination
après la page 305, et cette pagination se continue dans tout le t. III.
2. Hisl. Univ., t. I, 1616, p. 5.
LES
IDÉES POLITIQUES DE MIRABEAU
{Suite.)
III.
LA REPRESENTATION NATIONALE.
L'Assemblée représentative. — L'Assemblée constituante,
— U Assemblée législative, — Ses rapports avec le Pou-
voir exécutif et le Pouvoir judiciaire, — Son organisa-
tion. — Unité de V Assemblée.
La nation est la source de tous les pouvoirs. Comme elle ne
peut les exercer par elle-même, elle les remet aux mains d'un
mandataire héréditaire et d'un corps élu par elle. Ce corps, qui la
repr(»sente directement, n'est autre que l'Assemblée nationale.
I^ droit national de la représentation, Mirabeau le revendique
de toutes ses forces dans ses premiers écrits comme dans ses der-
niers discours. Il nie qu'il y ait liberté publique dans l'État
où les citoyens ne participent point au pouvoir « par la délé-
gation d'un corps de représentants chaque année librement
élus par la plus grande partie de la nation, sagement restreints
par leurs instructions... et sujets au contrôle de leurs consti-
tuants*. — Que la nation reçoive une représentation juste, sage,
proportionna» entn» les divers membres de l'Ktat, propre aux
grands effets qui en doivent n?sulter, la confiance la plus respec-
tueuse s'y attachera . . . l'esprit du siècle passera tout entier dans les
délibérationsd'uneassemblée pareille*. » Pour arriver à la création
d'un corps national représentatif, Mirabeau salue avec enthou-
1. lettres de cachet, r. 1. |». *2(W.
'2. Lettres à Mauritton, \k 431 et 435.
HkV. IIlSTOR. XXII. 2« FASi:. 'il
330 F. DBCICB.
siasme la réunion des notables ; il réclame celle des états généraux ^
Avant qu'ils aient été convoqués, il blâme la peur ridicule que Ton a
de « recourir à la nation pour constituer la nation*. > Quand ils
sont convoqués, il s'écrie que « c'est un pas d'un siècle que la
nation a fait en vingt-quatre heures... Ah ! mon ami, écrit-il à
Mauvillon, vous verrez quelle nation ce sera que celle-ci le
jour où elle sera constituée et le jour aussi où le talent sera une
puissance. J'espère qu'à cette époque vous entendrez favorable-
ment parler de votre ami^. » Quand l'Assemblée est constituée,
il en soutient la légitimité dans son journal^ dans ses discours^,
dans ses notes à la cour. « Une Convention nationale^ dit-il à
Louis XVI, peut seule régénérer la France^. »
Cette assemblée doit être permanente et nombreuse, car ses
occupations sont multiples et la surveillance qu'elle doit exercer
sur les affaires est le contrepoids indispensable du pouvoir royaP.
Ses membres ne sont en fonctions que pour un temps limité et elle
doit être périodiquement élue*. Ce retour successif des élections
forme l'esprit public sans coûter beaucoup à l'État^. Les députés
peuvent être pris aussi bien dans le clergé et la noblesse que dans
les communes*^. Quant au renouvellement de ce corps, Mirabeau,
d'abord indécis, admet qu'il ait lieu tous les trois ans. Une légis-
lature de longue durée lui semble préférable, à condition toute-
fois que le roi jouisse du droit de dissolution ; des élections trop
fréquentes, remarque-t-il, fatiguent le peuple. « Il faut rendre
la liberté même douce et légère. C'est une plante difficile à culti-
ver; une main discrète l'arrose avec ménagement, une main
imprudente l'inonde et la fait périr". » Leur mandat rempli, les
députés peuvent-ils poser de nouveau leur candidature? Mira-
1. Ibid.,p. 173, 178, 189, 194, 198 et 292.
2. Lettres à MauvUlon, p. 296 (23 novembre 1787).
3. Ibid., p. 372.
4. Courrier de Provence, w 43, p. 5, v. VII, p. 355 et 445.
5. Moniteur, Discours du 19 septembre 1789 et du 17 février 1790.
G. Corr. Mirabeau-La Marck, v. I, p. 37.
7. Courrier de Provence du 8 juillet 1789. Archives parlementaires, p. 540.
L'Assemblée doit contenir 720 députés élus au 2* degré. Moniteur, Discours
du 10 novembre 1789.
8. Courrier de Provence, v. VII, p. 151 (4 septembre 1789). Corr. Mirabeau-
La Marck, v. Il, p. 225 et 430.
9. Courrier de Provence, n» 35, p. 17.
10. Ibid., n» 35, p. 17 et 18. Archives parlementaires, p. 540.
11. Courtier de Provence du 12 septembre 89, p. 20.
LES IDÉES POLITIQUES DE MIRlBEiC. 331
beau varie sur cette question. Tantôt il admet la réélection à
laquelle il est intéressé*, tantôt il la rejette dans des moments de
dépit contre F Assemblée*.
Bien que la France tende à la décentralisation et que les dépu-
tés ne puissent être élus hors des départements où se tmuvent
leurs domiciles 3, ils ne doivent pas se considérer comme les
ambassadeur de provinces différentes, mais comme les représen-
tants du royaume en générale < Cliacun des membres de l'Assem-
blée n'est pas seulement le député immédiat de ceux qui l'ont élu,
mais le représentant médiat delà nation^. > L'Assemblée exprime
le vœu national par la majorité de ses membres, comme la nation
le ferait elle-même^. Les députés doivent, d'une façon générale,
se conformer aux instructions de leurs commettants'', et sont
même tenus de rendre leurs comptes après la législature*. Maison
ne les soumet point h des mandats impératifs^. Lorsque l'Assemblée
a exprimé son vœu, avant même qu'il soit sanctionné par le roi,
tous les députés ont le devoir de l'appuyer*^. Le respect du vote de
la majorité, le respect du vote des députés en général sont les con-
ditions d'existence de l'Assemblée. Mirabeau remet à l'ordre ceux
qui ne l'observent pas, que ce soit un représentant du roi", un
parlement prétendant enregistrer les décrets de l'Assemblée", ou
une municipalité assez hardie pour vouloir influer sur ses votes*^.
Pour assurer l'indépendance des députés, ils sont déclarés invio-
lables et le pouvoir exécutif ne peut les poursuivre".
Les membres de l'Assemblée nationale, députés et représentants
temporairesetélectifsdu i)euple, sont réunis dans unedouble inten-
tion : 1" ils constituent : 2" ils légifèrent. Ils constituent d'al)onl.
1. Moniteur. Discouri» du 19 septembre 89.
'2. Corr. Mirabeau-La Han'k, v. II, p. 451.
'.\. Ibid.y y. 11, p. 151.
I. Courrier de Provence^ n" 5i, p. 10.
5. Courrier de Provence, n* 54, p. 13 et 14.
(j. Ibid.y V. VIIl, p. 2î.
7. Lettres de cachet, ▼. 1, p. 218. Cf. Thiers, v. I, p. 7'2.
8. Corr. Mirabeau-La Marck, v. Il, p. 46C.
1). Moniteur. Discours du 8 juillet 1789.
10. làid. Discours du 2 juillet 178'J. Courrier de Provence, v. VIII, p. 2*.
II. Moniteur. Disc^iurs du 24 juillet 1789.
12. Courrier de Piovence, n^ 20, p. 1.
13. Moniteur. Discours du 10 septembre 1789.
14. /frirf. Discours tlu 22 juin et du 5 octobre 1789. Courrier de Provence,
II" 'M), p. G
332 F. DECRUE.
Dans ce cas, ils sont appelés, au nom du peuple, à lui donner le
régime gouvernemental qui lui convient. A eux appartient le
droit exclusif de faire ou de réformer la constitution du pays * .
Car ils représentent le peuple, et le peuple seul se constitue à sa
guise, sans prendre l'avis du monarque*. Ce droit est éternel et,
selon Mirabeau, a été éternellement exercé chez les Francs et chez
les peuples du Nord en généraP. Confondant ce qui a été, ce qui
est et ce qui doit être, notre auteur expose les principes qui pré-
sident à toute législation, soit constitution. C'est d'abord la loi de
la nature, puis les lumières delà raison et l'intérêt de l'humanité,
que sanctionnent enfin le vœu et le consentement général du
peuple ^ Il soutient que la loi obligatoire n'est et ne peut être
jamais que l'expression fidèle du droit naturel revêtu de cette
sanction^. C'est beaucoup dire : c'est laisser entendre qu'à une
loi injuste on ne doit pas obéissance^.
Quand elle agit comme constituante, l'Assemblée nationale
décrète souverainement sans attendre la sanction royale''. « Ce
veto ne saurait s'exercer quand il s'agit de créer la Constitution ;
je ne conçois pas, ajoute Mirabeau, comment on pourrait dispu-
ter à un peuple le droit de se donner à lui-même la constitution par
laquelle il lui plaît d'être gouverné désormais*. » Cette constitu-
tion n'est donc pas une charte accordée par le roi, ou même con-
venue avec lui ; c'est un statut que le peuple, par l'organe de ses
élus, s'impose à lui-même, à son roi. Ce dernier ne peut s'y sous-
traire, sous peine d'être privé de son rang^. L'Assemblée natio-
nale, ou Corps législatif permanent, a toujours qualité pour cons-
1. Corr. Mirabeau-La Marck, v. II, p. 440-441.
2. Avis aux Ilessois et Réponse aux conseils de la raison, dans les (Eurres
de Mirabeau f Paris, 1821, iii-8-, v. V, p. 5 cl 22. Lettres de cachet, y. I, p. 202
et 293.
3. Lettres de cachet, v. 1, p. 207. Les auteurs sur lesquels s'appuie Mirabeau
S4>nt César et Tacite d'une part, Blackstone et Huinc de l'autre.
4. Iàid.y V. I, p. 25 et 45.
5. Ibid., ▼. 1, p. 82.
0. C'est la raison pour laquelle Mirabeau déclare qu'il refusera obéissance
t\ une loi contre les émigrés, c Je jure de n'y obéir jamais, » dit-il en
pleine assemblée.
7. Moniteur. Discours du 14 septembre 1789. Archives parlementaires ,
p. G3G et r>37. Courrier de Provence, n» 41.
8. Moniteur. Discours du l"^ septembre 1789. Archives parlementaires,
p. 538. Courrier de Provence, n' 31, p. 8.
9. Corr. Mirabeau-La Marck, ^. 1. p. 371. Nt)lc du 15 m'tobre 1789.
Li:S IDÉES l'OLITIQLES liK MIRASKAF. 333
litiier'. lAi Courrier de Provence combat lo projet do Sièyès
qui veut au contraire convoquer, h cert<iines époques, des assem-
blées nationales extraordinaires, dites Conx'.eniioiis, pour refainî
<'n entier la Constitution. Un ouvrage si prestement achevé ne
jnanquerait pas d'être incomplet*. Chaque législature au contraire
a le droit de réformer Tœuvre de celle qui Ta précédée. Aucune
assemblée ne peut être vérificatrice d'elle-même et la constitution
qu'elle fait n'est jamais que provisoire, tant qu'elle n'a pas été
sanctionnée par la Chambre suivante^.
I/Assemblée du reste n'est toutcvpuissante que lorsqu'elle s'oc-
cupe de constitution. Or < la Constitution n'existe réellement que
dans la manière dont les pouvoirs nationaux sont distribués et
organisés dans les divers agents auxquels la nation en a confié
l'exercice. Ainsi l'on ne doit réputer constitutionnels en ce sens
que les décrets relatifs à cette grande Constitution ^ > Parler
ainsi, c'est jirévenir les prétentions de l'Assemblée et chercher
à les restreindre. Il y a cependant deux actes que Mirabeau
classe constamment dans le domaine amstituant : les arretc'»s qui
abolissent le régime féodaP et le veto. Ici il soutient le pou-
voir constituant de l'Assemblée dans un sens favorable à la
royauté. < Si le roi, dit-il, refuse le veto absolu, l'Assemblée ne
doit pas moins le lui accorder, pour peu qu'elle reconnaisse le
droit de suspendre les actes du Corps législatif utile à la liberté
de la nation^'. » C'est de constitution qu'il s'agit et l'Assemblée
(»st seule compétente en cette matière.
Non seulement l'Assemblée constitue souverainement, mais
c'est elle seule que concerne le vote annuel de l'impôt'. « Ce droit
national législatif, ce droit national de la représcuitation, ce droit
national de l'impôt sont les droits inaliénables et imprescriptibles
des hommes et des peuples *•. > Le trésor de l'Etat est mis ainsi
sous la haute surveillance de l'.Assemblée. Le vote des impôts,
I lhid,y \. H. |). \M}y 437 et iJO.
•*'. Courrier de Provence, n" 34, p. '21.
:i. Corr, Miraheau-La Marrk, v. I, p. 380.
4. Courrier de I>rovence, v. Vil, n« 132, p. m. IG avril ITîXK
.'). Moniteur. I)i<tcours du li septembre 1780. Archives jtarlemeHiaires,
p. 130 et 137.
<>. Ibtd., p. (JOiK Courrier de Provence^ n» lO^, p. 7.
7. Lettres de cachet^ v. I, p. 108. Lettres à Mauvillon, p. 437. Corr. Mira-
boau-La Mank, ▼. Il, p. 2*25. Moniteur, DiRCour» du 1" octobre 178ÎI
8. Lettres à Mauvillon. p. 437 (8 novembre 1788).
334 F. DI^CRCE.
rémission des emprunts, l'institution du papier-monnaie sont uni-
quement de son ressorte En outre, afin de rester à Tabri des ten-
tatives royales, le Corps législatif fixe chaque année le nombre
des troupes nécessaires au pays^. Cet impôt, ces troupes, il peut
les refuser aux ministres et il possède ainsi un moyen puissant
de leur faire respecter sa volonté.
Le vote de la Constitution, celui de l'impôt, celui de Tarmée
relèvent exclusivement de l'Assemblée. Mais le pouvoir législatif
est aussi l'attribut spécial de ce corps, qui prend de ce fait la qua-
lification particulière de Corps législatif. L'Assemblée prépare
et discute les lois 3. Si elle possède la toute-puissance en qualité
de corps constituant, comme corps législatif elle est limitée dans
ses attributions. Les députés, en effet, peuvent être facilement ame-
nés à abuser de leur pouvoir, puisqu'ils paralysent le gouverne-
ment en lui refusant l'impôt et l'armée, ou même en ne les votant
que pour un terme fort court. Rien ne les empêchera de s'éterni-
ser, de s'attribuer la partie de pouvoir exécutif qui dispose des
emplois et des grâces et de former une nouvelle aristocratie. Il
leur sera facile de comploter dans leurs séances secrètes et d'arri-
ver à la tyrannie ^ Même avec d'excellentes intentions, l'Assem-
blée peut proposer de mauvaises lois; elle peut faire mal, elle
peut vouloir le mal. De là la nécessité de mettre un frein à ses
volontés.
Ce frein, c'est le veto royal. Dans son origine, le pouvoir légis-
latif est unique et appartient à la nation ; mais, dans son exer-
cice, il est divisé en deux parties. Le droit de proposer est délé-
gué parla nation à l'Assemblée ; le droit de sanctionner est délégué
par la nation au roi^. Une loi, sans sanction, ne saurait exister.
On distingue Y acte législatif de la Ipi, en ce que l'acte légis-
latif, voté par les députés, ne devient loi que lorsqu'il est sanc-
tionné par le roi^. Pour balancer l'importance des votes de
l'Assemblée, Mirabeau songeait à établir encore un autre contre-
1. Moniteur. Discours du 10 octobre 1789. Courrier de Provence, n» 48, p. 13
et 14.
2. Lettres de cachet, v. I, p. 208.
3. Lettres à Mauvillon, p. 437.
4. Moniteur. Discours du 14, du 20 el du 22 mai 1789. Archives parlemen-
taires, p. 539 et ss. Moniteur. Discours du 1*' septembre 1789.
5. Courrier de Provence, n* du 23 septembre 1789, p. 30.
G. Ibid., n» 34, p. G et 7. Archives parlementaires, p. 538.
LES IDÉES POLITIQUES DE MIBABBÀU. 335
poids. Comme nous l'avons vu, il accordait au roi le droit de
dissoudre l'Assemblée, droit sans lequel le veto avait peu d'effi-
cacité*. Cette dissolution, immédiatement suivie de la convoca-
tion d'une nouvelle chambre, pour laquelle le peuple pourrait réé-
lire les mêmes députés*, constitue à juste titre ce que Mirabeau
nomme l'appel au peuple.
L'Assemblée ne doit pas se mêler directement du gouverne-
ment. 4f S'agit-il de faire la loi ? Cette expression de la volonté
publique appartient au pouvoir législatif, et la surveillance au
monarque. S'agit-il au contraire de l'exécution ? C'est ici le lot
d'un seul, l'action de la royauté, et la surveillance appartient au
Corps législatif'. » Plusieurs délégués font la loi, un seul l'exé-
cute. Si le pouvoir législatif empiète sur le pouvoir exécutif, il
trompe le peuple ^ et fait tomber l'Etat dans l'anarchie^. L'Assem-
blée n'en contrôle pas moins la marche des afiaires. Elle veille à
la liberté, à la sauvegarde de ses membres*, ainsi qu'à l'indé-
pendance des assemblées élémentaires qui concourent à sa forma-
tion '. Si les mesures de police ne sont pas de son ressort, si elle n'a
qualité ni pour juger ni pour faire grâce*, elle peut en revanche
poursuivre et accuser®. Si elle ne nomme pas les ministres, elle
peut du moins, par ses votes, exprimer la défiance qu'ils lui ins-
pirent et exiger leur renvoi*^. Ce privilège lui permet ainsi de
s'ingérer dans le gouvernement. En somme, pour résumer les
rapports qui lient l'Assemblée au gouvernement, on peut remar-
quer que Mirabeau demande un pouvoir exécutif très fort, con-
trôlant le pouvoir législatif, et un pouvoir législatif très fort con-
trôlant le pouvoir exécutif**.
1. ArehiveM parlementa ires ^ p. 530 et 541.
*2. Moniteur. Discours du 1" septembre 1789. Courrier de Provence, n" 35,
p. 13. Corr. Mirabetu-La Marck, y. II, p. 438.
3. Corr. Mirabeau-La Marck, v. II, p. 443.
4. Ibid., V. II, p. 430.
5. Ibid., V. II, p. 443.
6. Moniteur. Discours du 26 août 1789.
7. Ibid. Discours du 24 août 1789. Archives parlementaires, p. 486. Courrier
de Provence, n« 32, p. 16.
8. Ibid., n* 15, p. 10, et n- du 25 juillet 1789.
9. Moniteur. Discours du 31 juillet 1789. Archives parlementaires, p. 311.
10. Courrier de Provence, n» 19 et n» 74, p. 17.
U. c Se maintenant l'un l'autre, ils s'empêchent mutuellement de nuire à
l'État. » Courrier de Provence, n* 34, p. 20.
336 F. DECRUE.
Quelque partisan qu'il soit en théorie de la séparation des trois
pouvoirs, Mirabeau, dans la pratique, n'établit pas entre eux des
limites infranchissables. Le pouvoir exécutif et le pouvoir légis-
latif se pénètrent l'un l'autre. H en est un peu de même pour le
pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire. Sans doute, on le répé-
tera tout à l'heure, Mirabeau s'oppose, en principe, à ce que
l'Assemblée informe ou juge. Il sera toujours diflBcile, remarque-
t>-il, de concevoir que la liberté puisse être assurée quand le Corps
législatif intervient dans les jugements*. C'est le motif pour lequel
il rejette le projet de Robespierre de faire de l'Assemblée une cour
de cassation'. Cependant, il arrive que, selon l'occasion, Mira-
beau néglige la célèbre division des trois pouvoirs, et accorde à
l'Assemblée quelque autorité en matière judiciaire. Elle doit ven-
ger la nation des outrages, dit-il, et punir dans certains cas^.
Elle forme donc une haute cour de justice politique et la cour de
cassation lui est subordonnée^ En cas de violation de la Consti-
tution, quel que soit le coupable, c'est à l'Assemblée qu'il faut
recourir. « Tout fonctionnaire public, fût-il le roi, s'il se trouve
interrompu dans l'exercice de ses pouvoirs par un crime de lèse-
nation, doit le dénoncer aux représentants de la nation, qui
seuls ont le droit d'en demander vengeance^. > L'Assemblée
exerce ainsi , même sur l'ordre judiciaire , une surveillance
générale. Ce privilège, qui l'assimile à une sorte d'Aréo-
page, de Chambre des lords, lui convient d'autant mieux
qu'elle représente plus directement le peuple souverain. Ce
n'est pas tout. Poussant encore plus loin les concessions, le
Courrier de Provence accorde à chacun des membres du
Corps législatif le rôle d'un procureur-général, d'un accusateur
public. Il encourage les dénonciations politiques. Il redit le mot
de Cicéron : < Accusatores multos esse in civitate utile esf^. —
Que ne ressuscite-t-on, s'écrie-t-il, les accusations publiques des
Grecs et des llomains''? » Cesycophantisme convient à une époque
1. Moniteur. Discours du 0 janvier 1790. Archives parle nienta ires j p. 311.
2. Courrier de Provence, v. VUl, p. 3i0 à 343.
3. Moniteur. Discours du 9 janvier 1790.
4. Courrier de Provence, v. VUl, p. 363.
5. Courrier de Provence, v. XI, p. 208.
6. Courrier de Provence, v. IX, p. 233.
7. Jbid,, V. IX, p. 480.
I.KS IDÉKS roLITlQlES DK ^IRABKAl . 337
soupçonneuse et révolutionnaire. « Ne punissez pas la calomnie,
s'écrie un rédacteur du Courrier de Provence^ ce serait Caire
peur à la presse* ! > Mirabeau n'a garde de contredire son journal
sur ce point. Poussé par ses haines personnelles, il ne se fait faute
de dénoncer ses ennemis' et de réclamer le droit de délation pour
ses collègues comme pour lui-même.
Mirabeau prête une grande attention à l'organisation du corps
représentatif et à Tonlre intérieur des séances. Il critique souvent
la tenue des députés, leur incapacité, leurs discours académiques
pleins d'un pathos classique, dont il n'est pas exempt lui-même. Il
leur reproche ces éloges, ces remerciements empreints d'une flatte-
rie courtisanesque à l'égard du peuple. Il veut remédier au désordre
des séances, bien qu'il s'y trouve comme dans son élément. Sem-
blable à Démosthène, il aimait à couvrir de sa voix le bruit de
la tempête. Il n'en approuve pas moins le droit de censure que l' As-
sembU'îe exerce sur ses membres; il demande qu'il s'étende jusqu'à
l'exclusion absolue pour toute la durée de la législature, mais non
au-delà^. Il propose, pour vérifier un vote, d'observer la pluraliti'î
simple. Enfin il regrette que l'Assemblée répartisse son travail
entre des C077iités, que nous appellerions aujourd'hui commis-
sions. Il ne s'y rend jamais^ Il leur reproche d'usurper l'autorité
dos ministres. Mais ce n'est pas son véritable grief. Ces comités
demandaient des conseillers calmes et froids qui exposassent leurs
raisons avec poids et mesure. Rien n'était plus contraire à
l'éloquence brillante de Mirabeau dont le souflle puissant soule-
vait des milliers d'auditeurs.
(''est peut-être pour ce dernier motif que Mirabeau finit par
repousser la coexistence de deux chambres. Dumont prétend
qu'à l'origine il était favorable à la dualité. « Tous deux,
dit-il en parlant de Mirabeau et de Sieyès, sentaient bien qu'une
assi^nbléo unique n'avait aucun régulateur**. > Il raconte que le
grand orateur lui dit, la dernière fois qu'il le vit : € Ah ! mon
ami, que nous avions raison, quand nous avons voulu, dès le
commencement, empêcher les communes de se déclarer assemblée
\./bid., V. IX, p. 40i.
l. Ainsi le garde des sceaux Barentin, les ministres Saint-Priest et La Luzerne.
3. Courrier de Provence, \. VI, p. 110.
ï. Corr. Mirabeau-La Marrk, v. I, \k 382-383.
5. Dufnont, p. 148.
338 F. DECRCE.
nationale ; c'est là Torigine du mal : depuis qu'ils ont emporté
cette victoire, ils n*ont cessé de s'en montrer indignes. Ils ont
voulu gouverner le roi au lieu de gouverner par lui : mais bien-
tôt ce ne sera plus ni eux ni lui qui gouverneront ; une vile fac-
tion les dominera tous et couvrira la France d'horreur*. »
• Quelle que soit cette déclaration, on peut croire que Mirabeau
n'a jamais eu d'idées bien arrêtées sur cette question. Dans ses
lettres à Mauvillon, comme dans ses premiers discours à l'Assem-
blée, il s'oppose aux distinctions des ordres, il insiste pour que
les états généraux se vérifient et délibèrent en commun'. Sans
doute ^ il a des velléités d'admettre deux chambres comme
en Angleterre. << Il s'est opposé, dit Dumont, au décret qui détrui-
sit les ordres et les fondit dans l'Assemblée nationale^. » Il pro-
posait aux députés du tiers état de prendre le titre élastique de
Représentants du Peuple français y titre qui pouvait convenir
aussi aux députés des trois ordres, s'ils se réunissaient en com-
mun ^ Les discours que Mirabeau prononça à cette occasion
étaient équivoques, mais il voyait dans cette équivoque une
mesure de précaution. « Nous nous sommes constitués, écrit-il
à Mauvillon, en Assemblée nationale sur le refus réitéré des
deux ordres de se réunir à nous et de vérifier leurs pouvoirs en
commun. Ce n'était pas mon avis. Ma motion était de nous
déclarer Représentants du Peuple français, c'est-à-dire ce
que nous sommes incontestablement, ce que personne ne peut
nous empêcher d'être, et ce mot à tiroir, ce mot vraiment magique
qui se prêtait à tout, qui n'alarmait personne, réduisait à des
termes bien simples le grand procès^. » Ainsi Mirabeau se pose,
non comme un conservateur, mais comme un conseiller prudent
qui, bornant ses désirs, en ajourne la réalisation. M. Henri
Martin lui reproche « ce moment d'hésitation et de défail-
lance^. >
1. Duinont, p. 267.
2. Lettres à MauriUoH, p. 431 ^8 novembre 88), p. 445 (25 décembre 88), p. 464
(mai 89). Moniteur. Discours des 15 et 16 juin 1789.
a. Dumont, p. 268.
4. Moniteur. Discours des 15 et 16 juin 1789. Courrier de Provence, n* 10,
p. 13 et 17.
5. Lettres à MauviUon, p. 468 (16 juin 1789).
6. Histoire de ta Rèt'oiutiony v. 1, p. 49.
I.KS IDÉKS i*OIJriQ(i|ù^ 1>E HIRABEll. 33tl
O* moment dure peu. Bientôt Mirabeau se déclare partisan
(rune seule assemblée. Son journal attaque violemment le système
anglais* et appuie ceux qui s'opposent à la création d'un sénat*.
Il reconnaît toutefois que le Corps législatif, ne se divisant pas
en deux chambres, doit être composé avec des précautions plus
grandes^. A la tribune, Mirabeau s'explique encore : « Il veut
deux chambres si elles sont deux sections d'une seule, mais il
n'en veut pas deux, si leur origine doit différer et si l'une d'elles
doit avoir un veto sur l'autre ^ >
Sans repousser l'idée de deux corps, tous deux élus par le
peuple pour travaillera la confection des lois, il n'entend pas que
l'un d'eux soit privilégié. Il déteste trop la noblesse, qui l'a
repoussé, pour en faire une pairie héréditaire. D'ailleurs, dans sa
sagesse politique, il reconnaît les difficultés qui empêchent en 89 de
fonner un sénat. Appellera-t-on les privilégiés? Dans ce cas, il
ne fallait pas abolir la distinction des onlres. Appellera-t-on la
minorité libérale de la noblesse? (^est dans cette crainte que les
ultraroyalistes se réunirent aux démocrates pour rejeter le projet
d'une chambre haute. Les nécessités de sa popularité s'ajoutant
alors à ses sentiments propres, Mirabeau ne voulut pas d'une
division du Corps législatif. Il n'en parle pas dans ses notes à la
cour^. A la fin de sa vie, il est possible que, dépité contre l'As-
semblée, mécontent de son œu^Te , il ait regretté sa formation
on chambre unique, souveraine et sans contnMe : Dumont et
Malouet l'attestent **. Toutefois on ne saurait accorder une con-
fiance absolue au témoignage d'hommes qui citent de mémoire.
(Juoi qu'il en soit, M. Thiers dit excellemment que Mirabeau
repoussa deux chambres ^ non point par conviction, mais par
la connaissance de leur impossibilité actuelle et par haine de
l'aristocratie". *
i Lettres aux commettants ^ ii* du 15 juin 80 (nigne S.).
l. Courrier de Provence ^ n* «lu 4 neptembre 89.
3. Ibid,, n« 49, p. 2i.
S Moniteur. Discours du 9 septembre 89. Cf. La Fayellc, Mémoires^ v. IV,
p. 4'2.
5. Corr. avec La Marck, t. I, p. 103 et 20,").
<). Maltmet, v. II, p. 13.
7. Thi(>rs, v, I, p. 139. Nouh nous faisons un devoir de terminer ce chapitre
cil recommandant la lecture du dernier ouvrage de M. Aulard sur tes Orateurs
de la Constituante, Paris, 1882.
340 F. DECRUE.
IV.
LE POUVOIR JUDICIAIRE.
Division des pouvoirs, — Abolition des Parlements. —
Création du jury.
C'est surtout quand Tordre judiciaire est en jeu que Mirabeau
se montre, en principe, partisan de la division des pouvoirs. Bien
qu'ils dérivent tous du peuple * , la Constitution doit tendre à les
rendre de plus en plus distincts. « L'Europe presque tout entière,
dit Mirabeau, a vu crouler, sous le faix de la réunion des trois
pouvoirs, la liberté politique et civile*. — Partout où les fonc-
tions de la justice et celles de l'administration sont réunies dans
les mêmes mains, la liberté n'est que nominale^. »
La France avait trop souffert de l'immixtion des ministres dans
les tribunaux, pour la tolérer plus longtemps. Mirabeau lui-même,
victime de l'arbitraire ministériel, entend, à proprement parler,
par despotisme, le procédé expéditif avec lequell'Etat se débar-
rassait, sans procès, des individus qui le gênaient. Poussant plus
loin la confusion des termes, il désigne souvent sous le nom de
loi la Constitution, comme si la Constitution ne tendait qu'à une
seule fin, établir une loi propre à garantir les accusés du despo-
tisme ministériels II voit dans la réforme judiciaire le but prin-
cipal de la Révolution. Mais le travail qu'il y consacre est plus
une œuvre de destruction qu'une création. Dans ses premiers
ouvrages'', il proteste avec persistance contre le régime dont il
a souffert ; mais quand l'Assemblée s'occupe de reconstituer la
justice, il ne prend que rarement la parole.
Il condamne en général toute l'ancienne organisation judiciaii'e.
Il en critique les lois multiples et contradictoires, en particulier
1. Moniteur. Discours du IG juillet 1789. Archives parlementaires, p. l\3.
2. Lettres de cachet, v. I, p. 147.
3. Courrier de Provence, n* 76, p. 13.
4. Lettres de cachet, y. U, p. 107.
5. L'Essai sur le despotisme, de 1775; les Lettres de cachet, de 1778.
LES IDÉES POLITIQUES DE MIRABEAU. 341
les lois criminelles ^ La pénalité disproportionnée qui traite sur
le même pied les libertins et les scélérats lui semble odieuse'. Il
réclame l'abolition de la torture^ et de la i)eine de mort^ (Jes
usages viennent, selon lui, du droit romain. 11 préfère au droit
romain le droit germanique et récuse enfin celui-ci : à dire
vrai, il ne connaissait ni Tun ni l'autre. C'est surtout œntn*
la justice sommaire du gouvernement et contre les arrestations
arbitraires et secrètes qu'il proteste. Il va jusqu'à dire : « I^es
attentats solennels qui réveillent le courage dont le despotisme
a tout à craindre sont infiniment moins redoutables que les
emprisonnements illégaux'*. » La raison d'Etat ne j)ermet pas de
suspendre la liberté des citoyens*^. C'est au nom de cette raison
d'Etat qu'ont été créées les lettres de cachet qui soustraient le
coupable à la justice'. A ceux qui lui objectent que, par cela
même, elles sauvent l'honneur des familles : « Depuis quand,
ivpond Mirabeau, la noted'infamie n'est-elle plus j)ersoniielle** ? »
Pour intéresser les grands à la suppression des lettres de cachot,
il remarque que ce sont eux surtout qu'elles menacent^ : elles
sont en efiet une punition aristocratique. Mirabeau poussa l'As-
semblée à les abolir et proposa en même temps une indemnité pour
ceux qui avaient été détenus sans être coupables ou même accu-
sés*". Il n'attaqua pas avec moins de vigueur les prévôtés mili-
taires, tribunaux où le pouvoir ministériel intervenait le plus
directement".
Fidèle aux principes, il prenait a tâche d'écarter du pouvoir
judiciaire, non seulement le roi, mais encore l'Assemblée. En thèse
f^énérale, il revendiquait pour la justice une indépendance abso-
lue. Ayant fait table rase de tous les éléments étranpei's qui
I. IMtrcs de cachet, v. Il, p. ]IH.
L Ibid., V. I, I». 2:)S-261.
3. Ibid., V. I, I». 327.
\. Ibid., V. I, p. i>9.
5. Ibid,, V. I. p. IXM)!.
G. Ibid., V. 1, p. 2()8.
7. Lettres de cachet , v. I, p. 335.
H. Ibid , V. I, p. 3iîK
9. Ibid., Y. ï, p. 249 et 323.
10. Courrier de Provence, ▼. VI, p. 28; v. VU, p. 32-31. Malouet. Mémoires,
V. Il, p. 13.
II. Moniteur. Discours contre le pré? «H IkmrnUHac, du 5 et du 21 ooreiubre.
du 8 d<^ciMnhn; 1789, du 2(> et du 'M\ janvier 1790. Courrier dt* Procence, irG2.
p. IG «•! 19; n- 71, p. G vi 9; ii« 7G, p. 18 ; v. il, p. 021.
342 F. DECRUE.
pouvaient la corrompre, il Tétudia dans son organisation même.
Avant 1789, elle avait pour agents principaux les parlements.
Après avoir rendu un bref hommage à leur rôle de défenseurs
de la liberté publique*, Mirabeau reconnaît leurs fautes et leurs
usurpations*. Dans leur dernière lutte avec la royauté, il refuse
cependant de se joindre au ministre pour les combattre. Il aurait
perdu, en le faisant, la faveur populaire. A son avis, « la guerre
ne doit leur être faite qu'en présence de la nation : là et seule-
ment là, ils peuvent et doivent être circonscrits dans leur carac-
tère de ministres de la justice ; leur ambition usurpatrice est due
à la détresse publique, mais, lorsque l'Assemblée nationale nous
aura tirés de la détresse, les corps judiciaires seront un hors-
d'œuvredansla Constitution nationale^. > Une fois à l'Assemblée,
Mirabeau tient parole. Il prépare ses attaques contre les parle-
ments qui alors ont perdu .leur popularité ; ce ne sont plus que
des corps conservateurs qui se mêlent sans raison des affaires
publiques. La France ne peut tolérer la prépondérance qu'ils
s'attribuent au moment de la réunion des états générauxS non
plus que leur prétention d'enregistrer, de retarder et même d'em-
pêcher les décrets de l'Assemblée^. « Il est impossible de relever
l'empire écrasé par trois siècles d'abus, s'écrie Mirabeau, si des
corps auxquels il faudra bien apprendre qu'ils ne sont rien dans
l'Etat, viennent lutter contre la volonté publique dont nous
sommes les organes^. >
Enfin il démasque contre eux toutes ses batteries. « Après
s'être placés eux-mêmes, dit-il, entre le monarque et les sujets
pour asservir le peuple en dominant le prince, ils ont joué, menacé,
trahi tour à tour l'un et l'autre au gré de leurs vues ambitieuses
et retardé de plusieurs siècles le jour de la raison et de la liberté. . .
En prétendant défendre les peuples par leurs remontrances, ils
n'avaient jamais eu en vue que de défendre leur intérêt particu-
lier... Tout cet ordre judiciaire enfin faisait partie de notre droit
public quand nous n'avions pas de droit public. Maintenant le
peuple gouverne; les parlements n'ont plus de décrets h sanc-
1. Lettres de cachet, v. I, p. 330.
2. Ihid.y p. 326.
3. Dénonciation de Vagiotage, suite (1788), p. 73-74.
4. Lettres à Mauvillon, p. 435.
5. Courrier de Provence, n- 14, p. 15 ; n" 61, n» 62, p. 19.
6. Moniteur. Discours du 5 novcmbro 1789.
LES IDI^ES POLITIQUES DB MIBABEir. 343
tionner et leurs protestations doivent être punies d'une manière
exemplaire*. > Mirabeau exige leur suppression. Tant qu'ils sub-
sisteront, l'autorité ne se coalitionnera jamais de bonne foi avec
le peuple* ; leur chute est un triomphe même pour la monarchie 3.
Telle est l'œuvre de destruction de Mirabeau. La reconstitution
de la justice l'inquiète peu. Il la tient cependant pour la source
unique de la liberté ou de la servitude civile ^ En général, son
journal conseille d'adopter toutes les lois anglaises sur la matière^.
Pour lui, il réclame d'abord un code formel ; il en ferait un au
besoin. La procédure et la pénalité doivent s'y trouver claire-
ment déterminées et fondées sur la raison et l'équité. Sous l'an-
cienne monarchie, Mirabeau trouvait dans la longueur des forma-
lités une sorte de sauvegarde pour l'innocent : le temps pouvait
dissiper les préjugés, calmer les passions, amener la vérité^. Mais
depuis que la nouvelle organisation consacre l'élection des juges
par le peuple, la justice doit être plus prompte'. A cet effet les
juges, choisis avec soin, seront nombreux et payés avec le revenu
public^ Le détenu sera interrogé dans les vingt-quatre heures*;
l'accusé, en voie de procès, sera élargi *®. Le délit ne sera constaté
qu'après une sérieuse instruction juridique". La peine sera indi-
quée parla loi, décernée et reçue publiquement". Plus d'arresta-
tion mystérieuse, plus de justice secrète, plus d'exécution à huis
clos. D'ailleurs Mirabeau s'oppose à la peine de mort*'. Il propose
même que le condamné puisse choisir, s'il le faut, entre l'exécution
de la peine capitale et la prison perpétuelle ".
1. Moniteur. Discours contre la Chambre des vacations de Rennes, du 9 jan-
vier 1790.
2. Corr. Mirabeau-U Marck, v. I, p. 37G et 429.
3. Ibid.y V. II, p. 74 et 75, 414 à 501 (notes 8 et 45 du 3 juillet et du 23 dé-
cembre 1790).
4. Lettres de cachet, v. 1, p. 222.
5. Courrier de Provence, v. VII. p. 223, 268; v. VIII, p. 351.
6. Lettres de cachet y v. I, p. 333.
7. Lettre à Frédéric-Guillaume, p. 420. Corr. Mirabeau-La Marck, v. Il,
p. 225.
8. Lettre à Frëde'ric^uillaume, p. 420.
9. Courrier de Provence, n» 62, p. 14 et 15.
10. Jbid., V. VI, p. 609.
11. Uttres de cachet, v. ï, p. 211, 257, 319 et 3i1.
12. Ibid., V. 1, p. 120, 256 et 257.
13. Ibid., V. 1, p. 29.
n. Courrier de Provence, v. VI, p. 00:»
344 F. DECHUE. — LES IDÉES POLÎTIQUES DE HIRABBAU.
L'institution du jury réalisait les vœux de Mirabeau. Il a
toujours admiré le jugement par pairs ou parjurés. Il regret-
tait qu'il eût été abandonné sous la monarchie et il en demanda
le rétablissement*. Il applaudit aux mesures prises en Angle-
terre pour obtenir l'unanimité des votes du jury'; il approuve de
même la latitude laissée à l'inculpé pour récuser les jurés^. Les
rédacteurs du Courrier les veulent partout^ mais ils les trouvent
surtout nécessaires dans l'instruction criminelle^. Ils aspirent
enfin au moment où la loi sera si simple que l'art du jurisconsulte
deviendra superflu <^.
La nouvelle organisation judiciaire décrétée par l'Assemblée
ne satisfit point Mirabeau. Le Courrier redoutait cette nouvelle
aristocratie qu'elle avait créée. La hiérarchie des tribunaux de
districts et de départements lui paraissait trop compliquée, trop
capable de corruption'. Il reprochait à l'Assemblée d'avoir mis
de la précipitation à réformer la justice*. Mirabeau, dont les
vues ne diffèrent jamais complètement de celles de son journal,
craignait aussi que la Constitution ne fût menacée par cette réor-
ganisation et ne croyait pas que le nouvel ordre de choses pût
durer ^. Il ne devait s'en prendre qu'à lui-même. Il n'avait pas
assez fait sentir son influence dans cette partie de la Constitution.
F. Décrue.
{Sera continué,)
1 . Lettres de cachet, v . II, p. 183.
'2. Ibid.y V. II, p. 190.
3. Jbid.y V. II, p. 193.
4. Courrier de Provence, v. VIII, p. 64.
5. lettres de cachet, v. II, p. 197.
(>. Courrier de Provence, v. XI, p. 321-323; v. XII, p. 511.
7. Courrier de Provence, n- 82, p. 10; v. VI, p. 120.
8. Ibid., Y. VII, p. 145 et liG.
0. Corr. Mirabeau-La Marck, v. Il, p. 211 el 212.
MÉLANGES ET DOCUMENTS
EXCIDIUM MONTISFORTINI
A. D. MDLVII.
Par décret du roi Victor-Emmanuel, en date du 49 février 4873,
la ville de Monteforlino, province de Rome, circondario de Vellelri,
changea de nom, et prit celui d'Arlena de* Volsci. Il est douteux que
là fût TArtena des légendes romaines; mais comme il y a une autre
ville de Monteforlino dans les Marches, on eut un prétexte pour
changer. (Vest la mode depuis \ 870 dans les communes du pays
romain , et que d'heureux encore à faire, rien qu'avec les cinquante-
trois noms antiques que Pline ne savait plus où placer I
1^20 juillet 4870, l^Sindaco (maire) d'Artena, M. César Tom-
masi, passant dans un bois situé sur la commune, était frappé d'une
décharge de coups de fusil tirés par des mains inconnues, et expirait
quelques jours après. A la suite de ce meurtre, le Municipe fut dis-
sous, un délégué de la sûreté publique et un inspecteur de police de
première classe vinrent s'établir dans le pays, la brigade des carabi-
niers royaux y fut doublée, et une section de soldats, commandée
par un ofHcier, vint l'occuper militairement, (les mesures n'empê-
chèrent point qu'on tirât sur l'adjoint qui fit fonctions de syndic à
la place du mort; et le poste est demeuré vacant jusqu'en jan-
vier 4 8S4.
Aujourd'hui, la paix est rétablie. Artena possède un syndic; les
soldats sont partis et aussi l'inspecteur do police; et la brigade su|>-
plémentaire a été transportée à Giulianello, pour la sûreté des routes
qui passent sous Artena, Rocca-Massima et Cori. Mais le bruit fait
dans Tarrondissement (Kir des événements si récents encore n'est
pas tout à fait assoupi *. On se rappelle (]ue les pa|)es aussi eurent à
foire avec Monteforlino-, et c'est une opinion répandue dans la con-
1. Des faits de nature analogue sont Teous depuis le réveiller; c'est une
longue fi'uvre que de transformer un peuple. — Janv. 1883.
ReV. niSTOR. XXII. 2« FA8C. 23
346 iriLANGES ET DOG0ME!VTS.
Irée que, sous Pie IX encore, il exista un projet pour la destruction
de cette ville, dont la population eût été transplantée dans d'autres
communes de TEtat romain.
Je connais Montefortino. J'ai parcouru son territoire ; et, conduit
par mes études dans les montagnes qui s'élèvent au-dessus, j'ai dû y
résider quelque temps. C'est une bourgade de quatre à cinq mille âmes,
située sur un promontoire des monts Lepini, au-dessus de la vallée du
Sacco, en face de Yalmontone, Cavi, Palliano et Palestrine. Le pays
est perché sur une série de corniches le long d'un rocher fort abrupt;
partout où il n'est pas à pic, il y a des maisons ; les rues sont des
escaliers; il faut une heure pour monter de la première maison du
pays en bas à la porte d'en haut. Les hommes d'Artena sont assez
robustes, intelligents et hardis; ils ont conservé l'habitude des
embuscades et des attaques à main armée ; nulle part les guet-apens
et les coups de fusil ne sont aussi fréquents ; les carabiniers sont sur
les dents à force d'en poursuivre les auteurs insaisissables; les gens
des pays voisins disent qu'aller de ce côté c'est se jeter « in bocca al
lupo. » Les femmes sont vigoureuses, d'un type local prononcé,
avec la flgure plutôt large que haute, les yeux longs, le nez grand ei
courbé, la taille moyenne, les formes moins lourdes que chez les
campagnardes des environs de Rome. Le territoire est étendu, mal-
sain dans la vallée, salubre dans la montagne, fertile partout et propre
à des cultures très variées. Artena sera un pays riche quand son
agriculture aura progressé. Cela ne paraît pas une cité à détruire.
Je ne sais ce qu'il y a de vrai dans le projet prêté aux papes. Mais
j'ai rencontré en revanche l'histoire d'une vraie destruction de Mon-
tefortino, dont le souvenir et les traces subsistent encore'. La voici
telle que la racontent des documents que je donnerai plus loin.
L
Le premier acte de la rupture entre Paul IV CarafFa et Philippe II,
roi d'Kspagne, fut un coup porté par le pape à la famille Colonna.
11 fil emprisonner Camille, priva Marc-Antoine et son père Ascagne
de toutes leurs dignités et do leurs biens dans la campagne romaine,
les excommunia, et investit de leurs dépouilles, avec le titre de duc
de Paliauo, sou neveu Jean Caraffa, comte de Montorio. Alors com-
mença la guerre qui ensanglanta 1 Etal de TEglise, et qu'avait
annoncée dès le 29 mars de cette aimée A 556 une comète effrayante
qui dura jusqu'à la mi-avril. Les Impériaux, les Espagnols, com-
1. Nibby, Dini., t. H, s. t. Arimui^ en parie en une ligne.
KXCrDItJM MONTISrORTI?n. 347
mandés par le duc d'Albe, envaliircnt les Etals du pape, et Montc-
forlino, fief des Colonna, ftit une des premières places qu'ils occu-
pèrent. Mais le pape, grâce à des efforts extraordinaires et au secours
des Français conduits par le duc de Guise, reprit la plupart des villes
et châteaux dont ils s'étaient emparés. Montefortino néanmoins tenait
toujours pour le parti contraire.
Après que François Colonna, do la ligne des seigneurs de Préneste,
partisan du pape, eut repris Cavi pour TEglise, ce fut à Montefortino
que la garnison se retira. Mais bientôt, comme les vivres y étaient
rares, le capitaine qui était dans la place, François Brancacci, se retira
avec ses hommes. Toutefois le^ habitants, bien que contenus par les
forces de Jules Orsini et de François Colonna, ne laissèrent pas de
harceler leurs voisins fidèles au pape, et de piller sans relâche à
droite et à gauche.
Cependant les affaires du pape allaient mieux. 11 avait repris Ostie,
il songea à en finir avec Montefortino. Sur Tordre du duc de Paliano,
Jules Orsini, capitaine du pape, et François (jolonna sortent de Rome
avec 3,000 fantassins italiens, deux compagnies de vétérans alle-
mands et la cavalerie ponlincale, et se dirigent sur Montefortino.
Depuis le jour où, ayant prétendu gêner la marche de Charles VIII
sur Naples, elle avait fait connaissance avec Tartillerie des Français,
celte petite ville, suivant la fortune de ses seigneurs, avait eu unn
histoire assez agitée. En ^527, lorsque Clément VII, vengeant le sac
de Rome sur Pompée iiOlonna et sa ftimille, lança sur leurs terres
les Itandes Noires de Luc Antoine de Fermo et de Baptiste Farina,
Montefortino fut pris, et, sur Tordre du pape, brûlé. En 1543, Paul III
s'en emiKira, dépouillant Ascagne Colonna : elle fut rendue par
Jules III; mais le château avait été démoli en grande partie. Toute-
fois, après chacun de ces orages, le pays se relevait rapidement; les
Colonna rebiitissaient et fortifiaient plus solidement la position,
déjà très forte par elle-même. Celte fois-ci Marc-Antoine Tarait lar-
gement approvisionnée; il avait remplacé Brancacci par un autre
aipitiine, Jean Antoine de Plaisance, avec une compagnie de ses
hommes, et, pour rassurer les habitants, lui avait adjoint, sur leur
demande, Jean Ceccolella.
Aussi la place fit-elle une défense acharnée. A chaque instant la
g!irnison sortait et iniligeait à Tennemi des pertes considérables :
I^irmi les morts furent (iocco Conti, fils du seigneur de Valmontone,
et le capitiine Georges de Terni. Les assaillants n'étaient pas moins
furieux : on les entendait menacer de mettre le feu à la ville; [Kirmi
eux se trouvaient beaucoup d^habitants des pays voisins venus pour
se venger des injures reçues et pour avoir part au pillage. Néanmoins
348 MELANGES ET DOCUMEUTTS»
les murs tenaient bon, et il fallut envoyer à Rome chercher de Par-
tillerie pour les battre. Sept canons tirèrent pendant deux jours, puis
Tassant fut donné. U Ait sanglant; Roger Meroch, colonel des Alle-
mands, reçut une blessure au bras gauche; mais la brèche fut occu-
pée : la plupart de ses défenseurs sautèrent en bas des murs et
8*enfuirent; quelques-uns furent pris, les vainqueurs les désar-
mèrent et s'en amusèrent quelque temps, puis les tuèrent.
Cependant, la discorde s'étant mise entre les soldats et les habi-
tants et la résistance étant impossible, chacun traita de son côté.
Les soldats obtinrent de sortir tambours battants et enseignes
déployées, et se retirèrent à Anagni; les habitants, abandonnés à
eux-mêmes, se rendirent à discrétion. Déjà la ville était au pillage :
les Allemands vengeaient la blessure de leur chef; les hommes des
pays voisins entrés avec eux couraient partout, tuant tous ceux qu*ils
trouvaient, demandant compte du sang de leurs amis et de leurs
proches et de tout le mal que leur avaient fait les gens de Montefor-
tino. Les chefs étaient impuissants à arrêter le tumulte.
A la fln, Jules Orsini réussit à mettre un peu d'ordre. Il promit
que tous auraient leur part : les capitaines, ayant pris chacun son
logement, partagèrent la ville entre les diverses compagnies, et le
pillage se fit méthodiquement.
Tout à coup, sans qu'on ait pu savoir s'il ilit allumé par le hasard
ou par la main des saccageurs, le feu prend à la maison où étaient
logés les capitaines allemands, et, poussé par un vent violent, enve-
loppe promptement toute la ville. Les femmes s'étaient réfugiées
avec leurs enfants, pour éviter la fureur du soldat, dans l'église de
Saint-Etienne. L'incendie vient les y trouver. Plusieurs ont le cou-
rage de sortir, et courent à une maison voisine, où logeait Cencio
Capizucca, l'un des capitaines du pape : il a pitié d'elles, les accueille,
et les défend contre les vainqueurs. Mais à peine y sont-elles que
l'incendie les y poursuit, et il faut les faire descendre le long des
murs pour les soustraire à son atteinte. Celles qui étaient restées
dans l'église s'étaient réunies dans la chapelle Saint-Pierre, qui avait
une voûte très solide, et où elles croyaient que le feu ne viendrait
point. Mais leur attente fut trompée. Après être restée longtemps
intacte au milieu de l'embrasement général, la chapelle fut tout d'un
coup remplie d'une flamme épouvantable, et toutes furent brûlées en
un clin d'oeil.
Montefortino et son territoire furent pillés le mieux que l'on put.
Les canons qui l'avaient défendu furent portés à Pagliano. Puis
les soldats se retirèrent, emportant tout ce qui pouvait s'em-
porter; les paysans, et surtout ceux de Yalmontone, comme plus
EXCIDIUM MOXTISFOBTmi. 349
voisins et plus ennemis que les autres, se chargèrent de butin.
Lorsque Paul IV apprit le succès remporté par ses armes, il res-
sentit une vivo joie, car il était grandement irrité contre les gens de
Monteforlino. Peu de temps après le départ de François Rrancacci et
avant que Jules Orsini se présentât devant leurs murs, ils avaient
mis le comble à sa colère par Tentreprisc que voici.
Il y avait à Vellelri une garnison assez forte, commandée par
François Villa, de Ferrare. Les gens de Monteforlino lui firent dire
secrètement qu'ils voulaient se réconcilier avec le pape, et convinrent
avec lui qu'il leur enverrait un secours, et qu'eux tueraient en tra-
hison la garnison espagnole pour mettre la ville entre ses mains.
Au jour dit, deux cents hommes d'infanterie et une compagnie de
cavaliers appartenant à un Orsini s'acheminèrent vers Monteforlino.
Mais, quand ils furent aux confins du territoire véliterne, près de
la fontaine dite Acqua del Papa, tandis qu'ils cheminaient sur une
antique voie romaine qui traverse des bois propres aux trahisons, ils
tombèrent dans une embuscade que leurs prétendus alliés leur
avaient tendue, et il n'en réchappa pas mémo un tambour.
Plein de ressentiment depuis cette afiaire, poussé par son neveu
le duc de Palliano, par les Orsini, par les gens des pays voisins et
par sa haine contre les Colonna, le pape résolut de faire une exécu-
tion exemplaire. Montefortino fut condamnée à périr. Le pape n'en
parlait jamais sans s'écrier qu'il eût voulu qu'avec leur église fussent
brûlés leurs derniers descendants-, et il cherchait seulement un
homme capable d'exécuter dignement sa vengeance, dont il avait
confié le soin au cardinal Tiaratra, son neveu.
Cet homme se trouva dans la personne d'un jurisconsulte asculan,
Didier Guidone, depuis longtemps connu du pape, et estimé de lui
pour son expérience et sa sagesse. Le 24 avril ^557, des lettres
patentes du cardinal Carafl'a lui donnèrent « commission expresse et
pleine autorité et pouvoir de jeter par terre Montefortino, et de prendre
possession de la ville et du territoire au nom de la (ihambre Apos-
toli([ue ', > et le 27 du même mois, un bref du pape, conçu dans les
termes les plus élogieux \)o\xv messire Didier, l'investit de l'autorito
de commissaire du Saint-Siège, enjoignant à tous damoiseaux,
l)arons, feudataires et autres seigneurs temporels, communautés de
villes, terres, châteaux et i>ays voisins de Montefortino, comme aussi
à tous particuliers et à tous soldats à pied et à cheval servant à la
solde (lu Saint-Siège, de lui prêter obéissance, aide, assistance, con-
seil et appui, et de lui fournir hommes et secours autant qu'il le
jugerait nécessaire, à peine d'encourir le mécontentement du Saint-
Père et d'être punis à son gré.
350 MIÎLANGBS ET DOCUMEIITS.
Muni de ces pouvoirs, messire Didier tira des garnisons des villes
voisines un nombre respectable de fantassins et de cavaliers, fit
venir de tous les pays à 20 milles à la ronde environ 4,000 personnes,
et, partant de Valmontone, entra sur les terres de Montefortino.
C'était le 2 mai i 557.
Son premier acte fut de s'emparer de la seigneurie au nom de la
Chambre Apostolique. U s'arrêta dans une vigne, et, en présence de
son chancelier, Jérôme Feragallo, de Gesena, notaire, et de trois
témoins, il prit en main quelques mottes de terre et quelques
branches d'arbre, et déclara prendre, au nom de Sa Sainteté et de la
Révérende Chambre Apostolique, possession réelle, corporelle et
actuelle du sol et du territoire, des fruits, revenus et profits, pour
les percevoir, lever et conserver en vertu des pouvoirs à lui conférés
par le Saint Père. Acte en fut dressé, et l'expédition s'achemina vers
la ville que son nouveau maître condamnait à périr.
Montefortino était abandonné. Les hommes s'étaient enfuis : les
uns se cachaient de leur mieux dans les villes ou chez les personnes
qui avaient consenti aies recevoir; les autres couraient la campagne,
vivant comme des bêtes fauves sur les monts et dans les forêts -,
quelques-uns rôdaient encore autour des ruines de leur pays. On les
poursuivait avec diligence. Ceux qui possédaient quelque chose hors
du territoire de Montefortino le voyaient frappé de confiscation, et
tous ceux que l'on prenait ou dont l'eiistence était signalée étaient
jugés et condamnés à mort. Les juges de Velletri étaient particuliè-
rement sévères. Ils faisaient payer cher aux fligitifs tout le bétail
qu'ils avaient enlevé aux gens de leur ville, les rançons énormes
qu'ils avaient exigées des malheureux enlevés sur les chemins, et
toutes les violences commises au mépris des commandements de
Notre Seigneur, de tout droit civil et canonique, des bonnes mœurs,
des relations de voisinage et du devoir des sujets de la sainte Eglise
romaine.
Mais ces rigueurs ne suffisaient pas. Les poursuites individuelles
sont un moyen lent et incommode. Aussi messire Didier, le 7 mai i 557,
publia-t-il un ban de proscription générale contre tous les hommes
de Montefortino. Après avoir rappelé la mauvaise vie publique et
.privée des gens de Montefortino depuis de longues années et toutes
les offenses faites par eux aux papes et à l'Église, il annonçait que
le Saint Père, afln que leur châtiment servît d'exemple à tous, afln
que la paix fût rendue à la contrée et que Montefortino ne fût plus
un nid et un repaire de misérables, de brigands et do rebelles, avait
déterminé de le détruire complètement et de frapper tous les habi-
tants de la peine capitale. En conséquence, disait le ban, tous les
EXCIDIUM SIONTISFOETni. 351
hommes du ci-devant Monteforlino, comme rebelles notoires, sont
déclarés passibles du dernier supplice et de la conflscation de leurs
biens; il est permis à toute personne de les ofTenser sans encourir
de châtiment; il est expressément défendu à tous seigneurs, barons,
feudataires, officiers, ministres, communes et particuliers de les tolé-
rer ni recevoir, de leur prêter aide ni faveur, à peine d'encourir le
châtiment applicable à qui tolère, recèle ou favorise les rebelles
contre le Saint-Siège; il est ordonné au contraire à chacune des per-
sonnes susdites et à tous leurs officiers de faire toute diligence pos-
sible pour mettre la main sur les hommes du ci-devant Montefortino
et en faire immédiatement justice, à peine d'encourir le mécontente-
ment du Saint-Père; chacun est averti que de toutes ces choses il
sera fait une exacte recherche, et que ({uiconque n'aura pas obéi sera
châtié sévèrement et sans aucun égard. Le ban fut adressé à 26 villes
ou pays des environs qui étaient au pouvoir du pape.
Ainsi fut réglé le sort du territoire de Montefortino et celui de la
population. Il restait à détruire la ville.
Didier Guidonc, montant au tribunal qui existait sur la place,
donna connaissance aux hommes rassemblés par lui de la condam-
nation qui la frappait. Depuis tant et tant d'années, les hommes de
la communauté de Montefortino ont commis tant de fautes graves,
tant de crimes, tant d'excès énormes, que, par une si antique habi-
tude de mal faire, ils sont devenus incorrigibles; voleurs, brigands,
homicides et assassins, ils dépouillaient quiconque passait à leur
portée ; la tolérance que Ton a eue pour eux n'a fait que les engager
davantage hors du chemin de la justice et de l'honneur; elle a été un
mal pour les populations voisines, qui demeuraient dans la crainte,
et dont la vie et les biens étaient perpétuellement en péril ; elle Ta
été aussi pour tout le monde, car on ne pouvait plus passer dans la
cx)ntrée sans être dévalisé. Dernièrement, oubliant le châtiment trop
doux de leur rébellion contre Clément VII, d'heureuse mémoire, les-
dits hommes et commune ont, dans la présente guerre, où l'on cher-
chait à abattre notre saint père et seigneur, l'autorité du vicaire de
Dieu sur la terre et le Saint-Siège apostolique, fait acte de rébellion :
ils ont passé dans le i)arti d'ennemis déclarés, ils ont pris les armes,
ils ont reçu dans leurs murs une garnison de troupes ennemies, ils
se sont fortifiés, ils ont pillé, fait des prisonniers, dérolié, tué, assas-
siné, manifestant [mr actes et paroles leurs sentiments d'obstination,
de révolte et de perfidie; de plus, bien qu'ils fussent ipso jure excom-
muniés, ils ont, poussés par l'esprit diabolique et méprisant l'auto-
rité du légitime vicaire de Dieu, osé assister aux divins offices: enfin
ils ont persévéré jusqu'à ce que leur ville îdi assiégée, battue par le
352 MéUIfGBS ET DOCUnilTS.
canon^ prise d'assaut, mise à sac et brûlée. C'est pourquoi le Saint*
Père, désirant délivrer cette province de Campagne d'un fléau infect
et contagieux, et faire un exemple salutaire, par un juste jugement
a décidé : que tous les habitants, comme rebelles notoires, seraient
déclarés passibles du dernier supplice, et, comme tels, bannis ; que
leurs biens seraient confisqués ; qu'il serait pris possession du terri-
toire pour la Révérende Chambre Apostolique : toutes choses qui ont
été faites; et enfin que la ville et château seraient démolis et rasés
au niveau du sol. « Soldats et provinciaux rassemblés ici, dit messire
Didier, dépêchons ! Allez, renversez et démolissez. »
C'est toujours une chose qui fait peine, quels qu'en soient d'ailleurs
les motifs, que d'abattre l'habitation d'un homme. Qu'est-ce quand
il s'agit d'une ville ? Aussi beaucoup des démolisseurs allaient lente-
ment en besogne, et travaillaient à contre-cœur, pris d'une pitié
inattendue pour Montefortino, qui n'avait fait dans sa révolte qu'o-
béir aux Colonna, ses seigneurs. Messire Didier s'en aperçut : « Que
veut dire cette lenteur? s'écria-t-il. Oubliez-vous tout ce qu'ont feit
ceux d'ici ? Ne se sont-ils pas révoltés pendant que Paul III envoyait
ses troupes contre Palliano ? N'ont-ils pas fait de même contre Clé-
ment Vn tandis qu'il était écrasé par les forces impériales ? Jusqu'à
Charles VIII, roi de France, qu'ils ont combattu tandis quMl passait
en ami près de leur ville î Qu'on ne dise pas qu'ils n'ont fait que
suivre leurs seigneurs. Quand votre seigneur vous opprime, à qui
recourez-vous ? A celui qui vous l'a donné pour maître, au Saint-
Père, seigneur des seigneurs. Et Ton obéirait au seigneur qui va le
combattre ! L'autorité du Saint-Père serait supérieure quand c'est
votre intérêt qu'elle le soit, et celle du seigneur primerait quand il
vous ordonne la révolte. Allons ! Cette journée-ci vous fera honneur,
quand on verra par vos mains rendue déserte et désolée la terre de
ceux qui tant de fois ont offensé les souverains pontifes quand leur
devoir était de les défendre. »
Il paraît que ces arguments-là faisaient impression sur tout ce
monde. On y répondit par des acclamations , et l'on se mit avec
ardeur au travail .
La démolition dura quatre jours. Le ^3 mai, tout étant fini, mes-
sire Didier réunit son monde sur la place, monta au tribunal, et
s'assit sur le siège de pierre, avec maître Jérôme Feragallo près de
lui. Il exposa alors le reste de sa commission : le lieu où fut Monte-
fortino sera traité comme rebelle, pour avoir été le berceau et la
retraite de tant de voleurs, de meurtriers, d'assassins, de larrons et
de révoltés ; il faut croire, à la persistance de tous les habitants dans
leur mauvaise vie, que la terre elle-même y est pour quelque chose;
EXCIDU'M MORTISFORTni. 353
pour le rendre donc inhabitable et qu'il reste éternellement désolé,
il sera labouré, et Ton y sèmera du sel, emblème et source de stéri-
lité. Alors, sur Tordre du commissaire papal, un homme de Val-
montone, ayant attelé ses bœufs, laboura la place et tous les endroits
qui n'étaient pas trop à pic pour que la charrue pût y atteindre-, un
homme de Palestrine y sema le sel. Quand ce fut fait, messire Didier
déclara remplacement du ci-devant Montefortino désormais et pour
toujours inhabitable, avec défense à qui que ce fût d'y résider, d'y
t)âtir, de réparer les constructions démolies, à peine du crime de
lèse-majesté. Puis il commanda à maître Jérôme de faire un acte de
ce qu'il avait vu.
Ce qui restait de la population, c'est-à-dire quelques vieillards, les
enfants et des femmes, s'était enfui à rapproche de rex|)édition
dévastatrice. Mais à peine Didier Guidone et son monde furent-ils
|)artis, que des hommes revinrent autour des ruines, vivant de ce
((u'ils pouvaient dérober. Le pape le sut. II apprit ainsi que le palais
de la cour et le massif du glacis du château subsistaient encore, mes-
sire Didier s'étant excusé de ne les avoir pas jetés par terre sur le
nombre insuflisaiit de travailleurs que lui avaient donnés les pays
voisins. Il fut mécontent, et d'ailleurs il entendait que le territoire
fût conservé et administré pour le mieux de ses intérêts. Aussi, dès
le 20 du même mois, le cardinal (iarafTa donna-t-il en son nom do
nouvelles lettres au même commissaire pour se rendre à Montefor-
tino. H lui était enjoint de donner à forfait à un maître maçon l'en-
treprise de démolir ce qui restait debout dans la ville, aux frais des
communes voisines, d'aifermer |)our un an auxdites communes les
revenus du territoire, et de |)oursuivre avec toute rigueur l'exécution
de la sentence contre les txinnis. Quatre de ceux-ci, qui étaient entre
les mains du lieutenant de Velletri , devaient être conduits sous
bonne escorte sur l'emplacement de leur patrie, et exécutés là pour
Texemple.
Otte fois, outre son autorité ordinaire, Didier Guidone était investi
du pouvoir de ])rocéder etiam manu regia envers et contre tous, de
citer, poursuivre, c/)ndamnery exécuter, imposer, gracier commu-
nautés et |)articuliers, et de se faire oliéir eliam manu armata. I^r
le fait, les communautés de plusieurs villes voisines, ayant recueilli
environ 300 vieillards, femmes et enfants de la cité <]étruite, fun;nt
INmrsuivies |M)ur crime de réiiellion. Les hommes qui furent pris et
emprisonnés à Velletri fuix'nt pendus, bien que messire Didier eût
<iemandé qu'on leur fit grâce. I^iul IV fut impitoyable.
Après celte seconde visite des ministres de sa colère, il ne resta de
Montefortino qu'une montagne couverte de décombres, sur lesquels
354 HtfUUGES ET DOGUMElfTS.
rodaient des chiens pleurant leurs maitres et des chats affamés cher-
chant le foyer qui les avait nourris.
II.
Les détails de cet épisode du pontificat de Paul IV sont contenus
dans un manuscrit de Tannée 4747, conservé au municipe d'Artena.
il a pour titre : Notizie htoriche délia terra di Montefortino; et
son auteur est un médecin du pays, Etienne Serangeli, qui a vécu de
4650 à 4725. G^est un gros livre dans lequel Fauteur, avec une
patience et une exactitude extrêmes, a réuni tout ce qu'il a pu trou^
ver sur l'histoire de sa ville natale, compilant les passages des
auteurs anciens et modernes qui en parlent et tirant des documents
locaux tout ce qui lui parait intéressant. 11 a donné à ses chapitres
la forme de lettres à D. Marc-Antoine Borghese, prince de Rossano
et seigneur de Montefortino. La douzième est intitulée : « Del seconda
eecidio e totale desolazione délia Terra di Montefortino e sua Rocca,
d'prdine di Papa Paolo /F, e da' Caraffeschi. » Elle m'a fourni la
substance de la narration qui précède.
Dans cette lettre, Fauteur donne les récits faits par divers historiens
de la prise et de l'incendie de sa patrie. D transcrit ceux d'Alessandro
d'Andréa*, de Mambrino Roseo*, de Gio. NicoL Doglioni', et d'Al-
berto Lazaro^. Mais tous ces écrivains, après avoir dit conmient la
ville fut prise d'assaut et brûlée, ne s'occupent plus d'elle, pressés
qu'ils sont de suivre la guerre : aucun ne raconte sa condamnation
et sa destruction juridique.
Heureusement Serangeli a eu entre les mains, — il y a de longues
années, dit-iP, — un cahier contenant toutes les pièces qui con-
cernent la destruction des ville et château de Montefortino, accompa-
gnées d'une relation en latin de Texécution elle-même. Il a pris la
peine de transcrire tout cela, et il le donne in extenso dams sa lettre.
Le récit, qui a 45 pages, porte pour titre celui de cet article : Exci-
dium Montisfortini. Il n'est pas Fœuvre d'un témoin oculaire : mais
il est certainement voisin des faits, et Fauteur a du connaître des
personnes qui les a\*aient vus : il y a dans sa narration des détails
d'impression qu'il n'aurait pas inventés lui-même. coDune par exemple
celui par lequel notre récit se termine. Il parait avoir travaillé
1. Guem delU Câmpagna di Roina, n^goùàm. 2.
:^. Agçion. «U* IstorU del mondo del TârcagnoU, p. 3. lib. 6.
3. Comp. Istor. Uut., p. ô.
4. Par. 2, mot. 19.
5. M$. Serangeli, p. 1013.
EXCIDirX MO^fTISFORTniU 355
sur les pièces que son récit accompagnait dans le vieux manuscrit
dont parle Serangeli : il les suit exactement, cl on les sont parfois «î
travers sa prose. Cependant je ne suis pas sûr que son travail ait élé
fait uniquement pour servir de préface au recueil des documents ori-
ginaux : bien que le préambule n^annonce qu*un récit de la destruc-
tion de Montefortino, la fin semble appeler une continuation, comme
si Tensemble était un morceau détaché d'une histoire de la guerre.
On trouvera peut-être aussi que les faits généraux de cette guerre,
particulièrement ceux qui concernent Rome, tiennent là un \)vx\ trop
de place : à moins (ju'on ne veuille admettre que Fauteur soit un
contemporain (jui se laisse naturellement entraîner i)ar des souve-
nirs tout frais. L'auteur aura pu être un Romain en position <le con-
naître les pièces, qui par curiosité en aura fait un recueil et se sera
diverti à écrire, dans un style où la rhétorique de son temps s'est
fait place, ce qu'il aura appris là et ailleurs. Il n'est |xis de Montefor-
lino : il suffit de voir qu'il n'a que des malédictions pour celte ville,
et qu'il parle de toute Taffaire à peu près comme Teùt foit Paul iV. Je
note aussi 1 éloge qu'il fait de la fidélité d'Anagni. Quoi qu'il en soit,
il est plus complet que les historiens généraux de la guerre; dans la
première partie, il les corrige et permet de choisir là où ils diffèrent ;
dans la seconde, il raconte des faits que l'on ne trouve pas chez eux ^
Voici la copie de Serangeli :
EXGIDIUM M0NTI8F0RTINI.
Oppidum est ditionis Romanae in Latio Monsfortinus, quod pruceros
familiao Culuniniae agnoscit dominos. Hoc, ubi opos ooruni procella
t('mporum jactatao sunt, novis rébus 8tudore adeoque discrimina coii-
t^mnoro persovoravit ut quicumquo a Pontiliribus dcsciverint facib^
sceloro ac furoro superarint. Quam quidem corte ob superbiam impc-
riiquedospoctum quo pacte id doleri oimrtuit re altius ropotita iiiferius
oxponam.
Vcrtcbatur annus a Christo nato 1550, l'aulo Quarto patria Nea|>oli-
1. Je n'avais ni le temps ni les moyens de m'assurer par des recherches que
le récit fût vraiment indéfn^ndant et inédit. En tout cas il sera peu ctmnu,
cl il accompagne si natureUement les pièces, curieuses |»ar elles-m^nies, que je
n'hésite |»as à le présenter avec elles cximme le fait Serangeli. Car ce n'est pas
en Afrique que je puis maintenant chercher à découvrir sa provenance. Je
n'ai pas voulu non plus corriger les nombreuses fautes dues, soit à l'auteur,
>oit plutôt à ce que Serangeli, en mettant au net son ooTrage à l'âge de 67 ans,
n'a pas bien relu sa copie ; la plupart d'ailleurs sautent tellement aux yeux
qu elles ne pcuTent arrêter la lecture. — Alger, 1883.
356 VJUNGBS R DOCUMENTS.
tano snmmo Pontifice, arseratque huic a Philippo hujus nominis
secundo Hispaniarum rege illatum bellum, quo supra annum aperto
marte decertatum est. Nam mutuis odio ac simultate estuans Rez ob
eversos bonis oppidisque in Latio Golumnios, Marcam Antonium,
gentis ejus principenr, extorrem ezceperat, exercituique a prorege Nea^
polis, duce 'ut nuncupatur Albae, comparato per honorifica praerogativa
ductorem adjunxerat.
8ub ipsum belli initium, copiisab utrisque summa diligentia accinctis,
cum Pontifez Carolo Cardinale Garafa nepote in Gallias misso cum
Henrico rege icisset foedus, ab insula Gymae tum in potestatem Galli
reducta pedites Aquitani ad duo millia transmissi ; simulque ab agro
Senensi, ubi aliquot adversis praeliis Galli sub imperio Pétri Strozzae
cum Hispanis Cosmoque Florentiae duce dimicaverant, veterani regii
ad Urbem auzilio proficiscebantur. Neque interea videre segnius Pon-
tificis bellum gerere quam propulsare quoad dux Guisius ab Henrico
missus cum equitatu gravis armaturae probe instructo peditibusque
Helvetiis et Gallis, liberaturus quemadmodum assererat Pontificem ac
Urbem, adesset, ûnesque Neapolitani regni ingrederetur. Enimvero,
auxiliari hoc exercitu e Gallia nondum habito, Germanum peditem
mari Infero trircmibus ad Gayetam expositum Proregi castra comple-
visse rumor certus attulerat : quibus ille motis quanta potuit celeritate
Hernicos Volscosque fere omnes subegit, Latioque terrorem incussit
maximum.
Quaecumquc intérim in ofGcio et fide manserunt civitates atque
oppida, Anagniorum exemplo, non modo incensos hostili manu spec-
tando agros non terrefacta sunt, sed extrema pati potius quam ea for-
midaro maluerunt. Incolae tamen Montisfortini, inauditae bomines
tcmeritatis et audaciae, singulari perfidia praediti, ultro bostem accer-
sivere, quotidianisque postmodum una cum eo latrociniis debacchati,
obscssis itineribus haud modica Rci Romanae jactura, quamdiu licuit
in suis tcctis comités ei ac bcnefîcos praebuere.
Notam banc insigniem haud multo post ausi majore facinore detur-
pare, velle se hospitia Hibernorum prodere ad hune ferme modum
simularunt.
Velitrao praesidio satis valide ûrmatae crant, nec dum ibi, an te
Ostiao arcem expugnatam noque post vallum ad Ostiam Hispanorum
armis munitum relictum, munitiones fuerant attentatae, quod tune
tomporis Alvae dux contra ducem Guisium juxta conflucntem Truenti
ad mare Suporum se contulerat. Hoc ad praesidium in locum iniquum
dolo cxtrahendum insidiisquo opprimendum rebelles animum valde
adjiciunt. Et, cum lictis rumoribus Staticcorum onere se impensae
gravâtes divulgassent, Velitras ad praefectum Franciscum Villam Fer-
rarionscm nuntios mittunt, moncntes ut oppidanorum saluti eatur con-
sultum ; occasionom in gratia cum Pontifice redeundi sibi nequaquam
defuturam; quod si suppetias ferre velit, modo aliqua sibi militum
manus ad diem praesto sit, bostem quam primum inter domesticos
EXaDIUM VOXTÎSFORn!ff. 357
parietes obtruncatos, seque in potostatem Ecclesiao vindicatos iri acci-
piot. Quod ubi saepius affîrmassont, nacti fidom quam boUi tompore
rci bcDO gcrcndae spes postulabat improbis, qua su])petiac afforent certa
demum constituta est dios. Postea vero quam ducontos peditcs unaquo
equitum turma sub signis advenire certiorcs facti sunt, longe aliam
coQsilii rationem ineunt priusquam in colluquium cum Pr^fecto ivis-
sent, initam nibilo sccius immutant. Oppidanus igitur cum milite
extra moenia tuto loco in insidiis collocatus advenientes Vclitris
armatos, licet non nibil, ut accidit, suspicionis, adoritur, oquitemquo
in poditem difficili admodum loco impingit. Orta itaquo. de improvise
trepidantium direptione ac caede, perpauci qua forte saluti via patcfacta
est fuga evadunt.
At hoc singularc genus pertidiae Deum hominesquc subito ad ultio-
nem provocasse quis dubitet? Ut primum namquo Hispanus cxci-
piendo hostem Gallum cis Truentum detontus est, impio huic goneri
scelerum poenas brcvi difleri fas pcrsuasit, tantoquo doindc anlore ani-
morum contra facinorosos saeviri caeptum fuit ut suprcma eorum sors
et supra quatonus dici possit acerba calamitas nusquam gentium a
quoque quod acceperim deplorata est.
Sod antequam statuta eos clades subsequerotur, quod Ilispanorum
militum haud contemnenda pars intra munimcntum ad Ostiam com-
mcatum mari importari Urbi adhuc prohibebat, contra illud oppugnandi
causa minora castra c regione Tiberis Gunt, perductisquo ultra ripam
in obliquum aggcribus post arccm Ostiac recuperatam, Petro Strozzae
féliciter omnino conatus cessit. Etenim Ilispani, propugnationom dcs-
porantcs, pacti deditionem nec décora conditione abirc permissi; miles
deinde Gallus imiKHiimentis potitus, commeatus vero pcr pontiticios
quaestorcs est publicatus. Tormouta aenea indc ablata, vallo solo
aequato, Romao sub lladriani Mole ad victoriam ostendondam visonda
populo in parte Pontis oxtroma trans flumen Ducis statuorunt. Qua
quidom in ro nihil accidisso visum est momorabilius quam pilac ferreae
crassioris ignea vi tormento aoneo emissae perfracti aggeris ictus, a
quo impulsi lapilli Strozzae, dum inter suam hostis munitioni ajtpro-
pinquarct, labrum oris superius percussum foedc cruentavorunt : huic
gcniini dentés elisi. Pedituni etiam praefectus Aquitanus, nomine
Monlicuch filius, sclopi quom vocant pila plumbea secundum renés suf-
fossus, exanimis concidit. Primo jam vere appetente, Vicovarium, quod
deditionem fecerat quingentorumque praesidio Ilispanorum teneliatur,
propterea quod propius hostium fines commodi us eorum res adjuvabat,
castra mota. Ko ad demoliendum muros tormenta aenea ingontis pon-
deris advocta sunt : quorum ut concussio apparuit, irruentes eo loci iu
proximo oppugnatores fumo per mane involutos pauli momonto (angusto
enim spacio propugnabatur) Hispani sustiuuere; asrensu murorum
superato resistentes cedunt aguntque; circumventi ab equitibus qui
parle ex aliifua moenibus evaserant; promiscue miles oppidanusquo
ferro absumitur. Oppidum extemplo direptum; foeminis et iropuberi*
358 Ml^LAI^GEâ ET DOCUMENTS.
bus jus belli abstinuit. Qui inter ea ad arcem confugerant, vivi capti,
Rui redimendi facultate impetrata, ad suos incolumes revertere.
Quae reliqua erat ad perfidiam Montisfortini vindicandam magnopere
necessaria expeditio Julio Ursino peditum Romanae Ecclesiae univers
sorum ductori demandatur, attributo et ad hoc Francisco Columnio
Praene8tis.domino. Quorum aroborum virtute etsi non nihil latrocinan-
tibus repressum erat insolentiae, illi tamen propinquis interdum insul-
tare atque ex occulte praedas avertere non desinebant.
Verumenimvero situ haud mediocriter munito interdiuque ac noctu
excubitoribus acriter custodito summa dies adveniebat. Nam simul
atque vi tormentorum propugnacula quati caepta sunt murisque agmen
admotum, anceps orta est pugna, qua foris assaltu urgentes aliqui
ceciderunt, Rugeriusque Meroch Germanorum peditum tribunus in
sinistro brachio vulnus accepit, quod mira suorum animes acerbitate
inflammarat; signe denique date armati intro impetu irruperunt : unde
alio compulsi hostes atque oppidani saltu se ad ima proripere nihil mora-
bantur. Itaque in aperta dilapsi avii fuga anhelantes tutos se loco reci-
piunt; pubères numéro exiguos miles Italus itemque externus armis
nudatos ludibris habuit, iracundeque prostravit. Victores, utpote qui
vel crebris antea praeliis vel latrociniis fuerant lacessiti, vel amicos
scu consanguineos amissos reddi exposcerent raptaque répétèrent, ut
quodque limen cadavera oppleverant, immanitatem rabiemque osten-
tantes erumpebant : extrême itaque res loco erat, nec sanguine quidem,
nedum praeda, exsatiari miles est visus, Germanus praecipue, coi
vulnerati ducis ultio cordi extiterat. 8ane vero Ursinus et Columnius
insanis animis modum imponere maturant, ac tum precibus tum minis
sedare furibundos et concursantes festinant.
Rationem se omnium pro cujusque meritis in praeda dividenda, ne
haiic distraherent, cohortibus et praefectis habiturum pollicitus Ursi-
nus tantisper dum iras moderatur, foeminarum puerorumque qui cogi
trépide potuit numorus in aedem sacram contrahi confestim curât.
Multa illuc aetas imbecillis ad aras Divum effigies amplexum iacrima- *
tumque vicissim tam suam quaeque quam communem patriae paren-
tumque calamitatem confluxerat. Coorta autem alibi repente flamma,
incertum forte an de industria, ubi scilicet Germanorum peditum duces
remorabantur, quam spe depopulandi dejectum cuncta igni consumere
"voluisse existimarunt. Aedem circumquaque magna ventorum com-
pulsa vis corripuit, concremataque corpora miruminmodum exanimavit.
Oppidum simul et agrum late vastatum, vacuum deinde cultoribus,
rébus quaecumque repertae sunt asportatis, milites deseruere, sua quis-
que signa sequuti. Haec multo post caeteribus in rébus, quas alii, si
opère praemium arbitrât! fuerint, scriptis memorabunt, huic belle usui
fuere.
His Romae nunciatis, mira Paulum Pontificem, qui durum illud
rebollium genus inexpiabili fuerat execratione detestatus, laetitia inces-
sit. Appetentior enim quam satis esset belli videbatur atque vindictao.
BXCIDfUM MOTTISFORTIXI. 35^
Idcirco non modo incendium innocuis non pcpercisse sacraquc et pro-
phana abolivisse Montefortino non aegre patiebatur (quippe gAnti
nefandae id mali vel perpotua nepotum posteritato convenir^ saopius
clamitans), sed oppidiomninodelendi irreparabilitcrquc dcsolandi, pro-
fugos inquircndi, agro omnes et morto multandi concilium capit.
Quaerebatur non indiligenter quisnam in hoc perûciendo praesens
jubcusquc constantia atque auctoritato, a contcrminis rcgionibus ac
frcquenti circum municipio cum fabris colunisque advocata et coacta
manu, severo accuratcque navarct oporam. Et qiiamquam notae probi-
tatis viri rorumque expericntiae non ignari mento Pauli observaban-
tur, unius dnmtaxat, cujus alias consuetudine perspectaque pnidentia
fuorat obiectatuSf designatio haeret animo. Itaque Desiderium Guido-
uem Asculanum jure consultum cum primis eligit; et, cum ei mandata
ad quamcumque animadversioncm honorifico quo poUebat sormono
dcdissct, summa homincm cum facultate in Latium coutinuo dciegavit.
Is, primo adventu, ex pracsidiis partim Labicano partim Volitrig
equitum peditumquo haud contemnendum numorum convocari, doindo
ab unoqnoquo circum se viginti millia passuum eito oppido cives et
colonos ad quatuor mille adesse jubet. Ëodemque roomcnto et apud
Ilernicos et Volscos omnique in Latio Montefortino ejoctos perpétue
exilio damnatos ediciens, morte si capiantur haud socus quam agro in
praesentia multandos déclarât. Tune agri squallorem intuitus scribam
ciens Feragallum cognomento, Gaesenatensem, juxtaquo testes Veliter-
nos, his astantibus, illius possessionem Fisci nomine approhendit.
Hinc ad desolandum rebelle oppidum conversus, pro suggesto lapidée,
plateam despiciens, in cencioue hujusmodi verba facit : Bi quis vestrum,
Municipes, aut militum qui adsunt, forte existimat satis esse poe-
narum do rebellium perfidia hactenus exhaustum , miraturquc ita
cxacerbatam Principis iram ut praeterquam <]uod natale sohim deseri
a scelcstis nec uUo unquam tempère repeti jusscrit infâme etiam atque
ob solitudinem posteritati inaccessum volit relinqui, vidoat profocto ne
a rationibus Heipublicae communi cum pernicie longe aberret. £a
siquidem nullius manu in terris rectae sunt quin huic a summo reruni
Opitice ac Parente traditae et commeudatae sint : quod si caeteris hoc
arbitrandum est in potestatibus, quanto magis in hac quae por saecula
Servatoris Ghristi summum sacerdotium apud mortales in sufTectis
ipsi Vicariis prepagavit. Quisquis igitur prophane hujus detrectavit
im{)eria, haec dum despicit, is et labi optât fundamenta Heipublicae,
is evertere ditionem at({ue ipsi I)eo procul dubio repugnare cunctaquc
suo arbitratu turlmre censondus est. Quaenam ergo poena tantao uequi-
tiae, tanquam infandae audaciae, satis digne videri poterit constituta?
Kaque etiam iis couveniaut secures ({ui ex subjectis, quemadmodum
hi oppidani, apertt^. se hostes proft^si sunt? Mortem, mihi crédite, quae
aerumnarum est liuis, tali hominum generi mereus supplicium exacte
futuram inticias ibitis : quando et eorum execratas animas apud infères
crudelitatis poenao manent : quarum cruciatus evitare malus quis
360 iriLANGES ET DOCUMENTS.
potesty quis vero damnatus, nisi acerrime inconsolabiliterqne perferre?
Quoniam vero telluris sub coelo nonnulla est insita vis ut alicubi boni,
mali alicubi natura proveniant , compertum est haec oppidi solo qui
ortum duxerint neque homines semper habitos, neque semel ad defec-
tionem fuisse accinctos. Id loci ingeuium abominatus Pontifex inbabi-
tabilem eum et aedificiis murisque subactis brutorum, baud hominum,
receptacula fore statuit. Quocirca tu, qui boves aratro junxisti, Labice
bubuice, plateam banc lateribus munitam perscindito. Tu quidem,
advena Yelitris colone, sale hic sulcis mandato, tellure bac perpetuo
detestata sterilitas inarescat, neque uUi in ea mortales sata legant.
Utque inexpiati domicilia hic amplius ne instaurent, sed profugi cir-
cumvagentur, ne conctemini, quicumque adestis, desolationi incum-
bere : agite, demolimini, subvertitel
Obriguere coutinuo satione salis sequuta dirum illud omen infe-
cunditatis ferri animantibus estu perborrescente. Atque hic Desiderius
' (videbatur enim prae moerore fere cunctis torpere manus) : « Et quid,
inquit, moramini, coloni? Meministis, ne percensere vestrum aliquem,
quot ab hoc loci manaverint in Pontifîcum pectora irarum causae?
Hune a Paulo III, cum Palianum oppugnatum mitteret, defecisse cogno-
vistis : quod haud secus in Glementem VII perpetrare non poenituerat
victoriis Garoli V Imperatoris depressum. Garolo etiam Gallorum
régi Vin quondam bac pacato agmine pertranseunti majores horum
negocium facessere ausos méritas temeritatis poenas luisse memoriae
praeditum est. NuUa profecto subjectis justa fuere arma in Principes
quorum voluntate fuerint tutelaribus dominis commendati. An si sub-
jecti, tutelae nomine, injuria aut ignominia sint affecti, demittent
animum, idque lugere perseverabunt infortunii? Vel potius eo huma-
nitatcm jusque postulatum confugient unde sui dominatum, nihilo
détériore conditione, minores domini sint consecuti? Injustum quippc,
sicuti cvenerit, censebitur judicari nos merito hostes ab iis quorum
hostes jure ipsi persequi debeamus : perinde ac si illis injuriis vclimus
afûci quorum opéra atque auctoritate injuria levandi simus. Quare
hujus diei et loci memoria cxultare vos olim deceat, cum hic omnia
late horrida, sentibus oblita, nullis obtrita callibus invisentur, manuum-
que vestrarum feratur laus incolarum domicilii desolatio quod Roma-
norum Pontiûcum Rem despicatui habuerit, illamque quavis tempestatc
damno affecerit quam contra conatu omni servare debebat. »
Acclamatum hue acriter orationi fuit, atque illico demoliri caeptum.
Quatriduum vestigia tantum oppidi superavere, uti assueti Laribus
canes die nocteque ululatibus et querulae fêles escas illecebrasque
heriles misère revestigare iuspexisses.
Inquisita postmodum fuerunt et de rebellionis rea municipia circum-
posita quae senes puerosque et feminas post eam fugam ccc numéro
rccepissent, neque in alterutros est animadversum. Proposita autem
quaestione de pluribus profugis interceptis et Velitris in custodiam tra-
ditis, de bis tantum suspendio sumptum est supplicium, quod ne erga
BXCIDIVM MONnSFORTIin. S64
hos quidem Desiderio deprecante Pauli severitas ad misericordiam
deflexit : usque adeo laesum iri temere majestatem suam indignabatur
gravateque ferebat.
Post haec Palianum tutari praesidio, id modo lacessantibus Golum-
niis modo UispaniSf ac trans Tnientum castra fieri in primis duci
Guisio Caraffiisque Pauli rem bcllicam administrantibus cura fuit : quae
ubi innotuit ea sic aestate anni moly ut narrabitur se ipsa palam fecit.
Serangeli donne ensuite les pièces du procès d'un des hommes de
Montefortino qui furent condamnés avant le ban de proscription
générale. Il s'agit d'un certain Constantin di Gassandra, contumax.
Les curieux documents de cette alTaire furent trouvés par Serangeli
dans les papiers de ses descendants. Il les a donnés, en abrégeant
légèrement tout ce qui est formalité pure.
ENQUÊTE SUR LE FAIT DE CONSTANTIN DI GASSANDRA,
DE MONTEFORTINO.
Haec est quaedam inquisitio quae fit et fieri intenditur per Rev<>nn
et Eximium J. iTTDoctorem DRum Franciscum ab Angelo, Patavinum,
m™» et Rev™» Dfti Gardinalis Belley civitatis Vellelrarum protectoris et
perpetui gubematoris auditorem, et commissarium in dicta civitato, et
suo ofticio, auctoritate et balia, contra et ad versus Gonstantinum
Gassandram de Montefortino, inimicum Sanctae Romanae Ecclesiae,
rebellem, in eo, de eo et super eo quod, fama publica praecedente et
clamosa insinuatione referente, non quidem a malevolis et suspectis,
sed potius a veridicis et fido dignis hominibus et personis, non semel
tantum, sed saepc et saepius ad aures et notitiam praefati Rev<u Dfli
Gommissarii auditu rclatuque pervenit, ctiam per modum notorii, qua-
liter, in hoc praesenti anno 1556, et proximis mcnsibus Augusti, Sep-
tembris, Octobris et Novombris, cum praefatus inquisitus, rebellis
praedictus, una cum omnibus aliis hominibus dicti castri ut supra
rebellibus, sciret exercitum Imperialcm essct inimicum et rebellem
dictae Sanctae Sedis Apostolicae, multos milites dicti cxercitus sic
rebellis, tam équestres quam pédestres, eorum sponte, alacri facie et
sine aliqua vi in dicto castro et corum domibus receptavit et hospitatus
fuit, providcndo de vietu eisdem et aliis rébus necessariis; de praedictis
non coutentus una cum aliis praedictis, sed malis pessima addendo
uua cum praedictis hominibus notoriis rebellibus quamplures praedas
in variis et diversis gencribus animalium, hominum et personarum
dictae civitatis, ncc non quamplures homines dictae civitatis, captivos
fecit et facere procuravit, exigendo et depraedando et exigi procurando
ab istis impossibiles tallias pro eorum liberatione, et multas alias vio-
lentias contra civitatem praefatam et ejus cives fecit et fieri procuravit,
ReV. HiSTOR. XXil. 2« FA8G. 24
862 iriLilfGBS BT DOGUMBirrS.
praeter et contra mentem SS™^ D. N. et ejus sacras ordinationes ac
formam juris tam canonici quam civilis ac bonos et laudabiles mores
convicinandi et vivendi et subditorum S. R. Ëcclesiae. De quibus sic
facinoribus, rebns Illma>D. Dux S...., tune temporis generalis exercitus
S. Sedis hic Yellitris existons, volons eumdem Gonstantinum juxta
multari, habens notitiam qaaliter habebat hic in civitate quamdam
quantitatem grani ascendentem ad summam rubiorum vigintiquinque
vol circa et unam domum in contrada 8. Martini juxta res Jo. Antonii
Sellarii, res haeredum Quintii Vulpis et alios fines, et granum et domum
praedicta confiscavit, et ipsum Gonstantinum bonis praedictis privavit,
tanquam inimicum et rebellem ut supra. Et praedicta omni meliori
modo super quibus omnibus et singulis inchoata, facta et formata fuit
dicta inquisitio sub die 29 Novembris 1556.
SBNTÇNGE OB MORT CONTRE LB MÊME.
In Dei nomine, amen. Nos Franciscus ab Angelo, Patavinus, I. U. D.,
Ill"> et Rev°»» Dfti GardinalisBelIey civitatisVilletrarumprotectorisguber-
natoris auditor, et commissarius in civitate praefata sedentes pro Tri-
bunali, cognoscentes et cognoscere volentes de et super inquisitione per
nos formata contra Gonstantinum Gassandram de Montefortino, inimicum
et Sanctae Sedis Apostolicae rebellem, causis et rationibusprout in dicta :
nnde, visa dicta inquisitione et testibus super ea examinatis, visis tribas
citationibus contra eum factis ad respondendum super ex tribus diversis
vicibus, et tribus ad Gatenam more solito per Ber. m : ut retulit, visa
postmodum citatione de dicto Gonstantino ad videndum se diffîdari
similiter ad Gatenam per dictum m. ut retulit, visa dif&datione de eo
facta per loca solita per eumdem Ber. m. et publicam personam dictae
civitatis similiter ut retulit, et prout in inquisitione praedicta latius
continetur, habita tamen absentia pro praesentia, contumaciaet confes-
sione, visa demum citatione de dicto Gonstantino ad sententiam et
pro bac die et hora ad hune locum et ad banc nostram sententiam
videndam et audiendam per praedictum m. prout retulit ad Gatenam
citasse, et omnibus aliis visis et mature consideratis quae in praemis-
sis et circa ea videnda et consideranda fuerunt et sunt; Ghristi nomine
invocato, talem in dicta causa sententiam damus et proferimus, in his
scriptis et in hune modum et formam : Videlicet quia dicimus, sen-
tentiamus, pronunciamus et declaramus praedictum Gonstantinum de
Montefortino aliosque de dicto loco, et incidisse in poenam rebellionis,
et ideo, tanquam rebellem, quoad Gonstantinum, condemnandum fore
et esse, prout per hanc nostram diffinitivam sententiam condemnamus,
in poenam capitis necnon ad confiscationem omnium bonorum suorum,
dictaque sua bona tam mobilia quam stabilia et sese moventia, Fiscoque
praefati Rev™» Dfti fuisse applicanda et incorporanda prout applicamus
et incorporamus, ad libitum nostrum subhastanda et vendenda, et de
pretio praedlcto seu praedictis ad libitum praedicti Rev»^ et 111°*^ Dfti
EXCIDirM llO!«TISFORTl?n. 363
disponondum : adeo quod non sit ipsi aniplius loco defensionis, onim ap-
pellatione postposita, et quod nomo pro oo loquatur, tanquam rebelle,
mandantes. Et ita dicimus, sententiamus, pronunciamus, condemnamus,
confiscamus, applicamus et incorporari niandamus onini meliori modd.
Ita est. Franciscus ab Angelo, Auditor et Gommissarius. Ijita, data,
scripta, lecta, et sub Die 9 Decembris 1556, praesentibus D. Antonio
Bistonzio et Joanne , Veliitranis, testibus.
ENVOI EN POSSESSION DE LA MAISON DUDIT CONSTANTIN, CONFISQUÉE.
Indictione 14, Die 16 Decembris 1556, ex commissione et mandate
Rev. et Eximii J. U. Dort. Dni Francisci ab Angelo, Patavini, III™» et
Rev"»' Dfti Cardinalis Belley civitatis Villetranim protectoris et perpetui
gubernatoris in civitate praedicta auditoris et commissarii, committitur
Tibi, eiocutori Curiae dictae civitatis, quatenus tradas et in actualem
et corporalem possessionem ponas et immittas D. Marcum Antoniiim
Lutii, liscalem et procuratorem dicti Rev™» Dfli, de domo Gonstantini
Cassandrae de Montefortino, rebellis et Sanctae Sedis A])ostoiicae ini-
mici, sita in civitate praedicta et in contrada Sancti Martini, juxta res
Joannis Antonii Sellarii, res haeredum Quintii Vulpis et alios Gnes,
Fisco praefati Rev"» confiscata, vigore seutentiae latac per praefatum
Rev. D. Auditorem, scriptae manu mei, Notarii. In quorum fidem
data. Vespasianus notarius, de mandato.
Le recueil des documents relatifs à la destruction de la ville com-
prend six pièces, qui me paraissent d'un grand intérêt. C*esl le j)ro-
cès et la condamnation à mort d'une cité et de son peuple, par un
pape, au xvi'' siècle, (^es pièces m'ont servi à dégager le récit de
l'anonyme des enjolivements de sa rhétorique pour y substituer le
détail vrai. Je les rangeriii ici suivant Tordre chronologique.
LETTRES PATENTES DU CARDINAL CARAFFA
A DIDIER GUIDONI
POUR LA DÉMOLITION DK MONTEFORTINO.
Noi, Don Carlo canlinal Caraiïa. Volendo Nostro Signore che délia
ribollione commessa dalla G)mmunità et huominidi Montefttrtino verso
Hua Reatudinoequesta Santa Sede si faccia quella rigoro.«a ot esemplar
dimostra/.ione cbo si ronviene, ci ha dato online et espressa commissione
che dobbiamo niandare a d* (^astello di Montefortino un Cominiss^irio
che lodebbi, subito, senza ddazionealcuna, far gettare per terra o spia-
nare tutto, si corne ricerca un tanto énorme ecresso peri>etrato da loru :
e, confidandosi Noi nella suflicienzaefededi MesserDesiderioOuidoni,
per l'autoritcà dataci daSua Reatitudine lo eleggiamo et deputiaino rom-
mis«ario a taie elTetto : dandoii commissione espressa e piena autoritn
304 MELANGES ET DOGUMBflTS.
e potestà di gettare per terra detto castello, e pigliar il possesso di esso
e del suo territorio per la Reverenda Caméra Apostolica ; commandando
a tutti li Baroni, Signori, Gittà, Terre e Gastelli circonvicini, che, ad
ogni richiesta di esso Messer Desiderio, debbano darli tutto quelle ajato
e favore, e tutta quella quantité di guastatori che li sarà richiesta da
Lui, sotto pena délia disgrazia di Sua Beatitudine e arbitrio nostro ; et
il medesimo comandiamo a tutti li soldati tanto a piede quanto a cavallo
che sono ai servizio di Sua Santità. Et in fede habbiamo fatta fare la
présente, la quale sara sottoscritta di nostra propria mano e sigillata
col nostro solito sigillé. Dato in Roma alli 24 d'Aprile 1557. Il Cardinal
Garaffa. Luogo ^ del sigillo. Alessandro Marzi, segretario.
BREF DE PAUL IV
POUR LA DESTRUCTION DE MONTEFORTINO ET LA PRISE DE POSSESSION
DE SON TERRITOIRE.
Dilecto filio Desiderio Guidono de Asculo, utriusque Juris Doctori,
Commissario nostro. Locus ^ annuli Piscatoris. Paulus Papa Quartus.
Dilecte fili, Salutem et Apostolicam Benedictionem. Yolentes quod
scelus per Universitatem et homines castri nostri Montisfortini ad ver-
sus hanc Sanctam Sedem ab ea ad illius hostes deficiendo et rebellando
temere commissum poena exemplari et gravitate sceleris condigne vin-
dicetur et puniatur, Te, de cujus ûde ac diligentia ad plénum confidi-
mus, Nostrum et dictae Sedis Gommissarium ad Gastrum ipsum peni-
tus diruendum et solo aequandum, ac illius soli et universi territorii
corporalem, realem et actualem possessionem Nostro et Camerae nostrae
Apostolicae nomine capiendum et apprehendendum, necnon eorumdem
soli et territorii fructus, redditus et proventus percipieudum, exigen-
dum et levandum, ac pro eadem Gamera conservandum, et ad prae-
missa omnia suiïïcientem ministrorum et ofGcialium et operariorum
numerum deputandum, alias juxta patentium literarum dilecti filii et
secundum carnem nepotis nostri Garoli Sancti Viti in Macello Marty-
rum Diaconi Cardinalis Garafifae nuncupati super hoc confectarum con-
tinentiam et tenorem, Apostolica auctoritate per praesentes consti-
tuimus et deputamus : dantes Tibi plenam, liberam et omnimodam
facultatem et potestatem mandandi omnibus et singulis Domicellis,
Baronibus, Feudatariis et aliis Dominis temporalibus, ac Communita-
tibus Givitatum et Universitatibus Terrarum, Gastrorum et Locorum
eidem Castro Montisfortini convicinorum, necnon hujusmodi particula-
ribus personis et quibusvis militibus nostra et ejusdem Sedis stipendia
merentibus, sub indignationis nostrae et aliis arbitrii nostri poenis, ut
Tibi in praemissis omnibus et totalibus eorum exequutione pareant,
faveant et assistant, ac, expedierit seu et indigere illis signifîcaveris,
auxilium, consilium et favorem praestent, in contrarium facientibus
non obstantibus quibuscumque. Datum Romae, apud Sanctum Petrum,
Die 27 Aprilis 1527, Pontificatus nostri anno secundo. Joannes Barengus,
EXCIDIUM MO.^TIâFORTni. 365
PRISE DE POSSESSION DU TERRITOIRE DE MONTEFORTINO
AU NOM DE LA REY. CHAMBRE APOSTOLIQUE.
In Dei nomine, amen. Per hoc praesons publicum instrumentum
cunctis patcat evidcnter et sit notum quod, anno a Nativitate ejusdem
Domini 1557, Indictione dccimaquinta, Die secunda mensis Maii, Pon-
tificatus Sanctissimi in Gliristo Patri» et Domini nostri Domini Pauli
divina providentia Papae Quarti anno secundo, coram circumspectis
viris Domino Gentile de Annibalis Joanne Baptista Magistri Pauli
et Jo : Baptista Magistri Jacobi Prosperi de Valle Montonis ad infra-
scripta habitis et rogatis testibus, in praesentia mei Notarii publici cons-
litutus Magni6cus Dominus Desiderius Guido, laycus, Asculanus,
utriusque Juris Doctor et Sanctissimi Domini Nostri Gommissarius ad
infrascripta prout de dicta commissione mihi coustitit per literas Apos-
tolicas in forma brcvis expeditas sub Datum Romae apud Sanctum
Potrum Die 27 Aprilis Pontificatus anno secundo ac patentes lUustris-
simi et Reverendissimi Gardinalis Garaffae sub Data Romae Die
24 Aprilis 1557, existens in tcrritorio castri Montisfortini Gampaniae,
subtus dictum castrum, in quadam possessionc vineata versus terram
Vallismontoni, dixitetexposuitquod,cum ob nuper commissam rebel-
lionem per homines et Gommunitatem dicti castri Montisfortini contra
Buam Beatitudinem Sanctamque Sedem Apostolicam ab eis rebellando
et manifestis eorumdem iniroicis adhaerendo dicta Gommunitas et par-
ticu lares inciderint ob laosam Majestatem in poenam desolationis castri
et omnium et cujuscumque bonorum con6scationem Reverendae Game-
rae Apostolicae applicandorum, et vigore dictarum Literarum Aposto-
licarum habere in commissis totius dicti soli et territorii memorati
castri realem, corporalem ot actualem accipere possessionem pro Sua
Sanctitate Reverendaque Gamora Apostolica dictisque nominibus illius
fructus, redditus et proventus exigendi, levandi ot conservandi ; volens-
que quae in commissis habet exequi, totius dicti soli et territorii
realem, actualem , corporalem possessionem juriumquo pertinentiarum
pracdictarum cepit, nomine contradicente. Per cxistentiam in dicto
territorio insignemque verae et realis adeptae possessionis hujusmodi,
memoratus Dominus Desiderius varias et divcrsas torrae glebas manu
propria et varies arboruni ramunculos et frondes accepit. Super quibus
omnibus et singulis praemissis, memoratus Dominus Gommissarius
sibi ac pro omni interesse Reverendae Gamerae Apostolicae, in fidem
et testimonium praemissorum omnium et singulorum, a me Notario
publico infrascripto hoc unum praesens nec plura publicum seu publica
instrumentum et instrumenta hujusmodi captae possessionis fieri requi-
si vit et mandavit. Acta fuerunt haec in supradicta Gampaniao provin-
cia, in territorio dicti castri Montisfortini, subtus dictum castrum, in
supradicta possessions vineata, in praesentia supradictorum testium ad
haec specialiter habitorum, vocatorum et rogatorum ac mei notarii
366 HI^LiTVGES ET DOCUMENTS.
publici rogati, supradictis anno, millesimo, indictione, die et pontifi-
catu. Et quia ego Hieronymus Feragallus, laycus, Gesenas, publions
Apostolica et Imperiali autoritate notarius ac praefati Magnifici Domini
Commissarii cancellarius, praemissis omnibus et singulis dum sicut
praemittitur fièrent et agerentur una cum praenominatis testibus prae-
sens interfui, eaque omnia et singula hic fieri vidi et audivi, ideo hoc
praesens publicum instrumentum manu mea scriptum, ex inde confeci,
scripsi, publicavi, et in hanc publicam formam redegi, nomen signum-
que meum in fidem et testimonium praemissonim omnium et singulo-
rum apposui, rogatus et requisitus. Loco ^ signi. Signum quo utor
ego Hieronymus supradictus.
BAN CONDAMNANT A MORT
TOUS LES HOMMES DE MO NTEFORTINO.
Desiderio Guidone, d'Ascoli, dottore nelF una e Taltra Legge, e
Commissario di Nostro Signore.
È notorio e manifesto ad ogni personna, da molti e molti anni in qua,
]a mala vita universale degli huomini di Montefortino in publico et in
privato, e quanto sempre siano stati ribelli et inimici deiii Sommi Pon-
tifici e di Santa Ghiesa, et in particolare in questa guerra, ribcllando
da Sua Santità e Santa Sede, aderendo aile parti inimiche, predando
li convicini sudditi fedeli, robbando, assassinando, fortiticando il Gas-
tello, ricevendo soldati inimici por loro ajuto e difesa, con fraude et
inganni sotto colore di ubbidienza svaligiando, facendo prigioni et
ammazzando li soldati di Sua Santità, aspettando finalmente il campo,
Tartigliera e la batteria. Per il che, non essendo si grave pena quale in
publico et in privato non meritino maggiore, et accio che il loro cas-
tigo sia exempio a tutti, Nostro Signore Paolo per divina providenzia
Papa Quarto, volendo provedere alla quiète di questi paesi e servizio
délia Santa Sede, accio che questo castello di Montefortino non habbia
da essere più nido e ricetto de' tristi, ladroni e ribelli, ha determinato
che totalmente si scarichi a ruine, e che di tutto il territorio e de' béni
de' privati, per la loro notoria ribellione, se ne pigli il possesso per la
Reverenda Gamera Apostolica, corne si è fatto, e che tutti li huomini
del detto castello già nominato Montefortino si bandissero délia vita :
et a fare questo ha dato a Noi ampia autorité di poter ordinare, com-
mandare a tutti Baroni, Feudatarii, Soldati a piedi et a cavallo, Gomu-
nità et Particolari. E volendo Noi eseguire la mente di Sua Beatitudine,
per il présente Bando si dichiarano tutti gli detti huomini dcl già
Montefortino, come notorii ribelli, essere incorsi nella pena dell' ultimo
supplicio e di conûscazione di tutti loro béni, e che sia lecito ad ogni
persona, senza pena, di offenderli; e si comanda espressamente a tutti
i Signori, Baroni, Feudatarii, Ofûciali, Ministri, Gommunità e Parti-
colari sudditi médiate et immédiate a Sua Santità e Santa Sede, che
EXCIDinM MOlfTlSrOKTIRI. 307
non ardischino ne presumino tolcrare, riccttare detti huoraini del già
Montefortino, ne darli ajuto o favore : sotte la pena nelle quale incor-
rono quelli che tolerano, o ricettano, o favoriscano li rebelli délia Santa
Sede; anzi si commanda a ciascheduno di essi et a tutti loro offiziali
che debbano usare ogni possibile diligenza d'haverli nelle mani et eae-
guire la débita giustizia, sotto pena délia disgrazia di Sua Santità : aver-
tendo ogni uno cbe ne farà diligente inquisizione, e quelli cbe non
obbediranno si castigaranno severamente e senza rispetto. In fede Data
nel castello già nominato Montefortino li 7 di Maggio 1557.
£ Voi, Gommunità infrascritte, farote registrare il présente bando, e
lo farete publicare secondo il solito, e con la fede délia publicazione lo
restituirete al présente latore, al quale farete le spese. Desiderio Gai-
done, Gommissario. Luogo ^ del sigillé.
Rocca de' Massimi, Gori, Gisterna, Sermoneta, Pipemo, Sezza, Segni,
Velletri, Gività Lavinia, Genzano, Nemo, Riccia, Albano, Marino,
Rocca di Papa, Rocca Priore, Monte Gompatri, Frascati, Pellestrina,
Gavi, Rocca di Gavi, Genazzano, Palliano, Gapranica, Valle Montone,
Castel Gandolfo, Girolamo Feragallo, Gancelliere, de mandate.
PROGÈS-VERBAL
CONSTATANT LA DÉMOLITION DE MONTEFORTINO, LB LABOUR EXÉCUTÉ
ET LE SEL SEMÉ SUR LA PLACE.
In Dei Omnipotentis nomine, omnium rerum justi Judicis. Vos,
Magister Antonius de Givita de Velletro, Antonius Sanctis Pistilucci
de Garpineto, ac Magister Antonius Gasella de Garona, incola dictae
civitatis Velletranae, estote testes, et ego Hieronymus Feragallus de
Gesena, Imperiali ac Apostolica aucteritate notarius, ad perpetuam
memoriam et pro omni interesse Reverandae Gamcrae Apostolicae ero-
gatus, qualiter bodie, qui est dies 13 instantis mensis Mail de anne
Domini 1557, indictiene vero 15, PontiGcatus Sanctissimi Domini
Nostri Domini Pauli divina providentia Papae Quarti anno secundo,
hic intus castrum Mentisfortini in provincia Gampaniae, in platea
prope portam Guriae rcspicientem versus Orientem et alia sua notoria
latera, MagniGcus Dominus Desiderius Guide, laycos, Asculanus,
utriusque Juris docter, Familiaris Sanctissimi Domini Nostri, uti est
videre per literas Apostolicas in forma Brevis expeditas ac literas paten-
tes lllustrissimi et Révérend issimi Gardinalis GarafTae, reducens ad sui
memoriam graves culpas, delicta, excessus énormes, tum publiées, tum
privâtes, heminum et Gemmunitatis istius castri Montisfertini a tôt et
tantis annis infra, et quod ob eorumdem antiquatam cons^uetudinem
peccandi taliter essent efTecti incorrigibiles, quod uti publici fures,
latrones, homicidae ac assassini quemlibet ebvium habentes depraeda-
bant, et prepterea non selum eorumdem teleratio fuit in causa ut ipsi
penitus transgrederentur viam justi et honesti, sed et convicinis popu-
368 ItiLiNGES ET DOCUMENTS.
lis fuit damnum, quininio universis, cum omnes praetereuntes per
istam regionem derobarentur et in maximo vitae et bononim timoré
ac periculo ab eisdem detinerentur, ultimo, oblivioni mandando clemen-
tem poenam passam ob praecedentem rebellionem factam erga felicis
recordationis Glementem septimum ac Sanctam Sedem Apostolicam,
noviter, in isto exorto bello in quo quaerebatur opprimi Sanctissimus
Dominas Noster, auctoritas Vicarii Dei in terris Sanctaque Sedes Apos-
tolica, uti est publicum et notorium, dicti homines et Gommunitas
dicti castri Montisfortini, rebellando ab obedientia Sanctissimi Domini
Nostri Papae Sanctaeque Sedis Apostolicae, deficiendo ad manifestos
inimicos, perfide arma ceperunt, recipiendo intus dictum castrum ini-
micorum Sanctissimi Domini Nostri praesidium, muniendo, praedando
varios captivos fecerunt, derobaverunt, occiderunt, assassinarunt, verbis
ac factis aperiendo eorumdem obstinatum, rebeliem ac perfidum ani-
mum, propterea, licet essent ipso jure excommunicati, tamen, diabolico
spiritu inducti in vilipendium legitimi Vicarii Dei in terris Sedisqae
Apostolicae, celebrationi divinorum ofûciorum interfuerunt, et ûnaliter,
bellicam expugnationem exspectando ac bellica tormenta eorumdemque
explosiones, cum fuerit tandem a Pontificiis militibus, duce Illustris-
simo Dopiino Julio Ursino, istum castrum expugnatum et captum ac
juste expositum praedae et igni, Sanctissimus Dominus Noster, cupiens
liberare istam provinciam Gampaniae ab hujusmodi putrida et conta-
giosa peste, et ut in exemphim aliorum transeat, justo judicio voluit
quod omnes istius castri, tanquam publici et notorii rebelles Ipsius
Sanctaeque Matris Ecclesiae, in poenam ultimi supplicii declararent
ipsos incursos fore, et pro talibus bannirentur, bonaque eorumdem
omnium Fisco adjicerentur totiusque dicti castri terri torii pro Reve-
renda Gamera Apostolica possessio caperetur, demolireturque ac solo
aequaretur dictum castrum, prout et haec omnia exequuta fuerunt per
ipsum Dominum Gommissarium ; Volensque dictus Magnificus Domi-
nus Desiderius Guido, commissarius ut supra, residuum suae commis-
sionis exe^ui, prout et de jure convenit de loco tamen rebelli, nido
ac receptaculo et tantorum furum, homicidarum, assassinorum, latro-
num et rebellium et, ut credere potest etiam pro continuata in Castro
isto omnium habitantium mala vita, quibus tellus ista forsan conferens
tantae perfidiae et malignitatis instrumentum praebebat, pro reddendo
igitur loco et Castro isto inhabitabili ac deserto, et ut in futurum per-
petuis temporibus nemini liceat absque nota Laesae Majestatis in eo
habitare, noviter aedificare, demolita resarcire, uti castrum juste aratro
subjiciendum et ut fiât stérile intendit, ut ipsum solum aretur, ac in
eo sal seratur, quod sicut seminatum non producit fructus, quinimo
desiccando confort ad sterilitatem, pariterque propterea intendit decla-
rare ac reddere hoc dictum castrum sub nomine Montisfortini olim
appellatum inhabitabile ac desertum, sterileque facere habitationum et
hominum : pro quorum exequutione praecipit et mandat Petro Zacca-
rello de Vallemontone, praesenti et intelligenti, ut, cum aratro quem
EXCIDim XOTTISFOlTI^ri. 369
ad boves paratum ligatum habot, ai^t istam platoam supra latoratam
cacteraque loca, pariterquo praecipit et mandat Menico Francisci de
Praenestino quod, sal in manibus paratum habens, in platea ista et
aliis locis sic aratis scrat, cum alibi ob loca saxosa id fieri nequeat :
qui Petrus, voiens obediro mandatis supradicti Domini CSommissarii,
in praesentia mei Notarii ac Testium supradictorum, ad jugum ligatis
})obu8 et aratro, dictam plateam pluribus et diversis sulcis aravit; quo
facto, voiens et ipse Ilenricus pariter obedire mandato sibi facto, in
praesentia ut supra, sal quod paratum babebat in manibus sévit in
dicta platea sic arata.Tum supradictusDominusGommissarius, ponens
se ad sedendum pro Tribunali in dicta platea in uno sedile saxoo, in
praesentia mei Notarii et Testium praedictorum, ob praedictam porfi-
diam et notariam rebellionem,declaravitcastrum hoc, olim sub nomine
Montisfortini appellatum, inhabitabile prorsus ac desertum omni futuro
tempore, praecipitque mihi Notario ut de praedictis omnibus et sin-
gulis rébus per me rogatis unum vel plura ad perpetuam rei memo-
riam conficiam instrumenta. Âctum ut supra. Et quia ego Hienmyinus
Feragallus, Gaesenas, publicus Apostolica et Imperiali auctoritate nota-
rius ac praefati Magnifici Domini Gommissarii cancellarius, praedictis
omnibus et singulis dum sic ut praemittitur agerentur et Gèrent inter-
fui et praesens fui et ea rogatus scribere scripsi, idcirco, in praemisso-
rum omnium et singulorum fidem et testimonium, ad perpetuam rei
memoriam, de eis hocpublicum et authenticum instrumentum confeci,
scripsi, publicavi, parendo mandatis ut supra mihi factis, nomenquo
cum signo meo apposui. Loco ^ signi. Signum quo utor ego Iliero-
nymus Feragallus praefatus.
œMMISSION DU CARDINAL CARAFFA
POUR LA DESTRUCTION DES RESTES DE MONTEPORTINO , LA PERCEPTION DES
Ri^: VENUS DU TERRITOIRE ET L'eXKCLTION DE LA SENTENCE CONTRE LES
HABITANTS.
Don Carlo cardinal CarafTa. K piacciuto a Nostro Signore che, secondo
la commissione data a Voi, Me.<tser Desiderio Guidone, habbiate fatto
desolare, per la sua notoria rebellione, il castello di Montefortino di Cam-
pagna, et, acciô resti inabitabile, che ci habiate fatto seminare il saie,
e dichiarati tutti gli huomini d'esso essere incorsi in pona deir ultime
supplicio e confiscazione di tutti i loro béni, e di tutto il torritorio di
esso castello con li frutti di esso ne habbiate preso il possesso per la
Reverenda Caméra Apostolica : e perché Sua Sautità intende che vi
resta a scaricare il Palazzo délia Corte et il massiccio délia scarpa delta
Rocca con qualche altra cosetta appresso, e questo esser causato dal
poco numéro doUi guastatori, li quali non sono stati mandati dalli popoli
convicini secondo la roquisizionc et online nostro, c che parimentc i
frutti di quel territorio non si possono custodire benc no farno ritratto
370 iriLÂNfiBS ET IK)GU]IBirrS«
per la Reverenda Caméra Apostolica, Sua Santità vuole che Voi ritor*
niate là, e diate quello che vi resta da scaricare a cottomo a qualche
maestro, e a questa spesa ci facciate contribuire tutte le sopradette corn*
munità vicine al detto castello dodici o quindici miglia, sottoposte a Sua
Santità médiate vel immédiate, seconde la tasse che da Voi, come
informato, si farà, procedendo a questo con la débita considerazione.
Vuole ancora che li frutti del detto territorio, H diate a cottomo per
un' anno a quelle communità convicine per quella somma che vi parera
e glie ne fate contratto, acciô in un medesimo tempo la Reverenda
Caméra per questa via venga a godere il suo et si tolghi commodità a
quelli perfidi banniti di non poter partecipare di quelli frutti, perché è
da credere che le délie Communità li faranno diligentemente dalli loco
huomini custodire. Nostro signore ancora vuole che la dichiarazione da
Voi fatta nelli bandi che li huomini di detto castello per ladetta ribel-
lione siano incorsi in pena delF ultime supplicie con ogni diligenza si
eseguino, senza rispetto alcuno, universalmente ; et in particolare che
quelli quattro prigioni che havete fatto consegnare al Luogotenente di
Yelletri, costandovi che in questa guerra si siano ritrovati insieme
con gli altri dentro detto castello, li facciate con buona custodia condurre
al detto luogo, et a terrore degli altri che vanno vagando d'interne e
robbando, ne facciate eseguir la giustizia : dandovi ampla autorità di
poter procedere etiam manu regia per esecuzione di questa vostra com-
missione, e di citare, processare, condamnare, eseguire, imponere,
graziare tutte communità, particolari di esse, médiate vel immédiate
subjette a Sua Santità e Santa Sede, che vi fossero obbedienti, e di poter
commandare a tutti li Signori, Feudatarii, OfQciali, Soldati a piedi et
a cavallo che in quanto concerne la sudetta commissione Yi assistano,
accompagnino, diano ajutoe favore; et in caso che alcuno nonobedisca
li vostri ordini, etiam manu armata costringano quelli tali air intiera
obbedienza, secondo che da Voi li sarà richiesto et ordinato, sotto pena
délia disgrazia di Sua Santità et altre pêne da imporsi da Voi, non
estante qualsivoglia cosa in contrario. Et in Me habbiamo fatta fare la
présente, la quale sarà sottoscritta di nostra propria mano, sigillata dal
nostro solito sigillé. Data in Roma li 20 di Maggio 1557. Il Cardinal
Caraffa. Luogo ^ del sigillé. Andréa Sacchetti, segretario.
Serangeli sert de guide au milieu de ces documents. Il a contrôlé
l'exactitude topographique du récit de l'anonyme ; il nous aide à
choisir lorsque les historiens dont il transcrit des passages diffèrent
sur quelques détails. Il en ajoute même quelques-uns. C'est lui qui
a établi que l'église où ont péri les femmes était, non l'église princi-
pale, mais celle de Saint-Etienne ; c'est lui qui a déterminé le lieu
où les troupes venant de Velletri tombèrent dans une embuscade.
Il est naturellement très patriote. C'est avec douleur qu'il raconte
la destruction de son pays, coupable seulement, selon lui, de fldélité
EXCÎDIUX HONTISFOETI?!!. 371
envers ses seigneurs, el la persécution subie par ses compalriotes
pour ce qu'il appelle leur prétendue rébellion. Et c'est avec joie qu'il
montre comment, du vivant même do Paul IV, Montefortino com-
mença à renaître.
*
Les bannis en effet échappèrent presque tous à cette condamnation
prononcée contre une population tout entière. Les uns trouvèrent
asile dans des pays voisins ou éloignés; d'autres gagnèrent les terres
occupées par les ennemis du pape-, beaucoup vécurent en iKindits
dans les montagnes des Lepini ; un grand nombre alla rejoindre les
bandes de Marc-Antoine Golonna qui continuait la guerre, prenant
villes et châteaux, et promenant partout le pillage, le massacre, le
viol et l'incendie. Ils trouvèrent dans cette campagne une satisfaction
douce à leur cœur : Marc-Antoine ayant pris Yalmontone, les gens
do Montefortino, qui étaient venus à son camp en grand nombre, y
mirent le feu; tout le pays brûla.
Cependant la paix se conclut à Cavi^ le 2\ novembre ; et parmi les
articles se trouva une restitution réciproque des canons, prisonniers,
biens, dignités, terres, en un mot de tout ce que 1 on s'était enlevé
de part et d'autre. Marc-Antoine Colonna fut, il est vrai, excepté du
pardon; mais Montefortino appartenait à d'autres membres de la
famille, aux filles de Jules Golonna. A peine la paix fut-elle procla-
mée que ce qui restait de ses habitants commença à y revenir, la
ville sortit rapidement de ses ruines et la communauté se reforma.
Serangeli donne un monument curieux de cette rapide renaissance.
(Vcst une supplique des gens de Montefortino aux trois dames dudit
lieu, de l'année -1559, avec la réponse article par article. On y verra
ce que ce peuple demandait, et ce qui, dans les coutumes du temps,
pouvait lui être accordé par de sages seigneurs, pour rebâtir sa ville,
remettre en vigueur ses lois, rétablir le culte et les églises, et répcirer
le mieux possible les pertes qu'il avait subies. Ces deux pièces sont,
à mon avis, les plus intéressantes de toutes.
SUPPLIQUE
DU PEUPLE DE MONTEFORTINO AUX DAMES DUDIT LIEU,
HÉRITIÈRES DE Jl LES COLONNA.
Illustrissimo Signoro,
Li Contcstabili, Massari et Univorsitâ di Montefurtino, f)er le dis-
fattioni, iacendio e iribulatiuni patute, supplicano le S. 8. V. V. 111b*
li Yoglino, como fonte di misericordia, per sovventiono c restaurazione
dcllo cosc guaate e pcrdute, farli grazia délie infra«tcritto co5G.
372 lliLANGES ET DOCUMENTS.
In primo, per recuperare le Reliquie che sono state portate al Mon-
cône, per rescotere li calici, pianete, funicelle, piviali, camisi et altre
cose délia chiesa necessarie al celebrare li divini officij, ci voglino far
grazia delli denari délia gabella di quest' anno del 59, et per ajutarci a
comperare una campana di poco prezzo, acciô se intenda quando si vuole
celebrare Messa e li divini officij.
Item, che le 8. S. V. V. Ill"» ce voglino recuperare li statuti nostri,
quali sono in Roma, e li tiene M' Joan Domenico Jaconello di Pelles-
trina, che abita vicino aile Scale d'Araceii, e commettere al Yicario
ce li osservi insieme colle nostre consuetudini per li tempi passati
osservate.
Item, che li huomini délia Terra possino, per uso loro e refare le
case, fare legnami, scandole, travi, tavole, botti et altre cose necessarie,
con notificare perô alli Fattori délie S. S. V. V. Ill™« lo che voleno fare.
Item, ordinare al Yicario che notifichi per bando publico tutti Mastri
di legname debbiano far scandole, travi e tutte sorte di legnami per il
prezzi antiqui, e, facendoli ad opéra o giornata, si intenda al prezzo
che si costumava avanti la guerra, e non debbiano mancare di servira
detti prezzi.
Item, che li poveri huomini che anno fatti legnami e cacciatone alcun
pezzo fuor di territorio per li gran bisogni e nécessita délia Terra e per
restituire denari a chi ce li ha prestati per pagare le loro taglie che
anco ve ne sono assai in debito, per questa volta e per il passato insino
al di d'oggi li sia perdonato et fatto grazia, con commettere al Yicario
che non li molesti per tal causa.
Item, che tutti Galcarari presenti e futuri, mentre la terra évidente-
mente si vede essere in nécessita di calce, non debbiano venderla a per-
sone forastiere se primo non sarà accommodata la Terra, et alli huo-
mini délia Terra la debbiano vendere il rubbio quindici bajocchi si corne
per il passato, et essendovi calce soperchia la possino vendere a foras-
tieri per li prezzi che ne trovano, con questo che non la possano tenere
alli huomini délia Terra per vendere alli forastieri per lo prezzo già
detto.
Item, perché si è fatto in le terre convicine che sono state disfatte
con Noi che in lo restituire délie doti per tante femmine vidue che sono
remasto et huomini vi se usi certa considerazione, se supplicano le
S. S. Y. Y. Ill™« voglino consultare questa cosa con li loro Magnifici
Auditori, et interporvi un decreto che, come se hanno dette dote a res-
tituire, havendo considerazione a quelli hanno lasciati figliuoli e che
non li hanno lassati, a chi son remasti stabili et a chi non e restato
niente, e come tutte le dote di questa Terra si son date in panni e rami,
e non in danari e stabili.
Item, che le 8. S. V. Y. Ill™« voglino commettere al 8ignor Yicario
che da parte délie S. 8. Y. Y. Ill™« voglia scrivere al Yescovo di 8egm
faccia retornare tutti li Preti di questa Terra sono fuora ad offiziare li
loco benehzij, sotto pena di privazione de* benehcij.
KxciDiim MoifnsFORTmi. 373
Ghe per substentatione delli Poveri possa il Vicario, insieme con Noi
al tri Officiali, prorogare lo mettere delli porci et altre bestie per la
spiga e per la torre insino a Santa Maria d'Agosto , acciô li Poveri
habbino tempo a raccoglierla.
Item, cbe li Officiali, insieme col Signor Vicario, possino refare le
misure del grano, vino et oglio, corne erano prima overo alla Romana,
a loro e del Popolo beneplacito.
Ghe Messer Marc' Antonio Rosato, vicario passato in questa Terra
avanti la gnerra e durante la guerra, debbia tornere al sindacato, dar
conto del taglione rescosso per lui, del grano ha bavuto délia Gommu-
nità, di sessantadue scadi d'oro levati al convento nostro di Santo
Arcangelo con uno sacco di panni di esso convento, quindici rubbia di
grano délia chiesa di Santa Groce, del grano e danari levati a partico-
lari, 8i corne pretendono, indebitamente, e di tutte cose per lui ammi-
nistrate durante lo ofEcio suo.
E facendoce le S. S. V. V. lU»* queste grazie, li ne restaremo con
obligo perpétue, e pregaremo Nostro Signore Iddio per la LfOro esalta-
tione e longa vita, quale nostro Signore Iddio.
RÉPONSE 0E8 TROIS DAMES.
Vista la présente supplicatione, per provedere a ciuscano delli capi
notati in essa per lo cbe tocca a Noi, decretamo e providemo al modo
che segue.
Al primo Gapo, ne contentiamo relassare la parte che tocca a ciasche
una di Noi acciô si possano riscotere le Reliquie e fare il reste che
bisogna per scrvizio délia Ghiesa; et in virtù di questa ordiniamo ail*
Affittatore délia Gabella che glie lo debbia consigniare, et alli Fattori
che ci consentano, ma volemo che li denari li recevano li Gontestabili
con polisa loro, e che ne diano conto.
Al seconde Gapo, se risponde che ne contentiamo ricuperarc li Sta-
tu ti, et ordiniamo che venghi qui da Noi uno delli Gontestabili, che
se li darà quelle bisognerà per questo efTetto.
Al terzo Gapo, volemo si osservi quelle è stato ordinato, cioè che
quelli che hanno del privito loro se ne servano per li loro bisogni, e
quelli che non ne hanno o che li manchi del dette loro privito, volemo
che li Fattori li accomodino di quelli legnami che veramente li faranno
bisogno, 0 de' arbori in terra, overo, quando non ve ne siano, in luogo
dove faccino manco danno alla Selva, e questo se intenda con licenza
di tutti li Fattori.
Al quarto Gapo, per essere ogoi cosa accresciuta di prezzo, non è bene
che corra il prezzo medesimo che correva avanti la guerra, ma volemo
che il Vicario, con intervento delli Gontestabili e Fattori nostri et altri
officiali délia Terra, ponano li prezzi a tatti li lavori delli legnami, e
seconde quelli si debbiano pagare.
374 MÉLANGES ET DOCUMENTS.
Al quinto Gapo, volemo che il Yicario segua li ordiai datili di efte-
guire contra quelli hanno fatto il danno, e che lî processati debbano
supplicare a Noi, acciô, intesa la qualité dei danno e délia persona che
rha fatto, se possi provedere.
Al sesto Gapo, si ha la medesina considerazione che al capo quarto,
eperô volemo che lo dette Yicario, Gontestabili, Fattori etaltri offiziali
faccino il prezzo alla calcina seconde parera di dovere, e che li Galcararl
debbiano prima accomodare li Gittadini, pagandola per lo detto prezzo,
e poi li Forastieri, quando gliene avanzi.
Al Gapo settimo, perché è cosa di molta considerazione et ancora
non siamo ben risolute di quelle si ha da osservare intomo a tal caso,
\olemo che si sopraseda insino che consultamente lo possiamo prove-
dere, il che si farà con ogni diligenza, e frà tanto non volemo che si
procéda, ne che si innovi cosa alcuna.
Ali' ottavo Gapo, considerato che li Preti absenti si potriano ddere
che tornando alla Terra di présente non vi haveriano da vivere, ne scri-
veremo aile ricolte che Monsignore di Segni li faccia retornare, e fra
tanto ne rimettemo alli ordini di Nostro Signore.
Al nono Gapo, ne contentiamo che li porci si tardino a ponere alla
spiga per insino a Santa Maria d'Agosto, acciô li Poveri si possano
commodamente provedere, et da mô per ail' ora lo ordinamo, e com-
metemo alli nostri Fattori che cosi lo debbiano osservare.
Al Gapo decimo, volemo e cosi ordiniamo al Vicario, Fattori et offi-
ciali che debbiano aggiustare tutte le misure cosi corne erano avant! la
guerra e non altrimente.
E a Tultimo Gapo, di provedere che Marc' Antonio Rosato venghi a
dare il sue sindacato, e dar razione e conto di quanto giustamente si
pretenda contre di lui, e per insino che bavera dato detto conto e sin-
dacato volemo e cosi ordiniamo al Vicario che debbia sequestrare, in
nome délia Gorte, tutto lo grano et altro che detto Marc* Antonio hâve
da ricuperare a Montefortino.
E lo predetto volemo che si osservi inviolabilmente, e perô ordiniamo
al Vicario et alli Fattori et altri a chi tocca che effettualmente lo debbia
complire.
Datum Romae vu Aprilis 1559. La sfortunata Vittoria Golonna.
Virginia Golonna de Maximi. Tutia Golonna de Mattei. Luogo ^ del
sigillo.
Grâce à ces mesures, à la paix, et aux efTorts des habitants, aidés
par une situation qui leur permettait au besoin de se défendre,
Montefortino se refit. Mais encore aujourd'hui il garde les traces de
la dévastation qu'il a subie. La tête de montagne qui portait le châ-
teau est nue et déserte -, on voit seulement sur ses flancs les restes
du soubassement de la forteresse. Les maisons du pays sont en géné-
ral mal construites : on voit que c'est un travail hâtif, un provisoire
qui a duré. Des traces de l'incendie s'aperçoivent en quelques endroits.
EXCIDIUM MOimSFORTIin. 375
Serangeli les a vues sur Téglise où lUrenl brûlées les femmes. Enfin,
dans le haut de la ville, certaines constructions modernes sont encore
portées sur des débris anciens.
Avec quelle joie Serangeli^ après cette ruine de sa patrie, met en
regard de sa rapide renaissance la chute des Garafla et la mort du
cardinal I Quoique ce soit hors de son sujet, il y consacre un récit
spécial, dans un long supplément à cette douzième lettre, déjà si
longue.
Les manuscrits de Serangeli sont tous inédits. Ils sont nombreux.
Outre les Notizie di Montefortino^ un autre volume semblable existe
au Municipe, avec le titre de Selva genealogica (4708) : c'est This-
toire complète de toutes les fkmilles des seigneurs et habitants de
Hontefortino. Au couvent des Franciscains de Santa Maria del Gesù,
près d'Artena, se conservent les brouillons de ces deux ouvrages,
diverses pièces originales et un grand nombre de manuscrits du
même auteur. Il y a de tout, des poésies et des pièces de théâtre, des
écrits politiques et de la médecine, des curiosités surtout, et beau-
coup d'histoire. Dans ce dernier ordre d'idées, on voit un homme
qui, dans sa petite ville, recueillait tout ce qui pouvait lui parvenir
d'intéressant : beaucoup d'histoire contemporaine, beaucoup de
documents transcrits, des notices sur des personnages célèbres
comme Mazarin et Alberoni, des prophéties, des discussions. La plus
grande partie de tout cela est copiée ailleurs, ou compilée sans ori-
ginalité; mais il y a des choses intéressantes. Ce médecin drama-
turge avait un goût particulier pour les aventures, pour les histoires
terribles. Il a des volumes remplis de crimes, duels, prisons, récils
tragiques, meurtres, exécutions, brigandages, viols, sodomies, ven-
geances, assassinats, affaires étranges, presque toutes plus ou moins
connues : ce sont les carnets mis au net d'un amateur de causes
célèbres.
Comme il arrive souvent, avec tous ces instincts féroces, Etienne
Serangeli était le meilleur homme du monde. U laissa tout son bien
en mourant pour fonder une institution qui fait bénir son nom dans
sa ville natale : on y élève gratuitement les filles pauvres, et chaque
année on en dote deux. Celui qui a conservé à Montefortino les sou-
venirs d'un passé peu angélique a montré par lui-même qu'on y
connaissait en même temps, comme on les retrouverait encore, la
piété, la bonté et le travail.
M. R. DB La BLA.*fCH»K.
BULLETIN fflSTORIQUE
FRANCE.
Documents. — Les personnes versées dans Thistoire de la France
méridionale savent le rôle considérable qu'ont joué dans ce pays les
Alaman, les Lautrec, les Lévis dans le Languedoc au moyen âge.
Publier de nouveaux documents sur ces grandes familles, c'est ajou*
ter à ce que nous apprend sur Thistoire politique et administrative
du pays le grand ouvrage de D. Vaissète ; aussi saura-t-on le meil-
leur gré à MM. Edm. Cabié et L. Mazbns d'avoir publié, sous le titre
de Garlulaire des Alaman^ un grand nombre d'actes du xiii*" et du
xfv« s. Ces actes ont été reproduits d'après d'anciennes copies conser-
vées, soit sous forme de registres (Cartulaire des Alaman, de 4235
à 4304 ; Cahier des Lévis et Procédures de Cabanes, de 4296 à 4337),
soit sous forme d^expéditions authentiques, la plupart sur parchemin;
ils se trouvent tous aujourd'hui dans l'étude de M^ L. Mazens,
notaire à Lasgralsses (Tarn), où ils sont arrivés à l'époque de la Révo-
lution ; ils sont rédigés le plus souvent en latin, plusieurs le sont en
langue vulgaire. Quelques-uns avaient déjà été publiés. De ceux-ci
M. (iabié se contente de donner l'analyse avec des variantes lorsqu'il
y a lieu; les autres, il les a, ou longuement résumés, ou reproduits in
extenso. On ne voit pas bien d'ailleurs la méthode qu'il a suivie ;
pourquoi n'a-t-il pas toujours publié intégralement les pièces iné-
diles au lieu de nous donner, comme c'est trop souvent le cas, des
tronçons du texte rattachés les uns aux autres par le fil d'une prolixe
analyse ? Dans le détail, on pourra signaler des traces fréquentes
d'inexpérience, mais Tcnsemble constitue un travail très méritoire,
et fournit bon nombre de faits intéressants pour l'histoire du pays
albigeois pendant le siècle qui suivit la Croisade.
1. Un cartulaire et divers actes des Alamanj des de Lautrec (sic) et des de
Lévis (sic), seigneurs de Castelnau-de-Bonafous, Villeneuve-sur- Vère, Labas-
tide-de-LéviSj Graulhet, Puybegon, Rabastens en Albigeois; — Saint-Sulpice,
Azas, Montastruc, Corbarieu en Toulousain y — et Lafox en Agenais. Tou-
louse, Marqucstc et Salis ; Albi, Tranier ; Paris, Alph. Picard, cxxyiii et 235 p.,
in- 8% Prix : 6 fr.
FRANCS. 377
Le premier devoir pour l'érudil qui publie un texte historique,
c'est de nous renseigner sur sa provenance et de nous éclairer sur sa
valeur. M. Cabié Ta fait dans sa préface ; M. Ed. Cunitz Ta oublié
dans la nouvelle édition qu'il vient de publier, en collaboration avec
feu M. G. BiUM, de VHistoire ecclésiastique des Églises réformées au
royaume de France (Fischltacher). Tout le monde n'est pas obligé de
savoir qu'il s'agit ici de l'œuvre de Th. de Bèze publiée à Anvers
en 4 580. Pas un mot de préface -, le nom de l'auteur n'est peut-être
pas cité une fois dans tout le cours du volume ; rien sur les sources
de l'ouvrage, sur les circonstances où il a été écrit, sur son impor-
tance historique et littéraire, sur les éditions qui ont précédé celle-ci.
(iCtte édition nouvelle aura trois volumes ; la préface que nous récla-
mons paraîtra-t-elle avec le dernier ? Nous le voulons espérer, mais
nous n'en savons rien. A défaut de préface, les savants éditeurs ont
du moins multiplié les notes au bas des pages *, elles sont sobres,
précises, au courant des derniers travaux relatifs à Thistoire de la
Réforme en Allemagne et en France. Ajoutons que le volume est
admirablement imprimé chez Heitz, à Strasbourg, et qu'il inaugure
dignement la réimpression des Classiques du protestantisme aux xvi«,
xni« et xTiii* siècles, publiée sous le patronage de la Société de l'his-
toire du protestantisme français.
La Société de l'histoire de Paris et de l'Ile-de-France a mis en dis-
tribution le 1. 1 du Journal des guerres civiles de Dubuisson-Aubenay,
4648-4652, publié par M. Gustave Saigb (Champion). Une excellente
notice préliminaire nous renseigne sur l'auteur peu connu de ce Jour-
nal ; il s'appelait Franrois-Nicolas Baudot, seigneur du Buisson et
d'Ambenay (Eure) ; il appartenait à une ancienne famille normande
qui était arrivée à la noblesse au xvi^ siècle, et qu'on trouve au
ivii* alliée aux riches maisons des 1^ Yieuville, des Nouant, des
Puisieux. Il naquit après 4500, voyagea de bonne heure, et visita
ritalie, les Pays-Bas, une partie de l'Allemagne, la Bohème, la
Hongrie; attaché à la personne de Jean d'Estampes-Yalençay, il
assista aux négociations de la diète de Ratisbonne (4630) et de la
paix de Mantoue (4634); il joua un rôle actif en Valteline
et dans l'armée de Rohan (4637); il prit part au siège d'Arras
en 4640. Revenu à Paris en 4642, il entra dans la maison de du
Plessis-Guénégaud , qu'il ne devait plus quitter ; en 4649 il fut
nommé maître d'h6tel ordinaire du roi ; il mourut peu de temps
après, le 4*^ octobre 4652. C'était un lettré, curieux d'archéologie
et d'histoire, en rapport avec les principaux érudits de son temps,
Peircsc, Chapelain, Henri de Valois, Ménage, etc. Ses notes et ses
mémoires forment aujourd'hui 50 volumes ou portefeuilles conservés
Rev. Histor. XXII. 2« FABC. 25
378 BULLETIN HISTORIQUE.
à la bibliothèque Mazarine. De même qu'en voyage il notait soigneu-
sement tout ce qui piquait sa curiosité très éveillée, de même il entre-
prit, dans son Journal, de noter tous les événements, grands ou petits,
qui s'accomplissaient au jour le jour à Paris pendant la Fronde :
émeutes dans la rue, discussions dans le Parlement, prix des denrées,
bruits vrais ou faux, il enregistre tout en style de greffier impas-
sible et impartial.' Du Plessis-Guénégaud, chez lequel il vivait, était
alors à la tète de la maison du roi ; François de Guénégaud, 3^ frère
du secrétaire d'État, était président au Parlement ; la marquise de la
Ferté-Imbault, sœur de M"* du Plessis, était première dame d'honneur
de Marguerite de Lorraine, femme de Gaston d^Orléans. Dans un
pareil milieu, Dubuisson-Aubenay ne pouvait manquer d'avoir des
informations rapides et de première main, aussi son Journal a-t-il
une réelle valeur ; malheureusement il est incomplet : le manuscrit
original a été brûlé en 4874, avec les papiers de M. Alph. Feillet ;
d^une copie contemporaine en six volumes qui était à la Mazarine,
deux volumes ont disparu ; les patientes recherches de M. Saige n'ont
pu réussir à combler une lacune, qui subsiste du V mars au 34 déc.
4649 ; c'est, il est vrai, Tépoque la moins intéressante de la Fronde.
Quant aux épisodes dramatiques de 4648, aux intrigues de 4650-54,
à la guerre civile de 4652, il ne faut pas s'attendre à trouver dans
Dubuisson beaucoup de nouveau ; mais il nous apprend nombre de
menus faits précieux surtout comme éléments de contrôle : Dubuisson
est le commentaire perpétuel de Retz qu'en plus d'une circonstance
il redresse et complète.
Le Journal des guerres civiles intéresse l'histoire des révolutions
parisiennes, et par conséquent celle de la France en général, les
Négociations du comte d'Avaux importent à l'histoire de la diplo-
matie française à la fin du xvn® s., et par conséquent aussi à celle de
l'Europe. Nous avons déjà annoncé le 4®'" vol. de cette publication
habilement conduite par notre collaborateur M. J.-A. Wijnnb, pro-
fesseur d'histoire à l'Université d'Utrecht^ Deux nouveaux volumes
viennent de paraître ; ils contiennent les dépêches d'Avaux à Torcy
du 2 janvier 4 697 au 46 août 4698. En dehors des renseignements
fournis par notre ambassadeur sur l'élection de Pologne, les intrigues
du Danemark, les efforts faits pour entraîner la Suède dans une
alliance contre la France à la veille de l'ouverture de la succession
1. Négociations de M, le comte d'Avaux ^ ambassadeur extraordinaire à la
cour de Suède pendant les années 1693, 1697, 1698. T. II (1882) et III, l'* partie
(1883). Forment les n'*' 34 et 35 des Werken van het historisch Genootsckap
gevestigd te Utrecht, nouT. série. Utrecht, Keraink et fils. Cf. Rev, hist. XK, 380.
FRAFTCE. 379
espagnole, les projets du Isar Pierre I*% qui commencenl à causer
de grands soucis au gouvcrnemenl suédois, on lira avec intérêt les
lettres relatives à la mort de (iharles XI, à rétablissement d'une
régence, au coup d'État pacifique qui donna le pouvoir absolu à
(iharles XII, le ^8 nov. ^697 (II, 310), au caractère du jeune roi
(in, 450). On a déjà noté ici même (XI, 454) combien est juste le
portrait que Voltaire trace de Charles XII ; les lettres d'Avaux vien-
nent confirmer cette appréciation d'une manière remarquable. « Ce
prince, écrit-il au lendemain du coup d'État (III, 452), a témoigné
beaucoup d'esprit et de jugement pendant le cours de sa tutelle,
aimant à parler d*afi*aires et en parlant bien. Il semble à cette heure
que ce soit un autre homme. A peine aucun sénateur luy peut-il
arracher une parole; il écoute tout ce qu'on luy dit-, mais il ne
répond pas un mot... Il est ferme dans ses résolutions ; on peut dire
qu'il est opiniâtre, et même que c'est assez qu'on luy propose une
chose pour luy faire faire le contraire, surtout quand c'est des gens
qu'il croit qu'ils le veulent gouverner... Il luy est arrivé plus d'une
fois, depuis qu'il est roy, de casser les vitres de sa chambre, de jetter
des guéridons, des chandeliers d'argent et autres choses par les
fenêtres... » Contenu et bien dirigé, Charles XII avait assez de qua-
lités pour devenir un bon roi ; maître absolu de la Suède à seize ans,
il resta ce qu'il était : un caractère fantasque et une intelligence mal
ériuilibréc. Une ambition désordonnée et le funeste exemple do
Louis XIV que Charles XII prenait pour modèle (il, 380, III, 456,
etc.) firent de cet enfant terrible le fléau de l'Europe septentrionale.
M. Charles Heurt a publié (chez Charavay) 253 lettres de Condorcet
et de Turgot*, la plupart inédites. Elles sont comprises entre les
années 1770 et 1779. Celte correspondance se divise naturellement
en trois parties, suivant qu'elle a été échangée avant, pendant ou
après le ministère de Turgot. Les lettres de la première série n'of-
frent pas un très vif intérêt-, les faits qu'elles contiennent sont
le plus souvent connus d'autre part, et elles n ont pas ces qua-
lités littéraires qui donnent tant de prix aux moindres billets de
Voltaire. Notons cependant une très l>elle et très ferme profes-
sion de foi de Turgot réprouvant les doctrines d'Helvétius à la
fois* comme immorales et comme impolitiques (p. 442)'. Lorsque
Turgot est entré au ministère, le ton de la correspondance se modifie;
1. Correspondance inédite de Condorcet et de Turgot, 1770-1779, d'après les
autographes de la collection Miaoret et les mss. de l'Institut.
2. Cette lettre n'est pas inédite ; elle a déjà été publiée par Dupont de
Nemours et par 11. Daire dans leurs éditions des ŒuTres de Turgot.
380 BULLETI7I nSTOllQirB.
ce sont moins des lettres d'idées que des lettres d'affaires ; elles
montrent quel espoir les gens de bien fondaient sur les réformes
de Turgol, quels obstacles presque insurmontables se dressaient
devant lui. On a reproché à Turgot d'avoir entrepris trop de réformes
et d'avoir ainsi soulevé trop d'intérêts à la fois. Ses amis étaient
encore plus empressés que lui-même, et il est obligé de les calmer.
« Sur beaucoup de points, écrit-il à Gondorcet, vous prêchez un con-
verti, sur d'autres vous n'êtes pas à portée de juger ce que les cir-
constances rendent possible , surtout vous êtes trop impatient b
(p. '1 92) . Ge^n'est ni le génie ni la pratique des affaires et des hommes
qui manquèrent à Turgot, c'est le temps.
Dans la correspondance du philosophe et de Thomme d'État^
Louis XVI parait à peine : il n'est guère question que de lui et de sa
famille dans les Mémoires de M^ la duchesse de Tourzelj gouver^
nante des enfants de France^ pendant les années ^1789 à 4793. Ces
Mémoires, dont on n'ignorait pas l'existence, mais que la fkmille. par
d'honorables scrupules de convenance, arait jusqu'ici refusé de
publier, viennent de paraître par les soins de M. le duc dbs Cias^
arrière-petit-Ols de M"^ de Tourzel (2 vol.. Pion). On voudrait savoir
à quelle époque ils ont été rédigés. M"* de Tourzel avait pris des
notes sur les événements dont elle avait été témoin ; mais elle les
détruisit lorsqu'après le 'lO août elle fut recherchée et mise en
prison. Il semble qu'elle ait écrit après 48U (II, 342), et elle
déclare en commençant (I, 2) qu'elle n'est pas très sûre de sa
mémoire. D'ailleurs tout n'a pas dû être écrit de souvenir. Les
débats de l'Assemblée sont résumés avec trop de Odélité pour
que, sur ce point au moins, l'auteur n'ait eu recours à des publica-
tions antérieures à la sienne, soit le Moniteur, soit certains mémoires,
comme ceux de Bouille, qu'elle cite pour les réfuter (I, 302». Ne pou-
vait-on pas nous donner la-dessus quelques lumières? Quant à l'esprit
qui anime l'auteur des Mémoires, il n'est ni long ni difBcile de s'en
rendre compte. Profondément dévouée au roi, à la reine, au dauphin
dont elle était la gouvernante. M"* de Tourzel ne pouvait aimer ni
comprendre la Révolution : les décrets de l'Assemblée sans exception
lui font horreur: elle s'indigne des intrigues orléanistes auxquelles
elle attribue une influence exagérée sur les premiers troubles. On ne
peut cependant pas dire qu'elle ait d'injustes partis pris. Son récit sin-
cère est empreint d'une grande honnêteté ; sur les journées des 5 et
6 oct., sur la fête de la fédération, surtout sur la fuite à Varenne,
sur le 20 juin et le 'lO août 4792, elle a des pages d'un poignant inté-
1. Il o'y a pas de notes, et l'introdoction est signée La Ferroonays
FRANCE. 381
rét, el il eût été dommage de les laisser dans l'ombre plus longtemps-,
elles ramènent un peu de sympathique pitié sur la malheureuse
famille royale, et, quand on voit à quelle vie elle fut condamnée depuis
le retour à Paris après les journées d'octobre, on se prendrait presque
à l'excuser d'avoir mis tout son espoir dans l'intervention étrangère.
Le 3' et dernier volume de Lucien Bonaparte et ses Mémoires^ par
le lieutenant-colonel Th. Iiixg (Charpentier) , conduit cette intéres-
sante publication de -1807 à la mort de Lucien. A vrai dire, l'intérêt
de l'ouvrage cesse à partir de ^8^5 ; il se porte, en effet, moins sur la
personne même de Lucien que sur ses rapports avec l'empereur;
aussi l'entrevue qu'il eut avec lui h Mantoue en ^807, les persécu-
tions qu'il eut à subir en 4812, son retour à Paris pendant les
CiCnt Jours forment dans ce dernier volume des épisodes où les
détails piquants ne manquent pas. Napoléon disparu, on s'inquiète
médiocrement d'un homme médiocre en déflnitive , malgré la
bonne opinion qu'il eut de lui-même et les hautes fonctions dont il
fut pendant quelque temps investi. Ce qui le recommande aux yeux
de la postérité, c'est la résistance courageuse qu'il opposa toujours a
l'empereur sur le fait de son mariage avec M"* Jouberthon ; et il s'est
trouvé que cet acte d'honnêteté était en même temps un acte de bonne
politique : si les déboires ne lui manquèrent pas, les retentissantes
disgrâces de ses autres frères lui furent du moins épargnées.
On a tout dit sur les Mémoires de Mettemich, nous ne ferons donc
qu'annoncer brièvement les t. VI et VII (IV et V delà deuxième par-
tie : VÈre de paix, 4835-4848) qui viennent de paraître (Pion). Sur
la vie privée du prince, ce n'est plus lui qui parle, c'est sa femme,
la princesse Mélanie; ({uant à sa vie publique, les éditeurs de la pré-
sente publication complètent les notes de la femme par les lettres,
dépèches et instructions du mari. I^ biographie se mêle ainsi à l'his-
toire comme dans la publication de M. Martin sur le prince Albert;
la chanson des époux y vient mêler sa note aux plus graves disserta-
tions sur la politique intérieure des États et sur les complications
européennes. Sur plus d'un point d^ai Heurs ces deux sources d'infor-
mations se complètent, ainsi en ce qui concerne Thistoire de la fameuse
« entente cordiale. » Pour les autres grandes questions de politique
générale : afîaires d'Orient, mariages espagnols, annexion de Cra-
covie, guerre civile en Suisse, les deux volumes que nous annon-
çons al)ondent en informations précieuses. Il y aura lieu de les con-
sulter souvent aussi pour l'histoire intérieure de la France. Metternich
n'est pas hostile à Louis-Philippe ; il lui reconnaît des talents et de
la bonne volonté ; mais il ne croit pas qu'il puisse rien sortir de bon
d'un régime issu de la Révolution. Louis-Philippe reste toujours pour
382 BULLETIN HISTORIQUE.
lui le roi des barricades. A l'égard des hommes d'État firançais, il est
sévère ; Talleyrand, « né démolisseur, » a échoué dans toutes ses
entreprises, parce qu'elles étaient « toutes empreintes de Tesprit de
subversion qui était le principal mobile de Thomme ^ » Thiers n'est
qu'un (c révolutionnaire pratique *, » Guizot, qu'il traite d'abord, non
sans dédain, d' « idéologue conservateur, » trouva grâce devant ses
yeux quand, ayant perdu l'alliance anglaise après l'affaire des
mariages, il se rapprocha de l'Autriche pour lutter avec elle contre
le radicalisme ; c est alors « le meilleur ministre que puisse avoir la
France. » Malgré l'éloignement de leur point de départ, malgré la
différence de leurs caractères et de leurs talents, ces deux hommes
étaient faits pour se rencontrer, tous deux idéologues et conserva-
teurs, aveugles tous deux sur les moyens de combattre la Révolution ;
l'ironie du sort les rapprocha dans une même infortune, à Londres
et en exil.
LrvEEs NOUVEAUX. ANTIQUITÉ. — M. Hcury Doulcet a soutenu en
déc. dernier deux thèses pour le doctorat devant la Faculté des lettres
de Paris. De la thèse en latin Quid Xenophonti debuerit Arrianus
nous ne pouvons, ne l'ayant pas eue entre les mains, dire autre chose
sinon qu'elle a été admise par la Faculté après avoir, paraît-il, été
l'objet de vives critiques. La thèse en français est un Essai sur les
rapports de r Église chrétienne avec VÈlat romain pendant les trois
premiers siècles (Pion). Ce qu'il y a jusqu'à un certain point de
nouveau dans ce livre, ce sont les faits empruntés aux dernières
découvertes archéologiques, surtout aux éminents travaux de
M. de Rossi. M. Doulcet parait d'ailleurs avoir borné son ambition
à composer, comme il dit lui-même, « un recueil de documents
relatifs à une période peu connue de Thistoire de l'empire romain
et de l'Église chrétienne, » et il s'estime heureux que le jury ait
reconnu « que ce travail attestait des recherches consciencieuses
et contenait des citations exactes » (Avertissement). Cette modestie
fait honneur au caractère de l'auteur plus que son livre à son
sens critique. Dans les rapports de l'Église primitive avec TÉtat
romain, il ne voit en effet que les intérêts et les droits de l'Église ;
ceux de l'État lui restent étrangers ; la cause des persécutions, il la
cherche non dans les idées mêmes du christianisme, si contraires à
celles qui formaient à Rome la base de la religion et de la politique,
mais dans l'inimitié personnelle d'abord des Juifs, puis de Trajan et
des Antonins. Si les meilleurs empereurs ont persécuté les chrétiens,
c'est par haine contre le nom chrétien ; les plus philosophes leur ont
porté les plus rudes coups. Marc-Aurèle n'est qu'un fanatique à con-
damner au même titre que Philipj)e II -, « les martyrs de Lyon, par
FRANCE. 383
exemple, n*ont rien laissé à envier aux autodafés de l'inquisition
espagnole » (p. 65). Heureusement le monde romain a connu de
détestables empereurs, et les chrétiens ont pu respirer I Cette étrange
théorie parait avoir fait tort à la thèse, qui flnalement a été ajournée.
Après ce livre paradoxal et lourd, c'est plaisir de suivre M. Fr. Lb-
NORMANT en voyage. Il nous avait déjà promenés sur le littoral de la
mer Ionienne * ; il nous convie à l'accompagner aujourd'hui dans
TApulie et dans la Lucanie anciennes ', de Termoli à Foggia, aux
pieds du Vulture et dans la vallée de TOfanto, de Potenza aux ruines
de Métaponte ; s'il n'est pas le premier des guides qui nous introduise
dans ce pays encore à demi-sauvage (il relève avec complaisance
quelques erreurs du Bœdeker), il en est certainement le plus érudit;
de chaque ville où il s'arrête, il raconte Thistoire à grands traits. A
Métaponte, où M. La Cava dirige depuis plusieurs années d'impor-
tantes fouilles, il nous entretient des plus anciens temps de la civili-
sation grecque ; à Venoza et à Banzi, les souvenirs d'Horace l'arrêtent;
à Rapolla, Lucera, Manfredonia, Melfl, il nous transporte en plein
moyen âge, à l'époque de Robert Guiscard et de Frédéric II ; une
visite à Pietragalla et à Acerenza lui fournit l'occasion de raconter un
des plus émouvants épisodes du brigandage napolitain, Thistoire du
carliste José Borges, fusillé le45déc. iS6i à Tagliacozzo comme chef
des bandes insurgées au nom du dernier roi de Naples, François II.
Tout ce qu^il raconte on le savait déjà, mais on le relit avec plaisir.
MoTSN AGB. — M. Arthur de La Borderie nous ramène à l'érudi-
tion pure avec son étude critique sur THistoria Britonum attribuée à
Nennius et /'Historia Britannica avant Geoffroi de Monmauth (Paris,
(ihampion; Londres, B. Quaritch). L'auteur cherche d'abord à quelle
époque a été rédigée VHistoria Britonum attribuée à Nennius ; après
une étude minutieuse des 30 mss. qui nous ont conservé ce texte, il
montre que cette date doit être fixée, non au ti* ni au vir s., mais à
l'année H2i ou 822, « 4"" du règne du roi Mervin » ; il y en eut
ensuite 6 transcriptions principales de H3\ à 4024 ; ces transcriptions
sont représentées par autant de classes de mss., lesquelles sont plus
ou moins fortement interpolées. Montrer que VHistoria Britonum a
été rédigée dans le i*' quart du ix* s., c'est déjà une forte présomp-
tion contre la valeur historique de cette œuvre ; en réalité Nennius
n'a d'autre autorité que celle des auteurs antérieurs dont il s'inspire :
Gildas, Bède, Eusèbe. Quant à sa valeur littéraire, elle a été recon-
1. La Grande'Grècê ; papsages et hiitoire. 2 vol. À. Lévy; cl. Mev. kist,,
2. A travers VAjmUe et la Lucanie; t. I, A. Lév).
384 BULLETIN HISTORIQUE.
nue depuis longtemps ; c'est là que se trouve en germe toute l'his-
toire légendaire de la Bretagne, celle de Brut, de Yortigern et
d'Arthur, histoire qui, développée au xn« s. dans YHistoria regum
Britanniae par GeofTroi de Monmouth, n'a pas tardé à donner nais-
sance aux romans de la Table ronde. Mais GreofTroi de Monmouth
s'est-il inspiré direclement de Nennius ? Un prêtre du diocèse de Léon,
Guillaume, écrivant en i0i9 une vie de saint Goueznou, raconte
l'établissement des Bretons en Armorique d'après une « Ystoria Bri-
tanica » qui n'est certainement pas l'Histoire de Nennius. Ce texte,
écrit non en Armorique, mais dans la partie de l'Angleterre restée
bretonne, fut, suivant la conjecture très vraisemblable de M. de La
Borderie, prêté à Geoffroi de Monmouth par Gauthier, ou Walter de
Mapes, archidiacre d'Oxford, et fournit à l'imagination féconde du
chroniqueur le canevas d'après lequel il broda sa fabuleuse Histoire
des rois d^Angleterre. Tels sont les principaux points traités dans cet
important mémoire dont les résultats intéressent à la fois l'histoire
des sources historiques et l'histoire de la littérature firançaise au
moyen âge.
L'histoire des croisades ne cesse d'être étudiée avec ardeur.
M. E. Ret, à qui l'on doit déjà plusieurs travaux sur ce sujet inépui-
sable^ vient de publier chez Alph. Picard une étude intitulée : les
Colonies franques de Syrie aitx Xlh et XIII^ siècles. Comme les
autres ouvrages du même auteur, ce livre se distingue par une curio-
sité intelligente, une grande abondance d'informations puisées soit
dans les historiens, soit et surtout dans une connaissance personnelle
des lieux où se sont accomplis les principaux événements de la croi-
sade, mais aussi par une certaine négligence dans l'emploi des sources
et dans l'arrangement des matériaux. Ce sont des notes mises bout
à bout ; elles effleurent le sujet sans l'épuiser jamais. Quoi qu'il en
soit, la lecture en est instructive. Sur les mœurs des nobles, des
bourgeois, des indigènes chrétiens ou musulmans, M. Rey donne
beaucoup de curieux renseignements dont les auteurs arabes ne lui
ont pas fourni les moins curieux. L'étal militaire du pays est rendu
plus saisissant par de nombreux plans ou vues cavalières des princi-
paux châteaux (Saliioun, Kerak, Margat, le Krak des Chevaliers) ou
villes fortes (Tortose, Edesse, Anlioche, Acre). La plus utile et peut-
être la meilleure partie du livre est la géographie historique de la
Syrie au temps des croisades, qui remplit toute la seconde moitié du
volume. Une carte générale de la Syrie pendant la domination franque
paraîtra plus tard. M. Rey a volontairement laissé en dehors de son
travail ce qui se rapporte aux trois grands ordres religieux et mili-
laii*es chargés de défendre la terre sainte : les Templiers, les Hospi-
riuxcE. 3«5
laliers et les Teutoniques, que d'aulres étudient d'une façon toute
particulière. Il renvoie lui-même aux futures publications de MM. Pnitz
et Delaville Le Roulx, qui viennent en effet de répondre à son appel.
Nous n'avons pas à parler ici de l'ouvrage du D^ Hans Prutz * ; il
suffit de dire qu'avec plus d'ambition dans la forme et de parti pris
paradoxal dans les idées, il a traité exactement le même sujet que
M. Rey, et qu'il ne parait pas l'avoir traité d'une manière plus défi-
nitive. Le volume de M. Dbla ville Le Roulx ^ est d'un caractère tout
différent. C'est une étude sur les archives, la bibliothèque et le trésor
de l'ordre des Hospitaliers, qui se trouvent aujourd'hui à Malte. Ces
archives sont fort riches, tenues et cataloguées avec soin ; l'auteur
nous en donne d'abord un inventaire sommaire, puis il analyse plu-
sieurs séries, les plus importantes au point de vue historique :
série I, documents originaux, du xii* au xiv* siècle et au delà ; série
V, Bullaire des grands maîtres, qui commence en 4346 et qui est
complète (]ppuis 4527; série Vil, BuUaires pontificaux. Il donne
ensuite des indications sur les sceaux des grands maîtres, sur la
bibliothèque de Malte, qui contient 50,000 volumes, et dont le cata-
logue est imprimé, sur le trésor de l'ordre, aujourd'hui dispersé. En
appendice, il publie intégralement celles des pièces de la série I, qui
sont encore inédites^ ce sont cent documents allant de 4442 à 4290,
qui constatent les intérêts et droits de propriété de Tordre en terre .
sainte, et qui, par ce fait seul, présentent un vif intérêt Le volume
se termine par des listes très copieuses des dignitaires et des frères
de Tordre de 4099 à 4290, et par une table de noms de personnes,
de lieux et de matières. Cette table est très bien faite, les textes sont
édités avec soin. A ce travail minutieux, on reconnaît Térudit qui a fait
son apprentissage àTÉcole des chartes et a l'École des hautes études.
Ce travail, déjà si considérable, n'est d'ailleurs qu'au début. L'au-
teur se propose de faire un recueil complet de tous les documents
conservés aux archives de Malte, antérieurs à 4290, c'est-à-dire au
terme de la domination chrétienne en terre sainte, d'analyser aussi
complètement qu'il sera possible et utile les actes et registres relatifs
au séjour de Tordre à Rhodes ; de dresser l'inventaire sommaire des
pièces postérieures à Tarrivée à Malte en 4527 ; enfin de composer
une bibliographie raisonnée et étendue des ouvrages généraux et
des monographies particulières concernant l'histoire de Tordre.
t. Kulturgeachichte der KreuziUge. Berlin, Mittler et G'*.
2. Les archivet, la bébliotkèque et le tre'tor de Vordre de Saint- Jean de Jmi^
salem à Malte. Thorin. Forme le 32* fksc. de U Bibliothèque des Booles fnn-
(:4i8e& d'Athènes et de Rome.
386 BULLETIN HISTORIQUE.
Nous avons lieu de croire qu'il n'en restera pas là, et quil nous
donnera bientôt des travaux d'exposition générale, mettant ainsi
lui-même à profit les nombreux documents qu'il a réunis avec tant
dMndustrieux labeur.
Une histoire des origines de Tordre serait un des premiers à
faire; M. A. Du Bourg a touché la question, mais ne Ta pas
traitée, dans son Histoire du grand prieuré de Toulouse (Tou-
louse, L. Sistac et J. Boubée). Les archives de ce grand prieuré
existent encore aujourd'hui à Toulouse; M. Du Bourg en a tiré la
matière d'un volume important et par les nombreux détails qu'il
fournit sur les possessions de l'ordre dans le sud-ouest de la France,
et par les pièces qui sont publiées en appendice. M. Du Bourg est
loin d'apporter à de tels travaux la même expérience que M. Delaville
le Roulx ; il ne nous dit rien de ces archives mêmes, de leur histoire,
de rétat actuel de conservation, de leur importance ; les pièces ne
sont pas transcrites avec tout le soin qu'on exige aujourd'hui en
pareille matière ; il n'y a pas de table des noms propres de personne
ou de lieu ; l'auteur s'est confiné dans ses archives, et quand il en
sort il semble tout dépaysé, mais il en a tiré une étude substantielle;
les listes des fonctionnaires de Tordre quMl donne pour chaque pré-
ceptorerie rendront de grands services ; il comptera désormais tous
les historiens du Midi parmi ses tributaires.
Les Croisades nous racontent à tout moment l'histoire de la France
extérieure ; il n'est question que de la France intérieure dans les études
de M. VuiTRY sur le régime financier de notre pays avant n89 ; mais
C'est presque toute l'histoire administrative qui se déroule devant
nous. Dans un premier volume, M. Vuitry avait étudié les impôts
romains en Gaule du v® au x* siècle et le régime financier de la
monarchie féodale aux xi*, xii® et xiii* s. Les deux volumes qu'il
vient de publier* se rapportent : ^° à Philippe le Bel et à ses
trois fils; 2° aux trois premiers Valois, c'est-à-dire à un peu
moins d'un siècle (^ 285-^380); mais cette période est importante
entre toutes. D'abord la royauté reste purement féodale, elle n'a de
ressource régulière que les droits féodaux, l'impôt n'existe pas;
mais déjà s'accuse le caractère fiscal que prendra de plus en plus la
monarchie capétienne : engagée par Philippe le Bel, non plus dans
des guerres d'aventure, comme en Aragon ou en Italie, mais dans les
guerres nationales de Guyenne et de Flandre, il lui faudra des res-
sources nouvelles pour soutenir les efl'orts de cette nouvelle politique.
1. Études sur le régime financier de la France avant la Révolutionde 1789.
Nouvelle série, t. i et II, Guillaumiu.
FRANCE. ' 387
L'impôt va donc naître; mais le consentement à Hmpût est de règle
au moyen âge : on le demandera aux États généraux. Puis la guerre
de Cent ans éclate; il nes*agit plus d'attaquer, mais de se défendre :
le système militaire de la féodalité succombe après Oécy et Poitiers;
le système flnancier va s'écrouler aussi : ave^ Charles V, Timpot
en fait devient permanent, et une administration nouvelle s'établil.
Cent ans après saint Louis, le régime que ce roi représenta si noble-
ment était condamné sans merci. M. Vuitry montre à merveille cet
cnchainement logicjue par le(|uel se transforme peu à peu l'ancienne
royauté capétienne. Il ne craint pas de se répéter ; ses deux études
sont construites sur le même plan H ° le domaine de la couronne et son
extension, 2° les revenus ordinaires du roi, 3® ses revenus extraordi-
naires, 4° les monnaies et le régime monétaire, 5* le gouvernement et
les dépenses, ô^Tadminislration des finances, 7*» évaluation des recettes
et des dépenses. Quand vous avez accompli ce long chemi n avec Philippe
le Bel et ses trois fils, vous le recommencez avec Philippe de Valois
et ses deux successeurs immédiats. Cette monotonie était sans doute
inévitable ; elle est d'ailleurs rachetée par un grand avantage, on y
voit clair. A l'aisance avec laquelle M. Vuitry expose et résout ces
questions difficiles d'administration financière, on sent que l'historien
s'appuie sur la précieuse expérience de l'homme d'État et du financier.
Nous nous permettrons surtout de recommander les chapitres relatifs
aux monnaies. On a mené grand bruit il y a plusieurs années à pro-
pos de répit hète de faux monnayeur infiigée à Philippe le Bel ; M. de
Saulcy, en pesant les monnaies de ce prince, avait trouvé qu'elles
étaient bonnes de poids comme de loy, et il avait cru pouvoir réviser
la condamnation du roi par l'histoire. Déjà M. de Wailly avait montré
qu'il n'y avait là qu'un malentendu ; M. Vuitry le prouve aujourd'hui
avec une grande abondance de preuves. Philipi)e le Bel n'altéra piis
matériellement les monnaies, sans doute, mais il en changea arbi-
trairement le taux légal, le résulLit était le même, et l'on ne imurni
désormais justifier la détestable politi(|ue financière de Philippe le
Bel et de ses successeurs, même en invoquant le droit souverain
(|u avait le roi de modifier le taux ou de changer le poids et le titre
<les pièces qu'il mettait en circulation. L'honnêteté reparut avec
Charles V : la nécessité de payer aux Anglais en bonne monnaie la
ranron du roi Jean, les principes théoriques d'Aristote reproduits
avec force |)ar Nicole Oresme contribuèrent à cette heureuse consé-
quena».
Nous le disions plus haut, les études de .M. Vuitry finissent jwir
devenir une histoire complète de l'ancienne administration : il faut
IKiyer les fonctionnaires ; le budget des dépenses s'accroît sans cesse,
388 BULLETIN HISTORIQUE.
les nouveaux chapitres du budget royal représentent les administra-
tions nouvelles. La royauté veut faire tout par elle-même, il faut
qu'elle paie tout; désormais, le moyen de trouver de l'argent sera
son principal souci ; aidée par les jalousies des classes et TindifTérence
publique, elle sera de plus en plus tracassière et despotique ; à la fin
les contrôleurs généraux des finances seront les principaux ministres ;
en même temps le contrôle des États généraux disparait. Ces
résultats, on ne pouvait guère les prévoir à la mort de Charles V,
mais ils se trouvent en germe dans ses institutions. Le livre de
M. Vuitry n'instruit pas seulement, il prête aussi beaucoup à réfléchir.
On représente d'ordinaire, et non sans raison, le règne de Louis XI
comme la fin du moyen âge. Charles VIII, en commençant les guerres
d'Italie, entraîna la France dans une politique nouvelle-, entre l'action
personnelle de ces deux rois, ce qu'on appelle improprement la
régence d'Anne de Beaujeu forme une époque de transition. Cette
époque, importante malgré sa brièveté, a été étudiée par M. P. Péligiee
dans son Essai sur le gouvernement de la dame de Beaujeu^ 4483-
9i (Alph. Picard). De longues recherches poursuivies par M. Pélicier,
archiviste du département de la Marne, dans nos principaux dépôts
publics, le dépouillement consciencieux des chroniques contempo-
raines, des dépêches diplomatiques publiées dans les Calendars
anglais et ailleurs, lui ont fourni la matière d'une bonne et solide
monographie. Le sujet, séduisant au premier abord, ne laissait pas,
en définitive, que d'être ingrat : sans doute « madame Anne » gou-
verne effectivement jusque vers 4494, mais le plus souvent son
rôle personnel se dissimule; présente mais invisible, on voit les
résultats de sa politique plutôt qu'on ne la voit elle-même agir ;
aussi son histoire se dérobe-l^elle la plupart du temps derrière celle
du roi son frère, et le livre de M. Pélicier raconte plutôt la minorité
de Charles VIII que le gouvernement de sa sœur. On y trou-
vera cependant de nombreux détails biographiques, une apprécia-
tion juste et sévère du caractère de cette princesse, vraie fille de
Louis XI par l'avarice comme par la souplesse de l'esprit, des pièces
justificatives précieuses, telles que ces procès-verbaux du conseil
de Charles VIII (mars- juillet 4484), si bien étudiés par M. Noël
Valois*.
Époque moderne. — Après tant d'autres écrivains, Mgr Ricard,
prélat de la maison du pape, professeur de théologie dogmatique aux
facultés d'Aix et de Marseille, a éprouvé le besoin de raconter l'his-
1. Bibl. de V École des chartes, 1882, p. 594.
FRANCE. 389
toire de Port-Royal * . On sait la haine que les Ultramontains portent
aux Jansénistes; Mgr Ricard la partage. Il traite la doctrine des
Jansénistes de « diabolique » (p. 45, 30) ; il s'efforce de flétrir « Tin-
fernale habileté » d'Arnauld (97) ; |Port-Royal est « la synagogue de
Satan » (224); les Jansénistes sont des lâches (49), et l'abbé de
Saint-Cyran un malhonnête homme (47). Il admire Pascal, mais il
déclare « que le jansénisme portera dans l'histoire de l'apologétique
chrétienne l'indélébile tache d'avoir dévié son génie » (382). Louis XJV
est justifié d'avoir fait violer les tombes de Port- Royal par les
violations des tombes royales ordonnées en 4793 sous Tinfluence de
l'esprit janséniste (474). Voilà des échantillons de ce que l'auteur ne
craint pas d'appeler son impartialité (p. xi). Il parle aussi de sa cons-
cience (ibid.j, et il puise à pleines mains ses récits dans les mémoires
d^un jésuite, le Père Rapin, que Sainte-Beuve a pris plus d'une fois
en flagrant délit de mensonge. Ce qu'il y a de plus regrettable dans
ce triste pamphlet, c'est de penser qu'avant d'être un livre, il a été
professé <c aux facultés, » comme dit l'auteur, d'Aix et de Marseille.
Nous aimons à croire que la théologie dogmatique n'est pas ensei-
gnée partout de pareille façon.
M. Ernest Hamel n'est peut-être pas au fond plus impartial, mais
il a du moins le sentiment de la justice et le respect de ses adver-
saires. Il f^t l'histoire de la Révolution française au point de vue
robespierriste ^ ; adversaire déclaré de la royauté, il plaint les infor-
tunes de la famille royale; partisan d'une énergique action révolution-
naire, il déplore le sang versé sans jugement; ennemi acrhnonieux des
Girondins, il a pourtant quelques paroles de pitié pour eux lorsqu'ils
sont condamnés à mort. Ceux auxquels il ne pardonne pas ce sont
les a enragés » GoUot d'Herbois, Barère, Carnot, qu'il rend seuls res-
ponsables des excès de la Terreur qu'il réprouve. Il exalte Robespierre ;
s'il eut triomphé, dit-il, la Terreur eût disparu pour &ire place à la
justice. C'est en effet la thèse qu'il a prétendu prouver dans son His-
toire de Robespierre, mais qu'il n'a pas réussi à démontrer. M. Hamel
appelle quelque part Michelet « un artiste fourvoyé dans Thistoire » ;
on lui pourrait souhaiter quelque chose de ce profond sentiment de
l'histoire qui inspira Michelet.
On imaginerait difficilement un contraste plus complet qu'entre le
précis de M. Hamel et Pétude consacrée par M. Amédée de Margieib
1. Les premiert JanséniUes et Port-Roffai, Pion.
2. PrécU de l'kUtoire de la RévoluHon, fnai 1789-od. 1795 ; 2« édlt., Joavet
et C'*. Forme li 1^ série d'ane Histoire de France depuis U RéTolution juiqu'à
la chute du second Empire.
390 lOtLETlN HISTORIQUE.
au comle Joseph de Maistre '. Ici c'est le procè9, là c'est l'apologie
de la Révolution ; pour l'on, 89 est l'avènement longtemps attendu
de la souveraine justice, pour l'autre, c'est le renversement de tout
droit. M. de Margerie se trouve à l'aise pour injurier le libéralisme
et la République en racontant la vie et en étudiant les œuvres du
brillant et profond écrivain savoyard, aussi donnc-t-il libre carrière
à son indignation contre les idées modernes. Une constante violence
de langage déplait dans un livre sérieux ; mais M. de Margerie pense
peut-être, maintenant, qu'il faut frapper fort pour frapper juste.
C'est affaire de goit; écrite d'un esprit plus serein, son élude, qui
est un bon résumé des œuvres du comte de Haistre, aurait pu
amener à celui-ci les sympathies des gens qui aiment les nobles
caractères et les penseurs originaux ; telle qu'elle est, elle ne plaira
qu'aux fanatiques. Qu'importe, après tout, si elle n'est écrite que
pour eux ?
Celle de M. de Lescdre sur Rivarol et la société française pendant
la Révolution et l'émigration (Pion) plaît et repose. Présentée d'un
style lesle, spirituel, trop brillante parfois, elle fait vivre devant nous
le monde si curieux de grands seigneurs et de petites-dames, de phi-
losophes et de journalistes, où ce descendant d'une ancienne famille
noble mais déchue se fit une placeà part : l'éclat incomparable d'une
conversation pétillante d'esprit et nourrie d'idées originales fit de Riva-
rol un personnage séduisanlet redoutable, mais disparut avec lui. C'est
doncrhommequinousintéresse, plutôt que sesœuvres, même les plus
remarquables ; M. de Lescurea pu éclaircir beaucoup de points obscurs
de sa biographie à l'aide des papiers et des souvenirs conservés dans
la famille du célèbre publiciste. On serait tenté de trouver que l'au-
teur a trop longtemps insisté sur la société du temps ; le chapitre iv
du livre 111 : « Tableau de la société et de la vie intime ou publique
de Rivarol de (782 à 1792, » aurait gagnéàètre trèsécourlé; ce sont
la choses connues et les énumérations y sont parfois excessives. Au
contraire tout le h' livre relatif à la vie de Rivarol pendant l'émigra-
Uon, d'abord à Rruxelles et à Londres (1792-95), puis à Hambourg
[i 795-1 800] , enfin à Berlin, où il mourut le 1 1 avril 1 801 i, est du
plus vif intérêt. Rivarol y retrouva, surtout à Berlin, les brillants
succès d'autrefois; mais quelle frivolité et quel vide dans cette société
de l'émigration î
1. Le comte }<aeph de Maittre, avec des documenU inédits. Librairie de la
Socièlé bibliograpliique.
2. H, de Lescure a précisé la date de naiuance de RÎTarol, qui naquit i
Bagnols, en Languedoc, le !G juin 1753. Il n'avait donc pas encore quaranle-
Luit ans quand il mourut.
PRINCE. 39i
Avec H. Henri MiBTi?i, nous entrons en pleine histoirccontcmpo-
raioe. Dans son 6* volume de VHisloire de France depuit 4789 (Jou-
vetetC"), il nous mcned'octoiirc^itjy jusqu'aux retentissantes élec-
tions de 1869. C'est un récit terre-à-lerre, mais exact, des événements
decette période de vingtans, si féconde en conséfiuences dont quelques-
unes ont été désastreuses pour notre pajs cl menaçantes pour l'ave-
nir européen; c'est preaijue aussi un lémoii^nape contemporain ; â ce
titre, il convient aussi de citer au moins V Histoire dei'i ans {i S57-69),
par M. IUbimoy (Ucntul. Il n'est pas jusqu'à l'ex-man'cbal lUziiii
qui n'ait tenté l'apologie de sa conduite à l'époque de nos derniers
revers. — L'Histoire d'une frontière : la Roumanie sur ta riiv droite
du Danube, par le prince Georj^es Biiescd (Pion), e^l un plaidoyer;
l'auteur réclame pour sa pairie limportanle forteresse de Silislrie;
nous la lui souhaitons do tout notre cteur, mais ce que nous devons
ici désirer avant tout c'est qu'il nous donne le plus tùt possible les
documents diplomatiques les plus importants qu'il a réunis sur l'his-
toire des anciennes principautés danubiennes depuis le traité de Kat-
nardji en iTJi.
Nous terminerons en annonçant le Discours sur l'histoire uniivr-
tette des deux mondes par til. Augustin IIÉtie (Alph. Lemerre), mais
non pour en conseiller la lecture. Publié pour la première fois en i 854 ,
cet ouvrage en deux volumes appartient à l'école déclamatoire et
CTCuse d'après 1 N^o. Il n'est cependant, a-l-on dit, si mauvais livre
d'où l'on ne puisse tirer quelque chose. M. Ilélie, consul de France
au Brésil en 1848-49, public sur les insurrections qui éclatèrent alors
dans ce pays plusieurs textes non entièrement dénués d'intérêt.
HisToias LOCALE. — M. l'alibé Httr, vicaire de Saint-Éticnne de
Caen, a rédigé, non sans érudition, non sans ce charme qui s'attache
aux choses d'un piissé même sans grandeur, Vllitloire de Condé-sur-
Noireau, ses seigneurs, ton industrie, etc. \Ca.en, Le Blanc-llardel;
Condé, Morcl). Nous regrettons qu'il n'ait pas suivi un plan plus
méthodique : après les rapports de Condé avec ses seigneurs, ii eût
follu tenter au moins l'histoire de la ville elle-même, de ses institu-
tions municipales, de ses établissements religieux. I'.ertaines indica-
tions notées çà et là prouvent que ces chapitres n'auraient pas été
vides. D'autre part, si nous sommes bien informés, le dernier mot
n'est pas dit sur cette histoire ; mais, en attendant mieux, nous pou-
vons nous contenter de ce que l'abbé Huet vient de nous donner.
Ce n'est pas une, c'est douze communes qui ont leur histoire dans
le tivre de M. A tiisi : Les Etablissements de Rouen*. La charte
1. Vkwaf. FortM le 53* féK. de li Bibliothèque de l'École pratique de*
392 BULLETIN HISTORIQUE.
communale ou « Etablissements • de Rouen, rédigée dans la seconde
partie du règne de Henri II, n'est pas particulière à Rouen ; elle a été
accordée, dans les premières années du xiii* s., à plusieurs autres
villes, presque toutes situées dans les anciens domaines possédés
par les rois Plantagenets sur le sol français *. Ce n^est pas là d'ail-
leurs un fait isolé : on connaît l'exemple de la célèbre charte de Lorris
concédée à plusieurs villes, surtout dans l'ancien domaine royal -,
Saint-Quentin a envoyé la sienne à plusieurs villes de la Picardie ;
la loi de Beaumont a été reçue dans plusieurs villages de l'Est.
M. Giry, reprenant le plan d'Augustin Thierry, qui avait fait prépa-
rer des matériaux considérables pour une histoire générale des com-
munes françaises, l'a modifié : au lieu de faire comme le grand his-
torien, de partager la France en un certain nombre de régions
géographiques, il a préféré étudier en une série de groupes naturels
toutes les villes qui ont été régies par la même loi municipale. Ce
plan aurait l'inconvénient d'exclure bon nombre de localités qui ne
rentrent pas dans ces groupes généraux, si M. Giry avait entrepris
de faire l'histoire de toutes les communes. Qu'il nous donne seule-
ment l'histoire de ces groupes, et, si ensuite il lui reste du loisir,
qu'il entreprenne quelque bonne histoire locale comme celle de
Saint-Omer.
Le texte des Établissements ne nous a pas été conservé d'une foçon
définitive ni uniforme; le plus court peut se diviser en 28 articles,
mais, dans d'autres rédactions, on en compte jusqu'à 55. M. Giry
pense et s'efforce de prouver qu'en réalité le texte primitif était aussi
complet que le plus développé des textes postérieurs, et que les
diverses rédactions s'expliqueraient non par des différences réelles
de composition, mais par des différences accidentelles de copie. Nous
ne sommes pas convaincu par ces arguments, mais il n'importe
guère ici, car les articles ajoutés ne portent pas sur les points essen-
tiels des Établissements.
Ceux-ci contiennent trois ordres principaux de dispositions :
^'^ Au point de vue politique, le pouvoir communal réside avant tout
dans le corps des cent Pairs, sorte d'aristocratie communale peut-
être héréditaire, qui choisit annuellement les ^2 échevins et les
42 conseilleurs-jurés de la commune; le maire est nommé par le
1. En voici la liste : la Rochelle, avant 1199 (la question n'est d'ailleurs pas
formellement tranchée de savoir si les Établissements ont été portés de Rouen
à la Rochelle, ou inversement) ; Niort, Saint-Jean-d'Angely, Angouléme et Poi-
tiers en 1204. Saintes les reçut de la Rochelle en 1199, Oléron en 1205, Rayonne
en 1215, Tours en 1461 ; Ttle de Ré les reçut d'Oiéron en 1242, et Ck>gnac de
Niorl en 1215,
FRANCE. SOS
suzerain sur une liste de 3 membres présentés par les cent Pairs.
Certains détails varient d*une ville à Tautre, mais ce sont là les points
qui caractérisent essentiellement Torganisation communale de Rouen
et de la Rochelle-, puis viennent les articles relatifs aux privilèges
administratifs des villes, enfln ceux qui composent ce qu'on pourrait
appeler leur code pénal. (iCS deux dernières séries de dispositions,
sans appartenir aussi particulièrement que la première à la charte de
Rouen, méritaient cependant d'être étudiées aussi bien, puisqu'elles
en font partie intégrante.
Une pareille étude n'était point aisée. Il fallait d'abord reconstituer
le texte complet des Établissements; c'est ce que M. Giry a fait avec
une grande sûreté de critique et un plein succès ^ il Ikllait ensuite en
étudier le développement ou les modiflcations dans chacune des villes
où ils furent admis. Ces villes auparavant n'étaient pas privées d'ins-
titutions municipales; il foUait donc savoir au juste à quel régime
elles étaient soumises pour mesurer la portée des changements intro-
duits par ces institutions nouvelles. Comme on le voit, ce n'est rien
moins que l'histoire de douze villes, la plupart considérables (Rouen,
la Rochelle, Tours, Baronne, etc.), que M. Giry avait à débrouiller.
La tâche eût été très simplifiée s'il avait eu comme point de départ do
bonnes histoires locales ; mais ce n'était pas le cas le plus ordinaire.
Il a donc dû aller fouiller lui-même les archives des villes et refaire
pour ainsi dire leur histoire de toutes pièces. Disons tout de suite
que, si ses recherches n'ont pu épuiser la matière (il en est tout
le premier convaincu) , il a retiré de ses voyages d'exploration, qui
l'ont conduit jusqu'à Pampelune, une riche mine de documents, dont
les plus importants feront la substance du second volume ^
Tous ces matériaux réunis, restait Tart délicat de les mettre en
œuvre. On pourra reprocher à Fauteur une grande disproportion
dans les diverses parties de son œuvre; Tours et Rayonne, par
exemple, ont été l'objet d'études plus détaillées que Rouen même, et
parfois dans la masse touffue des détails on perd de vue le véritable
sujet, qui est Thistoire des Établissements; on ne voit plus assez
nettement le lien qui rattache les diverses monographies entre elles;
mais ce défaut est imputable en grande partie à l'état même des
archives locales. Si quelques-unes sont assez pauvres aujourd'hui,
d'autres au contraire ont fourni à l'auteur do très nombreux maté-
1. Ce volume contiendra : t* le texte des ÊtAbliMements de Rouen mus sa
triple forme en latin, en fran^-ais et en provençal, avec les principale» variantes
des diflërentes rédactions ; 2* 39 pièces justificatives provenant de diverses
archives provinciales; 3* une table très détaillée des matières.
Rev. HiSTOR. XXII. 2« FA8C. *2ti
394 BULLETIN HISTORIQUE.
riaux; pouvait-il se refuser la satisfaction d'en faire largement
usage?
En somme le livre de M. Giry est un livre plein de choses, plein
de documents ; mais ce n'est pas tout : il contient des idées ;
il fait penser. Comment se sont formées les villes au moyen âge ?
11 le montre à Paide des exemples les plus variés; là, ce sont
d'anciennes cités romaines comme Rouen ou la vieille ville de
Tours qui, après avoir très vraisemblablement perdu leurs institu-
tions romaines, en ont retrouvé d'autres appropriées à un autre
régime-, là, ce sont des villes entièrement créées au moyen âge,
comme la Rochelle, dont on ne trouve pas de mention avant le x* s. ,
et qui s'est développée par le commerce ; d'autres enfin se sont for-
mées à coté des cités anciennes, comme Châteauneuf, aux portes de
Tours, s'est établie autour du sanctuaire vénéré de Saint-Martin. Le
développement de ces villes, si diverses d'origine, mais soumises aux
mêmes conditions sociales, n'est pas un des faits les moins instruc-
tifs de l'histoire du moyen âge, et, ainsi qu'autrefois à Saint-Omer,
M. Giry nous fait aujourd'hui assister à ce spectacle. Asservies
d'abord à leurs seigneurs laïques ou ecclésiastiques, elles s'affran-
chissent peu à peu : soit par la force, soit par voie d'achat, soit par
suite d'opportunes concessions, comme celles de Jean Sans-Terre
et de Philippe-Auguste, elles prennent leur place dans la hiérarchie
féodale-, elles deviennent des seigneuries aux droits plus ou moins
étendus. Cette transformation, M. Giry la montre bien dans les faits,
il n'y a peut-être pas assez insisté dans la conclusion. Une fois en
possession de leur autonomie, fort limitée, d'ailleurs, que deviennent
ces villes? Cette aristocratie bourgeoise qui les gouverne sera-t-elle
moins tracassière, plus douce au pauvre monde que l'aristocratie
ecclésiastique ou militaire qu'elle a remplacée ? Non, répond M. Giry,
et il le prouve. Quels sont enfin leurs rapports avec la royauté? La
politique constante de nos rois a été de s'appuyer sur le tiers état;
ont-ils été les protecteurs des communes? Nullement : du moment
qu'elles font partie de la hiérarchie féodale, la royauté poursuit
leurs pouvoirs, comme ceux de la féodalité. Après avoir été pour
les rois un point d'appui, elles deviennent un obstacle à leur
autorité qui tend de plus en plus, surtout à partir du xi^ siècle,
à devenir absolue ; les villes devaient donc perdre leurs privilèges
comme la noblesse les siens. C'est ce que dit très bien M. Giry
(p. 441) : « Le grand ennemi des communes fut le même que celui
de la féodalité : le pouvoir royal. Parfois, les rois surent opposer
ces deux forces Tune à l'autre, le plus souvent ils les attaquèrent
ensemble. » Ces deux ennemis du pouvoir absolu succombèrent en
ANGLBTEE&E. 395
même temps; la Fronde esl la dernière tentative de la noblesse pour
reprendre quelque autorité dans l'État : vingt ans auparavant avait
été ruinée la dernière des communes, la Rochelle. L'ouvrage de
M. Giry est, on le voit, une livre d'une haute valeur, et qui tiendra
un rang éminent dans cette collection si justement estimée que Ton
doit à l'École des hautes études.
Ch. BÉMOifr.
ANGLETERRE.
PUBLICATIONS RBLATIVES A l'hISTOIRE MODERNE.
Deux nouveaux volumes viennent de s'ajouter à la volumineuse
collection des Calendars of State papers*. Le plus ancien contient
une analyse des papiers d'État relatifs aux neuf mois qui s'étendent
de sept. 4640 à mai 4644. Le premier événement rapporté est l'entrée
de l'armée écossaise à Newcastle, après sa victoire à Newburn. Cet
événement montra que l'armée anglaise ne pourrait pas, parce que
la nation anglaise ne voudrait pas, résister avantageusement aux
Écossais ; le roi fut donc obligé de traiter avec ses sujets. Les chefs
écossais connaissaient très bien leurs avantages. Avaient-ils ou non
entamé déjà des négociations avec les chefs du parti national en
Angleterre? C'est une question qui a été souvent disculée, et sur
laquelle le présent volume ne jette pas une lumière nouvelle. Mais,
comme M. Hamilton le fait remarquer avec beaucoup de sens, ils con-
naissaient assez bien l'état des affaires en Angleterre pour se décider
à envahir le pays. Le roi sans parlement était sans appui ; le parle-
ment, lorsqu'il serait convoqué, devait naturellement faire cause com-
mune avec eux. On comprenait en Angleterre que le temps était
passé où le roi était à craindre ; un fait relevé par l'éditeur du volume
le montre clairement : le jour même de la défaite de Newburn fut
signée à Londres la célèbre pétition des douze pairs de l'opposition
invitant le roi à convoquer un parlement, et cette pétition, au lieu
d'être tenue cachée au Conseil jusqu'à ce qu'elle pût être présentée
au roi à York, fut portée par les comtes d'Hertford et de Bedford,
deux des signataires, au Conseil, « exprimant le vœu qu'il se joignit
1. Calendars of State paper$,damesUe séries, 1640-41; édit. by W.-D. Iltinil-
ton. Collection du Maître des RiMe».
d96 BULLETIN HISTORIQUE.
à eux et protestant qu'ils se lavaient les mains des malheurs qui
arriveraient si leurs seigneuries ne se joignaient pas à eux. » Une
pétition semblable fiit préparée dans la cité de Londres ; elle expo-
sait dans un très fort langage la nature des griefs dont la nation se
plaignait. Le Conseil essaya vainement d'arrêter cette pétition, qu'il
appelait « honteuse et déraisonnable » ; certaines personnes furent
effrayées par ses menaces, mais plus de dix mille signatures furent
mises au bas de la pièce qui fut présentée au roi à York. Charles
avait la conscience de sa défaite, mais il ne savait regarder les évé-
nements en face : il recourut au vieil expédient d'appeler auprès de
lui à York les pairs seulement. Cet expédient aurait sufQ trois cents
ans plus tôt, lorsque les pairs n'étaient pas seulement les chefs natu-
rels du pays, mais en réalité leurs seuls chefs ; mais des précédents
puisés dans le règne d'Edouard III étaient sans force dans des cir-
constances aussi différentes, et, avant même que le Conseil des pairs
se fut assemblé, le roi avait été obligé de céder à Tavis des plus pers-
picaces de ses conseillers, et d'ordonner la convocation d'un parle-
ment. Aussi les pairs, lorsqu'ils s'assemblèrent, furent accueillis
avec la nouvelle que le parlement se réunirait le 3 nov., et ils n'eurent
qu'à négocier avec les Écossais pour établir un modus vivendi pen-
dant l'intervalle.
On ne pouvait s'attendre à ce que les papiers d'État jetassent une
nouvelle lumière sur les actes du Long Parlement ; il n'y a pas aux
archives de résumés des débats, bien qu'il s'y trouve plus d'un exem-
plaire des discours prononcés par le roi. Ces derniers, et beaucoup
d'autres documents, ont été publiés il y a longtemps dans les collec-
tions de Rushworth et autres, et, bien qu'on puisse découvrir quelques
rectifications de détail dans le texte qu'en donne M. Hamilton, il n'y
a pas de conséquence importante à tirer de ces différences. Il y a fort
peu de chose sur les faits qui amenèrent la disgrâce et le procès des
ministres de la couronne. II n'est pas douteux que le parlement et la
nation ne fussent résolus à les déclarer responsables de tout le mau-
vais gouvernement passé et à les punir en conséquence, que l'accu-
sation de trahison pût être formellement établie on non contre eux ;
mais il faut se rappeler qu'à moins de tenir les ministres pour res-
ponsables il n'y avait d'autre issue que de faire retomber toutes les
fautes sur le roi, et, pour en arriver là, le temps n'était pas encore
mûr. Sans doute en réalité le roi était responsable, et en moins de
deux ans le parlement s'efforça par la force des armes d'enlever au
roi les pouvoirs qui le rendaient le plus capable de faire le mal ; mais,
en >I640, la « divinité qui entoure un roi » n'était pas encore abattue ;
même les esprits les plus hardis dans le parlemenl traitaient encore
AlfGLBTBEEE. 397
sa personne et son pouvoir avec un respect sincère, et, s'ils avaient
essayé de faire autrement, ils n'auraient pas trouvé la nation disposée
à les soutenir. Il ne parait pas juste de punir les agents et de laisser
à leur roaitre Timpunilé ; c'est, à ce qu'il semble, dégrader la royauté
que de traiter un roi comme un simple figurant, comme un être
irresponsable ; mais, à moins de laisser continuer le mauvais gou-
vernement, il n'y avait pas d'autre issue que la révolte, et il était
tout à fait légitime d'essayer d'empêcher la guerre civile. La vraie
moralité à tirer de ces faits est celle que l'Angleterre moderne a mise
en pratique : dans un système constitutionnel les ministres doivent,
et diriger la politique gouvernementale, et être responsables de leurs
actes par devant la nation ; le roi, s'il y en a un, .et s'il ne possède
pas avec tous les pouvoirs l'entière responsabilité du gouvernement,
doit laisser les ministres agir à leur guise. — Voilà à peu près tout
ce qu'il y a d'intéressant dans ce volume : les lettres particulières ne
sont ni nombreuses ni amusantes^ elles renferment peu de détails sur
des sujets littéraires. Le moment était trop sérieux, la marche des
événements politiques était trop rapide et trop absorbante pour que
les gens pensassent à autre chose, autant du moins qu'on peut eu
juger par les papiers qui sont entrés aux archives de l'Ëtat.
Le second volume des Calendars publié en 4882 se rapporte à
8 mois du Protectorat, de nov. 4655 à juin 4656^ Ce n'est pas une
période où se soient produits des événements d'un intérêt général. La
Jamaïque venait d'être prise, et Gromwell avait engagé des pourparlers
en vue d'une entente avec la France contre l'Espagne avant nov. 4655;
son premier parlement avait été dissous en janv. 4655, et le second
ne fût pas réuni avant sept. 4656. Les faits importants de la guerre,
la capture des galions espagnols, l'alliance formelle avec la France
et la bataille des Dunes sont postérieurs ; c'est même tout au plus si,
durant ces 8 mois, l'Angleterre et l'Espagne furent effectivement en
guerre. Sans doute l'Espagne hésitait réellement ; selon le dire d'un
royaliste anglais exilé, Philippe IV espérait voir Cromwell renversé
par les Niveleurs, et pouvoir ainsi faire aisément la paix avec la
République. S'il est vrai qu'il ne faut pas croire les exilés sur parole,
le secrétaire Nicholas n'en était pas moins très au courant des efforts
tentés par Charles H pour décider l'Espagne à épouser sa cause et du
firoid accueil que reçurent ses propositions ; et l'explication est au
moins plausible. A mesure que Thiver tirait à sa fln, il devint évi-
dent que les chances de paix s'évanouissaient. Cromwell ne voulait
1 . Calendar of State papers, domesiic serUi 1655-56 ; edit by M. A. E. Green.
CoUection du iniltre*de« RAIet.
400 BULLETIN HISTOUQUB.
nage aussi discuté qu'Olivier Cromwell. Son nom seul a depuis deux
siècles fourni matière à de véhémentes controverses, et cela de la
part de gens qui savaient peu de chose ou ne savaient rien sur son
compte. Dans ces dernières années, son histoire a été étudiée avec
une minutie qui ne laisse pas sans doute de faits nouveaux à décou-
vrir. M. Picton n'ajoute en effet rien à ce qu'on savait déjà ; et il le
déclare par avance. Pourquoi donc, demandera-t-on, essayer une
nouvelle biographie si l'on ne possède pas ce rare génie de Técrivain
qui sait faire revivre la physionomie d'un homme du passé, et l'im-
poser au souvenir de tous les lecteurs et de tous les temps ? Il n'est
peut-être pas facile de répondre à cette question, et cependant tous
ceux qui respectent profondément le souvenir de Cromwell feront
bon accueil au présent livre, car sa réputation a commencé à
souffrir d'une nouvelle série de causes. Après avoir été vilipendé
pendant si longtemps par des écrivains qui adoraient Charles P'
comme un martyr, et ne voyaient dans son grand ennemi qu'un
usurpateur sans principes, un monstre d'hypocrisie et de fanatisme,
Cromwell flit presque tout à coup exalté comme un héros par le
génie de Carlyle ; malheureusement l'admiration de Carlyle pour les
caractères forts le conduisit à juger excellents des actes qu'une
moralité moins transcendantale eût condamnés ou du moins cherché
à excuser, en alléguant les circonstances exceptionnelles où il se
trouvait ; aussi l'éclat dont il avait entouré Cromwell ne tarda-t-il
pas à s^affaiblir. Des lecteurs identifièrent d'une façon plus ou moins
inconsciente Cromwell avec son biographe, et admirent que sa force
de conception le rendit sans pitié pour les autres et résolu à briser
tout obstacle qu'il rencontrerait sur son chemin. Le sentimentalisme
moderne reprocha à Cromwell d'avoir fait mettre à mort la garnison
de Drogheda, non parce qu'on ne croyait pas avec lui qu'un ou deux
exemples pareils de sévérité fussent nécessaires, mais parce que Car-
lyle qualifiait le massacre de grand et d'héroïque. De même la tolé-
rance moderne fit un crime à Cromwell d'avoir contribué à renverser
l'église anglicane et d'avoir , pendant la durée du Protectorat, refusé
d'autoriser la célébration publique de ce culte, non parce qu'elle
avait pesé et trouvé insuffisante la vraie justification du Protecteur,
à savoir qu'étant données les circonstances, il était impossible d'être
entièrement tolérant, mais parce qu'elle réprouvait une justification
théorique de l'intolérance que Cromwell aurait été le premier à répu-
dier. De même aussi la haine que les modernes professent pour la
guerre, la tendance moderne qui pousse à considérer comme une loi
de nature que les questions litigieuses soient réglées par l'opinion
d'une majorité ; l'idée qu on se fait aujourd'hui de la religion^ consi-
A?ftiLBTEBB£. 390
pour qu'il se contentât de réprimer les hostilités eiïectives, même en
ayant entre les mains les informations admirablement complètes et
sûres ((ue lui procurait son gouvernement sur les desseins de ses
ennemis.
11 y a dans ce volume un grand nombre de lettres :idressécs à
Williamson, plus tard secrétaire de (Charles H, et c'est sans doute
à ce titre que sa cx)rrespondance se trouve aujourd'hui aux Archives
nationales. Beaucoup d'entre elles viennent d'amis qu'il avait à
Oxford, université à la(]uclle il avait lui-même appartenu ; mais la
plu[Kirt ne présentent fias d'intérêt, en dehors de la mention qui s'y
trouve çà et là de personnages connus d^ailleurs. Il y a aussi un
nombre considérable de {tétitions envoyées par des clergymen qui
avaient été privés de leurs l)énéfices, puis emjMîchés de servir chez
des particuliers en qualité de chapelains ou de précepteurs ; et il
semble, à lire les réponses faites à ces pétitions, que cette mesure
ait été appli(]uée avec une douceur relative. Le gouvernement était
sans doute résolu à employer tous les moyens en son pouvoir
pour faire taire les agents royalistes ardents qui se trouvaient dans
le clergé, et, en leur coupant les vivres en Angleterre, les obliger à
quitter le pays -, mais il |)ermeltait à ceux qui ne s'occu|>aient [kls de
politi(iuo de continuer leurs fonctions. Nous trouvons aussi dans ce
volume une série de documents relatifs à la requête des Juifs deman-
dant l'autorisation de vivre et de faire le commerce librement en
Angleterre, et Tabolition des lois qui les proscrivaient. Gromwell,
fidèle à ses principes, leur était favorable, mais le sentiment général
en Angleterre était si fort cmxim eux qu'on ne fit rien ; en fait cepen-
dant leur séjour dans le pays ne fut i>as troublé.
M. J.-A. PicTON • a écrit une nouvelle biographie de Oorowell qui,
sans prétendre apporter le fruit de recherches originales, n'en est
pas moins le résultit d'une étude patiente de tous les documents
publiés. L'admiration de lauteur iK)ur son héros est aussi complète
que C4»lle de (jarlyle -, mais, comme il ne partage jws toutes les <loc-
trines iN)liti(]ues de (iarlyle, il ne déi)are pas son ouvrage en y intro-
duisant Umt de rétlexions discuUibles sur ki politique. l)\iuti'e part,
l'histoire de (îromwell appelle l'attention sur tant de problèmes qui
sont encore aujourd'hui l'objet d'une ardente controverse, que son
bi(»graphe pouvait diflicilement résister à la tentation d'exprimer son
opinion sur la politi<|ue courante. H n'est i>as vraisemblable qu'on
ait beaucoup de choses nouvelles à dire sur le caractère d'un person-
1. Oliver Cromweil, the man and Hés mission, by J.-A. Picton. Londres,
Ca66el et C*.
402 BULLETIN HISTORIQUE.
l'acte d'Habeas corpus^ il eût peut-être réussi, car il avait des facili-
tés exceptionnelles pour influencer le Parlement; mais comme il
mena de front l'attaque contre les convictions religieuses et contre
les droits politiques de la grande masse de ses sujets, sa chute
devint inévitable. Cependant Jacques II avait presque la même
facilité que son père à se faire illusion; il était incapable de
comprendre quelle résistance sérieuse pouvait être opposée à
ses désirs formellement exprimés. Aussi, lorsqu'en 4687 ses
conseillers lui dirent qu'il fallait au plus tôt réunir un Parlement,
il se mit à Tœuvre pour faire connaître sa volonté, en envoyant à
tous les magistrats en Angleterre une circulaire où il priait chacun
d'eux de répondre à ces trois points : S'il était élu, voterait-il Tabro-
gation du jTest Act? Travaillerait-il à l'élection de candidats favo-
rables à cette abrogation ? Appuierait-il la déclaration royale d'Indul-
gence en vivant amicalement avec des gens de toutes les croyances ?
Sir G. Ducketta publié, d'après les originaux conservés à la Bodléienne,
les réponses envoyées par les magistrats de 22, sur les 40 comtés de
l'Angleterre, et toutes celles qui furent envoyées du pays de Galles ;
il y a ajouté, sur les personnes nommées dans ces pièces, des détails
qui présentent un intérêt plutôt local que général. On a dit souvent
qu'un modèle de réponse avait été rédigé et répandu par d'astucieux
adversaires des plans du roi ; mais une lecture rapide de ces réponses
prouve que, si cette opinion est vraie au fond, il ne faut pas la
prendre au pied de la lettre. Elles sont pour la plupart dictées
par la prudence : on s'abstient d'offenser le roi par un refus positif,
mais on réserve sa liberté d'action jusqu'à la réunion du Parle-
ment ; en outre elles varient trop dans la forme pour avoir été, sauf
peut-être dans un ou deux comtés, faites d'après un modèle uniforme.
Il est clair aussi que les personnes interrogées saisirent toutes les
excuses possibles pour ne pas donner de réponse du tout. Ce volume
contient encore de curieux documents relatifs au même sujet : rap-
ports confldenliels adressés par des agents royaux qu'on avait envoyés
dans diflerentes localités, soit pour peser sur les élections, soit pour
donner des avis sur l'opinion des électeurs ; instructions secrètes
données à ces agents ; listes de candidats à certaines charges, qu'on
pensait disposés à favoriser les plans du roi, etc. Des documents ori-
ginaux sont toujours bien accueillis ; on ne peut dire cependant que
ceux du présent volume soient de nature à modifier les opinions
reçues. Tout tend à prouver que la résistance passive aux proposi-
tions de Jacques If était universelle, qu'il n'y avait dès le début aucun
espoir de réussir à renverser la religion et la constitution politique
de l'Angleterre. S'il faut s'étonner d'une chose, ce n'est pas que la
ANGLETERRE. 403
nation ait fini par perdre patience et chassé Jacques par la force des
armes, mais qu'il n^ait eu lui-même aucune crainte d'un pareil
dénouement.
On s'intéresse aujourd'hui de plus en plus, et non sans raison,
aux aspects de la vie sociale des peuples ; on comprend non seule-
ment que les grands hommes sont en somme le résultat et non la
cause du milieu où ils vivent, mais aussi que les guerres et les trai-
tés, les mariages royaux et les débats parlementaires constituent
seulement une partie de Thistoire ; aussi les historiens qui s'attachent
à peindre la vie sociale d'un peuple, si peu que leurs livres soient
historiques au sens étroit du mot, n'en contribuent pas moins au
progrès de l'histoire. A cette classe appartient M. Ashtoiv qui a
récemment publié un livre sur la vie sociale à l'époque de la reine
Anne^ ; il est même, à certains égards, le type de ces historiens. Il
a étudié avec un grand soin les journaux , les mémoires et autres
écrits de l'époque, et il en a extrait des informations sur chaque
département de la vie sociale, l'art et la science, tout comme sur les
mœurs journalières de la société polie ou de la basse classe. Le zèle
de l'auteur est indéniable, le soin avec lequel il a étudié le sujet,
autant que nous avons pu le vérifier, ne l'est pas moins. Le tableau
est peut-être peint de trop sombres couleurs, mais il est difficile de
rappeler les brutalités de l'époque sans produire une impression plus
forte que juste, parce qu'il y a comparativement peu à dire sur la
grande masse d'un peuple paisible vivant de la vie de famille. Ce
défaut était cependant inévitable ^ le livre de M. Ashton ne pouvait
pas non plus échapper à cette objection qu'il est plutôt une réunion
(le matériaux qu'un livre. L'auteur a préféré, et il a eu raison, don-
ner à ses lecteurs le plus grand nombre possible d'informations, et
les laisser ensuite se faire eux-mêmes une idée de la vie du peuple à
l'époque de la reine Anne-, ce ne sera pas sa faute s'ils s'en font une
idée inexacte et fausse.
La seconde partie de l'Histoire de l'Angleterre au xtiii* s. par
M. Lecky' est le plus important des travaux historiques qui aient
paru en Angleterre pendant l'année dernière. Elle est consacrée à la
première partie du règne de Georges 111 ; l'auteur y expose les luttes
politiques qui éclatèrent au début du règne, et qui se terminèrent
par le triomphe des tories, ou plutôt du roi -, les mesures qui provo-
1. Social lift in ihe reign of Qtuen Anne, taken from original iourcet.
Londres, Chatto et Windus.
2. A historg of England in ihe eighteenth eenturg. Vol. III et IV. Loodres,
Longmins.
404 BULLimif HISTORIQUE.
quèrenl la guerre avec TAmérique, et les événements qui aussitôt
après amenèrent Pitt aux affaires ; enfin les affaires d'Irlande, jus-
qu^à la concession d'un parlement irlandais séparé. Les lecteurs
familiers avec les précédents volumes de M. Lecky ne trouveront
dans ceux-ci rien qui les surprenne : Tauteur écrit, on ne peut pas
dire avec impartialité, mais plutôt comme un homme qui n'aurait
aucun intérêt aux choses qu'il raconté, et qui les voit du dehors.
G^est là ce qui donne au livre sa valeur, car on ne peut s'attendre à
le voir jeter une lumière nouvelle sur une époque si bien connue,
éclairée par de si riches mémoires. Mais tous les écrivains ne soAt pas
en état de se dégager des préjugés de parti ; et, lorsqu'ils tiennent
pour fondamentalement vraies les théories modernes sur la situation
du roi, chef titulaire, peut-être même guide de son peuple, mais sans
le gouverner, et sur le droit que Ton reconnaît aux peuples de choisir
leur propre gouvernement, ils ne peuvent pas tous saisir la force des
arguments élevés contre les réclamations des Américains en faveur
de leur indépendance, ni les raisons qui persuadèrent également le
roi et la nation de les repousser.
L'intérêt de la première partie de ces volumes se trouve entière-
ment dans les choses du passé. Il est désormais impossible qu'il
existe en Angleterre un état de choses semblable à celui qui s'était
établi avant l'avènement de Georges III, après que le gouvernement
eût été pendant longtemps aux mains de l'aristocratie whig, si long-
temps qu'elle s'était brisée en factions que séparaient seulement des
rivalités de personnes ou de familles. La Chambre des Communes,
qui paraissait dominer dans l'État en souveraine et représenter la
nation entière, s'était dégradée en une assemblée de députés nommés
par les grands propriétaires fonciers ; la plupart d'entre eux étaient
corrompus; de ceux-là seuls on pouvait espérer quelque indépen-
dance qui, ayant des opinions bien arrêtées, et personnellement
incorruptibles, représentaient un bourg qui leur appartenait. Il nous
faut aujourd'hui faire un effort d'imagination, même pour con-
cevoir un pareil état de choses. Plus d'un pense que nous sommes
allés trop loin dans la direction contraire, que nos hommes d'État
sont trop, et non trop peu contrôlés par l'action directe de l'opinion
publique. D'autres iraient plus loin encore : ils supportent avec
impatience qu'on se livre dans le Parlement à une discussion en
règle sur des questions où, à ce qu'ils croient, l'opinion du pays est
faite. Mais, que l'avenir doive ou non amener une réaction dans le
sens d'une plus grande indépendance de nos hommes d'État ou d'une
plus grande influence de la couronne, rien assurément ne ramènera
l'ignorance et l'indifférence pour les affaires pubhques, si profondes
INGLETERRB. 405
il y a un siècle. Les chemins de fer et les télégraphes, les journaux
et la poste à bon marché ont enfln rendu impossible que la nation
restât dans Tignorance de ses propres affaires. La politique peut
continuer ou cesser d'être une carrière où Thonnéteté individuelle
est générale, où les hommes d'État, bien qu'infatués de leur rôle,
bien qu'égarés des passions de parti, croient sincèrement qu'ils
cherchent à faire le bien du pays ; les hommes d'État anglais conti-
nueront ou cesseront de mettre leur honneur à ne pas chercher leur
intérêt particulier dans les affaires publiques ; mais les jours des
« amis du roi », qui donnèrent à Georges UI un pouvoir presque
despotique, sont passés à tout jamais.
L'intérêt de la guerre américaine est de plusieurs sortes : en ce
qui concerne la conduite ou la capacité de ceux qui en portent la
principale responsabilité, cet intérêt est tout entier conflné dans le
passé; sur ce point M. Leclcy ne nous apprend rien de bien nouveau
et ne modifle pas notre opinion. Il insiste fortement sur la responsa-
bilité personnelle de Georges III, et il n'hésite pas à flétrir comme
un crime la conduite du roi en 4778, lorsqu'il trompa le sentiment
public en refusant de rappeler Chatham au pouvoir ; il montre que
Georges III n'agit pas envers l'Amérique par une raison de principe,
mais uniquement en vue de maintenir sa suprématie. La guerre était
mal conduite ; Chatham avait montré qu'il avait toutes les (|ualités de
diplomate et d'administrateur nécessaires pour diriger une grande
guerre ; il était décidé à ne pas accorder aux colonies leur indépen-
dance; mais Chatham, ou même Rockingham, aurait voulu diriger
le gouvernement, dont il était responsable, tandis que Georges III
était résolu à garder le contrôle souverain sur toute chose, en
employant des ministres nominalement responsables, mais en réalité
fldèles serviteurs des désirs du souverain. Quant à lord Nortli,
M. Lecky est en général plus favorable que la plupart des historiens
à ce ministre trop maltraité. Mais l'importance réelle et permanente
du débat engagé entre l'Angleterre et PAmérique repose sur un prin-
cipe : quelle devait être la condition politique de citoyens qui avaient
quitté leur pays natal et qui avaient formé une colonie lointaine ?
Est-il juste en théorie, est-il possible dans la pratique qu'ils dussent
rester à tous égards citoyens de la mère-patrie, représentés dans
l'Assemblée nationale? L'Angleterre, instruite par l'expérience de la
guerre américaine, a concédé à ses colonies, quand elles le désirèrent,
le droit de se gouverner elles-mêmes, se réservant seulement le droit
de nommer le gouverneur, qui n'est guère que pour la forme le chef
de la conununauté, et elle n'a pas cherché à imposer à ces colonies
l'obligation de contribuer à la défense générale de l'empire. Est-ce
406 BULLETIN HISTORIQUE.
tout à fait équitable envers la mère-patrie ? on peut en clouter ; mais,
en tout cas, les colonies n'ont pas à s*en plaindre. Au xvin* s., au
contraire, on n'avait pas songé à cette solution du problème. Les
colonies réglaient seulement les affaires locales ; à tous autres égards
elles étaient sujettes du parlement anglais. Il n'est pas douteux que,
conformément à la lettre de la loi, l'Angleterre n'eût le droit de taxer
les sujets anglais vivant en Amérique comme ceux qui vivaient en
Angleterre ; il n'est pas douteux non plus que les colonies américaines
n'aient largement profité des grands succès remportés dans la guerre
de Sept ans, guerre engagée surtout dans leur intérêt, et l'on avait
le droit d'espérer qu'elles contribueraient pour une part aux dépenses
de la défense nationale. Il est certain aussi que le chiffre des taxes
que l'on songeait à lever était raisonnable et même modéré. Cepen-
dant l'idée de taxer les colonies en vertu d'un acte du gouvernement
central se heurtait à ce principe inscrit dans la constitution anglaise,
que les impôts doivent être consentis par ceux qui doivent les
payer. M. Lecky a très bien montré qu'aucun autre expédient n'était
possible : demander aux colonies de se taxer elles-mêmes et de con-
tribuer aux charges du trésor impérial en retour de la protection
impériale était impraticable, étant données les jalousies des colonies
envers la mère-patrie et les monopoles que celle-ci s'était réservés.
Un homme d'État judicieux aurait dû prévoir les difficultés et ne pas
faire la sottise d'élever une prétention qu'on ne pouvait imposer
qu'au prix des plus grands sacrifices et qu'on ne pouvait retirer sans
honte. Mais Grenville n'y voyait pas si loin ; l'atmosphère politique
en Angleterre était faite de corruption, d'égoïsme, d'intérêts de
classes ; il présenta la fatale demande sous une forme tout à fait blâ-
mable, et la lutte devint inévitable. Ce n'est pas à dire que la répa-
ration fût inévitable, bien que ce dût être le résultat le plus probable
du conflit, et aussi le plus avantageux pour les deux adversaires.
M. Lecky le remarque avec raison : « Les Américains prirent les
armes pour la défense de leurs droits, et non pour leur indépendance;
c'est peu à peu seulement et comme malgré eux qu'ils se familiari-
sèrent avec l'idée de se séparer complètement de l'Angleterre. » En
même temps il y eut toujours un certain nombre de gens actifs qui
penchaient fortement du côté de l'indépendance, et qui, sachant fort
bien où ils voulaient en venir, finirent par entraîner avec eux la
masse de leurs concitoyens. M. Lecky croit aussi que la tiédeur de
beaucoup d'Américains, les divisions d'intérêts et les sentiments hos-
tiles des diverses colonies auraient pu permettre à l'Angleterre de
rétablir son autorité par la force sïl n'y avait pas eu d'intervention
étrangère. C'est avec hésitation que nous admettons cette opinion, car
A!fGLETE3lllB. 407
nous ne pouvons oublier la stupide obstination de Georges III ni
l'incapacité dont firent preuve les chefs que la faveur de la cour, les
influences parlementaires, tout, excepté le mérite, avait mis à la tète
des armées. Si Chatham était revenu au pouvoir, au lieu de mourir
un mois ou deux après que le roi eut déflnitivement refusé de Tad-
mcttre à nouveau dans ses conseils, la résistance militaire des colonies
aurait certainement pu être brisée -, cependant même alors il eût été
impossible de maintenir en état de sujétion permanente un peuple
établi sur un si vaste territoire, et Chatham lui-même n'aurait pu
réussir contre TEurope entière. C'est à la France que les Américains
durent le plus, et M. Lecky fait ressortir Tironie d^une situation où
Ton voit Marie- Antoinette et sa cour embrassant avec enthousiasme
une cause républicaine et contribuant de tout leur pouvoir à grossir
le courant qui devait sitôt les engloutir eux-mêmes ; mais, lorsqu'à
l'hostilité déclarée de la France s'ajouta celle de l'Espagne et de la
Hollande, quand les États du Nord saisirent l'occasion pour former
cette neutralité armée qui était en tout, sauf dans le nom, une guerre
maritime contre l'Angleterre, la lutte devint désespérée et la paix
de Versailles en fut la conséquence inévitable. L'Angleterre avait
appris, et le monde après elle, que, quand les colonies prennent
l'étendue de véritables nations, elles peuvent, comme les colonies
des cités de la Grèce antique, devenir indépendantes quand elles le
désirent, et que seules une bonne volonté réciproque et l'indépendance
de fait peuvent les maintenir d'une façon durable comme membres
du même empire.
Tout ce qui se rapporte à l'Irlande est aujourd'hui une question
brûlante, et nous n'avons nulle envie de discuter les problèmes de la
politique actuelle sous prétexte d'analyser le récit que trace M. I^cky
des aflaires irlandaises dans la dernière partie du xviri* s. Il se peut
que les exemples de l'Amérique aient contribué à stimuler le goût
des Irlandais pour l'indépendance ; il se peut que Téchec de l'Angle-
terre en Amérique, s'ajoutant à leurs propres théories politiques, ait
amené le ministère Bockingham à permettre à Tlrlande d'a?oir un
parlement séparé. L'expérience fVil désastreuse et rendit plus néces-
saire que jamais rUnion qui ne tarda pas à être proclamée; mais
cola ne prouve rien ni pour ni contre une demande pareille aujour-
d'hui. Le parlement de n82 à 4800 ne représenta aucunement le
peuple irlandais, et Ton ne peut actuellement tirer aucune conclusion
pratique de sa corruption ni de ses fautes. D'autre part, il y a une
grande diflerencc entre le fait de briser une union définitive et
formelle et celui d'accorder à une dépendance de la couronne, qui
avait toiyours été gouvernée comme telle, quelque chose de sem-
408 BULLETIN HISTORIQUE.
blable au self-government. M. Lecky a présenté la marche des éyéne-
ments en Irlande avec clarté et impartialité, et avec le désir évident
de faire équitablement à chacun sa part dans des circonstances où il
était presque impossible que les affaires allassent bien.
Hereford B. George.
ROUMANIE.
(ouvrages parus en 1882.)
L'Académie roumaine continue de publier les importants docu-
ments tirés des archives de Vienne par feu Eudoxe de Hourmouzaki,
roumain de la Bukovine. Le 4* vol. qui vient de paraître contient
les documents de 4600 à 4649; ce sont 629 pièces qui jettent une
nouvelle lumière, surtout sur l'époque de Michel le Brave, prince de
Valachie, 4583-4604. — M. loan Brezoianu, qui nes*étaitpas encore
fait connaître par ses publications historiques, vient de faire paraître
une sorte de résumé des anciennes institutions de la Roumanie,
Vechile institutiuni a le Bomanici (Bucharest, 4882), travail très
superficiel, rédigé diaprés les anciens historiens de la Roumanie, tels
que les Grecs Tunusii et Potino, et non d'après les documents ni les
chroniqueurs roumains, qui sont à peine cités. Un travail plus méri-
toire sur la vie de George Asaky : Gheorghe Asaky viata^ lucràrile^
scrierilf sale si epoca in care a traita 4788-4865, a été publié par
M. loan Negrea. M. Negrea est tout aussi peu historien que
M. Brezoianu; son travail est consciencieux, mais pauvre en résul-
tats; il met pourtant assez bien en lumière l'activité universelle de
ce régénérateur de la Moldavie. M. A. Braxdia a traduit pour Tusage
des écoles les biographies tirées de Thistoire ancienne et de celle du
moyen âge par M. G. D'Hombres et M. G. Monod.
Le mouvement historique en Roumanie a reçu, dans le cours de
Tannée 4882 une puissante impulsion par Tapparition de deux
revues historiques qui ont été créées presque simultanément. La
première en date est la Columna lui Traian^ revistà mensualS,
jyeniru istorie, filologie si psicologie poporanà dirigée par M. B.-P.
Hasdeu, professeur de philologie comparée à TUniversité de Bucha-
rest. Elle vient de clore, le 34 décembre dernier, la première
année de son existence. M. Hasdeu n*a fait que reprendre la publi-
EornA^nE. 409
cation de ce recueil qui avait paru à plusieurs reprises dans le passé,
mais dont l'existence avait été plusieurs fois interrompue. Espérons
que cette fois sa vie sera de plus longue durée; la Roumanie ne
saurait que gagner à une publication aussi soignée ({ue pleine d'éru-
dition. Parmi les travaux les plus importants insérés dans cette
revue, nous citerons : la chroni^iue inédite jusqu'à ce jour de Zilote le
Roumain, qui contient une narration, partie en vers, partie en prose,
(les événemenls arrivés en Valachie vers le commencement de ce
siècle; plusieurs éludes intéressantes sur certaines étymologies
curieuses et difficiles de la langue roumaine par le directeur de la
revue, M. IIasdeu; une collection critique de documents pour l'his-
toire du Fogaraclie, district de la Transylvanie, par M. Aron Db!(su-
SI A xu, secrétaire de l'Académie; on y voit figurer la noblesse rou-
maine pendant les xv* et xvi« siècles , noblesse qui disparut com-
plètement plus tard, passant aux Hongrois; une analyse des
termes religieux , d'origine latine , (jui se rencontrent en rou-
main, i>ar M. G. Chitzu, actuellement ministre de Tintérieur
en Roumanie; la langue botanique du paysan roumain par le
docteur 1). Braihdia; une collection de coutumes juridiques des
fiaysans, ainsi que plusieurs contes populaires. !^ seconde re\iie
I>arait sous la direction de M. Grégoire Tocilescou, professeur
d'épigraphie et d'histoire ancienne à l'Université de Bucharest, sous
le titre : Herista peniru istorie^ archéologie si filologir. Elle parait
tous les 3 mois, en un volume grand in-8** de près de 300 pages,
avw reproduction chromolithographiée des divers objets d'archéo-
logie ou inscriptions. Nous reproduisons ici le sommaire du premier
fascicule, afin de donner une idée de ce qu'il contient :
Michel (i. SuTzc. Le trésor de Turnu-Magurele. — M. Gaster.
Stratificati(m de l'élément latin dans la langue roumaine. —
M. (i04;ALMCEAMi. Colleclion de modèles de peinture religieuse. —
A. Lambrior. Sur le conjonctif roumain. — A. D. Xe^opol. Les
finances i)endant 1 époque fhnariote. — M. Gaster. Textes roumains
inédits du xva* siècle. — Gr. TociLEscr. Monuments épigraphiques
et sculpturaux de la Dohroudja. — A. Papiu-Ilarian. Mémoire inédit
présenté au prince (iOuza. — V. Rurla. De la prononciation de Ys en
latin. — M. CALouivr. Sorts ou réponses d'oracles. — V. Dimitri:scc.
Notes sur les monuments, mines et endroits remar(|uahles du dis-
trict de .Mehe<linti. — A. Odobescu. Inscription d'Etienne le Grand
sur le palais princier de Hârleu. — L archimandrite Hilaire Hisam-.
Inscription de réglisc<ies Saints-Voivodesde Jassy. — Gr. TociLBScr.
Documents inédits relatifs à l'histoire roumaine. — S. Maior. Monu-
menta comitialia regni Transilvania?. — P. Ispirescu. Dictons popu-
Uev. IIistor. XXII. 2« fasc. 27
440 BULLETIIIC HISTORIQUB.
laires. ^ M. Gaster. Comptes-rendus. — A. Lbgomte de Nout.
Signes lapidaires de Féglise des Trois-Saints à Jassy *. — A. Kujtik.
Sur l'origine roumaine du plat d'or du prince russe Cholmski. —
J. T. Notices. Cette revue a attiré l'attention de l'étranger tant par
la richesse de ses publications que par le soin avec lequel elle est
rédigée. Le jeune savant M. Gr. Tocilescd, qui la dirige, offre tant
par ses connaissances étendues que par son infatigable activité les
plus sérieuses garanties pour la réussite de l'entreprise.
M. Emile Picot, professeur de langue roumaine à l'école des
langues orientales vivantes à Paris et membre honoraire de l'Aca-
démie roumaine, a publié en collaboration avec M. Georges Bengesco,
premier secrétaire de la légation roumaine de Londres, et auteur d^une
bibliographie de Voltaire qui a été très appréciée*, une histoire
d'Alexandre le Bon, prince de Moldavie (4404-4433) ; ce n*est qu'un
fragment d'une histoire complète de la Moldavie, depuis ses origines
jusqu'à la mort d'Etienne le Grand, 4504, que ces auteurs vont faire
paraître incessamment.
Parmi les sources employées, nous remarquons les Scriptores
rerum prussicarum qui n'avaient pas encore été utilisés pour l'his-
toire roumaine et qui contiennent de précieuses indications sur les
luttes des auxiliaires moldaves dans les armées polonaises avec les
chevaliers de l'Ordre teutonique. Quelques petites erreurs ou négli-
gences paraissent s'être glissées dans cette publication, dont le
mérite n'a pas besoin d'être relevé. Ainsi, à la page 27, nous lisons,
à propos d'une lutte engagée entre le roi de Pologne et le prince
Alexandre, allié à Swidrigel de Lithuanie : « Une trêve, suivie bien-
tôt d'une paix définitive^ fut conclue entre les deux parties, le
8 septembre 4434. » Puis immédiatement après : « Les hostilités
duraient encore en Podolie dans le courant de l'année 4432. Fedko,
prince d'Ostrog, qui commandait les troupes alliées de Swidrigel et
d'Alexandre, perdit dans une seule bataille 42,000 hommes. » 11
nous semble qu'il y a ici une contradiction, car si la paix
définitive avait été conclue en 4434, comment se fait -il que
l'année suivante les hostilités durent encore? Plus bas, les
auteurs, venant à parler de l'étendue de la Moldavie sous le prince
1 . Le célèbre architecte et restaurateur français a été chargé par le gouyer-
nement roumain de restaurer la cathédrale d'Argèche en Valachie, l'un des
plus beaux monuments existants du style byzantin. M. Lecomte de Nouy,
ayant accompli cette tâche difficile à la grande saUsfaction de tout le pays, a
été chargé de restaurer plusieurs autres monuments du pays, entre autres la
belle église des Trois-Saints à Jassy.
2. L'Académie française lui a décerné un prix.
^Hê^JI
ctnrti'LT : ue iai-i
ca, Thi-sitii n<l iliH-luri'i ^^nulinii i'ili> <M|N<s<ti'iiiliiiii
.-ili lillnanini [virisim^i |ii'<i|i(irii'tiiil A. Imiiimi.t.
la* Allimis aluiniiiis. l*;iris, K. Tliuriii. (ss).
■aiiuuiji ciTil l'r |H-aii'-iiii|i iliscutt- sur r.ilTaiv
' ]>i<m<isl1i''<iii' ;i jiiiii' >Niii.-> •'•■ii<- •.i\'\:ùt<: il iiVsr
'»rtaull ail i-i<' ii'iilo i1>< n'|<ri>ti<lr<- h ijnrstinLi.
son iilwcuriri' iiu'^itii' l'i, ili- |iliis, rlli> ■.rnili>\.'
■ul dire, «riiiH- lunniiTi- plus ^'.'iht.iIi', i|[ii' i-i-
rnire île I'i-Iiniui'iuv ittiiijTii' Sit liitiniii' >'i smi
(iiesliiin |Mr li's soii|<i;uii> ijui iii'M'iir sur li'
•a\ rrprùsi'tiUtit.
■m If irlioix (lit «iiji'i f[ui i-si iicuroux; M. il.
' talfiit. IVux i|iiuIlIi<s Mirtuiii muii ri-tn.-ir'
|iicI1p l'auti^ur itili'rmjîp i-t i:ritii|iii' tiiiii il-'
idictoims, lu iiinili-nitidii <-ijuitnl>li- ili< si«
- qui ont tniiu- hi «iiioi'liim. |ihiyir>urs uni
i; nno vivacité i>Klri''n]<-. I^-s uii« h' Mtiit
^litnP; losaiilrps. — ci cVst le |ilus;.'r;iiiil
lire Ilypcride, œriln- [)itinr<|u><. iiiiiir»
ipa ; ilH ont ]«(«' ii li'iir imir U-s juiiisa-
m'9 c«>upub1c!', NUIS irircntistaiKOs ;iiii''-
xle contre co!> srntimeiils lri>|i itlmilus :
lu* malheureux i[U(> ciiup^lilo; l'Art'o-
le pouvait pa» agir autrement iin'il ii'ii
se», elle était comme (lii:ti« ù l'avam-i-
lagQ. Eu Bommc, alors que ci^tle trisie
1 préleste à dnclaniationi contre la
l'ÏDgratitnde du peuple athétiien l't
tes, M. C eit surtout tciili- d'y vuir
nalhenrauns, presque falalei) et qui
'éullU qne l'on eonntft. Tontes leii
la, Niu que l'on tit le droit d'in-
'; et, d'nn autro
442 GOMPTES-aENDDS CRITIQUES.
COMPTES-RENDUS CRITIQUES.
Wilhelm Petersen. QosBstiones de historia gentiam Atticaram,
Slesvici, in œdibus J. Bergas, 4880. Un vol. in-8*» de 454 p.
Les gentes atticae ont déjà été l'objet de travaux importants; nous cite-
rons surtout deux ouvrages : Meier, de gentilitate attica ; Bossler, de
gentibus et familiis Atiicae sacerdotalibus. M. Petersen déclare, au com-
mencement de son livre, qu'il a Tintention de s'occuper seulement des
points que ses devanciers n'ont pas traités ; une histoire complète sur
ce sujet serait, comme il le dit justement, presque toute l'histoire
d'Athènes. M. Petersen se borne donc à étudier les familles qui ont
tenu un rang important dans l'Etat, à condition toutefois que nous puis-
sions connaître la suite des membres de ces familles pendant un temps
suffisamment long; cest là surtout l'idée qui préoccupe l'auteur;
chacune des monographies qu'il a consacrées à l'histoire de ces
diverses familles n'est autre chose qu'un essai pour reconstituer leur
arbre généalogique ; à ce point de vue ce travail rendra des services.
Etant données les intentions de l'auteur, toutes les familles dont l'arbre
généalogique ne peut pas être dressé, au moins pour la période histo-
rique, sont laissées de côté, par exemple les Lycomidae, quoique cette
famille, M. Petersen le mentionne en note, ait produit Thémistocle;
Pausanias (I, 31, 2) nous apprend qu'elle possédait un sanctuaire à
Phlia, c'est elle aussi qui fournissait les dadouchoi à l'époque macédo-
nienne. Il y a cependant bien des choses inutiles dans ce livre, par
exemple le préambule qui contient un résumé de l'histoire intérieure
d'Athènes, le récit de la guerre faite à Mégare du temps de Solon au
sujet de Salamine, etc. On aurait préféré quelques détails sur l'organi-
sation de ces familles; Andocide nous apprend que les Ceryces avaient
un mode d'adoption qui leur était particulier {de mysteriis, 127); l'ins-
cription 596 du Corp. Insc, Attic.^ tome II, contient un décret important
rendu par les Groconidai; ces questions auraient mérité d'ôlre exa-
minées.
Les assertions hasardées ne sont pas rares dans l'ouvrage de M. Peter-
sen : est-il bien sûr qu'avant Solon, l'Aréopage n'ait eu d'autres fonc-
tions que de juger les procès de meurtre ? Peut-on affirmer que Solon
soit de Salamine ? Si M. Petersen avait profité de l'ouvrage de
M. Wecklein Veber die Tradition der Perserkriege, il aurait certainement
corrigé ce qu'il a dit sur l'expédition de Miltiade contre Paros.
Albert Martin.
A. CARTAVLT : DE CAUSA HiTlPALICA. 413
De causa Harpalica, Thesim ad doctoris gradum rite capcssendum
amplissima" facultati litlerarum parisiens! proponebat A. Gartault,
oiim Gallica; scbolae Athenis alumnus. Paris, E. Thorln, 4884.
i vol. in-8% \A3 p.
Bien que l'oD ait beaucoup écrit et beaucoup discuté sur l'affaire
d'Harpale et le rôle que Démosthène a joué dans cette affaire, il n'est
pas étonnant que M. Cartault ait été tenté de reprendre la question.
Kllc est intéressante par son obscurité même et, de plus, elle soulève
un grave problème de morale. Ce qui est en jeu, c'est Thonneur même
de Démosthcne et Ton peut dire, d'une manière plus générale, que ce
débat intéresse toute l'histoire de Téloquence attique. Sa dignité et son
iionnêteU' sont mises en question par les soupçons qui pèsent sur le
caractère de son plus glorieux représentant.
Mais ce n'est pas seulement le choix du sujet qui est heureux ; M. C.
a su le traiter avec un rare talent. Deux qualités surtout sont remar-
quables : la sagacité avec laquelle Tauteur interroge et critique tant do
témoignages divers et contradictoires, la modération équitable de ses
jugements. Parmi les érudits qui ont traité la question, plusieurs ont
pris parti dans le procès avec une vivacité extn>me. I^s uns se sont
montrés fort durs pour Démosthône ; les autres, — et c'est le plus grand
nombre, — se sont élevés contre Hypéride, contre Oinarque, contre
FAréopagc et le peuple d'Athènes ; ils ont jugé à leur tour les accusa-
teurs et les juges et b*s ont déclarés coupables, sans circonstances atté-
nuantes. M. G. s'est tenu en garde contre ces sentiments trop absolus :
à ses yeux, Démosthène a été plus malheureux que coupable ; l'Aréo-
page, étant donnée la situation, ne pouvait pas agir autrement qu'il n'a
fait et, quant à la sentence des juges, elle était comme dictée à l'avance
par la déclaration même de l'Aréopage. En somme, alors que cette triste
affaire n'a été bien souvent qu'un prétexte à déclamations contre la
vénalité de Démosthène ou contre l'ingratitude du peuple athénien et
la corruption de ses mœurs politiques, M. C. est surtout tenté d'y voir
un enchaînement de circonstances malheureuses, presque fatales et qui
devaient néces.<^i rement aboutir au résultat que l'on connait. Toutes les
apparences ont été contre Démosthène, sans que l'on ait le droit d'in-
criminer sérieusement son honnêteté et son patriotisme; et, d'un autre
côté, si rigoureuse qu'ait été la sentence portée contre lui, les inten-
tions de ceux qui l'ont condamné ne doivent pas être suspectées.
La thèse de M. G. est divisée en deux parties. Dans la première
(p. 0-36), apK's une introduction très rapide, l'auteur passe en revue les
différcnti's opinions qui ont été émises sur la question, avant la décou-
verte des fragments d'Hypéride et depuis la découverte de ces fragments.
Dans la seconde (p. 37- M3), il reprend pour son compte l'examen de
toute l'affaire et expose les conclusions auxquelles il est arrivé. La pre-
mière partie est excellente de tous points; la seconde, comme M. G.
pouvait s'y attendre, a déjà soulevé et soulèvera encore plus d'une
444 COMPTES-REXDUS CRITIQUES.
objection. M. Weil, dans un article récent de la Revue Critique^ ^ en a
présenté quelques-unes qui me paraissent très fortes. Peut-être serait-il
permis, sur d'autres points encore, de reprendre la discussion, tout au
moins de demander à M. G. un supplément de preuves. Ainsi, il écarte
(p. 40-41) le témoignage de Piutarque. Je crois, je suis même convaincu
qu*il a raison d'en tenir peu de compte, mais il n'aurait pas été inutile
d'exposer plus complètement les motifs de cette opinion. On sait quelle
est la valeur très inégale des renseignements réunis par Piutarque.
Gomme il manque d'esprit critique et qu'il prend ses informations de
toutes mains, il en résulte que, suivant la source où il a puisé, tantôt
son témoignage doit être pris en sérieuse considération, tantôt il n*a
aucune autorité. Il eût été bon d'analyser les 25<' et 26* chapitres de la
Vie de Démosthène, — M. G. pouvait, pour cette question, mettre à profit
les travaux de la critique allemande, qui s'est beaucoup occupée dans
ces derniers temps des sources de Piutarque ; — de cette façon, ce n'était
plus par des raisons un peu vagues et d'ordre purement littéraire, mais
par des preuves certaines que M. G. parvenait à convaincre le biographe
de légèreté et d'ignorance. Ailleurs (p. 63), l'auteur ne veut pas admettre
que Démosthène ait favorisé l'évasion d'Harpale, ni même qu'il se soit
réjoui de cette évasion. Les arguments qu'il apporte, au moins pour le
second point, ne sont pas décisifs. A ce propos, on remarquera peut-
être, c'est du moins l'impression que m'a laissée la thèse de M. G., que
l'auteur, tout occupé de défendre l'honnêteté de Démosthène, nous
donne une assez pauvre idée de sa clairvoyance politique. Toutes les
mesures que prend l'orateur tournent à son désavantage, et cette affaire
d'Harpale n'est pour lui qu'une longue série de mésaventures. Une
mauvaise fortune aussi persistante ressemble un peu à de la maladresse ;
tout en reconnaissant que Démosthène était aux prises avec de très
grandes difficultés, on a quelque peine à croire que sa perspicacité, —
puisque M. G. ne nous permet pas de suspecter la pureté de ses inten-
tions, — ait été si souvent et si constamment mise en défaut.
Dans une question aussi obscure, les dissentiments sont inévitables
et il est bien difficile que la discussion ne reste pas toujours ouverte
sur plusieurs points de détail. Mais, pour la partie vraiment importante
de la question, je veux dire pour le caractère général et la signification
politique du pn.)cès intenté à Démosthène, M. G. a réussi parfaitement
à établir sa thèse. Il montre très bien que l'orateur a été victime d'une
coalition. Les amis des Macédoniens se sont réunis aux patriotes ardents
pour le faire condamner. Les premiers ne lui pardonnaient pas la longue
opposition qu'il avait faite à la Macédoine; les seconds, partisans de la
guerre à tout prix, no comprenaient pas les hésitations de sa prudence.
Il est arrivé à Démosthène ce qui arrive trop souvent aux hommes
modérés. Ayant voulu prendre une situation intermédiaire, sauvegar-
der tout à la fois l'honneur et les intérêts d'Athènes, sans s'humilier
i. N*du 13 juin 1881.
BOOS : URKCNDENRUCII DER LARDSCHAFT BASEL. -U5
devant Alexandre et sans le braver, il a mécontenté tout le monde et
s'est vu attaqué par les deux partis avec une égale vivacité. Ces idées
avaient déjà été exposées par plusieurs des critiques, qui ont étudié
l'affaire d'IIarpale; M. J. Girard, en particulier, les avait mises en
lumière dans ses Etudes sur Nlwjuence atiique. Mais ou ne contestera
pas à M. C. le mérite do les avoir démontrées plus complètement, de
leur avoir donné plus de précision et de netteté. Par une analyse très
minutieuse et très pénétrante (p. 109 sqq.), il retrouve dans le discours
d'IIypéride le souvenir dn cette alliance conclue contre Démosthène par
les deux factions opposées. Tel passage est inspiré par un patriotisme
inconsidéré, qui ne voit pas et ne veut pas voir lés dangers de la situa-
tion ; dans toi autre, on croirait entendre le langage d'un ami d'Alexandre.
L accusateur n'a pas été difficile sur le choix de ses arguments. En
quelque sorte, il a donné asile dans son plaidoyer à toutes les rancunes
qui s'étaient déchainc^s contre Démosthène ; il a fait appel aux passions
des deux partis, d ordinaire ennemis, mais réunis pour un moment dans
une action commune.
On connaît le succès qu'a obtenu, à la Sorbonne et dans le mondo
savant, la thèse française de M. C, la Trière Athénienne, La thèse latine,
moins importante, moins neuve, est cependant une «vuvre intiTossanto
et dont la valeur littéraire et historique est incontestable. Ces deux
volumes do M. C. sont certainement au nombre de ceux qui font le plus
d'honneur à l'Université et à l'érudition framaise.
R. Lallier.
Urkundenbuch der Landschaft Basai, herausgegeben von Hein-
rich Boos. Basel, C. DeliofT, 4X80, in-8*. Tome I", xii-399 pages.
Le cartulaire dont le titre précède est un nouvel exemple de l'avan-
cement des études diplomatiques en Suisse. Le canton do lUle-Cam-
pagne ne possède aucun centre d'études, et il est de formation trop
récente pour que la criti(]ue fût obligée de vérifier un passé t]ui n'a pas
encore amstitué de traditions. Ht cependant un simpli* du au conseil
rantoutil, M. Hirmanu, a compris l'intérêt qu'il y aurait ptiur sou {>ays
k posséder le recuril des chartes relatives à son histoinv Puis une fois
h» dessein conçu, il s'est trouvé un savant de liûle |K)ur se charger d«»
l'exécuter, et, à Liestal même, le chef-lieu de ce demi-raiitoii,t|ui n'est
({ue la banlieue de la ville à laquelle il ressortissait autrefois, des typo-
graphes en état d'imprimer les textes dans leur langue originale.
Le premier volume a seul paru jusquUri. [1 comprend les charti^s de
708 îi 1370. L'absence des tables, que l'auteur promet seulement [tour le
second volume, en rend encon* l'usage un peu difficile. Mais tel qu'il
est, on ne peut feuilleter ce recueil sans être frapiM» de l'intérêt varié
qu'il offre. àSans doute elle est bien humble, au regard de celle de Bàle,
l'histoire de ces populations de second plan, avec les seigneuries féo-
4^6 COMPTES-RENDUS CRITIQUES.
dales qui les ont dominées, et avec les maisons religieuses qui s'étaient
chargées de pourvoir à leur salut et qui en tiraient leur subsistance.
Mais, dans leur ensemble, les documents s'éclairent mutuellement, et
ils jettent une vive lumière sur les conditions de l'existence dans ces
campagnes, sur le droit qui les régissait, sur la civilisation qui s*y est
lentement développée. Nous voyons que le servage y était encore en
plein épanouissement et, pour en étudier le régime et les effets, nous
renvoyons à un échange de serfs, de 1357 (p. 328) entre l'évoque de
Bàle et les sires d'Eptingen, où les contractants emploient, pour déter-
miner leur droit sur les personnes serviles, les mêmes expressions qui
désignaient le droit du propriétaire sur le franc-alleu {ledig und eigen).
Dans le même ordre d'idées, nous signalerons également un acte d'af-
franchissement, du 13 mai 1362, devant l'offîcial de Bàle, par lequel
l'écuyer Conrad de Hertenberg vend sa liberté à une serve, moyennant
dix livres de nouveaux deniers de Bâie. Il est intéressant de comparer
cet acte avec une autre manumission passée devant le même tribunal
en 1330, et conservée aux archives départementales delà haute Alsace,
où le serf obtient sa liberté, au prix de treize livres de deniers, soit
115 fr. 70, tandis que l'affranchie de 1362 la paya 129 fr. 50. Ce qui
rend le premier affranchissement plus remarquable c'est que la for-
mule en est fortement imprégnée de droit romain, et même de droit
naturel^, ce dont la seconde ne porte plus aucune trace.
Les textes sont généralement bien établis. La seule critique qu'on
puisse adresser à l'éditeur, c'est d'avoir négligé d'étendre ses recherches
aux anciennes archives du Haut-Rhin : plusieurs maisons religieuses
de leur ressort, Lucelle et Murbach entre autres, étaient possessionnées
dans le territoire actuel de Bàle-Campagne, et il y aurait eu pour lui
autant de profit à dépouiller leurs fonds qu'il y en a pour les historiens
alsaciens à pousser leurs recherches dans l'ancienne métropole de la
Haute-Alsace.
X. MOSSMANN.
Obitaaire de réglise-cathédrale de Saint-Pierre de Genève avec
une introduction, des notes et un index, par Albert SiRAsi:^.
Genève, imprimerie Charles Schuchardt, 1882, in-8o.
La publication de M. A. Sarasin, très utile pour l'histoire de l'ancien
diocèse de Genève, est également de nature à intéresser tous ceux qui,
d'une façon générale, étudient le mécanisme des institutions féodales.
L'obituaire de Saint-Pierre de Genève, commencé, semble-t-il, dans les
i. Dederunt et tradiderunt libertatem puram secundum usum et consae-
tudinem civitatis romane denuncianles ipsos (manumissum et ejus liberos)
cives romanos alque resliluentes eos juri primeuo, secundum quod omnes
bomines liberi nascebantur.
HBIDENHBIIIER : PETEUS MARTYE AXGLERIOS. 447
#
dernières années du x\*> siècle ou les premières du xii<> et qui s'arrôto
on 1522, contient en effet à côté de détails purement locaux (indication
de noms de lieux et de personnes, organisation du chapitre de la cathé-
drale, monnaies, système des poids et mesures, prix des denrées, valeur
des biens meubles et immeubles) des renseignements très circonstanciés
sur Tétat des personnes et des terres, soit dans la contrée qui formait
révèché, soit môme dans les régions circonvoisines. Ceux qui, à partir
de la fin du xiv« siècle, Tont rédigé ne se sont pas contentés de men-
tionner, à côté du nom du défunt, la valeur des dons faits par lui à
l'église, ils nous apprennent aussi, le plus souvent, les conditions et les
motifs du legs. Si les mentions antérieures au xiv* siècle sont toutes
très brèves et ne portent guère que le nom et la qualité du fondateur
avec l'énoncé du capital ou de la rente qu'il donne, c'est que, pour cette
partie, nous ne possédons pas le manuscrit original. Vers 1388, un cha-
noine de Genève, Pierre Chartreis, le recopia et, malheureusement,
labrégea. Sa copie nous est seule parvenue. M. S. a fait précéder la
publication du texte d'une introduction très substantielle où il étudie
successivement l'histoire du manuscrit, les particularités du calendrier
placé en tête de TObituaire, la vie et la personnalité de Pierre Chartreis,
les formules des actes de donations, la valeur des mentions chronolo-
giques fournies par ces actes sur l'époque du décès de tel ou tel person-
nage, la nature des legs, la composition du chapitre diocésain, enfin
un certain nombre de termes spéciaux dont il est utile de connaître
ou de préciser le sens ^ Le texte pnôme. est accompagné de notes
nombreuses où l'on trouve sur les personnes et les localités citées une
foule do renseignements complémentaires. Ce texte nous parait édité
soigneusement ; nous n'avons rencontré, dans les divers fragments que
nous en avons lus, aucun indice qui permette de supposer que M. S. ne
l'ait pas transcrit avec une exactitude méticuleuse. Ajoutons qu'un bon
index, absolument indispensable dans une publication de ce genre, ter-
mine le volume.
G. KOHLER.
Petms Martyr Anfl^Ieriiui and sein Opns Bpistolamm. Ein Bei-
trag zur Quellenkunde des Zeitaltcrs der Renaissance und der
Reformation. Von D** Heinrich Heiobnheixbr. Berlin. Verlag von
Oswald Seehagen. 4884. In-8'' de 216 pages.
VOpus epùttolanim de P. Martyr d'Anghiera a été utilisé depuis
longtemps par ceux qui ont étudié l'histoire politique de la fin du
xv" siècle et du premier quart du xvi». Comment pouvait-on le négliger,
1. M. S. aurait pu «'épargner le wïa d'expliquer an certain nombre de ces
termeft et renvoyer Almplemenl à Dacange qui, danft son GloiMire, en dit tout
ce qu'il est utile d'en savoir.
448 COMPTES-RENDUS CRITIQUES.
puisqu^l fournit sur cette période un si grand nombre de précieux ren-
seignements et de fines remarques ? Mais personne jusqu'à présent ne
s*était préoccupé de Tauthenticité de ces lettres, et n'avait cherché à
porter sur elles un jugement critique et indépendant. Cette double
étude vient d'être faite par le D' Heidenheimer avec beaucoup d'érudi-
tion et de sagacité.
P. Martyr naquit le 2 février 1457 à Arona, près de Côme, sur les
rives du lac Majeur, et non à Anghiera, comme on le croit générale-
ment. Le doute à cet égard n'est pas permis, car il dit lui-même, dans
une de ses lettres : a Gum me utero mater gestaret, sic volente pâtre,
Aronam, ubi plaeraque illis erant praedia domusque... ibi me mater
dcderat orbi. » Anghiera, du reste, n'est pas loin d' Arona. Après avoir
fait ses études classiques à Milan, à la cour des Sforza, il alla à Rome,
où il séjourna une dizaine d'années, de 1477 à 1487. Là il fut l'élève et
bientôt Tami du célèbre Calabrais, Pomponius Laetus, qui professait
avec éclat dans la capitale de la chrétienté ; et il ne tarda pas à se dis-
tinguer lui-même par ses réelles aptitudes pédagogiques ; de grands
dignitaires de Téglise l'ont remercié plus tard avec une vive gratitude
d'avoir eu le privilège de l'avoir pour maître.
L'ambition d'occuper un poste honorable en Espagne, peut-être à la
cour, plutôt que le désir d'échapper aux troubles de l'Italie, l'attira en
Gastille ; et c'est là, comme dans une seconde patrie, qu'il passa les
trente-neuf dernières années de sa vie. Il était recommandé par de
hauts personnages, et il fut accueilli avec bonté par Ferdinand et Isa-
belle. Il s'engagea d'abord comme volontaire dans les troupes espa-
gnoles qui luttaient contre les Maures de Grenade, et il fit vaillamment
son devoir de soldat. Mais bientôt la reine le fit venir auprès d'elle et lui
donna à instruire les jeunes nobles de la cour. Il lut avec eux les clas-
siques grecs et latins : Platon et Aristote, Cicéron et Quintilien,
Sénèque, Pline, Ovide, Virgile, Térence, Martial, Juvénal, Strabon et
Salluste pour lequel il avait, en vrai disciple de Pomponius Laetus, une
vénération particulière.
Choyé par les seigneurs et par les familles régnantes, il occupa à la
cour une position qui n'était pas nettement déterminée, mais qui lui
permit de bien voir et de bien savoir les choses de la politique cachées
au vulgaire. Isabelle l'avait en haute estime et il le lui rendait bien,
car il fait d'elle et de son esprit et de son cœur un portrait des plus
séduisants. Ferdinand le prenait souvent dans ses grands et petits
voyages ; et quand ce prince eut rendu le dernier soupir, ce fut Mar-
tyr qui accompagna son corps à Grenade, où il avait aussi accompagne
le corps de la reine (1504). Il fit partie d'une légation en Hongrie, et en
1501 il fut envoyé comme ambassadeur au Caire. Il fut aussi en rela-
tion avec Philippe de Flandre, gendre de Ferdinand, et il s'efforça
d'adoucir les aigres disputes qui éclatèrent entre les deux princes. La
malheureuse Jeanne fut touchée de son zèle à cet égard ; et à la mort
de son époux (1506) il resta auprès d'elle, comme chapelain, et la suivit
HEIDENflElHEl : rETBDS «ABTTI iNGLEBIOS. H9
d&DS ses tristes pèlerinages à Fornillos et Tortoles, S. Maria de) Campo,
Arcos, et eofin à TordesiUos, où ils séjournèrent quet()ue temps au
commencement de 1509. Martyr Tut lié avec le cardinal Adrien, qui
fut pape plus tard sous le nom d'Adrien VI (1522), et auquel il dédia
la cinquième de ses Uéoada. En 1519 il se rendit à Valence pour apai-
ser les querelles qui s'étaient élevées entre k noblesse et la bourgeoi>
aie, et faire reconnaître Charles-Quint par les Cortès. Les faveurs
royales ne lui firent jamais défaut. Charles le nomma son historiographe
et le mit dans son conseil des Indes (15181. De tous les bénéfices dont
il fut gratifié, aucun ne le réjouit autant que celui de premier abbé de
la Jamaïque (1524). L'année suivante, il se relira de la cour, à cause de
son âge et de ses infirmités, et il mourut dans une paisible retraite de
Grenade, en octobre 1526.
Son Opui tpùtalarum, le plus important de ses ouvrages et qui sert
encore de source pour l'histoire de la Renaissance et des origines de ta
Réforme, se compose de huit cent douze lettres. La première édition,
qui parut quatre ans après sa mort, ne contenait qu'un choix de cette
riche correspondance. Elle ne fut, d'ailleurs, tirée qu'à un petit
nombre d'exemplaires, et elle disparut bientôt du marché. Une nouvelle
édition, plus complète et bien supérieure à la première, sortit des
presses des Elïévirs, en 1670, On la trouve dans maintes grandes
bibliothèques; mais elle laisse encore à désirer ; il y a en particulier
plusieurs fautes d'impression. La correspondance comprend trente-sept
années, de 1468 à 1525. Parmi les correspondants, il y a des ecclésias-
tiques, des dignitaires, des hommes d'État et des savants. Quelques-
unes des lettres ne s'adressent pas à une seule personne, mais à plu-
sieurs, auxquelles on devait les communiquer successivement. Pour
les affaires politiques, les épitres intimes, plutôt que les dépêches olG-
cielles qu'il écrivait en qualité d'ambassadeur, présentent les choses
sous leur vrai jour et sont plus claires : c'est à celles-là, quand il y en
a, qu'il faut s'adresser. Le latin dont il se sert, san.i doute pour donner
l'exemple à ses élèves, n'a pas toujours la pureté classique ; mats son
style est vif, rapide, imagé, et les mots bien frappés no sont pas rares.
Ces lettres ont-elles été données au public telles que Martyr les avait
écrites, comme le croit Prescott, ou bien ont-elles été remaniées pour
l'impression, comme le pense ftanke ? M. lieidenheimer est de ce der-
nier avis, et il s'appuie surtout sur ce fait qu'il n'y a guère de répéti-
tions. A cause de cela, un peu de réserve est nécessaire.
Elles ont parfois un caractère prophétique. Ainsi, déjà en novembre
1492, il écrit en termes très vifs et passablement lestes, que si les Fran-
çais arrivent en Italie ils ne jouirunt pas longtemps de leur conquête,
il dit aussi qu'il ne faut rien attendre de bon du pontificat d'Alexandre
VI; qu'il amènera de grands troubles dans la chrétienté, etc., etc.
Pour ce qui regarde la religion et les questions religieuses. Martyr
fut toujours un catholique sincère et fervent. Il se réjouit de la décou-
verte du nouveau monde, surtout par la raison que ce seront des mil-
420 COMPTES-RENDUS CRITIQUES.
liers et milliers de nouveaux croyants qui entreront dans l'église. Il ne
dit rien de la façon par trop expéditive dont s'accomplirent ces préten-
dues conversions. Tout en s'étonnant de la hardiesse de Savonarolo, il
croit que la jalousie a été le principal motif de sa mort sur le bûcher.
Il blâme sévèrement le concile schismatique de Pise. La position qu'il
prend vis-à-vis de Luther et du grand mouvement de la Réforme, qui
devait finir par séparer de Rome la moitié de l'Europe, n'a rien de
sympathique pour a ce moine infidèle » {infido cucullato^ septembre
1520). Neuf mois après, en juin 1521, il est encore plus vif et plus hos-
tile : « Nolle meos hortos, écrit-il à son ami Fajardo, talibus sorbis,
aut aliis acribus et venenosis fructibus inficere, vel meis lactucis talem
cicutam commiscere. » En février 1523, cette ciguë est devenue une
peste (lutherana pestis). Il applaudit à l'expulsion des Juifs d'Espagne ;
et il félicite Isabelle d'avoir rejeté hors du pays cette race qui aurait
fini par amener la damnation des chrétiens. Personne, du reste, à cette
époque, ne montra la moindre miséricorde à l'égard de ces proscrits.
L'Inquisition est pour lui une institution bénie et digne des plus grands
éloges.
Les portraits que Martyr fait de Christophe Colomb, de Léon X, du
cardinal Ximénès, de Ferdinand et d'Isabelle, de Charles-Quint, dont
il fut le maître, de Gonzalve de Cordoue et de bien d'autres person-
nages qui ont marqué dans l'histoire, sont à noter. Ils sont en général
mieux réussis que la caractéristique de telles nations dont le nom vient
sous sa plume. Les Français, qui ont fait tant de mal aux Italiens, sont
des voleurs, des brigands, qu'il poursuit d'une haine profonde. Les
Allemands sont des grossiers, dont les mœurs barbares font contraste
avec la politesse exquise des Italiens. Les Suisses, qu'il a appris à con-
naître dans sa jeunesse, sont pour lui tout uniment un peuple de char-
bonniers et de bergers.
M. Heidenheimer porte sur Martyr, géographe, le même jugement
que Humboldt a porté sur lui dans son Examen critique de l'histoire de
la géographie du nouveau continent^ t. II, p. 280 : « Partout, dit celui-
ci, P. Martyr d'Anghiera se montre comme un esprit supérieur, saisis-
sant les fait*? avec cette impatiente curiosité et cette mobilité d'imagi-
nation qui était propre à un siècle avide d'instruction et de gloire. »
Les deux derniers cinquièmes de l'ouvrage sont consacrés à une très
utile analyse des faits les plus saillants et les plus intéressants qui sont
racontés dans VOpus epistolarum de Martyr. En lisant ces pages, on
peut voir tout le parti qu'on peut tirer, pour l'étude de cette période
historique, des mille renseignements fournis par le vieil écrivain, en
général bien informé. A cet égard, c'est un véritable service que le
docteur berlinois a rendu aux amis de l'histoire, et nous l'en remercions.
Charles Dardier.
p. vrLUBi : ivrccoLÔ machiatelli. 424
Pasquale Villàri. Niccolô Machiavelii e i snoi tampi, illustrali
con nuovi documenti. Firenze, Le Monnier, 4884-82. 3 vol. in-8*.
L'époque, rhomme, la doctrine, tel est Tobjet des deux volumes par
lesquels le professeur Villari termine sa remarquable étude sur Machia-
vel. — Daus la large et savante introduction du livre premier, Tauteur
montre combien, à la fin du moyen iVge, une réforme politique eût été
nécessaire pour faire trouver à l'Italie une position stable ; mais cette
réforme n'eut pas lieu, et l'auteur l'explique par les invasions étran-
gères qui recommencèrent à désoler ce malheureux pays, déjà si affaibli
par les dissensions intestines. Si rien ne vint changer la marche des évé-
nements politiques, une grande réforme eut lieu dans l'ordre intellec-
tuel et littéraire ; Tétude des lettres classiques introduisit de nouveaux
éléments, tant dans les sciences que dans les arts, et cette renaissance
intellectuelle inaugura les temps modernes.
Le premier chapitre du second volume est intitulé : « Le siècle de
Jules IL » Malgré son imagination vive, son goût un et sûr, Machiavel,
observe M. Villari, ne semble pas avoir beaucoup subi l'influence du
grand mouvement artistique de son siècle ; mais cette grande réforme*
est un fait trop important dans l'histoire de celte époque pour que
M. Villari pût la passer sous silence. Il ne parle pas seulement de la
part qu'eut Machiavel dans le mouvement scientiGque ou artistique,
mais il fait un tableau complet de cette renaissance.
Puis il continue son récit de la vie de Machiavel. On sait qu'après
la chute des Médicis, Florence rétablit le gouvernement libre, conso-
lidé par la création du gonfalonier à vie. M. Villari montre les efforts
faits par Machiavel pour rendre le gouvernement de Florence capable
de résister à Taffaiblissement, à la décadence qui gagnaient peu à peu
tous les états italiens. Pour lui, une armée nationale était le seul
remède ; l'armée seule, avec une organisation ferme et solide, aurait pu
empêcher Florence de retomber sous le despotisme des Médicis, lorsque
l'occasion s'offrit à eux de rentrer dans leur patrie pour recommencer à
y opprimer la liberté.
L^honnéteté, nous dirions même la dignité du caractère de Machia-
vel, se révélèrent d'une manière toute particulière dans ces circonstances.
On pense généralement que la pauvreté qui le surprit alors, aggrave'^
par sa condition de père de famille, explique les efforts qu'il tenta
pour obtenir un emploi auprès des Médicis. Mais ce ne fut point là
son motif. L objet naturel de ses études et de ses travaux ayant
toujours été le^ choses humaines, les affaires publiques étaient l'élé-
ment nécessaire à sa vie intellectuelle. Chaud partisan de la liberU'%
il espt>rait pouvoir rendre encore d'importants services à sa cause qui
semblait perdue et Tétait en réalité. Si les faits ne suffisent pas à
démontrer l'honnêteté de Machiavel en ces circonstances, nous en
avons enconi plusieurs preuves recueillies et établies |)ar M. Villari avec
une grande pénétration. Ce sont les trois lettres écrites après la chute
422 COVPTES-RENDUS CRITIQUES.
de Soderini, l'une, semble-t-il, à Alphonsîne Orsini, les autres au car-
dinal de Médicis. Dans ces lettres, Machiavel conseUle la prudence aux
nouveaux maîtres qui voulaient se dédommager des pertes qu'ils
avaient subies lorsqu'ils étaient en exil ; il les met en garde contre les
calomniateurs de Soderini^ et prend ainsi indirectement la défense du
malheureux gonfalonier.
Mais ce qui met le mieux en lumière les intentions de ICachiavel,
c'est son discours f sur les réformes à faire dans l'État de Florence »
qu'il écrivit, on le sait, à la demande du pape Léon X.
Gomme le dit très bien M. Villari, ce discours n'a pas une grande valeur
scientifique ou pratique ; il est bien inférieur au traité de Guichardin
sur le même sujet. Guichardin, partant du fait qu'à Florence la liberté
n'était plus possible, conseille aux Médicis d'user de tous les moyens
avec lesquels un gouvernement, qui n'est pas accepté de tous, peut
accroître sa réputation. Mais Machiavel qui ne songeait pas seulement
à l'intérêt de quelques-uns, qui ne parlait jamais de la patrie et de
la liberté sans s'exalter, conseille plutôt au nouveau gouvernement de
rétablir à Florence le régime républicain ; il consentait seulement, et
cela était nécessaire pour faire accepter sa proposition, à ce que les
Médicis restassent au pouvoir tant que durerait le pontificat de
Léon X.
Enfermé en prison après avoir été accusé de complicité avec les
conjurés Gapponi et Boscoli, il écrivit trois sonnets qui semblent
témoigner contre son caractère. On a nié parfois, en voyant la bassesse
avec lequel le poète implore sa grâce auprès de Julien de Médicis, que
ces sonnets fussent de Machiavel. M. Villari, cependant, déclare qu'ils
sont bien de lui, mais en réalité ils ne furent pas adressés à Julien de
Médicis, qui ne les vit même probablement jamais. C'est la boutade
cynique d'une âme aigrie et irritée. Ce cynisme, qu'on ne peut nier,
était surtout à la surface. On sait quel était le caractère de ce siècle,
comme on y riait facilement de tout, comme on s'efforçait souvent d'y
paraître plus mauvais qu'on ne l'était en réalité. Que n'a-t-on pas dit
sur les dérèglements de Machiavel, sur son peu d'affection pour sa
femme ou pour sa famille ! L'obscénité dont sont généralement em-
preintes ses lettres à Vettori ou à d'autres amis, môme lorsque le sujet
ne comporte pas le badinage, prouverait certainement contre lui. Mais
les lettres que Vettori lui écrivait ne sont pas moins grossières, non
qu'il fût dépravé plus ou autant que lui, mais parce que c'était l'habi-
tude. Cette étrange époque nous apparaît plus corrompue que la nôtre,
ou du moins encore plus corrompue qu'elle ne l'était en réalité, parce
qu'elle se montre à nous sans se revêtir du moindre voile hypocrite.
La biographie de M. Villari est du reste là pour nous montrer qu'il n'y
eut rien de honteux dans la conduite de Machiavel, et qu'il ne fut rieu
moins qu'un mari et un père désaffection né. Le récit de la vie privée
et publique de Machiavel nous présente le secrétaire florentin sous un
aspect différent de celui sous lequel on l'a peint généralement ; il nous
p. VILURl : NfCCOLÔ MACHUVELLI. 423
enseigne que, si ses doctrines ne furent pas toujours bonnes, cela ne
prouve pas que celui qui les écrivit fût lui-même mauvais. Il nous
montre de plus comment la pratique des affaires olTrit à Blachiavel
Toccasion d'étudier à fond les hommes et les choses. Cette étude fut le
fondement réel de toutes ses doctrines politiques. M. Villari fait admi-
rablement ressortir la façon dont le futur écrivain politique se forma,
pour ainsi dire, au milieu des affaires publiques, comment, dans les
lettres de la première ambassade surtout, on peut déjà pressentir l'écri-
vain des • Discours > et du c Prince; > comment, lors de son ambas-
sade auprès du duc de Valentinois, le spectacle de la conduite de César
Horgia, au moment le plus difticile de son existence (la rébellion de
SOS capitaines et le massacre de Sinigaglia), lui suggéra Tidée de donner
à la politique une base positive, indépendante de la morale.
Le second volume contient le récit de sa troisième ambassade en
France, ot de celle qui suivit, auprès de l'empereur Maximilien. Elles
donnèrent lieu à trois de ses premiers écrits scientifiques : c Tableau
des affaires en France. » — « Tableau et rapport des affaires d'Alle-
magne. » — c Discours sur les affaires d'Allemagne et sur l'empe-
reur. » — L'exposé de ces diverses ambassades n'a pas une grande
importance pour l'histoire de Florence ou de l'Italie ; mais il est inté-
ressant pour l'histoire des idées de Machiavel. Tout le monde sait,
observe M. Villari, quels trésors de notes et d'observations contiennent
les rapports, les lettres, les dépêches des ambassadeurs vénitiens et
llorentins, les uns plus impersonnels, les autres plus enclins à substi-
tuer leurs propres observations à la simple exposition des faits. Parmi
ceux-ci, Machiavel occupe une place prépondérante. Supérieur à tous,
mais non pas à (Tuichardin, dans l'art de connaître à fond les différents
cùtés d'une question et de découvrir les ressorts secrets des passions
individuelles, il les dépasse surtout dans l'observation générale et
scrupuleuse de tout ce qui peut avoir quelque importance pour la sûreté
des fASiis : les conditions topographiques, le caractère des peuples ou
des institutions, et, dans l'investigation des principes et des lois, des
faits concrets et particuliers. Bon caractère l'attirait vers les observa-
tions scientifiques. Au milieu des affaires minutieuses de sa charge,
les négociations d'ordre secondaire que son gouvernement lui don-
nait à traiter en sa qualité de légat, une grande importance historique,
prenaient entre ses mains une réelle valeur. Ce fut ainsi qu'il planta
les premiers jalons de cette science qui se formulera et se développera
plus tard dans les f Discours, » dans « le Prince • et dans tous ses
autres écrits politiques ou historiques.
Ici s'arrête le livre premier qui s'étend très avant dans le second
volume, spécialement destiné à l'examen des ouvrages de Machiavel.
L'auteur, tidèle à sa méthode de faire découler les faits et les doctrines
de leurs causes, met sous les yeux du lecteur l'évolution progressive
qu'a subie la science politique jusqu'au moment où Machiavel la res-
Uiura et la renouvela. Il recherche ce ((u'était la doctrine de l'État
424 COMPTES-REI<n>VS CRITIQUES.
au moyen âge et expose dans un chapitre remarquable toutes les
transformations par lesquelles elle passa.
Les questions relatives aux rapports entre TÉglise et TÉtat, soulevées
depuis la restauration de Tempire par Gharlemagne, et même depuis
le jour où Constantin proclama le christianisme religion d'État, don-
nèrent peu à peu naissance à deux écoles politiques, différant Tune de
l'autre par les principes, sinon par la forme et la méthode. Gomme la
doctrine de la prééminence de TÉglise dans Tordre social l'emporta
tout d'abord, l'école guelfe fut la première à se former; elle eut ses
grands écrivains avec saint Thomas d'Aquin et avec Egidio Ck)loniia.
Mais, pendant ce temps, l'empire affirmait ses droits en dehors de
l'Eglise et la société civile commençait à s'émanciper de l'autorité reli-
gieuse. Alors surgit Técole gibeline avec Dante et Marsile de Padoue
en opposition avec l'école guelfe. Ce fut là un grand progrès; on com-
mença à comprendre que si l'Eglise avait sa raison d'être, la société
indépendante de l'Eglise avait aussi la sienne. Mais, en réalité et mal-
gré ce pas en avant, ni Dante, ni Marsile de Padoue, ni aucun de
leurs disciples ne surent affranchir le moyen âge des idées qui domi-
naient alors. Scholastiques les uns comme les autres, ils ne soumirent pas
leurs doctrines aux faits réels, mais ils revêtirent leurs raisonnements
des subtilités et des sophismes de l'école. Toutefois l'admiration des écri-
vains de 1 école gibeline pour l'antiquité fut, ainsi que l'a très bien
dit M. "Villari, comme une prédiction du prochain triomphe de l'éru-
dition classique et de la transformation qui devait s'accomplir inévita-
blement dans les idées du moyen âge. Un grand travail, lent, mais
fécond, allait commencer. Il est vrai que les écrivains politiques se
laissaient encore aller à rechercher cette chimère, le prince parfait ou
le gouvernement parfait, mais un changement se préparait. Tandis que
la littérature et les beaux-arts se perfectionnaient au contact du
vrai et de l'antique, une grande quantité de matériaux scientifiques
s'accumulaient pendant tout le xv* siècle, grâce aux observations tirées
des faits journaliers, et grâce à la connaissance des grands ouvrages
historiques ou politiques de l'antiquité. Le futur restaurateur de la
science politique devait en profiter un jour.
On devait ainsi arriver à un certain état de choses, où se réuniraient
0 les feuilles éparses d'une doctrine née au milieu des affaires et des
réalités de la vie, conséquence inévitable du nouveau mode d'observer
et de connaître; une doctrine qui n'attendait, pour se montrer dans
tout son éclat, que d'être ordonnée et expliquée scientifiquement. Elle
semble ainsi être sortie toute formée et inattendue du cerveau de Jupiter
tandis qu'elle fut longuement et laborieusement conçue, t
Là, l'auteur ne se contente pas de nous faire connaître les théories
de cette école; il nous montre combien Machiavel s'en éloigne et en
diffère. Puis il fait un examen fort intéressant des écrits politiques de
Guichardin qui fut le chef de cette école, sinon au point de vue chrono*
logique, au moins par son talent.
p. VILLARI : NICCOLÔ MACHIAVELLI. 425
Guichardin fut un observateur profond des faits, de leurs causes et
de leurs résultats immédiats, mais il ne s'éleva jamais jusqu'aux prin-
cipes généraux de la science et s'éloigna toujours des vues d'ensemble.
Machiavel, observateur moins subtil, pénétrant moins dans toutes les
particularités, savait mieux découvrir entre mille faits le plus important,
déterminer le caractère général des peuples et de leurs gouvernements
et discerner même dans l'avenir les événements probables. Guichardin
n'avait pas de préférence pour la liberté ou pour le despotisme ; il se
réglait d'après les événements et prt'férait généralement au gouverne-
ment populaire celui de quelques-uns. Machiavel, au contraire, fut le
champion de la liberté et du peuple. En somme, ni l'un ni Tautre
n'eurent de préjugés, et ils surent examiner les choses humaines d'une
faron rationnelle. Tous les deux marquent la profonde scission qui se
lit, dans la nouvelle école, entre la politique et la morale chrétienne.
LMdée antique et païenne de l'état, qui avait progressé en même temps
que le christianisme, était d'arriver à une solution toute pratique et
humaine dans l'art de gouverner; le principe ne put s'accorder avec les
doctrines évangéliques, mais Guichardin, qui n'approfondissait les pro-
blèmes sociaux ou politiques que tant qu'ils lui donnaient une solution
pratique et immédiate, trouvait inutile de s'en occuper. Il lui suffisait
de constater que la politique avec tous ses rouages compliqués était une
p&ture pour l'égoîsme naturel de l'homme. Machiavel, au contraire, tout
en n'affrontant pas ce problème difQcile comme l'eût fait un penseur
moderne, voyait dans l'État autre chose qu'une machine plus ou moins
compliquée bonne à satisfaire l'égoîsme humain, ne convenant pas
également à toutes les conditions, à tous les peuples, à tous les pays.
Il basait son idéal do gouvernement sur la vertu publique et réduisait
la politique à une science positive.
Le « Prince » et les t Discours » sont, on le sait, les ouvrages fon-
damentaux de la science politique de Machiavel. On a jugé générale-
ment ces deux ouvrages comme différant beaucoup l'un de l'autre par
les principes et par le but. M. Villari démontre clairement que c'est
une erreur. Il est vrai que Tun de ces ouvrages traite de la souveraineté
et l'autre de la république, mais tous les deux s'accordent si parfaite-
ment que l'on a pu dire que « le Prince i était contenu en germe dans
c les Discours. •
La haute portée des doctrines de Machiavel, le lien qui les rattache
les unes aux autres sont encore plus frappants lorsqu'on songe au
moment où Machiavel écrivait.
I^ Reforme était sur le point d'éclater et des états nationaux se cons-
tituaient peu à peu hors de l'Italie. Ces deux faits, sans relation appa-
rente, naissaient tous les deux du môme principe que l'homme, par
lui-môme, est mauvais et impuissant à bien faire. Le monde moral
devait ôtre reconstitué par la Réforme, le monde politique ou l'Etat par
l'unité sociale. Mais, dans la situation actuelle, l'Etat ne pouvait ôtre
reconstitué que par le pouvoir tyrauuiquo d'un homme qui couctmrût
Rev. UisTOR. XXII. 2« PASc. -28
426 C0MPTES-RE!7DUS CRITIQUES.
à l'intérêt commun tout en ne pensant qu'au sien propre. En effet, à
des degrés divers, les principaux fondateurs de l'unité sociale à cette
époque, Louis XI, Henri VII, Ferdinand le Catholique, furent des
tyrans violents et cruels. Machiavel en tira cette conclusion que l'homme
d'état despotique et doué de force individuelle peut tout faire, soit qu'il
s'agisse de fonder un empire ou une république.
Si les deux grands événements de cette époque eurent une cause
semblable, leurs effets furent aussi à peu près les mêmes : tandis que
la Réforme ébranlait l'universalité de l'Eglise, l'idée des états natio-
naux détruisait l'universalité de l'empire. La constitution de ces états,
inspirée par les idées nées au temps du paganisme, se trouva en oppo-
sition violente avec les principes du christianisme. De là l'aversion de
Machiavel, non pour la religion qu'il considérait, ainsi que tous les
hommes politiques du xvi« siècle, comme un instrument utile entre les
mains du gouvernement, mais pour certaines doctrines du christia-
nisme contraires aux principes politiques. Par-dessus tout il avait en
haine la cour de Rome qu'il considérait, à juste titre, comme le prin-
cipal obstacle à l'unité politique de l'Italie.
On a essayé parfois de diminuer la gloire de Machiavel, de lui dis-
cuter son titre de créateur de la science nouvelle ; ayant retrouvé dans
ses œuvres quelques-unes des théories de Polybe, de Plutarque et
d'autres grands écrivains grecs, on en a conclu que Machiavel avait dû
savoir le grec. Villari a démontré, au contraire, qu'il avait lu les
grands écrivains de l'antiquité grecque dans les traductions qui exis-
taient déjà avant lui. D'ailleurs des doctrines et des idées éparses ne
constituent pas une science. On pourrait à plus juste titre, semble-t-il,
considérer Aristote comme le véritable fondateur de la science politique.
Mais M. Villari fait observer, avec une très grande vérité, que la diffé-
rence est grande entre Aristote et Machiavel. En réalité, le principe de
l'Etat est plus vaste chez le philosophe grec, car il embrasse tous les
genres d'activité, tandis que Machiavel, d'après l'idée romaine, n'attribue
à l'Etat que l'action politique et militaire. Pour la méthode, Machiavel
est supérieur à Aristote. Certes, la méthode inductive est une des plus
belles inventions de l'esprit humain; mais elle ne devint véritablement
féconde que quand l'expérience la convertit en méthode expérimentale et
que l'observation des phénomènes sociaux et politiques la transforma en
méthode historique. Le premier, Machiavel fit succéder la méthode his-
torique à la méthode d'induction. Il n'interrogeait pas l'histoire comme
Aristote pour y chercher la confirmation de ses théories préétablies,
mais bien pour en tirer des théories. Aristote étudiait les diverses
formes des gouvernements grecs, puis, prenant dans chacun ce qu'il
avait de bon, il voulait arriver à former un tout parfait, une sorte de
régime politique idéal mais abstrait et ne répondant en rien à la réalité.
Il se rapproche par là delà plupart des écrivains politiques du moyen
âge égarés dans la recherche du gouvernement parfait. Machiavel, au
contraire, étudie, d'après la méthode historique et l'expérience, com-
p. TILLARl : NICCOLÔ MACHUTELLI. 427
mont dans la réalité les états se fondent ou se réforment. De cette
façon, s'il n'arrive pas toujours à des principes applicables, il montre
que la politique, avec la méthode historique, peut s'élever au rang
de science positive. La première condition, la plus essentielle, est
que Tobjet auquel elle s'applique ait été examiné par la critique
et reconnu capable de conduire à la vérité. Au temps de Machiavel
la critique historique était encore on enfance, aussi les doctrines
de Machiavel, qui n'avait à sa portée que des matériaux historiques
incomplets, sont-elles parfois erronées. Ainsi, une de ses théories
fondamentales était que les états, les religions, en un mot toutes
les grandes institutions politiques et sociales ne sont que le produit
de la volonté d'un seul. Ce principe, qui est faux, s'explique par la
connaissance imparfaite que l'on avait alors de l'histoire ancienne.
On considérait Moïse, Romulus, Lycurgue comme les uniques fonda-
teurs des états, des croyances religieuses, des législations. I^es événe-
ments historiques qui se déroulaient sous les yeux de Machiavel n'étaient
pas faits pour redresser ce qu'il y avait de faux dans sa doctrine. — Les
rois do France, d'Angleterre, d'Espagne, les papes, les seigneurs italiens
et surtout César Borgia se présentaient à lui comme les uniques acteurs
des tragédies au milieu desquelles s'écoula ce grand siècle. — Aujour-
d'hui nous possédons des matériaux historiques plus nombreux et plus
sûrs, nous voyons dans l'évolution historique l'œuvre, non pas de
quelques individus, mais de toutes les forces sociales ; malgré cela nous
ne pouvons apprendre mieux que dans Machiavel à connaître l'histoire
de son époque, les conditions qui peuvent seules expliquer comment
furent alors possibles les actions do César Borgia, de Ferdinand le
Catholique et des autres grands personnages du dramatique xvi* siècle.
Passons maintenant à la question relative aux doctrines du secrétaire
florentin. M. Villari les a examinées scrupuleusement, et il importe de
mettre en lumière ses conclusions. Pour beaucoup de gens les doctrines
de Machiavel, comme nous l'avons dit, sont immorales, parce que lui-
même est considéré comme un homme aux mœurs relâchées. Mais le
n»cit de sa vie, tel que l'a fait M. Villari sans idée préconçue, en remon-
tant aux sources, montre qu'il ne fut pas plus mauvais que ses contem-
I)orains, qu'il eut même des vertus que la plupart ne possédaient pas.
D'autres ont attribué la perversité do ses doctrines à l'influence de
cette é})oque corrompue, mais les mémos reproches n'ont pas éttV
faits à Guichardin ni à Giannotli. D'après Villari, la principale
cause de la perversité de quelques-unes dos doctrines de Machiavel est
dans le principe fondamental de ses théories. Machiavel, nous l'avons
déjà vu, faisait crun homme seul le fondateur d'une ville, d'un état,
d'une religion, d'une législation ; on comprendra facilement que les pré-
coptes moraux d'après lesquels on juge les actions humaines ne peuvent
s'appliquer à un homme ainsi destiné à accomplir cette mission extraor-
dinaire : la fondation ou la reconstitution d'un état par son propre effort
et sa seule volonté. Il doit nécessairement tout sacriûer à ce but sublime
428 C0MPTBS-RE5DUS CRITIQinSS.
et tous les moyens lui sont bons pour arriver à ses fins. Telle était
Pidée de Machiavel. Non seulement il ne fait pas de différence entre
les moyens bons ou mauvais, mais il ne s'inquiétait pas des préceptes
de la morale parce qu'elle échappait à sa compétence; de plus la méthode
historique qu'il appliqua le premier à la science politique ne lui per-
mettait pas de tirer des faits d'autres inductions que celles qui s'en
dégagent tout naturellement.
Il ne faut pas oublier qu'au moment où Machiavel élevait son monu-
mei^t scientifique, la politique était devenue entre les mains de ceux qui
s'en occupaient une occasion de fraudes et de honteux désordres. La
théorie moderne de l'évolution historique de l'homme et de la société
mène à cette conclusion que, si certaines des doctrines de Machiavel
semblent conformes à l'esprit du xvi« siècle, elles ne peuvent s'appliquer
à d'autres temps ni à des conditions sociales et morales meilleures.
Mais Machiavel qui ne connaissait pas cette théorie en professait une
tout opposée, étroitement unie à la méthode historique, mais basée sur
des renseignements imparfaits : celle de l'immutabilité de la nature
humaine.
Du reste, de nos jours, aucun homme d'Etat ne croirait agir en bon
politique en réglant ses actions d'homme public d'après les préceptes
de la morale particulière. Dans les relations privées, il est beau de se
sacrifier pour les autres, mais dans les affaires publiques, l'intérêt géné-
ral est au-dessus de tout et pour ne pas le sacrifier il est parfois néces-
saire d'employer des moyens que peut seul excuser la noblesse du but.
L'histoire contemporaine est riche en tels exemples et pourtant per-
sonne ne crie au scandale. Mais si de la pratique on s'élève à la théorie,
on s'empresse de prêcher qu'il n'y a qu'une morale et que les actions
politiques doivent s'y conformer tout aussi bien que les actions privées.
Aussi, conclut fort bien M. Villari, t si l'erreur de Machiavel consiste à
regarder la morale publique comme tout à fait indépendante de la
morale privée, et à ne pas voir la relation qui existe entre ces deux
morales, notre erreur, au contraire, est de supprimer toute différence
réelle entre elles et de proclamer leur identité. »
Machiavel écrivit ses t Discours » dans un but entièrement théorique,
tandis que dans c le Prince • il avait un but immédiat et pratique.
M. Villari, à ce propos, défend Machiavel contre ceux qui ont exagéré
l'immoralité de ses doctrines. Il est fort peu probable qu'il ait espéré,
par son livre, se faire mieux connaître des Médicis et obtenir d'eux
quelque emploi ; l'idée qui l'inspira fut plus désintéressée. Sa correspon-
dance avec Francesco Vettori en est une preuve, ainsi que ce fait relevé
par M. Villari, qu'il tarda tant à dédier son livre à Julien de Médicis
que celui-ci mourut auparavant; il le dédia alors à Laurent, duc d'Ur-
bin, sachant bien que celui-ci ne le lirait peut-être jamais. — Quant à
cotte supposition étrange de quelques-uns, que Machiavel a fait dans
« lo Prince • le portrait exact et terrible d'un tyran, pour éveiller dans
tous les cœurs la haine de la tyrannie, elle est aisée à détruire. Lorsque
p. VILURI : NirXOLÔ MACHI1V£LLI. 429
« le Prince » fut écrit, en 1513, Léon X, qui venait d'être élu pape,
comptait faire de Modène, Reggio, Parme et Plaisance une princi-
pauté pour son frère Julien ; si Ton se rappelle les paroles si patrio-
tiques do la conclusion, on comprendra que le but de Machiavel ne pou-
vait être celui qu'on lui attribue.
L'idéal de Machiavel était de voir Tltalie amenée à Tunité politique
au moyen de la République, car le régime républicain, selon lui, devait
seul laisser intacte la liberté, qui n'était pas moins chère à Machiavel
que l'unité politique; elle ne pouvait subsister avec la souveraineté
absolue qui régnait alors. Pourtant, s'il se fût présenté un prince capable
de réunir les parties éparses de la péninsule, pour les organiser en un
vaste état et chasser les étrangers qui s'en disputaient la domination,
Machiavel eût consenti à le reconnaître. On crut un moment que le
duc de Valentinois serait ce libérateur de l'Italie; plus tard on fonda
de nouveau cet espoir sur Julien ou Laurent de Médicis. Mais ces deux
princes n'étaient pas capables de mener à bien une aussi noble entre-
prise, et ils moururent avant d'avoir rien tenté pour la libération et
l'unité de l'Italie. Ije livre du • I^rince » qui fut, mais en partie seule-
ment , ce que l'on appellerait aujourd'hui un écrit de circonstance,
n'eut aucun résultat pratique et immédiat, ni pour l'auteur qui ne reçut
jamais aucune récompense des Médicis, ni pour l'Italie qui ne vit surgir
aucun libérateur pour la délivrer et la reconstituer.
M. Villari complète sa fine analyse par un chapitre des plus intéres-
sants où il discute les jugements rendus à propos du • IMnce » par
tous les critiques, depuis ceux qui vivaient en même temps que Machia-
vel, jusqu'à Macaulay, Gervinus et d'autres, plus récents encore.
Nous avons vu que Machiavel dut, pendant de longues années, vivre
eu dehors des affaires publiques, et il le regrettait d'autant plus que
les événements devenaient plus graves. Jusqu'à la bataille de Havenne
et à la mort de Jules II, on avait quelque peu espén* rendre la situation
moins grave en rétabUssant l'équilibre entre les puissances étrangères
qui se disputaient la domination de l'Italie. Mais les événements se
précipitèrent : la bataille de Marignan , la paix de Noyon, la conso-
lidation de la domination française en Lombardie, la rivalité de Fran-
rois !•' et Charles-Quint, se succédèrent rapidement. Pendant ce temps,
les états italiens, y compris Venise, perdaient toujours plus de leur
force et de leur autorité. Les chapitres où M. Villari raconte ainsi les
vicissitudes de l'Italie pendant .ces luttes incessantes sont très impor-
tants; ils font comprendre quel sentiment généreux inspirait Machiavel
lorsqu'il réclamait à grands cris un libérateur pour sa patrie. Mais sa
prière ne fut pas exaucée. Les Médicis se contentèrent de lui demander
des conseils sur les réformes nécessaires au gouvernement de Florence,
mais ils ne les suivirent pas ; ils lui donnèrent alors une mission peu
importante à remplir à Lucques. Ce fut à cette occasion qu'il écrivit le
Sominario sur les affaires de Lucques. C«? traité qui n'a guère de
valeur, observe M. Villari, c montre pourtant que Machiavel ne laissait
430 COMPTES-RENDUS CRITIQUES.
jamais échapper une occasion d'étudier les institutions et l'organisation
politique des états voisins ou éloignés ; il y cherchait et en retirait tou-
jours quelques moyens d'améliorer ce qui ne le satisfaisait pas. » Il
écrivit encore la vie de Gastruccio. Ce récit est un roman plutôt qu'une
histoire, mais on y retrouve encore cet idéal politique de Machiavel,
idéal basé sur ce principe que l'armée nationale peut seule fonder un
état et rendre la patrie glorieuse et puissante. Villari fait observer que
dans cette «c Vie de Gastruccio » le dessein de Machiavel était de confir-
mer les théories déjà exprimées dans c l'Art de la Guerre. » Tout péné-
tré de l'histoire et des idées de l'antiquité, Machiavel regarde, et avec
raison, l'armée comme la base la plus sûre d'un état. Nous savons que
tant qu'il fut secrétaire des Dix il fit tout ce qui était en son pouvoir
pour donner à sa patrie, qui n'en avait encore jamais eu, une armée
nationale. Il revient très souvent sur cette idée dans les « Discours »
ou dans c le Prince. » Mais sa conscience ne fut pas encore satisfaite ;
trouvant qu'il n'avait pas fait tout ce qu'il devait, il s'appliqua à déve-
lopper d'une façon plus spéciale cette thèse si importante, et il écrivit
les sept livres de t l'Art de la Guerre. »
Après avoir montré que t le Prince » et « l'Art de la Guerre » sont
une application et un complément des c Discours •, M. Villari fait
observer que les trois œuvres sont le fruit d'une même pensée, le désir
de voir la patrie libre, unie et florissante.
De môme que dans les deux premiers ouvrages, on trouve dans c l'Art
de la Guerre, » en dehors de l'idée scientifique, générale, qui s'applique
à tous les temps, à tous les pays, une idée pratique et immédiate : la
libération de l'Italie au moyen des armées nationales.
Telle est la doctrine fondamentale de ce traité. Un autre grand prin-
cipe était l'importance assignée par Machiavel à l'infanterie qu'il place
bien au-dessus de la cavalerie. Là encore nous trouvons l'influence de
l'histoire romaine sur l'esprit de Machiavel. Mais on se tromperait en
croyant y voir une imitation servile et aveugle. Machiavel savait rester
original tout en s'appropriant les idées d'autrui. Du reste, ainsi que le
remarque fort bien M. Villari, quand on songe à ce qu'étaient les condi-
tions de la milice dans les dernières années du moyen âge et au temps
de Machiavel, on se rend compte qu'il fallait posséder une grande force
de pensée pour concevoir l'idée, toute moderne, des armées nationales.
Pour Machiavel, ces armées n'étaient pas seulement un appui plus sur
et moins coûteux qu'aucun autre, mais aussi une école de vertus
civiques. Machiavel ne tient cependant aucun compte des armes à feu.
Sans doute elles étaient loin d'avoir reçu les perfectionnements qui
amenèrent plus tard une véritable révolution dans la tactique militaire;
mais, lors des grandes batailles qui se livrèrent en Italie, on avait déjà
pu reconnaître la puissance de ces nouvelles armes; des résultats
visibles, tels que l'augmentation des armées, la nécessité de recourir
à un nouveau mode de fortification, avaient déjà été obtenus. Machiavel
n'était pas un homme du métier; il n'avait jamais eu l'occasion de
p. VILL4RI : NICCOLO NACHIIYELLI. h3\
voir de près d'autren armées que celles qui combattirent durant la guerre
de Pise. Ix)rsqu 'eurent lieu les grandes batailles de Novare (1513) et
de Marignan, il n'avait plus de fonctions publiques et ne put se rendre
compte do l'état des choses.
En tous les cas, il partit de ce principe, la nécessité d'une armée
populaire, et sa conséquence fut que Tinfanterie occupe une place plus
importante que la cavalerie. On y arriva plus tard, lorsque les armes à
feu se furent perfectionnées. Tout ce que Machiavel dit sur l'organisation,
la composition des armées est encore considéré aujourd'hui, nous dit
M. Villari, comme fort juste, par les hommes les plus compétents.
Mais Machiavel n'est pas seulement un grand écrivain en matière
politique ou militaire, il appartient au petit gix)upe des grands hommes
(jui savent traiter avec le même succès les sujets les plus variés. Lo
XV* siècle est resté pour l'Italie un des siècles les plus féconds en génies
ainsi vastes et universels. Machiavel fut non seulement lo créateur do
la science politique, mais encore le premier grand auteur connu de
comédies et lo premier grand historien moderne.
S'il n'avait pas laissé de comédies, ses lettres privées sufliraient ii
prouver qu'il possédait les principales qualités du poète comique. L'es-
prit (obscène souvent mais toujours comique) dont ses lettres sont rem-
plies et la spontanéité avec laquelle il passe d'un sujet sérieux a une
facétie, ou vice versa, sont tout à fait remarquables. Nous le voyons
dans ce fait môme qu'il écrivit ses cominlies à ré[)oque la plus doulou-
reuse de sa vie, c'est-à-dire quand il eut perdu sa charge, et quand il
composait ses immortelles œuvres de science politicfue. Il excella dans
le genre comique, ainsi qu'il avait déjà excellé en bien d'autres.
('/est la Mandragola qui a fait la réputation de Machiavel comme
poète comique. Macaulay Ta jugée n la comédie la plusremanfuabledu
théâtre italien, supérieure aux meilleures de Goldoni, inférieure seule-
ment aux plus belles de Molière. » M. Villari approuve entièrement ce
jugement et, pour mieux faire comprendre la place que cette pièce
occupe dans la littérature dramatique, il expose brièvement mais
d'une façon fort complète l'état du théâtre italien avant Machiavel.
Il n'y avait pas d'élément populaire proprement dit pour un théâtre
national, mais la Uenaissance qui, sous l'influence de l'art classique,
donna un nouvel essor à toutes les manifestations de la (Msnsée, rem-
plaça la comédie dcU'arte par la comédie érudite, c'est-à-dire imitée,
de la comédie latine. Il est vrai que ces deux genres, fort incomplets,
finirent jwir se fondre l'un dans l'autre. L'Arioste donna les premières
marques de son génie fécond en composant des comédies, dans
lesquelles, d'après M. Villari, l'imitation classique di.sparait t derrière
la peinture vive, satirique et pittoresque de son temps. » Bibbiena eut
au.<isi quelque part dans les progrès du théâtre par sa comédie eu prose
« lal^landria. > Mais Machiavel reste au-dessus de tous les autres, car,
à la perfection de la forme, à la peinture vive et satirique tles mœurs
de son temps, il a ajouté Tetude des caractères. En etTet, Messer Nicia
432 COMPTES-RENDUS CRITIQUES.
et fra Timoteo, pour ne pas parler des autres personnages, sont et res-
teront toujours des types. Selon Macaulay, c*est le premier qui est le
plus original, mais d'après M. Yillari, le second c réclame tout particuliè-
rement l'attention. • — Lorsqu'on étudie un écrivain tel que Machiavel
il est intéressant de saisir le rapport qui existe entre ses diverses œuvres,
de retrouver dans toutes cette si milité de pensées qui est un des traits
caractéristiques des intelligences supérieures.
Machiavel, ainsi que nous l'avons déjà observé, écrivit ses ouvrages poli-
tiques dans une intention scientifique et pratique; il voulait le relèvement
de la patrie dont l'abaissement était dû en grande partie au clergé. La
Mandragola est la photographie, comme Ta très bien dit M. Yillari, de
la société italienne légère et corrompue du xvi« siècle. Fra Timoteo repré-
sente le clergé d'Alexandre YI et de Léon X. Machiavel n'a pas écrit
cette comédie, ainsi qu'on le fait souvent de nos jours, pour soutenir
une thèse. La Mandragola n'est qu'une fidèle peinture de mœurs. L'au-
teur ne cache pas cependant que s'il peint un monde d'où est bannie
toute vertu, il en aimerait mieux un meilleur, bien qu'il finisse par en
rire cyniquement. Tel est du moins, d'après M. Yillari, ce qui ressort
du prologue. Non seulement Machiavel s'y excuse d'avoir traité un sujet
aussi bas et léger pour c égayer quelque peu sa tristesse i (il était en
pleine disgrâce lorsqu'il écrivit la Mandragola)^ mais encore d'avoir voulu
faire comme tout le monde. Faire comme tout le monde, c'était reconnaître
le mal en en riant ; mais il avoue pourtant que ce cynisme était, c sans
aucun doute, la cause de la décadence du siècle qui s'était éloigné de la
vertu antique. » Heureusement, grâce à sa nature môme, Machiavel ne
pouvait tomber aussi bas que ses contemporains. Empêché de servir la
patrie de son activité extérieure, il la servit avec sa plume.
Pendant qu'il composait des comédies, des opuscules divers, des
• chansons carnavalesques, • le « Dialogue sur la langue » et d'autres
écrits, il méditait déjà t l'Histoire de Florence t qu'il fit sur la demande
du cardinal Jules de Médicis, plus tard pape sous le nom de Clément VII.
Cette Histoire occupe une place marquante dans l'œuvre entière du
grand écrivain; M. Yillari en parle longuement.
Il commence par rappeler au lecteur qu'au xv« siècle il existait à Flo-
rence deux écoles d'historiens. D'un côté, les Chroniqueurs, successeurs
de Giovanni Yillani auquel ils étaient inférieurs pour la grâce du style
et la rigueur, sont encore précieux aujourd'hui comme sources de faits
et d'anecdotes. D'autre part, les Érudits s'inspiraient de la forme latine
et comptèrent parmi leurs écrivains les plus remarquables Leonardo
Aretino et Poggio Bracciolini. Naturellement, dans ce siècle de
l'érudition classique, ce furent les érudits qui prévalurent quoique
n'ayant pas une valeur réelle au point de vue historique. Toutefois
avec eux la forme et le fond firent quelques progrès. La forme surtout
y gagna, car, tout en n'abandonnant pas complètement la forme anna-
listique des chroniqueurs, la nécessité de donner plus d'unité au récit
les obligea à mieux lier ensemble les faits ; ce lien tout extérieur, il
p. VILLiRI : XICCOLÔ NlGHtlTBLLI. 433
est vrai, n'était que dans le style, mais il devait amener la liaison
logique du fond et des idées. Le résultat pour la science fut Tusage
plus fréquent de la critique sérieuse dans la recherche des faits éloignés.
Machiavel surpassa tous les historiens qui l'avaient précédé, par son
art, sa méthode de critique, son esprit philosophique. Ecrivant son
« Histoire de Florence » en langue italienne, ainsi qu'il Tafait déjà fait
pour ses autres ouvrages, il inaugura avec un vif éclat la série des
grands historiens et des grands prosateurs de la littérature moderne.
On retniuve dans son livre, nous dit M. Villari, « les caractères importants
de cette histoire civile et moderne qui est une des créations les plus
originales des écrivains italiens de la Renaissance. > On sait que Gui-
chardin écrivit son • Histoire de Florence ■ avant Machiavel, mais nous
avons déjà fait observer que cette histoire n'a été publiée que récem-
ment et que Machiavel n'a pas dû la connaître.
L' f Histoire de Florence » de Guichardin ouvre la série des grandes
œuvres historiques modernes, grâce à la pénétration pn»fonde avec
laquelle l'auteur recherche la cause des événements, en explique les
effets, grâce aussi à la perfection de la forme et à l'art de composition.
Mais Guichardin n'a pas su se débarrasser complètement des vieilles
formes et des procédés annalistiques. Ce qui distingue le plus Machiavel
des historiens érudits c'est sa conception élevée, scientifique de l'his-
toire. Dans l'origine il avait voulu ne commencer son récit qu'à partir
de 1434, le point où s'arrêtent les histoires d'Aretino et du Poggio. Plus
tard, il reconnut que l'histoire de Florence avait besoin d'être refaite
depuis son origine; les deux historiens précédents s'étaient surtout
attachés aux faits extérieurs, aux descriptions ; ils avaient négligé d'ex-
poser tous les mouvements intérieurs des factions, les causes cachées
des événements, en somme tout ce qui constitue la substance, de l'his-
toire et son utilité pratique. C'est à quoi Machiavel voulut rcmcnlier
principalement dans ses quatre premiers livres qui sont une analyse
subtile et souvent profonde des phases diverses que traverse la démo-
cratie de Florence, la plus turbulente, après celle d'Athènes, dont l'his-
toire ait conservé le souvenir. — M. Villari examine chacun des huit
livres avec une profonde attention.
Il met en lumière la fmesse et l'habileU» avec lesquelles Machiavel
raconte les faits, les relie entre eux, en fait jaillir les conséquences; il
relève avec soin les rapports qui existent entre les jugements de l'his-
torien et les doctrines de l'homme politique. Il ne se contente pas
d'étudier la forme, il étudie aussi le fond auquel se rattache tout le
reste. — A ce propos nous signalerons l'intérêt tout particulier qu'oIVrent
les observations de M. Villari sur le livre premier, qui, on le sait, contient
le tableau général de l'histoire du moyen Age depuis la chute de l'em-
pire d'Occident jusqu'à la première moitié du xv« siècle. Quelques cri-
tiques ont cru y trouver une idée toute nouvelle et originale. M. Villari
fait observer qu'en réalité l'idée d'une histoire générale du moyen âge
n'était pas nouvelle. Biondo avait déjà fait cette histoire d'une faijou
434 GOMPTES-RENDDS CRITIQUES.
très complète, et, plus tard, Aretino dans son premier ouvrage avait
repris ce sujet. Machiavel a imité Bioado et a môme copié, dans son
histoire, plusieurs de ses erreurs ; d'autres fois il a changé Tordre des faits,
ne tirant même pas tout le profit qu'il eût pu tirer de Touvrage qu'il
avait sous les yeux. M. Yillari a plusieurs fois mis en regard les unes des
autres des citations tirées de Machiavel et de Biondo. — Ce n'est pas
seulement à ce point de vue qu^l faut considérer le livre premier de
• THistoire de Florence, t D'ailleurs, à cette époque, en fait de critique
historique, les écrivains se contentaient, en général, d'en copier d'autres
servilement. Au moins Machiavel recourait aussi parfois aux documents
mêmes. Ce fut le cas surtout pour la dernière période de son ouvrage,
comme le montrent les c Frammenti storici > et les « Extraits • ana-
lysés par M. Villari. On y voit reparaître les doctrines de Machiavel
déjà développées dans « le Prince » et les « Discours » sur l'homme,
considéré comme dirigeant seul et par sa propre volonté les événements
sociaux et politiques. Il y a là une erreur à la fois philosophique et histo-
rique, mais qui n'a pourtant pas empêché Machiavel de s'élever pour la
première fois, par ses travaux, dans les hautes régions de la science.
Nous ne suivrons pas davantage M. Villari dans les observations qu'il
fait encore sur « l'Histoire de Florence ; » nous ne ferons que résumer
très brièvement les derniers chapitres de son livre. Il y termine le
récit de la vie de Machiavel et raconte en même temps les vicissitudes
politiques de l'Italie depuis le pontificat d'Adrien YI jusqu'à la seconde
chute des Médicis. Machiavel, revenu à Florence en toute liberté, aurait
désiré reprendre son ancien emploi de secrétaire, mais il ne put l'obte-
nir. Peu de temps après il mourut, ce qui lui épargna un nouveau cha-
grin : celui de voir sa patrie retomber à perpétuité dans la plus dure des
servitudes. M. Villari raconte tous ces événements avec la science cri-
tique qui lui est habituelle et la clarté de forme qui lui est propre. Nous
ne dirons rien des nombreux documents inédits dont sont enrichis ses
deux volumes, ainsi que l'avait déjà été le premier. Parmi ces docu-
ments, les plus curieux sont les « Annotations de Christine de Suède à
une traduction française du « Prince. » Nous ne parlerons pas non plus
en détail des deux appendices. Dans l'un M. Villari étudie à fond cette
question soulevée dans ces dernières années : Machiavel savait-il le
grec ? M. Villari combat victorieusement, selon nous, cette hypothèse.
Dans le second appendice, il répond aux fameuses observations critiques
de Ranke, sur l'histoire d'Italie de Guichardin. Du reste tout cela méri-
terait un sérieux examen ; mais la longue analyse que nous avons faite
do l'œuvre de M. Pasquale Villari nous paraît suffisante pour faire
comprendre à tous que, si on peut encore écrire sur Machiavel des
pages éloquentes et profondes, personne maintenant ne peut élever au
grand penseur et écrivain un monument plus digne de lui, et qui réponde
mieux aux principes de la critique et de la philosophie positive.
Antonio Gosci.
L. GUEaRtUl : MIDINB GUTO^. 435
Madame Gayon, sa Tie^ sa doctrine et son inllaence, d'après les
écrits originaux et les documents inédits, par L. Gusbubb, doc-
teur ès-Iettres. Paris, Didier, 4881. 545 p. in-8^
Le livre de M. Guerrier est une thèse de doctorat. C'est un long tra-
vail, qui a exigé de patientes recherches, et qui dénote chez Fauteur
une véritable passion pour son sujet, passion d'autant plus méritoire que
rhistoiro religieuse est en môme temps plus délicate et plus austère.
M. Guerrier se propose de prouver : 1® que la vie de madame Guyon
a été irréprochable ; 2* que la doctrine mystique du quiétisme mérite
une certaine indulgence ; 3<* que Fénélon eut le beau rôle dans la con-
troverse qui s^éleva, à ce sujet, entre Dossuet et lui ; \* que Bossuet au
contraire s est montré cruel à l'égard de madame Guyon, et qu'il a
employé tous les petits et grands moyens contre son contradicteur.
Quoique, pour les historiens, la seconde partie du sujet de M. Guer-
rier soit de beaucoup la plus intéressante, si nous nous en rapportons
au titre du livre, nous penserons qu'il s'est préoccupé surtout de justi-
fier les deux premières propositions, c // lui a semblé utile, dit-il, de
rendre à la mémoire de cette sainte et noble femme une justice trop long"
temps refusée à ses vertus b (p. 2). Il compte enfin faire connaître par la
discussion quelle est la grandeur, comme aussi quel est le danger du mys*
ticisme.
Madame Guyon s'est-elle maintenue dans les limites du pur amour
de Dieu ? Pour répondre à cette question, M. Guerrier, après les théo-
logiens de Saint-Sulpice et le lieutenant de police d'Argenson, a refait
une minutieuse enquête; il n'a pas dissimulé les points faibles de son
sujet (p. 80, p. 92, p. 95). Il n'a pas évité de mentionner les accusations
les plus étranges. Michelet s'était contenté, après la lecture des deux
principaux ouvrages de madame Guyon, le Moyen Court et les Torrents,
d'affirmer la pureté de ses mœurs. M. Guerrier s'est arrêté longuement
sur cette question de physiologie morale, si Ton peut parler ainsi. Il a
mis en lumière tous les détails que madame Guyon nous donne sur
elle-môme dans une autobiographie composée sur l'ordre de son confes-
seur. Il nous a prouvé l'innocence de ce langage mystique, qui ne
recule pas devant des images au moins singulières (p. 41, p. 80, p. il4,
p. 189).
Nous ne nous associerons donc pas aux calomnies qui ont atteint
madame Guyon et son directeur le père La Combe, calomnies contre
lesquelles M. Guerrier s'indigne avec véhémence (p. 497). Disons tou-
tefois que les apparences ont pu égarer l'opinion publique, et n'ont pas
toujoum été favorables à la cause qu'il soutient.
Une fois cetle question écartée, sur laquelle on eût pu passer plus
légèrement peut-être, il est impossible de ne pas ressentir, en lisant
les citations empruntées à madame Guyon par M. Guerrier, qui lui est
cependant si favorable, un certain sentiment de dégoût pour le mysti-
436 COMPTES-RENDUS CRITIQUES.
cisme, ce rêve désespéré^ selon Texpression de Victor Cousin. On com-
prend sans peine la répugnance de Bourdaloue et de Bossuet pour de
pareilles conceptions. Plus désintéressés aujourd'hui dans la question,
nous nous refusons à notre tour à traiter de sainte une femme que
M. Guerrier a si justement blâmée pour avoir abandonné sans pitié ses
enfants, comme si elle n'était pas leur mère (p. 502).
Madame Guyon reste donc pour nous une névropathe. Avec M. Guer-
rier, nous suivons pas à pas les progrès de cet état morhide. Son livre
permet au lecteur de tirer, en toute connaissance de cause, une conclu-
sion, qui n'est peut-être pas la sienne, mais qu'on ne saurait établir sur
des documents plus certains; Cette partie de la thèse présente d'ailleurs
un certain intérêt historique et mérite d'être consultée par quiconque
s'occupe de l'histoire des idées religieuses sous le règne de Louis XIV.
La thèse de M. Guerrier abandonne alors le terrain de la théologie
pure et de la psychologie. La seconde partie de son travail touche à
l'un des points les plus importants de Thistoire de la fin du xvn* siècle.
L'auteur a eu l'intention de réduire dans son livre, aux proportions
d'un incident, la controverse qui s'éleva au sujet du quiétisme, entre
Bossuet et Fénélon; et cependant M«« Guyon n'en passe pas moins au
second rang, dès qu'il arrive à cette querelle célèbre qui divisa l'opinion
des théologiens en 1698 et qui la partage encore aujourd'hui.
Pendant longtemps, en exceptant Voltaire, dont le bon sens suppor-
tait assez mal les rêveries des quiétistes, la cause de la douceur et de
la résignation parut avoir triomphé avec Fénélon. Qui n'admirait l'ar-
chevêque de Cambrai, s'humiliant dans la chaire de sa cathédrale? On
accusait au contraire Bossuet à la fois de rudesse et d'intolérance envers
son adversaire, de souplesse à l'égard des puissances, tranchons le mot,
de bassesse auprès de Louis XIV. On aurait vu volontiers dans la pas-
sion religieuse de l'évêque de Meaux la violence d'une ambition inquiète.
La Grande Controverse devint ainsi la lutte du principe de l'autorité
absolue contre la liberté de penser. C'était l'auteur de la Politique tirée
de V Ecriture sainte défendant le despotisme contre l'inspirateur des plans
libéraux du duc de Bourgogne. Michelet a fait justice de cette légende,
sans aucun ménagement pour les idées reçues (Hist. de Fr., t. XVI,
chapitre viii, passira). Dans son langage parfois excessif, avec sa péné-
tration admirable, il a montré, en dépit de quelques erreurs de détail,
que, chez Fénélon, l'humilité apparente dissimulait mal un véritable
orgueil de caste, il a prouvé que dans la grande controverse il fit sans
cesse appel à la dextérité de son esprit insinuant, qu'il envenima la
lutte, tout en se faisant petit devant Bossuet, et que, réduit à céder, il
conserva une prédilection obstinée pour les idées quiétistes.
M. Guerrier défend sans détour contre ces accusations l'archevêque
de Cambrai. Selon lui, Fénélon ne fut dans toute l'affaire que simpli-
cité et conciliation (p. 357, p. 368, p. 373, p. 467). Il considère comme
inattaquables les idées exprimées dans le livre des Maximes des Saints.
L. GCEIBIEE : MlDiNB GCITOX. 437
Il nous représente au contraire Bossuet comme aussi impitoyable qu'a-
droit. Il l'accuse d'inconséquence dans les jugements qu'il porta à des
époques différentes sur les œuvres de M"»« Guyon et sur le livre de
Fénélon; il nous le montre (p. 351) employant jusqu'aux larmes pour
peser sur la volonté de Louis XIV, et circonvenant M"» de Maintenon,
|)Our laquelle l'auteur montre une admiration un peu difûcile à com-
prendre, au moment où il nous prouve qu'elle reniait sans scrupule
M"* Guyon, qu'elle avait introduite elle-même à Saint-Cyr.
Sur ces deux points M. Guerrier nous paraît avoir réussi bien inéga-
lement. La lecture attentive de son livre prouvera combien la raison et
le bon sens étaient du côté de Bossuet (cf. cbap. xvii), combien les réfu-
tations, les distinctions et les explications de Fénélon ne peuvent préva-
loir contre la logique de son adversaire, et c'est un grand éloge que l'on
peut faire de l'auteur que cette sincérité avec laquelle il expose les argu-
ments de Bossuet, qu'il condamne cependant. De m^^me aussi voit-on
clairement comment l'imagination ardente de Fénélon subit l'influence
mystique de M»* Guyon, d'autant qu'il y était plus disposé par ce que
sa nature avait de nerveux et de féminin.
M. Guerrier a été plus heureux en montrant dans Bossuet l'abus du
principe d'autorité. On savait, il est vrai, déjà avec quelle rudesse il
avait agi dans cette affaire du quiétisme ; Sainte-Beuve a écrit de lui
cette phrase qui peint bien les sentiments que la moindre résistance
lui faisait éprouver : // entrait en impatience, a-t-il dit, dès qu'on remuait
autour de lui ; et tout son raisonnement aussitôt, toute sa doctrine se levait
en meuse et en bon ordre, comme une armée rangée en bataille (Sainte-
Beuve, Nouveaux lundis, t. II, p. 127). Mais M. Guerrier a indiqué, par
une accumulation de preuves, jusqu'où la passion de faire triompher
sa doctrine pouvait entraîner un homme do la valeur morale et
intellectuelle de Bossuet. Nous n'acceptons pas toutes les accu-
sations portées contre lui par M"»« Guyon; toute sincère qu'elle était,
il était impossible que dans sa propre cause elle ne s'abusât i>as elle-
même. Il est évident cependant que Bossuet, décidé à vaincre, ne recula
pas devant la séquestration religieuse, qu'il fit emprisonner à la Bastille
une malheureuse femme, dont la vie lui avait paru irréprochable ; il ne
lui épargna pas la persécution de longues conférences, où il n'avait pas
de peine à l'embarrasser, à l'exténuer moralement et physiquement par
une discussion savante et peu à la portée de son sexe; il n'hésita pas
à employer sa parole, si pleine d'autorité, pour tourner contre elle la
toute-puissance royale; ce qui est plus grave, c'est qu'il couvrit de son
nom des intrigues peu loyales nouées à Rome, contre Fénélon, par son
neveu Tabbé Bossuet, un assez triste personnage.
A ce titre, la vie de M"« Guyon forme un curieux chapitre de l'his-
toire de la liberté de penser et de la tolérance. Nous pouvons ainsi
mesurer une fois de plus l'abîme qui sépare la fin du xvn* siècle et la
deuxième moitié du xvni*. En cette circonstance le prestige de la per-
438 GOMPTES-RBUDUS CRITIQUBS.
sécution produisit son effet habituel. Sans elle, le Petit Troupeau, comme
Saint-Simon appelle les Quiétistes, se serait bientôt dispersé, tandis
qu'il persista jusqu'au commencement du siècle suivant, qui devait
connaître le mysticisme philosophique, mais qui fut peu favorable au
mysticisme religieux.
A notre avis la thèse de M. Guerrier modifiera fort peu l'opinion
générale qu'on se fait aujourd'hui du quiétisme et de Fénélon, mais son
livre contribuera, sinon à résoudre la question, du moins à la mieux faire
connaître; enfin il épuise la matière sur la biographie de M°»« Guyon,
et ajoute au portrait de Bossuet quelques traits qui ne sont pas tous
favorables à la mémoire du grand évoque.
Paul BoNDOis.
Histoire des Institutions Municipales de Senlis, par Juies
FLAMBfERMorfT. BibHothèque de TÉcole des Hautes-Études, Yieweg.
Paris, iHSi, in-8°.
Voici un bon livre, intéressant et bien fait. C'est un de ces ouvrages,
malheureusement trop rares, où l'histoire interne d'une ville est étu-
diée en détail, avec critique, à la lumière des documents et d'où sont
bannies par suite les légendes locales, les hypothèses aventureuses, et
les dissertations sans intérêt, qui tiennent tant de place dans la plu-
part de nos monographies municipales.
M. F. a pris la commune de Senlis à sa naissance, il Ta suivie jus-
qu'à sa chute, embrassant dans son étude une période de cinq siècles,
— de H73 jusqu'au règne de Louis XIV.
A Senlis, la municipalité n'est pas sortie comme ailleurs de luttes
violentes entre la population et ses maîtres. C'est le roi de France lui-
môme qui en 1173 l'institua, non à la vérité de son propre mouvement,
mais à la prière d'un habitant du pays, Guy le Bouteiller, qui se trou-
vait être avec Louis Vil le plus puissant seigneur de la ville. Dès ce
moment, les Senlisiens travaillèrent d'abord à étendre les libertés pri-
mitivement accordées, puis à en imposer la reconnaissance aux petits
seigneurs ecclésiastiques et laïques, qui possédant des droits utiles dans
la cité n'étaient cependant pas intervenus dans le pacte de 1173. Pour
obtenir une autonomie à peu près complète, il leur fallut cinquante
ans, beaucoup de persévérance et encore plus d'argent. Ce résultat était
à peine acquis, que tout fut remis en question.
On sait qu'à partir de saint Louis et jusqu'au milieu du xiv« siècle
il se produisit dans toute la France une réaction irrésistible contre
l'indépendance des communes. Ce mouvement, qui s'accentua à mesure
que la royauté se fortifiait, mouvement qu'elle n'avait pas fait naître,
mais dont elle sut prendre la direction, était la conséquence forcée de
FUmrEBMOlIT : HISTOIRE DBS IXSTITFTIOXS MnnctPALES DB SElfLIS. 439
la centralisation naissante. Située aux portes de Paris, dans les domaines
immédiats du roi, Senlis fut l'une des premières villes qui en ressen-
tirent le contre-coup. Sa commune existait à peine depuis un siècle,
que déjà les officiers royaux Pavaient aux trois quarts réduite. Le Par-
lement fit le reste. Par l'exercice de la juridiction d'appel, il tua la jus-
tice municipale ; par les amendes dont il frappait la ville à chaque
jugement réformé, il épuisa son trésor, qu'obéraient déjà des taxes
royales exagérées et le payement des rentes dues aux anciens seigneuis.
Et comme si ce n*était pas assez, les magistrats eux-mêmes, loin de
défendre leurs privilèges, ne surent que les compromettre autant par
une mauvaise gestion des deniers communaux que par une adminis-
tration impopulaire. En 1319, la suppression de la commune, réclamée
par le menu peuple et à peine combattue par quelques bourgeois, fat
prononcée après une enquête curieuse par arrôt du Parlement.
Ici se termine la première phase de l'histoire municipale de Senlis,
la plus courte et la plus inti'ressante. Dès lors la ville, privée de son
patrimoine et régie prévôtalement, resta livrée au bon plaisir des offi-
ciers du roi. lie nouveau régime ne pouvait dun»r longtemps ; il mena-
çait trop d'intérêts. Aussi voit-on peu après 1319 les Senlisiens assié-
ger de demandes le roi, son bailli, son prévùt, pour se faire rendre une
à une les libertés et les propriétés communales confisquées. De con-
cessions en concessions, d'empiétements en empiétements, gr&ce
surtout à la faiblesse du pouvoir royal durant la guerre de Cent ans,
ils parvinrent à reconstituer presque de toutes pièces l'ancien état de
choses. Les étiquettes seules différèrent. Mais c^tte nouvelle organisa-
tion urbaine, toute de tolérance, puisqu'elle n'était garantie par aucun
contrat (H:rit, devait fatalement disparaître, le jour où il plairait au
souverain de faire revivre ses anciens droits. C'est en effet ce qui
advint.
Le retour offensif de la rovauté commence avec Louis XL Sous
I^uis XII la vénalité des oflices, en remettant à quelques familles peu
remuantes l'autorité municipale pleine et entière, supprime toute jws-
sibilité de résistance aux représentants du roi. Et alors on voit durant
cent cinquante ans les baillis poursuivre avec persévérance l'anéantis-
sement des franchises restées debout, jusqu'au moment où grâce à (Gil-
bert la vente des charges municipales et l'organisation définitive de
la tutelle des communes en font dis[>araitre les derniers débris.
Cette seconde partie du livre de M. F. contient des renseignements
très étendus sur l'administration intérieure de la ville aux xiv et
x\* si<*»cles. 8<»nice militaire, travaux publics, police, finances, tout
c<»la est exiM)sé avec une précision minutieuse. En n'vancho l'auteur a
exclu de son ouvrage ces éclaircissements relatifs au commerce et aux
métiers, qui donnent tant d'intt^rét à la l)elle Hude de M. Giry sur les
Institutions MunicifHiUs de Saint^Omer. Peut-être faute de matériaux
ne |>ouvait-il i>as l'eulrcprendre ; jH?utHHre aussi ne l'a-t^il pas voulu,
440 CO]fPTE»-lE!nKIS CUTIQUES.
car à la rigueur on serait en droit de prétendre que des recherches de
cette nature ne sont pas à leur vraie place dans un livre comme
celui-ci. Mais pénurie de documents ou rigueur de méthode, peu
importe : de toute manière, nous regrettons cette lacune.
Nous nous permettrons encore une petite critique à l'adresse de M. F.
Pour bien faire comprendre le développement organique d'une com-
mune, pour bien marquer le caractère et l'importance de ses franchises,
il ne suffit pas, croyons-nous, de dire les choses avec exactitude, il faat
de plus montrer, par des comparaisons fréquentes avec les autres muni-
cipalités de la même époque, la valeur relative des institutions qu'on
étudie. A cet égard C!ompiègne, dont la coutume fut empruntée par les
Senlisiens, Laon, Soissons, Beauvais, — sans parler d'autres villes da
voisinage, dont l'histoire est moins connue, — offraient à l'auteur des
points de repère faciles, de perpétuels éléments de confrontation. Il les
a toujours négligés. Il a négligé de même de rattacher les vicissitudes
du régime communal à Senlis au mouvement de l'histoire générale de
la France : il en résulte que certains épisodes ne sont pas présentés
sous leur vrai jour. Voici un exemple. La commune, nous l'avons dit
plus haut, fut supprimée en 1319 à la demande des habitants. Ce fait
parait au premier abord si anormal que M. F. prend grand soin de
l'expliquer par l'impopularité des magistrats bourgeois, l'énormité des
taxes, l'imminence d'une faillite de la ville. Mais combien ces explica-
tions ne seraient-elles pas plus lumineuses, si l'auteur, qui ne l'ignore
certainement pas, avait bien voulu nous dire qu'à la même époque, au
nord comme au midi, toutes les villes de France se débattaient contre
de semblables embarras, s'il nous avait fait voir partout les officiers
royaux excitant le menu peuple contre l'aristocratie bourgeoise, le
Parlement écrasant les municipalités d'amendes énormes, le roi confis-
quant et revendant à tout propos les libertés locales, pour le plus grand
profit de son trésor et de son autorité. Présenter ainsi, comme un inci-
dent du grand duel de la royauté et des communes, l'abolition de la
cbarte de Senlis, c'était lui restituer sa vraie physionomie.
Mais soyons juste. M. F., qui a préludé au présent travail par des
publications très remarquées sur le passé de la même ville, nous pro-
met dans sa préface une histoire politique de Senlis. C'est là sans
doute qu'il se réserve de combler ces lacunes voulues. Nous l'attendons
à l'œuvre, persuadé qu'il se tirera de cette tâche nouvelle comme il
s'est tiré de celle-ci, — à son honneur.
Gh. Grandjean.
RECUEILS PERIODIQUES. 444
RECUEILS PERIODIQUES ET SOCIETES SAVANTES.
1. — Bibliothèque de TËcole des chartes. T. XLI\\ 1883, livr. 1.
— IlAiRKAr. Tn po^IIn» inédit «le Pierre F{iga (d'après le n« W'^Ù de
l'Arsenal; c'est un débat en distiques latins entre les deux rois de
France» et d'Angleterre n^présenti's par leurs avocats ; le sujet de la que-
relle est la prise d«» possession de Gisors et île Néaufle par Henri II en
1100. Le nis. de l'Arsenal contient d'autres pièces historiques du même
genre : une a été publiée au t. V du Neues Arcliiv ; c'est un dêl>at en
vers elégiaques enln> les deux préu»ndants à la papauté Alexandn» et
Victor). — N. DK WAn.LV. .Vddition au mémoire sur la langue deJoin-
ville. — Vaesen. C^italogue du fonds liourréà la BibliotluH{ue nationale
(fait suite à l'art, que M. V. a publié antérieurement sur ce fonction-
nain» employé par lA)uis XI et (Charles Vllli. — L. i»e Mas Latrik.
L'Hpiscopus (iummitanus et la primauté de Tévèque de (^rthage (à
propos de l'inscr. récemment découverte à llammam-Lif, et dont nous
parlons plus loin. Prouve qu'en ce même lieu, il y eut une populatitui
clmUienne qui resta en relation avec le pape jusqu'au xi« s.; Téviniue
de (tunimis, aujourd'hui Ilammam-Lif, ayant voulu impo8<»r sa supn*-
matie aux autres évèques de la province, ceux-ci firent reconnaître par
le pajM» Lè(»n IX, en 1053, la primauté de l'évèque de (3iirthage). :=
Hibliographie : A. (U Rochcmonteix. Histoire de l'abbaye de Feniers ou
du Val-Honnéte, en Auvergne (travail consciencieux ; la chronologie
n'est pas ii)uj(»urs exacte). — Chassaing. Cartulain* des templiers du
Puy-en-Velay (Inm). — Id. Chartes de coutumes seigneuriales de ("hap-
leuil et de Léotoing, l'2r>3-Gi (précieux pour l'histoire du Velay). —
(\instans. Le livre de l'Kpervier, cartulairo de la commune de Milhau
(contient d'utiles diM^uments publiés avec trop de hAte ou d'inex(H»->
rience). — /ht four. Hibliogniphie artistique, historique et littérain» de
Paris, avant 1789 (très utile; rorn»ctions et additions nombreuw^s^. —
Honlius. ('«apitularia regum Francorum (travail im[>ortant, trop sobre
de notes). — lioy. De l'amortissement des dettes de l'Etat; sou origine
et son histoire en France jusqu'en 178*J (bon n^sumé).
2. — Le Cabinet historique. Nouv. série 1883, n* 1. — Lois, instruc-
tions et lèglements relatifs aux archives départementales, communales
et hospiUilières ; suiu». — Omont. Projet d'un catalogue génénil des mss.
de Fnince en 172.") (publie deux lettrt»s de l'abbe Liebeuf, qui n»clame
ce catalogue général, aujourd'hui encore si peu avaucé. Apri^s un siècle
vi demi, la lettn» du célèbre érudit est enci»re d'actualitf*)- — ï^ i»k
Mas Latrik. iilossiiin» des dates, ou explication, p^ir ortlre alphabétique,
des noms i»eu connus des jours de la .semaine, de» mois et autn*s époque^
Hkv. HisTOR. XXU. ^^ l'ASC. 'l*é
442 1BCUEIL8 PéBIODIQUBS.
de Tannée, employés dans les dates des documents du moyen âge. —
Rapport au président du Conseil, sur les archives du ministère des
afifaires étrangères.
3. — Revue archéologique. 3* série (cette revue parait maintenant
chez l'éditeur J. Baer), 1883, janv.-févr. — Voulot. Un cippe figuratif
de la première période chrétienne sur la Moselle. — Eug. Mùntz. Notes
sur les mosaïques chrétiennes de l'Italie; suite. — Alex. Bertrand. Les
Ibères et les Ligures de la Gaule; extrait du Dict. d'arch. celtique^
fasc. 5 et 6. — Tourret. Notes sur quelques objets d'antiquité chré-
tienne existant dans les musées du midi de la France. — R. Lemaptre.
De la disposition des rameurs sur la trière antique; !•' art., fin mars-
avril. = Mars-avril. Rivett-Garnac. L'âge de la pierre dans l'Inde;
lettre à M. Al. Bertrand. — Renan. Les mosaïques de Hammam-Lif
(texte et commentaire des trois inscr. qu'on y a trouvées; la principale
peut se lire : c sancta sinagoga Naron pro salutem suam (sic) ancilla
tua Juliana proselyta de suo propititatorium tesselavit. » Dans une autre
inscr. le mot a istrumenta > parait devoir désigner les rouleaux de la
bible. Nous sommes donc dans une synagogue juive au lieu dit Ad
"Agnas Gumritanas). — Senart. Une inscr. bouddhique du Cambodge.
— Miller. Inscr. grecques découvertes en Egypte par M. Maspero. —
Jacor. Recueil de mots pour servir à la collation et à la description des
mss. grecs.
4. >- Mélanges d^archéologie et d^histoire (École française de
Rome). 3® année, fasc. i-2; mars 1883. — P. Ddrrieu. Notice sur les
registres angevins en langue française conservés dans les archives de
Naples (étude intéressante, et qui présente en outre cet intérêt démon-
trer les vicissitudes de l'influence française dans le premier royaume
angevin). — Edm. Le Blant. Une collection de pierres gravées à la
bibliothèque de Ravenne. — Ch. Grandjean. Recherches sur l'adminis-
tration financière du pape Benoît XI (expose les moyens employés par
le successeur de Boniface VIII pour remplir le trésor de l'Eglise laissé
à peu près vide après l'attentat d'Anagni). — Lefort. Chronologie des
peintures des catacombes de Naples. — C. Jullian. A propos du ms.
Bianconi de la Notitia dignitatum (les lettres 8. G. situées des deux côtés
du globe qui est dessiné à la première page du ms. ne peuvent désigner
que les mots senatus consulte, et non Soderinus Cardinalis, comme on
Ta proposé : le ms. a été écrit en 1523 ou 1524). — Id. La villa d'Horace
et le territoire de Tibur. — Diehl. La colonie vénitienne à Gonstanti-
nople à la fin du xiv« s. (publie et commente une « Commissio viri
nubilis domini Andrée Gradonico, baiuli Gonstantinopolis, > du 14 fé-
vrier 1374). — Grandjean. Note sur l'acquisition du droit de cité à
Sienne au xiv*» s. (intéressantes conclusions tirées de deux actes de
1304 et de 1355. D'après ce dernier, pour être naturalisé à Sienne, il
fallait être agréé par le conseil général, bâtir une maison dans la ville et
payer une certaine somme au Trésor public).
RECrEIL? PéRIOPlQrtS. 443
6. — Bulletin de correspondance hellénique. 7« annéo, i883,
f('^vr. — F^oTTiBR pt Heinacii. Fouille» dans la nécropolo do Myrina;
suite : les ligurinos do torro cuite. — Collkînon. Inscription do Rhodes
(décret du m* siècle relatif à la vente do l'huile, le texte est très mutile
vers la lin). — Sorlin-Doruîny. Poids d'Alexandrie de Troade. — Hau-
vette-Besnal'lt. Fouilles de Dôlos; inscr. choragiquog (texte, transcrip-
tion et commentaire de onze fragments). — W. H. Waddinoton. In.««cr.
grecques et latines de la (laUionie (proviennent en partie des villages
actuels de (louksun, le rx)cusos de ritiuérairc d'Antouin, et de Char
ou Sari, qui est la (k)mana de la Cataonie décrite par Htrabon, et où
coulait le Sarus). — Foicart. Fragment d'un inventaire de la marine
athénienne (nouveau texte, d'après un estampage, avec un essai de res-
titution). = Mars-avril. Foucart. Inscr. des clérouques athéniens
d*Imbros (étudie l'organisation politique et la religion de ces colons,
qui, jusqu'au second siècle, restèrent fidèles aux institutions de la mère
patrie). — G. Schlimperuer. Sceaux byzantins (représentant les égli.^îos,
les couvents, les palais, le cirque de Constantinoplo). — IlAUssouLUEn.
Inscr. de Delphes, n« 93 : fragments d'une liste des proxonos rangés
par ordre géographique (cette table est contemporaine de celle qu'a déjà
publiée M. Foucart, et qui se rap[)orte aux années 197-17*2). — Pottier
et Reinach. Fouilles dans la nécropole de Myrina; suite : inscr. sur les
figurines de terre cuite. — L. Duchesne. Les nécropolos chrétiennes de
risaurie; suite : Korvcos. — Latichew. Inscr. de Ténos. — IIomoli.e.
Inscr. archaïques de Délos. — Ramsay. Inscr. inédites d'Asie Mineure,
Pamphilie et Lydie.
6. — Le Polybiblion, 1883. Mars-avril. — Aug. Cheroonneau. Notice
des traités arabes de géographie.
7. — Journal des Savants. 18S3, avril. — Renan. Es.'iai sur la
légende de Bouddha; !•' art. ; fin en mai (insiste surtout sur cotte idée
qu'il y a moins de dilTérenco qu'tm no l'admet d'ordinaire entre le
l)Ouddhisme et le brahmanisme. Ainsi les monuments d'Angkor sont
des monuments de religion hindoue, sans qu'on puisse dire oxartement
s'ils sont brahmaniques ou bouddhiques). — Maurv. L'ancienne Rome ;
'2* art. (étude sur les instituticms militaires de Rome, k propos du livre
du génoral Favé). — Wallon. FnSléric H et Mario-Thén»se, 3* et der-
nier article. — K. Miller. l)(»couverto d'un nouvel exemplaire du d('»cret
do (^nope (en 1860, un ingénieur français trouva à San, pendant les
travaux do l'isthme do Suez, un décret trilingue rendu sous PtolémiK»
Kvergote I"; ce toxU^ intéressant a été l'objet de plusieurs travaux. Tout
récemment, M. Masporo a découvert pn^s de Tell Ramois un nouvel
exemplaire de ce décrot. M. Millor donne ici une n'pnMiuetion photi)-
graphique, une transcription et une traduction du texte grec. M. Mas-
poro se n»serve de traduire les t(*xte8 hiéroglyphique et démoliquo. I^
Louvre |K)ss(*doun fragment malheureusement trèsettacé d'un 3«exem-
plaire do ce décret).
444 RECUEILS PÉRIODIQUES.
8. — Revue critique. 1883, n* 14. — Bebin, Thucydide, guerre
du Péloponèse; extraits (édition pour les classes, préparée avec beau-
coup de zèle, avec des notes historiques et géographiques, etc. ; mais
de nombreuses erreurs. Les extraits ne sont pas toujours bien choisis).
— Busson, Der ICrieg von 1278 und die Schlacht bei Dùrnkrut (travail
très approfondi sur la politique de Rodolphe de Habsbourg à Tégard
d'Ottocar, sur la défaite de ce dernier, et sur sa mort). = N« 15. Druffèl.
Briefe und Akten zur Geschichte des xvi Jahrh., Bd. II (moins de choses
intéressantes qu'on ne s'attendrait à en trouver dans ce gros volume de
900 p. ; l'analyse des pièces est souvent confuse, on ne sait pas toujours
où le texte s'arrête ni reprend; trop peu de notes). — Piépape. Histoire
de la réunion de la Franche-Comté à la France 1279-1678 (très médiocre
pour le fond comme pour la forme). — Gaffarel. L'Algérie; histoire,
conquête et colonisation (nombreuses inexactitudes). =: N« 16. Frœhlich,
Die Gardetruppen der rœmischen Republik (attaque Mommsen avec
assez de raison). — Pannenborg. Der Verfasser des Ligurinus (la ques-
tion est déGnitivement résolue; l'auteur de Ligurinus est l'allemand
Gunther de Pairis, comme il l'est aussi de VHistoria constantinopolilana,
du Solimarius et du Deoratione), — Loiseleur. Trois énigmes historiques
(très instructif et résultats très acceptables). =: N» 18. Johannes Tur-
mair's genannt Aventinus saemmtliche Werke, Bd. II (excellente édi-
tion de la Bayerische Chronik du célèbre humaniste). = N" 19. Sakella-
poulo. Corn. Nepotis vitae excellentium imperatorum (bonne édition
critique par un savant d'Athènes). — Baumgarten. Sleidan's Brief-
wechsel (n'a réussi à réunir que 182 pièces d'un homme qui a tant
écrit; cette publication diminue un peu l'obscurité qui entoure la vie
de Sleidan; mais il en reste beaucoup encore). — F. von IleUwald. Kul-
turgeschichte iii ihrer natùrlichen Entwickelung (3* édition de cet
ouvrage original et profond). = N" 20. Schmalz. G. Sallusti Grispi de
bello Jugarthino liber (bonne édition pour les classes). — Nordenskiœld.
Om brœderna Zenos (la carte dressée par les frères Zeni du Groenland et
de l'Europe septcntr. est la copie d'une carte faite à l'aide de nombreux
et sûrs matériaux recueillis au xiv« et au xv« s. ; elle est d'une remar-
(juable exactitude). = N» 22. Charvériat. La bataille de Fribourg,
3-5 août 1644 (très bon travail; la bataille fit plus d'honneur à Merci
qu'à Condé). = Hermann. Lehrbuch der griechischen Antiquitœten,
Bd. IV : Griechische Privatalterthiimcr, par Blûmncr (ce 4* vol. com-
mence la S'î édition remaniée de l'œuvre de Ilermann très répandue en
Allemagne; il est neuf en grande partie et très bon).
9. — Bulletin critique. 1883, 15 avril. — A. de Ceulencer. Essai
sur la vie et le règne de Septime Sévère (manque de méthode et de
clarté; mais beaucoup de choses utiles et justes). — Duc de Broglie,
]<>édéricll et Marie-Thérèse. = l^^mai. Héron de Villefosse iti TliMenat.
Cachets d'oculistes romains, t. I. = 15 mki. Zévort. De Gallicanis
imperatoribus (plusieurs erreurs dans la transcription ou l'identiGcatioii
des inscr.). — Keim. Rom und das Gliristenllium (travail consciencieux) .
RECrEILS PKRIODIQrES. 445
— Le P. E. HegnauH. Christophe do Beaumont, archevêque de Paris,
1703-81 (bon ouvrage; beaucoup Ai' matériaux utilisés; on y sent trop
[>arfois le parti pris de faire l'apologie des jésuites).
10. — La Révolution fk^ançaise. IS83, \\ avril. — D' Robinet.
Danton, d'a|)rès les documents; suite (réponse aux accusations do dila-
pidation et de concussion). — Colfavr^. Do l'organisation et du fonc-
tionnement de la souveraineté nationale sous la constitution de 1791 ;
suite. — A. FoLUET. Les Savoisieiis dans les assemblées législatives de
la Ilévolution, 179*2-1800; suite. — liorvih'-.RE. Meyère, de Laudun, juge
au tribunal révolutionnaire de Paris; suite. — Lecoc^. Le papier-mon-
naie (les communes de France pendant la liévolution. = li mai.
Cb. HippEAL. I^ Révolution française et l'éducation nationale. — Jean-
VROT. Les juges do paix élus sous la Révolution.
11. — Répertoire des travaux historiques. Année 1881 (fiaru en
188*2-83). — (ie volume aujourd'hui terminé contient en tout 4,176 notices
de livres ou d'articles de revue ; un index très copieux en facilite l'emploi.
12. — Nouvelle revue historique de droit fk*ançais et étranger.
1883, n® 2. — Barilleau. La constitution de dot dans l'ancienne (irèce.
— Rod. D.VRESTE. Le procès d'IIermias, 117 av. J.-C. — Flai:h. (]ujas,
les glossateurs et les bartolistes. — Esmein. Notice sur Ch. (iiraud. —
Eug. DE RoziÈRE. Ribliographie des écrits de Ch. (îiraud.
13. — Revue celtique. Vol. V, n* 4, avril 1883. — Ch. CnssArtr. Vie
de saint Paul de Léon en Rretagne, d'après un ras. de F'leur>'-sur-I^)ire
conservé à la bibliothè(jue publique d'Orléans (l'auteur de c«»tte vie est
Wrmonoc, moineau a mcuiasteriura Landevenecense •; l'ouvrage est
dédié à Hinworet, évéque de Bretagne; il fut (»crit en 884; la partie du
ms. de Fleury où il est C(uitenu est du x* s. Texte latin de cette vie).
= Bibliographie : V. de Vit. Disserta/.ioni sui Britanni e sui Cimbri
(la \^ dis.sertation est relative à la distinction des liritanni de l'ilo et
do ceux du continent; l'auteur refuse d'admettre que ce soit l'émigra-
tion insulaire qui a cnV» la Bretagne française; son travail est fait
avec une grande légèreté, et avec une grande ignorance des sources.
ï^ '!• dissertation se ra|)[Mirte à la route (jue les Cimbres ont suivie \h)\it
aller en Italie; nous l'avons analysée [dus haut, p. 2*26). — A. de La
Bouderie. Etudes historiques bretonnes : les deux saints Caradec;
légendes latines inédites avec introd. et notes critiques (très intéressant).
14. — Revue de rhistoire des religions, i* anmVe, t. VII, n* 1. —
Kkrn. Histoire du lk)uddhisme dans l'Inde, k* art. — M. Vernes. ïa»s
origines politicjues et religieuses de la nation Israélite; fin.
15. — Revue de rBxtréme Orient. T. I, 1882, n® L — Strindbero.
Notice sur les relations île la Suéde avec la Chine et les pays tartanes,
depuis le milieu du xvir s. jusqu'à nos jours (notes historiques et biblio-
graphiques). — Cordier. Documents inédits pour servir à l'histoire ecclé-
siastique de l'Extrôme Orient; suite : le Chinois du P. Fouoiuet, d'après
446 RBCOBILS P^BIODIIIOES.
le ms. 169 de l'iaveotaire des papiers du duc de Saint-Simon ; fin. —
Jametel. Histoire de la paciQcation du Tibet sous lo règne de l'empe-
reur Eien-Long, traduit du chinois, 1" et 2* parties (l'auteur est un
lettré chinois Oueï-Yuan, qui mourut en 1856; il composa un grand
nombre d'ouvrages, dont le < Mémorial des faits militaires >, en
14 livres, raconte l'histoire militaire de !a dynastie qui régne actuelle-
ment en Chine; c'est de ce livre que sont pris les chapitres traduits par
H. i.). — CoHDiER. Mss. relatifs à la Chine; notes bibliographiques;
4* partie.
16. — Revoe de sAographle. 1S83, mai. — J. Levallois. Un voya-
geur français en France au xvip s. (Pierre Thomas, sieur du Fossé,
d'après ses Mémoires). — A. Chbrbonneau. Légende territoriale de l'Ai'
gérie en arabe, en berbère et en français ; suite. =^ Juin. J. ue Crozals.
La Montagne-noire et le canal du Midi (histoire des travaux de Riquet).
— A. DE FoNTPEBTuis. Les états feudataires de l'Inde anglaise et ses tri-
bus à l'état sauvage.
17. — Revnades Denx-Uondes. 1833. !■' avril. — Ducd'Auuale.
— La première campagne du prince de Condé; 1" art. : marches et
opérations; 2' art. (15 avril) : Rocroy; 3" art. (1" mai): Thionvillo:
4* art. (15 mai) : le secours d'Allemagne (récit très brillant et très sug-
gestif. L'auteur disculpe Condé d'avoir, par sa faute, retardé les secours
que, dans la seconde moitié de 1643, on devait mener à Guébriant; il
en rejette toute la responsabilité sur Mazarin), ;= 15 avril. Em. Michel.
Frédéric II et les arts à la cour de Prusse. = 1" mai. Marquis G. de
Sai>orta. Un essai de synthèse palêoeth nique. = 1*' juin. A. Gefprov.
L'école française de Rome; ses premiers travaux, i" art. : l'antiquité
classique.
18. — La NoaTelle Revue. 1883, \" avril. — Lecûmte. Le général
Ghanzy (expose ie rôle du général pendant la campagne de France) ; fin
le 15 avril. ;= 15 mai. Nalroï. La duchesse de Berry au chiteau de
Dlaye; fin le 15 mai (ajoute un grand nombre d'actes inédits à tous
ceux qu'on arécemment publics sur ce sujet). = I" juin. F.deLesseps,
Abd-el-Kader.
19. — Le Correspondant. 1883, 25 avril. — Mgr Ricard. Monta-
lembort et l..amennais. — M. de Lescure. Le Luxembourg, 1300-1882;
récits et confidences sur un vieux palais. ^= 10 mai. M. de Ijiscurb.
Mémoires de U duchesse de Tourzel. — Ed. Frèmy. Les poésies inédites
de Catherine de Médicis, 3° art. ; fin le 25 mai (celte série d'articles est
autant une biographie de C. de M., qu'une étude sur ses goûts litté-
raires}. =3 10 juin. H. DB Lacombe. Le maréchal Bugeaud.
20. — Le CoDtempopaln. 1883, !■■■ juin. — Lecov de La Marche.
Etudes sur le gouvernement.de saint Louis. 1" art. : caractères de la
royauté chrétienne. — Allard. Polyeucte dans la poésie et dans l'his-
toire (approuve en général les conclusions de M. Aube sur le sujet).
RECUEILS PERIODIQUES. 147
21. — Le Spectateur militaire. 1883, 15 avril. — Dabormida. La
bataille de TARsiette, 1747; suite; cf. le i^'juin. = 1*" mai. Souvenirs
militaires du général baron Hulot; suite (le camp de Boulogne). —
Compte-rendu : Mariani. L#e guerre delT Independenza italiana dal 1848
al 1870 (excellent). = 15 mai. Fauht-Lurion. Guerre turco-russe, 1877-
78; Suleyman Pacha et son procès; 8« art.
22. — Académie des Inscriptioiis et belles-lettres. 1883, séance
du 30 mars. — M. Desjardins communique le texte d'une insrr. latine
récemment découverte en Tunisie au sud-est et a 60 kil. du Kef, l'an-
cienne Bicca Veneria ; elle mentionne la ville de Zama au lieu actuel
de Si-Amor Djedidi. — M. Castan lit un mémoire sur la roche Tar-
péienne du capitolo de Vesontio. = 13 avril. M. Miller communique
plusieurs inscr. grecques trouvées en Egypte par M. Maspero. Une nou-
velle inscr. latine trouvée à Aîn I>emsa, à G kil. O. de 8i-Amor I)je<lidi,
parie de magistrats municipaux ap|>elés sutrètes. = 20 et 27 avril.
M. Desjardins communique d'autres inscr. latines de Tunisie; une
d'elles doit avoir été gravée entre 292 et 305, elle parle du municipium
Rapidense qui fut reconstruit à cette époque, après avoir été détruit
par les barbares. = 27 avril et séances suivantes. M. LENomiANT lit un
mémoire sur la topographie, l'histoire et les antiquités du Val di Tegiano
en Lucanie. = 11 mai. M. Riant, dans un mémoire sur la donation
d'Orvietto ou d'Acquapeudente au Saint-Sépulcre et les établissements
latins de Jérusalem au x* s., croit que cette donation est authentique;
l'instrument qui en reste aux archives des lk>uches-du-Rh6no est une
copie très fautive. = 18 mai. M. (iRKiïAiT expose le résultat de ses
recherches sur les mesures des assises de la grande pyramide de (iiseh;
il pense avoir retrouvé l'uniU» du système des mesures égyptiennes.
23. — Académie des Sciences morales et politiques. Compte-
rendu. 1883, avril-mai. — V»« G. d'Avknel. I^ budget de la France
sous Louis XIII; contributions directes, la taille; un (traite des exemp-
tions de cet impôt, que payait presque seul le (teuple des cam[»agnes; et
du recouvrement des tailles. Estime que la moyenne d'impôt dinH:t [»ayé
par les paysans dans les pays de taille fiersonnelle en 1^)31) s'élevait à
\o fr. par an, tandis quelle est aujourd'hui s<»ulement de il fr. ;
€ riiomme vivant du travail de ses mains payait 4 fois et demie plus
sous ïiouis XIII que de nos jours •). — Vuitrv. L'origine et l'établis-
sement de l'impôt sous les 3 premiers Valois ; suite à la 6* livr. (extrait
des Etudes sur le régime financier de la France, dont une nouvelle série
vient de paraître). := ô* livr. IL Do.mol. I-.e marquis de I^ Fayette;
pndiminaires de TinterviMition de la France dans l'établissement des
Etats-Unis d'Amérique (raa>nte les efforts tentés jKir le comte de liroglie
pour se faire donner en Amérique un grand commandement qui lui
piTuiit de revenir plus tard en France avec des états de service tels
qu'on no pût lui refuser le bAton de maréchal. Son projet échoua quand
le gouvernement, d'abord favorable à une intervention franraise en Amé«
...-.i-fc
448 RECUEILS PERIODIQUES.
rique, arrêta les premiers départs de troupes. Au lieu du comte de
Broglie, c'est La Fayette qui partit, mais subrepticement). — J. Zeller.
Adrien VI, un pape réformateur, 1522-23.
24. — Société nationale des Antiquaires de France. Séance du
4 avril 1883. = M. de Kermaingant annonce qu'il vient de découvrir,
dans la collection de M. de Hunolstein, un buste en bronze d'Henri II
analogue au buste en marbre conservé au Musée du Louvre. M. Gou-
rajod, à propos de cette communication, fait remarquer que Germain
Pilon exécutait les bustes des rois de France sous trois formes diffé-
rentes : en terre cuite, en marbre, en bronze. = Séance du 9 mai 1883.
M. DE ViLLBFOssE commuuîque de la part de M. Roman une inscription
votive, gravée sur un petit autel carré servant de support au bénitier de
l'église de la Piarre, arrondissement de Gap (Hautes- Alpes), contenant le
nom de la divinité topique Alambrona. == Séance du 16 mai 1883.
M. l'abbé Tbédenat communique, de la part de M. deLaigne, consul de
France à Livourne, une inscription chrétienne conservée au Musée de
Lucques et datée des calendes de mai, second post-consulat de Paulinus
junior, indiction xiv«, c'est-à-dire du i»' mai 536. — M. Gourajod
donne lecture d'un mémoire sur un buste du Musée du Louvre, dans
lequel on a cru voir le président d'Ormesson, mort en 1600, mais qui
représente en réalité, les textes anciens en font foi, le beau-père du pré-
sident, Jean d'Alesso, mort en 1572.
25. — Société de Thistoire du Protestantisme français. Bul-
letin. 1883. N* 4. — J. Bonnet. Laurent de Normandie ; fin. — Arrêt
du Parlement de Paris contre Laurent de Normandie et divers inculpés
d'hérésie, 7 sept. 1552. — Le protestantisme en Vivarais (Lettre de
M"« M. Fuzier sur l'évasion de M"« Coulongin, et sur le triste sort de
sa plus jeune sœur, détenue dans un couvent du Saint-î]sprit, 1734). —
Inhumation des protestants en France au xvni« s. (actes concernant
l'application en Bas- Poitou de l'art. 13 de la déclaration royale du
0 avril 1736). — Delorme. Un méreau inédit de la communion réfor-
mée. — L'amiral de Goligny jugé par le duc de Saint-Simon (extrait
du t. I dos Papiers inédits publiés par M. Faugère). = N' 5. Bonet-
Maurv. Farel et l'Église réformée de Metz, 1525-65. — "Weiss. I^
réforme à Orléans, de 1571 à 1574; 3 lettres de D. Toussain. — Extraits
des mémoires de Pierre Pons, du Pont de Montvert. — Une lettre aux
curés du diocèse de Montpellier, 11 août 1685 (le secrétaire de l'évèque
mande aux curés : l*» pour faire cesser la sécheresse, de dire à toutes
leurs messes l'oraison pour la pluie ; 2' de fournir à l'évèque la liste
exacte de tous les protestants de leur paroisse).
26. — Société des Études juives. Annuaire, 2*' année. (Paris,
Durlacher, 1883.) — Th. Reinach. Un mémoire oublié sur les Juifs, par
le prince de Ligne, 1797 (analyse). — M. Aron. Liquidation des dettes
de l'ancienne communauté juive de Metz en 1790 (d'après des papiers
de famille). — Isid. Loed. Les Juifs à Strasbourg, depuis 1349 jusqu'à
RKf.I'F.ILS PI^RIOniQrivS. 419
la Rt»vi)liitioii. = Uevuo. N« il ; janv.-mars 1883. IUudinet. (>)nditioii
civile dos Juifs du Oomtat-VonaiRsin poudant lo xv », (éludio les rap-
ports des IsraéliUîs avec le gouvcrnomout pontifical, avoc les juriscon-
sultos d'Avignon, avec la villo d'Avignon et les municipalités du
Cunitat ; montre que, malgré certaines charges particulières «jui leur
étaient imposées, malgré des pc^rsécutions passagères, ainsi à (iarpien-
tras, les Juifs du Comtat furent beaucoup mieux lraili»s i|ue le reste de
leurs confrères établis dans le reste de l'Europe. Otte étude fait suite
à celle du même auteur publiée dans la Hev. Inst., XII, 1 ; XIV, I). —
m. HoiiERT. Ktude hisUiricjue et archéologique sur la roue <ies Juifs
<lepuis le xin' s. — Aif. Stkrn. Mcnasseh ben Israël et Cromwell (le
Protecteur se montra très bienveillant à l'éganl des Juifs; publie
r» doc. c|ui en sont le témoignage). — Loed. Notes sur l'histoire des
Juifs en Espagne ; suite.
27. — Bulletin du Comité d'histoire et d'archéologie de Paris.
— N* 1. LoMiNON (Aug.). Topographie de l'ancien diocèse de Paris. —
DiFOiiH (l'abbé V.). État du diocèse de Paris en i78*J. I. Archevêché,
chapitre, administration centrale. — Hohallt de Flkiry (G.), (cime-
tière mérovingien de Montmartre, avec deux photogravures des orne-
ments ligures sur les sarcophages en plâtre découverts dans les fouilles
de l'église du Sacré-(^/<rur. — Madaune (abbé de). Mgr de Juigné,
archevêque de Paris. 1. Jeunesse et grades universitaires. — Plai.ne
(I>om). Messes d'un ancien sacramcntaire romano-gallican en l'honneur
de saint Denys, sainti» (ieueviève et saint Cloud. — Lai;hière (oh). Une
inscription du (Îampo-Santo de Pise (épilaphe de Achille (iuibert de
Chevigny, f IGHii. = N» 2. JoniN (abbé J.). Le prieure du Val d'Osne
à (iharenlon. — Frkxiy (Edouanl). Le monastère des Petits-Augustins
<ie Paris. — Dlkolr (l'ablH^ V.). Etat du diocè.se de Paris en 178'.^ II.
.Vrchidiaconé de Paris. Archiprélré de la Madeleine. — Didro.h (Ed.).
Vol au trésor de Saint-Denvs en 188*2.
28. — Bulletin de la réunion des Officiers. 188."). 5 mai et numé-
ros suivants. — L'armement, le tir et les feux de l'infanterie fninraisi»
depuis l'adoption des armes à feu jusqu'à nos jours.
29. — Revue historique et archéologique du liaine. T. XIII,
2* livr. 1883, i»*" trim. — Abbé Essault. Les livres de famille dans le
Maine (publie celui de Pierre Henri <le Ghaisne de (liasse, i7(>8-;<2). —
TiiniER. I-ra légende de la nMne Herthe et la f<»ndation des égli.si*s de
Fn»snay, Moitron, 8aint-Christophe-ilu-Jambet et S<*grie (cette légende
rejjose sur une base historique ; la reine Berthe de la léiçende serait
l'éiKuise divorcée de Il(d>ert le Pieux, bienfaitrice des populations du
I^rcon. Pas de jireuves positi\es d'ailleurs ; ce ne sont que des hypo-
thè.ses). — Vicomte de nA.*«TARi> d'Estano. Mariage de Florent de lias-
tanl et de Christophlette de la Houvraye, 9 juillet ir»?."». — E. m: Colu-
TiLi.oLEs. 1^8 tailles de l'élection de ChAteaunlu-Loir, 1712-56.
30. — Société des sciences historiques et naturelles de
450 RECUEILS PERIODIQUES.
lionne. Bulletin, 1882, 2« semestre. (Auxerre, 1883.) — Jolivot-
Ghartes de Téglise Saint-Pierre de Tonnerre (5 pièces, dont 4 du xii* et
une du xiv* siècle). — ]> G. Ricque. Les sépultures du plateau de
Ghauveau, près Vermenton, Yonne. — A. Ghalle. Histoire de la ville
et du comté de Joigny. — Vaudin. Michel Bourdin, sculpteur, et le
tombeau de Pierre Dauvet, seigneur de Saint- Valérien (ce tombeau se
trouve dans Téglise de Saint-Valérien, canton de Ghéroy, aux portes
de Sens. Biographie de l'artiste). — Monceaux. Entrée du roy GharlesIK
à Sens, le 15 mars 1563 (d'après la copie d'un registre des délibérations
de rhôtel de ville. G'est Jean Gousin, alors employé aux travaux de
sculpture et de décoration du château de Fleurigny, qui fut chargé de
décorer la ville). — Ge fasc. est accompagné des Tables analytiqties du
Bulletin pour la 2« série, 1867-78, par M. J. Golin. G'est la troisième
des tables décennales qu'a fait paraître la Société.
31. — Société d'archéologie lorraine. Mémoires. 3* série, 10* vol.
(Nancy, Wiener, 1882.) — L. Germain. Notes historiques sur la maison
de Lorraine (d'après l'histoire des comtes de Ghiny, publiée en 1880
par le P. Goffinet). — J. Rbnauld. L'ermitage de Saint-Joseph de
Messein, près de Nancy (fondé en 1676 par Michel Legrand). — H. Le-
PAOE. Une rectification à propos du travail intitulé : la famille du chan-
celier Michel de l'IIospital en Lorraine (M. Lepage avait indiqué parmi
les descendants de Pierre de l'Hospital un Médard de la Roche ; de
nouveaux documents prouvent que ce Médard n'appartient pas à la
famille du chancelier). — Abbé Jacquot. Notice sur l'abbaye d'Evaux
(fondée en 1130 par Ebal, comte de Montfort, neveu du comte de Gham-
pagne Thibaut II, supprimée à la Révolution). — M. de Sailly.
Anciennes paroisse et cure de Goinville ; situation de la paroisse ; ono-
mastique du ressort; patronage de Sainte-Glossinde de Metz ; ressources
et dotations ; ventes révolutionnaires. — L. Germain. Les tombeaux de
l'église do Lenoncourt. — F. Des RonERT. Journal historique de Bar-
thélémy Philbert, receveur des deniers patrimoniaux et de l'octroi à
Saint-Nicolas do Port, 1709-1717 (ce journal est écrit dans un senti-
mont tout lorrain, c'est-à-dire anti-français; il est en vers, et quels
vers ! Quelques faits curieux). — H. Lepage. Melchior de La Vallée, et
une gravure de Jacques Bellange. (Fils d*un orfèvre de Nancy, Melchior
outra dans les ordres et devint aumônier de Henri II, duc de Lor-
raine. Il baptisa la iillo du duc Nicole, qui plus tard épousa Charles IV.
Lorsque celui-ci voulut briser son union avec sa femme, il accusa La
Vallée do sorcollorio ; Nicole baptisée par un sorcier n'était pas chré-
tionno, et n'avait pu épouser canoniquement un chrétien ; son mariage
était donc nul. Melchior, arrêté en mai 1631, fut condamné à mort,
exécuté on soptombre, et ses biens confisqués. Parmi les pièces justifi-
catives annexées au présent travail, se trouve la note des frais de cette
procôduro.) — Bretagne. Monnaies gauloises inédites de Strasbourg. —
U. DE Souhesmes. La vérité sur la naissance du lieutenant général
RBCnBILS PlÎRIODIQnBS. 451
François do Chcvert (le grand-père de Clievert, Humbcrt de Chrvorl,
fut on 1637 nommé • vorgor » de la cathédralo do Vonlun, ofûco qui
entraînait exemption de la taille et dos logoments militaires ; son GU
lui succéda dans cette charge on 1GG3 ; François de Chevort, né le
2 février 1695, appartenait donc à une famille d'anoblis do Lorraine;
bien api)arenté, il entra on 1706 on qualité de volontaire au régiment
de Carné, où il obtenait presque aussitôt, le 18 août, le grade de sous-
lieutenant; il avait alors M ans et demi. Ce nVst donc pas le pauvre
enfant du peuple qu'on représente d'onlinaire, concjuérant sos grades
par autant de coups d'éclat). — Le Mercier de Morièkk. L'origine de
la maison de Chambley (se rattache directement à celle do Hrixoy :
Ferri de Brixey devint vers 1237 Ferri de Chambloy ; filiation des
Hrixey et des Chambloy au xiii* s.). — L. Cermaln. La croix d'alîran-
chissement de Frouard (parait être une croix élevée pour perpétuer le
souvenir do la concession do la « Loi de Heaumont > au village de
Frouard par Ferri, évoque d'Orléans, fils de Ferri III, le 18 fév. 1297).
32. — Société d'émoUUon de rAin. Annales. 16« année, 1883,
janv.-juin. — Jarin. La Bresse et le liugoy ; 10« et 1 !• parties. — Bkos-
SARD. Description historique et topographique de l'ancienne ville do
Bourg ; suite.
33. — Balletin d^hlstolre ecclésiastique et d'archéologie reli-
gieuse (Romans). 3* année, 5« livr. 1883, mai-juin. — Abbé J. Che-
valier. Mémoires des frères (»ay pour servir à l'histoire des guerres
religieuses en Dauphiné au xvr s. — !)«■ LM. Chevalier. Notice histo-
rique sur le Mont-Calvaire de Homans. — Abbé Laoier. L'abbaye de
N.-I). de Ijaval-Benito do Bressieux (son histoire de 1618 à la Révolu-
tion, d'après une relation manuscrite). — Abbé Cruvellier. Notice sur
l'église do N.-D. du Bourg, ancienne cathédrale do Digne ; suite. —
Nadal. Ix»ttre du pri*sidial de Valence au pa|)e Alexandre Vil pour
obtenir la canonisation do saint François de Salles.
34. — Société d'agricoltnre, sciences et arts d'Agen. Recueil
do travaux. 2* série, t. VIL Agon, 1881. — Bladk. Pmverbos et devi-
nettes populaires n»cuoillies dans l'Armagnac et l'Agonais; fin. —
Tamizev de Larroque. Lettres françaises inédites de Joseph Scaligor;
suite (important pour cotte partie do l'histoire littéraire, appelée [>lus
partirulièrement l'humanisme). — MA(iEN et Tholin. Tmis diplômes
d'honneur du iv s. (ces diplômes, gravés sur dos tablettes de bronze,
ont été trouvés près de Villonouve-sur-Lot. I^ [iromièro so lit : « Cl.
Lupicino, v. c. consulari maxime senonie ob inlustra mérita civitas
sononum patrono suo dotlicavit. > I^ seconde : « Cl. v. c. oonsulari
maximo senonio autissioduronsium civitas; tantis pro meritis felix
proNîncia per ti (sic) que tribuit tabulas, statuas decernere vellet. • \jl
3' : € Bectora si resecqt scrutans Aurolianorum hoc opus. • Ct*s trois
inscr. sont surmontées du chrisma).
35. — Revue de TAgeoais. 10« année, 1883, livr. 1 et 2. —Tholin.
452 RECUEILS PERIODIQUES.
Les cahiers du pays d'Agenais aux états généraux; suite (publie les
Remonstrances faites au Roy par les députés du pays d'Agenais à la
tenue des états généraux convoqués dans la ville de Sens en Tan-
née 1614); suite au numéro suivant. — Bladé. Quatorze superstitions
populaires de la Gascogne ; suite : fin au numéro suivant. — Proche.
Annales de la ville d'Agen , pour faire suite à l'abrégé chronolo-
gique des Antiquités; suite: septembre 1814 à mai 1815; suite au
numéro suivant. — A. Lagarde. Histoire de la ville de Tonneins ;
suite (résume l'histoire des Ferriol , seigneurs de Tonneins, du
xiii« siècle jusqu'en 1452, année où la seigneurie fut achetée par lo
célèbre Poton de Xaintrailles). = Livrais. 2-3. Gragnon-Lacoste. I^
famille Toussaint-Louverture à Agen, 1803-1816 (Toussaint était né en
1743 sur les terres du comte de Noé ; il devint majordome de M. Bayon
de Libertat, gérant lui-même de l'habitation Bréda; il épousa une
femme de sa couleur, de laquelle il eut deux fils : Isaac et S'-Jean.
Quand la guerre eut éclaté, Toussaint sauva la vie de ses maîtres ; plus
tard, il fit cultiver aux frais du trésor colonial l'habitation Tascher de
la Pagerio, parce que t le général, époux de Joséphine, combattait en
Egypte pour la patrie ». Quand Toussaint eut été transporté en France,
sa femme, ses enfants et une nièce furent déportés à Agen ; ils y furent
bien accueillis et bien traités. M»"« Louverture y mourut en 1816).
36. — Revue de Gascogne. 1883. 5» livr. — Abbé Ducruc. Notice
sur la paroisse de Cazaubon ; 1» les églises. — Plieux. Vicnau ; terres
et familles nobles ; fin. — T. de L. Lettre de Henri IV en faveur de
Scipion Du Pleix (lettres de Testât et office de lieutenant particulier,
assesseur criminel au siège présidial de Gondom, pour maistre Scipion
du Plaix, 23 nov. 1606). — 6* livr. T. de L. La marquise de Flamarens
(d'après les lettres de Chapelain). — Abbé Dudord. La persécution
religieuse à Solomiac et dans les environs, pendant la Révolution ;
suite. — L. Couture. Deux inscr. latines de Lectoure et d'Auch ,
1«»" art. (interprète la formule t non fui, fui, memini; non sum, » etc.,
contenue dans une inscr. chrétienne). — Ant. de Lantenav. Deux
lettres de L. de Trapos, arch. d'Auch, au cardinal de Sourdis.
37. — Revue des Basses-Pyrénées et des Landes. 1883. 5«livr.,
mai. — Jaurgaln. Troisvilles, d'Artagnan et les trois mousquetaires ;
suite. — Gabarra. Pontoux sur l'Adour et le prieuré de Saint-Caprais ;
suite. — DucÉRÉ. Lo théâtre bayonnais sous l'ancien régime; suite.
— Brutails. De la prétendue charte d'affranchissement de Morlaas,
1101 (n'est que la remise faite par Gaston IV de Béarn des redevances
on nature que lui devaient les habitants). — T. de L. Documents iné-
dits pour servir à l'histoire de la ville de Dax ; suite; lettres du maire
à Catherine de Médicis et à Charles IX. — Labroughe. Armoriai géné-
ral do 16% ; partie do Guyenne et Béarn ; avant-propos, suite.
38. — Historische Zeitschrift. Nouv. série. Bd. XIII. Heft 3. —
RBCUBILS PERIODIQUES. 453
Lknz. I^a guerre de la liguo do Snialcade contre Charles V sur le
Danube; 1" art. (d'apn'»» los archives de Marbourg; fait ressortir au
début le fait quo les confédérés ne furent nullement pris au dépourvu
par la déclaration de guerre ; qu'ils l'avaient au contraire pnWue depuis
longtemps, et qu'ils s'y étaient prépart»s). = (lomptes-rendus. Gilbert.
Ilandbuch der griechischen Staats-altenhiimer, M. I (met le lecteur
au courant des travaux les plus récenu, donne d'utiles renseignements
sur les sources et les inscr., discute avec sagacilé nombre de points de
détail controversés, mais l'ensemble est défectueux ; l'auteur ïi'a pas
su dominer sa matière ; l'expose qu'il trace des institutions primitives
«rAthènes et de Sparte est tout û fait insuffisant). — KralL Studien zur
(îescbichte des alten Aegypu*n, IW. I (ces études portent surtout sur la
chronologie égyptienne, et sur l'année de 3l»5 jours employée déjà
1800 ans avant J.-C. dans la vallée du Nil). — SrhuHircz. Die Demo-
kratie, Dd. I (ce premier volume porte sur la démocratie athénienne ;
une vaste érudition ; une [irofonde connaissance de l'antiquité grecque,
mais l'auteur juge la démocratie athénienne avec ses préventions |>er-
sonnelles ; il concède que les Grecs ont beaucoup fait dans les arts et
le drame, mais en fait de politique, ils sont n»st*»s des enfants). —
Pcthhnann. Die Anfa»nge I{oms (traite do rélabliss«*ment primitif des
I-atins en Italie; estime que le peuple romain est un rameau des latins
et mui un mélange de plusieurs tribus ; essaie de reconstituer les ori-
gines de Rome à l'aide d'analogies emjiruntées «i d'autres [leuples, mais
qui manquent do ccmsistance). — lleidenreich, Livius und die nrmische
I^lebs (instructif). — Sachau. Ueber die Lage von Tigranocerta (résout
cette question de géographie historique : Tigranocerte se trouvait sur
les pentes du mont aiipelé Masius par Tacite et Taurus, auj. Tor |)ar
Strabon, h l'endroit appelé auj. Tel Ermen, à II heures de chemin au
sud de Nezib). — Richtrr. Zeittafein der deutschen (iesrhichte im MitU^
lalter (bien fait et très utile). — L. von Jleincmann. Heinrich von Draun-
schweig, Pfalzgraf iKîi Hhein (bon). — Kaltnrr. Konrad von Marburg
und die Inquisition in Deutschland (fait avec beaucoup de soin et
d'impartialité par un écrivain catholique). — Piderit. (îescbichte dor
Ilaiipt-und Hesidenzst^idt Kassel (nouvelle édition romanitM», fort aug-
mentée, mais sans valeur). — (Htn. Das Merkerbuch der Stadt Wies-
Iwulen (bon). — llamnwran. L'rg»»schichte von Franklurt a. .M. und der
Taunusgegend (bon). — I*ublications de l'Académie de Cracovie, et
«autres ouvrages relatifs à l'histoire de la I*oIogne. =r IW. XIV, lleft I.
W. .Mai RK.NRKECUKK. (Contributions à Thistoire d'Allemagne, de ir)5.j à
I.Vil» (de la [Hilitique de Ferdinan<i I" dans l'affain» du vicariat de
l'empire en Italie conféré par Charles-C^uint à son fils Philippe II ; d«*
ses etYitrts pour maintenir la i>aix d'Augslxiurg, que rextn*me !assitude
des (Kirtis avait fait signer et qu'il fallait maintenir à tout prix, etc.).
— (îAKi)KKB. ï/«*s travaux récents sur Marie-Stuart (art. im(>urtant). =
(]<»mples-nMidus. Uorawitz, Krasmus von Rotterdam und Martinus
Lip<ius (détails intcress;ints sur un ms. contenant une corn^spondance
454 IBCUBILS PBtlODIQCBS.
encore inédite d'Erasme avec Lipsias). = Lto. àleine Jagendzeit (four-
nit des renseignements sur la vie des universités allemandes dans le
premier quart de ce siècle). — Hoschinger. Preossen im Bondestage,
1851-59 (documenta importants). — Mecklenburgisches Crkundenbuch
(ce recueil comprend 12 toL; le 12* contient une bonne table des
matières). — Waltenbach. Beitnege sur Geschichte der Mark Branden-
burg aus Handschriften der k. Bibliothek (excellent). — Dietrichs et
Parisius. Bilder aus Altmark (bon). — PetzhokU, J. P. von Falkenstein
(peu intéressant ; le r61e joué dans les événements de 1866 par Falken-
stein est passé sous silence). — Mayer, Die œstlichen Alpenlaender im
Investiturstreite (bon ; impression trop négligée). — Publications rela-
tives à l'histoire de Hongrie en 1881. — Un mémoire de Mettemich
(rédigé par Gentz sur les données fournies par M., à Troppau, 1820;
le prince y expose un plan de constitution pour la Prusse).
39. — Neues Archlv. Bd. VIII, Heft 3. Baumann. Les livres des
morts des évêchés de Cîoire et de Constance (analyse et extraits) . —
Wattenbach. L'œuvre paléographique du comte de Bastard (reproduit
l'art, de M. Delisle dans la BibL de l'Éc. des chartes, en y ajoutant
quelques remarques et une table de concordance avec Teiemplaire de
la bibliothèque de Berlin). — Zeumer. Sur les recueils de formules
alémanniques (formules alsaciennes de Murbach et de Strasbourg ; for-
mules de Rcichenau et de Saint-Gall ; étude détaillée sur les divers
manuscrits qui les contiennent). — Loewenfeld. Bulles originales des
papes conservées aux Archives nationales de Paris, de Formose à
Célestin III (liste de ces bulles avec la cote de celles qui sont inédites).
— Bresslau. Fundatio ecclesiae Sancti Albani Namucensis (publie un
texte amélioré de cette pièce, avec des éclaircissements sur les premiers
comtos de Namur). — Zeumer. Fragment d'un ras. de formules du
IX* siècle (ce ras. est à la bibliothèque de Munich). — Ewald. Les
lettres dos papes de la collection de Turin (publie un fragment d'une
lettre do Jean VIII à l'empereur Charles le Chauve, au commencement
do 87G). — May. Un ras. de Bertold et Bernold à Aarau (description).
— H(KHLDAUM. Les annalcs de Dûnamùnde (dans un ms. des archives
do Roval ; écrit au xiir et au xii° s. ; il offre peu de valeur). — Ber-
NOUiLLi. Annales Parisionses (brèves notices allant de 1335 à 1417, et
relatives à l'histoire d'Allemagne ou à celle de la Haute-Alsace ; elles
sont de la main de Erhard d'Appenwiller, qui fut chapelain de la
cathédrale de Bàle de 1639 à 1G7I ; il avait un frère moine au monas-
lèro cistercien de Pairis, dans les Vosges, et c'est sans doute de là qu'il
tint les Annales qu'à son tour il remania au xvn« s.
40. — Forschungen zur deutschen Geschichte. Bd. XXIII,
Iloft 2. — IIartfelder. Strasbourg pendant la guerre des paysans en
1525. — ZiJRiJONSEN. La ligue rhénane pour la paix publique de 1254
dans le nord do TAllemagne et aux Pays-Bas (la formation de cette
ligue, dont on a peut-être exagéré l'efficacité immédiate, a du moins
BBCUBfLS P^BIODIQUES. 455
préparé ce mouvement de concentration qui devait bientAt aboutir à la
grande association de la hanse). — H. von Eickbn. La légende de Tan
mil (étudie la question dans les chroniqueurs allemands, et montre que
pas plus en Allemagne qu'en France on ne crut sérieusement à la tin
prochaine du monde). — pFLroK-IlARTTUNo. Une formule de couron-
nement du roi d'Angleterre (d'après les mss. cotton. Tib. B. VlU, et
Claud. A. IIÏ ; il n'est pas possible de dater exactement l'époque où
cette formule fut rédigée ; mais elle est fortement empreinte des idées
romaines). — J. Caro. Sur un passage des Annales Heinhardsbrun-
nenses, 1*220. — Rezek. L'élection impériale de 1519 (publie une
longue relation en latin adressée aux états de Hohéme par le roi Louis).
— NoACK. L'entrée de Charles-Quint et de Ferdinand !•' à Aix-la-Cha-
pelle pour le couronnement, r2 janv. 1531. — Lossen. Les prétendues sym-
pathies de 1 evéque de Wurzbourg, Jul. Echter, pour le protestantisme.
41. — Archivalische Zeitschrift. IM. VII. Munich, 188*2. —
CoNTZEN. Les chartes de l'évéché de Wur/.bourg (il y avait déjà au
xrv« s. à Wurzbourg des archives dont parle avec détail au xvi* l'his-
torien Fries. Brève biographie des archivistes depuis le xv s. Liste
détaillée de tous les monastères et pays de l'ancien ôvéché de Wurz-
l>ourg, dont les fonds sont entrés aux archives. Des pertes qu'elles
subirent et pour quelles causes ; deux mille documents environ fun^nt
retrouves en 1860). — Neim)euoer. Sur l'histoire des archives bava-
roises ; suite (fait l'histoire de ce qu'on appelle les archives se«:rètes à
Munich, avec la liste de leurs archivistes et chanceliers depuis 1261.
Biographie détaillée des chanceliers du xvii* et du xviii* siècle; des
efforts réitérés accomplis au siècle dernier pour mettre en ordre les
archives ; du mode de classement qui y fut employé). — WiîrrBB.
Fragments d'une histoire d'archives d'État autrichiennes (archives de
Wiener-Neustadt depuis le xi\^ s.; leur classement au xviii» s. Intéres-
sant pour l'histoire des idées et des nueurs). — Pirckmayer. CiOlbn^tion
de pièces pour les archives du pays de Salzbourg (l'auteur avait
été chargé do réunir ces pièces ; il publie ici son rapport sur celles
qui existent encore à Salzbourg; il en donne la cote et la date). —
Bossert. Extraits des archives des seigneurs de Weinslierg à Œhrin-
gen (biographie de Konrad de Weinsberg, 1-415-48, d'après les archives
de cette famille qui a joué un rôle historique important. Conrad était
Chambrier hénniitaire de l'empereur Sigismond ; la pré.sentc publica-
tion jette une lumière nouvelle sur le règne de ce prince). — Ik)WAL-
Lius. Addition à l'histoire des archives de Christian II, roi de Dane-
mark (raconte comment les archives de ce mi fugitif, tomln^es aux
mains des Ifcivan>is, rentn»rent en la possession des puissances du Non!,
et comment elles furent [«rtagtvs entre les trois royaumes de Suède,
N<»rvège et Danemark). — Lali.h. I/es archives d'État russes à Witebsk
(expose comment est organisé cet établissement et ce qu'il contient ; à
noter entre autres des pièces importantes relatives à l'insurrection
polonaise de 1830). — Inventaire méthodique des archives du pays
4^ KlCrCUft PtBMWH^CES.
ÏOi'fiskrfÀ.*^ ; tuiXh Afi^ uxtiotA reUtiTe» anx fumH» noble? de DaiTiére^.
— AfSkACtsn, Vû:^:^ mililaires acx arcbires générales de BaTÎère ida»-
M^%^tii ziiS»\s\âf\ikH de ce» piéc<^ Irêâ mtére«Huite$. SQitoat pour la
gioirrr^ d^ pa>>aa#. If^ ^ip^^iiloos uuriaef pendaDt la guerre de Trente
^i^, 1^ {fo^Ti^r* de la KévoiatioD et de l'empire,. — Von Pfixgk-Habt-
TL'Vi. I>74 archives de» plus anciens papes r traite en grand détail des
forrne» employées dan< les arclÛTes pontificales : écriture, enjollTe-
ment*, alir«?%'iatiorif, lettre», etc./. — ï>e plus récent règlement pour la
TfJormft do «enicc aux archives de Bavière. — Von HoraKuoHE-WAL-
vesHVkh. .Sceaux étrangers employés pour sceller les chartes (explique
le$t f;a« ou pareille choj^ fiousait arriver, avec des exemples à Tappiii).
— Von Weech. Des j>ceaux en malthe tla malthe est un mélange de
cire et de plâtre. Grotefend avait nié lexistence de pareils sceaux ;
Fauteur la prouve en donnant les résultats d'analyses chimiques/. —
Von lycHEB. De l'organisation des archives ; suite. — lo. I,es archives
du r;«rcle de Nur*»mber^ dans leur nouveau local. = Comptes-rendus.
Lirulner. Das L'rkundenwesen Karls IV und seiner Nachfolger, 1346-47
{UtTX). — UUt. Urkundenlehre umfassend Diplomatik, Paléographie,
(Chronologie und Hphragistik (très bon). — Von Hohenlohe-Waldenburg.
HphragiKtische Aphorismen (très bon). — Hildebrand. Svenska Sigiller
frAn Modeltiden f remarquable). — Statistica degli Archivi délia regione
veneta (bon). — L'archivio di stato in Venezia, 1876-80. — Hahlhaum,
Mittheiiungen aus dem Stadtarchiv zu Kœln (bon). — Magazin des
.Moskauer Ilauptarchivs des Ministeriums der auswaertigen Angelegen-
heiU'n (bon).
42. — Historisches Taschenbuch. 6< série. Jahrg. I, Leipzig,
1882. — Hhksslau. Mario Stuart et les lettres de la cassette (des 8 lettres
(le .Mario à Bothwell, 7 doivent être tenues pour fausses; la 8« a été
conifjosée par les accusateurs sur un fondement en partie vrai. Lors-
qu'cîii janv. iri(J7 Marie se rendit à (ilasgow, elle eut des rapports illi-
citoH avcîc Hotliwcll, et noua avec lui l'intrif^ue qui aboutit au meurtre
iU' Darnley ; la réconciliation avec Darnley malade était donc une
feinte, ainsi que l'enlèvement de la reine par Bothwell; cependant la
conij)licité directe de Marie dans le meurtre de Darnley n'est pas prou-
vée). — (î. von NooRDEN. Lord Bolingbroke (sa biographie. Apprécia-
tion élogijMise de sa politique. Ses négociations avec le prétendant en
1713-l''i eurent pour base; la conversion du futur roi au protestantisme,
condition (jui rendit vaine toute tentative de restauration). — Keller.
Sur l'histoire de la rélormation catholique dans l'Allemagne du N.-O.,
ir»:HMJ''i (surtout dans les pays de Juliers, de Glèves et de Berg; la
réforme catholirjue y prit un caractère particulier, à cause de l'exis-
leiice d'un parti catliolicjue intermédiaire, analogue à celui de la haute
Mglise (Ml Angleterre; attaijue par les catholiques et les protestants, ce
parli dis[»arut sans laisser de traces. L'auteur e.xpose en grand détail
les l(Mi(lanc(»s de ce parti). — Benuath. Un procès d'inquisition en 1568
(contre un pailre l^ulelo Vigo de Venise; explicjue la constitution du
BECCETLS PlfBIODTQCKS. ATfl
tribunal do l'inquisition dans cette ville). — ScHOMnuROK. Pack et ses
intrigues (pour avoir de l'argent, Pack, ambassadeur du duc de Saxe,
avait promis au landgrave de liesse qu'une ligue des princes catho-
liques se formerait contre le duc (leorges de Saxe ; celui-ci lui lit fain»
son pnK«*s. Suit le récit de la lutte litU?raire qui s'engagea à cette occa-
sion entre Luther et le duc). — ItixTER. I-a iwiix religieuse d'Augsbourg
en 1555 (analyse les conditions de cette j)aix et en montre Fimpor-
tance ; sans doute elle donnait la liberté de c<»nscience, mais limitée
d'une faain grave et oppressive). — IIkrrmann. I^ cour de Hussie sous
rimi>éralri(*o Klisabeth, 17V2-54 (d'après les ra])ports des ambassadeurs
saxons à Saint-Pétersl>ourg; le règne d'Klisabeth se distingue à son
avantage des précédents en ce qu'elle s'appuyait sur des hommes
capables de continuer l'œuvre de Pierre le Grand). — Maurunhrkchek.
De l'impartialité en histoire (tout homme sérieux et ami de la vérité
ne [)eut .se faire de l'histidre générale une idée qui soit en contradiction
avec les résultats de ses propres travaux. Tous les historiens qui s'ef-
forcent d'atteindn» à « l'objectivité > en matièn* de travaux historiques
devn>nt s'entendre, non seulement sur les faits matériellement consta-
tes, mais sur le jugement à porter des choses et des hommes).
43. — Gœttingische gelehria Anseigen. 1883. N» i5. — Basset.
Ktudes sur l'histoire d'Ethiopie (contient le texte éthiopien «l'une chn)-
niijue importjinte pour l'histoire du pays au xvi* et au xvn» sii»cle;
traduction ; commentaire très copieux. Publication précieuse). = N» II».
Chuvlsun. (>»rpus inscriptionum semiticarum. = N» 17-18. Kuntze.
Pn)legomena zur (ie.<chichte Roms : oraculum, auspicium, templum,
n»gnum (détails intéressants et nouveaux ; mais l'auteur ne fait guère
que résumer quelle éUiil sur ces points l'opinion des écrivains du der-
nier siècle de la Republique; ce n'est pas un tnivail proprement histo-
rique). = N* 19. .\eumann. I)as Zeitalter der punischen Kriege (publié
d'apnV les papiers de Neumann et continué par Falting ; il y a de
lionnes parties, mais des erreurs, et trop peu de souci des sourcils). =
N* ÎO. Undner. Das l'rkundenNvesen Karls IV und seiner Nachfolger,
i3W*>-14M7 (ensemble excellent ; des taches de détail assez nombn'uses).
— Meyrr von Kwmau. IJrkundenbuch der .Xbtei St. italien ; th. III,
îl'îO-I^GO (annonce par Téditeur lui-même».
44. — Gorrespondenc-Blatt der dentachen OeseUschaft fOr
Anthropologie, Bthnologie nnd Urgeschichte. Jahrg. XI, 1S80. —
Ii\UL-Hû«:KARD. I^i plus ancienne population du Tyrol (montre les
trari's encore visibles de l'ancienne pojnilation rhéto-romaine). --
H. W'aciEner. U» pas.sai^e de l'Knis jwr Germanicus en Ift ap. J.-C.
^commentaire minutieux de Tacite, Annal. ^ II, 8). — Hirsian. Sur les
antiijuiti»s cy[)riotes d«»ciuivertes par Cesnola. — Kayskr et Lis.*iAiER.
IX»s travaux géographiques de Ptolémée par rap]Hirt à la Prusse occi-
dentale (d'aprt's le livrt» do Sadowski sur les routes de commerce vers
la Ikilliqui'). — Von d<»r Wr.MiEN. Urnes trouvées en Silesie. — W. von
Uev. Histor. XXil. *2* F ASC. 30
458 RECUEILS Pé&IODIQUBS.
Christ. La Troade (d'après les travaux de Virchow). — Rapport sur la
ii« réunion de la Société allemande d'anthropologie à Berlin en 1880.
= Jahrg. XII, 4881. Em. Stochr. Rapport sur les découvertes d'objets
préhistoriques et sur les travaux récents relatifs à ces découvertes en
Italie. — Flioier. Objets étrusques trouvés en Styrie et en Carinthie
(ces pays, et non la Rhétie, furent la demeure primitive des Étrusques).
— MucH. De la manière de rechercher les constructions sur pilotis. —
ScHiERENBBRQ. Le pRssagc de FËms par Germanicus (ce n'est pas seule-
ment TËms, mais le Weser, que l'armée romaine a franchi en 16 ap.
J.-G.). — BURSIA.N. Rapport sur le livre de M. Schliemann /It05 Stadt
und Land der Trojaner, — Mehlis. L'archéologie du Hunsriick (rapport
sur les plus importantes des fouilles récentes de tumuli, de l'époque
romaine). — 0. L. Rapport sur les plus récentes découvertes préhisto-
riques en Amérique et sur les travaux qui en ont été l'objet. — Kohn.
Nuages et vent, éclairs et tonnerre (parle du récent ouvrage de
Schwartz). — Bezold. Le plus ancien peuple civilisé de Babylonie
(parle des derniers travaux de Rawlinson, Haupt et Delitzsch). — Rap-
port sur la i2« réunion de la Société allemande d'archéologie tenue à
Ratisbonne en 1881 (avec des notes nombreuses sur l'archéologie et
l'histoire primitive). — Rapport sur la 2« réunion des anthropologistes
autrichiens à Salzbourg.
46. — Nene Jahrbncher fQr Philologie und PsBdagogik.
Bd. GXXV u. GXXVI, Heft 12. — Du Mesnil. Sur la Germanie de
Tacite (rectifie une leçon dans Germ. 46, où les Fenni se nourrissent
de viande (ferina) comme le sens le demande, et non d'herbes, comme
l'indique le texte reçu). = Bd. CXXVII u. GXXVIII, Heft 2. Glassew.
Le rapport de Bœtticher sur Olympie (parle avec éloge du livre, sans
en faire une critique approfondie). — Sorof. L"ATcaYa)yTfî dans les pro-
cès criminels (tout d'abord un meurtrier à Athènes ne put être mis en
prison que s'il avait commis un autre crime ; plus tard le cas de flagrant
délit suffit. L'auteur -s'appuie sur des passages d'orateurs attiques). —
HiLLER. Inscr. de Métaponte (corrections au texte de cette inscription
grecque publiée par M. Gomparetti dans la Rivista di filologia^ XI, 1 ;
c'est une inscr. métrique).
46. — Hermès. Bd. XVII, Heft 3, 1882. — 0. Richter. Les Fabius
à la Grémère (la campagne des Fabius est une entreprise héroïque pour
rompre, par rétablissement d'un chàteau-fort près de la basse Grémère,
l'alliance si dangereuse pour Rome entre Yeies et Fidènes. Le nœud
de toutes les guerres entre Rome et Veies se trouve à Fidènes; ce
point pris par les Romains, le sort de Veies était consommé ; à com-
bien se réduisent en réalité les guerres contre Fidènes dont parlent les
annalistes romains, et quel en fut le résultat, on ne peut le dire). —
MoRDTMANN, MoMMSEN, RoEHL et KiRGHHOFF. Quatrc articlos sur les
inscriptions fausses publiées par M. Fr. Lenormant, que l'on prie
de répondre aux attaques dirigées, contre lui et de se justifier du
RECUEILS PERIODIQUES. 459
soupçon de falsification qu'on a fait peser sur lui). — Momhsen et
Cil. HoDERT. Le roi Philippe V de Macédoine et les habitants de
I^arissa (texte et explication do i'inscr. déjà publiée par Lalling dans
les MiitheiL d. d. archxol. Instituts zu Athen, sur les événements de la
(in»ce sept, à l'époque de la guerre d'Annibal. Très intéressant). —
(]. DE BoOR. L'historien Trajanus. — Mommsen. Une inscr. théi^trale de
Philippe. = M. XVIII, Heft 2, 1883. Mommsen. I^^es colonies de
citoyens établies en Italie, de Sylla jusqu'à Vespasien (cherche, d'après
les témoignages dos autours et des inscr., les colonies que l'on peut
réollemont attribuer à Sylla, à César, aux triumvirs, à Auguste. Montre
comment a éti) faite la liste des colonies qui se trouve dans Pline.
Dresse à la fin un tableau par ordre alphabétique de toutes les colonies
italiques établies do Sylla à Auguste, avec le nom de leurs fondateurs).
— Sekck. l^s préfets do la ville dans Ammien Marcellin (montre que
la liste de leurs noms telle que la donne A. M. est presque complète,
et dresse d'après cela une liste générale de ces préfets avec la durée de
leur charge, pour les années 353-374). — Fr.exkel. I^e sens du mot
Ti'iir^pLa dans le système des impôts en Attiquo, d'après une inscription
publiée dans la Rev. arch. en 18C6 (Hodbertus s'est trompé sur le sens
do ce mot; Ikpckh avait bien vu qu'il désigne un tant pour cent sur le
revenu).
47. — Rheinischea MaMam fAr Phlloloffie. Bd. XXXVIII,
Hoft 2. — Unoer. Les Cassitérides et Albion (les noms de Gassitérides
et d'Albion ont été assez tardivement employés pour désigner les îles
Scilly et la Bretagne ; l'auteur identifie les Gassitérides anx rochers
situés à l'est du cap Finistère, et en particulier Albion à l'île de Por-
tocolo. Il cherche à identifier plusieurs localités du périple d'Avienus;
ainsi le contrefort Ostrymnis est le cap Saint-Vincent ; Ophiusa est la
grève d'Alemtejo ; le cap Argyrium est le cap Carvociro, etc.). —
lUuNACK. Sur le mot lacédémonion Ka<r<n)paT6piv et sur la ^po\kax(oL
chez les (trocs (le premier de ces mots, mentionné dans deux inscr.
laconiennos avec le sens de combat, équivaut à Kara-i^pxt&ptov et s'ap-
plique aux courses de taureaux qui, dans l'opinion de l'auteur, eurent
liou dès le !•' siècle dans plusieurs endroits de l'Asie-Mineure, où ils
furent importés de Home, et, en dernier lieu, de Thessalio). — Rohde.
Un fragment négligé do Ptolémée Lagus (désigne comme tel un pas-
sage au 15« chapitre du panégyrique de Synesius sur la calvitie). —
Hi'soLT. Les villes chalcidiques pondant l'insurroction samienne (l'étude
dos listes de tributs do l'an 440-439 amène l'auteur à cette conclusion
que les six villes de Stolos, Spartalos, Sane, Skioue, Assera, Maroneia,
rofuw'»rent le tribut pendant l'insurrection samienne, et en conséquence
furent punies). — In. Les frais de la guerre samienne (ne montèrent pas
à 1 ,'200 talents, comme le croit Ëphore, mais à 2,000, qu'ensuite Samos
dut rembourser). — 8ch.£fer. Le règne de PîPrisades I«', roi du Bos-
phore (publie une inscr. d'après laquelle, dit l'auteur, I*a*risades I'*" et
460 RECUEILS PÉRIODIQUES.
Bpartakos III auraient régné conjointement pendant 5 ans, à partir de
Fan 347 ; Pœrisades occupait la moitié orientale du royaume).
48. — Leipzlc^er Studien znr classlschen Philologie. Bd. IV.
Leipzig, 1881. — Lipsius. Mélanges (l® les archontes athéniens ont
déjà eu, pendant la durée de leurs fonctions, rang et voix dans l'Aréo-
page ; 2* Hellonikus n'est pas antérieur à Hérodote ; dans les scholies
d'Aristophane, son nom a été confondu avec celui de Philochoros;
3* dans le calendrier des Béotiens, TAgrionios avait le 4« rang, le
Pamboiotos le 10«). — Gl/Esser. Fragments de Varron dans Plutarque
(indique avec sagacité tous les passages où Plutarque a indirectement
utilisé Varron, surtout par l'intermédiaire du roi de Maurétanie Juba,
car il est peu probable que Plutarque ait directement puisé dans Var-
ron. Critique péaétrante des travaux antérieurs sur le sujet). — Voigt.
Contribution à la mythologie d'Ares et d'Athèna (Ares était à l'origine
le dieu du soleil et de la mort. Ëtudie les manières différentes dont
Ares était honoré à Tégéo, Olympie, Thèbes, en Etolie, etc. ; la légende
de Persée, de la Gorgone et d'Andromède ; les rapports entre Ares et
les Erinnyes ; l'expédition des Sept contre Thèbes). — G. Curtius.
Mélanges épigraphiques.
49. — Mithellangen des deutschen archœologischen Institu-
tes in Athen. Jahrg. VII, Heft 4. Athènes, 1882. — Rangabé. L'Erech-
theion, d'après de nouvelles fouilles et de nouveaux relevés. — Lollino.
Sur la Thessalie ({^ publie trois décrets que M. Mézières avait donnés
d'une façon très incomplète; il en fait très bien ressortir l'importance
pour l'histoire de la ligae des Magnésiens à l'époque de Mummius et
jusqu'à Auguste. Esquisse une histoire des institutions politiques de la
Thessalie depuis 196 av. J.-C; 2* publie trois décrets et une inscription
théâtrale de Larissa). — Kcehler. Une inscr. choragique de l'Attique
(revise et explique l'inscr. publiée par Kaibel dans Epigr. graec, 925).
— Latischew. Sur l'épigraphie de la Béotie et de Lamia (texte et com-
mentaire de vingt-trois inscr. en grande partie inédites). — U. Koehler.
L'inscr. des Glérouques à Samos (travail d'ensemble sur divers passages
de l'inscr. publiée par G. Curtius, et qui sont instructives pour l'his-
toire des institutions de Samos; ajoute une liste de variantes fournies
par la collation de l'inscr. faite par Soleriu). — Kcehler. Monnaie de
fer du Pélopouèse (à propos d'une pièce conservée au musée des
médailles de Berlin ; elle provient d'Héraia en Arcadie ; ici, comme à
Argos et à Tégée, on a dû frapper le fer avant le cuivre). — HbuomèA»
Terres cuites de Tanagra. — C. Robert. Un bas-relief
FuRTW.ENGLER. Sur les sculptures de Snnion. — H.
de la rangée d'arcades construites à l'époque romaine
(les- Vents » d'Andronicos (nouvelle collation et coi
50. — Neues Archiv fur SsBol iB^**-
Heft 1-2. Dresde, 1883. — Knothe. Les d»»** - -
slaves dans les pays wettiniens du xf *-
RECUEILS PRRI0DIQUB9. |f)|
pays situé ontro la »Saalc et la Neisse, cinq clauses de vassaux qui out
sunécu à la (lumination slave; expose avec détail les obligations do
chacune d'elles. Au xv« et au xiii* s., le droit slave était encore im(K>s«*
à la population allemande, re qui conduisit à l'agitation sociale du
XVI* s.). — ({(KHRicHT et Meisner. Un livre de compte de Ilans Uundt
(le noble Ilans Hundt était bailli en Saxe lors du pèlerinage de l'élec-
teur Frédéric le Sage à Jérusalem on 1493-04. Son livre de compte
complète les renseignements de Spalatin et de Sluder sur ce voyage,
et contiennent des détails importants pour l'histoire des id(>s et des
monirs. Texte et commentaire). — Hichteb. I^e Jobannis-Spiel à
Dresde (d'après d'anciens compt(»s). — Stechk. De quelques construc-
tions monumentales en Saxe (les électtnirs de Saxe au xvi«et au xvii«8.
étaient de grands bâtisseurs; insiste en particulier sur le monument de
l'électeur Maurice). — DrHKHARnT. Après la bataille d'Iéna (publie un
très intéressant rapport adressé par un prètn* français, l'abbé Henry, au
duc Charles-Auguste, sur les démarches qu'il multiplia en faveur de la
ville d'Iéna après la bataille, et sur les audiences qu'il obtint de Napo-
léon. A la fin l'auteur donne quelques détails biographiques sur cet
abbé). = (>)mptes-rendus : Stœwer, Albrecht (1er Iteher/.le von SacliS4»u
als Reichsfeldherr gegen Mathia8(A)rvinus von llngarn 1487 (beaucoup
de fautes). — Ehse. Geschichle der Pack'schen Ha»ndel (n'est pas irré-
prochable). — Schulze, Dio sa»chsischen Ilausgesetze (l)oni.
61. — K. Bayeriache Akademle der IVUsanschaften. Philos.-
philolog. (îlasse. Abhandlungen. Ikl. XVI, 3« Abtheil. Munich, 1882.
— Unoer. Cyaxare et Astyage (1* il faut placer le prix de Ninivo par
('yaxare dans la "2* année de la i6' Olympiade, soit en 595-504 ;
^1' l'inscr. de Rassani jnirte qu'Astyage fut fait prisonnier; cet événe-
ment doit se rapporter au second soulèvement du personnage ; 3* la
Bible désigne par Darjavesch (le « Darius des Mèdes ») Astyage, et par
Akschwerosch, ou Assuérus, son père ( 'yaxare (IJvakhsatara); 4» l'eclipse
de soleil dite du philosophe Thaïes se rapporte à lan 585. D'ailleurs en
général l'auteur explique longuement la chronologie d'événements de
l'histoire lydienne, perse, babylonienne, assyrienne et égyptienne, en
s'appuyant sur ce fait, noté par l'inscr. de Hassiim, que le renversement
d' Astyage doit être placé en l'an 550). = Histor. (Masse. Abhand-
lungen. Bd. XVI, Abtheil. 2. Munich, 1882. — Klixkhohn. ExtraitA
des papiers mus. laissés par \Ve8tenrie<ier (apri*8 une courte bio-
graphie de cet écrivain, viennent des notes sur les événements
sonrenus à Munich en 1780-1820 et en imrticulier sur la visite du
pape Pie VlàManieh, sur les sentiments du peuple de la ville, hostiles
à Télecteor Charles-Théodore, sur les événements militaires et l'im-
presaioii qu'en ressentirent les bourgetiis de Munich, etc.). — Preukr.
Lca débuta de la lutte politico-ecclésiastique sous Louis de Bavière;
tt Ai. MU., XXI, 414.
""Sfl^ «- lHtifcrtl«m<m der Geachicbu-ond Alterihamafonaclien
462 RECUEILS PÉRIODIQUES.
den Oesellschaft des Osterlandes. Bd. YIU. Altenbourg, 1882. —
Lgebe. La forôt de Schauenforst, et les ruines du même nom (histoire
du château des comtes d'Orlamûnde et de Gleichen). — Id. Le château
de Posterstein (avec une critique détaillée des travaux antérieurs sur
l'histoire de cette place). — Id. Notes sur les paroisses de Saara et
d'Altenkirchen. — L). Une ordonnance sur les mariages de la ville
d* Altenbourg, 1577 (texte et commentaire). — Von Hopffoarten-Heid-
LER. Extraits d'un rapport adressé au duc Philippe d' Altenbourg par
les ambassadeurs qu'il avait envoyés à Vienne en 1621 (envoyés pour
demander l'investiture de plusieurs ûefs).
53. — Archiv fflr œsterreichische Greschichte. Bd. LXFV,
2* Hœlfte. Vienne, 1882. — Hibn. L'archiduc Ferdinand de Tyrol et
révôché de Trente, 1567-78 (récit très détaillé d'une lutte pour le tem-
porel de cet évôché entre l'archiduc et le cardinal Louis de Madruz,
évoque de Trente; cette lutte, qui alla jusqu'au sang versé, se termina
par un traité en vertu duquel l'archiduc abandonna sans doute une
partie de ses prétentions, mais qui mit fîn aux intrigues de l'évéque
pour obtenir l'exemption et la séparation d'avec le Tyrol). — E. Wer-
THEiMER. Le mariage de l'archiduchesse Marie-Louise avec Napoléon I«;
cf. Rev. hist., XXI, 481. — J. Gelicich. Un mémoire sur le soulève-
ment de Raguse contre l'occupation française en 1813-1814 (l'auteur est
le patricien ragusain Francesco Bona; texte de ce curieux mémoire, avec
un commentaire).
54. — llittheilungen des Instituts fur œsterreichische Gtos-
chichtsforschunfi^. Bd. IV, Heft 2. Innsbruck, 1883. — Loserth.
Études critiques sur l'histoire ancienne de la Bohême (le chroniqueur
Gosmas dit que le duc Spitihniew donna en 1055 l'ordre à tous les
Allemands de quitter la Bohême ; mais ce passage est altéré ; il n'y est
question en réalité que d'une querelle entre Spitihniew et sa mère
Judith, de qui les partisans, composés d'Allemands pour la plupart,
s'enfuirent de Prague devant les menaces du prince). — Schuster. Con-
tributions à l'explication du Sachsenspiegel (cherche à expliquer l'ori-
gine différente du droit de la royauté, qui a sa source dans l'élection,
et de la dignité royale, qui a sa source dans le couronnement, par la
différence des idées germaniques telle qu'elle se manifeste dans le Miroir
de Saxe et dans celui de Saxe). — Huber. Matthias de Neuenburg ou
Albert de Strasbourg ? (soutient que la chronique attribuée à Matthias
est bien de lui, contrairement à l'opinion de Soltau qui n'y voit qu'une
transcription, remaniée par Matthias, de l'œuvre d'Albert de Hohen-
berg, évoque de Freising). — Schulte. Nolae historicae Altorfenses
(publie ces notes rédigées on 1748 et qui proviennent du monastère
d'Altorf en Alsace ; elles sont en grande partie empruntées à un ms.
aujourd'hui perdu de Tan 1200; elles se rapportent aux années 1132-
1334, et intéressent l'histtùre locale). — Gipolla. Table des diplômes
RErxeiLS PéRIODIQDES. 463
impériaux conservés aux archives de Vérone (additions et corrections à
la 1** partie de ce travail ; suivent 7 diplômes des empereurs Frédéric I*',
Henri VI, Otton IV et Frédéric II). — Mùller. La Porte des Géants
de Téglise Saint-Étienne à Vienne. — Von Jaksch. De quelques sources
perdues pour l'histoire de la Carinthio (parle des œuvres historiques,
que l'on croit perdues, de Hans Tur; détails biographiques sur cet écri-
vain). — HEDLrcH. Le trésor et la bibliothèque d'Oberaltaich vers le
milieu du xii' s. (publie la liste, en latin, des livres et des objets servant
à la messe dans cette église). =. Comptes-rendus : Brucker, Inventaire
sommaire des archives communales de Strasbourg avant 1790 (très bon).
— Mossmann. T^artulairede Mulhouse» (remarquable). — Dœbner. Urkun-
denbuch der Sladt Hildesheim (bon). — Paoli. Programma di paleo-
gra6a latina e diplomatica (excellent). — Pic. Der nationale Kampf
gogen das ungarische Staatsrecht (partial). — Lindner. Das Urknnden-
wesen Karls IV une seiner Nachfolger 1346-1437 (bon). — Gramich.
Verfassung und Ven^•altung der Stadt WOrzburg XIII-XV Jahrh.
(excellent). — Schweizer. Correspondenz der franzœsischen Gesandts-
chaft in der Schweiz 1664-71 (bon). — Gindely. Geschichte desSOjœhr.
Krieges (bon). — Schebek. Kinsky und Feuquiéres (bon). — Von Papéc.
Die wichtigsten Erscheinungen auf dem Gebiete der polnischen Ge^»-
chichtschreibung, 1880-81.
55. — Wiener Stadien. Jahrg. IV, 1882, Heft 2. — Wessbly. Le
papyrus de Vienne n* 31 (contient un décret de Tan 68 ap. J.-C., en
grec ; il avait pour but de calmer les craintes de la population égyp-
tienne maltraitée par les fonctionnaires romains, et d'établir une n»gie
pour la perception des impôts. Commentaire détaillé de ce texte qui
nous est parvenu très mutilé). — C.-B. Hoffmann. Les prétendus savons
de lantiquité (l'usage actuel du savon, au sens actuel du mot^ était
inconnu des anciens à Tépoque où Pompcï fut ensevelie, et pendant
quelque temps encore après). — Gollor et Kr.\ll. La prétendue statuo
de Niobé au Sipyle de Magnésie (publie les inscr. trouvées près de
Sipyle ; elles sont d'origine égyptienne et remontent au règne de
Hamsès II, qui a peut-être entrepris une expé<lition du côté de l'Asie-
Mineure). — Wksselv. Une inscr. grecque sur terre-cuite (d'origine
chrétienne et copte).
56. — (Esterrelchische Randichaii. 1H83, Heft 4-5. — Guolia.
I^ Prusse avant les guerres de l'indépendance en 1813-15 (d'après le
journal ms. d'un oflicier autrichien, tenu pendant un voyage en Saxe
ot en Prusse en 1812 ; ce document constate la profonde désorganisation
de la Prusse, et une absence absolue d'espoir ; publication très impor-
tante : le voyageur avait «^n etTet été officiellement envoyé en Prusse en
vue de connaître l'état des affaires dans ci» jwiys). — AI. v. Warsreiiq.
Voyage à travers le royaume de Sarpedon ; suite (publie de nombreux
fragments et monuments de Lycie).
57. — Stndieii and Mlttheilaiii^ii ans dem Benedictlner-
464 RECrnLS PéRIODÎQCES.
Ordan. Vienne et Worzbourg, 1882. Heft 4. — Friess. Histoire du
monast/'re bénédictin de Gareten en Haute-Autriche ; fin 1737-87. —
A. LinDHEti. Les écrivains et les membres de l'ordre de Saint-Benoît
qui se «ont occupés de science et d'art au royaume actuel de Wurtem-
berg, depuis 1750 ; suite. — 0. ScuMm. Clontributions à Thistoire de
l'ancien monastère bénédictin de Mondsec dans la Haute- Autriche;
suite : du X' s. à la Réforme. — Schbamm. Regestes sur l'histoire de
l'abbaye bénédictine de Brevnov-Braunau en Bohême, 1502-99. — Kin-
TEB. Sur la biographie d'Oliverius Legipontinus 0. S. B., d'après sa
correspondance, 1744-49. — Gsell. Sur la biographie d'Ant. Wolfradt,
abbé de Kremsmùnster et prince-évêque de Vienne (publie 7 lettres de
1603 et 1604). — Ringholz. La vie de Guillaume, abbé du monastère
bénédictin de Dijon (d'après l'ouvrage de M. Chevalier, dont l'auteur
reconnaît les mérites, mais où il relève des erreurs et des lacunes). —
Braunmùllbr. Sur l'histoire de la visite générale des monastères en 1593
(par les légats du pape F. Minucius Ninguarda, P. P. de Benallis et
J. B. de Benedictbeuern ; difficultés qui leur furent opposées). — Nécro-
logie des écrivains bénédictins morts récemment. = Comptes-rendus :
()(>dex diplomaticus Gavensis, I-IV (remarquable). — G. von Buchwald.
Hischofs-und-Fûrsten-Urkunden des XII u. XlIIJahrh. (excellent). —
fjaf/leur de Kermaingant. Cartulaire de l'abbaye de Saint-Michel de Tré-
port (important).
58. — Akademie der IViaseiiscliafteii. Philos.-histor. Classe. Sit~
zungsberichte. Vienne, 1883. Bd. Cil, Heft 1. — W. Tomasghek. La
topographie historique de la Perse (explication du 11* segment de la
Table de Peutiuger ; l'auteur y voit le fragment d'un itinéraire de
l'époquo (1(»8 Séloucidcs, dont les excellentes indications auraient été
altôréos par dos écrivains postérieurs, ou se seraient perdues. Quant à
VA*, (jui coïlcorno l'exactitude des données géographiques, la partie de la
tablo étudiée par l'auteur possède une plus haute valeur que même les
Tiivaxe; de Ptoléniée. Étudie la direction des routes, les distances, les
principales localités do l'ancionno Ariana, en utilisant les géographes
arabes et los sources modernes). — II. Siegel. La situation juridique
lies vassaux en Autriche aux xii« et xiii® s. — Kaluzniacki. Contribu-
tions à l'ancionno écriture secrète des Slaves (d'après un ms. du xvi» s.).
69. — Mittheilungen der anthropologischen Gesellschaft in
vrien. Bd. XII. Heft 3-4. Vienne, 1882. — Andrée. Les outils de
pierre préhistoriques dans los croyances populaires (remarques intéres-
santes : dans les contrées les plus ditTérentes du globe, les bonnes gens
attribuent cos outils à dos forces surnaturelles et d^origine céleste). —
Flioier. Sur rotlinologie do la Thrace (1* développe à nouveau le thème
(|uo los habitants des monts Hhodopo sont des Roumains slavisés ;
2" montre dos traces do lôgondos thraces dans les fables modernes de la
lloumanio actuelle ; W" traces do légendes antiques dans los chants rou-
mains ; 4® do la nationalité des Thraces et dos Roumains). — Id. Addi-
RBCCBILS PiSrîODIQUKS. 4l»5
ti(»nft nouvoHes à l'ethnologie de Tltalie ancienne (!• les Etrusques et
les Italiens se sont déjà trouvés en contact au nord des Alpes. Avant
leur arrivée en Italie, les Étrusques ont vraisemblablement habité pen-
dant des siècles dans \os vallées du Danube, du Mein et du Neckar ;
2* sur Tantique population pélasgo-illyrienne de l'Italie). — Rapport
sur les travaux de la section d'anthropologie et d'archéologie au 2« con-
grès des médecins et naturalistes bohémiens. Prague, ÎG-29 mai I8H?.
— Rapport sur les découvertes récentes en anthropologie et eu archéo-
logie, et sur les travaux qui s'y rapportent.
60. — SteiermsBrldsche GeachlchtsblsBtter. Jahrg. III, Heft 3.
— .\ctes et pièces de procédure contre des sorciers, sorcières et loups-
garous en Styrie, 1602-1701 ; un dans Heft i. — Privilèges des villes
et marchés de Styrie ; suite. — L'entrée de l'infante Marguerite-Thé-
rèse, femme de l'empereur Léo}>old I*»", à Bruck-a.-M. 1660, avec un
dessin du temps. =: Bibliographie : Erler. Deutsche (ieschichtc von der
Urzeit bis zum Ausgang des Mittelalters (ouvnige qui s'adresse au
grand public; la l»* livraison lui présage un excellent accueil). — Re-
schauer, Geschichtc des Kampfcs der llaudwerkerzùnfte und der Kauf-
mannsgremien mit der œsterreichischen Bureaukratie (l)on). — l'mlaufX.
Die jpsterreichisch-ungarische Monarchie (fait avec beaucoup de préci-
sion et de soin). ^ Heft h. Rapport de l'ambassadeur vénitien (î. Lip-
pomano sur la cour de larchiduc Charles II, avril 1567. — I^afayette
en Autriche, 1797 ; rapi)ort sur la détention du marquis et de ses com-
pagnons dans la citadelle d'Olmutz. = Bibliographie : liiedennann.
M Jahre doutscher Geschichto 1840-70 (bon ; écrit avec chaleur et joli-
ment imprimé). — Uxuolf. Tauschhandel untl Geldsurrogate in alter und
neuer Zcit (remarquable). — Le cartulaire de Styrie ; contre M. S. I-as-
chitzer.
61. — Mlttheilimgeii des Vereins fEU* Geachlchte der Dents-
chen in Bœhmen. Jahrg. XXI, n** 2. Prague, 1883. — Imiiie. Mon-
naies romaines trouvées dans la vieille source de Teplitz (1® ces mon-
naies furent jetées dans la source en manière d'ex-voto par des marchands
n)mains qui vivaient parmi les Marcomans ; 2* les ornements de bn»nzo
trouv('»s près de Dux formaient sans doute le fond de magasin d'un
marchand ambulant qui sera venu les mettre là en sûreté ; 3' des n>ut«^s
de commerce en Bohème à l'épocjuc romaine). — Schlesi.mîkr. Arrêts
du Schcpppen-gericht de Magdebourg envoyés à la ville de Brux en
I^héme ; suite (publie le texte de 13 de ces arrêts). — Gradl. Ciontri-
butions à l'histoire do la Ik)hème du N.-O. (publie 30 chartes tirées des
archives do l'Ktat à Munich, 1302-1497, et relatives surtout aux anciennes
lK)ssessions de l'abbaye de Waldsassen). — WALKniKD. L*» premier
maître d'école de la ville de F^latten (rapport sur l'assassinat de ce
maître en ir)35, d'après une source ininlitei. — G. Schmiu. Revue
bibliographique des ouvrages relatifs à Wallenstein (addition : n»» 810-
i20()). = Ck)mptes-rendus : Werunsky. Geschichto Karis IV, Ikl. H
406 RECUEILS PlisiODIQUES.
(excellent). — Krones. Grundriss der œsterreichischen Geschichte (bon).
— Gindely. Geschichte des 30 jîehr. Krieges (excellent).
62. — Casopis Mnsea KraloTstvi ceského. 1882, MV. —
Kalousek. Études russes concernant le hussitisme. — Rezek. L'élec-
tion de Charles-Quint et la voix bohème, 1519. — Prince Charles
ScHWARZENDERO. Une visite à Hissarlik (Fauteur a visité H. en 1882,
ayant pour cicérone M. Schlieraann) . — Kalousek. 8. Ludwile et son
temps (à propos de quelques publications demi-scientifiques pleines
d'hypothèses sans valeur). — Nehring. Quelques lettres d'Henri de
Mùnsterberg à Marguerite d'Anhalt (H. de M. était fils du roi George de
Podiebrad et père de la princesse d'Anhalt). — Koran. Les nationalités
en Autriche (s'appuie sur le recensement de 1881). — 1883. I : Mares.
Le comte Gaspar Kaplir et le siège de Vienne, 1683 (Étude détaillée
d'après des documents jusqu'ici inconnus. Le comte K. mérite d'être
nommé auprès de Stahremberg). — Dvorsky. Nouvelles additions à la
biographie de Tycho Brahe. — Rerabek. Georges U, le dernier prince
de la Petite-Russie avant son partage.
63. — Sbornlk hlstorlcky. 1883, I. — Kalousek. L'étendue du
règne de Boleslav II (polémique contre Loserth, Der Umfang des h.
Reiches unter Boleslav II, dans les Mittheilungen des Instituts fur œsterr.
Geschichtsforschung, 188i). — Massaryk. E. Renan et la nationalité
(critique de t Qu'est-ce qu'une nation ? • de R.). — Rezek. La politique
française en Bohème, 1519-1537. 1" article. (L'intermédiaire entre
François I*»* et quelques seigneurs bohèmes, comme Albrecht de Stem-
berg et Jean de Waldstein, était en 1521 le duc Ulric de Wurtemberg.)
64. — Zpravy o zasedani kr. ceské spolecnosti naak. — Sit-
zungsrerlchte der K. bœhm. Gesellschaft der vrissenschaften.
— To.MEK. Kolda devant Nachod, 1436. — Rydicka. Jaroslav de Mar-
tinic et sa ville Muncifaj, 1600-1612 (histoire de la contre-réformation
catholique dans cotte ville). — Kalousek. La polémique d'Adal-
bertus Ranconis avec rarchevôquc Jean de Jenstein. — Mares. La
chanson de Nicolas de Znavm et la défaite des Hussites à Waldhofen
on Autriche, 1431. — Mencik. Sermo ad clerum factus pervener. Mag.
Ysnori in obitum archiopiscopi Johannis de Jenstein (f 1400). —
Prochazka. Los écrits de Petro de Mladcnovic (P. de M. a composé,
outre sa célobro Hclatio de M. Joannis Hus causa^ une plus courte rela-
tion sur la mort do Huss, on langue bohème, dont la version latine se
trouvo dans la grande édition dos œuvres dellop, et une semblable rela-
tion racontant le supplice de Jérôme de Prague en langue latine). —
He/.kk. Additions à la chronique de Bartos (xvi« s.). — Id. Jean Faber,
ovétiuo do Vienne, et les utraquistes. — Notice sur le prince Charles de
Mùnsterberg et ses relations avec les rois Vladislas et Louis en 1515-1521 .
65. — The Academy. 1883, 7 avril. — Malieson. Décisive battlesof
India (raconte la conquête do l'Indo par les Anglais dans une série de
RECUEILS PERIODIQUES. 4^7
chapitres où il n'est question que des engagements vraiment décisifs).
— Thompson. Diary of Richard Cocks, Gape-merchant in Japan 1615-22
(curieux pour l'histoire do Japon au xvu^ s. ; publication de la Hakluyt
Society). = 14 avril. Sumner Maine. Dissertations on early law and
custom (réunion d'études sur le droit successoral chez les Hindous, sur
les coutumes des Francs Saliens, sur l'importance de la constitution de
la propriété foncière dans les origines de la Révolution française, etc.
Volume rempli d'idées originales). = 21 avril. Markham. The war
between Chilc and Peru 1879-82 (utile et intéressant). — Hewlett. Somo
reasons against the transfer of tlie jurisdiction of the Housc of Lords in
reganl to the Scottish titles of honour to the court of session in Scotland
(brochure excellente sur la question de la pairie écossaise). = 28 avril.
— Sir J. F. Stephen. A history of the criminal law of England (contient
une esquisse de la loi romaine et de l'ancienne loi criminelle d'Anglet.,
une histoire des divers tribunaux criminels en Anglet., l'analyse des
principaux procès, du milieu du xvi« s. au milieu du xvin*, enfin une
histoire détaillée de la loi criminelle elle-même, en Anglet. et aux
Inde^. Cette histoire, personne ne pouvait la mieux écrire que M. 8t. ;
mais elle a un défaut, celui d'avoir été écrite en vue de justifier le nou-
veau code criminel de 1878-79 ; ce point de vue exclusif explique les
lacunes et le manque de proportions de l'ouvrage). — Decker. L'auteur
de l'Imitation, et les documents néerlandais (tient pour A. Kempis;
étude importante). « 3 mai. Frotidc. Short studies on great subjects.
\* série (le morceau le plus important du volume est l'étude sur Bocket;
il faut en remercier M. F., non à cause de la valeur de cette étude, où
lo caractère de Becket est entièremont méconnu, mais parce qu'elle a
attiré la vigoureuse réplique de M. Freeman). = 12 mai. Dusteed. Echoes
from old Calcutta (peintures assez attachantes de l'Inde anglaise il y a
un siècle ; parle de Warren Ilastings, du Chief-Justice Impey, mais
surtout du conseiller Ph, Francis, très minliocn» administrateur,
|)amphlétaire célèbre, sous le pseudonyme Junius). = 19 mai. Ran"
some. Rise of constitutional government in England (des erreurs do
détail assez graves, surtout pour l'époque des Tudors et des Stuarls
dont l'auteur s'est fait une idée assez inexacte ; manuel cei)endant
estimable). — 01. 7. Burke. The history of the catholic Archbishops
(»f Tuam (les deux tiers du vol. sont remplis par une int<»rcssante bio-
graphie du dernier archevé^jue. Me Haie. Important pour l'histoire d'Ir-
lande; il y a beaucoup à lire entre les lignes). — E. T. Rogers. TonilH»s
lies califes de la seconde dvuastie de^ Abbassides au Cain^ (Icttn* écrite
du Caire, 24 avril 1883). = 20 mai. JeafJYeson. The n»al lord Hyron
(excellent). — P. de Gayangos. The Chronicle of James 1 kingof .\rag<in
translated from the catalan by Forster (bonne édition ; notes précieuses
de iM. P. de G.). =: 2 juin. Lopie. A history of I^ndon (excellent). —
Ralzani. Italy (bon résumé de l'historiographie italienne au moyen âge).
— 9 juin. Murphy. Cromwell in Ireland (livre passionné; pour juger
Cromwell, le P. Murphy se place à notre point de vue, non à celui
468 RBCCTEILS PERIODIQUES.
du xvii* g.). — Ferguson. Surnames as a science (beaucoup de recherches ;
tendance excessive à expliquer les surnoms anglais par des formes de
l'anglais ancien ou anglo-saxon ; fait trop peu de part à Télément bre-
ton et à la formation locale des noms de personne). — Records of the
borough of Nottingham, t. I, 1155-1399 (contient des textes précieux
bien publiés et suivis de bons glossaires). — Holmes. The booke of
entries of the Pontefract Corporation, 1653-1726 (document indispen-
sable pour l'histoire de la ville).
66. — The Athenaeam. 1883, 7 avril. — Guest, Origines celticae
(le premier volume, consacré aux origines des peuples celtiques, n'a
aucune valeur ; l'auteur, qui a exercé une si grande influence sur les
historiens de son temps, y fait preuve d'une absence rare d'esprit cri-
tique ; le second volume contient plusieurs mémoires sur l'histoire et
l'archéologie de la Bretagne et de l'émigration anglo-saxonne ; quelques-
uns méritaient d'être publiés à nouveau). — Comte de la Perrière. Les
projets de mariage de la reine Elisabeth (intéressant et bien présenté ;
l'orthographe des noms anglais est trop souvent estropiée). = 21 avril.
Stevenson. The history of Mary Stewart, from the murder of Riccio
until her flight to England, by Cl. Nau, her secretary (curieux détails
que Nau tenait sans nul doute de la reine elle-même. 11 les consigna
dans un petit cahier d'une écriture rendue presque illisible à force de
ratures et de surcharges; aussi cet intéressant ms., bien que faisant
partie de la collection cottonienne, a-t-il pu rester jusqu'ici presque
inconnu. Le texte est en français. Le P. Stevenson le publie avec une
trad. anglaise qui n'est pas toujours correcte, et des additions provenant
surtout des archives secrètes du Vatican). = 5 mai. Mason. The his-
tory of Norfolk, t. I (l'auteur ne sait pas le latin ; il n'a qu'une vague
idée de l'historiographie médiévale. Son Uvre n'est pourtant pas sans
valeur ; il contient d'utiles documents ; l'époque du xvi® s. est bien trai-
tée). = 2 juin. Marwick. Extracts from the records of the burgh of
Edimburg, 1573-89 (beaucoup de documents sur de menus faits qui ne
sont pas tous intéressants. Pourquoi pas d'index?).
67. —The Nineteenth Century. 1883. Avril. — Froude. Un pro-
blème historique non résolu ; suite et fin en mai (refait l'histoire d'An-
tonio Porez et de ses relations avec Philippe II à un point de vue diffé-
rent de celui où s'était placé M. Mignet. Perez est représenté comme
un intrigant médiocre). = Juin. Schùtz Wilson. Wallenstein.
68. — The Nation. 1883, 29 mars. — Me Master. A history of the
peoplo of tho United States, from the Révolution to the civil war; vol. I
(travail très considérable, très complet, fait avec un grand sens histo-
rique ; le t. I ombrasse seulement les années 1784-90; on se demande
combien il faudra de volumes, si l'auteur continue du même train). =
5 avril. Falh. Das Land der lucas in seiuer Bedeutung fiir die Urges-
chichte der Sprachc und Schrift (croit à Tétroite parenté des peuples
RFXUEILS P^RIODIQrES. 4<>9
aryas et péruviens, et s'efforce de la prouver. Ses considérations ethno-
graphiques et archéologiques n'ont pas plus de valeur que ses théories
philologiques). = 19 avril. Gilman. James Monroe, 1776-1826 (l>onne
biographie suivie d'une bibliographie très complète des œuvres relatives
à Monroe et à la doctrine qui porto son nom). — Lalor. Cyclopaedia of
political science, political econofny and of the political history of the
United States ; vol. Il (ce t. II est bien supérieur au I" ; il contient
plusieurs articles excellents). = 3 mai. R, Soley. The blockade and the
cruisers (complet, intéressant, impartial). — Trimblc. A handbook of
english and american literature, historical and critical (bon).
69. — Archlvlo storico Italiano. Tome XI, 1883, 3« disp. —
Journal de Palla di Noferi Strozzi ; suite : oct.-nov. 1432. — Gioboetti.
Laurent de Médicis, capitaine général de la république de Florence ;
suite : documents. — Rosa. Le t broletto » de Hrescia (histoire des
constructions qui y furent élevées depuis le \w s., surtout du palais et
des administrations auxquelles il senit). — Cafki. VincenzoCiverchio;
notes et documents (Civerchio est un peintre, sculpteur, architecte de
Crème au xv« s.). — Gipolla. De l'occasion dans laquelle Flnnodius
composa son panégyrique du roi Théodoric (ce panégyrique no put être
prononcé devant le roi ni à Vérone, ni à Ravenne, ni à Rome, c'est
une simple amplitication de rhétorique qui lui a été envt>y(»o par t»crit).
^ Bibliographie : Del Dadia. Diario horentino dal 1450 al 1516 di Luca
Landucci, continoato da un Anonimo fino al 154*2 (très important pour
l'histoire civile et politique de Florence et de l'Italie). — Forneron,
Histoire de Philippe IL — Omaggio storico, filosolico, toologici» al
l>atriarcha 8. Francosco (l'hommage historique amsisto on la puhlica-
tion par le P. M. Da Givezza de l' c Istoria memorabile dol principio
deir Eresia di Ginevra • qui est une traduction on italien du « Levain
du Galvinisnie » par la sœur Jeanne de Jussie). — tialleiti. Gasparo
Scarufli o la questione monetaria nel sec. xvi (analyse do la vie et dos
«ouvres de ce marchand et banquier de Reggio au xvi* s.). — lluck.
Ulriohs von Richental ; Ghronik des Gonstanzor Goncils, 1414-18 (pro-
mièro édition complète et fidèle de œ texte important). — MlemnHo. Il
ciirnevalo di Roma nei secoli xvii et xvni (très curieux). = A part. Les
papiers Strozzi, suite.
70. — ArchlTio veneio. 13» année, fasc. 49 (nouvelle sério). —
Mo.NTiuoi.o. La chronique du diacre Giovanni et l'histoiro )K)litiquo do
Venise jusqu'en 100*J. Introduction : la culture littéraire à Venise jus-
qu'au début du XI* s. En appendice une liste dos ambassades vénitiennes
antérieures à 1009. — Pixton. L'histoiro de Venise par A. F. (ifrœrt»r
(étude sur cet ouvrage que M. Pinton a traduit lui-même on italien),
i»^ l>artie : les matériaux de l'œuvre. — Gipolla. I^es {latarins à Vérone
au xin* s., 1*' art. (étude très consciencieuse, d'après un grand nombre
do documents inédits puis«*s aux archives locales). — Fclin. I/O duc do
Sturlich cité par Marino Sanudo parmi ceux qui assistèrent à la diète
470 RECUEILS PIÎRIODIQUBS.
d'Augsbourg en 1500, d'après M. Bons d'Anty et M. de Karolyi
(M. Bons d'Anty dit que ce duc de Sturlich, en Bosnie, est Laurent, fils
de Nicolas et neveu de Mathias Gorvin ; M. de Karolyi que c'est Nicolas
Frangipani. M. F. ne se prononce pas). — Ant. di Prampero. Les che-
vaux et leur prix en Frioul au xviii« s. — Gtoriato. Souvenirs vénitiens
dans les monuments de Rome. — Cecchetti. Giustina Rosso fut-elle la
« Vieille au mortier ? » (la vieille femme qui jeta un mortier sur la tête
de Bajamonte Tiepolo, et par là mit en fuite les conjurés qu'il condui-
sait, est appelée Maria de Oltise dans un acte du 22 déc. 1341). —
BûHRiNO. Les rebelles Bohémiens et la république de Venise (publie une
lettre de l'ambassadeur vénitien à Vienne, 17 nov. 1618, qui notifie au
doge les ouvertures faites par le comte de Thurm pour engager Venise
à s'unir aux Bohémiens contre l'Autriche. On sait que Venise fournit
en effet de l'argent aux insurgés). = Bibliographie : Zmedineck^Sùden"
horst. Die Politik der Republik Venedig waBhrend desSOjœhr. Krieges
(longue analyse). — Derlan. La invenzione délia stampa a tipo mobile
fuso rivendicata ail' Italia (l'invention doit être attribuée à Sweinheym
et à Pannartz ; le l^' livre imprimé en caractères mobiles serait l'édi-
tion romaine des Epistolae ad familiares de 1467). — Spinelli. Notizie
intorno a Bernabô de Sanctis de Urbino f 1478 (important pour l'his-
toire de Gênes pendant qu'elle était soumise à François Sforza). —
Domenichclli. Sopra la vita e i viaggi del b. Odorico da Pordenone dell'
ordine dei Minori. = Squlmèro. Les Incunables et la bibliothèque com-
munale de Vérone ; catalogue. — Cipolla. Discussion sur le jour de
naissance de Raphaël (admet que ce fut le 6 avril 1483, plutôt que la
date du 28 mars donnée par Vasari).
71. — Archivio délia Società romana di Storia patria. Vol. VI,
fasc. i-2. — E. MuNTZ et A. L. Frotingham. Le trésor de la basilique
do Saint-Pierre au Vatican du xin® au x\* s. (reconstitué au moyen de
quatre inventaires, l'un du xiv**, les autres du xv* s., que les auteurs
publient, après les avoir fait précéder d'un extrait du c Livre des bien-
faiteursde la basilique », relatif aux présents faits au pape Boniface VIII).
— (iuciNONi. Appendice au commentaire de la vie d'Agostino Ghigi le
Magnilique ; suite. — ToMASSErri. De la campagne de Rome au moyen
âge ; puite : la voie flaminienne. — Lanciani. Le ms. Barber. XXX, 89,
contenant des fragments d'une description de Rome au xvi* s. ; suite.
— Gamurrini. Un procès à Athènes en 1302 (contre Guillaume de Ban-
donina, chantre de l'église de Daulion, qui avait outragé, « usque ad
olVusionem sanguinis », Vivion, chanoine et trésorier du diocèse de
Thèbos ; d'après les actes conservés à Florence. — P. Vmo. Une bulle
inédite du pape Grégoire X (pour relever les Pisans de l'excommunica-
tion lancée contre eux par Clément IV ; texte d'après l'original conservé
aux archives do Piso).
72. — Archivio storico per le provincie napoletane. Année VIII,
iasc. 1 (Naples, Furchheim, 1883). — Mînieri Riccio. Généalogie de
RECUEILS PERIODIQUES. 471
Charles II d'Anjou, roi de Naples ; Huile . 1333-1335. — Carignani Ixî
dernier parlement fçénéral du royaume de Naples, en 10i2 (la conduite
impolitique de la noblesse à ce parlement permit aux Espagnols dVta-
blir définitivement le gouvernement absolu dans le pays. Suit la liste
des députés i\ ce parlement). — Marksca. Oirrespondana» du cardinal
UulTo avec le ministre Acton, de janv. à juin 17ÎMJ (bien que tri*s incom-
plète, C4»tte correspondance, telle qu'elle est, contribue à faire connaître
le caractère du gouvernement napolitain et do la reine Caroline). —
Fahaolia. Les mémoires des artistes napolitains publiés par H. de
Dominici ; seconde étude critique. — S. d'Alok. Catalogue de tous les
édifices sacrés de Naples et de ses faubourgs, tin^ d'un ms. autographe
de l'église de 8. (îiorgi(» ail forum. — Inventaire des pièces en parche-
min ayant appartenu à la famille Fusco, et devenues maintenant la
propriété de la SociéU» de l'histoire de Naples (analyse *21 pièces dont la
plus ancienne est de U87 et la plus n^cente de 1133). = Bibliographie :
(ionzaga. Memorie délie famiglie nobili délie provincie meridionali
d'Italia, vol. VI (très utile).
73. — Ax*chlvlo atorico lombarde. Anno X, fasc. 1. 31 mars 1883.
— Canetta. Ik^rnarda, tille natun^lle de Iiernal)o Visconti (publie une
longue enquête de 14*24 où 25 témoins déposent ce qu'ils savent sur
elle). — Sandonnini. Tommaso Marino, marchand génois au xvi« s.
— GiuNZONi. Autres notices sur dom (^elso MatTei de Wrone. —
Bkrtolotti. Additions sur les artistes lombanls à Home. — He.^vkxiti.
(ÎK»me sous le gouvernement de la république de Venise (discours his-
torique inédit de Gius. Kacchetti, écrit il y a 50 ans).
74. — ArchiTio storico, archeoloi^co e letterario (Curi).
0* année, vol. V, fasc. 1. — Bkrtolotti. Le peintre romain Ant(»nazzo
et Sii famille. — lu. Pièces nMatives à des Crées, Polonais, Busses,
Transylvains, Turcs et Hongrois qui ont été en relation avec le siiinl-
siège (la plupart sont du xvii* s. ; plusieurs pièces relatives aux entre-
pris<\s militaires contn* les Turcs présentent un intérêt général). —
(ioRi. Fouilles récentes à Home ; les jardins <le Sallusle lexpos*» le
résultat des fouilles faites dans ces jardins depuis le \\r s.).
76. — Rivista enropea. Vol. XXXIII, fasc. 3, 1883, l*Mnai. —
Li'MiM. La vie et les écrits d'Krmolao Bubieri ; tin. — Cimhali. La
cour de Home et Nicolas Spedalieri pendant la Hévolution fran(;ais4^ ;
rt'iKjnw» à M. Perrero (Discussion sur la signifitation et la |tort«M» du
livn» de Spedalieri, / dirctti lUlV uomo, qui o.xcita la plus anlente eon-
tn»verse, ({uand il i»arul ; le pape Pie VI, après av«»ir menace l'auteur
de l'excommunicatiiin, se radoucit «»n ct>mpn»nant que sos théories
étaient loin d'être n^volutionnaires, et le chargea d'écrin» en latin l'his-
toire des nuirais pontins que Sptnlalieri n'eut pas le temps d'achever ;
il mourut en 17U5 ; son œuvre parut plus tard, traduite en italien |>ar
Mgr N. Nicolai). — Croi.k. Invasittn des Barbares dans la I>arie nmiaino
(quelques remaniues sur la formation de la langue roumain**}. — Pi:ri.
472 lECTEiis nEuoMQns.
I>es partis politiques en Dalmatie. = i" juin. Medîh. Le doc de Valen-
tinoift et Topinion que s'est formée Machiavel; fin le 16 juin (estûne que
les historiens se sont trompés en faisant de Machiarel un admirateur
aveugle de César Borgia ; M. Villari admet que les reproches de Machia-
vel s'adressent au personnage réel, et ses louanges à un César que plus
tard s^jn imagination aurait idéalisé; l'auteur repousse cette manière de
voir et pense que Machiavel n'a jamais perdu le sens de la réalité, que
le César de ses écrits est le même que celui des dépêches diplomatiques,
le César de la réalité).
76. — R. Accademia de! Lincei. Trasunti. Vol. YII, fasc. 10. —
BcHiAPABELLi. I>es émigratious des peuples antiques de rÂsie-Minenre,
étudiées d'après les textes des monuments égyptiens.
77. — Bollettino aiorico délia Svizzera Itallana. 1883, mars.
— MoTTA. Des personnages célèbres qui traversèrent le Saint-Gothard
aux temps anciens et modernes ; suite : le xvii« s. ; cf. le n<> d'avril-mai.
— Th. VON LiEBENAu. 8ur l'histoire de Castel 8. Pietro ; fin (suivi de
à doc. de 1468 à 1476). = Avril-mai. Les sceaux anciens de la Suisse
italienne ; avec une planche.
78. — Bibliothèque universelle et Revue suisse. 1883, janv. —
Leqeb. Ijaybach et le peuple slovène (détails intéressants sur les bons
souvenirs que l'occupation française de 1809 à 1813 a laissés dans ce
payH. Quelques détails sur le Télégrap/ie illyrien^ journal officiel du
gouvernement français, auquel Gh. Nodier collabora); suite en février :
Agram et le peuple croate.
79. — Russische Revue. Jahrg XI. Heft 1. — Brûgkner. L'avène-
mont de l'impératrice Anne en 1730 (longue analyse de deux ouvrages
récents, en russe, l'un de M. Korssakow : « l'Avènement de l'impéra-
trice Anne, » Kasan 1880, l'autre de M. Sagoskiu : « les Oligarques et
la noblesse en 1730, » Kasan 1881 : le premier surtout est très impor-
tant). — Le début du christianismo en Transcaucasie et on Giscaucasie.
= ll(»ft 2. Le 5' congrès archéologique à Tiflis, 8-21 sept. 1881. =
Heft 5. Brùckner. La grande assemblée législative de 1767-68 en Rus-
sie ; suite dans Heft 6 ; lin dans 7 (expose la manière dont se sont faites
les olnctions ; analyse les cahiers des différents ordres ; résume la
marche dos débats. Ktude intéressante). = Heft 7. Seeland. Les Ghi-
liaks de Sibérie ; esquisse ethnographique ; fin dans Heft 8. = Heft 11.
J. KosLOw. Le droit coutumier des Kirghises. = Heft 12. Jadrinzew.
Ijes habitants de l'Altaï. = Jahrg XH. Heft 1. Brùckner. Actes relatifs
à riiistoire di^s ra()purts entre la Russie et la France de 1681 à 1718
(Analyse du t. XXXIV du Magasin de la Société impériale d'histoire
russ(») ; fin dans Heft 2. = Heft 4. Travaux de la a Grande commis-
sion » de Moscou et de Saint-Pétersbourg en 1767-68 (fait suite au
travail annoncé plus haut).
GHROXIQIIR rr BIBLIOGElPm. 473
CHRONIQUE ET BIBLIOGRAPfflE.
France. — Nous avons le regret d'annoncer la mort do M. E. Liabou-
LAYE, membre de T Académie des inscriptions, administrateur du Collège
de France, décédé à Paris, le 24 mai dernier. M. Fkiouard-Kené Lefebvrb
DE I^ABouLAYE était ué à Paris le 18 janvier 1811; jurisconsulte éminent,
il a publié de nombreux travaux sur l'histoire du droit et sur Thistoire
politique. Il a été un des créateurs des études de droit historique en
France. Les plus importants de ces ouvrages sont : une Histoire du droit
de propriété foncière en Europe, depuis Constantin jusqu'à nos jours
(1839); des Recherches sur la condition civile et politique des femmes^
tUpuis les Romains jusquà nos jours (1843); une Histoire politique des
Etats-Unis, 1620-1787 (3 vol., 1855-66), les Œuvres complètes de Montes-
quieu (7 vol. 1875-79). Il a donné avec M. Dupin une édition des Ins-
titute3 coutumières de Loisel ; avec M. R. Dareste une tnlition de Vins-
titution du droit français de Claude Fleury, et du Grand Coutumier de
France, cette dernière d'ailleurs assez inférieure à la réputation des
auteurs. C'était un politique libéral et indépendant, un émdit solide et
sagace, un fin lettré, et un honnête homme.
— M. Ernest de Bouteillkr, né à Paris en 1826, y est mort le 26 mai;
plusieurs de ses travaux historiques se rapportent à l'histoire de Metz,
sa seconde patrie : Dictionnaire topoyraphique de l'ancien département
de la MoselU (1875) ; la Guerre de Metz en 1324, poème du xiv* s. (1876);
la Correspondance politique adressée au magistrat de Strasbourg par ses
agents de Metz (1882) ; le Journal de Jean Beauchez, greffier de Plappe-
ville (avec M. G. de Braux, 1878). On lui doit aussi une Histoire de
Frantz de Sickingen (1860); le Maréchal Fabert; des Recherches sur la
famille de Jeanne d'Arc (1877-78), etc.
— M. Florian Vallentin, directeur du Bulletin épigraphique des Gaules,
est mort le 20 mai à l'âge de 32 ans. 8a mort laisse un vide sérieux
dans les étndes historiques ; espérons au moins que son très utile Bul-
letin lui survivra et continuera de faire honneur à la science française.
— M. Amb. Challk est mort le 4 mars dernier à Auxerre à l'âge de
quatre-vingt-quatre ans. Il a publié divers travaux estimés d'histoire
provinciale : Histoire du comté de Tonnerre, 1875; la Campagne des
frontières du Jura en 1815 par le général Lecourbe (souvenirs personnels^
1880); il a publie aussi, en les continuant jusqu'à nos jours, les Mémoires
concernant l'histoire civile et ecclésiastique d'Auxerre et de son ancien
diocèse, par l'abbé Lebeuf.
— M. le baron de Girardot, décédé à Bourges eu mai dernier, avait
Uev. Uibtob. KXU. 2* fabg. 31
474 CHBOinQUE ET BIBLIOGKIPBIS.
pablié un Essai sur les assemblées provinciales de 1778 à 1790, sans
compter de nombreaz travaux archéologiques; il était membre de la
Société des Antiquaires de France depuis 1840.
— L'Académie des sciences morales et politiques, dans sa séance du
28 avril, a élu M. Sumnbr-Maine associé étranger. Le 19 mai, elle a élu
à la place vacante de correspondant français M. É. Belot, professeur à
la Faculté des lettres de Lyon, et à celle de correspondant étranger
M. G. Waitz.
— L'Académie française a décerné le l*** prix Gobert à M. Ghébuel
pour son Hist. de la France sous le ministère de Mazarin^ et le 2* prix à
M. SciouT pour son Histoire de la constitution civile du clergé. — Le prix
Thiers a été décerné à M. Rothan pour ses études diplomatiques sur
Taffaire du Luxembourg et sur la politique française en 1866. — Le prix
Marcellin Guérin a été partagé de la façon suivante : 2,000 fr. à M. Bou-
ghé-Lbclergq pour son Histoire de la divination dans l'antiquité, en 4 vol.;
1,500 fr. à M. L. Favre pour son Hist. anecdotique du palais du Luxem^
bourg; et 1,500 fr. à M. A. Beuame pour son volume intitulé Le public
et les hommes de lettres en Angleterre au XVIII* s. t- Une partie du prix
Monbinne a été attribuée à M. Dupin pour son travail sur la Jeunesse de
Mazarin.
— L'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres a décerné le l^i'prix
Gobert à M. Godefroy, autour du grand Dictionnaire historique de la
Langue française^ et le second à M. A. Gniv pour son étude sur Les
Établissements de Rouen.
— La Société des archives historiques de la Gironde vient de publier le
t. XX, qui est tout entier consacré à la table des matières des dix-neuf
volumes de cette très importante collection. Le t. XXI contient les
comptes de rarchevêché de Bordeaux au xiv* s., par M. Léo Drouyn ;
la suite de cette publication remplira tout le t. XXII.
— La Gazette archéologique, dont la publication était suspendue depuis
longtemps, va reparaître; elle donnera une large place à Tétude du
moyen âge et complétera ainsi la Revue archéologique consacrée surtout
à Tétudo de l'antiquité ; elle contiendra des planches nombreuses.
— Le t. LXI des Acta Sanctorum vient de paraître (Palmé); il forme le
t. XIII d'octobre et contient les 29«, 30« et 31« jours du mois; il est
Tœuvre des RR. PP. J. Van Hecke, B. Bossue, V. et R. de Buck, S. J.
— M. Eug. Halphen a fait paraître chez Champion les Lettres inédites
du roi Henri IV au chancelier de Bellièvre, du 16 mars au 28 oct. 1604,
publiées d'après le ms. de la Bibl. nat. 15896; elles sont fort diverses
d'objet et d'intérêt et valent la peine d'être consultées; elles sont au
nombre de 68.
— L'histoire de l'imprimerie en France vient de s'enrichir d'un cha-
pitre nouveau dû à M. Clément-Janin, Les imprimeurs et les libraires
dans la Cote-d'Or (Dijon, Darantière ; Paris, Picard). La première impri-
merie dijonnaise fut établie en 1490 au Petit-Citeaux, par les soins de
CBROiriQUE ET BIBLIOGEAPHII. 475
Jean de Girey, abbé de Giteaux. Elle était dirigée par an do ces impri-
mears ambulants^ dont on commence à suivre les pérégrinations à tra-
vers la France, Pierre Metlinger, d'Augsbourg, qui y imprimait en
1491 la Collection des privilèges de Citeaux. Dès 149^ il avait quitté
Dijon, et il faut aller jusqu'en 1530 pour trouver le véritable fondateur
de l'imprimerie dijonnaise, Pierre Grangier. M. Glément-Janin a dressé
la liste des successeurs de Grangier jusqu'à nos jours avec la descrip-
tion détaillée de toutes les éditions qui sont sorties de leurs presses; un
dernier chapitre est consacré aux imprimeurs et libraires du départe-
ment : Beaune, Gbàtillon-sur-Beine, Giteaux, Semur, etc.
— M. Ë. Marreau a visité avec soin les pays limitrophes des deux
races slaves et germaniques. Le livre qu'il a écrit au retour de son
voyage, Slaves et Teutons (Hachette), et où il étudie la lutte des nationa-
lités en Autriche, en Prusse et en Russie, est digne d'attirer l'attention
des historiens et des ethnographes. Il leur permettra de juger d'après
des renseignements précis et des chiffres ces questions si brûlantes et
si complexes de politique contemporaine.
— M. G. BoissiÈRE, aujourd'hui recteur de l'Académie d'Alger, vient
de rééditer en le remaniant, le corrigeant et l'augmentant beaucoup,
son livre sur V Algérie romaine (Hachette, '2 vol.). En attendant de pou-
voir consacrer à ce livre le compte-rendu critique qu'il mérite, nous
tenons à l'annoncer, car le public français prend un intérêt de plus en
plus vif à tout ce qui touche à l'Algérie.
— M. HiLD a tiré à part sa remarquable étude sur la Légende d^Énée
avant Virgile (Leroux, 94 p. in-8*). Get essai si ingénieux d'histoire
religieuse et d'histoire littéraire forme la première partie d'une série
d'études sur la religion et l'histoire ancienne.
— On trouvera dans une brochure de M. G. Douais, professeur à
rixole supérieure de théologie de Toulouse, sur V Enseignement de l'his'
taire ecclésiastique (f^oussielgue, 47 p. in-8*), un témoignage intéressant
des efibrts qui .«e font aujourd'hui pour initier le clergé aux méthodes
critiques et scientiûquos. On a beau trouver beaucoup à reprendre dans
les écrits de M. D. lui-même, on doit lui savoir gré de la juste sévérité
avec laquelle il traite V Histoire ecclésiastique de M. Darras.
LivEBJ» NOUVEAUX. — HiSTOiEB OKNKEALB. — BoHHal. Le royauDie de Prusse.
Dpntu. — Imbert de Saint- Amand. La jeunesse de l'impératrice Joséphine.
Dentu. — A. de Ruble. Le duc de Nemours et mademoiselle de Rohaxi, 1531-92.
Labitle. — A, Gérard. Des cor|H)raUoos ouvrièret à Borne; introd. hi»t. sur
les corps d'arts et de métiers en France et en Lorraine. Saint-Dié, impr. Ham-
bert. — Clarin de la Hive, Histoire générale de la Tunisie depuis Tan 1590
av. J.-C. jusqu'en 1883. Challamel aîné. — Challamel. Précis d'histoire de
Franco depuis les origines jusqu'en 1883. Alpb. Lemerre. ~ Abbi Verlaque.
Jean XXII, sa vie et ses œuvres, d'après des doc. inédits. Pion. — P. de Raïf'
nal. Les corres|»ondants de J. Joubert, 1785-1822. C. Lévy. — Viannê- MuNirs
Herrètes du xviii* s., 4* et dem. vol. Quantin. — D'F, Gerbier, Voltaire, Tun^t et
les franchises du pays de Gex. Fishbacher.— Satkas, Documents inédits relatifs à
476 CHlOinQUE ET BIBLIOGIAPHIB.
l'histoire de la Grèce ao moyen âge, t IV. MaisonneaTe. — VaUl. Histoire de
mad. do Barrj, t. II. Versailles, L. Bernard. — Mispouid. Histoire des insti-
totions politiques des Romains, t. II. Pédone-Laoriel. — Bea^emps-Beaupré,
Les cootnmes et les institotions de FAnjou et do Maine antérieores ao xvi* t.,
t. IV. Ibid.
HisTOiBs REUoisusB. — Béçhin, Histoire de la confrérie des charitables de
saint Éloi de Béthune, depuis 1188 josqo'à nos joors. Béthone, David. —
Doumapron. Discours inédit de la fondation, plan et cité do cooTent de
Saint-François de Castres. Castres, Hoe et Granier. — Lopes. L'église
métropolitaine et primatiale Sainct-André de Bourdeaux; réédition annotée
par l'abbé Callen, t. 1. Bordeaux, Feret et fils. — P. de Fonteniiles. Notes
pour MfTir à un armoriai des évéques de Cahors. Librairie de la Société
bibliographique. — Abbé Haclin, Notice historique sur la paroisse de Mor-
court, dioc. d'Amiens. Amiens, Lambert-Caron. — G. Le Clerc. Un fief de
l'abbaye de Saint- Magloire de Paris; la seigneurie de Vaudétard à Issy, 1117-
1790. Champion. -— ArbeUot. Ms. inédit des miracles de saint Martial de
Limoges, xit* s. Haton. — Abbé Guélon. Doc. inédits concernant le village et
le chapitre de Crest (extrait des Mém. de l'acad. de Glermont-Ferrand).
Histoire locale. — Barbier, Monographie historique de la bibliothèque de
Ghambéry. Gbambéry, Perrain. — A. Bourgeois. Histoire du château de
Brugny depuis le xv* s. Châlons- sur- Marne, Martin. — Carré. Recherches his-
toriques sur la prévôté ou seigneurie de Viiledom mange, 830-1789. Reims,
iropr. Monce. — Ifardouin. Essai sur la réformation des coutumes de Bretagne.
Marchai, Billard et C'*. — Jadart. La population de Reims et de son arron-
dissement, avec recherches historiques sur les feux et habitants de chaque
localité depuis le moyen âge. Reims, Renart (extrait des Travaux de l'acad. de
Reiras). — Papillon. Notice historique et statistique sur la commune de The-
nailles. Impr. du c Journal de Vervins. » —A. de Marianne. Les seigneurs de
Mayenne et le cartulaire de Savigny (extrait du Bulletin de la commission
histor. et archéol. de la Mayenne). — Petit armoriai de Lille, d'après un ms. du
xviii* s. Bachelin-Denorenne. — FoxUques de Villaret. Recherches historiques
sur l'ancien chapitre de l'église d'Orléans, de son origine jusqu'au xvi* siècle.
Orléans, Heriuison (extrait du t. XIX des Mém. de la Soc. arch. de l'Oriéanais).
— J.'A. Morel. Histoire d'Aoste, autrefois Augustum Allobrogum. Grenoble,
Drevel. — A, de Ternas. La chancellerie d'Artois; ses officiers et leur généa-
logie continuée jusqu'à nos jours. Arras, Sueur-Charruey. — Finot. La seigneu-
rie de Bonchamp et l'origine de l'exploitation houillière de cette localité, 1220-
1789. Libr. de la Sor. bibiiogr. — Jarrin. La Bresse et le Bugey; leur place
dans l'histoire. Bourg, Autier. — Rigollot. Vendôme et les bords du Loir;
simples noies historiques et archéologiques. Vendôme, impr. Launay. — Sto-
relli. Notice historique et chronologique sur les châteaux de Talcy et de Diziers.
Baschet. — A. JuUirn. La Nièvre à travers le passé; loi>ographie historique
de ses principales villes décrites et gravées. Quantin. — N. Chorier. Histoire
générale du Dauphiné, 2 vol. in-4'. Valence, impr. Chenevier et Chavet.
BioaRAPiiiK. — V. de Seilhac. L'abbé Marc-René d'Espagne; papiers de
famille. 1752-94. Tulle, Crauffon. — A. Marcade. Talleyrand prêtre et évoque.
Rouveyre et Blond. — Dumëril. Lord Ërskine, étude sur le barreau anglais au
xviii* s. Thoriii. — J.-A. Favé. Le dernier des ligueurs : essai critique sur
Ph. Kinmanuel de Lorraine, duc de Mercœur. Brest, impr. Halégouet. —
A. Iluart. Jacques de Bourbon, roi de Sicile, frère mineur cordclier à Besancon
(extrait du liuiletin de l'acad. de Besançon, 29 nov. 1881).
CHIOXiQrK ET RIBLIOOliPHIK. 177
Documents. — A. de Martonne. Ra|»|H)rt hur les archive» du <léi>arteiiifnt de
la Mayenne. LMival, imp. Morcau. — Bertrand. Docuiii. inéd. pour MTvirà l*hiM.
du Maine, 4* fasc. Le Mans. Monnoyer. — Bonvarlel. Notes et documents pour
scr>ir à l'histoire des maisons religieuses et hospitalières de la Flandre mari-
time-, suite. IJlle, impr. Lefebvre-Ducrocq. — Madival et Laurent. Archives
parlementaires de 1787 k 1860; recueil complet des débats léf^islatifs et |Hdi-
tiques des chambres françaises, t. LU, du 15 mai 1827 au 7 mars 182K. P. Du-
p(»nt. — B Prast. Journal de Ouillaume Durand, chinirKien à Poligny, irilO-V'3.
Champicm (extrait tlu Bulletin de la Soc. d'agric, sciences et arts de Poligny).
— P. de Fleury. Petites chroniques du moine de Saint-fybard d'Angouleme.
Anf^ouleme, Goumard (extrait du Bull, de la Soc. arcb. el hist. de la Charente).
— Rrièle. Odlection de documents pour senir à l'histoire des hôpitaux de
Paris; t. IL Alph. Picard. — E. Michaud. Limis XIV et Innocent .XI; t. IV et
dernier. Charpentier.
Alsaoe-Lorraine. — La librairie K.-J. Trubner, de Strasbourg,
vioiit do mettre en vento un nouveau volume de ['Inventaire sommaire
des arehives eommunates de la viilc de Strasbourg antérieures à 171M),
rédigé par M. J. Brucker. Il est consacré à la série .\.\ : actes consti-
tutifs et politiques de la commune, et comprend la correspondance que
les souverains, corps d'Ktat, gouverneurs et autres personnages entre-
tinrent avec elle depuis le commencement du xiii'' s. (1*02), les picVes
relatives aux cérémonies, et entrées solennelles des princes, aux nomi-
nations de députés aux états généraux ou provinciaux, les messages
des villes. Un appendice donne l'inventaire de deux liasses d'acte»
relatifs à Tinvasion du comte Krnest de Mansfeld en Alsace en 10*21-2*^
I^ volume ne comprend pas moins de 312 [». iu-i^ à deux colonnes,
bourrées de noms, de dates et do faits. Il est inutile d'insisu^r sur Tim-
portance exceptionnelle de cette publication.
Allema^e. — Le 11 mars est mort à Greifswabl M. C Wibsei.kr,
professeur de théologie à l'Université de cette ville, auteur de nombreux
travaux d'exégèse ot d'histoire ecclésiastique; il a publie entre autres
une Reformationsfjeschichte von Pommem (1870;, une Geschiehte der Chris-
tenverfolgungen der rœuiischen Kaiser (1878), une dissertation sur la
natitmalité germanique des Galates en Asie Mineure (1877), etc.
— Le 27 mars est mort le IV K.-R. Hedbpenmno, profes.<»eHr de théo-
logie à l'université de (i(ettingue; on lui doit un travail sur la vie et
les leuvres d'Origène (t8i8).
— Le 28 mars ost mort à Darmstadt le (K Lorenz DtEFKxnACii, à l'âge
do 77 ans; {»armi ceux de s<'s ouvrages qui se rapportent à l'histoire on
cite : Cettiea; spraehiiche Doeumente zur Geschiehte der Kelten (1S:V.M;
Origines euroj>e^: die alten Vtriker Eurojn^a's (1861i; Die Volksststnme
der eurofijtischen Tiirkei (1877).
— Le IV (i. VON BrscHVALn, qui vient de publier les Disehofs-und
Fiirsten l'rkundcn des XII u. XIII Jahrh., a été nomnié bibliotbécaire du
grand-duché de Mecklomltourg et archiviste de Xeu-8trelitz.
— \ji réunion annuelle de la direction centrale des Monwnenta Ger^
478 CMÊOnHUCE BT NBUOGlAFnB.
maniae n'est tenue à Beriin les 31 mars et t avril derniers. Dans le cou-
rant da dernier exercice ont para : 1 • le t. XX VI des Scriptares, la i «^ parL
dn t. IV des Deutsche Chroniken (chron. de Limboarg) ; une nouvelle révi-
sion de Waltrami, ut vidttur, liber de uniUUe ecclesiae consercanda^ par W.
ScBWEXKEïTBEGHER, etnne nonv. édit. des Annales Bertinianiy par M.WArrz;
2* la 5* section des Leges, composée des Pormulae merowingici et karo^
Uni aevi, 1^ partie, par M. Zeuxer ; 3* dans la section des Rpistolae, les
EpistoUxe saec. III l e regestis pontificum romanorum selectae per G. -H.
Pertz, par M. G. Rodebtbebo, t. I; 4* le t. VUI du Neues Archic. L'im-
pression des autres volumes : XX Vn (extraits de chroniqueurs anglais
du xiii« siècle), XIV (additions aux douze premiers volumes) et XV
(vies des époques cariovingienne, saxonne et franconienne), avance
lentement, mais r^lièrement; diverses raisons retardent encore le
volume des Antiquitates, que dirige M. Mommsen, et l'édition des chro-
niqueurs mérovingiens, bien que M. Arndt soit déjà arrivé au livre Vil
de Grégoire de Tours, et surtout la section des Diplomata que dirige
M. Bickel.
Le t. XXVI des Scriptores, uniquement consacré à des extraits
d'historiens français des xiî« et xiii« siècles (on y a joint des frag-
ments de quelques auteurs originaires du comté de Flandre et ayant
écrit en langue française), est le premier d'une nouvelle série qui
comprendra successivement les extraits des auteurs anglais, danois,
polonais et hongrois. De chaque auteur on donne les passages rela-
tifs à l'histoire de l'Empire, de l'Italie et de la papauté. Toutefois, même
pour ces éditions fragmentaires, la direction des Monumenta a procédé
comme pour une édition complète du texte. Chaque auteur a été étudié
avec le plus grand soin, les fragments choisis ont été collationnés sur
tous les manuscrits connus, exactement comme s'il s'agissait d'une édi-
tion définitive. Aussi pour le classement des manuscrits, pour l'étude
des sources de ces écrivains, les historiens français devront-ils con-
sulter les préfaces et les variantes du nouveau volume des Monumenta.
Pour arriver à un pareil résultat, pour collationner tous ces extraits
sur des manuscrits disséminés un peu partout, M. Waitz a dû employer
plus d'un collaborateur; les principaux, qu'il nomme dans la préface,
sont MM. Liebermann, Pannenborg, A. Tobler, Holder-Egger, Brosien
et A. Molinier.
Il serait impossible d'énumérer tous les auteurs qui ont fourni les
fragments à cet énorme volume de 875 pages. Citons toutefois quelques
écrits dont le texte a été particulièrement amélioré par les nouveaux
éditeurs. En première ligne Richard de Poitiers; M. Waitz exprime
avec raison le souhait qu'un savant français donne bientôt une édition
définitive de cet auteur important pour l'histoire du xn« siècle. On trou-
vera un peu plus loin de longs extraits de différentes vies de saint Ber-
nard, avec une longue préface de M. Waitz; des extraits du Draco
Normannicus d'Etienne de Rouen; G. Pertz comptait donner une édition
CHIOXIQUB ET RIBLIOGRiPHrC. 479
complète de ce poème; la publication de Mai loi fit abandonner ce
projet; Tôdition italienne est malheureusoment bien défectueuse. La
Société des Antiquaires de Normandie a décidé de publier ce texte à la fois
historique et littéraire. La Chronique univtrselle, de Robert d'Auxerre,
qui n'a pas été réimprimée séparément depuis ie commencement du
XVII* siècle, a fourni de longs fragments au nouveau volume des Scrip^
tores f et M. Holder-Egger les a fait précéder d'une étude critique très
étendue; depuis Tabbé Lebeuf on n'a rien écrit de plus approfondi
sur cet auteur trop peu employé. Les historiens de Philippe-Auguste
Uigord et Guillaume le Breton ont naturellement fourni de longs
extraits. La nouvelle édition de Rigord, que vient de faire paraître
M. Delaborde, rend, il est vrai, inutiles pour les savants français les
extraits de cet auteur donnés par les Monumenta, Mais l'excellente
étude de M. Pannenborg sur la Philippide serei toujours à consulter; les
fragments de ce poème publiés par lui sont annotés avec un soin méti-
culeux, et ces notes permettent d'étudier les procédés littéraires du
poète du xni* siècle. Dans la suite du volume nous remarquons encore
de longs fragments des Chroniques de S. Martial, revus sur les manus-
crits originaux, des extraits de la Chronique universelle de I^aon (p. 442),
du Chroniœn Turonense^ du Ménestrel de Reims et des Annales nor-
mandes; le récit par André le Hongrois de la victoire de i^névent, récit
qui n'avait pas été réimprimé depuis Duchesne, enUn de longs passages
de Guillaume de Nangis, avec une excellente notice de M. Brosien.
La dernière partie du volume est consacrée aux chroniques de langue
française, écrites en Flandre ; elle renferme entre autres des fragments
de la curieuse Histoire fies ducs de Nonnandie, publiée jadis par Fran-
cisque Michel, Tune des sources les plus importantes pour Thistoire du
commencement du xni* siècle ; dans une excellente préface, M. Holder-
Egger montre le lien qui rattache cette composition historique aux
grandes chroniques de Flandre, publiées par M. Kervyn de Lettenhove.
£nhn M. A. Tobler a revu une partie du [)oème de Philippe Mousket,
publié jadis par M. de Reiffenberg.
— L'Académie des sciences de Bavière a décerné à M. Cari de Boor,
de Berlin, le prix annoncé pour une étude sur le recueil d'extraits
historiques de Constantin Porphyrogénète. Elle a mis au concours
les sujets suivants : 1« une édition critique des œuvres des historiens
militaires grecs, à l'exception du Toxrtxbv OuV^nt'^ d'Aeneias, avec une
étude sur les rapports de ces écrits et de ces écrivains les uns avec les
autres (terme : 31 déc. 1884); 2* yne étude topographique et historique
sur TEpire dans l'antiquité classique et jusqu'à Diociétien (31 déc. 1885).
lies mémoires peuvent être rédigés en latin, en grec ou en allemand;
la valeur de chacun de ces prix est de 2,000 m.
— La Société des sciences de la Haute-Lusace a mis au concours :
lo une biographie des deux fondateurs de la Société de la Haute-
Lusace, Gesdorf et Anton ; 2* une histoire de la féodalité dans ce pays
480 CHBO!nQIJE ET BIBLIOGEAPIRE.
depuis les plus anciens temps jusqu'à Tabolition des cens et des semoes
féodaux. Prix : 150 m. chacun.
— Sous le titre Rhenus paraît depuis 1883 une nouvelle rovoe locale
pour lliistoire rhénane, sous le patronage de la Société des antiquaires
d'Oberlahnstein.
— Une 4« édition de la Geschichie der deutschen FreiheiUknege 1813-
1814, par H. Beftzke, va prochainement paraître par les soins de
M. P. Goidtschmidt, qui l'enrichira de nombreuses pièces tirées des
archives prussiennes, autrichiennes, russes et suédoises, ainsi que de
correspondances des plus illustres contemporains.
LivmES NOUVEAUX. — HisTOiRs ohiiMALE. — D. Schxfer. Hanserecesse
von 1477-1530. Leipzig, Duncker et Hamblot. — Sdiwappack, Gmiidriss
der Forst ond Jagdgeschlchte Deatschlands. Berlin, Springer. — Binm.
Cultargeschichtliches aos deat^chen Predigten des Mittelalters. Hamboorg,
Nolte« — Ehrenherg, Der deatscbe Reichstag 1273*1378. Leipzig, Yeit et G'*.—
Bodenberg, Epistolae saecoli xiii e regestis pootificam romanomm selectaie
per Pertz, I. Berlin, Weidmanb. — Hecker, Die territoriale Politik des Erzbîs-
chofs Philipp I Ton Kœln 1167-91. Leipzig, Veit. — Neustadt. Markgraf Georg
von Brandenburg aU Erzieber ain ungariftcben Hofe. Breslaa, Kœbuer.— MKpier.
Briefe und Tagebûcher des Fiirstbischofs von Erroland Jos. von HohenzoUem.
Braonsberg, Huye. — Lindau. Lacas Granacb. Leipzig, Yeit. — Citmmerer,
Friedrich des Grossen Feldzugsplan fur das Jabr 1757. Berlin, Mlttler. —
Mûller, Politiscbe Gescbicbte der Gegenwart. Bd. XVI, 1882. Berlin, Springer.
HiSTOiai LOCALE. — Knothc, Urkundenbacb der Stœdte Kamenz n. Loebaa.
Leipzig, Giesecke et Devrient. — H<u$e. Die Quellen des Ripener Stadtrechts.
Hamboarg, Voss. — Herquet. Urkundenbucfa des Prœmonstratenserklosters
Arnstein an der Lahn. 1^ livr. Wiesbaden, Limbartb. — Bodeman. Die aslteren
Zunflurkunden der Stadt Lûneburg. Hanovre, Hahn. — Griinhagen et Mark-
graf. Lebns und Besitzurkunden Schlesiens und seiner einzelnen Fîirstenthumer
iin Miltelalter. Leipzig, Hirzel. — Neudegger, Gescbicbte der bayeriseben
Archive neuerer Zeit bis zur Hauptorganisation 1799. Munich, Ackermann. —
Rosenlhal. Beitroige zur deutschen Stadtrecbtsgcscbicbte. Wurzbourg, Stuber.
— Schmidl. Urkundenbuch des Hochstifls Halberstadt und seiner Biscbœfe.
Leipzig, Hirzel. — Wirtembergisches Urkundenbuch. Bd. IV. Stuttgart, Aae.
— K, von Krosigk, Urkundenbuch der Farnilie von Kroslgk. Halle, Schmidt. —
Fleischfresser. Die politiscbe Stellung Hamburgs in der Zeit des 30 j«ehr.
Krieges, I, 1618-26. Hambourg, Jenichen. — Gebhardt. Tbiiringiscbe Kirchen-
gescbicbte. Bd. 111. Gotha, Perthes. — Codex diplomaticus salemitanus, 4* Lfg,
1259-66. Carlsrube, Braun. — Sinenius. Die Reforination und Gegenrefonnation
in der ebemaligcn Herrschaft Breisig am Rbein. Barmen, Klein. — Wachter.
Gescbicbtscbreiber Schlesiens des XV Jabrb. Breslau, Max. — Haussier,
Urkundensammlung zur Gescbicbte des Fiirstentbums Œls bis zum Aussterben
der Piastiscben HerzogsUnie. Breslau, Max. — Weizel. Die Liibecker Briefe
des Kieler SUdUrcbivs 1422-1534. Kiel, libr. de l'Université.
Antiquité. — Curtius et Kaupert. Karten von Attika. Heft 2. Berlin, Reimer.
— Rœhl. Imagines inscriptionum graecarum anliquissimarum in usum schola-
rum. Ibid. — Braumann. Die Principes der Gallier u. Germanen bei Gsesar
u. Tacitus. Berlin, Ilabel. — 0. Lenel, Das Edictum perpetuum. Leipzig,
Tauchnitz.
CBIONIQUB ET BIBLIOT.EAPBIB. 4K4
HisTOfEE BTRANOÀRB.— Brouh. Lord Bolingbroke iind die Whig» und Tories
«einer Zeit. Frankfortftur-le-Mein, liter. An^Ult. — Handloike. Die lombtrdi»-
chen SUodte unter der Herrftchafl der Bischœfe, und die EnUtehung der Coin-
munen. Berlin, Weber. — MonumenU oomitialia regni TraasiiylTaniae, t. VIII.
Leipzig, Brockbaus. — Feuler. Geschichte Ton Ungarn, 2* èdiL par Klein. Ibid.
— 50 Jahre ruMi»cher Verwaltung in den balliAchen ProTinzen. Leipzig,
Dunrker et Homblot. — Hahn. Bonifaz und Lull; ihre angelMechsiftchen Cor-
renpondenten. Erzbiftcbof LuH'r Lebeo. Leipzig, Veit. — \%'attendor/f. Papst
Stephan IX. Paderborn, Scbœningb. — Ludwig. Der heilige Cbrynonlomus in
Minein Verbœltnift8e zum byzantiniacbeo llof. Braunsberg, Huye. — Tkun.
Geftchichle der révolu tionaaren Bewegung in Rus^land. Leipzig, Duncker et
lluinblot.
Autriche-Hongrie. — Le 20 mars est mort à Vienne, à Tàgo do
39 ans, le I> O.vyszkiewicz, professeur de langue et de littérature
rutbènes à Czernowitz.
— Le 8 mai est mort à Tàge de quatre-vingts ans M. le D** Smutkk,
professeur d'histoire ecclésiastique à Tuniversité de Prague.
— Le 18 nov. est mort à Âgram M. Georg Danttchich, secrétaire de
r Académie des Slaves du Sud et professeur à Delgrade. Il était profon-
dément versé dans la langue et l'histoire slaves. Ou connaît son grand
dictionnaire historique slave, qu'il laisse inachevé; en fait d'histoire il
il publié les monographies des saints Sabas et Siméon, composées
par le moine Dometian, et la vie des archevêques et rois de Serbie,
composée (lar Tarchevéque Daniel.
— Le D' L. Pastor a été nommé professeur d'histoire à l'univorsité
dlnnsbruck.
— On a mis au concours, pour le prix Moriz-Rappaport, à Vienne,
le sujet suivant : c Quelle influence ont eue les médecins juifs sur le
judaïsme et sur le peuple juif? Étudier cette influence surtout au moyen
âge. » (Terme : 15 oct. 1884.)
— Depuis le commencement de Tannée parait à Prague une nouvelle
revue, Sbornik historisky ; elle se consacrera aux études historiques en
gémirai, et en particulier à l'histoire de la Fk)héme. Le rédacteur en
chef est M. A. Rëzëk, professeur à runiversitc de Prague.
LivEBs NOUYiAUZ. — C v<ni Hcp/ler. Zur Kritik und Quellenkunde der
erHlen Regierungsjahre K. KarU V; 3' part. Vienne, Gerold. — W. TonuucKek.
Zur hifttoriHchen Topographie von PerAien, I, die StraftMnzùge der Tabula Peu-
lingerana. Ibid. — Schram, IltilfHtafcln Vàr Chronologie. Ibid. — Uarrasow3k^.
Der Codex TheodonianuA und seine Uinarbeitungen. Bd. I. Ibid.
Grande-Bretagne. — On annonce la mort de M. John Corn.
O' (Iallaqhan, auteur d'une Ilistory of ttu insh brigades in the srrrice of
France, décédé à Dublin le 24 avril dernier.
— La Pipe roll Society^ dont nous annoncions dans le dernier numéro
la prochaine formation, vient de se constituer avec M. Borlase pour pré-
sident et le marquis de Bute pour vice- président. Le secrétaire est
M. Greenstreet, 16, Montpellier road, Peckham (Londres}; le prix
482 CHROMQUE ET BIBLIOGRAPHIE.
annuel de la souscription est d'une guinée. Le premier volume est sous
presse.
— La Camden Society met en distribution pour Texercice 1882-83 le
Catholicon Anglicanum et le t. Yin des Camden Miscellany, Pour 1883-84,
elle donnera : 1* le récit officiel du voyage à Cadix eh 162d ou plutôt de
Texpédition dont Téchec eut un si grand retentissement en Angleterre ;
2* le note-book de Gabriel Hervey, intéressant pour Thistoife de Tuni-
versité de Cambridge à Tépoque d'Elisabeth; 3* un choix de pièces
extraites des papiers Lauderdale, relatives à la Restauration en Ecosse.
— Le D^" R. Caulpield de Cork a donné à la bibliothèque de Corpus
Christi Collège, Cambridge, 60 mss. sanscrits, persans et hindous,
réunis par M. le col. Honnor.
— M. W. Stokes est chargé de publier pour la collection du maître
des rôles la c Vie triparti te de saint Patrik, > contenue dans des mss.
irlandais de la Bodleienne et du British Muséum. M. Martin Rule est
chargé de VHistoria novorum d'Eadmer, 959-1122; le cartulairede l'an-
cienne abbaye bénédictine de Ramsey sera publié par M. W. Hart et
par le Rév. A. Lyons ; celui de S'-Mary's abbey près de Dublin, d'après
un ms. de la Bodleienne; le volume des Year books pour la 11* et la
12« année d'Edouard III, par M. L.-O. Pike; une nouvelle édition des
Gesta regum de Guillaume de Malmesbury, par M. Stubbs; un recueil
de lettres de Jean de Salisbury, évoque de Chartres de 1176 à 1180.
— La Société archéologique de Kent vient de publier la cinquième et
dernière partie des Peet of Fines (Pedes fînium) pour le comté de Kent
pendant le règne d'Edouard II, dont les extraits ont été faits par
M. Grebnstbeet. La Société archéologique pour le comté d'York songe
à entreprendre pour sa part un travail analogue.
— M. James Gairdner s'est chargé de réunir et de publier en 2 vol.
les préfaces mises par feu M. Brewer en tête des volumes des State
papers concernant Henri VIII.
— M. Edw.-A. Freeman prépare un nouveau volume de mélanges
archéologiques et historiques sous le titre English towns and districts.
Il vient aussi de publier une édition abrégée en un mince volume de
son Histoire de la conquête normande (Clarendon Press).
— Le !«' vol. d'une Histoire du comté de Renfrew, par M. Al. Gard-
ner, vient de paraître. L'édition est tirée seulement à 350 ex.
— Le rapport de la Record Society, qui accompagne les t. VII et VIII
dos publications de cette société, annonce que les Guild rolls de Preston,
qui vont de 1397 à 1682, formeront le t. IX; l'index aux testaments
enregistrés à Richmond (comté d'York) par le lieutenant-colonel Fish-
wick formera le t. X {The Academy, 12 mai 83).
— Le t. I du Vêtus registrum Sarisberiense vient de paraître dans la
collection du Maître des rôles, par les soins du Rév. W. U. Rich Jones,
CBKnrQDE RT BIBLinGIAPBlE. 1H3
chanoino de Salisbury, do mi^me que les tomes V et VI du De legibus
Angliae de Bracton.
— Sir Charles E.-F. Stirlino vient do publier un petit vol. in-4* inli-
tuh» : The Stirlings of Craûjbernard and Giorat, représentatives of the
houxe of Cadder and the earls of ïlothwell, and notices of thnr cadets ;
Rome leaves of Lennox liistory, >\-ith an appendix of charters aud other
<iocuments (n'est pas dans le commerce).
— On doit publier prochainement par souscription la t Visitation of
(iloucestershire » en 1683, avec des additions (lar feu sir Th. IMiillipps
(Fenwick et Metcalfel.
— M. le col. WfLsoN vient de terminer un ouvrage sur Jacques II et
le duc de Berwick. L'incendie qui a détruit les magasins de MM. Kegan
Paul, Trench et 0<*, en retardera sans doute l'apparition.
— Le I)c Ll'mby a complété son ÎMlition de THistoire de Richard III
par More, en y ajoutant les c Conclusions de l'histoire de Richard III »
qui se trouvent dans la continuation de la Chronique de Hardyng,
Londres, 1543.
— On vient de retrouver le rôle des membres du parlement d'avril
ir>14 ; il est catalogué dans la seconde partie de l'Appendice au 8« rap-
port de la Commission des mss. historiques ; il porte le n« 143 des mss.
KimboUon ; le texte de ce document sera publié dans le prochain numéro
du Palatine Note^book,
— Une 4* édition des Select charters de M. Stubbs vient de paraître
((]larendon pressl ; elle ne diffère en rien de la S^* ni de la 2**. Celles-ci
contiennent au contraire plusieurs documents d(> plus que la première.
On peut donc employer et citer indifféremment toute autre édition ({ue
celle-ci.
UvRBs NOUVKAUX. — Bîstet, A Hhorl hiiitory of the engliftb Parliainent.
liondrcs, WIlliaiiiK et Norgate. —Ch.'T. WVton. Theduke of Berwick, marshal
of Francr, 1702-3*. Ki'pan Paul, Trcnrh et C". — Loftie. A hlnlory of I^ndon,
2 vol. Stanford. ^ J,'H. Parker. Jhc archa«logy of Rome: nouT. mlil. de la
i'}* fiartie : the via sarra, coiintaining an arcount of the excavationA in Rome,
1438-1882. — Shadweit, The architectural hinlor) of the cit) of Rome, 2* êdit.
Oiford, Parker et C**. -> Chester, RuKsia, |»a!(t and présent Soc. for promet.
rhri*«t. Knowledge.
Italie. — M. Ercole Ricom, décédé à Turin le 24 févr. dernier, a
lais.*<é divers travaux historiques estimés : Storia délie Compagnie di
Ventura (1844-4r)) ; Storia délia monarchia piefnontese, 'î vol. parus de
181)1 à 1861); deux vol. des .Monument! historiao patriae, où il a publié
le • Liber jurium reipublicae (îenuensis, > sans compter divers mémoires
IMirus surtout dans les Actes de l'Académie de Turin, et la (tart active
(|u'il prit à la grande entreprise faite de publier les Diarii de Marin
Sanudo. Il était né à Voghera en oct. 1816.
— M. Scipiouo VoLPtcELLA, décédé à Naples le 25 fevr. dernier, était
484 CHRONIQUE ET BIBLIOGRAPHIE.
né le 5 août 1810 ; on lui doit une Collezione di opère inédite o rare di
storia napoletana, commencée en 1839 et bientôt interrompue ; une
Cronaca di notar Giacomo (1845) ; divers mémoires insérés dans TArchi-
vio de la Société napolitaine d'histoire dont il était président à sa mort ;
des études sur plusieurs mss. importants de )a bibliothèque nationale
de Naples ; une Descrizione storica di alcuni principali monumenti délia
città di Napoli, etc. VArchivio storico per le provincie napoletane donne
une liste complète de ses publications (anno VIII, fasc. 1).
— Le t. XVI des Atti de la Società ligure di storia patria, qui vient
de paraître, contient la correspondance des représentants génois à
Londres, Franc. Bernardi et C. Fiesco, à Tépoque de Gromwell, publiée
par M. G. Prayer. Cette correspondance va de la bataille de Worcester
à la mort du Protecteur.
— La grande publication des Diarii de Marine Sanuto marche régu-
lièrement; il y a aujourd'hui 10 volumes publiés ; ils vont de 1496 à la
fin de juillet 1510.
Espagne. — Don Gayetano Rossell, directeur de la Bibliothèque natio-
nale de Madrid, est mort le 26 mars à Tâge de 67 ans. Il avait publié
une Historia del combate naval de Lepanto, un Discurso sobre la expédia
don de Oran, la Historia de la ciudad de Madrid^ la Cronica de la pro»
vincia de Madrid, les 9 derniers vol. de la continuation de la grande
Histoire d'Espagne de Mariana (Polybiblion, mai 1883).
— La Revista de Archivos, museos y bibliothecas , qui avait cessé de
paraître (nous en donnions autrefois régulièrement l'analyse), vient de
renaître sous un titre légèrement modifié. Depuis le commencement de
l'année, elle paraît par fascicules mensuels.
— M. A. F. GuERRA vient de publier à Madrid (Hernandez) le drame
de Santa Orosia, composé par B. Palan, poète aragonais du xvi« s., et
qui se rapporte à la chute et à la ruine de l'empire des Visigoths en
Espagne. Dans l'étude historique et critique dont il a fait précéder le
texte, M. Guerra expose les raisons qu'il a de croire que le roi Rodrigue
a survécu à la bataille de Guadalete, et .qu'il a encore exercé pendant
deux ans environ un certain pouvoir ; on a de lui des monnaies frap-
pées entre 711 et 713.
— M. Fr. Mateos Gago y Fernandez, dans le 5® vol. de la Coleccion de
opusculos (Séville, Izquierdo), a consacré un long mémoire à la question
de la papesse Jeanne, qu'il rejette avec raison parmi les fables.
— Le t. LXXIX de la Coleccion de documentos inédites para la his-
toria de Espana (Madrid, Murillo) renferme les deux derniers livres de
l'Histoire des Philippines par R. Aganduru, religieux augustin mort
en 1626, les lettres écrites de 1685 à 1688 par le duc de Monlalto à Pedro
Ronquillo, ambassadeur d'Espagne en Angleterre ; l'inventaire de l'Ar-
meria des ducs de l'Infantado, dressé en 1643, un récit, par un contem-
porain resté anonyme, des guerres d'Italie de 1511 et 1512 et de la
bataille de Ra venue, etc. (Rev. crit., 1883, n' 19).
CHRONIQUE ET BIBLIOGRIPHII. 485
— M. JiMENEz DE LA EspADA vient de publier pear la i'* fois les
Memorias antiguas historiales y politicas del Peru par d. Fem. Montesinos.
Suède. — M. Ad. Noreen a commencé à Upsil, aoas le titre de Aor-
disk Revy, une sorte de revue critique consacrée au compte-rendu de
livres intéressant aussi bien Tbistoire étrangère que celle des États du
Nord.
LivRBS NOUVEAUX. — FfifxeU. Bidrag till STeriges historia efler 1772. Stoc-
kholm, Lianstrœm. ~ WeibulL GuAtav II Adolf. Ibid. — BJcerlin. Finaka
kriget, 1808-9. Stockholm . Norstedt. -— C, de Silversiolpe, Svenskt diplomt-
tarium frân och roed âr 1401 ; t. II, 3* fasc. Ibid.
Rnsaie. — M. Vincent Makouchev, professeur de littérature slave à
l'université de Moscou, est mort le 15 mars dernier à T&ge de 44 ans. il
a publié les « Témoignages des auteurs étrangers du vi« au x* s. rela-
tifs à la vie privée et aux mœurs des Slaves > (1860), des « Matériaux
pour servir à l'histoire des relations diplomatiques avec la république
de Haguse, » une c Dissertation sur les monuments historiques et les
historiens de Ragnse, ■ des c Recherches historiques sur les Slaves de
r Albanie au moyen âge » {Polybiblion, 1883, mai).
UvEBS NOUVEAUX. — Mitlheilangeo aus der Livlaendischen Geschiclite.
Bd. XII. Riga, Kyismel. — Keussler. Zur Geschichle uod Kritik des bauerli-
chen Gcmeindebesilzes in RusHland, 2* partie. Pétersbourg, Ricker. — SchiC'
ifuififi. Der «Iteste fvchwedische Rataster LiT-uDd-Esllands. Reval, Kluge.
Orèce. — Un musée va être construit à Olympie, sur les plans de
M. Adler, pour recueillir les nombreux objets qu'ont mis à jour les
fouilles exécutées sur l'emplacement de cette ville.
Pasrs-Bas. — I^ 29 avril dernier est mort M. le !> Régnard Pierre
Aune DozY, professeur d'histoire universelle à l'université de Leyde.
Né ù Leydc le 21 février 1820, il fut nommé professeur en 1850. I^s
principales œuvres par lesquelles il a illustré la chaire qu'il occupait et
qui lui ont fait acquérir une réputation européenne sont les suivantes :
Historia Abbadidarum pmemissis scriptorum Arabum de ea dynastia
loris, nunc primum editis, trois tomes, Lieydo, 184C-1863 ; Dictionnaire
des notns des vêlements chez les Arabes, Amsterdam, i846, ouvrage cou-
ronné par la 3« classe de l'Institut royal néerlandais ; Abdo'l Wàhid^l"
Mavrékoski, the history of the Almohades, preceded by a sketch of the /iti-
tory ofSpain and of the history of the Almoravide^, now first edited firom
a ins, in the library of Leyden^ the only one existant in Europe, I^yde,
1847, livre réimprimé en 1881 ; divers ouvrages arabes en cinq
livraisons qui contiennent : Ibn-Badroun, commentaire historique sur
le poème d'Ibn-Abdoun, Ibn-Adhari de Maroc, Histoire de l'Afrique
et de l'Espagne , intitulée : Al - RayanoU - Nogrib , fragments de
la chronique d'Arib de Gordoue, le tout publié pour la première
fois, I^eyde, 1848-1851 ; des c Recherches sur Thistoire politique
et littéraire de TEspagne pendant le moyen âge, > 2 volumes, Leyde,
1 8 VJ, ouvrage réimprimé plus d'une fois; c Sur Tinfluence favorable
exercée par les révolutions en France depuis 1789 sur 1 étude de l'his-
\)^ MM'//'//*, 4^m* *^ *?tf.vi r^r "Un-r 3i«wr ses *-
^HUoh ♦•/'♦A ifi^ .^^»*i .î*t»ni « ^-4iru. \<^ï^'*.
^^>/ 7 U, 'h Hi^ff/Kff, i/mU %tS' ^ C^itUMn^: III : kî%U«re 4e» dnx
^^.^ i /iff,l.#t* lUIi* ^ f ^î<WM%#MiMr ; i^^itMfM, l«ltre« a arts : boot. édit.
l\t^^*HA¥ui. %oufi^ m. V* ai* frtfl., 1l$^yi. I^p»& Dwairker et Hum'
f/Z/^l, tni '4(fK u Ut ^. l'rU : 2/' w, - »ii/v;«a», Paptt Inootenz III ood seioe
/M^ Pf^y^m^ Ht h WMtSff, Mfi'U'i V *»'ï'^' ''"* ' ^ "*' — '^'*''- ''• <*• ^<»-'"-
*♦//.. 1*^/ >i »Mi'l \i'itH \St'f\\u, MlWl^îr, iJt-Vi^ 'ît 65 p, io-S*. Prii : 7 m. — Ha»-
*>Ht» litt*t Hiiitiitn^^iti^fht'iiUini hh ztir UiiUs d« XlVea Jabrh. GieMeo, Ric-
^tj, »t i/n\t ht «•, JnUtt'uUfrkUi titrr r;#;M:hichUwi»ftcn»<ïlufl, 3« année, 1880.
hn^ht, MlMIi^ .//iMiikM. hUuiitt\t*r nui Huichi^tage zu Worros 1521. Kiel, Li[»-
LISTE DES LITRES DÏPOSfe AU BUREAU DE LA RETUE. 487
sias et Tiscber, 72 p. iii-4*. — Lanowbrth von Simmben. Voo 1790 bis 1797 ;
der ReToluUonskrieg im Lichte uoserer Zeit. Hanovre, Braodes, 180 p. in- 12.
Prix : 1 m. 80. — Lossius. Die Urkunden der Grafen de Lagardie in der Uni-
versitœtsbibliotheke zu Dorpat. Dorpat, Rœhler, xiz-158 p. in-8*. — Nitzsgh.
Gescbichte des deutscben Volkes bis zuin Augsburger Reforinationsfrieden,
Bd 1. Leipzig, Duncker et Hamblot, zyiu-372 p. in-8*. — Politiscbe Gorres-
pondenz Friedrich's des Grossen, Bd VIII, IX. Berlin, Duncker, 605 et 463 p.
in-8*. — Prutz. Kulturgescbicbte der Kreuzziige. Berlin, MittJer, xxi-642 p.
in-8*. Prix : 14 m. — Rbumont. Lorenzo de' Medici il Magnifico. 2* éd., 2 vol.
437 et 499 p. in-8*. Leipzig, Dancker et Huroblot. — Simson. Jabrbùcher des
frœnkiscben Reiches unter Karl dem Grossen. Bd II. Leipzig, Duncker et
Humblot, 650 p. in-8*. Prix : 14 m. ^ Stibyb. Briefe und Acten zur Gescbicbte
des 30 jffibr. Krieges in den Zeiten des Torwaltenden Einflusses der Wittels-
bacber; Bd V : die Politik Bayerns 1591-1607, 2* Hœlfle. Municb, Rieger,
984 p. in-8". — Ulbjgb. Gescbichte des rœmiscben Kœnigs Wilbelro von Hol-
land, 1247-56. Hanovre, Hahn, 137 p. in-Ç*. Prix : 2 m. 40. — Wiboand. Urkun-
denbucb der Stadt Strasburg. Strasbourg, Triibner.
Bbbr. Die orientalische Politik Œsterreicbs seit 1774. Prague, Tempsky ;
Leipzig, Freytag, viii-832 p. in-8*. Prix : 24 m. — Sickxl. Das Privileginm
Otto's I Air die rœmische Curie vom Jahre 962. Innsbruck, Wagner, v-182 p.
in-8*. — WoLF. Historische Skizzen ans Œsterreich-Ungam. Vienne, Hœlder,
299 p. in-8'. •
WiBRZBOwSKi. Christophori Varsevicii opuscula inedita ad illustres viros
epistolae caeteraque documenta vitam ac res gestas ipsins illustrantia. Varso-
viae, Berger, vii-276 p. in-8".
Amabilb. Fra Tommaseo Campanella ; la sua congiura, i suoi prooessi e la
sua pazzia. 3 vol. ui-378, 443 et 669 p. in-8*. Prix : 20 1. Naples, Morano.
— Cantarblu. I latini juniani. Bologne, Garagnani, 110 p. in-8*. — Cblbsia.
Storia délia letteratura in Italia ne' secoli barbari. Gènes, iinpr. des sourds-
muets, vol. II, 425 p. in-8*. Prix : 4 1. — Faraoua. Il comune nell' Italia
méridionale 1100-1806. Naples, Furcbheim, zvii-419 p. in-8*. Prix : 10 1. —
C.-A. DB Gbrbaix-Sonnaz. Studi storici sul contado di Savoia e marchesato in
Italia. Vol. I, l'* part. Turin, Roux et Favale. — Poooi. Storia d'Italia 1814-46.
2 vol. Florence, Barbera, 592 et 612 p. in-16. Prix : 4 fr. 50. — Tommasini. La
vita e gli scritti di Niccolô Machiavelli neila loro relazione col Machiavellismo.
Vol. I. Turin, Lœscher, xxvii-744 p. in-8*.
Fahlbbgk. La royauté et le droit royal francs durant la première période de
l'existence du royaume, 486-614; traduit du suédois par Kramer. Lund, librairie
universitaire (Gleerup), zv-346 p. in-8*.
Erratum du précèdent numéro.
P. 244, 1. 20, lire : english Pariiament.
— 24, — lord Ilawke, first lord of Admiralty
486 CHUO!nQUE ET BIBLIOGRAPHIE.
toire (lu moyen âge, » discours inaugural (en hollandais), Leyde, 1850;
« le Gid, d'après de nouveaux documents, i Leyde, 1860 ; c Histoire
des Musulmans d'Espagne jusqu'à la conquête de FAndaloiisie par les
Almoravides (711-1110), i quatre tomes, Leyde, 1861 ; c nslamisme »
(en hollandais), réimprimé en 1879, et traduit en français par M. Ghanvip
sous le titre : Essai sur Vhistoire de l'Islamisme (1879) ; c les Israélites à
la Mecque, depuis le temps de David jusque dans le v* siècle de notre
ère » (en hollandais), Harlem, 1864 ; c Orientalia, liste explicative des
mots néerlandais originaires de l'arabe, de l'hébreu, du chaldéen, du
perse et du turc > (en hollandais), 1867 ; « le Calendrier de Gordoue de
l'année 961, texte arabe et ancienne traduction latine, ■ Leyde, 1873 ;
c Supplément aux dictionnaires arabes ; ■ « Al-Mahkari, analectes sur
l'histoire et la littérature des Arabes d'Espagne, » publiés en collabo-
ration avec MM. Duhat, Krehl et Wright, 1855-1861.
Tous ceux qui ont eu l'avantage de connaître M. Pozy ou d'étudier
ses œuvres regretteront la grande perte que la science historique et celle
de l'arabe ont faite. Ge qu'on admirait surtout en lui, c'était une rare
sagacité unie à un savoir d'une étendue considérable, à un talent
éminent de critique et à beaucoup de profondeur de vues et de maturité
de jugement. Les orientalistes qui s'assembleront au mois de septembre
prochain au congrès de Leyde se souviendront de la perte de celui qui
aurait été leur président. J.-A. W.
LISTE DES LIVRES DÉPOSÉS AU BUREAU DE LA REVUE.
{Nous nHTuUquotu pas ceux qui ont été appréciés dans les Bulletins
et la Chronique.)
BouRooiN. Valentiii Conrart et son temps, 1603-75. Hachette, 356 p. in-8% —
R. DE Maulde. Jeanne de France, duchesse d'Orléans et de Berry, 1464-1505,
d'après des documents inédits. Champion, xi-486 p. in-8'. — C** Pajol. Les
guerres sous Louis XV, t. II, 1740-48, Allemagne. Firmin-Didot, 527 p. in-8*.
— Perey et Mauoras. Les dernières années de M* d'Epinay. C. Lévy, in-8».
Prix : 7 fr. 50. — Retnald. Louis XIV et Guillaume III ; histoire des deux
traités de partage et du testament de Charles II. Pion, 2 toI., xi-376 et 395 p.
in-8*. — J. Zeller. Italie et renaissance ; politique, lettres et arts ; dout. édit.
2 vol., iv-428 et 496 p. in-l2.
Bernhardi. Konrad III, !'• et 2* part., 1138-52. Leipzig, Duncker et Hum-
hlot, viii-968 p. in-8». Prix : 20 m. — Brisghar. Papst Innocenz III und seine
Zoit. Fribourg-en-B., Herder, xvi-342 p. in-12. Prix :2 m. — Frhr. v. d. Goltz.
Rossbach und lena. Berlin, Millier, ix-308 et 65 p. in-S*. Prix :7 m. — Har>
NACK. Dus Kurfùrstencollegium bis zur Mille des XlVen Jahrh. Giessen, Rie-
ker, xi-270 [). in-8'. — Jahrcsbericbt der Geschichtswissenschafl, 3* année, 1880.
Berlin, Mittlcr. — Jansen. Aleander am Reichslage zu Worms 1521. Kiel, Lip-
LISTE DES UTRBS Dl(POSfe AU BURBAU DE Ll RBTTE. 487
Bios et Tiftcher, 72 p. io-4*. — Lanowbrth von Simmbin. Voo 1790 bis 1797;
der ReToluUonskrieg im Lichte unserer Zeit. Hanorre, Brandes, 180 p. in- 12.
Prix : 1 m. 80. — Lossius. Die Urliundeo der Grafeo de Lagardie in der Uni-
versiUetBbibliothelLe zu Dorpat. Dorpat, Kœbler, xiZ'158 p. in-8*. — Nitssch.
Gescbichte des deolscben Volkes bis zom Aogsburger Reformationsfrieden ,
Bd 1. Leipzig, Dunclier et Homblot, xtiii-372 p. in-8*. — Poliliscbe Corres-
pondenz Friedrich's des Grossen, Bd VIII, IX. Berlin, Duncker, 605 et 463 p.
io-8*. ~ Pairrz. Kultorgeschicbte der Kreuzziîge. Berlin, Millier, xxi-642 p.
io-8*. Prix : U m. — Reumont. Lorenzo de' Medici il MagnUico. 2* éd., 2 roi.
437 et 499 p. in-8*. Leipzig, Duocker et Homblot. ~ Simson. Jabrbiicber des
frœnkiscben Reicbes anter Karl dero Grossen. Bd II. Leipzig, Duncker et
Humblot, 650 p. in-8*. Prix : 14 m. — Stibtb. Briefe und Aclen zur Geschicbte
des 30 jœbr. Krieges in den Zeiten des vorwaitenden Einflusses der Wittels-
bacher; Bd V : die PoliUk Bayerns 1591-1607, 2« Hœifle. Munich, Rieger,
984 p. in-8'. — Ulbigh. Gesehichte des rœmiscben Kœnigs Wilhelm von Hol-
land, 1247-56. Hanovre, Hahn, 137 p. in-Ç*. Prix : 2 m. 40. — Wiboand. Urkun-
denbuch der Stadt Strasborg. Strasbourg, Triibner.
Bbkr. Die orientalische Politik Œsterreichs seit 1774. Prague, Tempsky ;
Leipzig, Preytag, yiii-^32 p. in-8*. Prix : 24 m. — Sigkxl. Das Privileglum
Otto's I fur die rœmiscbe Curie Tom Jahre 962. Innsbrurk, Wagner, v-182 p.
in-8*. — WoLP. Historische Skizzeo aus Œsterreich-Ungam. Vienne, Hœlder,
299 p. in-8'. •
WiBRZBOwSKX. Ghristophori Varsericii opuscula inedita ad illustres riros
epistolae caeteraque documenta ritara ac res gestas ipsius iilustrantia. Varso-
viae, Berger, tii-276 p. in-8'.
Amabilk. Pra Tommaseo Campanella; la sua coogiun, i suoi processi e la
sua pazzia. 3 roi. ui-378, 443 et 669 p. in-^*. Prix : 20 1. Naples, Morano.
— CANTAmsLU. I latini juniani. Bologne, Garagnani, 110 p. in-8'. ~ Cblbsia.
Storia délia letteratura in Italia ne' secoli barbari. Gènes, iinpr. des sourds-
muets, vol. II, 425 p. in-8*. Prix : 4 I. — Fa&aoua. 11 comune nell' Italia
méridionale 1100-1806. Naples, Furchheim, xyii-419 p. in-8*. Prix : 10 I. —
C.-A. OB Gbrbaix-Sonnaz. Studi storid sul contado di Savoia e marchesato in
IUlia. Vol. I, 1** part. Turin, Roux et Farale. — Poooi. Storia d'IUlia 1814-46.
2 Tol. Florence, Barbera, 592 et 612 p. in-16. Prix : 4 fr. 50. — Tommasini. La
Tita e gli scritti di Niccolô Machiarelli nella loro relazione r4>l Macbiarellismo.
Vol. I. Turin, Lœscher, xxvu-744 p. in-8*.
Farlbbck. La royauté et le droit royal francs durant la première période de
l'existence du royaume, 486-614; traduit du suédois par Kramer. Lund, librairie
universitaire (Gleerup), xt-346 p. in-8*.
Erratum du précédent numéro.
P. 244, I. 20, lire : english Pariiament.
— 24, — lord Hawke, lirst lord of Adroiralty
488 TABLE »CS HATIÈIES.
TABLE DES MATIÈRES.
ARTICLES DE FOND.
FusTEL DE CouL ANGES. Étude SU F Timmonité mérovingieime . 249
Ch. Dardieb. Jean de Serres, historiographe du roi; sa vie et
ses écrits 291
\^ G. d'Avenel. La fortune de la noblesse sous Louis XTTT (fin). i
F. Décrue. Les idées politiques de Mirabeau (suite) . . . .41, 329
MÉLANGES ET DOCUMENTS.
X. MossMANN. Un fonctionnaire d'empire alsacien au xr?« s. :
Bernard de Bebelnheim 66
R. DE La Blancuèrb. Excidium Montisfortini, 1557 .... 345
H. Taine. Un document inédit sur Latour M' Auvergne (1793) . 98
BULLETIN HISTORIQUE.
Allemagne. Publications sur Thistoire romaine (H. Haupt) . 114
Angleterre. Publications sur Thist. moderne (H. B. George). 395
France (G. Monod, Ch. Bémont) 101,376
Roumanie (A. D. Xenopol) 408
CORRESPONDANCE.
Lottros de M. Ern. Glasson et de M. E. Michaud 150
COMPTES-RENDUS CRITIQUES.
Baudrillart. Histoire du luxe, t. III (Bayet) 170
Borner Taschenbuch 1880-81 (Favre) 103
Boos. Urkundenbuch der Landschaft Basel (Mossmann) . . . 415
Brinkmaier. Praktisches Handbuch d. hist. Chronologie aller
Zeilon (Paoli) 157
Bruwaert. Mémoires de Jacques Carorguy, 1582-95 .... 183
Ik'DiNBKY. Die Ausbreitung d. latein. Sprache liber Italien und
d. Provinzen d. rœmischen Reiches (A. de J.) . . . 156
(^ARTAULT. De causa Harpalica (Lallier) 413
CiPOLLA. Storia politica d'Italia 164
Flammermont. Histoire des institutions municipales de Senlis. 438
Fonles reruiii Bernensium, t. Il et III 159